La proposition semblait folle, mais elle serait toujours d’actualité. Alors qu’en février dernier Donald Trump avait imaginé que la bande de Gaza pourrait devenir la "Côte d'Azur du Moyen-Orient", suscitant de vives critiques y compris parmi ses alliés, son projet circulerait encore au sein de son administration, en témoigne un rapport de 38 pages révélé par le Washington Post.
Selon le document, les Etats-Unis prendraient le contrôle de l’enclave, sous la forme d’une curatelle, pour au moins dix ans, le temps d’atteindre l’objectif de faire naître une Riviera de luxe et de constituer une "entité palestinienne réformée et déradicalisée", est-il précisé. Les deux millions d’habitants de Gaza, eux, seraient incités à partir vers d’autres pays ou dans des zones sécurisées à l’intérieur du territoire dévasté par près de deux ans de guerre, le temps de sa reconstruction.
Des jetons numériques
Pour les "motiver", les Etats-Unis prévoient d’offrir à chaque Palestinien choisissant de quitter le pays une indemnité de 5 000 dollars et des subventions pour couvrir quatre années de loyer ailleurs, ainsi qu’une année de nourriture. De leur côté, les propriétaires fonciers bénéficieraient de "jetons numériques" en échange du droit de réaménager leur propriété, servant à financer une nouvelle vie ailleurs ou, à terme, à acheter un appartement dans l’une des six à huit nouvelles "villes intelligentes alimentées par l’IA" qui seront construites à Gaza, indique le document. Des usines de voitures électriques, des centres de données ou des hôtels y seraient également financés par des investissements publics et privés.
D’après ce plan, baptisé "Great Trust", chaque départ individuel de Gaza permettrait d’économiser 23 000 dollars, comparé au coût des logements temporaires et des services de "maintien en vie" dans les zones sécurisées pour ceux qui restent. Ce projet a été élaboré par certains des mêmes Israéliens qui ont créé et mis en place la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), une organisation soutenue par les États-Unis et Israël qui distribue aujourd’hui de la nourriture dans l’enclave, accusée par plusieurs ONG de violer le droit humanitaire en servant les objectifs de Tsahal.
Un "plan très complet"
Mercredi 27 août, Donald Trump a tenu une réunion à la Maison-Blanche pour discuter des solutions pour mettre fin à la guerre, qui approche maintenant de ses deux ans. Parmi les participants figuraient le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial du président, Steve Witkoff ; l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, dont l’administration a sollicité les vues sur l’avenir de Gaza, ou encore le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, qui a piloté une grande partie des initiatives du président au Moyen-Orient durant son premier mandat et possède d’importants intérêts privés dans la région. Aucun compte rendu de la réunion ni aucune décision politique n’ont été annoncés, mais Steve Witkoff avait déclaré la veille que l’administration disposait d’un "plan très complet".
Si le Washington Post précise qu’il n’est pas possible, pour l’heure, de déterminer si la proposition détaillée et exhaustive du "Great Trust" correspond bien à ce que Donald Trump a en tête, deux personnes au courant du dossier ont affirmé au média américain que les principaux éléments du projet ont été spécifiquement conçus pour concrétiser la vision du président d’une "Riviera du Moyen-Orient".
Deux semaines après une réunion à la Maison-Blanche entre Donald Trump et plusieurs dirigeants européens, dont Volodymyr Zelensky, à l'issue de laquelle le président américain avait annoncé un futur sommet entre le président ukrainien et Vladimir Poutine, une telle rencontre semble de moins en moins probable. Washington assure toutefois continuer à travailler pour "arrêter la guerre". Selon le président russe, celle-ci a été déclenché par "un coup d'Etat en Ukraine, qui a été soutenu et provoqué par l'Occident" : s'exprimant ce lundi 1er septembre lors d'un sommet régional en Chine, le maître du Kremlin a défendu son offensive, rejetant toute responsabilité pour dénoncer plutôt "les tentatives constantes de l'Occident pour attirer l'Ukraine dans l'Otan".
Les infos à retenir
⇒ Vladimir Poutine défend l'offensive en l'Ukraine et blâme l'Occident
⇒ Un suspect arrêté après le meurtre de l'ex-président du Parlement ukrainien
⇒ La Russie et l'Ukraine poursuivent leurs attaques
Vladimir Poutine défend l'offensive en l'Ukraine et blâme l'Occident
Le président russe a défendu lundi son offensive en Ukraine, accusant une nouvelle fois l'Occident d'avoir déclenché le conflit, lors d'un sommet organisé par Pékin à Tianjin, en Chine. "Cette crise n'a pas été déclenchée par l'attaque de la Russie en Ukraine, elle est le résultat d'un coup d'Etat en Ukraine, qui a été soutenu et provoqué par l'Occident", a déclaré Vladimir Poutine lors d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Cette déclaration fait référence aux mouvements pro-européens du Maïdan en Ukraine, qui ont forcé le président prorusse du pays à quitter le pouvoir en 2014.
"Pour que le règlement de la crise ukrainienne soit durable et à long terme, il faut s'attaquer aux causes profondes de la crise", a-t-il ajouté, répétant qu'une partie de l'origine du conflit "réside dans les tentatives continues de l'Occident d'intégrer l'Ukraine dans l'Otan".
Deux semaines après avoir rencontré Donald Trump en Alaska, Vladimir Poutine a par ailleurs déclaré que les "accords" conclus avec le président américain avaient ouvert la voie à la paix en Ukraine, sujet qu'il aborderait avec les dirigeants participant au sommet régional en Chine. Il a indiqué avoir déjà détaillé dimanche au président chinois Xi Jinping les résultats de ses discussions avec Donald Trump et le travail "déjà en cours" pour résoudre le conflit, et précisé qu'il fournirait plus de détails lors de réunions bilatérales avec le dirigeant chinois et d'autres dirigeants. "Nous apprécions grandement les efforts et les propositions de la Chine et de l'Inde visant à faciliter la résolution de la crise ukrainienne", a encore déclaré le président russe.
Un suspect arrêté après le meurtre de l'ex-président du Parlement ukrainien
Le président ukrainien a annoncé lundi l'arrestation de l'auteur présumé de l'assassinat de l'ex-président du Parlement Andriï Paroubiy, survenu samedi dans l'ouest du pays. Le suspect a été interpellé dans la région de Khmelnytsky, entre Lviv et Kiev, à l'issue d'une opération qui a mobilisé "des dizaines" de membres des forces de sécurité, a précisé le ministre de l'Intérieur, Igor Klymenko. Volodymyr Zelensky a assuré sur les réseaux sociaux que les investigations se poursuivaient et a remercié les enquêteurs pour leur "travail rapide et coordonné".
Andriï Paroubiy, 54 ans, était une figure de la révolution pro-européenne du Maïdan et avait été président du Parlement ukrainien, la Rada, de 2016 à 2019. Il a été tué par balle samedi à Lviv, un assassinat que le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a imputé à demi-mot à la Russie.
Andriï Paroubiy est notamment connu pour son rôle dans les grands mouvements pro-européens en Ukraine, d'abord la "révolution orange" de 2004, puis celle du Maïdan en 2014. Il avait été "commandant" des groupes d'auto-défense lors des manifestations du Maïdan, réprimées dans le sang. Ce mouvement avait forcé le président prorusse Viktor Ianoukovitch à quitter le pouvoir pour fuir vers la Russie en 2014.
Ukraine : un couple meurt dans une frappe russe sur sa maison
Un couple a trouvé la mort dans une frappe russe sur sa maison dans la région de Zaporijjia, a annoncé l'administration militaire locale tôt lundi. "Les Russes ont attaqué le village d'Omelnyk avec des bombes guidées. Des maisons ont été détruites. Dans l'une d'elles, un couple a trouvé la mort", a indiqué le responsable de la région militaire de Zaporijia, Ivan Fedorov, précisant que l'homme avait 64 ans. L'Ukraine est quotidiennement la cible de frappes nocturnes russes. Celles-ci avaient fait 25 morts dont quatre enfants dans la nuit de mercredi à jeudi à Kiev.
En parallèle, plusieurs régions du sud et du sud-ouest de la Russie ont été placées en alerte aérienne pendant plusieurs heures au cours de la nuit, selon les informations publiées sur les chaînes Telegram officielles des régions en question. La chute de débris provenant d'un drone ukrainien détruit a provoqué un incendie dans une sous-station électrique de la ville de Kropotkin, qui a été rapidement éteint, a déclaré lundi l'administration de la région de Krasnodar, dans le sud de la Russie.
Les derniers jours d’août, il a multiplié les allers-retours entre l’Elysée et le siège des armées, afin d’être parfaitement au point au moment de prendre ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA), ce lundi 1er septembre. Tout en assurant jusqu’au bout ses responsabilités de chef d’état-major particulier du président, le général Fabien Mandon a pris la mesure des responsabilités qui l’attendent en tant que premier militaire de France, auprès de celui qu’il va remplacer, Thierry Burkhard. Ce dernier lui a détaillé les sujets en cours et les décisions qu’il y aura prochainement à prendre.
Les premiers déplacements du nouveau CEMA devraient être consacrés aux troupes qu’il dirige, comme le veut l’usage – la France compte 200 000 militaires et 40 000 réservistes. En plus d’une visite aux soldats de l’opération Sentinelle, il devrait se rendre auprès d’unités à l’étranger. Passé cette première séquence, il va devoir faire avancer les nombreux dossiers empilés sur son bureau. Avec un avantage : il les connaît déjà très bien, pour avoir officié comme premier collaborateur militaire d’Emmanuel Macron les deux dernières années.
Sur le plan international, il va continuer à mener, avec son homologue britannique, les consultations régulières de la "coalition des volontaires" regroupant une trentaine de pays alliés de l’Ukraine. Si la France est prête à engager des troupes sur le terrain pour apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine, d’autres se montrent frileux, ou n’envisagent qu’une aide à distance. Ces derniers jours, au siège de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, on se satisfaisait d’une bonne nouvelle : Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis, tout en refusant d’envoyer des soldats, pourraient fournir un soutien, notamment aérien, à Kiev, en cas de cessez-le-feu et de présence militaire occidentale au sol. Pour certains alliés, c’est un préalable à toute participation.
Sur le plan national, ce n’est pas moins compliqué. Le CEMA risque de voir la question budgétaire se corser avec la chute possible du gouvernement, le 8 septembre – le Premier ministre, François Bayrou, a appelé un vote de confiance ce jour-là à l’Assemblée nationale. Lors de son discours aux armées du 13 juillet, Emmanuel Macron, en insistant sur le fait que "jamais, depuis 1945, la liberté n’avait été si menacée", a appelé à un effort financier supplémentaire de 3,5 milliards d’euros en 2026 au profit de la défense et de 3 milliards en 2027. L’instabilité politique pourrait remettre en cause cette exigence présidentielle à laquelle Matignon a souscrit.
"Le respect intégral de la loi de programmation militaire 2024-2030 et des augmentations annoncées par le président sont impératives pour passer les contrats avec les industriels et tenir ensuite les engagements annoncés, explique le général (2S) Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. Il en va de notre propre sécurité, les menaces ne cessent de croître, la guerre hybride menée par la Russie est une réalité et continue de s’amplifier." Ces augmentations doivent permettre d’accélérer la modernisation des outils militaires et de tenir la promesse collective, à l’Otan, d’une hausse de la part de PIB consacré à la défense à 3,5 % d’ici 2035.
Si le prochain projet de loi de finances passe sans encombre, le CEMA pourra plus aisément mettre en place un nouveau format d’engagement : le service militaire volontaire (SMV). Le président y tient particulièrement et devrait donner "[ses] orientations et [ses] réflexions en ce sens à l’automne", comme il l’a indiqué lors de son discours de juillet. "On ne peut plus se reposer sur le modèle décidé à la fin des années 1990, quand Jacques Chirac a mis un terme à la conscription au profit d’une armée de professionnels, estime Jérôme Pellistrandi. Plus largement, il y a un travail à mener autour du recrutement sous toutes ses formes."
Sur ce sujet, le défi consiste à trouver la meilleure utilisation possible des réservistes – l’objectif est de 80 000 en 2030 contre moins de 50 000 actuellement – et de ces volontaires qui s’engageraient pour une année. Selon nos informations, les forces terrestres envisagent l’accueil de 10 000 jeunes faisant leur SMV par an. Cette armée plus "mixte", dont le modèle reste à trouver, pourrait être l’un des legs importants du mandat qui s’ouvre pour le général Mandon.
Le général Fabien Mandon succède comme chef d'état-major des armées au le général Thierry Burkhard (à droite), ici à la sortie du Conseil des ministres à l'Élysée, le 3 juillet 2024 à Paris.
L’image est désormais l’une des plus connues de l’histoire. Winston Churchill, le Premier ministre britannique, Franklin Roosevelt, le président des Etats Unis, et Joseph Staline, à la tête de l’URSS, assis côte à côte. Ce 4 février 1945, les trois dirigeants sont réunis pour décider d’une stratégie pour mettre fin à la Seconde guerre mondiale.
Mais au-delà de ce qui sera décidé lors de la conférence de Yalta, c’est la proximité entre l’Américain et le Russe qui est remarquable. Qui aurait pu imaginer voir collaborer ces chefs de deux Etats que tout oppose. La relation entre les deux hommes a été clef dans la résolution de la guerre, et reste dans les livres d’histoire l’exemple des liens qui ont pu exister entre la Russie et les Etats Unis.
Les tandems de dirigeants qui vont leur succéder seront désormais toujours comparés à Staline et Roosevelt, alors que les relations russo-américaines sont cruciales pour la diplomatie internationale.
Le leader soviétique Staline (G), le président américain Roosevelt (C) et le Premier ministre britannique Winston Churchill (D) lors de la conférence de Téhéran le 28 novembre 1944
L’image est désormais l’une des plus connues de l’histoire. Winston Churchill, le Premier ministre britannique, Franklin Roosevelt, le président des Etats-Unis, et Joseph Staline, à la tête de l’URSS, assis côte à côte. Ce 4 février 1945, les trois dirigeants sont réunis pour décider d’une stratégie pour mettre fin à la Seconde guerre mondiale.
Mais au-delà de ce qui sera décidé lors de la conférence de Yalta, c’est la proximité entre l’Américain et le Russe qui est remarquable. Qui aurait pu imaginer voir collaborer ces chefs de deux Etats que tout oppose ? La relation entre les deux hommes a été clé dans la résolution de la guerre, et reste dans les livres d’histoire l’exemple des liens qui ont pu exister entre la Russie et les Etats Unis.
Les tandems de dirigeants qui vont leur succéder seront désormais toujours comparés à Staline et Roosevelt, alors que les relations russo-américaines sont cruciales pour la diplomatie internationale.
Dans cette série, La Loupe brosse ainsi les portraits de quatre binômes et de leur influence, avec Andrei Kozovoï, professeur à l’Université de Lille, spécialiste des relations internationales, auteur de Les services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier). Episode 1 : Nikita Khrouchtchev et John F. Kennedy.
Le leader de l'Union soviétique Nikita Khrouchtchev rencontre le président américain John Fitzgeral Kennedy devant l'ambassade des Etats-Unis à Vienne, en Autriche, le 3 juin 1961.
En ce début août, en pleines discussions diplomatiques autour d’un éventuel accord de paix en Ukraine, le char T-72 trace sa route sur le terrain d’entraînement du célèbre fabricant russe Uralvagonzavod, à Nijni Taguil, dans l’Oural. Dans une vidéo publiée par son constructeur, l’engin, fraîchement sorti d’usine, enchaîne les manœuvres au son d’un rock survolté : tir en roulant, traversée d’un bassin d’eau, demi-tour dans le sable… A ceci près qu’il s’agit-là d’une version dépoussiérée de ce vénérable blindé datant de l’ère soviétique. Elle est dotée de toute une panoplie d’améliorations dont un nouveau canon, un blindage renforcé, ou des filets anti-drones. "Le T-72 possède un potentiel de modernisation véritablement inépuisable et continue à être perfectionné en tenant compte de son utilisation au combat dans le cadre de l’opération militaire spéciale" en Ukraine, vante son constructeur sur sa chaîne Telegram. Plus d’un demi-siècle après sa mise en service, ce tank figure toujours en bonne place sur les chaînes de montage russes. Rien qu’en 2024, environ 200 modèles auraient, selon les estimations, été remis à neuf pour alimenter l’effort de guerre.
La même année, les Russes auraient en outre produit entre 250 et 300 nouveaux chars T-90, un modèle lancé après la chute de l’URSS et, lui aussi, grandement mis à contribution sur le champ de bataille. C’est quatre à cinq fois plus que la soixantaine d’unités sorties d’usine deux ans plus tôt, lors de la première année du conflit. "A la différence des Etats européens qui en ont parlé sans réellement le faire, la Russie est passée en économie de guerre, résume Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, aujourd’hui chercheur à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Son outil industriel a été pleinement mobilisé ces dernières années, et il tourne aujourd’hui à plein régime pour soutenir l’offensive en Ukraine." Et pas question visiblement de réduire la cadence. Dans un document déclassifié daté d’avril, le général Christopher Cavoli, alors commandant suprême des forces alliées en Europe, avait estimé que la Russie pourrait cette année atteindre une production astronomique de 1 500 chars – contre autour de 135 pour les Etats-Unis – auxquels s’ajouteraient 3 000 véhicules blindés.
Moscou a donné un sérieux coup de fouet donné à son complexe militaro-industriel en ouvrant en grand les cordons de la Bourse. Depuis le début de son invasion de l’Ukraine, son budget de défense a quasiment doublé, se hissant de 86,4 milliards de dollars en 2022 à plus de 160 en 2025. Soit, avec 7,2 % du PIB, un montant supérieur aux dépenses combinées de l’éducation, la santé, la politique sociale et le soutien à l’économie nationale. Après être passées en trois-huit, sept jours sur sept, dès la première année de guerre, nombre d’usines ont agrandi leurs installations ou créé de nouveaux sites de production. Et recruté à tour de bras pour faire tourner cette machine infernale. Deux ans et demi après le début du conflit, le gouvernement avait revendiqué la création de 700 000 postes dans l’industrie de défense, faisant de ce secteur l’un des plus gros employeurs du pays, avec plus de 3,8 millions de travailleurs.
"L’Europe n’est pas prête à faire face"
Dans les capitales européennes, on regarde cette montée en puissance d’un œil plus qu’inquiet. "Un pays qui investit 40 % de son budget dans de tels équipements, qui a mobilisé une armée de plus de 1,3 million d’hommes, ne reviendra pas à un état de paix et un système démocratique ouvert du jour au lendemain", a diagnostiqué cet été Emmanuel Macron sur LCI, l’air sombre, en marge d’une réunion entre les Européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump à la Maison-Blanche. "L’ogre" russe, qui s’est doté en un quelques années d’un arsenal impressionnant, constitue désormais une vraie menace pour le Vieux Continent. "Lorsque la guerre prendra fin, la Russie sera lourdement armée, avec une production accrue, une économie militarisée, et des forces ayant tiré les leçons de l’invasion de l’Ukraine, insiste Kateryna Bondar, chercheuse au Center for Strategic and International Studies (CSIS). A ce stade, l’Europe n’est absolument pas prête à faire face."
Des troupes russes et biélorusses participant à l'exercice militaire Zapad-2021 dans la région de Brest en Biélorussie le 14 septembre 2021
Quelques jours avant le dernier sommet de l’Alliance Atlantique en juin – où ses membres ont accepté de porter leurs dépenses de défense et de sécurité à 5 % d’ici 2 35 – son secrétaire général, Mark Rutte, avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme. "En matière de munitions, la Russie produit en trois mois ce que l’ensemble de l’Otan produit en un an", avait lancé l’ex-Premier ministre néerlandais, ajoutant que Moscou pourrait être prête à recourir à la force militaire contre l’Alliance "d’ici cinq ans". Un scénario qui donne des sueurs froides aux chancelleries européennes, à l’heure où elles doutent de l’engagement américain à défendre leur continent.
En attendant, Moscou fourbit ses armes. Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie relancera mi-septembre en Biélorussie son exercice militaire Zapad ("Ouest" en russe). Lors de sa dernière édition, en 2021, cet entraînement grandeur nature avait rassemblé plus de 200 000 soldats, plusieurs dizaines d’avions et près de 300 chars – une opération souvent considérée comme une répétition générale avant l’invasion de l’Ukraine un an plus tard. Si le ministère biélorusse de la Défense a officiellement annoncé "plus de 13 000 participants" lors de ce nouveau volet, l’état-major de la Lettonie voisine estime qu’il pourrait en réalité impliquer jusqu’à 150 000 militaires.
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Des dépenses militaires qui explosent
La préparation d’une future agression ? "Les objectifs politiques du Kremlin restent inchangés. Un éventuel arrêt des combats en Ukraine pourrait n’être qu’un interlude avant un nouveau cycle de conflit, souligne Michael Gjerstad, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS). Il ne faut pas sous-estimer la menace que la Russie continuera de représenter pour l’Europe dans les années à venir." Car Moscou compte inscrire son effort de réarmement dans le temps long. En juillet, le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a indiqué que le régime russe prévoyait de dépenser au moins 1 100 milliards de dollars dans sa défense d’ici à 2036, ce qui constituerait "le programme d’armement le plus vaste de la Fédération de Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique". "A moyen terme, la Russie pourrait être en mesure de stabiliser le front en Ukraine tout en réaffectant des ressources vers d’autres pays de son voisinage, pointe Michael Gjerstad. L’hypothèse d’une action simultanée sur plusieurs théâtres d’opérations ne doit pas être exclue."
A ce jour, la Russie produirait à elle seule 250 000 obus par mois, ce qui pourrait, selon l’Otan, lui permettre de constituer un stock trois fois plus important que celui des Etats-Unis et de l’Europe réunis. Les industries russes seraient par ailleurs en mesure de produire environ 170 drones kamikazes Geran-2 par jour (la version russe des modèles iraniens Shahed), des engins capables d’atteindre une cible à plus de 1 700 kilomètres avec une charge d’une cinquantaine de kilos d’explosifs. Ce chiffre pourrait même grimper à 190 drones par jour d’ici la fin de l’année, d’après le renseignement militaire en Ukraine, alors que le pilonnage des villes de ce pays a déjà atteint un niveau inédit. Loin des quelques centaines d’engins envoyés par mois il y a deux ans, un nouveau record a été franchi en juillet avec pas moins de 6 129 frappes de drones enregistrées par l’armée de l’air ukrainienne.
Les restes d'un drone explosif Shahed russe abattu par la défense aérienne ukrainienne, le 30 avril 2025 à Kharkiv.
Moscou a vu les choses en grand. Sur la zone économique spéciale d’Alabuga, au cœur de la République du Tatarstan, la principale usine russe chargée de fabriquer ces engins a doublé de taille au cours des deux dernières années. En parallèle, une autre installation a ouvert ses portes dans la ville industrielle d’Ijevsk, à une centaine de kilomètres de là. D’ici à l’automne prochain, la Russie pourrait ainsi être capable de faire décoller 2 000 drones en une seule nuit, a alerté mi-juillet le général allemand Christian Freuding, qui supervise le soutien à Kiev au sein de la Bundeswehr. Un signal alarmant, et pas seulement pour l’Ukraine. "Le potentiel de saturation d’une telle attaque représenterait un immense défi pour les défenses antiaériennes de n’importe quel pays européen, avertit Olevs Nikers, président de la Baltic Security Foundation et conseiller du gouvernement letton. Actuellement, aucun d’entre eux ne semble en mesure d’arrêter autant de drones simultanément."
Mais le danger ne s’arrête pas là. Selon des informations des services de renseignement ukrainiens, Moscou assemblerait aujourd’hui au moins 195 missiles de différents types par mois, comprenant 60 missiles balistiques Iskander-M, le même nombre de missiles de croisière Kh-101 et jusqu’à 15 missiles hypersoniques Kinjal – une hausse de la production de 10 à 20 % en un an selon les modèles. Résultat, Moscou est non seulement capable d’alimenter le déluge de feu qui s’abat quotidiennement sur l’Ukraine, mais aussi de reconstituer ses réserves, profondément entamées au début de la guerre. Selon Kiev, elles dépasseraient désormais les 1 950 missiles. "Cela représente une menace directe pour l’Ukraine, mais aussi pour nous, reprend Olevs Nikers, à Riga. Toutes ces munitions pourraient constituer un stock en vue d’un éventuel conflit majeur en Europe."
Une Russie dépendante de ses alliés
Pour l’appuyer dans son effort de guerre, Moscou peut aussi compter sur l’aide de ses alliés. Au premier rang desquels la Corée du Nord, dont les livraisons dépasseraient les 12 millions d’obus depuis 2023, selon Séoul. A cela s’ajoute le soutien discret mais non moins essentiel de Pékin. "Les sanctions ont privé les Russes de leurs fournisseurs occidentaux traditionnels en matière de composants électroniques à double usage, c’est-à-dire civil ou militaire, retrace Nicolas Fenton, directeur associé du programme Europe, Russie et Eurasie du CSIS à Washington. Et la Chine joue un rôle clé en leur procurant ces éléments essentiels à la fabrication de l’ensemble de leurs équipements militaires."
Aussi cruciale que soit cette aide, elle illustre aussi l’un des talons d’Achille de Moscou. "Son industrie de défense ne maîtrise pas 100 % de sa chaîne technologique, note Camille Grand, de l’ECFR. Ce qui la place en situation de dépendance vis-à-vis de fournisseurs tiers sur de nombreux segments." D’après Berlin, 80 % des biens à double usage (comme les puces électroniques) utilisés par la Russie proviendraient de Chine – offrant à Pékin une mainmise considérable dans l’écosystème de défense russe. Ce qui entraîne d’autres effets pervers : "Le remplacement de certains composants européens ou américains par des alternatives chinoises s’est fait au détriment de la qualité, note Tomas Malmlöf, chercheur principal à la Swedish Defence Research Agency (FOI). Aujourd’hui, la menace porte davantage sur le volume des matériels produits que sur leur sophistication."
Autre limite, selon une étude de la Kyiv School of Economics publiée en juillet, les vastes stocks d’armes hérités de l’ère soviétique – massivement utilisés par les forces russes en Ukraine – commencent à se réduire. "La remise à neuf de ces vieux équipements représentait jusqu’à présent une large part de la production de blindés, pointe Tomas Malmlöf, du FOI. L’épuisement progressif de cette ressource pourrait à terme se traduire par un ralentissement des cadences de fabrication."
Le secteur pourrait aussi être freiné par la pénurie chronique de main-d’œuvre. Entre les effets combinés de la mobilisation partielle, des pertes sur le champ de bataille, de la fuite d’un demi-million de jeunes russes à l’étranger et du déclin démographique, l’économie russe manque cruellement de bras. Avec des effets délétères en cascade. "L’industrie de défense offre des salaires très compétitifs pour attirer les rares recrues disponibles et cela pousse les entreprises civiles à s’aligner, explique Nicolas Fenton, du CSIS. Cela se traduit par une surchauffe de l’économie et contribue à aggraver la spirale inflationniste." Tout en accroissant le coût de la guerre, comme le déficit budgétaire. Au premier semestre de 2025, celui-ci a déjà atteint 46 milliards de dollars, soit près de quatre fois plus que sur la même période en 2024. De quoi freiner la machine de guerre de Poutine ? "Malgré tous les problèmes qu’elle rencontre, l’économie russe s’est montrée structurellement assez adaptable aux besoins de la guerre, précise Nicolas Fenton. Au niveau actuel de sanctions et d’intensité sur le champ de bataille, elle peut probablement poursuivre son effort de guerre pendant au moins trois ans." Les usines russes ont encore le temps de tourner.
Sur cette photo diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, Vladimir Poutine visite Uralvagonzavod, la principale usine de chars du pays située dans l'Oural, à Nijni Taguil, le 15 février 2024
Contrairement aux affirmations de la société de "sécurité privée" russe Wagner, la situation sécuritaire au Mali ne s’améliore pas depuis leur venue. Au contraire, selon un rapport de l’organisation américaine The Sentry, le bilan des actions du groupe paramilitaire présent entre janvier 2022 et juin 2025 pour appuyer les autorités de transition est plutôt celui d’un échec, en trois temps.
D’abord un échec militaire. "Les forces de Wagneront été incapables de prendre le contrôle des zones du nord et du centre du pays", expose le rapport. Il souligne ensuite une augmentation "significative" des attaques contre les civils depuis leur arrivée.
Wagner a semé la zizanie au sein de l’armée malienne
Plus encore, "les combattants de Wagner ont semé le chaos et la peur au sein de la hiérarchie militaire", écrit The Sentry, soulignant que désormais "le manque d’ordre et de communications au sein de la chaîne de commandement" pousse les dirigeants maliens à se regarder "avec soupçon". Les "méthodes brutales" de Wagner auraient ainsi prononcé de fortes tensions au sein de l’armée qui "ont éclaté au grand jour le 11 août, lorsque des dizaines de soldats, dont des généraux qui avaient critiqué Wagner, ont été purgés", rappelle le journal britannique The Economist.
C’est un échec pour le Mali, mais aussi pour l’organisation paramilitaire elle-même. "Contrairement à d’autres pays africains où ils ont opéré, comme le Soudan et la République centrafricaine (RCA), les Russes n’ont pas réussi à s’enrichir en exploitant des minerais" dans ce pays du Sahel, pointe The Economist.
En arrivant à la tête d’un Mali excédé par la violence des djihadistes et des séparatistes, Assimi Goïta, le président par intérim - qui a depuis prolongé son mandat jusqu’à 2030 au moins - avait d’abord été salué. Il avait alors promis de réaffirmer la souveraineté du Mali après des décennies d’influence Française. Le tout en s’associant avec les Russes, qu’il espérait plus enclins à combattre que les soldats de Barkhane "et plus disposé à obéir aux ordres maliens", analyse The Economist. Peine perdue. Selon The Sentry, le groupe est raciste envers les Maliens, s’empare du matériel militaire et défie régulièrement les ordres maliens. Un responsable militaire a ainsi déclaré à l’organisation américaine que Wagner "est pire que les Français. Ils pensent que mes hommes sont plus stupides qu’eux. Nous sommes passés de la poêle à frire au feu".
Plus d’exactions contre les civils que de lutte anti-djihadiste
S’ils ont d’abord remporté des victoires — en aidant dès 2023 l’armée malienne à reprendre le contrôle de la ville septentrionale de Kidal — les échecs se sont par la suite rapidement enchaînés. "Les soldats de Wagner refusent d’agir sans être payés, et refusent catégoriquement de prendre des risques dans certains cas" précisait aussi Justyna Gudzowska, directrice exécutive de The Sentry.
Chiffre illustrateur, selon l’organisme de surveillance Armed Conflict Location & Event Data Group (Acled), le nombre de morts liées aux djihadistes dans le pays s’est élevé en moyenne à 3 135 par an de 2022 à 2024, contre 736 au cours de la décennie précédente. Près de 2 000 personnes ont déjà été tuées cette année, ce qui suggère une tendance à la hausse. Ces derniers mois, des pôles économiques comme Kayes ont été attaqués.
Avec 2 000 soldats russes sur le territoire (contre 5 000 soldats français au plus fort de la mission antiterroristes dirigée par Paris), "le mode opératoire de Wagner est inadapté à la lutte antiterroriste. Les exactions contre la population malienne ordinaire n’ont pas participé à la popularité russe : l’année dernière, 80 % des morts civiles ont été imputées à des soldats maliens ou à Wagner, plutôt qu’au Jnim, note l’Acled. Selon le témoignage d’un soldat malien auprès de The Sentry, "Ils tuent simplement les gens qu’ils soupçonnent sans vérification préalable". Ce dernier affirme également Wagner crée l’équivalent de "prisons à ciel ouvert" en assiégeant des villes qu’il soupçonne d’abriter des djihadistes.
"Africa Corps" prend le relais, les Etats-Unis aux aguets
Après trois ans de présence au Mali, les mercenaires russes du groupe Wagner ont finalement plié bagage. En juin, ils ont passé le relais à Africa Corps, un autre groupe paramilitaire tenu plus fermement par le Kremlin. Sa mission ? Prolonger l’influence russe au Sahel, tout en reprenant le contrôle direct sur les opérations, après la mort d’Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, en août 2023, et sa rébellion avortée contre le Kremlin.
Pour certains spécialistes, Assimi Goïta souhaiterait aussi diversifier ses partenariats en éloignant le monopole d’influence russe. Les Etats-Unis, plus que jamais de toutes les batailles, pourraient saisir l’opportunité d’étendre leur zone d’influence diplomatique. Selon The Economist, l’administration Trump a déjà envoyé des responsables à Bamako et dans d’autres capitales régionales pour discuter d’une éventuelle aide à la sécurité… En échange de contrats miniers, à l’image de ceux récemment mis sur la table par Donald Trump des négociations avec la République démocratique du Congo pour l’aider à régler sa guerre.
C’est un Les Copains d'abord dans l’ère post-Soviétique, ou LesIllusions perdues à la sauce Vladimir Poutine. Dans le poignant Our Dear Friends in Moscow (Public Affairs), paru cet été en anglais, Irina Borogan et Andreï Soldatov racontent comment leur génération a été brisée par le tournant autoritaire et les ambitions impérialistes du régime. En 2000, les deux rejoignent le grand journal Izvestia. Se forme alors une joyeuse bande d’amis, une élite intellectuelle libérale qui regarde l’avenir avec optimisme. Mais alors que le terrorisme frappe la Russie, Irina Borogan et Andreï Soldatov comprennent vite que le nouveau président Vladimir Poutine reste avant tout un homme du KGB. En 2008, c’est le virage impérialiste avec la conquête de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie qui suscite l’enthousiasme de Russes urbains, pourtant éduqués et tournés vers l’Europe.
Fondateurs du site Agentura.ru, Irina Borogan et Andreï Soldatov sont devenus les meilleurs experts des services secrets russes. Ils ont fui leur pays en 2020 et vivent désormais en exil à Londres. Leurs anciens camarades sont eux devenus propagandistes ou agents du régime, et même ministre de la Culture. Comment ces journalistes et intellectuels brillants peuvent-ils cautionner l’invasion de l’Ukraine ? Irina Borogan et Andreï Soldatov les ont recontactés et montrent, dans cette histoire intime des années Poutine, à quel point une dictature corrompt tout, jusqu’aux vieilles amitiés.
Pour L’Express, Andreï Soldatov revient sur ses "chers amis de Moscou", évoque l’évolution du régime et assure qu’il est parfaitement illusoire de penser que Vladimir Poutine pourrait accepter de rencontrer Volodymyr Zelensky en tête-à-tête, et encore moins de se résigner à une paix durable avec l’Ukraine…
L’Express : Pourquoi avez-vous voulu raconter, de manière très intime, comment Vladimir Poutine et l’impérialisme russe ont brisé de vieilles amitiés?
Andreï Soldatov : Quand, en 2022, l’offensive russe contre l’Ukraine a commencé, nous avons été choqués par le niveau de soutien à cette guerre au sein de la société russe. Pourquoi les esprits les plus brillants et intelligents ont-ils décidé de se ranger du côté du Kremlin ? Avec Irina, nous avons décidé de faire du journalisme. Ce livre, c’est l’histoire d’une génération. On s’est dit qu’on pouvait trouver des réponses chez des personnes qu’on pensait bien connaître. Nous avons échangé avec quelques-uns de nos anciens amis. On voulait écouter et comprendre les raisons de leur soutien à Poutine.
Vous révélez qu’en 2000, alors que vous étiez jeunes journalistes à Izvestia, ce journal a tu les vraies raisons de l’absence de Vladimir Poutine au moment du naufrage du sous-marin Koursk, pourtant une catastrophe nationale…
Nous avions décidé de travailler pour Izvestia, car c’était un vieux titre soviétique, créé en 1917. Ce journal avait toujours un accès au Kremlin, et nous pensions pouvoir ainsi développer nos contacts dans les services spéciaux russes. Au moment de la catastrophe du Koursk, Sveta Babayeva, notre consœur du service politique, était à Sotchi avec Vladimir Poutine, qui bronzait au bord de la Mer Noire. A son retour, elle a révélé que Poutine avait fait une greffe de cheveux, raison pour laquelle il n’avait pas fait d’apparition publique pendant un certain temps. Pourtant, le journal a décidé de ne pas publier cette information. Le président russe a fait de la chirurgie esthétique en pleine crise nationale, mais Izvestia a jugé que cela ne valait pas le coup de partager cela à ses lecteurs. On a donc décidé de rapidement quitter le journal.
Sveta Babayeva, journaliste politique très tôt séduite par Poutine, est la figure tragique de votre livre, car elle a été tuée par balle en Crimée en 2022…
Babayeva est la victime d’un système construit par Poutine. Son accès au Kremlin était la chose la plus importante de sa vie. Mais elle a fini par en être privée, car son protecteur Sergueï Ivanov, un temps considéré pour prendre la suite de Poutine en 2008, a été disgracié. Cela a profondément déprimé Babayeva. En 2014, quand tout le monde se réjouissait de l’annexion de la Crimée, elle était aussi réticente, car elle avait travaillé à Washington et à Londres, ce qui a changé son regard. En manque d’adrénaline et de but dans sa vie, elle s’est mise à fréquenter les services spéciaux. Pour faire du zèle en 2022, après l’invasion de l’Ukraine, elle a entamé un entraînement dans les forces spéciales en Crimée, et voulait participer au conflit non pas en tant que journaliste, mais militaire. Elle a été tuée par accident dans un stand de tir. Sergueï Lavrov ou Dmitri Peskov ont envoyé leurs condoléances. C’est une histoire tragique. D’autant que comme le prouve son parcours sinueux, tous les gens qui travaillent aujourd’hui pour Poutine ou le Kremlin auraient pu agir de manière différente.
Vous avez aussi très bien connu Olga Lioubimova, l’actuelle ministre de la Culture…
Lioubimova a grandi dans une famille qui avait une position très élevée dans l’Union soviétique. Tout le monde connaissait son grand-père, le légendaire acteur Vasily Kachalov. Le poète Sergueï Kesenin avait même écrit un poème, "Le chien de Kachalov", connu par tous les écoliers russes. Lioubimova est orthodoxe, mais à l’époque, elle était aussi bon vivante et libérale. Elle est convaincue que la Russie ne peut être dirigée que par un dictateur. Lutter contre un autocrate est donc illusoire. A l’époque des manifestations à Moscou en 2011, avant l’élection présidentielle de 2012, Loubimova a publié sur Internet un manifeste pour nous demander ce que nous espérions atteindre à travers ces manifestations, et expliquer qu’on ne peut rien faire pour changer le système, que résister est parfaitement illusoire. Ce texte est très important pour comprendre l’attitude de cette génération. Pour moi, il est triste que quelqu’un qui a toujours fait partie de l’élite russe pense qu’on ne peut rien faire contre un dictateur.
Aujourd’hui qu’elle est au gouvernement, Loubimova a bien sûr un discours bien plus agressif, et a attaqué les artistes russes qui ont quitté le pays. Elle s’est rangée du côté du Kremlin car elle a estimé qu’il n’y avait pas d’autre choix pour notre génération si on avait des ambitions. C’est désormais une criminelle, qui a participé au programme de rééducation des enfants ukrainiens.
Il faut aussi savoir que Lioubimova a eu pour protecteur le cinéaste ultraconservateur Nikita Mikhalkov. Le père de Mikhalkov est l’auteur des paroles de l’hymne soviétique sous Staline, comme de celles du nouvel hymne russe sous Poutine. Nikita Mikhalkov a hérité des instincts politiques de son père. Dans les années 1990, sous Boris Eltsine, il a réalisé un film anti-stalinien, Soleil trompeur, qui a remporté un oscar, mais c’est le même homme qui a mené une campagne en 2017 pour faire interdire La Mort de Staline, au prétexte que cette comédie noire salirait notre histoire nationale. Un long-métrage qui a finalement été censuré par Lioubimova…
Medvedev est un personnage à la fois comique et tragique, à la Dostoïevski
Au-delà des ambitions personnelles, comme l’impérialisme de Poutine a-t-il réussi à séduire cette élite pourtant ouverte sur l’Occident ?
L’idée que la Russie doit être une superpuissance, un pays unique qui représente à lui seul une civilisation est très ancrée. Notre église orthodoxe est profondément nationaliste, ce qui est très différent des autres pays européens. Quand l’Union soviétique s’est effondrée, cela a été un événement traumatique pour beaucoup de nos compatriotes, et pour Poutine lui-même qui l’a qualifié de "plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle", oubliant un peu vite la Première Guerre mondiale comme le nazisme. Mais pour beaucoup de Russes, c’est une question émotionnelle. Poutine a découvert ce levier, un peu par chance, en 2008 quand il a lancé la guerre en Géorgie. A ce moment, beaucoup de nos amis, pourtant libéraux et parlant des langues étrangères, se sont enthousiasmés pour ces conquêtes. Du jour au lendemain, ils se sont montrés très fiers de l’armée russe, ce qui nous semblait bizarre à nous. Les hommes d’affaires à Moscou ont commencé à parler du rétablissement de la réputation de notre armée. Poutine a pris conscience de la puissance politique de ce sentiment, et l’a exploité.
Vous racontez aussi comment les élites libérales ont cru à Dmitri Medvedev, qui a remplacé Poutine à la présidence en 2008. Le même homme qui brandit aujourd’hui la menace nucléaire contre Donald Trump…
Les élites libérales et intellectuelles portent une grande responsabilité. Personne n’a voulu construire de vraies institutions démocratiques. Les intellectuels publics à Moscou pensaient qu’il était plus facile de s’appuyer sur quelqu’un en position de pouvoir, comme c’était le cas de Medvedev, afin de promouvoir des réformes libérales et démocratiques. C’était une illusion.
A l’époque, beaucoup pensaient que Medvedev était influençable, d’autant plus qu’il n’avait jamais servi au KGB. Mais c’est une histoire très russe, à la Dostoïevski. Medvedev avait bien quelques idées de réformes pour le pays. Mais il a été complètement détruit par Poutine. Au niveau personnel, il est devenu fou. C’est un personnage à la fois comique et tragique, devenu très agressif. Il a complètement changé de personnalité.
Qu’avez-vous appris en échangeant avec vos anciens amis de Moscou ?
C’était très difficile sur le plan émotionnel, car nous avons parlé de choses très personnelles. C’est l’histoire de notre vie. On a senti de la sympathie, nous avons revécu notre amitié passée et les moments heureux. C’était parfois beau, mais le plus souvent tragique. Ces mêmes personnes nous ont dit qu’il était parfaitement normal de tuer des Ukrainiens, parce qu’historiquement, c’est important pour notre pays…
Nous avons compris que notre amitié s’était achevée vers les années 2008-2009, et que c’était sans doute inévitable. Ces gens ne sont pas victimes de la propagande du régime. Ils sont pleinement responsables, et comprennent parfaitement la situation. Mais ils partagent plusieurs choses. D’abord, il y a une nostalgie pour l’Union soviétique, non pas à cause du communisme, mais en raison de ce sentiment d’avoir grandi dans une grande puissance qui comptait, au moins la deuxième au monde, voire la première. Ensuite, toutes ces personnes sont extrêmement ambitieuses. A l’image de Lioubimova, elles partagent cette conviction qu’une dictature est inévitable en Russie, et qu’il n’y a donc qu’un seul choix : travailler avec le régime ou quitter le pays.
Il est fou de penser que Poutine pourrait accorder un rendez-vous à Zelensky !
Vous montrez à quel point cette élite s’est éloignée de l’Europe, ce qui arrange parfaitement Poutine…
C’est une tragédie personnelle pour ces gens. Quand le pape François est mort, la ministre Olga Lioubimova voulait absolument être présente à Rome pour ses funérailles. Car pour elle, c’était son unique chance de visiter l’Italie ! Elle a d’ailleurs demandé à revenir pour le nouveau pape Léon XIV, mais cela lui a été refusé. Les liens culturels entre la Russie et l’Europe sont importants pour cette élite. Eux-mêmes se sentent très européens.
En revanche, comme vous le soulignez, Poutine a parfaitement compris que pour protéger le régime, il est important d’isoler le pays. Le Kremlin n’a plus besoin ni envie de visas Schengen pour les touristes russes, les professeurs américains et européens enseignant à des étudiants russes ou les enfants des élites étudiant à Harvard et Oxford. Poutine sait que des liens étroits avec l’Occident exposent les Russes à des idées libérales dangereuses.
Ce n’est pas la première fois qu’un régime russe choisit l’isolement. Lorsque le tsar Nicolas Ier, terrifié par les changements politiques et profondément traumatisé par la révolte des décembristes, a pris connaissance de la révolution de juillet 1830 à Paris, il a immédiatement rappelé tous les citoyens russes de France en Russie, y compris les aristocrates, afin d’empêcher le virus de la Révolution française de se propager à ses compatriotes. Il a ainsi paralysé le pays et mit un terme à l’innovation, mais assuré la pérennité de son régime. Aujourd’hui, Poutine cherche à faire la même chose.
A quel point Vladimir Poutine pense-t-il au long terme, là où Donald Trump ne semble préoccupé que par les "deals" rapides ?
Déjà, il est fou de penser que Poutine pourrait accorder un rendez-vous à Volodymyr Zelensky ! C’est impossible, car ce serait à ses yeux accorder une trop grande reconnaissance de l’Ukraine. Pour Poutine, il s’agit d’une guerre existentielle contre l’Occident, et le régime russe n’a jamais considéré un accord de paix durable comme étant une option viable. Nous devons comprendre que ces gens sont traumatisés par l’histoire russe du XXe siècle. Ils sont persuadés qu’il y a eu deux grandes catastrophes géopolitiques durant le XXe siècle. A leurs yeux, l’Occident est toujours en guerre contre la Russie. Mais, à l’inverse de la guerre froide, ils pensent que la Russie peut cette fois-ci l’emporter. Poutine et ses amis se souviennent parfaitement qu’en 1991, ce n’est pas seulement le régime soviétique qui a été détruit, mais aussi les services secrets. Tous ces gens ont perdu leur première carrière au sein des services spéciaux.
Ce qui est également tragique dans ces négociations personnelles avec Donald Trump, c’est que Poutine et ses amis ont toujours pensé que les institutions démocratiques en Europe ne comptent pas, et que seules les personnalités importent. C’est pour ça qu’en Russie, les figures de Churchill, Roosevelt ou de Gaulle sont plus importantes que les institutions qu’ils ont représentées. C’est facile à comprendre : nous n’avons aucune institution démocratique. Le dialogue personnel entre Trump, Poutine et Zelensky ne fait donc que donner raison à Poutine, qui est persuadé que les démocraties européennes sont faibles et inefficaces.
Vous avez écrit qu’il y a aujourd’hui un fort sentiment de dépression dans les grandes villes russes. Vraiment ?
C’est très palpable dans les grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg. L’élection de Trump a été bien perçue, mais aujourd’hui, pour les populations urbaines, il est très clair que Poutine ne veut pas la paix en Ukraine. Par ailleurs, il est désormais impossible d’ignorer les attaques de drones. Cela se passe sur le territoire russe, jusque dans la capitale. C’est un vrai problème pour la population active. Je connais beaucoup d’hommes d’affaires mécontents, car il est devenu plus compliqué de voyager, avec des problèmes quotidiens dans les aéroports du fait des drones. Le Kremlin peut contrôler les discours publics sur une guerre qui se passe en Ukraine. Mais il lui est bien plus difficile de contrôler les conversations qui ont lieu dans les villes russes.
De l’eau brunâtre sortant des robinets, un filet de liquide sans pression et même des habitants attendant dans de longues files devant des camions d’approvisionnement en eau, un maximum de bonbonnes dans les bras… C’est le quotidien dont témoignent ces derniers mois les Ukrainiens de la région occupée du Donetsk sur le groupe Telegram "Marioupol Now". En plus de survivre à la guerre, ils sont confrontés à une grave crise de l’eau depuis plusieurs semaines. Bien que la chaleur estivale ait exacerbé la crise, les difficultés d’approvisionnement en eau propre et potable remontent en vérité à la prise de contrôle de la ville de Donetsk et d’une partie de la région environnante par la Russie dès 2014.
Après trois années de guerre étendue à tout l’Oblast du Donetsk, dont la Russie contrôle désormais deux tiers, cette crise de l’eau prend aujourd’hui une dimension différente. L’Institut pour l’étude de la guerre (ISW), basé aux États-Unis, indiquait le 23 juillet qu’une "crise de l’eau créée par la Russie" est en train de provoquer "des conditions de vie insalubres dans plusieurs zones de l’Ukraine occupée". Le 21 juillet, Voda Donbassa, l’organisme chargé de l’approvisionnement en eau dans la région de Donetsk, a mis en place un système de rationnement de l’eau dans plusieurs grandes villes, comme le rapporte France 24. Dans la ville de Donetsk, par exemple, les habitants ne reçoivent de l’eau que pendant quatre heures tous les trois jours, de 17 heures à 21 heures.
Deux jours plus tard, des habitants de la région ont adressé une lettre ouverte au président russe Vladimir Poutine, dénonçant la qualité "dégoûtante" de l’eau, des restrictions d’accès "critiques et inacceptables" et des tarifs "injustes". Sur les réseaux sociaux, les adolescents de la génération connectée tentent à leur échelle de plaider la cause de leur communauté par l’exposition, espérant voir leur vidéo devenir virales. "Oncle Vova, peux-tu s’il te plaît apporter un simple miracle dans nos vies et livrer de l’eau à nos maisons ?", plaide ainsi une jeune femme dans une vidéo consultée par le New York Times, jouant du surnom de Vladimir Poutine. "Oncle Président, donnez-nous le miracle le plus simple : de l’eau dans nos maisons", supplient quant à eux des enfants de cette région annexée par la Russie, dans une vidéo publiée le 27 juillet sur Telegram.
La faute du "blocage hydraulique ukrainien"
Il n’en fallait pas moins à la Russie pour saisir l’opportunité de transformer l’oppression en propagande. "Malheureusement, en raison du blocus hydrique ukrainien, nous devons pour l’instant vivre avec cette réalité", a déclaré le 24 juin dernier Denis Pouchiline, le chef de la "République populaire de Donetsk" (RPD) proclamée et soutenu par le Kremlin. Les autorités locales affiliées à la Russie accusent elles aussi l’Ukraine d’être à l’origine de la situation.
Fin juillet, une couverture médiatique intense par les chaînes locales et un vaste plan de communication sont entrés en action en parallèle de cette dénonciation. "Plus de 60 camions-citernes des régions marraines arriveront dans la RPD" et "75 camions-citernes de Moscou […] sont déjà arrivés", écrivait Denis Pouchiline dans un message Telegram le 27 juillet. Un récent rapport du Digital Forensic Research Lab de l’Atlantic Council et d’OpenMinds a également révélé que des réseaux de bots pro-russes utilisent le sujet des problèmes d’approvisionnement en eau pour susciter la gratitude envers la Russie et discréditer l’Ukraine, rapporte France24. Le rapport révèle que ces bots ont publié près de 10 000 messages sur le rétablissement de l’approvisionnement en eau entre janvier 2024 et avril 2025.
Justifier la prise de Sloviansk
Au-delà de pointer l’Ukraine comme responsable des maux de son territoire désormais occupé par la Russie, les autorités russes profitent de la crise pour motiver leur avancée invasive. Elles affirment que reprendre le contrôle du reste de la région à l’Ukraine permettrait à la Russie de rétablir l’approvisionnement en eau. Les déclarations en ce sens se concentrent plus particulièrement sur la ville de Sloviansk, dans le nord de la région, dont la "libération" résoudrait le problème d’approvisionnement en eau, selon Denis Pouchiline.
Fortifiée, Sloviansk est essentielle à la défense ukrainienne. Elle est aussi l’origine du canal Siverskyi Donets-Donbass, qui sert à acheminer de l’eau depuis cette région riche en eau vers le nord-est et le sud-est plus secs. Mais ce canal a depuis le début de la guerre de 2022 été largement détruit par les bombardements Russes. Sans compter le réseau complexe de canalisation et de barrages qui servaient à approvisionner la région, aujourd’hui en ruine.
Pire encore que d’exploiter l’opportunité de ces complaintes du peuple ukrainien pour motiver la continuité de son invasion, Vladimir Poutine pourrait même l’avoir provoquée. Pour certains Ukrainiens, pointe le quotidien américain le New York Times, "la volonté de la Russie de s’emparer du reste de Donetsk se reflète dans sa décision d’autoriser la publication de lettres ouvertes adressées à M. Poutine et de l’appel vidéo de l’enfant demandant le rétablissement de l’eau. Les autorités des régions occupées répriment généralement toute expression de mécontentement à l’égard du régime de Moscou".
Devant cette frontière, la guerre des Six-Jours (survenue en juin 1967) s’éternise depuis plus de cinquante ans. Deux simples grillages de trois mètres de haut séparent ces ennemis de toujours : la Syrie et Israël. A Majdal Shams, village du côté israélien du plateau du Golan, le calme domine en cet étouffant mois de juillet, mais Maia Farhat fulmine en pointant son doigt vers Damas, à moins de 50 kilomètres de là. "Ce qui se passe en Syrie est notre pire cauchemar : rien ne pouvait être plus terrible qu’un pays voisin contrôlé par Joulani [NDLR : le nom de guerre du président syrien Ahmed al-Charaa] et ses sbires de Daech ou d’Al-Qaeda, assure cette militante druze du Golan, un grand drapeau de sa communauté à la main. A leurs yeux de djihadistes, nous, les Druzes du Golan, sommes doublement infidèles : non seulement nous sommes druzes mais nous sommes aussi israéliens. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne viennent nous massacrer."
Ces temps-ci, les habitants de Majdal Shams, conquis militairement par l’Etat hébreu en 1967, n’ont pourtant pas grand-chose à craindre de leurs voisins. De l’autre côté de la frontière, seul un petit bâtiment de l'ONU se dresse, complètement vide au beau milieu de collines désertiques. Des milliers de soldats israéliens contrôlent désormais l’endroit, après avoir profité de la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024 pour s’emparer de la zone tampon de plusieurs kilomètres qui séparait les deux pays. Israël a, de nouveau, repoussé sa frontière avec la Syrie. "La banlieue sud de Damas frôle la frontière israélienne, donc, dans cette zone, nous n’avons aucune marge de manœuvre, justifie un responsable israélien. Si des pick-up Toyota chargés de terroristes ou des tanks foncent en direction d’Israël, nous devons être en mesure de réagir dans la minute. Nous accordons le bénéfice du doute au nouveau pouvoir syrien, mais ses troupes sont infestées de djihadistes, notamment d’anciens de Daech…"
Le pari de Trump sur al-Charaa
Malgré ce gouffre entre les deux pays, le changement de régime à Damas offre une opportunité inédite pour de nouvelles relations entre Israël et la Syrie. Depuis sa prise de pouvoir en décembre 2024, Ahmed al-Charaa s’est gardé de toutes menaces ou même critiques envers les autorités israéliennes. Y compris quand Tsahal bombarde les infrastructures militaires de Damas ou installe ses bataillons sur la partie syrienne du mont Hermon, le plus haut sommet de la région. En coulisses, le nouveau pouvoir négocie : les anciens djihadistes ont besoin de la reconnaissance internationale des Occidentaux et de leurs financements pour asseoir leur contrôle sur l’ensemble de la Syrie. Impossible, dans ces conditions, d’apparaître comme une menace pour Israël.
D’autant que Donald Trump a décidé de miser sur Ahmed al-Charaa, poussé par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Les trois hommes se sont rencontrés à Riyad, le 14 mai, peu avant la levée totale des sanctions américaines contre Damas. En échange, la Syrie doit négocier avec Israël pour, à terme, rejoindre les accords d’Abraham. "La levée des sanctions par Trump offre une immense opportunité à Israël puisque la Syrie dépend désormais des Etats-Unis, se réjouit le colonel de réserve israélien Kobi Marom. Le déroulé des événements à Damas constitue une chance exceptionnelle pour Israël et pour notre sécurité." Début août, l’agence de presse officielle syrienne a mentionné, pour la première fois depuis 2000, une rencontre à Paris entre des ministres des deux pays. Puis le 14 août, le président al-Charaa a confié à un groupe de journalistes arabes qu’il pourrait signer un accord de sécurité avec l’Etat hébreu. Il n’a pas écarté de conclure, un jour, un accord de paix avec l’ennemi héréditaire.
D’après la presse locale, les négociations actuelles ont pour cadre les lignes d’armistice décidées en 1974, après la guerre du Kippour, prévoyant un retrait des forces israéliennes de la zone tampon et rétablissant la souveraineté aérienne de la Syrie. Les Israéliens, eux, exigent que l’Etat syrien empêche toute milice armée et toute organisation palestinienne d’approcher de leurs frontières. Leur objectif ultime : la création d’une vaste zone démilitarisée dans le sud de la Syrie. "Il nous faut un accord de sécurité qui tienne pendant quelques années, ce qui nous permettra de développer une relation de confiance pour, enfin, signer un traité de paix, espère Gideon Harari, spécialiste de la Syrie et ancien du renseignement israélien. Mais il ne faut pas oublier que les Syriens comme les Israéliens ont grandi et ont été éduqués avec l’idée que l’autre était l’ennemi. Ça ne va pas changer en une seule année."
Quand Tsahal bombarde Damas…
A Damas comme à Jérusalem, la méfiance règne malgré les pourparlers. "Vous devez faire la paix avec vos ennemis, pas avec vos amis", résume Gideon Harari. Signe d’hostilité, de nombreux officiels israéliens utilisent encore le nom de guerre d’Ahmed al-Charaa pour en parler, à l’image du ministre de la Défense Israël Katz en mars dernier : "Al-Joulani a troqué son uniforme pour un costume mais les masques tombent et son véritable visage reste celui d’un terroriste djihadiste nourri à l’école d’Al-Qaeda, qui commet des actes horribles contre sa population civile." Pourtant, le nouveau pouvoir à Damas n’a pas empêché l’aviation israélienne de survoler son espace aérien pour aller frapper Téhéran en juin, et n’a montré aucune hostilité envers les forces de Tsahal présentes à sa porte. Pour l’instant."C’est la seule et vertigineuse question de l’après-Assad : Joulani/al-Charaa est-il un terroriste portant un joli costume et construisant un Etat islamiste, ou cette prise de pouvoir l’a-t-elle changé ?", analyse le colonel Kobi Marom.
Cet été, l’épisode violent de Soueïda a menacé de faire s’effondrer le château de cartes des négociations. Le 13 juillet, des troubles éclatent entre les Bédouins et les Druzes dans cette province de sud-ouest de la Syrie, et Damas envoie ses troupes pour contrôler cette zone à majorité druze : des exactions sont commises, plus de 1 000 personnes tuées et l’armée israélienne décide d’intervenir pour faire reculer al-Charaa. Ses avions frappent les forces syriennes près de la ville, puis des bâtiments officiels à Damas et les abords du palais présidentiel. "Nous avons envoyé un message", nous explique alors une source militaire israélienne. Le gouvernement syrien recule et, depuis, un cessez-le-feu tient péniblement dans la région.
"Bombarder Damas était une grave erreur, soutient Gideon Harari. Al-Charaa est un islamiste radical, mais c’est le président de la Syrie, et un gars très intelligent et pragmatique. Si vous voulez qu’il reste au pouvoir à Damas, alors vous ne le bombardez pas ! Nous avons donné des arguments à ses opposants qui rejettent toute relation apaisée avec Israël." Si le président syrien a su s’imposer sur la scène internationale, il tente encore de survivre - littéralement - en interne : plusieurs sources indiquent que le régime a déjà déjoué au moins trois tentatives d’assassinat contre al-Charaa, qui se trouverait notamment dans le viseur de ses anciens alliés de Daech.
Le chef du groupe islamiste (HTS) Abou Mohammad al-Joulani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmed al-Charaa, à Damas le 8 décembre 2024
La stratégie agressive israélienne dépasse en réalité le cadre des violences confessionnelles à Soueïda : comme nous le confie un officiel haut placé, il est indispensable pour Israël de maintenir un Etat syrien faible afin de négocier dans les meilleures conditions. "Selon nous, le degré de modération des autorités syriennes est directement lié à leur faiblesse : tant qu’ils sont faibles, ils seront pragmatiques, assure-t-il. Nous ne sommes pas opposés à ce que la Syrie devienne un Etat fort, mais ce serait comme demander à la France de 1939 si elle souhaite un Etat allemand fort : pas de problème si on parle de l’Allemagne démocratique post-Seconde Guerre mondiale, mais si on parle de l’Allemagne nazie, alors mieux vaut qu’elle soit la plus faible possible."
Damas, théâtre de la lutte entre Netanyahou et Erdogan
La méfiance israélienne provient aussi des batailles d’influence au Moyen-Orient : la Turquie de Recep Tayyip Erdogan a financé et armé les rebelles de HTS, le groupe d’al-Charaa, avant sa conquête de Damas. Aujourd’hui, Ankara tente d’obtenir les fruits de ses investissements. "Erdogan veut rétablir l’empire ottoman et ce changement de régime lui offre une opportunité en or : il peut tirer les bénéfices économiques de la reconstruction de la Syrie et réarmer le pays, estime le colonel Marom. Un nouvel axe turc risque de se créer dans la région, profitant de la chute de l’axe iranien : c’est une menace pour Israël."
Depuis le 7-Octobre et le début de la guerre à Gaza, la Turquie fait partie des critiques les plus virulentes de l’Etat hébreu. Erdogan a menacé à plusieurs reprises d’intervenir militairement contre Israël, afin de mettre un terme à ce qu’il dénonce comme un génocide dans l’enclave palestinienne. En réponse, cet été, Netanyahou a mentionné pour la première fois le génocide arménien, commis par l’empire ottoman en 1915-1917 mais encore nié par Ankara aujourd’hui. "Les Israéliens considèrent la Turquie comme la nouvelle menace [NDLR : au Moyen-Orient] et c’est en partie pour cela qu’ils ont frappé la Syrie, indiquait le chercheur Adel Bakawan à L’Express en juillet, après les bombardements sur Damas. C’est un message à Erdogan : certes, les Américains vous ont laissé la main sur la Syrie, mais nous vous observons et nous aurons le dernier mot, nous ne vous laisserons pas devenir une menace pour notre sécurité et notre stabilité."
Sur ce dossier, tout dépendra de la direction que prendra al-Charaa : pragmatisme diplomatique ou idéologie islamique. L’ancien d’Al-Qaeda, fondateur du front Al-Nosra, pourrait rencontrer Netanyahou à New York en septembre, en marge de l’Assemblée générale de l'ONU. Une décision historique, à laquelle ose croire Gideon Hariri, qui a travaillé pendant vingt-cinq ans sur le dossier syrien au sein des renseignements israéliens. "Le modèle d’al-Charaa, c’est l’Arabie saoudite : un pays islamique mais très pragmatique, avance ce spécialiste de la région. Il sait que la Syrie n’est pas un pays très religieux et qu’il sera difficile d’en faire un nouveau califat. Israël doit comprendre à quel point il s’agit d’une immense opportunité, et que celle-ci ne va pas durer longtemps." Après des décennies de guerre, l’histoire pourrait maintenant s’écrire en quelques jours.
Le président syrien, Ahmed al-Charaa, lors de sa rencontre à Ryad avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président américain Donald Trump, le 14 mai 2025.
Le président Xi Jinping réunit dimanche en grande pompe les dirigeants russe, indien, iranien et turc et une vingtaine de leaders eurasiatiques pour montrer à l'heure des droits de douane américains et des tensions géostratégiques qu'un autre modèle international est possible, avec la Chine en son centre. Le chef de la deuxième puissance économique mondiale préside dimanche soir vers 19H00 locales (11H00 GMT) à Tianjin (nord) à une réception en l'honneur des participants au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui se tient lundi, le premier depuis le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump.
Les chefs d'Etat et de gouvernement d'une vingtaine de pays et les responsables d'une dizaine d'organisations internationales et régionales affluent depuis samedi dans la mégapole portuaire, autrefois mise en coupe réglée par les concessions occidentales, japonaise et russe, aujourd'hui symbole de vitalité économique. Le Russe Vladimir Poutine est arrivé dimanche matin, discrètement bien qu'à la tête d'une large délégation politique et économique selon les médias d'Etat russes et chinois. Le Premier ministre indien Narendra Modi a atterri samedi pour sa première visite en Chine depuis 2018, signe de l'effort de rapprochement entre les deux géants asiatiques. M. Modi a été reçu par le président chinois, a rapporté l'agence officielle Chine nouvelle, parmi une multitude d'entretiens bilatéraux arrangés autour du sommet.
Le sommet est placé sous haute surveillance policière et militaire. Des véhicules blindés ont été disposés dans certaines rues. Le trafic a été interrompu dans de vastes sections de Tianjin. Des affiches en mandarin et en russe exaltent "l'esprit de Tianjin" et la "confiance mutuelle" sino-russe.
Le sommet, décrit comme le plus important depuis la création de l'OCS en 2001, a lieu dans un contexte de crises multiples touchant directement ses membres : confrontation commerciale des Etats-Unis avec la Chine et l'Inde, guerre en Ukraine, querelle nucléaire iranienne... L'OCS associe 10 Etats membres et 16 pays observateurs ou partenaires et représente presque la moitié de la population mondiale et 23,5% du PIB de la planète. Elle est volontiers présentée comme faisant contrepoids à l'Otan. Les rapports entre certains membres sont délicats. Plus qu'à des résultats tangibles incertains, les experts incitent à prêter attention à l'effet d'image.
Grandiose défilé
Le sommet propose "un ordre multilatéral modulé par la Chine et distinct de ceux dominés par les Occidentaux", anticipe Dylan Loh, enseignant à la Nanyang Technological University de Singapour. "La large participation témoigne de l'influence grandissante de la Chine et l'attraction exercée par l'OCS pour les pays non-occidentaux", dit-il. Le sommet ouvre une séquence au cours de laquelle la Chine entend faire l'étalage de son emprise diplomatique, mais aussi de sa puissance militaire, tout en se présentant comme un pôle de stabilité dans un monde fracturé. M. Poutine et un certain nombre d'autres participants assisteront mercredi à la démonstration par leur hôte de ses capacités militaires, à la faveur d'un grandiose défilé célébrant à Pékin les 80 ans de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la victoire contre le Japon.
Le leader nord-coréen Kim Jong-un effectuera pour l'occasion une rare sortie hors de son pays reclus, pour se tenir chez le voisin et allié chinois au côté de Xi Jinping. La Corée du Nord est devenue l'un des principaux alliés de la Russie dans sa guerre contre l'Ukraine.
Un peu plus de deux semaines après avoir été reçu par Donald Trump en Alaska, M. Poutine aura des discussions avec son hôte et grand allié chinois, prévues mardi à Pékin. Il doit parler lundi à Tianjin du conflit en Ukraine avec son collègue turc Recep Tayyip Erdoğan et du dossier nucléaire avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian. Une rencontre est également à l'agenda ce jour-là avec le Premier ministre indien.
De nombreux alliés de Kiev soupçonnent Pékin de soutenir Moscou contre l'Ukraine. La Chine invoque la neutralité et accuse les pays occidentaux de prolonger les hostilités en armant l'Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Premier ministre indien se sont parlé par téléphone. M. Zelensky a dit sur les réseaux sociaux espérer que la nécessité d'une cessez-le-feu, soutenue selon lui par M. Modi, serait abordée en Chine.
TIANJIN, CHINE - 30 AOÛT : Le président chinois Xi Jinping (au centre) participe à une réunion bilatérale avec le Premier ministre népalais KP Sharma Oli, avant le sommet 2025 de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à la Guest House de Tianjin, le 30 août 2025 à Tianjin, en Chine. (Photo par Andres Martinez Casares - Pool/Getty Images) (Photo par POOL / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images via AFP)
⇒ Une nouvelle flottille en partance dimanche vers Gaza pour "prévenir le génocide"
⇒ Au Yémen, les rebelles houthis crient vengeance après la mort de leur Premier ministre dans des raids israéliens
⇒ La Croix-Rouge met en garde contre l'évacuation de Gaza-ville, Israël durcit le siège
L'armée israélienne affirme qu'elle visera les dirigeants du Hamas à l'étranger
L'armée israélienne a indiqué dimanche qu'elle viserait les dirigeants du Hamas à l'étranger, après avoir annoncé la mort du porte-parole de la branche militaire du mouvement islamiste à Gaza.
"Dans la bande de Gaza, nous avons frappé hier l'un des hauts responsables du Hamas, Abou Obeida. Ce n'est pas fini, la plupart des dirigeants du Hamas se trouvent à l'étranger, et nous les atteindrons également", a déclaré le chef d'état-major de l'armée israélienne, Eyal Zamir, selon un communiqué militaire.
Israël annonce avoir tué le porte-parole de la branche armée du Hamas
Israël a annoncé dimanche avoir tué le porte-parole de la branche armée du mouvement islamiste Hamas dans la bande de Gaza, à l'heure où son armée poursuit son offensive dans le territoire palestinien affamé et ravagé par la guerre. "Le porte-parole terroriste du Hamas Abou Obeida a été éliminé à Gaza et a rejoint les autres (personnes) éliminées de l'axe du mal d'Iran, du Liban et du Yémen au fond de l'enfer", a affirmé le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, sur son compte X.
L'armée israélienne a également fait état de la mort de "Houdhayfa al-Kahlout, alias Abou Obeida". Porte-parole des Brigades Ezzedine al-Qassam depuis 2002, Abou Obeida avait été l'un des chefs du Hamas à annoncer dans une vidéo l'attaque du 7-Octobre.
Le Hamas, dont l'attaque sans précédent le 7 octobre 2023 contre Israël a déclenché la guerre à Gaza, n'a pas réagi dans l'immédiat à cette annonce.
Yémen: le chef des rebelles houthis promet d'intensifier les attaques contre Israël
Le chef des rebelles houthis au Yémen a menacé dimanche d'intensifier les attaques contre Israël au lendemain de l’annonce de la mort, dans des frappes israéliennes jeudi à Sanaa, du Premier ministre des insurgés appuyés par l’Iran.
"Le ciblage d'Israël par des drones et des missiles" va continuer et s'intensifier, a déclaré Abdelmalek al-Houthi dans un discours sur la chaîne des rebelles, Al-Massirah, précisant que les récentes frappes israéliennes ne ferait pas "reculer" son mouvement.
Le ministre de la Défense israélien dit que le porte-parole de la branche armée du Hamas a été "éliminé"
Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a affirmé dimanche que le porte-parole de la branche armée du mouvement palestinien Hamas avait été "éliminé" à Gaza dans une frappe de l'armée israélienne.
"Le porte-parole terroriste du Hamas Abou Obeida a été éliminé à Gaza et a rejoint les autres (personnes) éliminées de l'axe du mal d'Iran, du Liban et du Yémen au fond de l'enfer", a affirmé M. Katz sur son compte X.
Le Hamas, contre lequel Israël est en guerre à Gaza, n'a pas réagi dans l'immédiat à ces informations.
Israël dit avoir frappé des sites du Hezbollah dans le sud du Liban
L'armée israélienne a indiqué avoir frappé dimanche des sites du Hezbollah pro-iranien près du château de Beaufort, dans le sud du Liban, après avoir détecté "une activité militaire".
"Il y a peu de temps, Tsahal a frappé des infrastructures militaires du Hezbollah, y compris souterraines, où une activité militaire a été identifiée, dans la zone du château de Beaufort, dans le sud du Liban", a-t-elle précisé dans un communiqué.
La Croix-Rouge met en garde contre l'évacuation de Gaza-ville, Israël durcit le siège
La Croix-Rouge internationale a mis en garde samedi contre une évacuation massive de la population de Gaza-ville, à l'heure où l'armée israélienne durcit le siège de l'agglomération en vue d'une offensive annoncée comme majeure contre le mouvement islamiste palestinien Hamas.
Alors que la bande de Gaza est dévastée par près de 23 mois de guerre, la Défense civile, organisation de premiers secours, a fait état de 66 morts samedi dans plusieurs frappes israéliennes dans le territoire palestinien, notamment à Gaza-ville.
Malgré des pressions croissantes, tant à l'étranger qu'en Israël, pour mettre fin à la guerre, le gouvernement de Benjamin Netanyahu affirme vouloir poursuivre l'offensive et l'armée se prépare à un assaut généralisé sur Gaza-ville. L'armée a jugé "inévitable" l'évacuation de l'agglomération. "Il est impossible que l'évacuation massive de la ville de Gaza puisse être menée à bien de manière sûre et digne dans les conditions actuelles", a réagi la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric dans un communiqué.
Des milliers d'habitants ont déjà fui la ville, située dans le nord du territoire. Selon l'ONU, près d'un million de personnes vivent dans le gouvernorat de Gaza, qui comprend la ville et ses environs.
Yémen : les rebelles crient vengeance après la mort de leur Premier ministre dans des raids israéliens
Les rebelles houthis au Yémen ont promis samedi de se venger après la mort de leur Premier ministre Ahmad Ghaleb al-Rahwi, tué dans des frappes israéliennes sur la capitale Sanaa plus tôt cette semaine. Il s'agit du plus haut responsable politique connu des Houthis à avoir été tué dans de tels raids depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas en octobre 2023.
Samedi soir, l'armée israélienne a confirmé dans un communiqué avoir tué Ahmad Ghaleb al-Rahwi "ainsi que d'autres hauts responsables" dans une frappe contre une installation au Yémen abritant "de hauts responsables militaires et d'autres hauts responsables du régime terroriste houthi". "La frappe a été rendue possible grâce à l'exploitation d'une opportunité en matière de renseignement et à la réalisation d'un cycle opérationnel rapide, qui s'est déroulé en quelques heures", précise le texte.
Dans un communiqué distinct, les Houthis ont annoncé la nomination de Mohammed Ahmad Mouftah "Premier ministre par intérim" pour succéder à Ahmad Ghaleb al-Rahwi, qui avait été nommé en août 2024.
Une nouvelle flottille en partance dimanche vers Gaza pour "prévenir le génocide"
Avec pour slogan "Quand le monde reste silencieux, nous levons l'ancre", une flottille avec de l'aide humanitaire et des activistes dont Greta Thunberg partira dimanche de Barcelone (Espagne) pour tenter de "rompre le siège illégal de Gaza", selon ses organisateurs.
Les bateaux de cette nouvelle flottille en direction du territoire palestinien chercheront "à arriver à Gaza, livrer l'aide humanitaire, annoncer l'ouverture d'un corridor humanitaire et ensuite apporter plus d'aide, et ainsi également briser définitivement le blocus illégal et inhumain d'Israël sur Gaza", a annoncé samedi dans une interview à l'AFPTV la Suédoise Greta Thunberg.
Cette mission, baptisée "Global Sumud Flotilla, est différente" des précédentes car "maintenant, nous avons beaucoup plus de bateaux, nous sommes beaucoup plus nombreux, et cette mobilisation est historique", a affirmé l'activiste de 22 ans depuis le port espagnol.
Dans The Art of Deal (L’Art de la négociation), le best-seller de Donald Trump publié en 1982 qui se présente comme la Bible de la réussite dans le business, on lit ce conseil : "La pire chose que vous puissiez faire dans une négociation est d’avoir l’air de vouloir conclure l’affaire à tout prix. Cela donne à l’autre l’impression que vous êtes à bout ; que vous êtes perdu, dépassé. Il faut au contraire négocier en position de force et faire levier avec ce que votre interlocuteur semble vouloir obtenir. Mieux : avec ce dont il a désespérément besoin. Mieux encore : avec ce dont il ne peut pas se passer. Hélas ! ce n’est pas toujours possible. Voilà, c’est pourquoi l’effet de levier [NDLR : leverage, en anglais, l’un des mots récurrents du lexique trumpien] nécessite de l’imagination et un certain talent commercial. Vous devez convaincre votre interlocuteur qu’il a tout intérêt à conclure la transaction."
The Art of the Deal, par Donald Trump, publié en 1982
Vladimir Poutine connaît bien, lui aussi, cette technique de "négo". Homme à tout faire d’Anatoli Sobtchak (le maire de Saint-Pétersbourg au début des années 1990), l’actuel maître du Kremlin devait alors composer avec la Tambovskaya Bratva, nom de la pègre qui régnait alors sur l’ancienne Leningrad. Cette expérience face à des durs à cuire constitue son point commun avec Donald Trump lequel, pour sa part, a démarré sa carrière dans le milieu interlope de l’immobilier new-yorkais, une jungle impitoyable notoirement infiltrée par les grandes familles de la mafia.
Poutine, "Monsieur Niet" du XXIe siècle
Au fond, les deux hommes parlent le même langage. Pour ce qui est d’intimider son interlocuteur, personne n’a rien à apprendre à l’autre. Mais le leader russe possède une corde supplémentaire à son arc. Lui et son équipe ont presque tous été formés à l’école soviétique : soit au sein de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO), tels le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (qui parle cinq langues) et le négociateur Vladimir Medinsky (qui en maîtrise trois) ; soit à l’Université de Leningrad, où Poutine (qui parle l’allemand) étudiait l’économie. Deux universités d’excellence où l’on s’imprègne de l’histoire impériale russo-soviétique, des relations internationales et de connaissances générales approfondies.
Aussi, les négociateurs du Kremlin ont le sens du temps long. Leur horizon se mesure en décennies et en siècles ; celui de l’impatient Trump, en semaines, voire en mois. "Lorsqu’on regarde les deux équipes de la rencontre du 15 août en Alaska, on a l’impression de voir des amateurs face à des professionnels, juge Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français des relations internationales. Le trio russe possède à l’évidence une stratégie de long terme et un niveau de connaissance du dossier que n’ont ni Donald Trump, ni Steve Witkoff (son représentant personnel, également milliardaire de l’immobilier) ni Marco Rubio (le ministre des Affaires étrangères, encore peu aguerri aux relations internationales).
"Premièrement, ils exigent le maximum"
Retors, les diplomates formés sur les rives de la Moskova sont les dignes héritiers de l’inflexible ministre des Affaires étrangères Andreï Gromyko, alias "Monsieur Niet" au temps de l’Union soviétique. L’Estonienne Kaja Kallas, vice-présidente de la Commission européenne, a récemment rappelé que Poutine ou Lavrov n’ont rien oublié de la grammaire de la guerre froide. "Ils appliquent les trois principes de Gromyko, dit-elle. Premièrement, ils exigent le maximum. Deuxièmement, ils posent des ultimatums. Troisièmement, ils ne cèdent rien, pas un pouce car, pensent-ils, il se trouvera toujours quelqu’un en Occident pour leur faire des concessions. Suivant cette ligne, ils obtiennent un tiers, voire la moitié de ce qu’ils ne possédaient même pas en démarrant la discussion !"
Qui plus est, les Russes sont méthodiques et disciplinés. Ils martèlent le même message, sans en dévier. Depuis le début de la guerre en Ukraine, leurs arguments fallacieux n’ont pas évolué : les Ukrainiens sont des nazis, l’Otan a causé la guerre, il faut rediscuter des causes profondes du conflit (l’Occident menace la Russie), etc. "Ils ne varient pas d’un iota et avancent unis. Ils sont tellement soudés que les discours de Poutine, Lavrov ou Medinski sont interchangeables, reprend Tatiana Kastouéva-Jean. Face à eux, Witkoff, Rubio ou le général Kellogg, le représentant spécial de Trump en Ukraine, expriment des nuances liées à leurs personnalités, incarnent des sensibilités différentes. Les Russes, eux, forment un bloc monolithique : impossible d’y enfoncer un coin !"
Donald Trump et Vladimir Poutine, à Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025
"Les Russes ne montrent jamais leurs faiblesses"
Simultanément, ils cherchent à prendre l’ascendant psychologique. "Depuis le début, le Kremlin fait croire à l’imminence de sa victoire, poursuit la chercheuse. Ils voudraient inciter l’adversaire à tout céder, tout de suite, laissant entendre que les conséquences seront pires dans le cas où la situation s’éterniserait." Probablement coordonnée avec le Kremlin, la déclaration du président du Kazakhstan [NDLR : à l’ex-chancelier allemand Olaf Scholz] à l’automne dernier allait en ce sens : "La Russie ne peut être vaincue militairement, en raison de ses capacités nucléaires", affirmait alors Kassym-Jomart Tokaïev. Et le dirigeant - qui doit son maintien au pouvoir à l’intervention militaire de Poutine après des manifestations massives en 2022 - d’appeler à une résolution diplomatique rapide afin d’éviter "des conséquences irréparables pour l’humanité".
Expert en géostratégie, le Suédo-Finlandais Tomas Ries observe les Russes depuis un demi-siècle : "Ce sont des maîtres dans l’art de négocier à partir d’une 'mauvaise main', comme on dit au poker. Aujourd’hui, leur situation économique et militaire n’a rien de brillante. Pourtant ils ne montrent jamais le moindre signe de faiblesse : au contraire, ils projettent une image de puissance." Rattaché à l’Ecole de guerre suédoise, l’analyste poursuit : "Il faut comprendre leur mentalité. Les Russes ne négocient pas afin de trouver un compromis mais dans le but de rouler l’adversaire dans la farine. Ils jouent un jeu très psychologique, de façon brutale, en s’appuyant sur tous les moyens : le mensonge, la ruse ou encore la désinformation militaire (la fameuse maskirovka) qui sont autant de techniques intégrées à leur doctrine militaire depuis des lustres."
L'atout de Trump ? Son imprévisibilité calculée
Leur art consommé de la provocation vise lui aussi à déconcerter l’adversaire. Ainsi Sergueï Lavrov est-il arrivé à Anchorage vêtu d’un sweat-shirt floqué des lettres CCCP (URSS en cyrillique) destiné à rappeler à l’Occident que l’Ukraine n’est, pour le Kremlin, qu’un objectif parmi d’autres. Orfèvre en matière de cynisme, le vieux crocodile (Lavrov, donc) a ensuite proposé, le 20 août, que "la Russie fournisse elle-même des garanties de sécurité à l’Ukraine" ! Autre provocation, signée Poutine, cette fois : début août, le chef de l’Etat remet à Steve Witkoff une décoration militaire – l’Ordre de Lénine – afin qu’il la rapporte aux parents d’un mercenaire américain tué en Ukraine où ce dernier combattait côté russe. Or la mère du défunt est une employée de la CIA et son père, un retraité de l’US Navy. L’administration américaine n’a pas commenté… Enfin, une semaine après les pourparlers en Alaska, l’armée russe a lancé une attaque de drones et de missiles contre des cibles dans l’ouest de l’Ukraine. Parmi elles : une usine de produits électroménagers à capitaux… américains.
"La meilleure façon de faire est de leur opposer une solide expertise et de se montrer extrêmement fermes, comme l’ont été tous les présidents américains durant la guerre froide, lorsque les deux superpuissances négociaient sur le nucléaire sans discontinuer, reprend Tomas Ries. Avec les Russes, il faut aussi se montrer très patient." Un exemple ? Le marchandage entre la Norvège et la Russie sur la délimitation des eaux territoriales en mer de Barents a duré… quatre décennies ! "Les Russes faisaient traîner, gagnaient du temps, espérant mettre les nerfs des Norvégiens à l'épreuve, raconte Ries. Mais les Norvégiens ont tenu bon jusqu’à la signature en 2010. La raison, c’est qu’ils ont l’habitude de traiter avec leur grand voisin. Et qu’ils sont patients. Ce qui n’est pas le cas de Trump."
Malgré tout, le président américain possède des atouts. Outre la puissance des Etats-Unis (militaire, politique, économique, financière), sa force réside dans son imprévisibilité, qui défie les codes des relations internationales auxquels les Russes sont habitués. "Le président ne joue jamais la même carte deux fois de suite, observe James Arnold, un expert en géostratégie qui participe à des réseaux de diplomatie parallèle. Ses interlocuteurs ne peuvent donc pas prédire s’il va 'escalader' ou 'désescalader' dans la négo, parce qu’il maintient toujours plusieurs options ouvertes simultanément. Volontairement indéchiffrable, il crée un brouillard qui empêche Poutine ou Zelensky de développer des contre-stratégies efficaces." Mais cette tactique a aussi des limites. Car à force de revirements, l’imprévisibilité de Donald Trump devient prévisible.
Par un effet collatéral, Trump déstabilise en tout cas autant l’Europe que la Russie. "Incapables de prédire les actions de la Maison-Blanche, les alliés de l’Amérique se voient obligés de développer leurs propres capacités de défense plutôt que de dépendre des garanties de sécurité américaines, devenues hypothétiques", constate, en Californie, Chris Nixon Cox, l’un des piliers de la Fondation Richard Nixon (son grand-père), un think-tank où la géopolitique occupe une place centrale.
Le deuxième mandat de Trump confirme que l’imprévisibilité stratégique reste sa méthode de prédilection. "Cette posture oblige chaque joueur (Russie, Europe, Chine) à recalculer constamment ses possibilités d’action, reprend Nixon Cox. Tous les pays sont suspendus aux annonces de Trump."
Reste à savoir – ou plutôt : à deviner – quelles sont ses intentions. "Il ne faut s’attendre à aucun accord de paix, prédit, à Washington, l’analyste Jacob Heilbrunn, qui dirige la revue de géopolitique The National Interest. Donald Trump a compris qu’en raison du blocage russe, il ne parviendra pas à un accord. Or il ne veut pas être associé à un échec. Il va donc chercher un moyen de se retirer en déclarant qu’il appartient aux Européens de régler le problème…" Sans autre stratégie que de sauver la face et avoir le beau rôle, Donald Trump maîtrise mieux l’art du bluff que l’art du deal.
C’est une nouvelle étape dans ce qui s’apparente à une guerre technologique. Ce vendredi 29 août, le Wall Street Journala révélé que le géant chinois du commerce en ligne, Alibaba, a développé une nouvelle puce d’intelligence artificielle plus polyvalente que ses anciens modèles, du fait des obstacles réglementaires qui empêche Nvidia, la firme américaine, de vendre ses produits en Chine.
Loin pour l’instant d’être en mesure de fabriquer des puces capables de rivaliser avec les produits américains les plus avancés, les entreprises chinoises cherchent en effet à trouver des substituts à la puce H20 de Nvidia, le processeur d’IA le plus puissant qu’elle soit autorisée à vendre en Chine. Alors qu’en juillet dernier le président Donald Trump a autorisé Nvidia à reprendre ses exportations de H20 vers la Chine, Pékin a peu après demandé aux entreprises d’éviter l’utilisation de ces processeurs dans des projets sensibles, invoquant des risques de sécurité que Nvidia affirme inexistants.
Côté américain, un accord a été conclu le 11 août entre la Maison-Blanche, Nvidia et AMD, imposant aux deux groupes de reverser 15 % de leurs ventes en Chine au gouvernement américain, en échange d’autorisations d’exportation pour les H20.
Garantir un approvisionnement suffisant
Dans ce contexte, et alors que l’intelligence artificielle se généralise, Alibaba a annoncé un investissement d’au moins 53 milliards de dollars dans ce secteur au cours des trois prochaines années. L’entreprise possède également l’un des modèles d’IA les mieux notés au monde, Qwen. La nouvelle puce qu’elle développe, actuellement en phase de test, est destinée à couvrir un éventail plus large de tâches d’inférence d’IA, soit la capacité à faire des prédictions précises basées sur de nouvelles données.
L’un des défis pour Alibaba et les autres acteurs locaux dépendant des usines de puces chinoises est de garantir un approvisionnement suffisant. Ces usines, qui utilisent des machines étrangères plus anciennes et des équipements locaux moins puissants, peinent à augmenter leurs capacités. MetaX, la start-up shanghaïenne qui avait déjà lancé en juillet une nouvelle puce destinée à remplacer la H20, contourne ces obstacles en utilisant une technologie de génération antérieure pour fabriquer sa nouvelle puce, selon des sources proches du produit rapportées par le Wall Street Journal. MetaX combine deux puces plus petites pour compenser la perte de performances.
Pékin, de son côté, a investi davantage pour construire une chaîne d’approvisionnement en IA autosuffisante, notamment en créant un fonds d’investissement en IA de 8,4 milliards de dollars, annoncé en janvier.
"C’est une très grosse affaire", selon les mots de Donald Trump. Quelques semaines seulement après que le président américain a conclu un accord avec ses alliés de l’Otan pour vendre plusieurs milliards de dollars d’équipements militaires, les Etats-Unis vont envoyer d’ici à 6 semaines 3 500 missiles de croisière à longue portée et de kits de navigation GPS à l’Ukraine, a annoncé jeudi 28 août le Département d’Etat américain. Le coût de cette vente, qui doit encore être approuvée par le Congrès, s’élève à 825 millions de dollars (706 millions d'euros), financés par le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège, avec une aide financière non précisée du Pentagone.
Parmi les engins vendus, figurent des missiles aériens ERAM (pour Extended Range Active Missile), développés dès janvier 2024 spécialement pour le conflit ukrainien, dont la portée se situe entre 240 et 450 kilomètres. Ces derniers permettent ainsi de toucher des cibles situées à une longue distance, comme les missiles Storm Shadow et Scalp que l’Ukraine a utilisés pour frapper la Crimée et la Russie, et peuvent être transportés sur divers avions, notamment les F-16 que reçoit actuellement l’Ukraine de la part de ses alliés.
Un changement de cap
Cette vente constitue l’un des premiers achats effectués par des pays européens pour le compte de l’Ukraine depuis la conclusion de l’accord par Donald Trump et les dirigeants de l’Otan, et illustre un changement de politique pour les États-Unis, qui avaient déjà fourni sous l’administration Biden environ 67 milliards de dollars d’armes et d’autres aides militaires, directement à l’Ukraine. A l’époque, Donald Trump avait qualifié d'"erreur" l’envoi de missiles : "Pourquoi agissons-nous ainsi ? Nous ne faisons qu’aggraver cette guerre. Cela n’aurait pas dû être autorisé", avait-il martelé bien avant son investiture.
Mais la semaine dernière, alors que des négociations étaient en cours entre le président russe et Volodymyr Zelensky, le 47e président des Etats-Unis a assuré que l’Ukraine ne pourrait vaincre la Russie que si elle pouvait "jouer l’offensive" dans la guerre. "Il est très difficile, voire impossible, de gagner une guerre sans attaquer le pays d’un envahisseur", a-t-il écrit sur son réseau Truth Social jeudi 21 août.
Des négociations difficiles
"Ce n’est pas un changement radical pour l’armée de l’air ukrainienne, mais cela pourrait signaler qu’il existe une conversation productive entre les Européens et l’administration Trump, en termes de fourniture future d’équipements modernes à l’Ukraine", analyse Rafael Loss, expert en défense et sécurité au Conseil européen des relations étrangères, auprès du New York Times.
De son côté, le président américain cherche à négocier la paix entre la Russie et l’Ukraine, mais ses efforts sont en grande partie au point mort depuis ses rencontres très médiatisées ce mois-ci avec le président russe Vladimir Poutine en Alaska et, quelques jours plus tard, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et les dirigeants européens à Washington.
Jeudi 28 août, la Russie a bombardé un barrage qui a tué au moins 23 personnes à Kiev, la capitale, dont quatre enfants. Le Conseil de sécurité de l'ONU s’est alors réuni le lendemain, réunion durant laquelle John Kelley, représentant américain par intérim, a condamné la dernière l’attaque russe, affirmant qu’elle "jetait le doute sur le sérieux du désir de paix de la Russie".
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprime tandis que le président français Emmanuel Macron et le président américain Donald Trump l'écoutent lors d'une réunion avec les dirigeants européens dans la salle Est de la Maison-Blanche à Washington, le 18 août 2025.
Le député ukrainien Andriï Parouby, ancien président du Parlement, a été tué par balle samedi à Lviv, dans l'ouest du pays, ont annoncé les autorités nationales, ajoutant que le tireur était recherché. Les circonstances de son décès, et les raisons pour lesquelles il a été visé, sont pour l'heure inconnues.
L'Ukraine ouvre une enquête sur le "meurtre" d'un ancien président du Parlement
Le bureau du procureur général ukrainien a annoncé samedi avoir ouvert une enquête sur le "meurtre" de l'ancien président du Parlement Andriï Parouby, figure de la révolution du Maïdan en 2014, tué par balle dans l'ouest du pays.
"Une enquête préliminaire a été ouverte pour le meurtre intentionnel d'Andriï Parouby", a indiqué le bureau du procureur général dans un communiqué, affirmant que le tireur était recherché. Les circonstances et le mobile du crime restant pour l'heure inconnus.
M. Parouby avait pris part aux récents grands mouvements pro-européens en Ukraine, d'abord la "révolution orange" de 2004, puis celle du Maïdan en 2014.
Un mort et une vingtaine de blessés après une nuit de frappes russes
La Russie a lancé une attaque aérienne d'ampleur contre des régions ukrainiennes dans la nuit de vendredi à samedi, faisant un mort et une vingtaine de blessés à Zaporijjia (sud), selon les autorités locales, et le président Volodymyr Zelensky a appelé Washington et Bruxelles à agir.
Au moins une personne a été tuée et une vingtaine d'autres blessées dans des attaques russes nocturnes à Zaporijjia, une grande ville du Sud, ont indiqué sur Telegram les services de secours. Trois mineurs, âgés de neuf à 16 ans, ont été hospitalisés, ont-ils ajouté.
L'armée russe a lancé contre l'Ukraine 582 drones et missiles dans la nuit, a affirmé l'armée de l'air ukrainienne, disant en avoir abattu la majorité. Au total, 14 régions ont été affectées par cette offensive, selon le président Volodymyr Zelensky.
Le ministère russe a assuré avoir effectué une "frappe massive" contre des cibles "militaires" en Ukraine. Moscou assure toujours ne pas viser d'infrastructures civiles, malgré les très nombreux éléments prouvant le contraire.
(ARCHIVES) Le président de la Verkhovna Rada, le Conseil suprême de l'Ukraine, Andriy Parubiy, s'adresse aux membres du Parlement à Kiev le 6 décembre 2018, avant le vote parlementaire sur le projet de loi visant à mettre fin au traité d'amitié, de coopération et de partenariat avec la Russie à compter du 1er avril 2019. Le législateur ukrainien Andriy Parubiy, ancien président du Parlement, a été abattu le 30 août 2025 dans la ville occidentale de Lviv, ont déclaré les autorités, dans ce que le président Volodymyr Zelensky a qualifié de « meurtre horrible ». (Photo de GENYA SAVILOV / AFP)
Le trio composé du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne, qu'on appelle E3, a déclenché jeudi un mécanisme nommé "snapback". Celui-ci permet de rétablir les sanctions de l'ONU contre la République islamique en vertu de l'accord international sur le contrôle du programme nucléaire iranien, signé en juillet 2015 et endossé à l'époque par une résolution du Conseil de sécurité. Le texte de 2015 expire en octobre.
En juillet, "nous avions proposé à l'Iran une prolongation (de la suspension des sanctions) si l'Iran prenait des mesures spécifiques pour répondre à nos inquiétudes les plus pressantes", telles que le respect de ses obligations avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et la question des stocks d'uranium enrichi, a dit vendredi au siège de l'ONU à New York l'ambassadrice britannique Barbara Woodward. Elle s'exprimait avant une réunion à huis clos du Conseil de sécurité, aux côtés de ses homologues allemand et français.
Mais Téhéran avait rejeté cette offre, jugeant que les Européens n'avaient pas le droit de rétablir les sanctions de l'ONU levées il y a dix ans. Et "à ce jour l'Iran n'a montré aucun signe de vouloir répondre" aux demandes de l'E3, a déploré l'ambassadrice britannique.
La diplomatie n'est pas finie
Mais, a insisté Mme Woodward, le déclenchement du rétablissement des sanctions "ne marque pas la fin de la diplomatie". "Notre offre de prolongation est toujours sur la table", a-t-elle proposé. "Nous appelons l'Iran à revoir sa position, à accepter un accord fondé sur notre offre et à aider à créer un espace pour une solution diplomatique à cette question sur le long terme", a exhorté la diplomate britannique.
En visite vendredi à Copenhague, la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Kaja Kallas a, elle aussi, laissé la porte ouverte à la négociation pendant un mois. "Nous entrons dans une nouvelle phase de 30 jours (...) que nous devons vraiment utiliser pour trouver des solutions diplomatiques", a-t-elle déclaré avant le début d'une réunion de l'UE dans la capitale danoise. Le "snapback", différent des décisions habituelles du Conseil de sécurité, prévoit que les sanctions soient rétablies à l'issue des 30 jours, à moins que le Conseil n'adopte une résolution confirmant la levée des sanctions. Signé en juillet 2015 par le E3, l'Iran, les Etats-Unis, la Chine et la Russie - sous la présidence de Barack Obama qui cherchait à rapprocher Washington de Téhéran - l'accord suspend diverses sanctions économiques prises par l'ONU.
Retrait de Donald Trump
Les Etats-Unis, sous le premier mandat du président Donald Trump, avaient décidé en 2018 de s'en retirer et avaient rétabli leurs propres sanctions. Téhéran s'était ensuite affranchi de certains engagements, notamment sur l'enrichissement d'uranium.
Mais, sous son second mandat commencé le 20 janvier, le milliardaire républicain avait commencé à renouer le dialogue avec l'Iran, avant qu'Israël ne le convainque de l'aider à frapper les installations atomiques iraniennes lors d'une guerre de 12 jours en juin. Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a toutefois répété jeudi que Washington restait ouvert à des pourparlers directs avec Téhéran avec qui les relations diplomatiques sont rompues depuis 1980. Son homologue iranien Abbas Araghchi a encore rétorqué vendredi que "la décision du E3 aura des effets préjudiciables importants sur la diplomatie".
Les pays occidentaux soupçonnent la République islamique chiite de vouloir se doter de l'arme atomique. Elle dément et défend son droit à développer un programme nucléaire civil. Du côté de la Russie, signataire du texte de 2015 mais alliée de l'Iran, le président Vladimir Poutine "discutera" lundi du programme nucléaire avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian, à l'occasion d'une rencontre en Chine, selon le Kremlin. La diplomatie russe a exhorté les Européens "à réviser leurs décisions erronées avant que celles-ci n'aboutissent à des conséquences irréparables et à une nouvelle tragédie".
Une photo fournie par le bureau du président iranien le 30 août 2025 montre le président Masoud Pezeshkian s'exprimant lors d'une interview télévisée à Téhéran. Le président Vladimir Poutine "discutera" lundi du programme nucléaire avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian, à l'occasion d'une rencontre en Chine. (Photo : Présidence iranienne / AFP) / RÉSERVÉ À UN USAGE ÉDITORIAL - CRÉDIT OBLIGATOIRE « AFP PHOTO / Bureau du président iranien »
Donald Trump aura réussi l'exploit, malgré lui, de rabibocher deux rivaux. Alors que des conflits frontaliers les opposent depuis des décennies, les relations entre l'Inde et la Chine pourraient prendre une nouvelle tournure, après que le Premier ministre indien, Narendra Modi, et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, ont échangé le 19 août, saluant des "progrès constants" dans leurs échanges. Selon des déclarations du second, les deux parties ont convenu, lors de cette rencontre, de reprendre les vols directs – réitérant un engagement pris en janvier –, de délivrer des visas aux journalistes et de faciliter les transactions commerciales et culturelles.
Dans le cadre du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui se tient dimanche 31 août et lundi 1er septembre, à Tianjin, près de Pékin, Narendra Modi, qui n’a pas foulé le sol de la Chine depuis 2018, rencontrera aussi Xi Jinping. Les deux dirigeants avaient déjà échangé en octobre dernier en Russie, et avaient conclu un accord sur les patrouilles frontalières et le retrait de forces armées supplémentaires.
Une guerre commerciale
Selon plusieurs analystes, cette amélioration lente mais constante des relations sino-indiennes s’inscrit dans le contexte de guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. Mercredi 27 août, les droits de douane imposés par les Etats-Unis aux produits indiens importés sur son sol sont en effet passés de 25 à 50 %, une décision prise par le président américain en représailles aux achats de pétrole russe par New Delhi. "Trump et ses actions ont peut-être renforcé le sentiment d’urgence. Et les Chinois semblent jouer sur l’idée qu’ils sont le partenaire le plus fiable", a commenté auprès du Wall Street Journal Harsh Pant, responsable des études stratégiques à l’Observer Research Foundation, un groupe de réflexion de New Delhi.
"Côté chinois, la Chine cherche à faire face aux droits de douane américains en créant une sorte de front uni, et en essayant de collaborer commercialement avec d’autres marchés, comme l’Union européenne, ou, en Asie, la Malaisie et le Vietnam. Pour les mêmes raisons, la Chine a tout intérêt à renforcer sa coopération avec l’Inde pour accéder à son marché", a appuyé Daniel Balazs, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour, dans un entretien à L’Express.
Un PIB en hausse
Jusqu’à présent, les Etats-Unis étaient la première destination des produits indiens en 2024, pour une valeur totale de 87,3 milliards de dollars. Mais la Chine est le deuxième partenaire commercial du pays dirigé par Narendra Modi, et les capacités de fabrication croissantes de l’Inde dans le domaine de l’électronique, par exemple, restent fortement dépendantes des pièces chinoises.
Malgré les inquiétudes sur les perspectives pour l’économie indienne, le Produit intérieur brut (PIB) du pays a grimpé de 7,8 % lors du trimestre allant d’avril à juin, selon des données officielles publiées vendredi, par rapport à la même période de l’année précédente. Le ministre indien du Commerce a également annoncé que le gouvernement allait prendre des mesures dans les prochains jours pour soutenir tous les secteurs et stimuler l’économie.
Au-delà de la question économique, l’Inde et la Chine poursuivent leur dialogue pour la "désescalade" du conflit à leurs frontières. Le 20 août, les ministres des affaires étrangères des deux pays s’étaient rencontrés afin d'"explorer la possibilité de faire avancer les négociations sur la démarcation des frontières", ont annoncé les médias d’État chinois. "Les revers que nous avons subis ces dernières années n’étaient pas dans l’intérêt des peuples de nos deux pays. Nous sommes encouragés de constater la stabilité désormais rétablie aux frontières", a déclaré de son côté Wang Yi.
Le président chinois Xi Jinping rencontre le Premier ministre indien Narendra Modi en marge du 16e Sommet des BRICS à Kazan, en Russie, le 23 octobre 2024.
Le président chinois Xi Jinping a entamé samedi une série d'entretiens bilatéraux à Tianjin, dans le nord de la Chine, à la veille de ce qui s’annonce comme le plus grand sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) depuis sa création en 2001. L'OCS, qui rassemble dix États membres et seize pays partenaires ou observateurs, est présenté par Pékin comme un modèle de multilatéralisme, à l’heure où les tensions internationales s’accumulent : confrontation commerciale des Etats-Unis avec la Chine et l'Inde, tensions dans le détroit de Taïwan, guerre en Ukraine, querelle nucléaire iranienne notamment. L'organisation représente à elle seule presque la moitié de la population mondiale et une part importante du PIB global. Elle est souvent présentée comme un contrepoids à l’Otan, bien que son rôle opérationnel reste limité.
Parmi les premiers à rencontrer le dirigeant chinois figurent le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et le Premier ministre égyptien Moustafa Madbouly, selon les médias officiels chinois. D’autres chefs d’État et de gouvernement sont attendus à ce sommet régional, notamment les présidents russe Vladimir Poutine, iranien Massoud Pezeshkian, turc Recep Tayyip Erdogan, ainsi que le Premier ministre indien Narendra Modi.
Xi Jinping devrait profiter de la réunion pour approuver la stratégie de développement de l’OCS pour la prochaine décennie, et exposer sa vision de la gouvernance mondiale. Il s’agira également d’une démonstration de force, alors que la Chine organise mercredi une parade militaire à Pékin, en commémoration des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un y est attendu, a annoncé Pékin.
Selon l'agence Bloomberg, l'occasion devrait se présenter pour le président russe Vladimir Poutine d'aborder avec Xi Jinping le projet de gazoduc Power of Siberia 2, destiné à acheminer le gaz russe vers la Chine, alors que Moscou cherche à compenser la perte de ses débouchés européens. Ce projet n’a toutefois pas encore reçu l’engagement officiel de Pékin. Les regards seront aussi tournés vers la posture commune que pourrait adopter l’OCS à l’égard des États-Unis. Toujours selon Bloomberg, toute déclaration critique envers Washington ou marquant un rapprochement entre New Delhi, Pékin et Moscou serait particulièrement scrutée, dans un contexte où Donald Trump a récemment alourdi les droits de douane sur les importations indiennes, en réaction aux achats de pétrole russe par l’Inde.
Pour Xi Jinping, ce sommet constitue une étape importante de sa stratégie visant à remodeler l’ordre mondial via des alliances comme l’OCS ou les BRICS. Mais l’organisation, bien que vaste, peine à se montrer unie face aux crises. Son absence a notamment été remarquée lors des récentes tensions entre l’Inde et le Pakistan, ou face aux attaques occidentales contre l’Iran. L’expert Jeremy Chan, cité par l’agence, souligne que "lorsque la situation devient difficile, la Chine est absente, même pour ses amis, que ce soit sur une base bilatérale ou multilatérale".
C’est un feuilleton qui n’en finit pas. Alors que Donald Trump cherche depuis plusieurs jours à limoger Lisa Cook, la gouverneure de la banque centrale des Etats-Unis (Fed), qu’il accuse de fraude sur un emprunt immobilier souscrit avant sa prise de fonctions, la justice américaine n’a pas encore statué sur son sort, ce vendredi 29 août.
Les avocats de Lisa Cook ont demandé à Jia Cobb, une juge de la capitale américaine saisie en urgence, d’empêcher le président américain et le conseil des gouverneurs de prendre des mesures de nature à écarter la gouverneure de son poste. En retour, la magistrate a décidé de ne pas prendre de décision dans l’immédiat, et a demandé aux parties de lui présenter de nouveaux éléments mardi prochain.
Une bataille des juges
Le litige marque l’entrée en scène des juges dans une bataille dont l’issue peut changer la face de la Fed, la banque centrale la plus puissante du monde, chargée de combattre l’inflation aux Etats-Unis et d’y favoriser le plein-emploi. En dernier ressort, la Cour suprême, à majorité conservatrice, finira vraisemblablement par devoir se prononcer. Et définir précisément dans quelles circonstances le président des Etats-Unis peut révoquer un banquier central de la Fed - ce que les textes n’ont pas fait.
"Si Trump actionne toute la bureaucratie fédérale contre les gouverneurs de la Fed, les uns après les autres, et que la Cour suprême le laisse révoquer Lisa Cook - alors que celle-ci n’a même pas été condamnée -, il agit comme juge et juré, sans avoir même fourni de preuves. Il pourrait ensuite placer suffisamment de ses proches au sein de la Fed pour faire basculer le système", alertait alors l’économiste Kenneth Rogoff, dans une interview accordée à l’Express.
Des accusations non contestées
Première femme noire à siéger au conseil des gouverneurs de la Fed, nommée en 2022 par l’ancien président Joe Biden, Lisa Cook est accusée par le camp présidentiel d’avoir menti pour obtenir des emprunts immobiliers à des taux plus favorables en 2021 ; des accusations qu’elle n’a pas publiquement contestées sur le fond - ce que lui reproche la partie adverse. Mais ses avocats considèrent qu’il ne lui a jamais été donné l’opportunité de se défendre, et que la Maison-Blanche cherche en réalité un "prétexte" pour se débarrasser d’une gouverneure qui n’entend pas obéir aux injonctions du président américain en matière de politique monétaire.
Jeudi 28 août, le directeur de l’agence fédérale de financement du logement américain, Bill Pulte, a également annoncé avoir déposé une seconde plainte contre Lisa Cook. Lui aussi l’accuse de "fausses déclarations" à propos de ses logements. Si elle doit partir, Donald Trump pourra nommer son remplaçant, qui devra être confirmé par le Sénat à majorité républicaine. Le chef d’Etat américain souhaite que les taux d’intérêt de la Fed soient beaucoup plus bas et assume de vouloir placer au sommet de l’institution des personnes partageant ses vues sur l’économie.
Les Etats-Unis ont annoncé vendredi refuser l'octroi de visas à des membres de l'Autorité palestinienne avant l'Assemblée générale de l'ONU prévue en septembre, où la France plaidera pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. Israël salue une "initiative courageuse", l'Autorité palestinienne appelle Washington à "revenir sur sa décision".
L'UE presse Washington de "reconsidérer" sa décision
L'Union européenne a appelé samedi les Etats-Unis à "reconsidérer" leur refus d'octroyer des visas aux responsables palestiniens qui prévoient d'assister en septembre à l'Assemblée générale des Nations unies à New York.
"Nous demandons tous instamment que cette décision soit reconsidérée, compte tenu du droit international", a déclaré la cheffe de la diplomatie de l'UE Kaja Kallas, qui s'exprimait à Copenhague après une réunion des ministres des Affaires étrangères des 27.
Washington a annoncé cette décision vendredi soir, à quelques semaines de l'Assemblée générale de l'ONU où la France plaidera pour la reconnaissance d'un Etat palestinien.
L'Onu "ne saurait souffrir d'aucune restriction d'accès", selon la France
Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a dénoncé samedi le refus par les Etats-Unis de l'octroi de visas à des responsables palestiniens pour venir à New York, affirmant que le siège de l'ONU "ne saurait souffrir d'aucune restriction d'accès". "Le siège des Nations Unies est un lieu de neutralité. C'est un sanctuaire, au service de la paix. Une Assemblée générale des Nations Unies ne saurait souffrir d'aucune restriction d'accès", a déclaré M. Barrot à Copenhague, peu avant une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE.
Washington a annoncé cette décision vendredi soir, à quelques semaines de la prochaine assemblée générale des Nations Unies prévue en septembre, où la France plaidera pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. Un geste également dénoncé par Xavier Bettel, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères. "On ne peut pas nous prendre en otage", a-t-il lancé, suggérant d'organiser à Genève une session spéciale de l'AG de l'ONU pour s'assurer de la présence des Palestiniens. "On doit pouvoir discuter ensemble, on ne peut pas tout simplement dire qu'on exclut la Palestine du dialogue", a affirmé M. Bettel devant la presse à Copenhague.
Kaja Kallas "pas très optimiste" sur des sanctions de l'UE contre Israël
La cheffe de la diplomatie de l'Union européenne Kaja Kallas a reconnu samedi ne pas être "très optimiste" sur la possibilité que les Vingt-Sept sanctionnent Israël, en dépit de la situation humanitaire catastrophique dans le territoire palestinien de Gaza. "Je ne suis pas très optimiste, et nous n'allons certainement pas adopter de décisions aujourd'hui (samedi)", a-t-elle déclaré à Copenhague, avant une réunion des ministres des Affaires étrangères des 27. "Cela envoie le signal que nous sommes divisés", a déploré Mme Kallas.
La Commission européenne a proposé la suspension des financements européens aux start-ups israéliennes, mais "même cette mesure", plutôt "indulgente" n'a pas été retenue par les 27 en raison de leurs divisions, a souligné la dirigeante estonienne. Plusieurs pays de l'UE, dont l'Allemagne, la Hongrie ou la Slovaquie, sont réticents à prendre des mesures contre Israël, tandis que d'autres, comme l'Irlande ou l'Espagne y sont beaucoup plus favorables.
Le Danemark, qui préside actuellement le conseil des ministres de l'UE, s'est dit favorable à une solution contournant la règle de l'unanimité qui prévaut dans le bloc européen en matière de politique étrangère. L'UE doit ""passer des mots aux actes", a affirmé son chef de la diplomatie Lars Lokke Rasmussen, suggérant par exemple d'interdire les importations en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie. Cette décision, qui relève de la politique commerciale, peut être prise à la majorité qualifiée, a-t-il expliqué.
Les Etats-Unis refusent l'octroi de visas à des responsables palestiniens avant l'AG de l'ONU
Les Etats-Unis ont annoncé vendredi refuser l'octroi de visas à des membres de l'Autorité palestinienne avant l'Assemblée générale de l'ONU prévue en septembre, où la France plaidera pour la reconnaissance d'un Etat palestinien. "Le secrétaire d'État Marco Rubio révoque et refuse l'octroi de visas pour les membres de l'Organisation de libération de la Palestine et de l'Autorité palestinienne avant la prochaine Assemblée générale des Nations unies", a déclaré le département d'État dans un communiqué.
Cette mesure extraordinaire rapproche encore plus l'administration Trump du gouvernement israélien, qui rejette catégoriquement l'idée d'un État palestinien et cherche à mettre sur le même pied l'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie, et le Hamas à Gaza. "L'administration Trump a été claire: il est dans l'intérêt de notre sécurité nationale de tenir l'Organisation de libération de la Palestine et l'Autorité palestinienne pour responsables de ne pas respecter leurs engagements et de compromettre les perspectives de paix", peut-on lire dans le communiqué. L'Autorité palestinienne a en retour exprimé "son profond regret et son étonnement" face à cette décision qui est "en contradiction avec le droit international", et a appelé Washington à "revenir" dessus.
L'armée israélienne déclare Gaza-ville "zone de combat dangereuse"
L'armée israélienne a déclaré vendredi "zone de combat dangereuse" la ville de Gaza, en préparation d'une offensive d'envergure voulue par le gouvernement de Benjamin Netanyahu dans le but affiché de vaincre le Hamas et de ramener tous les otages. Les forces israéliennes ont poursuivi leurs bombardements à travers la bande de Gaza assiégée et dévastée par près de 23 mois de guerre, faisant 55 morts selon la Défense civile locale.
Les forces israéliennes "continuent de frapper le Hamas (et intensifient) les frappes dans la région de Gaza-ville. Nous allons redoubler d'efforts dans les semaines à venir", a déclaré le chef d’état-major, le lieutenant général Eyal Zamir.
A Gaza-ville déclarée désormais "zone de combat dangereuse", l'armée a indiqué que la "pause tactique locale" annoncée fin juillet pour permettre le passage d'aide humanitaire ne s'y appliquait plus. Des milliers d'habitants ont déjà fui la ville, située dans le nord du territoire où la guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.
Offensive sur Gaza: le Hamas dit que les otages seront soumis aux "mêmes risques" que ses combattants
Le Hamas a averti vendredi que les otages seraient soumis aux "mêmes risques" que ses propres combattants face aux troupes israéliennes qui s'apprêtent à lancer une offensive sur Gaza-ville. "Nous prendrons soin des prisonniers (otages, NDLR) du mieux que nous pourrons, et ils seront avec nos combattants dans les zones de combats et d'affrontements, soumis aux mêmes risques et aux mêmes conditions de subsistance", indique un communiqué diffusé par le mouvement islamiste palestinien Hamas. "Pour chaque captif tué par l'agression, nous publierons son nom, sa photo et une preuve de sa mort", ajoute le texte attribué au porte-parole de la branche armée du Hamas, connu sous le nom de guerre Abou Obeida.
Une cour d'appel fédérale américaine a statué vendredi qu'une grande partie des droits de douane imposés par Donald Trump étaient illégaux, un revers majeur pour un pilier de sa politique qui ébranle l'économie mondiale, avant que la Cour suprême ne se prononce à son tour.
L'exécution du jugement ayant été suspendue jusqu'au 14 octobre, les droits de douane litigieux restent en place pour le moment. "TOUS LES DROITS DE DOUANE SONT ENCORE EN VIGUEUR!" a réagi rapidement le président américain dans un message sur son réseau Truth Social. "Désormais, avec l'aide de la Cour suprême des Etats-Unis, nous les utiliserons au service de notre pays", a ajouté le président. Donald Trump a ainsi fait savoir qu'il allait saisir la Cour, dont il a cimenté la majorité conservatrice, pour trancher le litige en dernière instance. Une volonté confirmée un peu plus tard par sa ministre de la Justice, Pam Bondi, sur X. Le jugement de vendredi, pris à une majorité de sept juges contre quatre, fragilise l'offensive protectionniste du chef de l'Etat qui avait publiquement dit redouter cette éventualité au début du mois.
Pas le pouvoir de taxer
Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a mis en place, en plusieurs vagues, de nouvelles surtaxes sur les produits entrant aux Etats-Unis. Celles-ci vont de 10 à 50% selon les situations et les pays. Ce sont ces droits de douane - différents de ceux frappant des secteurs en particulier (automobile, acier, aluminium, cuivre) - qui sont au coeur du conflit juridique.
Selon le texte du jugement, "la loi confère au président des pouvoirs importants pour prendre un certain nombre de mesures en réponse à une situation d'urgence nationale déclarée, mais aucune de ces mesures n'inclut explicitement le pouvoir d'imposer des droits de douane et autres taxes", prérogative du Congrès. Les juges considèrent que le chef de l'Etat ne peut imposer à lui seul des droits de douane indiscriminés. Or, est-il écrit, ceux qui ont été mis en place "s'appliquent à presque tous les articles importés aux États-Unis", quasiment quelle que soit leur provenance et "sans limite dans le temps".
L'affaire avait d'abord été examinée par le tribunal de commerce international des Etats-Unis (ITC) qui avait estimé fin mai que Donald Trump avait outrepassé ses pouvoirs en imposant des surtaxes non ciblées.
"Embarrassante"
Dans son message sur Truth Social, le président américain affirme que la décision de vendredi a été prise par des juges "hautement politisés", autrement dit hostiles à son gouvernement. Selon lui, si les droits de douane devaient être retirés, "cela serait une catastrophe complète pour le pays", qui serait "détruit". Début août, il avait dit craindre de devoir "rembourser (d')énormes montants", alors que l'exécutif américain se targue d'engranger des dizaines de milliards de dollars de recettes supplémentaires.
Le gouvernement craint aussi de perdre un levier majeur de pression sur ses partenaires commerciaux. La crainte de droits de douane exorbitants a poussé nombre d'entre eux, dont l'Union européenne, à s'abstenir de riposter et à ouvrir davantage leur marché aux produits américains. "Une telle décision menacerait les intérêts stratégiques généraux des États-Unis tant au niveau national qu'international, et entraînerait probablement des représailles et l'annulation d'accords conclus avec des partenaires commerciaux étrangers", avait ainsi mis en garde le ministre du Commerce Howard Lutnick, selon des documents transmis à la cour et consultés par l'AFP. Son collègue aux Finances, Scott Bessent, avait estimé qu'une suspension des droits de douane placerait les Etats-Unis dans une "situation embarrassante et dangereuse sur le plan diplomatique".
Le gouverneur démocrate de Californie Gavin Newsom a ironisé après la décision vendredi, affirmant que "Trump était le plus grand loser des Etats-Unis". Il a regretté dans le même temps que les Américains "soient ceux qui subissent ses politiques économiques ratées".
Donald Trump arborant son tableau avec les droits de douane ciblant chaque territoire ou entité, dans la Roseraie de la Maison Blanche à Washington D.C., le 2 avril 2025
Dans l’ombre des débats télévisés et des expulsions spectaculaires de migrants aux Etats-unis, des entreprises se disputent des contrats à plusieurs milliards de dollars : des marchés calibrés pour transporter des immigrés expulsés au prix le plus avantageux pour les prestataires.
Avant même son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump avait donné le ton, dépeignant les "immigrés illégaux" comme venus des prisons et des asiles, des "tueurs", des "toxicomanes", des "membres de gangs". La rhétorique a trouvé sa logistique : depuis janvier, l’agence Immigration and Customs Enforcement (ICE) a agrandi le réseau de compagnies charter qui transfère des dizaines de milliers de personnes à travers le pays et au-delà. Ce réseau a un nom : Immigration and Customs Enforcement Air Opérations, également appelé ICE Air.
Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump au pouvoir, ICE Air a mobilisé au moins 110 avions pour plus de 5 100 vols aux Etats-Unis et dans le monde entier. Le rythme a nettement augmenté : d’environ 600 vols par mois auparavant, on dépasse désormais le millier, selon le suivi de Tom Cartwright, ex-banquier de JPMorgan devenu défenseur des droits des migrants, relayé par l’agence américaine Associated Press. Derrière ces chiffres, un secteur privé qui prospère : de l’intermédiaire CSI Aviation aux compagnies GlobalX et Avelo, l’écosystème s’aligne sur la nouvelle priorité présidentielle.
7 vols en 55 jours de détention
Le 30 avril, une Équatorienne de 24 ans est arrêtée dans le New Jersey. Quatre nuits en rétention, puis un premier avion pour la Louisiane, via l’Ohio. Quatre jours plus tard, nouveau transfert : Port Isabel (Texas) pour une nuit, Florence (Arizona) pour cinq, puis Denver (Colorado) où elle reste plus d’un mois. Le 24 juin, retour en Louisiane via l’Arizona, et, enfin, un vol pour Quito, capitale de l'Equateur. Sept vols en 55 jours de détention ICE. Voici l’histoire que raconte le Financial Times dans ses colonnes.
Cette expérience reflète la politique migratoire de Donald Trump : la moitié des personnes détenues a connu au moins deux transferts, d’après le média britannique. Entre janvier et juillet, on compte plus de 100 000 trajets de plus de 400 kilomètres. Durant ces vols, le manuel officiel d’ICE Air impose, d’après le média en ligne The Verge, que chaque expulsé soit "entièrement entravé" à l’aide de menottes, d’une chaîne abdominale et aux jambes. Les passagers n’ont pas accès à leurs lentilles de contact, à certains médicaments, aux ceintures et vestes, et leur "repas" consiste souvent en un sandwich sec et une barre de céréales, sans condiment.
Une jeune low-cost prend le relai
Cette importante logistique s'est installée au long cours. Lorsque l’ICE naît en 2003, elle ne possède ni flotte ni savoir-faire aérien. Les US Marshals prennent alors en charge les expulsions sur une petite flotte de Boeing 737 destinée, à l’origine, aux transferts de détenus fédéraux. Très vite, l’outil séduit : renvoyer en masse, loin des regards, sans passer par les vols commerciaux ni les terminaux civils. En 2005, les Marshals transportent près de 100 000 expulsés au nom de l’ICE, contre 58 000 détenus pour le ministère de la Justice, selon les données de The Verge. À la fin des années 2000, ils dépassent les 170 000 expulsions par an… et atteignent leurs limites.
Sous Barack Obama, le privé entre dans l’équation. En 2010, l’ICE confie la négociation des vols à Classic Air Charter, déjà connue pour avoir contribué aux "restitutions extraordinaires" de la CIA [des transferts extrajudiciaires de personnes soupçonnées de terrorisme, NDLR]. Là où les missions de la CIA franchissaient rarement le million de dollars, les contrats ICE se chiffrent désormais en centaines de millions annuels pour la compagnie. Peu à peu, ICE Air devient une "petite compagnie" avec douze gros-porteurs en rotation quotidienne (Boeing 737, MD-80, Airbus A320), une réserve de plus de cent appareils disponibles à la demande, mais une opacité tenace : routes, horaires et statistiques ne sont pas publics. Une requête FOIA menée par l’université de Washington a révélé qu’entre 2010 et 2018, 1,7 million de personnes avaient été transportées sur 15 000 vols. Depuis, l’0NG de défense des droits des immigrés estime qu’ICE Air a effectué 10 600 vols d’expulsions supplémentaires entre janvier 2020 et mai 2025, rapporte The Verge.
Le business tourne à plein régime au détriment des conditions de transport des immigrés. ICE a d’ailleurs changé d’intermédiaire : Classic Air Charter s’est effacé au profit de CSI Aviation, un courtier basé au Nouveau-Mexique. CSI a, en mai, signé avec Avelo Airlines pour louer trois Boeing 737 dédiés aux expulsions depuis Mesa (Arizona). Avelo, jeune low-cost malmenée par ses lignes commerciales, présente ces vols comme "trop précieux pour ne pas les poursuivre", indique le Financial Times.
Les contrats ne sont pas près d’être suspendus. La loi budgétaire du 4 juillet, que la Maison-Blanche a baptisée "One Big Beautiful Bill", ajoute 75 milliards de dollars au budget d’ICE sur quatre ans, en plus des plus de 11 milliards déjà prévus l’an prochain. Dans ce schéma, ICE est appelée à devenir la plus grande agence fédérale d’application de la loi du pays. Au sol, les bus repartiront des centres de rétention. Dans les airs, les avions au fuselage tout blanc continueront de décoller à l’aube.
Ce mercredi 3 septembre, Pékin sera "the place to be" pour tout dictateur ambitieux qui se respecte. Dans une volonté manifeste de défier les Etats-Unis, le président chinois Xi Jinping a convié ses amis Vladimir Poutine (Russie), Kim Jong-un (Corée du Nord), Alexandre Loukachenko (Biélorussie), Massoud Pezechkian (Iran) ou Min Aung Hlaing (le chef de la junte en Birmanie) à assister à une gigantesque parade militaire sur la place Tiananmen pour célébrer le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la victoire contre le Japon.
Alors que leurs pays sont soumis à de lourdes sanctions occidentales, ces "hommes forts" tenteront de projeter une image d’unité, en regardant défiler chars, missiles et drones de dernière génération, sous la protection de leur parrain chinois. Tout un symbole, ce sera la première fois de l’Histoire que Xi Jinping, Vladimir Poutine et Kim Jong-un, tous trois détenteurs de l’arme nucléaire, seront réunis au même endroit.
Une victoire pour Poutine
Le trio d’autocrates sera peut-être tenté de trinquer à la santé de Donald Trump. Car même si l’imprévisibilité de ce dernier les perturbe inévitablement, ils peuvent remercier le président américain qui, sans sembler s’en rendre compte, multiplie les cadeaux à leur égard. En Alaska, le 15 août, le monde entier en a été témoin : le locataire de la Maison-Blanche a littéralement déroulé le tapis rouge au chef du Kremlin, qu’il a accueilli en l’applaudissant comme un héros et en le faisant monter dans sa limousine. Ce faisant, il a offert une légitimation au bourreau de l’Ukraine sans la moindre contrepartie, l’a sorti de son isolement international et a rendu réel le rêve de Vladimir Poutine de revenir au bon vieux temps de la guerre froide, quand la géopolitique mondiale était régulée par les sommets entre les deux superpuissances, les Etats-Unis et l’URSS.
Les propagandistes du Kremlin ont adoré, d’autant que le président américain, qui avait auparavant maintes fois accusé Kiev d’avoir démarré cette guerre, a accepté de discuter d’un plan de paix en Ukraine avec Poutine sans obtenir un cessez-le-feu préalable. Un revirement complet pour Donald Trump, qui avait menacé Moscou de sanctions sévères en cas d’absence de trêve le 8 août, mais n’avait jamais mis son ultimatum à exécution. Depuis, la Russie continue de bombarder l’Ukraine, et son président a atteint son objectif : gagner du temps. "Bien que Poutine sache désormais que son ambitieux plan A, dans lequel Trump imposerait simplement à Kiev un accord rédigé à Moscou, a peu de chances de se concrétiser, il s’est tourné vers son plan B, plus réaliste, dans lequel Trump perdrait patience et réduirait considérablement l’aide américaine à l’Ukraine", écrit Alexander Gabuev, directeur du Centre Carnegie Russie Eurasie, à Berlin, dans la revue Foreign affairs. Et ce spécialiste d’ajouter : "Dans le calcul du Kremlin, cela reste une victoire".
La guerre commerciale s’est retournée contre Trump
Washington fait également preuve d’une étonnante magnanimité avec la Chine, que les Etats-Unis considèrent pourtant comme leur rival numéro un. Début août, alors qu’il avait promis une nouvelle hausse des tarifs douaniers si aucun accord commercial n’était trouvé avec Pékin à cette date, Donald Trump a repoussé l’échéance de six mois malgré l’absence de toute avancée. Auparavant, à la mi-juillet, il avait levé l’interdiction pour les entreprises américaines d’exporter vers la Chine des puces indispensables au développement de l’intelligence artificielle, un secteur pourtant clé dans la course à la domination mondiale. Visiblement, les menaces chinoises sur l’approvisionnement en terres rares, dont elle détient le quasi-monopole de la production, ont fait réfléchir Washington. Comme si la guerre commerciale qu’il a lancée s’était retournée contre le président américain.
"L’approche de l’administration Trump envers la Chine semble jouer largement en faveur de cette dernière, qui a réussi à démontrer qu’elle pouvait infliger des coûts importants aux États-Unis, analyse William Matthews, analyste à la Chatham house. En fin de compte, la domination de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement en terres rares lui confère une influence même dans les domaines où les États-Unis ont un avantage, comme les puces électroniques de pointe. Les États-Unis n’ont tout simplement pas le même pouvoir de pression sur la Chine que sur leurs alliés, notamment l’UE."
Autre motif de satisfaction pour Xi Jinping, en infligeant des droits de douane exorbitants (5O %) sur les importations de produits indiens, Donald Trump jette New Delhi dans les bras de Pékin. La stratégie américaine consistait pourtant jusqu’ici à renforcer la coopération avec l’Inde pour contrer et isoler la Chine. Preuve d’un net réchauffement des relations, après plusieurs années de fortes tensions, le premier ministre indien Narendra Modi s’entretiendra en tête à tête avec Xi Jinping ce dimanche 31 août, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, à Tianjin (qui réunit la Chine, la Russie, l’Inde, le Pakistan, et des Etats d’Asie centrale). Les deux dirigeants ne s’étaient pas rencontrés depuis 2018.
Dans le fond, même s’il s’en est défendu récemment, Donald Trump a toujours envié les dictateurs. "Il a une affinité naturelle pour les autocrates parce qu’il est jaloux d’eux. N’oublions pas que c’est un homme d’affaires : il est habitué à ce que tout le monde lui obéisse quand il prend une décision, rappelle Charles Kupchan, ancien conseiller de Barack Obama et professeur à l’université de Georgetown, à Washington. Or quand vous êtes comme lui le président d’un pays démocratique, vous devez composer avec le Sénat, la Chambre des représentants, les agences, les médias…"
Le milliardaire américain a plusieurs fois proclamé son admiration pour la poigne de fer de Vladimir Poutine et Xi Jinping. Lorsque le président russe a déclaré l’indépendance de deux régions du Donbass, peu avant l’invasion du 24 février 2022, il a salué un coup de "génie". Et après que son homologue chinois, qu’il considère comme "l’une des personnes les plus intelligentes du monde", avait fait modifier la Constitution pour pouvoir rester président à vie, en mars 2018, il n’avait pas caché son enthousiasme. "Peut-être qu’un jour, nous devrions essayer ça nous aussi", avait-il glissé sur le ton de la provocation. Et cette semaine, alors qu’il recevait le président sud-coréen dans le bureau Ovale, il n’en avait que pour le frère ennemi Kim Jong-un. Donald Trump a martelé qu’il avait une "excellente relation" avec le dirigeant nord-coréen (qualifié par le passé de "très honorable") et qu’il souhaitait le rencontrer à nouveau.
Au-delà des flatteries, le leader MAGA fragilise le soft power américain en malmenant ses alliés historiques, en infligeant des droits de douane même aux pays pauvres, et en montrant son mépris pour le droit international et les valeurs occidentales. Par son attitude, il fait en particulier le jeu de Xi Jinping, qui rêve de remodeler l’ordre mondial à son avantage. "Pour y parvenir, le président chinois doit démontrer que système actuel est en faillite et qu’il est nécessaire de le modifier, avec le soutien des pays du Sud et sous la direction de la Chine, résume Steve Tsang, directeur de l’institut SOAS China, à l’université de Londres. Personne n’a fait plus pour discréditer le leadership mondial des États-Unis et l’ordre international libéral que Trump en un peu plus de sept mois". Et ce, d'autant qu'il a fracturé l'unité des démocraties "occidentales".
Le fait que l’ancien promoteur immobilier ait conservé une logique de business man donne par ailleurs à Vladimir Poutine et Xi Jinping des leviers sur le président américain, plus pressé de signer des accords que ses interlocuteurs. "Trump n’a pas une vision géopolitique du monde, il l’envisage sous un prisme économique. Lorsqu’il négocie la fin de la guerre en Ukraine, il pense aux marchés qui s’ouvriraient pour les entreprises américaines, et aux achats de pétrole et de gaz, souligne Charles Kupchan. De même, Donald Trump ne passe pas son temps à se demander si Xi Jinping va envahir Taïwan ; s’il passe des nuits blanches, c’est à cause du déficit commercial entre les États-Unis et la Chine".
"Trump prend de nombreuses mesures qui surprennent et réjouissent la Chine : il n’accorde aucune importance à l’idéologie, or c’est justement ce que Pékin espérait depuis des années, complète Yun Sun, experte de la politique étrangère chinoise au centre Stimson, à Washington. Il adopte cette approche parce qu’il considère le commerce comme sa priorité absolue, plutôt que la sécurité nationale. Sauf que la résolution du déséquilibre commercial nécessite la coopération de la Chine."
"Je ne suis pas un dictateur", s’est défendu ce mois-ci Donald Trump, après avoir ordonné le déploiement de la garde nationale à Los Angeles (en juin), puis à Washington (mi-août), la capitale fédérale. Le fait même que le président américain, que l’on appelait autrefois le "chef du monde libre", se sente obligé de démentir une telle accusation est en soi stupéfiant. Ses amis autocrates ont dû savourer la séquence.