↩ Accueil

Vue normale

Reçu aujourd’hui — 1 septembre 2025

Fabien Mandon, nouveau chef d’état-major des armées : ces défis brûlants qui l'attendent

1 septembre 2025 à 06:45

Les derniers jours d’août, il a multiplié les allers-retours entre l’Elysée et le siège des armées, afin d’être parfaitement au point au moment de prendre ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA), ce lundi 1er septembre. Tout en assurant jusqu’au bout ses responsabilités de chef d’état-major particulier du président, le général Fabien Mandon a pris la mesure des responsabilités qui l’attendent en tant que premier militaire de France, auprès de celui qu’il va remplacer, Thierry Burkhard. Ce dernier lui a détaillé les sujets en cours et les décisions qu’il y aura prochainement à prendre.

Les premiers déplacements du nouveau CEMA devraient être consacrés aux troupes qu’il dirige, comme le veut l’usage – la France compte 200 000 militaires et 40 000 réservistes. En plus d’une visite aux soldats de l’opération Sentinelle, il devrait se rendre auprès d’unités à l’étranger. Passé cette première séquence, il va devoir faire avancer les nombreux dossiers empilés sur son bureau. Avec un avantage : il les connaît déjà très bien, pour avoir officié comme premier collaborateur militaire d’Emmanuel Macron les deux dernières années.

Sur le plan international, il va continuer à mener, avec son homologue britannique, les consultations régulières de la "coalition des volontaires" regroupant une trentaine de pays alliés de l’Ukraine. Si la France est prête à engager des troupes sur le terrain pour apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine, d’autres se montrent frileux, ou n’envisagent qu’une aide à distance. Ces derniers jours, au siège de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, on se satisfaisait d’une bonne nouvelle : Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis, tout en refusant d’envoyer des soldats, pourraient fournir un soutien, notamment aérien, à Kiev, en cas de cessez-le-feu et de présence militaire occidentale au sol. Pour certains alliés, c’est un préalable à toute participation.

Sur le plan national, ce n’est pas moins compliqué. Le CEMA risque de voir la question budgétaire se corser avec la chute possible du gouvernement, le 8 septembre – le Premier ministre, François Bayrou, a appelé un vote de confiance ce jour-là à l’Assemblée nationale. Lors de son discours aux armées du 13 juillet, Emmanuel Macron, en insistant sur le fait que "jamais, depuis 1945, la liberté n’avait été si menacée", a appelé à un effort financier supplémentaire de 3,5 milliards d’euros en 2026 au profit de la défense et de 3 milliards en 2027. L’instabilité politique pourrait remettre en cause cette exigence présidentielle à laquelle Matignon a souscrit.

"Le respect intégral de la loi de programmation militaire 2024-2030 et des augmentations annoncées par le président sont impératives pour passer les contrats avec les industriels et tenir ensuite les engagements annoncés, explique le général (2S) Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. Il en va de notre propre sécurité, les menaces ne cessent de croître, la guerre hybride menée par la Russie est une réalité et continue de s’amplifier." Ces augmentations doivent permettre d’accélérer la modernisation des outils militaires et de tenir la promesse collective, à l’Otan, d’une hausse de la part de PIB consacré à la défense à 3,5 % d’ici 2035.

Si le prochain projet de loi de finances passe sans encombre, le CEMA pourra plus aisément mettre en place un nouveau format d’engagement : le service militaire volontaire (SMV). Le président y tient particulièrement et devrait donner "[ses] orientations et [ses] réflexions en ce sens à l’automne", comme il l’a indiqué lors de son discours de juillet. "On ne peut plus se reposer sur le modèle décidé à la fin des années 1990, quand Jacques Chirac a mis un terme à la conscription au profit d’une armée de professionnels, estime Jérôme Pellistrandi. Plus largement, il y a un travail à mener autour du recrutement sous toutes ses formes."

Sur ce sujet, le défi consiste à trouver la meilleure utilisation possible des réservistes – l’objectif est de 80 000 en 2030 contre moins de 50 000 actuellement – et de ces volontaires qui s’engageraient pour une année. Selon nos informations, les forces terrestres envisagent l’accueil de 10 000 jeunes faisant leur SMV par an. Cette armée plus "mixte", dont le modèle reste à trouver, pourrait être l’un des legs importants du mandat qui s’ouvre pour le général Mandon.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le général Fabien Mandon succède comme chef d'état-major des armées au le général Thierry Burkhard (à droite), ici à la sortie du Conseil des ministres à l'Élysée, le 3 juillet 2024 à Paris.
Reçu avant avant-hier

"Si l’Ukraine avait eu de telles armes avant…" : comment Kiev rattrape son retard sur la Russie

29 août 2025 à 05:45

Situées au nord-est du Japon, les Kouriles sont loin de la guerre en Ukraine, dont le front se trouve à plus de 7 000 kilomètres. Cela n’empêche pas les 20 000 habitants de ces îles russes d’en ressentir les effets. Quelques jours après avoir rationné les pleins de carburant, les autorités ont pris la décision de limiter l’accès aux pompes aux seuls véhicules prioritaires. "La vente d’essence AI-92 au public a été temporairement suspendue", a averti, le 25 août, le chef du district sur le réseau social Telegram.

La pénurie ne concerne pas que les confins de la Russie. Elle se fait sentir sur tout son territoire, où les files d’attente se multiplient dans les stations-service. A cela s’ajoute une augmentation du prix à la pompe. L’interdiction de l’exportation de carburant, instaurée fin juillet, vient d’être prolongée. Les récoltes agricoles et les déplacements liés aux vacances ont provoqué cette situation, affirment les autorités, tout en admettant du bout des lèvres des difficultés dans les raffineries.

Ces dernières semaines, les frappes de drones et de missiles ukrainiens sur les installations pétrolières de la Russie ont diminué ses capacités de raffinage d’au moins 13 %. Plus d’une dizaine de dépôts et d’usines ont été touchés en août, jusqu’à Oukhta, aux portes de l’Oural, à 1 700 kilomètres du front. A côté de la guerre des tranchées, à coups de petits drones kamikazes causant des ravages parmi les fantassins, une autre bataille se déroule, beaucoup plus en profondeur des territoires des belligérants. Et alors que la Russie a toujours eu l’avantage sur ce plan, l’Ukraine rattrape son retard.

Elle a ainsi dévoilé un missile de croisière d’un nouveau genre. Le FP-5 doit son surnom de "Flamingo" à la pointe rose de ses prototypes. Il est massif : 6 mètres de longueur pour un poids de 6 tonnes et une capacité d’emport de plus d’1 tonne, selon son fabricant, Fire Point, un nouveau venu dans l’industrie de l’armement du pays. Ces caractéristiques doivent lui permettre d’atteindre, sur le papier, des cibles à 3 000 kilomètres de distance, potentiellement au-delà de l’Oural. Il possède l’avantage de pouvoir être lancé à l’aide d’une rampe mobile et non d’un avion.

Ce nouveau missile démontre tout le savoir-faire et la débrouillardise dont les ingénieurs ukrainiens font preuve, en s’appuyant sur l’héritage soviétique dont ils disposent. Son moteur, selon le spécialiste Fabian Hinz, serait le AI-25TL, produit depuis plusieurs décennies par le constructeur ukrainien Motor Sich pour équiper de petits avions à réaction. "C’est très malin, car cela permet d’avoir un système assez large, simple en matière de guidage, moins complexe que les missiles aux moteurs plus petits des Occidentaux", souligne le chercheur au groupe de réflexion IISS, spécialisé dans la défense.

Les premiers essais auraient été concluants, selon Fire Point, qui ambitionne d’en sortir 200 par mois en début d’année prochaine, contre un par jour actuellement. Dans une interview accordée à Politico, sa responsable de production, Iryna Terekh, déclare que son "succès" était déjà "significatif", en précisant que les drones de Fire Point avaient joué un rôle dans "la hausse des prix de l’essence en Russie". Une référence à un autre de leurs produits, le FP-1, produit à une centaine d’exemplaires par jour pour un coût unitaire de 55 000 dollars. Capable d’emporter une charge explosive de 60 kilos, il peut parcourir jusqu’à 1 600 kilomètres.

A terme, un élément dissuasif pour l’Ukraine

Le FP-1 dispose de capacités équivalentes aux Shahed, de conception iranienne, que les Russes produisent en masse pour frapper l’Ukraine – ils servent également à leurrer les systèmes sol-air ukrainiens pour permettre à des missiles russes plus dévastateurs de passer les bulles de défense. En juillet, la Russie a ainsi tiré un nombre record de 6 297 drones de longue portée et 198 missiles, faisant des dizaines de victimes civiles. En août, ces attaques ont continué à perturber la vie des Ukrainiens, appelés chaque fois à se mettre à l’abri, et mis à mal une partie des infrastructures énergétiques, particulièrement ciblées, du pays. La rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine du 15 août n’y a rien changé. Dans la nuit du 28 au 29 août, 598 drones et 31 missiles ont été tirés par la Russie, dont plusieurs ont touché des immeubles de Kiev, faisant au moins 19 morts – 563 drones et 26 missiles ont été neutralisés.

Les nouvelles capacités ukrainiennes viennent combler, du moins en partie, un déficit ancien en matière de frappes en profondeur. "Si l’Ukraine avait eu de tels moyens, cela aurait pesé sur la réflexion russe avant l’invasion de février 2022, estime Yohann Michel, de l’Institut d’études de stratégie et de défense de l’université Lyon-3. Cela permet aux Ukrainiens de rendre la monnaie de leur pièce aux Russes dans le courant de la guerre et, en cas de cessez-le-feu, cela pourrait offrir une forme de dissuasion, une frappe russe pouvant mener à une réponse ukrainienne comparable."

Le défi est déjà de taille pour la Russie, comme le montrent les dommages infligés à ses raffineries ces derniers mois. Alors que ses défenses antiaériennes s’érodent, celles-ci devront être dispersées et faire face à une multitude de vecteurs. "Des attaques de saturation combinant des missiles Flamingo lourds avec des capacités de frappes longue portée plus légères en grand nombre pourraient se révéler efficaces, estime dans une note Fabian Hoffmann, chercheur à l’université d’Oslo. La question n’est pas de savoir si les Flamingo passeront, mais combien."

Ils ne seront pas seuls. Plusieurs entreprises ukrainiennes développent des armes de frappes en profondeur. Kiev a annoncé son intention de s’équiper en missiles balistiques – à la trajectoire en cloche et beaucoup plus véloces que les autres – et a déclaré en juin avoir terminé la phase de test de son "Sapsan", d’une portée de 300 kilomètres, pour une charge d’une demi-tonne. Elle a assuré aussi avoir achevé la mise en point, pour des frappes "sol-sol", de son missile de croisière R-360 Neptune, là encore de fabrication purement ukrainienne et d’une portée de 1 000 kilomètres.

Tous ces systèmes confirment la démocratisation en cours de la frappe de précision, auparavant réservée à quelques puissances. "Les Etats qui n’ont pas les moyens d’avoir une force aérienne, comme les pays Baltes, pourraient acquérir des drones et missiles capables de leur offrir une forme de dissuasion, anticipe Fabian Hinz, de l’IISS. Cela met d’autant plus la pression à la Russie qu’il n’y a pas besoin de charges explosives importantes pour infliger des dommages importants aux installations pétrolières."

Cela ouvre aux Ukrainiens des opportunités à l’exportation en cas d’arrêt des combats. "L’émulation liée au conflit les a rendus très créatifs, ils ont de quoi inonder les marchés avec leurs produits pas chers, qui ont fait leurs preuves, et ils commencent déjà à prospecter", précise le consultant Claude Chenuil, ancien ingénieur général de l’armement. Les Ukrainiens avancent aussi à grand pas en matière de défense sol-air. Ils commencent à déployer des drones capables d’intercepter des Shahed et des missiles de croisière. Cela pourrait permettre, à terme, de concentrer l’utilisation des Patriot américains, en nombre limité et beaucoup plus chers, sur les missiles russes les plus dévastateurs et les plus véloces. La guerre en Ukraine n’a pas fini d’évoluer.

© AFP

Cette capture vidéo tirée d'une séquence publiée par le média ukrainien ZN.UA montre le lancement de missiles de croisière à longue portée connus sous le nom de Flamingo.
❌