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Reçu aujourd’hui — 11 décembre 2025

Pourquoi les Etats-Unis sont maintenant considérés comme une menace par le renseignement danois

11 décembre 2025 à 12:45

C’est une première. Jamais encore les renseignements militaires danois n’avaient exprimé aussi clairement leurs inquiétudes concernant les États-Unis dans leur évaluation annuelle des menaces. Dans un rapport de 64 pages intitulé "Udsyn 2025" et publié ce mercredi 10 décembre, le service de renseignement de la défense danois (FE) ne se contente pas, cette année, de décrire uniquement la menace russe ou la montée en puissance de la Chine : il s’attarde sur la politique américaine menée par Donald Trump. Un nouveau facteur d’incertitudes dont se préoccupe le FE.

Les Etats-Unis "n’excluent plus le recours à la force militaire" contre leurs alliés

"Les Etats-Unis utilisent leur puissance économique, y compris la menace de droits de douane élevés, pour imposer leur volonté, et n’excluent plus le recours à la force militaire, même contre leurs alliés", peut-on lire dans le document.

Ce rapport est également l’occasion pour le FE d’évoquer l’intensification des activités militaires dans l’Arctique qui, selon lui, rappelle les inquiétudes partagées depuis plusieurs années par les dirigeants européens face à la doctrine "America First".

Le rapport note aussi que l’attention croissante portée par Washington à la concurrence stratégique avec la Chine "crée une incertitude quant à son rôle de principal garant de la sécurité en Europe". Autrement dit, un pivot américain vers l’Asie pourrait affaiblir la protection dont bénéficie historiquement le continent.

Dans une interview accordée au journal de centre-gauche danois Politiken, le directeur du FE, Thomas Ahrenkiel, a justifié le choix d’inclure les Etats-Unis dans le rapport : Ils "ont été le garant de notre sécurité pendant des générations, ce qui accroît l’incertitude en matière de politique de sécurité. […] La situation est grave, c’est pourquoi nous nous efforçons davantage de décrire et d’analyser cet aspect", explique-t-il. Le directeur a toutefois souligné dans ses déclarations publiques que les Etats-Unis restaient le "partenaire et allié le plus proche" du Danemark, malgré le ton de plus en plus hostile de l’administration Trump.

Ces propositions d’achat du Groenland qui ont semé la discorde

Ce rapport paraît dans un climat tendu entre les Etats-Unis et l’Europe. Parmi les nombreuses discordes, la demande insistante de Donald Trump d'"acquérir" le Groenland a crispé les responsables danois. Une demande répétée, assortie de déclarations affirmant que le président américain obtiendrait l’île "d’une manière ou d’une autre". Pour Copenhague, l’épisode a révélé combien les priorités américaines pouvaient déstabiliser même les plus anciens alliés, selon le rapport.

L’an dernier, le gouvernement avait même convoqué le chef de l’ambassade américaine après des allégations d'"opérations d’influence secrètes" au Groenland, menées par trois Américains liés à Donald Trump. Aucune identité n’a été révélée, mais ces accusations faisaient suite à des informations selon lesquelles les services de renseignement américains avaient été encouragés à renforcer leur présence dans la région.

La semaine dernière, l’administration Trump publiait un document sur sa stratégie de sécurité nationale dans lequel elle appelait les pays européens à assumer la "responsabilité principale" de leur propre défense. Et ce, avant d’ajouter que l’Europe risquait la "disparition de sa civilisation".

© afp.com/Jim WATSON

Le vice-président américain JD Vance (2e à partir de la droite) et son épouse Usha Vance (2e à partir de la gauche) visitent la base américaine de Pituffik au Groenland (Danemark), le 28 mars 2025

Une "escalade majeure" : ce que l’on sait de la saisie d’un pétrolier au large du Venezuela par Washington

11 décembre 2025 à 11:34

"L’un des rebondissements les plus spectaculaires à ce jour dans la campagne de pression militaire menée contre le dictateur vénézuélien Nicolas Maduro". Voici comment CNN résume la scène. Sur une vidéo publiée sur le compte X de la ministre de la Justice américaine Pam Bondi, partiellement floutée, on distingue des militaires américains descendant en rappel depuis un hélicoptère sur le pont d’un pétrolier. Quelques instants capturés au large du Venezuela, ce mercredi 10 décembre. Selon MarineTraffic, le "très grand pétrolier transporteur de brut" est baptisé Skipper et transportait 1,1 million de barils. Le navire était en route pour Cuba, d'après le Washington Post.

Donald trump, lui, a choisi l’emphase pour décrire cette séquence. "Nous venons tout juste de saisir un pétrolier au large du Venezuela, un grand pétrolier, très grand, le plus grand jamais saisi, en fait", a-t-il affirmé depuis la Maison-Blanche à des journalistes. Une escalade assumée, dénoncée aussitôt par Caracas comme un "acte de piraterie internationale".

La saisie autorisée par un juge fédéral

Selon Pam Bondi, qui a indiqué que l’opération avait notamment été menée par le FBI avec le soutien du ministère de la Défense, le navire intercepté en eaux internationales transportait du pétrole soumis à des sanctions en provenance du Venezuela et de l’Iran. En 2022, le Skipper avait été sanctionné par le Trésor américain pour des liens présumés avec le Corps des gardiens de la révolution islamique iranien et le Hezbollah. "Il a été saisi pour de très bonnes raisons", a déclaré de son côté Donald Trump, sans donner de détails sur le navire, son propriétaire ou sa destination, mais précisant que les États-Unis comptaient garder la cargaison.

Si la saisie d’un bateau est assez inhabituelle, un juge fédéral avait bien autorisé cet acte, sous prétexte de liens présumés avec des groupes terroristes soutenus par Téhéran. L’opération, appuyée par les forces navales déployées dans les Caraïbes, est donc officiellement légale. Mais le choix de la mise en scène, la vidéo diffusée par Pam Bondi, et la déclaration triomphale de Donald Trump ne laissent guère de doute sur la portée politique de cet acte.

Today, the Federal Bureau of Investigation, Homeland Security Investigations, and the United States Coast Guard, with support from the Department of War, executed a seizure warrant for a crude oil tanker used to transport sanctioned oil from Venezuela and Iran. For multiple… pic.twitter.com/dNr0oAGl5x

— Attorney General Pamela Bondi (@AGPamBondi) December 10, 2025

Deux responsables du Pentagone, consultés par le Wall Street Journal, ont souligné que cette saisie constituait un signal adressé aux autres pétroliers qui attendent de charger du pétrole brut vénézuélien. Les données de suivi maritime indiquent qu’une douzaine d’entre eux patientent au large, tandis que d’autres ont décidé de couper leurs transpondeurs pour éviter d’être détectés, d’après le média américain.

Caracas, de son côté, voit dans cette interception la preuve de la véritable motivation américaine. "Il ne s’agit pas de migration, de drogue, de démocratie ou de droits de l’homme", proteste le gouvernement. "Il s’agit de nos richesses naturelles." Le ministère des Affaires étrangères dénonce un "vol éhonté" et un acte "criminel" destiné à s’emparer du pétrole vénézuélien "sans verser la moindre contrepartie".

"Ce sont des assassins, des voleurs, des pirates. Comment s’appelle ce film, 'Pirates des Caraïbes' ? Eh bien, Jack Sparrow est un héros, ceux-là sont des criminels des mers, des flibustiers, ils ont toujours agi ainsi", a renchéri à la télévision Diosdado Cabello, le ministre vénézuélien de l’Intérieur. Une affirmation réfutée par Pam Bondi qui a déclaré que la saisie du navire avait eu lieu "en toute sécurité".

Plus de 20 bateaux attaqués ces derniers mois

Le timing n’est pas anodin. Quelques heures avant l’arraisonnement, les États-Unis avaient exfiltré clandestinement la figure de l’opposition Maria Corina Machado à bord d’un bateau. Une opération clandestine qui a immédiatement ravivé les soupçons d’un durcissement américain à l’égard de Nicolas Maduro.

La saisie du pétrolier s’ajoute à une série de frappes menées ces derniers mois contre plus de vingt bateaux dans les Caraïbes et le Pacifique, que Washington présente comme des opérations contre des trafiquants de drogue. Mais ces actions, qui ont fait 87 morts, sont de plus en plus critiquées. Certains élus démocrates et défenseurs des droits humains évoquent des violations du droit international, voire un "crime de guerre" après une double frappe le 2 septembre, pour achever les survivants d’un premier bombardement. Le Venezuela n’étant pas une voie majeure de fentanyl vers les États-Unis, les justifications avancées par l’administration peinent à convaincre ses opposants.

© AFP

Capture d'écran d'une vidéo publiée par la procureure générale américaine Pam Bondi sur son compte X le 10 décembre 2025.
Reçu hier — 10 décembre 2025

Tentative de putsch au Bénin : comment la France a aidé à déjouer le coup d’Etat

10 décembre 2025 à 19:25

Dimanche matin, huit militaires apparaissent à la télévision béninoise pour annoncer la destitution du président Patrice Talon. Sur le terrain, la situation est pourtant loin d’être sous contrôle pour les mutins. L’armée béninoise, et en particulier la garde républicaine, engage une riposte immédiate. Le chef de cette unité, le colonel Dieudonné Djimon Tévoédjrè, dirige personnellement les opérations. Selon lui, environ une centaine de putschistes, équipés de moyens importants dont des véhicules blindés, ont tenté de prendre le pouvoir en misant sur l’effet de surprise.

Cette stratégie échoue rapidement. Les mutins ne parviennent pas à rallier d’autres unités de l’armée, tandis que la garde républicaine reçoit au contraire le soutien spontané de forces venues d’autres corps. Tout au long de la journée de dimanche, l’armée reprend le contrôle de zones et de points stratégiques de la capitale économique. Les affrontements font plusieurs victimes, sans qu’un bilan précis ne soit communiqué. Repoussés après de violents combats, les mutins se replient en fin de journée dans le camp militaire de Togbin, situé dans une zone résidentielle, faisant craindre de possibles dégâts collatéraux. Dimanche soir, le président Patrice Talon annonce que la situation est "totalement sous contrôle".

Surveillance, observation et soutien logistique

C’est à ce stade que l’aide extérieure est devenue déterminante. Le Nigeria est intervenu militairement en menant des frappes aériennes sur le camp de Togbin, avant de déployer des troupes au sol qui ont participé à la reprise de la base dans la nuit de dimanche à lundi.

La France a également apporté un soutien, confirmé mardi par l’Elysée. Paris a indiqué avoir appuyé les forces béninoises "en termes de surveillance, d’observation et de soutien logistique", à la demande de Cotonou et en coordination avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon le colonel Tévoédjrè interviewé par l’AFP, des forces spéciales françaises ont été envoyées depuis Abidjan pour des opérations de ratissage, une fois que l’armée béninoise avait repris l’essentiel du contrôle. L’état-major français n’a pas souhaité commenter ces déploiements.

Une douzaine de militaires arrêtés

Sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a mené un "travail de coordination" et "d’échange d’informations avec les pays de la région", d’après l’Elysée. Il s’est entretenu avec son homologue béninois, ainsi qu’avec les présidents du Nigeria et de la Sierra Leone, ce dernier assurant la présidence de la Cedeao. L’organisation régionale a annoncé dès dimanche soir l’envoi de renforts militaires de plusieurs pays pour préserver l’ordre constitutionnel, dans une Afrique de l’Ouest fragilisée par la multiplication des coups d’Etat et par la menace djihadiste.

Au moins une douzaine de militaires ont été arrêtés à la suite de la tentative de putsch, tandis que certains responsables, dont le chef présumé des mutins, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, sont toujours en fuite. Deux hauts gradés, brièvement pris en otage, ont été libérés. Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016, doit céder la présidence en avril prochain, après deux mandats, à l’issue d’un scrutin déjà marqué par de fortes tensions et des accusations de manque d’inclusivité.

© afp.com/HANDOUT

Capture d'image diffusée par Bénin TV, le 7 décembre 2025, montrant des militaires apparaissant à la télévision d'État à Cotonou, après une tentative de coup d'État présumée au Bénin
Reçu avant avant-hier

Fin du vaccin contre l'hépatite B aux Etats-Unis ? Ce que préconisent les autres pays

8 décembre 2025 à 20:57

"Le calendrier vaccinal américain est devenu excessif", a lancé Donald Trump vendredi 5 décembre dans un message sur Truth Social. Selon lui, les nourrissons en parfaite santé se voient imposer 72 doses, un nombre bien plus élevé que dans n’importe quel autre pays. "C’est ridicule !" a-t-il ajouté, soulignant que parents et scientifiques avaient depuis longtemps soulevé des doutes sur l’efficacité de ce calendrier. Le républicain n’a pas précisé comment il comptait ces injections, mais il semble avoir inclus chaque dose des vaccins combinés ainsi que les vaccins saisonniers effectués tout au long de l’enfance. Aux Etats-Unis, la vaccination couvre 17 maladies, nettement plus que dans la plupart des autres pays développés.

Pour y remédier, le président a annoncé la création d’un nouveau calendrier vaccinal après qu'une partie des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), dirigé par Robert F. Kennedy Jr., ait souligné les divergences entre les calendriers de différents pays. Cette décision suit la levée de la recommandation du CDC concernant le vaccin contre l’hépatite B à la naissance : vendredi, ces experts ont décidé de cesser de recommander le vaccin contre l'hépatite B aux nouveau-nés. Une réunion du comité avait notamment mis en lumière le calendrier danois, où l’hépatite B n’est administrée qu’aux nourrissons à risque.

Le Danemark pris comme exemple

Ce n'est pas la première fois que le Danemark est cité par Washington comme un exemple sur le sujet des vaccinations. La Maison-Blanche y avait déjà fait référence dans une note d'information rédigée, sous la directive du chantre du MAGA, qui visait à comparer les approches adoptées dans des "pays développés comparables". Au Danemark, les femmes enceintes sont systématiquement testées pour l’hépatite B. Seuls les bébés exposés reçoivent le vaccin et une injection d’immunoglobuline pour protéger immédiatement leur système immunitaire. Des rappels sont programmés à 1, 2 et 12 mois. Au total, le calendrier danois couvre 10 maladies. Les vaccins contre la varicelle, la grippe ou le VRS ne sont pas systématiques. Résultat : seulement 108 cas d’hépatite B en 2023.

Mais comme l'explique Flor Muñoz, spécialiste en maladies infectieuses, au Washington Post, "il est inutile de calquer le modèle danois sur les Etats-Unis". Et pour cause, contrairement au Danemark, outre-Atlantique, environ une femme enceinte sur cinq n'est pas testée pour le virus selon un rapport du Vaccine Integrity Project.

La vaccination souvent visée par l'administration Trump

En Australie, le calendrier couvre 16 maladies pour les enfants et les adolescents. Le vaccin contre le VRS n’est administré qu’une seule fois aux futures mères, entre la 28e et la 36e semaine de grossesse, tandis que les nourrissons reçoivent le vaccin contre l’hépatite B dans les sept jours suivant leur naissance.

Le Royaume-Uni adopte une approche similaire : 15 maladies couvertes, avec un calendrier progressif. Les bébés reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 à 2 mois, puis des rappels à 3 et 4 mois. Celui contre l’hépatite B n’est donné à la naissance qu’aux nourrissons dont la mère est infectée. Sinon, la vaccination est réservée aux enfants exposés à un risque élevé. Le vaccin contre le VRS n’est proposé aux femmes enceintes qu’après 28 semaines, et la vaccination contre l’hépatite A est ciblée en fonction du foyer.

Au Canada, les nourrissons reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 ou le vaccin monovalent contre l’hépatite B à 2, 4 et 6 mois, avec des rappels entre 12 et 23 mois. Les enfants à risque ou prématurés peuvent recevoir des doses supplémentaires, jusqu’à quatre injections pour certains cas. Selon les populations, le calendrier couvre 16 ou 17 maladies.

Ce n'est pas la première fois que l'administration Trump s'attaque ouvertement à la vaccination. Robert F. Kennedy Jr. se plaît régulièrement à dénoncer un "calendrier vaccinal explosif", qu’il lie à l’augmentation de maladies chroniques, d’autisme et d’allergies alimentaires. Une position qui va à l’encontre du consensus scientifique. Le comité du CDC a déjà révisé ses recommandations sur le vaccin contre le Covid et la combinaison RORV (rougeole, oreillon, rubéole, varicelle, NDLR), décalant son administration à 4 ans.

© afp.com/Jim WATSON

Le président américain Donald Trump entouré du ministre américain de la Santé Robert F. Kennedy Jr. (droite) et de Jayanta Bhattacharya (gauche), directeur de l'organisme chargé de la recherche médicale (NIH) à la Maison Blanche, le 12 mai 2025.

Dans les tunnels de Gaza, une guerre souterraine ralentit le processus de paix

8 décembre 2025 à 19:26

A l’est de Rafah, les soldats israéliens progressent mètre après mètre dans un labyrinthe souterrain. L’armée poursuit un travail méthodique : repérer, ouvrir et détruire les tunnels où les hommes du Hamas sont retranchés depuis le début du cessez-le-feu. Des foreuses géantes creusent le sol, les tunnels sont minés, parfois inondés par les troupes israéliennes pour pousser les combattants à sortir. Selon Israël, ses soldats se rapprochent peu à peu des derniers groupes, et plus de quarante d’entre eux auraient été tués ces derniers jours.

Ces opérations se déroulent alors qu’une trêve tient péniblement à la surface, perturbée par des échanges de tirs presque quotidiens. Le cessez-le-feu négocié par Washington en octobre avait laissé ces combattants du Hamas du mauvais côté de la ligne de séparation, enfermés dans un réseau souterrain où les affrontements continuent sans interruption.

Alors que sous terre la situation n’évolue pas, Benyamin Netanyahou a affirmé dimanche 7 décembre vouloir passer "très bientôt" à la deuxième phase de l’accord et prépare une nouvelle rencontre avec Donald Trump en décembre.

Entre 60 et 80 soldats bloqués, selon le Hamas

Dans les tunnels, la situation humanitaire est de plus en plus critique. L’eau et la nourriture s’amenuisent selon des responsables des services de renseignement arabes et de l’armée israélienne, cités par le Wall Street Journal. Au début de la trêve, Israël estimait qu’entre 100 et 200 combattants du Hamas étaient encore retranchés sous Rafah. Le Hamas affirme aujourd’hui qu’il en resterait entre 60 et 80.

Ces hommes sont désormais face à un dilemme : rester dans les tunnels, où ils sont susceptibles d’être tués par l’armée israélienne, ou tenter de fuir en direction du territoire contrôlé par le Hamas, au risque d’être repérés avant d’y parvenir. Ces dernières semaines, plus de 40 d’entre eux ont été tués par les troupes israéliennes. Quelques-uns ont été arrêtés vivants.

Mais les opérations sont dangereuses pour les soldats israéliens eux-mêmes : des combattants peuvent surgir par surprise des tunnels. Ce mercredi 3 décembre, quatre militaires israéliens ont été blessés lorsque plusieurs hommes du Hamas sont soudainement sortis d’un passage et ont tiré sur un véhicule blindé.

Depuis le mois de mai, Israël a donc décidé de resserrer l’étau. L’objectif : détruire complètement le réseau souterrain utilisé par le Hamas depuis le début de la guerre. Des responsables militaires expliquent au Wall Street Journal que la stratégie consiste à isoler les tunnels les uns des autres. Cela empêche ainsi les combattants de se déplacer et réduit leur capacité à s’organiser.

Se rendre ou être tué

Le sort des combattants coincés sous Rafah est désormais au centre des discussions diplomatiques sur la suite du cessez-le-feu. Le Hamas tente d’obtenir un accord qui permettrait à ses hommes de rejoindre son territoire sans être tués. Une demande à laquelle a répondu Israël en promettant que si les soldats se rendaient, ceux-ci ne seraient pas abattus. Mais le Hamas s’oppose fermement à cette idée. Un haut responsable du mouvement, Hossam Badran, a déclaré dans un communiqué que les hommes ne poseront jamais leurs armes et ne se rendront pas "à l’occupation".

L’accord de trêve lui-même exigeait du Hamas qu’il se désarme et renonce à tout rôle dans la gouvernance de Gaza. Des lignes rouges que le mouvement refuse d’accepter. Mercredi 3 décembre, Donald Trump a annoncé qu’une nouvelle phase du processus de paix se profilait, incluant la création d’institutions civiles et sécuritaires pour remplacer le Hamas et préparer la reconstruction. Washington espérait que la gestion du sort des combattants piégés à Rafah offrirait un modèle de désarmement progressif. Mais l’inverse se produit : l’impasse actuelle refroidit les capitales arabes et occidentales, peu disposées à financer la reconstruction ou déployer des forces alors que les combats persistent et que le Hamas refuse toute concession.

Les discussions avaient pourtant commencé dès les premiers jours du cessez-le-feu. Les Etats-Unis avaient même suggéré de laisser sortir les combattants par l’intermédiaire de la Croix-Rouge. Israël s’était montré ouvert à cette proposition, mais exigeait qu’ils abandonnent leurs armes et conditionnait cette évacuation à la restitution d’autres dépouilles d’otages. Une position immédiatement critiquée par des élus israéliens, poussant Benyamin Netanyahou à durcir on ne peut plus son discours : désormais, martèle-t-il, ces hommes devront se rendre ou être tués.

© afp.com/Bashar TALEB

Des combattants armés et cagoulés du Hamas transportent un corps retrouvé dans un tunnel au nord de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 octobre 2025.

Gaza : pourquoi la force internationale voulue par Donald Trump n’arrive pas à se constituer

30 novembre 2025 à 16:49

Le plan de l’administration Trump pour Gaza, centré sur la création d’une force internationale de stabilisation, se heurte à un obstacle majeur : trouver des volontaires prêts à s’engager sur le terrain. Alors que Washington multiplie les appels à la coopération, les pays susceptibles de fournir des soldats se montrent de plus en plus hésitants. Les capitales étrangères redoutent notamment que leurs troupes soient contraintes à des confrontations armées avec les Palestiniens.

Une crainte qui pousse plusieurs nations à revoir leurs promesses initiales. Malgré ces difficultés, les responsables américains continuent de tenter de convaincre des pays de rejoindre cette initiative, considérée comme centrale dans la stratégie de paix imaginée par la Maison-Blanche.

Les pays de plus en plus réticents

L’enthousiasme initial de certains États commence à se dissiper. L’Indonésie, qui avait envisagé d’envoyer jusqu’à 20 000 soldats, prévoit désormais un déploiement beaucoup plus limité. Selon des sources proches du dossier à Jakarta, consultées par le Washington Post, un premier contingent d’environ 1 200 militaires pourrait être mobilisé, mais il faudrait près de six mois avant qu’il ne soit pleinement opérationnel. Les responsables indonésiens soulignent que la mission se concentrera sur des activités civiles telles que la santé et la reconstruction, car certains officiers craignent d’être entraînés dans des affrontements armés avec la population locale.

L’Azerbaïdjan, qui avait également accepté de fournir des troupes, conditionne désormais sa participation à la fin complète des hostilités. Dans le monde arabe, aucun pays n’a confirmé sa contribution. Les gouvernements du Golfe, initialement mentionnés comme partenaires possibles, se sont montrés réticents : les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Qatar pourraient soutenir la mission depuis l’extérieur, mais aucun ne prévoit de déployer des soldats sur le terrain. Les inquiétudes portent sur l’absence de cadre clair et sur le risque que la force internationale se retrouve confrontée à des combats avec le Hamas, dont les intentions de désarmement restent ambiguës.

Même les pays désireux de se rapprocher des États-Unis hésitent. L’Italie, par exemple, examine la manière la plus efficace d’apporter son soutien tout en contribuant à définir le mandat et les règles d’engagement.

Des modalités qui restent à préciser

La Force internationale de stabilisation (ISF) constitue le pivot du plan de paix élaboré par l’administration Trump, validé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies le 17 novembre dernier. Sa mission : démilitariser Gaza, sécuriser ses frontières et protéger les civils ainsi que les opérations humanitaires. Conçue comme une solution de sécurité durable, cette force devrait intervenir immédiatement, mais ses modalités opérationnelles restent encore à préciser.

Selon des sources proches de l’administration américaine, interviewées par le Washington Post, l’ISF pourrait compter jusqu’à 15 000, voire 20 000 soldats, organisés en trois brigades. Elle s’inscrit dans la deuxième phase de la stratégie Trump, qui prévoit aussi la création d’un "Conseil de paix" supervisé par le président américain, un comité technocratique palestinien chargé de gérer le quotidien de l’enclave, la poursuite du retrait israélien et la démilitarisation du Hamas.

Sur le terrain, des questions subsistent : où seront stationnées les troupes ? Entreront-elles dans les zones encore sous influence du Hamas, ou resteront-elles uniquement dans les secteurs sous contrôle israélien ? L’armée israélienne, malgré l’accord de cessez-le-feu conclu en octobre, continue de contrôler un peu plus de la moitié de Gaza. Des documents internes indonésiens montrent que l’hypothèse de déployer des soldats dans les zones échappant à l’autorité israélienne est à l’étude, mais rien n’indique encore si la force sera chargée de protéger les zones civiles jugées "sûres" dans la partie sous contrôle israélien.

© afp.com/ANGELA WEISS

Les représentants auprès des Nations unies votent lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur une résolution américaine concernant le plan de paix pour Gaza, au siège de l’ONU à New York, le 17 novembre 2025.

Immigration : malgré un solde migratoire en baisse, le Royaume-Uni reste persuadé d’être "submergé"

30 novembre 2025 à 12:39

Devant le Parlement britannique, la ministre de l’Intérieur, Shabana Mahmood, est catégorique : selon elle, le pays aurait été bousculé par un afflux de migrants d’une ampleur "déstabilisante". Un phénomène qu’elle juge inédit dans l’histoire récente du Royaume-Uni. Face aux députés, elle a martelé que ses réformes doivent mettre un coup d’arrêt à une dynamique qu’elle estime incontrôlée.

Depuis son arrivée au ministère, Shabana Mahmood multiplie les annonces : restrictions renforcées pour l’immigration légale, conditions plus dures imposées aux demandeurs d’asile, discours alarmistes sur les risques d’attractivité du pays. Un durcissement assumé, alors même que les données sur l’immigration publiées cette semaine racontent une histoire radicalement différente.

Loin de la perception d’un pays submergé par les arrivées, les chiffres montrent une réalité inversée : l’immigration chute à grande vitesse. Le solde migratoire du Royaume-Uni s’est effondré, tombant à un cinquième de son niveau record de 2023. En un an seulement, la migration nette a dégringolé de 649 000 à 204 000 personnes.

898 000 arrivées contre 1,3 million auparavant

Les derniers chiffres officiels confirment une tendance amorcée depuis plus d’un an : le Royaume-Uni attire désormais bien moins qu’autrefois. Selon le rapport publié jeudi 27 novembre par l’Office national des statistiques, la migration nette, c’est-à-dire la différence entre les arrivées et les départs, s’est presque amputée de moitié en 2024. Cette chute brutale doit autant aux règles restrictives imposées dans les derniers mois du gouvernement conservateur qu’à l’évolution générale des mouvements migratoires à l’échelle mondiale.

Sur un an, un peu moins de 898 000 personnes ont posé le pied au Royaume-Uni, contre près de 1,3 million auparavant. Dans le même temps, environ 693 000 individus ont quitté le territoire, dont des ressortissants non-européens et quelque 252 000 Britanniques. Les restrictions introduites avant l’arrivée des travaillistes au pouvoir en 2024 ont pesé lourd : durcissement des conditions d’installation, limitations du regroupement familial pour les étudiants et les travailleurs étrangers, hausse du salaire minimum exigé pour obtenir un visa de travail. Le gouvernement de Keir Starmer n’a pas infléchi cette trajectoire, au contraire : il a rehaussé les exigences financières des visas étudiants et relevé le niveau de qualification demandé dans plusieurs secteurs ouverts à l’immigration professionnelle.

Une opinion publique éloignée de la réalité

Malgré cette baisse historique, une grande partie de la population britannique reste convaincue que le pays n’a jamais accueilli autant d’étrangers. Une étude publiée cette semaine, réalisée par British Future et l’institut Ipsos, et mise en lumière par le New York Times, révèle que plus de la moitié des personnes interrogées pensent que l’immigration a augmenté au cours de l’année écoulée. Et rares sont ceux, à peine 16 %, qui imaginent une diminution prochaine du nombre total de migrants.

Même lorsqu’on leur présente les données officielles, beaucoup persistent à croire que l’immigration progresse : environ un Britannique sur cinq refuse d’admettre la baisse, proportion qui grimpe à un tiers chez les sympathisants de Reform UK, le parti populiste mené par Nigel Farage.

Notamment en cause : le discours politique qui nourrit cette impression d’urgence. Parmi plusieurs politiques, Nigel Farage agite régulièrement le spectre d’un pays au bord du chaos, évoquant une supposée "invasion". De son côté, la conservatrice Kemi Badenoch parle d’une Grande-Bretagne, "agressée" par l’arrivée de bateaux traversant la Manche. Depuis le Brexit, le débat a changé : autrefois tourné vers l’immigration européenne légale, il se concentre désormais sur l’irrégularité, perçue comme la source de tous les désordres.

© afp.com/Oli SCARFF

La ministre de l'Intérieur britannique Shabana Mahmood lors du congrès du parti travailliste, le 29 octobre 2025.
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