Du keynote au code : comment Decathlon hiérarchise les nouveautés d’iOS pour ses apps
Chaque année, la WWDC donne le coup d’envoi d’un grand chantier pour les développeurs qui se retrouvent d’un seul coup avec des dizaines de nouveautés à disposition : nouveaux frameworks, APIs inédites, évolutions d’interface… Comment décider où investir du temps et des ressources ?
Dans le dernier épisode de notre podcast Kernel Panic, Baptiste Dajon, responsable des projets Apple chez Decathlon, explique comment il pilote cette phase critique. Entre défrichage technologique, proof of concept et arbitrages entre iOS et Android, il raconte les coulisses d’une stratégie mobile qui exploite les forces propres à chaque plateforme.

Cet extrait a été édité pour des raisons de concision et de clarté.
Florian, MacGeneration : Après la WWDC, comment ça marche ? Vous avez plein de frameworks qui arrivent, plein de nouvelles APIs, etc. Comment est-ce que vous faites le tri en disant "ça, on va y consacrer des ressources, mais pas ça" ? Parfois, on voit de gros éditeurs et on se dit : "cela fait six mois qu’il y a des widgets sur Mac ou iPhone, et ils n’en ont toujours pas sorti un, alors que ça paraît hyper simple à faire."
Et sachant que vous avez des produits qui fonctionnent aussi sur Android, est-ce que vous vous dites, "ça, ça serait pas mal, mais on ne peut le faire que sur iPhone ou que sur Android, alors on ne le fait pas." Comment vous faites votre tri à l'issue des conférences de développeurs de Google et d'Apple qui se déroulent à peu près en même temps ?
Baptiste, Decathlon : C’est précisément mon rôle chez Decathlon. Juste après la WWDC, je recense toutes les nouvelles technologies et je sélectionne celles que je pense pertinentes pour les applications. J’essaye alors de faire des proof of concept, des petites applications qui permettent de démontrer l'utilité pour l'utilisateur final pour une application de Decathlon. Je passe ensuite dans chaque équipe avec des propositions pour présenter ce qu'on pourrait faire et les convaincre de mettre ça dans leur priorité.
Mais ce qu'il faut surtout savoir, c’est que plus on identifie ces sujets tôt, plus on peut les prioriser et justement répondre à une future problématique. Par exemple, Liquid Glass, certes, on peut s'en passer pendant un an. Mais d'ici un an, on n'aura plus le choix [Apple va imposer le passage au nouveau design logiciel, ndlr]. Donc autant attaquer tout de suite pour que les futurs développements en tiennent compte et puissent directement l’intégrer correctement.
Vous avez quels types d'applications chez Decathlon ?
Côté grand public, l’application principale, c’est Decathlon Shopping, notre app e-commerce, la plus téléchargée et la plus avancée techniquement. On a aussi Decathlon Coach, plus orientée fitness, qui s’adresse à tous les niveaux, pas uniquement aux athlètes confirmés. On a également Decathlon Outdoor, dans l’esprit de AllTrails, dédiée aujourd’hui à la randonnée, mais qui va s’ouvrir à plusieurs types de sport extérieur. Et enfin on a les applications typées produits. Par exemple, une application dédiée à un panier de basket connecté, ou une autre pour nos vélos connectés, qui permet de localiser son vélo et de recevoir une alerte s’il est déplacé. Au total, on a une quinzaine d’applications sur l'App Store.

Je parlais des différences entre Android et iOS. Quand une fonction existe d'un côté mais pas de l'autre, vous faites quoi ? Vous décidez d’en tirer parti même si les utilisateurs d’une seule plateforme peuvent en profiter ? Ou alors vous cherchez systématiquement une équivalence pour que l’expérience reste la même partout ?
Ça, c’était la logique de Decathlon il y a quelques années : les deux périmètres se devaient d'être strictement identiques, même au niveau du design. Avec le temps, on a fait évoluer les choses. Ça fait bientôt sept ans que je suis chez Decathlon, et petit à petit, on a infusé cette culture du mobile. On s’est dit que, pour notre design system — qu’on appelle Vitamin —, le look des applications iOS devait plutôt suivre les Human Interface Guidelines d’Apple, et on part de là. Et de la même manière, on conçoit un design spécifique pour Android.
Pour ce qui est des fonctionnalités, quand il existe un équivalent sur les deux plateformes, bien sûr, on fait en sorte de les proposer des deux côtés, avec une sortie synchronisée autant que possible. Mais s’il y a une fonction différenciante, plus qualitative sur une plateforme, on ne s’en prive pas.
Un exemple concret : Apple est beaucoup plus avancée en matière de réalité augmentée sur les smartphones que Google. […] Et du coup, pour tout ce qui touche à l’expérience de réalité augmentée sur nos produits — par exemple une tente, qui est un produit volumineux —, on a mis en place un bouton dédié dans l’application shopping. Il permet de projeter la tente dans son jardin, d’en voir les dimensions réelles et même de se balader à l’intérieur, avec un iPhone, un iPad ou un Vision Pro.
Sur ce sujet, on a d’abord travaillé sur iOS, où les performances sont nettement meilleures que sur Android. On a donc fait le choix, au départ, de se concentrer uniquement sur iOS. Aujourd’hui, on essaie de s’adapter et de voir ce qui fonctionne aussi sur Android, mais on n’a pas attendu que les deux plateformes soient au même niveau pour se lancer. […]
On voit que les produits qui proposent une visualisation 3D sur leur page montent progressivement dans le classement des ventes, au fil de l’année et selon les saisonnalités. Ça nous permet de dire que la 3D ça marche et que ça booste le niveau de transformation et de réassurance pour l'utilisateur, qui se dit "c'est vraiment le produit-là que je souhaite."
Pour en apprendre plus sur la stratégie de développement chez Decathlon ainsi que sur iOS 26, écoutez Kernel Panic, notre podcast disponible exclusivement pour les membres du Club iGen :

Kernel Panic : que valent les premières bêtas d’iOS et macOS 26 ? Interview de Baptiste Dajon de Decathlon