On connaissait les "flottes fantômes", ces navires appartenant à des propriétaires opaques et des sociétés écrans, qui permettent aux navires russes de transporter clandestinement leur pétrole. On apprend désormais dans leWall Street Journalque Moscou a trouvé un nouveau schéma pour contourner les sanctions contre son économie, en s'appuyant sur la Chine pour la livraison de son gaz naturel liquéfié (GNL).
Depuis août, la Russie aurait ainsi réussi à expédier une dizaine de pétroliers, à destination du port chinois de Beihai, devenu un noeud central pour les exportations de ressources naturelles russes - tout en renforçant ses liens avec Pékin. En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis tentent d'asphyxier l'économie russe, en imposant des sanctions sur ses exportations de gaz et de pétrole.
Un projet à 25 milliards
Dernières en date, celles imposées par Donald Trump la semaine dernière contre deux géants du secteur des énergies : Rosneft et Lukoil. Ce qui n'a pas empêché que des livraisons arrivent, le même jour, au port de Beihai. "Cela profite à la fois à l'économie chinoise et à la machine de guerre russe", résume auprès du WSJ Alexander Gabuev, spécialiste des relations sino-russes.
Pour la Russie, échapper aux sanctions est vital afin de financer sa machine de guerre, à un moment où le pays traverse de plus en plus de difficultés économiques. Cela fait quatre ans que ce géant des hydrocarbures ne peut plus, par exemple, écouler ses stocks sur le marché européen.Moscou parie ainsi sur le projet Arctic LNG 2, d'une valeur de 25 milliards de dollars, qui va servir à liquéfier le gaz naturel, réduisant son volume et facilitant son transport maritime.
Une aubaine pour la Chine
De son côté, la Chine est devenue de plus en plus dépendante du GNL : le pays, qui cherche à sortir du charbon, est désormais le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié. Le gaz russe, vendu à des prix moins élevés, a ainsi vu sa part dans les importations chinoises passer de 6,4 % en janvier 2025 à 17 % en septembre (+ 10,6 points, en un semestre).
En pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Chine, qui dispose d'un rapport de force grâce au monopole des terres rares, semble de moins en moins préoccupée par les sanctions américaines. Tout le gaz en provenance de Russie est ainsi acheminé vers un seul et même port, Beihai, dont l'opérateur (la société d'Etat China Oil & Gas Pipeline Network), qui possède principalement des actifs en Chine, est peu touché par les menaces américaines.
Malgré tout, les sanctions en provenance de Washington continuent de faire leur effet, en ciblant les sociétés exploitantes du projet Arctic LNG 2, les navires de stockage, ou encore les compagnies maritimes qui voudraient participer au transport. Il est de plus en plus compliqué pour la Russie de se procurer des composants, tandis que les acheteurs de GNL craignent également les représailles. A titre d'exemple, rien que sur l'année 2023, les recettes mensuelles de la Russie provenant des exportations du pétrole ont baissé de -41,7 % sur un an, selon les données du Conseil de l'Union européenne.
Des milliards de livres d'argent public engloutis dans des hôtels. C'est le constat dressé par la commission des affaires intérieures de la Chambre des communes, dans rapport publié ce lundi 27 octobre. Le document de plus de cent pages décrit en détail comment la politique d'hébergement des demandeurs d'asile s'est transformée, depuis 2019, en un système "chaotique et onéreux", au bénéfice d'entreprises privées.
Selon leurs estimations, le coût global de cette politique pourrait atteindre 15,3 milliards de livres d'ici 2029 (soit 17,5 milliards d'euros), contre 4,5 milliards initialement prévus en 2019. "Nous nous sommes simplement retrouvés avec plus de personnes que ce que les contrats avaient anticipé et cela a fait exploser les coûts", a souligné lundi Karen Bradley, présidente de la commission à l'origine du rapport, sur la radio BBC4.
En vertu de la loi sur l'immigration et l'asile de 1999, les demandeurs d'asile peuvent se voir proposer un hébergement pendant l'examen de leur dossier s'ils remplissent certaines conditions. Mais ce dispositif, pensé pour être temporaire, a basculé dans la durée. La pandémie de Covid-19 et l’augmentation "spectaculaire" des arrivées de migrants dans des embarcations de fortune ont conduit à cette augmentation de l'hébergement en hôtel, souligne le rapport.
Plus de 32 000 migrants étaient hébergés dans des hôtels en juin dernier, sur un total de 103 000 migrants présents au Royaume-Uni, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. "Le ministère de l’Intérieur a sans aucun doute dû faire face à un environnement extrêmement difficile, mais sa réponse chaotique a démontré qu’il n’était pas à la hauteur du défi", tranchent les parlementaires.
Les prestataires privés également pointés du doigt
Le rapport parlementaire épingle également la gestion des contrats passés avec trois prestataires : Clearsprings, Mears et Serco, chargés de fournir les hébergements. Le coût moyen d'une nuitée dans un logement partagé pour demandeurs d’asile est de 23,25 livres contre près de 145 livres pour une nuit à l'hôtel. Les députés dénoncent une "conception défaillante" des contrats qui aurait encouragé les prestataires à privilégier les hôtels, plus rentables, afin de maximiser leurs profits. Clearsprings et Mears devront d'ailleurs reverser respectivement 32 millions et 13,8 millions de livres sterling au ministère de l'Intérieur, conformément à une clause imposant de partager les bénéfices au-delà d'un seuil de 5 %.
Ce rapport tombe mal pour le gouvernement travailliste de Keir Starmer, déjà critiqué pour son incapacité à réduire le nombre de traversées de la Manche. Le Premier ministre s'est engagé à mettre fin à l'hébergement en hôtels d'ici 2029, en développant d'autres solutions, notamment sur d'anciennes bases militaires. Ces derniers mois, des rassemblements ont été signalés devant certains hôtels, attisés par des groupes d'extrême droite qui dénoncent une "menace pour la sécurité locale".
La clôture extérieure de l'hôtel Crowne Plaza London Heathrow, à West Drayton en Angleterre, qui accueille des migrants depuis plusieurs années, a récemment été recouverte de plusieurs couches de messages liés à la question migratoire.
Ex-numéro 2 de l’ambassade de Corée du Nord à Londres, Thae Yong-ho, 64 ans, fait défection en 2016 avec sa famille. Passé au Sud, il est élu député de 2020 à 2023. Aujourd’hui secrétaire général du Conseil consultatif pour la réunification pacifique, il vit à Séoul sous protection policière. Ses dix ans d’expérience en tant que diplomate offrent une plongée unique dans l’appareil politique nord-coréen. Ce brillant professionnel, qui a fait le récit de sa vie sous un régime dictatorial dans son livre Passcode to the Third Floor : An Insider’s Account of Life Among North Korea’s Political Elite (Columbia university press, non traduit), se souvient des sentiments de "colère" et de "révolte" qui l’ont assailli en constatant l’écart entre, d’un côté, le luxe que s’autorise la famille Kim, les sommes faramineuses dépensées dans le programme nucléaire ; et, de l’autre, la condition misérable d’une bonne partie de la population. Entretien.
L'Express : En tant qu’ancien membre de l’appareil diplomatique nord-coréen, comment décririez-vous la personnalité et la psychologie de Kim Jong-un ?
Thae Yong-ho : Il est brutal, impatient, colérique, mais très intelligent. Doté d’une vraie capacité de raisonner, il sait où sont ses priorités, et manœuvre habilement. Illustration de son tempérament : en 2015, lors d’une visite d’une ferme de tortues, il avait remarqué que les animaux étaient presque morts. Après que le directeur avait prétexté un manque d’électricité et de nourriture, Kim Jong-un l’avait sévèrement réprimandé. "Il est absurde de dire que la production ne peut pas être normalisée à cause de problèmes d’électricité, d’alimentation et d’équipement." Les officiels de haut rang qui accompagnaient Kim gardaient la tête baissée et notaient fébrilement ses instructions. De retour dans la voiture, il ordonna l’exécution du directeur.
Autre exemple, après qu’un destroyer avait chaviré sous ses yeux dans un port le jour de son inauguration, en mai dernier, le dictateur puni de nombreux dirigeants au sein du système nord-coréen. Une photo a en outre été publiée dans la presse officielle nord-coréenne. Alors que, dans une version précédente, le commandant général de la marine nord-coréenne apparaissait aux côtés de Kim Jong-un lors d’une inspection, son image avait été effacée dans la nouvelle photo. C’est une longue tradition du système de propagande de procéder ainsi, quand un haut responsable est poursuivi.
Capture d'écran créée le 17 août 2016 d'images filmées par l'AFPTV le 3 novembre 2014, montrant Thae Yong-ho, alors ambassadeur adjoint de Corée du Nord en Grande-Bretagne
Pouvez-vous nous parler de la fois où vous avez accompagné le frère de Kim Jong-un à des concerts d’Eric Clapton à Londres, au Royal Albert Hall ?
J’ai été pendant 61 heures le chaperondu frère aîné de Kim Jong-un, Kim Jong-chul, venu assister à des concerts d’Eric Clapton, dont il est un grand fan, à Londres, en 2015. Des journalistes l’ont repéré, et la star du show n’était plus Clapton, mais lui… En sa compagnie, je me suis rendu compte que les frères Kim sont très au courant de la géopolitique mondiale, des jeux de pouvoir entre Etats, et qu’ils connaissent bien l’Europe, où ils ont fait leurs études (en Suisse). Mais le train de vie de Kim Jong-chul m’a stupéfié et mis en colère : on m’a demandé de lui réserver une suite à l’hôtel Savoy à 2000 euros la nuit, plus du double de mon salaire mensuel.Bon guitariste, il a insisté pour acheter un modèle de guitare que nous n’avons jamais trouvé. Il était très déçu. Kim Jong-chul a aussi voulu que je fasse ouvrir pour lui un magasin de disques sur Oxford street le soir de son arrivée alors qu’il était 22 heures, et que l’endroit était fermé depuis longtemps. "Si un diplomate le demande, le propriétaire ne viendra-t-il pas ? N’avez-vous pas ce genre de réseau ?", m’a-t-il demandé. Sans succès évidemment.
Dans votre livre, vous estimez que, dans les années 1990 et 2000, la France était particulièrement bien renseignée sur le programme nucléaire nord-coréen. Pourquoi ?
Au début des années 2000, nombre de pays, dont les Etats-Unis et la Corée du Sud, pensaient que l’on pouvait dénucléariser la Corée du Nord via la négociation. Mais la France n’y a jamais cru, car, à mon avis, elle avait accès aux conversations de hauts responsables nord-coréens ou de membres de la famille Kim qui se faisaient soigner dans les hôpitaux français, et restaient parfois des mois à Paris. Je suis sûr que les services de renseignement français suivaient ces personnes et écoutaient ce qu’elles disaient au restaurant ou ailleurs. Lorsque l’Union européenne a décidé, en 2001, d’établir des relations diplomatiques avec Pyongyang, la France a été le seul pays à s’y opposer.
Pourriez-vous nous expliquer comment les diplomates nord-coréens collectaient de l’argent pour le régime à l’époque où vous étiez diplomate ?
Dans les ambassades, les diplomates n’ont pas d’objectifs ciblés de sommes à récolter pour le régime, mais doivent se débrouiller pour compléter leur budget. D’autres, envoyés par leur ministère, se voient fixer des montants à atteindre. C’est pourquoi des diplomates sont impliqués dans le trafic d’armes, de cigarettes ou d’alcool. Certains ont même été arrêtés en Europe pour avoir vendu de la drogue. La Corée du Nord n’a aucun scrupule dans sa quête de devises étrangères.
Ces comportements ont-ils joué dans votre volonté de faire défection ?
Beaucoup de gens meurent de faim en Corée du Nord. Est-ce pour autant un pays pauvre ? Il peut lancer des satellites, construire des sous-marins, fabriquer des chars d’assaut, mais il n’utilise pas son budget pour le bien-être de son peuple.C’est ce qui m’a le plus révolté. Les Nord-coréens ne bénéficient même pas des prestations sociales de base. Ils vivent beaucoup moins bien que leurs voisins, et se contentent de survivre. Même à Pyongyang, où la vie est meilleure qu’à la campagne, la plupart des gens manquent de nourriture de qualité, d’électricité et de soins médicaux.
Croyez-vous à une future réunification des deux Corées ?
Je suis convaincu que la Corée sera réunifiée d’ici 15 ou 20 ans. Les dirigeants qui entourent Kim Jong-un sont tous des hommes âgés, nés dans les années 1950 ou 1960. Kim Jong-un est le seul à être né dans les années 1980. Mais il craint de les remplacer par des responsables issus de la jeune génération qui n’ont aucun lien avec le passé de la Corée du Nord. Cependant, lorsque l’actuelle hiérarchie partira à la retraite, et que les nouvelles générations les remplaceront, la Corée du Nord pourra devenir un État normal.
Les mentalités sont-elles prêtes ?
Les élites nord-coréennes comprennent qu’il n’y a pas d’avenir pour le système nord-coréen, mais l’ennui, c’est qu’elles n’ont jamais, dans leur histoire, testé le système démocratique. Elles ont été sous la domination de l’empire japonais, puis des Soviétiques, puis des Kim. C’est une grande différence avec l’Allemagne de l’Est avant la chute du mur, où les élites, même si elles étaient communistes, avaient connu le système démocratique avant la Seconde Guerre mondiale. Ils ne comprennent donc pas comment la démocratie et un système fondé sur le droit peuvent fonctionner.
Photo diffusée par l'agence de presse officielle de Pyongyang KCNA montrant le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un au téléphone, le 12 août 2025 en Corée du Nord
Aujourd’hui, en Corée du Nord, la plupart des élites craignent d’être désavantagées sur le plan économique, si la Corée est réunifiée. De mon côté, j’essaye de faire passer le message que si elles disent adieu au régime de Kim Jong-un et coopèrent avec le système libre et démocratique sud-coréen, elles peuvent se créer un avenir meilleur en travaillant dur. J’en suis la preuve vivante ! Le fait que les Nord-Coréens utilisent désormais des téléphones portables facilite la transmission de ce genre de message.
Kim Jong-un est-il en train de préparer sa fille, qui l’a accompagné lors de plusieurs événements officiels, à prendre sa succession ?
Au vu du nombre d’événements publics auxquels elle a participé récemment en Corée du Nord, il semble que la fille de Kim Jong-un pourrait être la prochaine dirigeante. Mais, il est peut-être aussi en train de préparer secrètement un fils et d’attendre qu’il grandisse suffisamment pour devenir le prochain dirigeant. Il pourrait ainsi changer de successeur à tout moment à l’avenir.
Avez-vous des nouvelles de votre famille en Corée du Nord ?
Je n’ai aucune information sur ce qui est arrivé à ma famille après ma défection. J’espère qu’ils me pardonneront, car je suis presque sûr qu’ils ont connu des malheurs et qu’ils ont été expulsés de Pyongyang. Je suis vraiment désolé pour mon frère, ma sœur et mes neveux.
Donald Trump a récemment exprimé son désir de rencontrer Kim. Pour l’instant, celui-ci ne s’est pas montré d’un enthousiasme débordant…
Une rencontre me semble peu probable dans l’immédiat. La guerre en Ukraine alimente les caisses nord-coréennes, ce qui fait qu’il n’y a plus de sentiment d’urgence à négocier avec Washington comme en 2018. En chose est certaine : la question de la dénucléarisation est un motif d’annulation de toute discussion. A l’heure actuelle, Kim Jong-un s’intéresse davantage à ses relations avec Poutine.
Est-il illusoire de penser que la Corée du Nord puisse se dénucléariser ?
Pour Kim Jong-un, l’arme nucléaire est une question de vie ou de mort. C’est pourquoi la dénucléarisation de la Corée du Nord est une illusion absolue. La Corée du Nord a passé plus 60 ans pour arriver là où elle est aujourd’hui.
Avec le nouveau président sud-coréen, le progressiste Lee Jae-myung, les relations entre le Nord et le Sud pourraient s’apaiser un peu, mais il ne peut y avoir de changement fondamental, pour la bonne raison que la Corée du Nord ne renoncera pas à ses armes nucléaires.
Comment la Corée du Nord bénéficie-t-elle de sa participation à la guerre en Ukraine ?
La Corée du Nord a d’abord beaucoup profité de cette guerre en Ukraine sur le plan diplomatique. Pendant la guerre froide, l’Union soviétique était le plus grand allié de la Corée du Nord (sur les plans économique, diplomatique et militaire). Mais après l’effondrement de l’URSS, la Russie s’est affaiblie sur le plan économique et militaire et les relations entre Moscou et Pyongyang se sont distendues. Par la suite, la Corée du Nord a tenté de devenir une puissance nucléaire, mais elle n’a pas obtenu le soutien de la Russie pour réaliser cette ambition. Moscou a même voté les sanctions imposées par l'ONU à la Corée du Nord.
Mais, avec la guerre en Ukraine, la Russie a soudainement eu besoin de la Corée du Nord, de ses armes conventionnelles et de ses soldats. Poutine a alors décidé de soutenir l’ambition de la Corée du Nord de devenir une puissance nucléaire. Moscou a apposé son veto au renouvellement du comité de surveillance des sanctions imposées par l’ONU, et s’est opposée à toute forme de sanctions économiques et politiques contre son petit voisin. Pour Pyongyang, ce fut un grand succès diplomatique, car son ancien allié, l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, revenait à ses côtés.
Comment ce soutien s’est-il traduit, concrètement ?
Après la pandémie, la Corée du Nord était encore plus isolée du reste du monde, son économie était au bord de l’effondrement. Les relations entre la Corée du Nord et la Chine s’étaient détériorées. Mais soudain, la guerre en Ukraine a éclaté et la Russie a commencé à acheter des armes obsolètes, puis modernisées, ainsi que de la main-d’œuvre à la Corée du Nord.
Et maintenant, la Russie fournit des fonds et de nouvelles technologies militaires. Aujourd’hui, la Corée du Nord a relancé ses installations et son industrie de production d’armes conventionnelles. Rien que cette année, la Corée du Nord a lancé deux destroyers de 5 000 tonnes et encore perfectionné ses systèmes de missiles. Elle a annoncé qu’elle souhaitait construire un sous-marin à propulsion nucléaire dans les années à venir. Elle dispose aussi de satellites espions, de bonnes armes conventionnelles, de grands destroyers, de chars modernes. Rien de tout cela n’aurait été possible sans le soutien économique et financier de la Russie. Pour Pyongyang, la guerre en Ukraine a constitué opportunité inespérée.
Comment la Chine perçoit-elle ce rapprochement entre la Corée du Nord ?
La Chine reste silencieuse à ce sujet. Elle n’est pas satisfaite de ce rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord, mais dans le même temps, elle observe que l’administration Trump concentre tous ses efforts contre la Chine. Elle a donc besoin d’un allié puissant en Asie-Pacifique pour contrer l’influence américaine.
Sur cette photo collective diffusée par l'agence d'Etat russe Sputnik, Vladimir Poutine marche aux côtés du président chinois Xi Jinping et du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avant un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la place Tiananmen à Pékin, le 3 septembre 2025.
Parallèlement, la Russie et la Chine ont une longue frontière commune ; et sont très dépendantes l’une de l’autre sur le plan économique - la Chine a besoin des ressources naturelles de la Russie, mais aussi de ses technologies militaires. De façon générale : la Russie, la Chine et la Corée du Nord, ne peuvent à mon avis pas être séparés : ils n’ont pas d’autre choix que d’avancer ensemble.
Quelles technologies militaires la Russie est-elle susceptible d’avoir transmises à la Corée du Nord depuis le début de la guerre en Ukraine ?
La principale demande de la Corée du Nord concerne un moteur et un réacteur nucléaires de petite taille, qu’elle pourrait utiliser pour construire un sous-marin à propulsion nucléaire. Kim Jong-un sait en effet très bien que les bombes anti-bunkers américaines peuvent détruire ses installations nucléaires souterraines, comme l’ont prouvé les frappes sur des sites iraniens au mois de juin. Dès les années 1950 et 1960, la Corée du Nord a commencé à construire des bunkers et des tunnels militaires très profonds, anticipant de possibles bombardements dans le futur. C’est aussi pour cela que le métro de Pyongyang est si bas sous terre. Seul hic, au cours des dernières décennies, la technologie américaine a beaucoup progressé et est désormais capable de frapper très profondément, à plus de 60 mètres de profondeur.
La prochaine étape, pour Pyongyang, consiste donc à déplacer ses installations nucléaires vers la mer, comme l’ont fait la Russie et les États-Unis. Et donc à construire un sous-marin nucléaire capable de transporter au moins un ou deux missiles nucléaires. Si la Russie lui fournit effectivement la technologie nécessaire pour développer un réacteur nucléaire, cela pourrait changer la donne de manière très dangereuse dans cette région.
Le fait de participer à la guerre en Ukraine fait-il progresser l’armée nord-coréenne ?
Oui, sans aucun doute. En fait, c’est la première fois que la Corée du Nord participe à une véritable guerre conventionnelle dans la durée depuis la guerre de Corée (1950-1953). Elle constitue une très bonne expérience pour eux. D’autant que ce conflit utilise désormais les technologies les plus avancées, comme les drones. Chaque jour, des milliers de soldats nord-coréens y sont confrontés, aux côtés des Russes.
C’est la raison pour laquelle l’armée nord-coréenne s’entraîne actuellement en vue d’une éventuelle guerre des drones à l’avenir. De son côté, Kim Jong-un se rend régulièrement dans des usines fabriquant des drones et assiste à des exercices militaires qui les utilisent. A l’inverse, l’armée sud-coréenne et les troupes américaines stationnées en Corée du Sud n’ont pas véritablement expérimenté de guerres de drones.
Quelles sont les ambitions nucléaires de la Corée du Nord ?
La Corée du Nord souhaite être reconnue comme une puissance nucléaire, à l’instar du Pakistan ou de l’Inde, qui ont été acceptés comme tel par les États-Unis et le reste du monde. Jusqu’à présent, l’Amérique et ses alliés occidentaux lui refusent ce statut, mais la Corée du Nord reste convaincue que si elle prouve aux États-Unis que ses armes nucléaires sont capables de détruire ce pays en cas de guerre entre les deux nations, Washington finira par venir négocier avec elle.
Pyongyang pourrait par exemple renoncer à ses installations nucléaires capables de frapper les États-Unis. En échange, la Corée du Nord demanderait que les États-Unis retirent leurs troupes de Corée du Sud et la levée de certaines sanctions imposées par l'ONU. Cela signifierait concrètement que les États-Unis acceptent le statut nucléaire de la Corée du Nord.
Il appartient désormais à l’administration Trump de décider si les États-Unis vont maintenir leurs sanctions contre la Corée du Nord ou conclure un accord sur le contrôle des armes nucléaires avec la Corée du Nord.
Les Etats-Unis pourraient-ils être tentés de bombarder les sites nucléaires nord-coréens de façon préventive, comme ils l’ont fait avec l’Iran ?
Le cas de la Corée du Nord est très différent de celui de l’Iran. Car alors qu’il existe une distance importante entre l’Iran et Israël, Séoul ne se trouve qu’à 50 kilomètres des armes conventionnelles de la Corée du Nord. Donc si les États-Unis lançaient une frappe chirurgicale contre les installations nucléaires nord-coréennes, tous les canons nord-coréens bombarderaient Séoul, où vit un tiers de la population sud-coréenne.
C’est une nouvelle mission de taille pour Anna Paulina Luna, députée républicaine de Floride. Après avoir pris la tête, en février, d’un "groupe de travail" chargé de déclassifier "des secrets fédéraux" réels ou fantasmés – comme des preuves de l’assassinat de JFK ou l’existence "d’ovnis" - cette élue pro-Trump s’est vue confier certaines négociations avec le Kremlin. Ce week-end, elle a rencontré l’envoyé russe Kirill Dmitriev pour "favoriser les conversations de paix et de commerce" entre Moscou et Washington. Mais qui est donc cette républicaine aux propos polémiques et quelles sont ses positions ?
Opposée à l’aide à l’Ukraine
Agée de 36 ans, cette ancienne militaire d’origine mexicaine est une défenseure de la première heure du mouvement MAGA. Historiquement opposée au soutien à l’Ukraine, elle a voté à plusieurs reprises contre les aides militaires américaines à l’Ukraine, allant jusqu’à défendre, en 2023, la "Résolution sur la fatigue ukrainienne", un projet de loi du Congrès exigeant la fin du soutien militaire et financier à Kiev. "Pas un seul dollar ne devrait être versé à ce pays" déclarait-elle alors.
"Je présenterai un projet de loi qui obligera tout homme politique qui prône l’envoi de troupes américaines en Ukraine à combattre en première ligne à leurs côtés", ajoutait-elle encore en 2024, rapporte le site GOP for Ukraine.
Négociations avec la Russie
Alors que les négociations entre les Etats-Unis et la Russie perdent de l’élan, Donald Trump ayant annoncé l’annulation d’un sommet Trump-Poutine à Budapest, début novembre, l’émissaire russe Kirill Dmitriev a tout de même rencontré, vendredi, samedi et dimanche, des responsables du gouvernement américain. Ainsi que, selon lui, des "représentants de la communauté américaine qui souhaitent un dialogue positif avec la Russie", notamment l’élue républicaine de Floride à la chambre des Représentants, Anna Paulina Luna.
"Il est important, non seulement pour mes compatriotes américains, mais pour le monde entier, que nous continuions à favoriser les relations et les conversations de paix et de commerce entre la Russie et les Etats-Unis, comme le président Trump l’a si ouvertement appelé", écrivait la républicaine sur X début octobre, en annonçant cette rencontre. "Nos deux pays ne doivent pas être ennemis. Des alliances commerciales profitent à tous. Je sais que je ne suis pas le seul membre du Congrès ou Américain à penser qu’il est essentiel de maintenir ce dialogue ouvert."
C’est "une voix forte pour un dialogue et la paix", a écrit Kirill Dmitriev sur X, à l’issue de leur entretien. Il a précisé qu’Anna Paulina Luna allait organiser une réunion entre des députés américains et russes pour "encourager un dialogue parlementaire".
Madame "secrets fédéraux"
L’occasion, peut-être, de leur exposer ses thèses sur les petits hommes verts. Dans une interview à la chaîne NewsNation donnée en septembre, elle affirmait avoir parlé avec des responsables du gouvernement russe d’enregistrements d’ovnis, et disait espérer pouvoir s’étendre davantage sur la question lors d’une réunion bipartite avec des membres du parlement russe. L’élue a déclaré à plusieurs reprises que le Congrès avait vu des preuves de l’existence d'"êtres interdimensionnels".
En février, Anna Paulina Luna a en effet pris la tête d’un groupe de travail "axé sur la déclassification des secrets fédéraux" (réels ou fantasmés, comme les ovnis), placé sous l’autorité de James Comer, le président du comité de contrôle de la Chambre des représentants. "Luna devrait se pencher sur […] la liste des clients de Jeffrey Epstein et les dossiers relatifs au 11 septembre 2001, aux origines du Covid-19, aux phénomènes aériens non identifiés et à d’autres sujets", précise Fox News.
"Mme Luna s’engage à faire la lumière sur la vérité et à mettre fin à l’ère du secret", a déclaré à Fox News James Comer. "Il est temps de faire la lumière sur la situation et d’apporter enfin les réponses que le public américain réclame depuis longtemps".
Donald Trump sur le mont Rushmore
Mais débusquer la vie sur Mars n’est pas le seul projet qui occupe l’élue républicaine. En janvier, elle avait déposé au Congrès une proposition de loi visant à graver le visage de Donald Trump sur le mont Rushmore. Pour rappel, ces sculptures visibles sur le sommet des Black Hills (Dacota du Sud) représentent quatre présidents mémorables de l’histoire américaine des années 1770 aux années 1900 : George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln.
"Les réalisations remarquables [de Donald Trump] pour notre pays et le succès qu’il continuera de lui apporter méritent la plus grande reconnaissance et le plus grand honneur sur ce monument national emblématique. C’est parti pour la gravure !", s’était enthousiasmée Anna Paulina Luna, sur le réseau social X.
Une trentaine de pétroliers appartenant à la "flotte fantôme" russe - des bâtiments vieillissants à haut risque pour l'environnement utilisés afin de contourner les sanctions occidentales - ont été identifiés dans le golfe de Finlande en l'espace d'une semaine, a informé lundi 27 octobre la chaîne de télévision publique finlandaise Yle.
En l'espace d'une semaine en octobre, Yle a détecté 31 navires figurant sur la liste des sanctions de l'Union européenne (UE) et faisant partie de cette "flotte fantôme" dans cet étroit couloir de la mer Baltique.
La Russie recourt à ces bateaux, dont il est souvent difficile de déterminer à qui ils appartiennent réellement, dans le but de poursuivre l'exportation de son pétrole brut en dépit des sanctions occidentales. Mikko Hirvi, le responsable de la sécurité maritime au sein du corps des garde-frontières finlandais, n'est pas surpris par ce chiffre. "Les cargaisons russes dans le golfe de Finlande sont à leur niveau d'avant-guerre, ce qui signifie que ce trafic est en grande partie assuré par la flotte fantôme", a-t-il déclaré à l'AFP.
Une "bombe à retardement pour l'environnement"
La semaine dernière, l'Union européenne a ajouté plus de cent pétroliers sur sa liste noire dans le cadre d'un nouveau train de sanctions, interdisant à ces bâtiments d'accéder aux ports et de recevoir des services au sein de l'UE.
L'Union européenne cherche également à renforcer la capacité de ses Etats membres à effectuer des inspections sur ces navires. Transportant principalement du pétrole brut mais aussi des produits raffinés tels que l'essence et le diesel, ces bateaux desservant principalement les ports russes d'Oust-Louga et de Primorsk, sur les rives de la Baltique, constituent une "bombe à retardement pour l'environnement", selon des experts interrogés par Yle. "Le risque d'accidents environnementaux, en particulier dans la mer Baltique et dans le golfe de Finlande, est clairement à un niveau élevé", a mis en garde Mikko Hirvi. "Cela est dû au mauvais état des vieux navires de la flotte fantôme, combiné au brouillage du GNSS", a-t-il ajouté, faisant référence à la désactivation des systèmes de suivi de la navigation.
Seuls six des bâtiments identifiés par Yle ont moins de 15 ans. Une éventuelle marée noire "pourrait se traduire par des coûts très importants" pour la Finlande, d'après le responsable de la sécurité maritime.
La mer Baltique, semi-fermée, est entourée de pays industriels et agricoles : l'Allemagne, la Pologne, la Russie, la Finlande, la Suède, le Danemark et les trois Etats baltes. Reliée à l'Atlantique par l'étroit détroit du Danemark, cette mer est connue pour ses eaux peu profondes et à la faible salinité, très sensibles aux changements environnementaux.
Musées fermés, fonctionnaires au repos forcé, services gouvernementaux au ralenti, mais militaires… bientôt payés ? Comme de nombreux autres agents fédéraux américains, les soldats de l’US Army pâtissent du shutdown. Alors que la situation au Congrès paralyse les institutions du pays depuis plus de trois semaines, aucune autorisation n’a en effet été délivrée cette fois par le Parlement américain pour permettre malgré tout le paiement des troupes, comme ce fut le cas lors des récents blocages budgétaires de ce type. Pendant ce temps, les désaccords entre républicains et démocrates s’enlisent, rendant toute perspective de sortie de crise difficile à anticiper.
Les militaires devront-ils donc attendre encore plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour avoir la garantie de recevoir bientôt leurs salaires ? Jeudi 23 octobre, Donald Trump a répondu à cette interrogation avec une annonce énigmatique. Le président américain a expliqué qu’un "ami", un "grand patriote", avait fait don de 130 millions de dollars pour payer les soldats. Pas question pour ce mécène de voir son identité être révélée. "Il préfère que son nom ne soit pas mentionné, ce qui est assez inhabituel dans le monde d’où je viens", a détaillé Donald Trump vendredi, lors du vol l’emmenant en Malaisie pour le début de sa tournée asiatique. "En politique, on a envie que son nom soit mentionné."
Un milliardaire pro-Trump derrière le don
Le mystère aura fait long feu : samedi, le New York Times a dévoilé le nom du donateur en question. D’après le quotidien américain, il s’agirait du milliardaire Timothy Mellon, un homme d’affaires issu d’une famille de riches magnats. Son grand-père, secrétaire américain au Trésor dans les années 20, avait fait fortune dans le secteur bancaire. Aujourd’hui octogénaire, Timothy Mellon vit dans une complète discrétion dans un ranch du Wyoming.
Mais il n’est pas inactif pour autant dans la sphère politique : en 2024, il a financé pour plusieurs dizaines de millions de dollars la campagne présidentielle de Donald Trump et d’autres républicains. Il fut également un des soutiens financiers de l’actuel ministre de la Santé, Robert Kennedy Jr., et de son ONG antivax Children’s Health Defense, relais de théories farfelues en matière sanitaire. En 2023, le Texas Tribune avait par ailleurs découvert qu’il avait participé au projet de financement d’un mur souhaité par le gouverneur républicain de l’État entre son territoire et le Mexique.
Avec ce don conséquent de 130 millions de dollars, ce partisan du président américain ne permettrait en réalité que d’offrir environ 100 dollars à chacun des 1,3 million de soldats du pays. Un geste avant tout symbolique, mais aux conséquences politiques importantes. En effet, l’opposition démocrate, mais aussi une myriade d’experts juristes, remettent en cause la légalité d’une telle opération. "Je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a aucune justification légale valable pour déplacer l’argent de cette manière", a confirmé au Guardian Phil Wallach, chercheur principal à l’American Enterprise Institute et spécialiste de la question de la séparation des pouvoirs aux États-Unis.
Démarche potentiellement problématique
D’après le Pentagone, le don a été accepté dans les règles, en vertu de "l’autorité générale d’acceptation des dons" faits à l’armée, a précisé l’institution dans un communiqué. Mais les spécialistes alertent sur le fait qu’un tel versement pourrait contrevenir à l’Antideficiency Act – la loi anti-déficience. Ce texte fédéral "interdit aux agences fédérales d’engager ou de dépenser des fonds fédéraux à l’avance ou au-delà d’une affectation budgétaire, et d’accepter des services bénévoles", indique la page du site du gouvernement consacrée à ses dispositions.
Ainsi, les opposants à ce don, vivement salué par Donald Trump, craignent qu’il ne crée un précédent en remettant en cause les compétences du Congrès en matière budgétaire. Tandis que le versement des salaires des soldats n’a pas été approuvé, les quelques deniers qui leur seraient apportés pourraient donc en quelque sorte contrevenir aux décisions parlementaires. Autre effet pervers également évoqué : la possibilité de voir le shutdown se prolonger si ce versement se matérialisait dans les faits, tant l’opposition pourrait se sentir trahie par un tel procédé, outrepassant son rôle de contrepouvoir.
Pire encore, Christopher Mirasola, un autre professeur de droit, enseignant à l’université de Houston (Texas), estime que ce don pourrait être utilisé par Donald Trump pour faciliter les opérations menées par la Garde nationale dans plusieurs grandes villes du pays, comme Chicago ou Washington. "Si ma théorie selon laquelle les crédits budgétaires constituent la limite la plus importante à ces déploiements militaires nationaux est vraie, alors des mesures comme celle-ci, visant à écarter le Congrès du processus d’affectation des crédits budgétaires, constituent en réalité une atteinte à l’un des amendements les plus importants concernant l’autorité du président à utiliser l’armée aux États-Unis", justifie l’universitaire, toujours auprès du Guardian.
Alors que le Hamas n’a rendu à ce jour que 15 des 28 dépouilles d’otages qu’il aurait dû rendre le 13 octobre, une équipe technique égyptienne a été "autorisée à entrer au-delà de la ligne jaune" qui délimite la zone contrôlée par Israël dans Gaza, "pour rechercher nos otages", a confirmé ce lundi 27 octobre une porte-parole du bureau de Benyamin Netanyahou.
"Il est difficile de localiser certains corps de captifs israéliens, car l’occupation a modifié le relief de Gaza (pendant la guerre, NDLR). De plus, certaines personnes qui ont enterré ces corps ont elles-mêmes été tuées ou ne se souviennent plus de l’endroit où elles les ont enterrés", avait déclaré samedi le négociateur en chef du Hamas, Khalil al-Hayya. Ce dernier a répété la volonté du mouvement islamiste palestinien de rendre les dépouilles, malgré ces complications. "Nous ne donnerons pas à l’occupation (israélienne) une excuse pour reprendre la guerre", a-t-il ajouté.
Les infos à retenir
⇒ Israël annonce que la Croix-Rouge, le Hamas et une équipe égyptienne cherchent des corps d'otages à Gaza
⇒ Israël lève l'état d'urgence pour les localités près de Gaza
⇒ Israël accuse la Finul d’avoir abattu un de ses drones au Liban
Le Hamas annonce qu'il va restituer à Israël la dépouille d'un 16e otage
La branche armée du mouvement islamiste Hamas a annoncé lundi que la dépouille d'un 16e otage retenu depuis l'attaque du 7 octobre 2023 dans la bande de Gaza, serait restituée à Israël dans la soirée.
Dans un message sur leur chaîne Telegram, les Brigades Ezzedine al-Qassam ont précisé que la dépouille serait remise "aujourd'hui dans la bande de Gaza à 21H00 (19H00 GMT)".
Le Hamas a libéré le 13 octobre les 20 derniers otages vivants. Il devait aussi rendre à cette date les 28 corps des captifs qu'il retient, mais il n'en a restitué à ce jour que 15, arguant de difficultés pour trouver les dépouilles dans le territoire ravagé par la guerre.
Israël annonce que la Croix-Rouge, le Hamas et une équipe égyptienne cherchent des corps d'otages à Gaza
La Croix-Rouge, une personne du Hamas et une équipe égyptienne sont en train de chercher des dépouilles d'otages retenus depuis l'attaque du 7 octobre 2023 dans la bande de Gaza, a annoncé lundi le gouvernement israélien.
Les équipes de recherches munies d'engins de chantier ont obtenu l'autorisation des autorités israéliennes d'entrer "au-delà de la ligne jaune (...) sous la supervision étroite de l'armée israélienne pour identifier l'emplacement de nos otages", a déclaré la porte-parole du gouvernement, Shosh Bedrosian.
Une source à la Croix-Rouge a confirmé que l'organisation participait à ces recherches.
Israël lève l'état d'urgence pour les localités près de Gaza
Israël a levé lundi l'état d'urgence dans les localités du sud du pays proches de la bande de Gaza, instauré depuis l'attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023. "J'ai décidé d'adopter la recommandation de l'armée et de lever, pour la première fois depuis le 7 octobre, le régime spécial sur le front" sud, a affirmé le ministre de la Défense, Israël Katz, cité dans un communiqué de son bureau.
Cette "décision reflète la nouvelle réalité sécuritaire dans le sud du pays, obtenue grâce à l'action résolue et puissante de nos vaillants combattants" depuis deux ans contre le Hamas, a-t-il ajouté.
Gaza : des proches d’otages font pression pour le retour de tous les corps
La principale association israélienne militant pour la libération des otages à Gaza a appelé ce lundi à suspendre les prochaines étapes de l’accord de cessez-le-feu tant que le Hamas n’aura pas rendu les 13 dernières dépouilles encore retenues dans le territoire palestinien. Rappelant qu’aux termes de l’accord, tous les otages morts et vivants auraient dû être rendus il y a deux semaines, le Forum des familles appelle dans un communiqué "le gouvernement israélien, l’administration américaine et les médiateurs à ne pas passer à la phase suivante de l’accord tant que le Hamas n’aura pas rempli toutes ses obligations".
Cette deuxième phase comprend notamment le désarmement du Hamas et l’amnistie ou l’exil de ses combattants et la poursuite des retraits israéliens dans Gaza, des points qui restent sujets à discussion.
Le Hamas a libéré au 13 octobre l’ensemble des 20 otages vivants. Mais il n’a restitué à ce jour que 15 des 28 corps des captifs qu’il détenait, arguant de difficultés pour trouver les dépouilles dans le territoire ravagé par l’offensive israélienne de représailles.
Israël affirme son droit de veto sur une force internationale à Gaza
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a affirmé dimanche son droit de veto sur les membres de la force internationale qui devrait sécuriser l’après-guerre dans la bande de Gaza, que son allié américain tente de mettre en place.
En vertu du plan du président Donald Trump, sur lequel est basé l’accord de cessez-le-feu, une force internationale de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l’armée israélienne s’en retirera.
"Nous avons […] clairement indiqué au sujet des forces internationales qu’Israël déciderait quelles forces sont inacceptables pour nous", a déclaré Benyamin Netanyahou, opposé au déploiement de forces de Turquie, pays qui entretient des liens étroits avec le Hamas. "Nous sommes un Etat indépendant", a-t-il martelé devant ses ministres. "Notre politique de sécurité est entre nos mains."
Vendredi, le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a dit au sujet de cette force qu’il faudrait "que ce soient des personnes ou des pays avec lesquels Israël se sente à l’aise", après qu’une source du ministère turc de la Défense avait fait état de discussions sur une participation turque.
Israël accuse la Finul d’avoir abattu un de ses drones au Liban
L’armée israélienne a accusé lundi la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul) d’avoir abattu l’un de ses drones de renseignement dans le sud du Liban.
La Finul œuvre avec l’armée libanaise à l’application de l’accord de cessez-le-feu ayant mis fin le 27 novembre 2024 à plus d’un an de conflit entre le mouvement pro-iranien Hezbollah et Israël, dont deux mois de guerre ouverte. L’armée israélienne occupe quant à elle toujours cinq positions dans le sud du Liban, frontalier du nord d’Israël, et mène régulièrement des frappes sur le territoire libanais en affirmant viser le Hezbollah, malgré l’accord.
"Une première enquête suggère que les forces de la Finul ont délibérément tiré sur le drone et l’ont abattu", a écrit sur X le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, porte-parole de l’armée, en annonçant l’ouverture d’une enquête. Selon lui, "l’activité du drone ne représentait aucune menace pour la Finul. Après la destruction du drone, les troupes israéliennes ont largué une grenade vers la zone où le drone est tombé".
Dimanche, la Finul a affirmé dans un communiqué qu'"un drone israélien a survolé l’une de (ses) patrouilles de manière agressive. Les Casques bleus ont appliqué les contre-mesures défensives nécessaires pour neutraliser le drone".
Les négociations de paix entre Moscou et Kiev sont au point mort, malgré les efforts de médiation du président américain qui avait promis de mettre rapidement fin au conflit en Ukraine à son retour à la Maison-Blanche en janvier. Disant ne pas vouloir de discussions "pour rien", Donald Trump a reporté mardi dernier sine die un projet de rencontre, tout juste annoncé, avec Vladimir Poutine à Budapest, et les Etats-Unis ont imposé le lendemain de nouvelles sanctions sur les hydrocarbures russes. Samedi, Donald Trump a répété qu’il ne "perdrait pas son temps" à programmer une nouvelle rencontre avec son homologue russe sans accord en vue pour mettre fin à la guerre en Ukraine. La Russie a de son côté dénoncé dimanche 26 octobre des "tentatives" de saper son dialogue "constructif" avec les Etats-Unis.
Les infos à retenir
⇒ Donald Trump juge "inapproprié" l’essai du missile russe à propulsion nucléaire
⇒ L'armée russe revendique la prise de trois villages dans le sud-est de l'Ukraine
⇒ Vladimir Poutine va recevoir la cheffe de la diplomatie nord-coréenne à Moscou
Donald Trump juge "inapproprié" l’essai du missile russe à propulsion nucléaire
Donald Trump a jugé "inappropriée" ce lundi l’annonce faite la veille par son homologue russe Vladimir Poutine de l’essai final réussi d’un missile de croisière russe à propulsion nucléaire. "C’est inapproprié de la part de Poutine de dire cela. Il devrait mettre fin à la guerre en Ukraine", a affirmé le président américain. "Cette guerre qui devait durer une semaine entrera bientôt dans sa quatrième année. Voilà ce qu’il devrait faire plutôt que de tester des missiles", a-t-il poursuivi lors d’un échange avec les journalistes à bord de l’avion l’emmenant au Japon, au deuxième jour d’une tournée en Asie.
"C’est une création unique que personne d’autre au monde ne possède", s’est félicité de son côté lundi le président russe, selon lequel le Bourevestnik ("oiseau de tempête" en russe) a une "portée illimitée". Lors du dernier essai le 21 octobre, le missile de croisière a passé dans l’air "environ 15 heures", en survolant 14 000 km, a précisé pour sa part le chef de l’état-major russe, Valéri Guérassimov, en ajoutant que "ce n’est pas une limite" pour cet armement.
"Ils savent que nous avons un sous-marin nucléaire, le meilleur du monde, juste au large de leurs côtes", a également souligné Donald Trump, qui avait déjà mentionné ce déploiement récemment.
Vladimir Poutine va recevoir la cheffe de la diplomatie nord-coréenne à Moscou
Le président russe Vladimir Poutine recevra ce lundi à Moscou la ministre des Affaires étrangères nord-coréenne Choe Son-hui dans le cadre de sa visite en Russie, pays avec lequel Pyongyang entretient des liens de plus en plus étroits, a annoncé le Kremlin.
La cheffe de la diplomatie de la Corée du Nord a salué dans la matinée la "proximité spirituelle" entre son pays et la Russie, lors d'un entretien avec son homologue russe Sergueï Lavrov à Moscou.
L'armée russe revendique la prise de trois villages dans le sud-est de l'Ukraine
L'armée russe a revendiqué ce lundi la prise de trois villages dans le sud-est de l'Ukraine, où ses troupes continuent de grignoter lentement du terrain dans certains secteurs, malgré de lourdes pertes, face à des forces ukrainiennes moins nombreuses.
Sur Telegram, le ministère russe de la Défense a affirmé que ses troupes se sont emparées des localités de Novomykolaïvka et Pryvilné dans la région ukrainienne de Zaporijjia (sud), ainsi que de celle de Egorivka dans la région de Dnipropetrovsk (centre-est). L'AFP n'est pas en mesure de confirmer ces revendications de source indépendante.
Ces derniers mois, les troupes russes utilisent une tactique consistant à mener de nombreuses attaques avec de très petits groupes de soldats afin de s'infiltrer dans les défenses ukrainiennes en évitant de former de grands groupes d'assaut, particulièrement exposés aux frappes de drones. La priorité du Kremlin reste la prise de la région orientale de Donetsk. Ces derniers jours, la pression s'est fortement accentuée sur l'agglomération de Pokrovsk-Myrnograd, un bastion de la région de Donetsk que Moscou cherche à prendre depuis des mois.
La Russie dit avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit
Le ministère russe de la Défense a annoncé lundi matin avoir intercepté 193 drones ukrainiens dans la nuit de dimanche à lundi, une attaque qui a fait un mort selon des autorités locales. Un chauffeur de minibus a été tué et cinq passagers ont été blessés dans le village de Pogar, a affirmé lundi matin sur Telegram Aleksandre Bogomaz, gouverneur de la région de Briansk, frontalière de l’Ukraine. Parmi les drones décomptés, 47 ont survolé la région de Briansk et 40 la région de Moscou, dont la majorité se dirigeait vers la capitale russe, selon le ministère de la Défense. Il s'agit d'un nombre de drones relativement important pour une attaque ukrainienne sur la Russie, mais pas d'un record.
Depuis le début de son offensive il y a trois ans et demi, la Russie lance quasi-quotidiennement drones et missiles sur l’Ukraine, qui répond régulièrement en frappant le territoire russe. Kiev intensifie ses frappes et vise notamment les infrastructures énergétiques russes.
Dans la région ukrainienne de Lougansk (est), sous occupation russe, les autorités locales nommées par Moscou ont par ailleurs affirmé lundi que deux dépôts de carburant avaient été frappés pendant la nuit par des drones ukrainiens.
Pour sa part, l'Ukraine a été attaquée pendant la nuit de dimanche à lundi par 100 drones russes, dont 66 ont été abattus, a affirmé l'armée de l'air ukrainienne. Selon cette source, qui n'a pas fourni plus de précisions, 26 de ces drones ont frappé des endroits dans 9 localités.
Moscou dénonce des "tentatives" de saper son dialogue "constructif" avec Washington
La Russie a dénoncé dimanche des "tentatives" de saper son dialogue "constructif" avec les Etats-Unis en vue d’un règlement du conflit en Ukraine, quelques jours après le report sine die d’un projet de rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump.
"Nous sommes témoins de tentatives titanesques de saper tout dialogue entre la Russie et les Etats-Unis", a déclaré dans un message vidéo un émissaire du Kremlin pour les questions économiques, Kirill Dmitriev, qui enchaîne depuis vendredi des rencontres avec des responsables du gouvernement américain à Washington.
"Nous sommes disposés à un dialogue constructif et à une communication claire de la position de la Russie sur plusieurs questions", a-t-il souligné. "La Russie souhaite un règlement pacifique" en Ukraine, a-t-il assuré, tout en estimant que "le respect" des intérêts russes et "l’éradication des causes profondes de la crise ukrainienne" devraient servir de base pour des "solutions justes".
Ce dimanche 26 octobre, Scott Bessent était de toutes les émissions du week-end aux États-Unis. Après une nouvelle rencontre avec le vice-Premier ministre chinois He Lifeng à Kuala Lumpur (Malaisie), le secrétaire américain au Trésor a fait le tour des télévisions outre-Atlantique pour détailler l’avancée des négociations commerciales entre Pékin et Washington. Cette dernière entrevue a abouti à "une trame significative" en vue d’un accord, s’est réjoui le responsable américain. Une déclaration qui intervient avant une semaine cruciale dans ce dossier, puisque le président américain Donald Trump doit rencontrer son homologue chinois Xi Jinping jeudi en Corée du Sud.
Pour Pékin, éviter de nouveaux droits de douane
Samedi, le milliardaire républicain, qui a entamé ce week-end une longue tournée asiatique, a lui-même estimé qu’il y avait "vraiment de bonnes chances de parvenir à un accord global" avec la Chine. Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a lancé une importante offensive douanière vis-à-vis de la plupart de ses partenaires commerciaux, y compris Pékin. Après plusieurs épisodes de représailles, les surtaxes entre les deux pays sont aujourd’hui limitées jusqu’au 10 novembre. Mais la fin de cette trêve expire donc bientôt, ce qui a conduit le dirigeant américain à menacer une nouvelle fois la puissance asiatique.
L’arme brandie par Donald Trump ? Une imposition de droits de douane à hauteur de 100 % contre les importations chinoises sur le territoire américain. Pour éviter un tel scénario, le républicain réclame à Xi Jinping plusieurs mesures, en particulier la fin des restrictions posées par Pékin sur les terres rares. Ces métaux précieux, dont la Chine est le premier producteur mondial, sont essentiels à de nombreux secteurs, y compris dans l’industrie technologique. Après les différentes réunions entre les deux parties, un progrès semble avoir été établi contre un renforcement du verrou chinois sur ces ressources. La Chine "va retarder cela d’un an, le temps qu’elle réexamine la situation", a ainsi assuré Scott Bessent sur ABC dimanche.
Autre dossier sensible : les échanges commerciaux sur le plan agricole. L’administration Trump espère convaincre la Chine d’achats "substantiels" de soja américain. Depuis le début de la guerre commerciale, la filière de cette légumineuse souffre beaucoup aux États-Unis. Pékin a interrompu ses commandes aux producteurs américains en riposte aux tarifs douaniers imposés par Washington. Là aussi, Scott Bessent s’est montré rassurant. "Je pense que lorsque l’annonce de l’accord avec la Chine sera rendue publique, nos cultivateurs de soja seront très contents, à la fois pour cette saison et pour les prochaines, pour plusieurs années", a-t-il souligné, toujours sur ABC.
Cession de TikTok à finaliser
Plusieurs autres thèmes de discorde seront par ailleurs au menu du tête-à-tête Trump/Xi jeudi. Un accord définitif sur la vente d’une partie de TikTok aux États-Unis pourrait être conclu. Le mois dernier, lors de négociations à Madrid (Espagne), les deux pays avaient avancé autour d’une cession de la majorité des activités outre-Atlantique de l’application chinoise, développée par la firme ByteDance, à des investisseurs américains et internationaux, notamment des proches de Donald Trump.
"Les données et la confidentialité seront gérées par l’une des plus grandes entreprises technologiques américaines, Oracle, et l’algorithme sera également contrôlé par l’Amérique", avait ainsi détaillé en septembre la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, sur Fox News. Oracle est dirigé par le milliardaire Larry Ellison, un allié du président américain. L’opération, estimée à 14 milliards de dollars, devrait donc de nouveau être évoquée jeudi, en Corée du Sud. "Nous sommes parvenus à un accord final sur TikTok", a exposé Scott Bessent, sur CBS. "Tous les détails sont réglés, et il appartiendra aux deux dirigeants de finaliser cette transaction."
Enfin, Washington entend profiter de la rencontre des deux présidents pour obtenir un autre succès, sur la crise du fentanyl. Cet opioïde fait des ravages aux États-Unis depuis des années. Plus de 500 000 personnes en sont mortes dans le pays en vingt ans. Or, Donald Trump accuse Pékin de faciliter son arrivée sur le territoire américain. L’accord commercial "va inclure une coopération très importante pour bloquer les précurseurs de drogues [servant à fabriquer] le fentanyl entrant par le Mexique, par le Canada", a promis Scott Bessent, cette fois lors d’un programme sur NBC.
Côté chinois, la prudence est davantage de mise avant le rendez-vous de jeudi. Sans nommer directement les États-Unis, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a fait passer des messages à l’égard de son rival américain ce lundi, lors d’un discours à Pékin. Le responsable a exhorté à "en finir avec la politisation des questions économiques et commerciales, la fragmentation artificielle des marchés mondiaux et le recours aux guerres commerciales et aux batailles de droits de douane". Dans le même temps, Li Chenggang, le représentant pour le commerce international du gouvernement chinois, a indiqué qu’un "consensus préliminaire" avait été obtenu avec les États-Unis au niveau commercial.
Le président ultralibéral argentin Javier Milei a obtenu un éclatant vote de confiance pour poursuivre ses réformes, après son large succès aux législatives de mi-mandat dimanche 26 octobre, avec un peu plus de 40 % des voix au niveau national.
Ces élections sont "la confirmation du mandat que nous avons reçu en 2023" à la présidentielle, pour "avancer sur la voie réformiste" a lancé un Javier Milei triomphant, mais sans excès ni outrances, à ses partisans dans son QG électoral, dans un hôtel de Buenos Aires.
Le résultat, qui dément bien des sondages, est un immense soulagement pour l’exécutif, alors que l’incertitude liée au scrutin avait placé l’économie argentine, et sa monnaie, sous une intense pression depuis deux mois. Déclenchant la promesse d’une aide massive de son allié américain Donald Trump, jusqu’à 40 milliards de dollars. "Félicitations au président Javier Milei pour sa Victoire Ecrasante en Argentine. Il fait un travail formidable ! Notre confiance en lui a été justifiée par le peuple argentin", a réagi le président américain sur son réseau Truth Social.
La Libertad Avanza, le parti de Javier Milei, a recueilli 40,7 % des voix au niveau national, selon des résultats officiels à 97 % du décompte, et est vouée à quasi-tripler sa base parlementaire, sans pour autant atteindre la majorité absolue.
Presque trois fois plus de députés
Suffisant, toutefois, pour accroître la capacité du président "anarcho-capitaliste" à réformer et déréguler - sur ses deux ans restants de présidence - une économie fragile aux faibles réserves de changes et sujette aux turbulences financières. Selon des projections exprimées dimanche par Javier Milei lui-même, mais non confirmées par l’autorité électorale, son bloc de députés passerait de 37 à 101 (sur 257 députés), et ses sénateurs de six à 20, sur un total de 72 sénateurs. Javier Milei avait estimé qu’obtenir un tiers des sièges, serait un "bon chiffre", seuil lui permettant en particulier d’imposer ses vetos aux parlementaires le cas échéant.
"J’ai crié comme si c’était le but du dernier Mondial quand l’Argentine a été championne !", a déclaré à l’AFP Facundo Campos, consultant marketing de 38 ans, à l’extérieur du QG de Javier Milei. "Je ressens tellement de bonheur, d’enthousiasme. Je ne m’attendais pas à un chiffre si élevé !"
"Une victoire sans appel, surprenante", a convenu pour l’AFP le politologue Sergio Berensztein. "L’Argentine a donné un soutien très fort au président, qui a maintenant l’opportunité de démontrer qu’avec un Parlement plus favorable, il est effectivement en mesure de tenir ses promesses." Comme celle maintes fois répétée "d’éradiquer" l’inflation totalement d’ici mi-2026.
Javier Milei arrivait au scrutin déjà auréolé d’un succès contre l’inflation, ramenée en 20 mois de plus de 200 % à 31,8 % en interannuel, et d’un équilibre budgétaire inédit depuis 14 ans. Mais son "plus grand ajustement budgétaire de l’histoire" — comme il aime à répéter — a vu plus de 200 000 emplois perdus, une activité anémiée, en contraction de 1,8 % en 2024, une reprise en 2025 qui s’essouffle. Et une société plus que jamais à deux vitesses.
Depuis 2023, le chef de l’Etat a beaucoup légiféré par décrets, ou accords législatifs ponctuels dans l’hémicycle. Mais il s’était vu de plus en plus entravé par un Parlement braqué par sa rigidité, voire ses insultes : "nid à rats", "dégénérés"…
Virage en vue ?
L’opposition modérée, des secteurs de l’économie productive mais aussi des bailleurs internationaux, à l’instar du FMI, demandaient avec insistance à l’exécutif "de renforcer le soutien politique et social" à ses réformes.
Et nombre d’analystes estiment qu’au-delà du scrutin, Javier Milei devra prendre un virage pragmatique. "Faire preuve de flexibilité, d’humilité et de disposition à des accords avec les gouverneurs de province, des forces d’opposition en vue de majorités fortes lui permettant d’adopter des lois", estime Sergio Berensztein.
Javier Milei a paru dimanche soir tendre une main, affirmant qu'"il y a des dizaines de députés et de sénateurs avec lesquels nous pouvons arriver à des accords de base" sur des réformes. Dans son viseur d’ici 2027 : des réformes fiscales, de flexibilisation du marché du travail, et du système de protection sociale.
Dans l’opposition péroniste, régnaient le dépit et "le sentiment que ce qui est en train de gagner, c’est l’indifférence", se désolait Mariano, 61 ans, un des militants réunis sous les fenêtres de l’ex-présidente (2007-2015) Cristina Kirchner, 72 ans, désormais condamnée et inéligible.
La participation dimanche, de 67,9 %, était quasiment la plus faible de toutes les élections depuis le retour de la démocratie en 1983.
D’ordinaire, Richard Werly sillonne les routes de France. Correspondant historique de la presse helvétique à Paris, journaliste pour le média Blick, ce Franco-Suisse est cette fois monté dans un camping-car américain pour un road trip de Chicago à Mar-a-Lago, le palais de Donald Trump en Floride, à la rencontre de ce qu’il nomme "l’Amérique des campings", le peuple du président milliardaire. Il en a tiré un livre, Cette Amérique qui nous déteste, qui sort le 29 octobre aux éditions Nevicata.
Un angle d’attaque que le journaliste n’avait pas anticipé mais qui, une fois sur place, lui a "sauté aux yeux" : sur les routes américaines, il n’a croisé que mépris et haine pour cette vieille Europe, coupable de faiblesse aux yeux de l’Amérique Maga ("Make America Great Again") et d’avoir "profité" des Etats-Unis pendant trop longtemps. Le livre de Richard Werly dépasse le cadre purement politique, car ce n’est pas seulement l’administration Trump qui attaque l’Europe, ses règles et son modèle de cohabitation pacifique, mais aussi tout un pan de la société américaine et sa puissante Silicon Valley qui veulent la changer. L’attitude des dirigeants européens, qui ont pris l’habitude de "se mettre à plat ventre" dans le bureau Ovale, n’arrange rien, selon le journaliste franco-suisse. Entretien.
L’Express : Vous êtes allé sur les routes américaines pour parler d’Europe, rencontrant parfois du mépris, souvent de la haine. Qui sont ces Américains qui nous détestent ?
Richard Werly : Il s’agit principalement de l’Amérique Maga, et cette détestation m’a frappé. Quand les gens voient le titre de mon livre, ils sont nombreux à me dire que c’est faux, que l’Amérique ne nous déteste pas… J’en suis désolé, mais il existe aujourd’hui une Amérique qui nous déteste et qui est complètement infusée par les thèses Maga.
Le succès de Donald Trump consiste à avoir implanté dans les esprits la détestation d’un certain nombre d’éléments : tout en haut, ce sont les migrants et Joe Biden. Mais très vite, il y a les Européens. L’année dernière, juste avant les élections, j’ai pris un camping-car pendant deux mois pour aller de Chicago à Mar-a-Lago, en Floride. Dans les campings, je suis tombé sur cette Amérique qui se retrouve le soir autour des barbecues et qui, spontanément, me disait : "Vous, les Européens, vous ne servez plus à rien".
C’est ça, la détestation : cette idée que l’on ne sert à rien, que nous n’avons pas de message convaincant pour cette population pourtant très largement blanche, d’origine européenne. Cette Amérique Maga valorise la force et nous voit comme trop faible, trop tolérante et trop floue : ils veulent une image nette, avec des Blancs chrétiens, mariés, etc.
"Cette Amérique qui nous déteste", de Richard Werly, sort le 29 octobre 2025 aux éditions Nevicata.
Cette Amérique voit-elle aussi l’Europe comme un contre-modèle de sa société, de ses valeurs ?
Ce qui nourrit vraiment la détestation, c’est que nous osons prétendre être une alternative. Les questions de défense et d’armée reviennent en permanence dans les discussions : "Les Européens, vous nous critiquez pour des guerres que nous avons faites et que nous regrettons, comme l’Irak, mais vous ne nous avez pas aidés." J’ai rencontré des Américains qui ont perdu leurs enfants à la guerre mais voilà, leurs "boys" sont partis et les Européens n’ont, selon eux, pas été dignes de confiance.
Ce sentiment anti-européen est-il plus fort qu’auparavant ou Donald Trump a-t-il simplement su trouver les mots pour l’exprimer ?
La grande différence dans l’Amérique d’aujourd’hui, telle que je l’ai vue, est que les pro-Européens se taisent. La peur a fait son chemin. Là, les grandes manifestations "No King" et ses millions de protestataires peuvent donner l’impression d’un réveil mais la réalité reste que, sur les campus américains, les professeurs, y compris ceux d’études européennes, font attention à ce qu’ils disent. Une espèce d’omerta s’est installée dans tout le camp de l’élite pro-européenne et, d’autre part, les pays européens ont fait le choix de se mettre à plat ventre devant Trump. Il y a beaucoup moins de manifestations culturelles européennes qu’avant, moins de concerts européens, etc. L’Europe a baissé le ton, ce qui laisse la place aux thèses trumpistes.
Il existe aussi le syndrome de la troisième ou quatrième génération : les petits-enfants d’immigrants (ce qui est le cas de Trump), même s’ils n’aiment pas l’Europe, y restent irrémédiablement attachés. Ensuite, le cordon se coupe, c’est un effet générationnel. Nous sommes face à cette Amérique qui n’a plus le respect de ses ancêtres ou de ses aïeuls, qui se trouve dans la rébellion et la révolte.
Avez-vous trouvé, sur ces routes américaines, la réponse à cette question : pourquoi Donald Trump déteste-t-il personnellement l’Europe ?
Nous sommes dans le domaine de la psychologie, sur lequel je ne suis pas vraiment qualifié, mais il est clair que Donald Trump a un problème avec ses origines. Son père, Fred, a prétendu pendant des années qu’il était suédois pour pouvoir travailler avec des juifs [NDLR : alors qu’il est d’origine allemande]. Adolescent, Trump a grandi avec cette usurpation d’identité paternelle pour le business et son père avait, par ailleurs, un penchant pour les thèses semi-fascistes de Charles Lindbergh dans les années trente.
Ensuite, fondamentalement, Trump n’aime pas l’Allemagne. Déjà, c’est un pays fort économiquement, avec, notamment, le succès de ses voitures, ce que Trump déteste. Il y a 40 ans, il détestait le Japon pour les mêmes raisons. Il ne supporte pas l’offense faite à l’industrie américaine.
Le troisième élément est le fruit de son inculture : il est ébahi quand il vient à Notre-Dame mais, globalement, l’Europe lui apporte un complexe. L’Europe le renvoie à son image de ploutocrate américain, comme il en existe beaucoup dans son électorat, c’est-à-dire des gens pour qui l’argent et le profit constituent les seules variables. Pour eux, le monde se résume à la richesse et à l’ambition de devenir riche, et l’Europe leur apparaît comme une offense permanente. C’est pour cette raison que, lorsque Trump vient en Europe, c’est surtout pour aller dans ses golfs.
Avec le discours de J.D. Vance à Munich, les attaques personnelles d’Elon Musk contre des dirigeants européens et les humiliations infligées à Volodymyr Zelensky, cette administration américaine semble passer à un autre stade d’animosité vis-à-vis de l’Europe. Qu’est-ce qui a changé par rapport au premier mandat de Donald Trump ?
Il a tiré les leçons de Trump 1 : d’abord, il a compris qu’il fallait attaquer très vite, que la réussite d’un mandat se joue sur la première et la deuxième année. Il a, de plus, la contrainte des élections de mi-mandat. Or quand Trump accélère, il a besoin d’un bouc émissaire : la victime à laquelle il est le plus facile de mettre la tête sous l’eau, c’est l’Europe, pas la Chine !
Ensuite, Trump sait, comme toute sa clientèle électorale Maga "supérieure" et contrairement à nous, que l’Europe est un continent riche. J.D. Vance, qui est le porte-parole de Peter Thiel [NDLR : milliardaire de la tech, propriétaire de Palantir], sait qu’il y a de l’argent à prendre dans nos pays. Nous, Européens, restons focalisés sur notre patrimoine culturel, mais nous sommes le continent sur lequel les Gafam [NDLR : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft] réalisent leurs profits. Trump a pour objectif l’obéissance de l’Europe. Les autres veulent récolter notre argent, et ils ont raison : nos consommateurs sont accros aux produits électroniques américains et, contrairement à la Chine ou à la Russie, n’ont pas d’alternatives. Trump voulait s’assurer que les Européens deviennent des moutons, Vance s’occupe de les tondre.
Le vice-président américain JD Vance parle lors d'une réunion à la Conférence sur la sécurité à Munich (Allemagne), le 14 février 2025
Pour ce second mandat de Donald Trump, la stratégie européenne semble avoir aussi évolué, avec davantage de révérences et de tentatives de l’amadouer. Est-ce une bonne méthode et nos dirigeants ont-ils le choix ?
J’ai été surpris par l’absence de riposte culturelle de l’Europe. Les Européens, depuis un an, sont assommés. Ils avaient sous-estimé le coup de marteau politique, le fait que Trump leur taperait autant sur la tête. Et d’autre part, ils sont stupéfaits de découvrir que ce n’est pas seulement Trump, mais toute une Amérique qui déteste l’Europe. De nombreux dirigeants, diplomates et ambassadeurs européens ne l’avaient pas du tout anticipé. Peut-être vont-ils maintenant se mettre en ordre de marche…
Nous, citoyens européens, quelle est notre réponse ? Les chiffres sont là, nous n’allons plus aux Etats-Unis. Ce n’est pas un boycott, mais nous avons l’impression que c’est un pays de fou, donc nous arrêtons d’y voyager. Le problème de cette stratégie est qu’elle ne fait qu’alimenter les clichés : nous nous installons non pas dans une haine de l’Amérique mais dans une indifférence vis-à-vis d’elle. Peut-être une forme de mépris aussi. Dans tous les cas, le fossé s’agrandit.
Vous écrivez que Donald Trump suit le mantra de Roy Cohn, son mentor : "Attaque, attaque, attaque." Jusqu’à quel point les dirigeants européens vont-ils le supporter ? Est-ce que, à un moment, l’Europe peut se lever et dire "ça suffit" ?
Au moment où l’on se parle, je pense malheureusement qu’une majorité d’Européens et donc de dirigeants politiques se dit : OK, ils nous détestent, mais nous avons trop besoin d’eux. C’est ce que Le Grand Continent a nommé "la vassalisation heureuse". Je dirais plus exactement qu’il s’agit d’une vassalisation malheureuse, ce qui est pire, parce qu’il n’y a plus de bonheur. Nous savons que les Américains nous détestent, mais aussi qu’ils sont trop forts et trop riches.
Même si Donald Trump rencontrait Vladimir Poutine à Budapest, en Europe, ou qu’il nous imposait des tarifs douaniers démentiels ?
Aujourd’hui, à tous les niveaux européens, domine le sentiment que les Américains sont trop forts et trop riches. Dans le rapport Draghi de 2024, il apparaît clairement que le décalage d’innovation est bien trop grand et ne sera pas rattrapé. C’est ce que dit aussi le Prix Nobel d’économie Philippe Aghion. Les Américains nous détestent, on le sait, mais essayons de leur faire des câlins pour qu’ils nous détestent moins. C’est ce qui m’inquiète profondément, car je pense que la majorité des gouvernements européens sont sur cette ligne, à deux exceptions près : l’Espagne et la France.
Pour l’Espagne, la question de la Palestine joue un rôle, mais c’est surtout l’aspect latino-américain, ce lien historique avec ce continent où les Espagnols étaient "les premiers". Il y a là un choc culturel entre l’Espagne et les Etats-Unis, souvent négligé. Pour la France, ce sont des raisons différentes, puisque nous sommes ceux qui ont créé les Etats-Unis et nous en gardons un sentiment de supériorité. Mais à part l’Espagne et la France, aucun pays européen ne semble vouloir tirer les conséquences de la politique de Donald Trump : les Polonais préfèrent être détestés mais défendus ; les Hongrois pensent que la détestation, c’est de l’amour ; les Italiens restent atlantistes par définition ; les Allemands sont presque fiers de la détestation…
Dans les témoignages que vous avez recueillis, aucune personnalité politique européenne ou française ne ressort. Les Américains Maga ne mentionnent ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen devant vous ?
Deux éléments venaient automatiquement aux Américains que j’ai rencontrés : l’Union européenne et l’Allemagne. Bizarrement, l’Union européenne existe bien davantage pour eux que pour nous : comme Trump, ils pensent que c’est un bloc. Ils créditent l’UE de bien davantage de cohésion et de moyens qu’elle n’en a. Et l’Allemagne revient pour des raisons économiques : la voiture, l’industrie pharmaceutique… L’économie allemande est installée de manière très tangible aux Etats-Unis, ce qui marque les esprits.
La France, ils m’en parlent relativement peu. Sauf - et je ne le mentionne pas dans le livre, bien que ce soit un élément de la détestation - pour me parler de Brigitte Macron et des théories du complot qui disent qu’elle est un homme… C’est affreux comme cette affaire circule dans tous les milieux abonnés aux comptes d’informations de l’univers Maga. Ils regardent Fox News, Joe Rogan, les blogs. Et pour eux, la France c’est ça.
Vous parcourez la France depuis des années pour la raconter à votre lectorat suisse. Voyez-vous le même type de discours - anti-américain - monter dans l’Hexagone ?
Ici, il n’y a pas de détestation des Etats-Unis. Bien que perdure un antiaméricanisme traditionnel, Donald Trump n’est, de ce que je vois, pas détesté en France. Il est parfois méprisé, il est surtout redouté. C’est quelqu’un que l’on considère comme dangereux pour nos intérêts, mais que beaucoup de gens admirent malgré tout. La force de Trump, y compris en France, est d’avoir créé un personnage qui parle à tout le monde : ce milliardaire qui se fout des politiciens classiques, un "vrai mec". En France, le personnage Trump est jugé caricatural, grossier, mais il n’est pas détesté. Jusqu’au point où certains se disent : "On aurait besoin d’un Trump à la française".
Pourtant, Marine Le Pen semble hésiter à assumer le modèle Trump, tout comme la plupart des partis politiques en France…
Je vais faire une parenthèse suisse car nous connaissons bien le modèle Trump : nous avons eu notre Donald Trump, version suisse, qui se nomme Christophe Blocher. Il est le fondateur de l’UDC, le parti d’extrême droite ou de droite radicale qui, depuis trente ans, est au pouvoir en Suisse. Lui-même a été conseiller fédéral. S’il n’y avait pas eu le système suisse de concordance obligée, où le pouvoir est partagé entre les principaux partis du Parlement, il aurait eu la majorité. Blocher, c’est l’alliance entre plusieurs caractéristiques : "l’homme fort", c’est-à-dire macho et viriliste ; le discours grossier, notamment sur les immigrants ; le culte de la richesse ; la détestation de l’Etat ; et l’éloge des frontières.
Ce modèle-là est extrêmement exportable. Quand on gratte un peu, c’est ce que veulent beaucoup de gens : un homme riche, donc qu’ils imaginent incorruptible puisqu’il n’aurait pas besoin d’argent, ce qui est faux bien sûr ; il veut des frontières, ce qui rassure tout le monde ; il aime la force, qui reste un élément important de la société. L’Europe est détestée parce qu’elle a essayé d’être une réponse à tout ça, de ne pas être seulement guidée par le profit et par la force, de ne pas s’enfermer dans des frontières et de nous prémunir contre un pouvoir autoritaire.
Dans votre livre, un professeur allemand vous parle du "poison américain" qui se répand dans nos démocraties européennes. L’administration Trump peut-elle sonner la fin de l’Europe actuelle ?
Je suis seulement journaliste, je ne peux pas prévoir les événements, mais si Donald Trump remporte les élections de mi-mandat dans un an… Aujourd’hui, il publie une vidéo dans laquelle il balance des excréments sur des manifestants américains depuis son avion : s’il gagne les midterms, il n’aura plus de limite et j’ai bien peur que l’Europe soit celle qui reçoit ces excréments. S’il garde le contrôle des deux chambres du Parlement, nous devons préparer nos parapluies : lui peut devenir fou, et les gens qui le suivent encore plus.
Quoi qu’il arrive, nous sommes mal barrés car, malheureusement, l’Europe institutionnelle a renoncé au profit. C’est ce que dit Mario Draghi dans son rapport de 2024, c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas de Gafam : nous ne supportons pas le profit, en France mais pas seulement. Or, l’argent reste un moteur de l’innovation. Nous avons aussi renoncé aux frontières, nous avons renoncé à la force et, fondamentalement, nous n’avons pas trouvé d’alternative à l’autoritarisme, puisque la démocratie reste structurellement fragile et inefficace.
Je ne suis pas d’un naturel inquiet mais, là, je le suis. Eux, les Américains de Trump, rien ne les arrêtera.
Pyongyang, samedi 10 octobre 2020, un peu après minuit. Le défilé militaire nocturne organisé pour les 75 ans du Parti des travailleurs dévoile un monstre : un missile intercontinental de 25 mètres de longueur. A la tribune, Kim Jong-un s’adresse à la foule de soldats au garde-à-vous sur une gigantesque place illuminée. Soudain, le jeune dictateur, connu pour ses méthodes impitoyables, retire ses lunettes et essuie quelques larmes. "Notre peuple a placé sa confiance en moi, aussi haute que le ciel et aussi profonde que les océans, mais je n’ai pas toujours réussi à m'en montrer digne, et j’en suis vraiment désolé", ânonne-t-il, tête baissée.
Est-il sincère ? Ou, plus probablement, cherche-t-il à humaniser son image en jouant sur le registre émotionnel ? Il a en tout cas de quoi battre sa coulpe, car le pays va mal. Même si la propagande prétend que le Covid-19 n’a fait aucune victime, la situation sanitaire et humanitaire est catastrophique et l’économie au bord de l’effondrement. Ce pays de 26 millions d’habitants, qui a fermé ses frontièresen début d’année, manque de nourriture, d’engrais, de médicaments, de vaccins… Les typhons et les inondations ayant aggravé la situation, le spectre de la famine des années 1990 est de retour.
Un honneur auquel ni son père ni son grand-père n'avaient eu droit
En cette fin 2020, jamais le "Royaume ermite" n’a aussi bien porté son surnom. Kim Jong-un est d'autant plus isolé qu'un an et demi plus tôt, l’héritier de la seule dynastie communiste de la planète est reparti humilié et les mains vides de son second sommet avec Donald Trump, à Hanoï.Un échec cinglant qui avait entamé sa crédibilité à la tête du régime.
Mais celui que l’histoire officielle décrit comme un demi-dieu issu de la lignée sacrée du Mont Paektu (un volcan mythique, à la frontière avec la Chine, où, selon la légende, aurait vu le jour le fondateur du régime, son grand-père Kim Jong-il), va renaître de ses cendres. Et revenir peu à peu au premier plan. Jusqu’à la consécration, ce 3 septembre 2025 : le "commandant suprême" d’un pays presque cinq fois plus petit que la France, assiste, en compagnie de Xi Jinping et de Vladimir Poutine, à une impressionante parade militaire sur la place Tiananmen. "Se tenir aux côtés des dirigeants chinois et russe lors du défilé – un honneur auquel ni son père, ni son grand-père n’avaient eu droit, élève symboliquement le régime de Kim Jong-un au rang de partenaire égal de Pékin et Moscou", observe Thae Yong-ho, un ancien diplomate nord coréen qui a fait défection en 2016. L’ancien paria est désormais courtisé de toute part, y compris par Donald Trump, qui vante son "excellente relation" avec lui et aimerait le rencontrer à nouveau.
Le malheur des uns faisant souvent, en géopolitique, le bonheur des autres, c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, qui fait basculer le destin du "soleil du XXIe siècle" (l’un de ses surnoms). "La guerre en Ukraine a sauvé Kim Jong-un : ce fut une bénédiction ! Elle lui a permis de faire oublier l’embarras du sommet de Hanoï, de se réapprovisionner en nourriture et carburant et de le rendre moins dépendant de son principal protecteur, la Chine, en se rapprochant de la Russie", énumère Victor Cha, chercheur au Center for strategic and international studies, à Washington, et ancien conseiller Asie de la Maison-Blanche.
Dès le début du conflit, Kim comprend le parti qu’il peut tirer de la situation et ne ménage pas son zèle. Avec la Syrie, il est le seul à reconnaître les républiques de Louhansk et de Donetsk, annexées par la Russie. Manquant désespérément de devises, le "génie des génies" se rend incontournable. Il livre de 4,2 à 5,8 millions d’obus à Moscou entre octobre 2023 et avril 2025, selon l’estimation du Royal United services Institute, soit jusqu'à 40 % des munitions tirées par les Russes sur cette période. Ces armes, auxquelles il faut ajouter plus d’une centaine de missiles pour la seule année 2025, ont contribué à faire pencher l’équilibre des forces du côté russe.
L'hécatombe de soldats nord-coréens
La dynamique s’accélère avec la signature d’un traité de défense mutuelle en juin 2024. A l’automne suivant, Kim envoie quelque 10 000 soldats aider les Russes à reprendre les zones de la région de Koursk occupées par les Ukrainiens. Qui aurait pu imaginer que des troupes asiatiques menaceraient un jour la sécurité du Vieux Continent ? La Corée du Nord avait participé à des conflits hors de ses frontières, envoyant ses pilotes voler aux côtés de l’Egypte, contre Israël, pendant la guerre du Kippour en 1973. Mais jamais depuis la fin de la guerre froide. Et encore moins contre un ennemi européen… Mal préparés et traités comme de la chair à canon par les Russes, environ 2 000 Nord-Coréens auraient été tués et des milliers blessés, selon le renseignement sud-coréen. Une hécatombe. Certains auraient été forcés de marcher en file indienne pour détecter les champs de mine, d’autres à servir "d’appâts" pour les drones ukrainiens. Le déploiement de ces "héros" fait en tout cas les affaires du régime, qui perçoit 75 % à 90 % de leur salaire. "Les Nord-Coréens ont soudain découvert qu’ils pouvaient vendre aux Russes ce qu’ils n’auraient jamais cru pouvoir écouler - leurs vieilles munitions datant de l’ère soviétique et leurs soldats -, avec un énorme bénéfice", souligne Andreï Lankov, professeur à l’université Kookmin, à Séoul.
Les livraisons à Moscou sont ensuite montées en gamme, grâce à l’afflux de devises russes, qui permet à Pyongyang de relancer sa production d’armes. La Corée du Nord a ainsi mis à l’eau cette année deux destroyers de 5 000 tonnes lourdement armés, et perfectionné ses systèmes de missiles. "Rien de cela n’aurait été possible sans les financements et les technologies russes", insiste le transfuge nord-coréen Thae Yong-ho, qui fut député de la Corée du Sud, de 2020 à 2023.
Ces transferts de savoir-faire inquiètent les Occidentaux. Moscou pourrait en effet permettre à Kim de réaliser son rêve : développer un sous-marin lanceur d’engin à propulsion nucléaire - plus autonome, discret et mobile qu’un diesel électrique. "Les Nord Coréens veulent être sûrs que si les États-Unis ou la Corée du Sud détruisaient leurs sites nucléaires, ils pourraient encore lancer une attaque nucléaire depuis la mer", indique Benjamin Katzeff Silberstein, chercheur à l’Institut suédois des affaires internationales. Les bombardements américains contre des installations iraniennes enfouies à 60 mètres de profondeur, en juin dernier, leur ont confirmé que cette option était vitale. "Si la Russie fournit cette technologie, cela changera dangereusement la donne dans cette région", prévient Thae Yong-ho.
Des conséquences potentiellement dramatiques
D’autant que Pyongyang voit les obstacles au développement de son arsenal nucléaire s’abaisser. Concrètement, en actionnant son veto à l'ONU, la Russie a fait imploser l’an dernier le système de surveillance des sanctions internationales contre Pyongyang, compliquant leur application. "C’est un immense succès diplomatique pour la Corée du Nord : son ancien grand allié (du temps de l’URSS) est revenu dans son camp", note l’ex-diplomate, qui rappelle que la Russie avait voté les sanctions du conseil de sécurité de l'ONU contre son voisin, à la suite de son premier essai nucléaire, en 2006.
En réalité, depuis sa création en 1948, le plus long régime communiste de l’Histoire, a toujours su exploiter les bouleversements géopolitiques. Né du partage du monde en deux blocs après la Seconde Guerre mondiale, il obtient dès sa création le soutien de Staline pour contrer l’influence américaine. Après la rupture entre la Chine et l’URSS, dans les années 1960, Kim Il-sung parvient à tirer parti de la rivalité entre les deux géants pour obtenir le maximum d’aide de chacun d’eux. Aujourd’hui, Pyongyang tire encore son épingle du jeu en misant sur la volonté de Pékin et Moscou de bousculer l'ordre mondial dominé par les Etats-Unis.
A ce sujet, Trump a rendu service à Kim en lançant sa guerre commerciale contre Pékin en 2018. "La Chine avait une attitude ambivalente à l’égard de Pyongyang : elle n’aime pas ses ambitions nucléaires, ni ses provocations, qui justifient la présence militaire américaine en Asie de l’Est. Mais les tensions sino-américaines rendent nécessaire une zone tampon dans la péninsule", résume Andreï Lankov. Parallèlement, poursuit ce spécialiste, "plus l’Occident isolait la Russie, plus la valeur de la Corée du Nord augmentait aux yeux de Moscou".
Les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. Les Nord-Coréens sont en train d’acquérir sur le champ de bataille ukrainien une expérience précieuse de la guerre moderne, où les drones jouent un rôle primordial. L’ayant bien compris, Kim Jong-un a supervisé récemment des essais de drones suicides et de reconnaissance équipés d’IA et ordonné d’en produire massivement. "Il a, en outre, pour la première fois la possibilité de tester ses missiles balistiques face à des défenses aériennes ennemies", complète Ankit Panda, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, à Washington. En face, le Sud, lui, ne s’est pas battu depuis plus de 70 ans.
L'obsession de l'arme nucléaire
Tout aussi inquiétant, les ingénieurs nord-coréens travaillant sur le programme nucléaire progressent très vite. En octobre 2024, Kim Jong-un a assisté au test du missile balistique intercontinental Hwasong-19. Jamais un projectile nord-coréen n’avait volé aussi longtemps (près d’une heure et demie) et aussi haut (7 700 kilomètres). L’engin, à combustible solide (et donc plus rapide à déployer), peut être équipé de plusieurs ogives nucléaires.
Obsédé par la bombe atomique, son assurance-vie, "Rocket man", comme l’avait surnommé Trump, disposerait déjà de 50 têtes nucléaires et posséderait suffisamment de matière fissile pour en assembler 40 de plus, selon le Sipri, un institut suédois. "Son but est de devenir une puissance nucléaire comparable à celle de la France (290) ou du Royaume-Uni (225)", évalue le chercheur Victor Cha. Il ne se sentira pas en sécurité avant.
Enhardi par son nouveau statut, le despote à la coiffure de mafieux chinois a multiplié les menaces à l’encontre de son voisin du Sud, promettant le recours à la bombe atomique en cas de conflit. Le danger n’a cessé de grandir au cours des 20 dernières années, sous les yeux d’une communauté internationale impuissante. Dès 2016, Barack Obama conseillait à son successeur, Donald Trump, de faire de la Corée du Nord sa priorité à l’international. Le républicain menace d’abord de déclencher le "feu et la furie", avant d’amorcer une "bromance" avec Kim, qui vire à la rupture au sommet de Hanoï. Dialogue de sourds : le Nord-coréen exige la levée des sanctions, quand l’Américain s’arc-boute sur une "dénucléarisation" totale. Au pouvoir depuis 2011, mais novice en négociation internationale, le jeune dictateur reclus a sans doute surestimé sa relation avec Trump, qu’il croyait cimentée par leurs échanges de "lettres d’amour".
Echaudé, il coupe tout contact avec l’administration américaine. Si, aujourd’hui, Kim n’a pas fermé la porte à une rencontre avec Trump, il ne se précipite pas non plus pour donner suite aux appels du pied de l’Américain. Protégé par deux grandes puissances, l’autocrate est maintenant en mesure de poser ses conditions. Depuis le tête-à-tête d'Hanoï, Kim attend un changement profond dans l’approche américaine. Il ne veut plus entendre parler de "dénucléarisation".
"Impossible de faire faire marche arrière à Pyongyang"
Bourde ou message subliminal, Trump avait créé la stupeur en déclarant dans le bureau Ovale, le jour de sa seconde prise de fonction, que la Corée du Nord était déjà un "Etat nucléaire", en contradiction totale avec la ligne américaine, qui refuse de lui reconnaître ce statut. La Maison-Blanche avait rétropédalé, mais le président serait-il prêt à une telle concession ? "La Corée du Nord est convaincue que si elle prouve que ses armes nucléaires peuvent détruire le territoire américain, les États-Unis finiront par venir négocier, analyse Thae Yong-ho. Pyongyang pourrait alors proposer de démanteler lesinstallations capables de cibler les États-Unis. En échange, ceux-ci retireraient leurs troupes de Corée du Sud et leurs sanctions".
Cette piste, qui reviendrait à admettre Pyongyang dans le club des puissances nucléaires, effraie Séoul et Tokyo, directement menacés. A juste titre. "Trop longtemps, les Etats-Unis ont considéré la Corée du Nord comme problème coréen. Ils ont fait une énorme erreur de calcul. On comprend maintenant que la capacité nucléaire de ce pays constitue un risque considérable pour le monde, d’autant que nous ne connaissons pas sa doctrine, ni son seuil de déclenchement. Il se peut que nous ayons atteint un stade où il est impossible de faire faire marche arrière à Pyongyang", avertit Jenny Town, chercheuse au Stimson center, à Washington.
Aujourd’hui, un constat s’impose : la stratégie de Kim Jong-un s’est avérée gagnante par rapport à celle de l’Iran, qui n’a jamais franchi le pas final vers l’arme nucléaire. "Il a commis des erreurs à Hanoï, en se montrant impétueux. Mais depuis, il a mûri, il a appris. Et sa vision stratégique est efficace", juge Robert Carlin, ancien cadre du Bureau du renseignement du département d’État américain.
La délicate question de la succession
Et gare à ceux qui ralentissent ses ambitions. Après le naufrage d’un destroyer, lors de son inauguration en mai, il a fait arrêter des responsables. Sur une photo publiée dans la presse officielle, la présence du commandant de la marine, qui figurait auparavant sur ce même cliché aux côtés de Kim Kong-un lors d’une inspection du chantier, a été effacée. Nul ne sait ce qui lui est arrivé, mais le régime de type stalinien n’est pas du genre conciliant. Récemment, deux adolescents ont été condamnés à 12 ans de travaux forcés pour avoir visionné et diffusé des séries sud-coréennes, a révélé la BBC. Pauvres Nord-coréens : l’épidémie de Covid a fourni à Kim le prétexte pour accroître encore son contrôle sur la société.
Avec un pouvoir aussi centralisé, que se passerait-il si Kim, en mauvaise santé du fait de son surpoids (140 kilos pour 1,70 mètre), disparaissait ? Le dictateur de 41 ans semble préparer sa fille, Kim Ju-ae, 12 ans, à lui succéder, en multipliant les sorties publiques avec elle. Début 2024, vêtus tous deux d’un blouson de cuir à col en fourrure, ils ont visité une usine de production de missiles. Ju-ae a aussi accompagné son père en visite officielle à Pékin, début septembre. Un autre scénario est toutefois évoqué par les services sud-coréens : tout en mettant sa fille dans la lumière, Kim Jong-un formerait en réalité son fils aîné en secret, tout comme lui-même avait grandi dans l’ombre. Personne n'a jamais vu l'enfant, aujourd'hui adolescent, mais il n’est pas impossible que ses jeux vidéo soient remplis de missiles nucléaires.
En Suède, le soutien à l’Ukraine passe par les armes - en témoigne l’accord de vente de l'avion de chasse suédois Gripen signé entre les deux pays le 22 octobre -, mais aussi par des moyens plus subtils… Parmi eux : une plateforme de pronostics en ligne, pensée pour aider l’Ukraine à gagner la guerre. Lancée par l’Agence suédoise de recherche pour la défense (FOI) en début d’année, Glimt est une plateforme de paris prédictifs.
Accessible aux internautes aux quatre coins du monde, elle s’appuie sur la méthode dite de "prévision des foules" pour anticiper l’avenir. "Nous avons utilisé cette méthode et ces recherches, et nous avons suggéré aux Ukrainiens que c’était un moyen d’améliorer leur compréhension du monde et son évolution", explique à France 24 Ivar Ekman, analyste à l’Agence suédoise de recherche pour la défense et directeur du programme Glimt.
Éviter les biais cognitifs
Intérêt de cette méthode : éviter les biais cognitifs dont peuvent être emprunts les services de renseignement. Sur Glimt, chaque pronostiqueur utilise les informations à sa disposition pour définir le scénario qui lui semble le plus probable, et peut même étayer son raisonnement en laissant un commentaire. Les membres sont également invités à échanger et à confronter leurs points de vue.
Avec pas moins de 20 000 inscrits, la plateforme propose ses contenus en suédois, en anglais et en français. Pour chaque enjeu relatif à l’Ukraine, une question est posée à 500 utilisateurs environ. Les données sont ensuite passées au crible par des algorithmes statistiques, qui permettent de les croiser et d’en évaluer la pertinence. Pour chaque question, les utilisateurs jugés "les plus fiables" influent ainsi davantage sur les résultats. Manière de mettre l’intelligence collective au service de prospectives stratégiques.
Concrètement, les questions posées aux utilisateurs vont par exemple de "Volodymyr Zelensky va-t-il rencontrer Vladimir Poutine en 2025 ?" à "Des missiles Tomahawk seront-ils livrés à l’Ukraine avant le 1er février 2026 ?". 10 % de chances pour la première hypothèse, 25 % pour la seconde, d’après Glimt.
Pondération par pertinence
D’autres questions portent, elles, sur les conséquences économiques du conflit, le contrôle russe de la région de Donetsk à l’été prochain ou encore l’issue des élections législatives de 2026 en Hongrie, alors que son premier ministre Viktor Orban s’affiche comme le plus proche allié de Vladimir Poutine au sein de l’Union européenne. Enfin, interrogés sur la question centrale d’un accord de paix, les utilisateurs de Glimt ont pratiquement tous jugé ce scénario "inenvisageable avant 2026".
Alors que l’administration Trump tergiverse sur le degré de soutien qu’elle souhaite apporter à Kiev, créant un sentiment de flou, cette plateforme est censée aider les Ukrainiens à y voir plus clair et à optimiser leurs stratégies de défense face à la Russie. Un outil de prospective appelé à se généraliser pour d’autres conflits, dans un contexte géopolitique largement incertain.
Lors de la conférence annuelle de Défense en janvier 2025, à Sälen (Suède), Ivar Ekman, du think-tank FOI, présente le projet Glimt à la haute hiérarchie militaire et au roi de Suède.
Le président américain a été reçu avec faste en Malaisie par le Premier ministre Anwar Ibrahim, avant de signer un accord sécurisant l’accès des États-Unis aux terres rares malaisiennes, essentielles à l’industrie moderne. La Malaisie s’engage à ne pas imposer de restrictions ni de quotas sur les exportations de minéraux critiques vers les entreprises américaines et à développer son secteur en partenariat avec Washington. En contrepartie, les États-Unis ont formalisé un droit de douane de 19 % sur les produits malaisiens. Donald Trump a également annoncé un protocole d’accord similaire avec la Thaïlande, renforçant la coopération dans le commerce des terres rares.
Ces initiatives interviennent alors que Pékin, quasi-monopole mondial des terres rares, avait annoncé des restrictions sur leur exportation. Selon le secrétaire américain au Trésor Scott Bessent, la Chine envisagerait désormais de retarder ces contrôles d’un an et de reprendre des achats de soja américains, évitant ainsi l’imposition de droits de douane supplémentaires que Donald Trump menaçait d’appliquer dès le 1er novembre.
Une tournée asiatique de tous les enjeux
En parallèle, Donald Trump a joué les médiateurs dans le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge. Un accord de cessez-le-feu, qu’il a qualifié d’"historique", prévoit notamment le déploiement d’observateurs régionaux et la libération de 18 prisonniers cambodgiens. Ces tensions avaient fait au moins 43 morts en juillet dernier.
Le président américain a également rencontré le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, avec qui il a promis d’améliorer les relations bilatérales, et a signé un accord commercial avec la Malaisie. Il est attendu lundi au Japon pour rencontrer la nouvelle Première ministre, Sanae Takaichi, et n’a pas exclu une rencontre avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, une première depuis 2019.
Le président américain Donald Trump (2e à gauche) pose pour une photo de groupe avec le Premier ministre cambodgien Hun Manet (à gauche), le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim (2e à droite) et le président philippin Ferdinand Marcos Jr (à droite) avant le 13e sommet ASEAN-États-Unis lors du 47e sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à Kuala Lumpur, le 26 octobre 2025. (Photo de Vincent Thian / POOL / AFP)
Avec le renforcement des tensions commerciales avec Pékin, la Commission européenne entend s’attaquer à l’un des talons d’Achille de l’industrie européenne : sa dépendance aux matières premières critiques venues de Chine. Samedi, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé la préparation d’un plan baptisé "RESourceEU", destiné à garantir l’accès de l’Union à ces ressources stratégiques.
Lors du Berlin Global Dialogue, la cheffe de l’exécutif européen a prévenu que l’Union devait "répondre à la mesure des risques" engendrés par la décision de Pékin de restreindre les exportations de terres rares, essentielles à des secteurs clés comme l’automobile, le numérique ou la défense. "Si l'on considère que plus de 90 % de notre consommation d'aimants en terres rares provient d'importations chinoises, on comprend les risques que cela représente pour l'Europe et ses secteurs industriels les plus stratégiques", a déclaré von der Leyen lors de la conférence.
Un plan sur le modèle de REPowerEU
"Nous travaillons à un nouveau plan, sur le modèle de l’initiative qui nous a aidés à surmonter ensemble la crise énergétique après que Poutine nous a privés des énergies fossiles russes, a déclaré la présidente de la Commission, comparant cette initiative à la réponse énergétique post-Ukraine. Nous avons appris une leçon douloureuse dans le domaine de l’énergie, nous n’allons pas faire la même erreur sur les matières critiques."
This is an era of geoeconomics.
And we must use our geoeconomic weight to protect our strategic sectors and supply chains.
It’s a matter of national security.
And Europe has what it takes to thrive in this new confrontational world ↓ https://t.co/tVyhQy11Wk
Inspiré du programme REPowerEU, mis en place après l’invasion de l’Ukraine pour se passer des énergies fossiles russes, RESourceEU doit permettre à l’Europe de diversifier ses sources d’approvisionnement et de renforcer son autonomie industrielle. "L’objectif est de garantir l’accès de notre industrie européenne à d’autres sources de matières premières critiques à court, moyen et long terme", a précisé la présidente de la Commission.
La Commission veut agir sur trois leviers : le recyclage, l’investissement dans la production européenne et la conclusion de partenariats internationaux. "Certaines entreprises peuvent recycler jusqu’à 95 % des matières premières critiques contenues dans les batteries", a rappelé Ursula von der Leyen. Bruxelles souhaite parallèlement accélérer les négociations avec des pays partenaires tels que l’Ukraine, l’Australie, le Canada, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Chili ou le Groenland.
Stéphane Séjourné en première ligne
Selon Les Echos, l'initiative sera portée par Stéphane Séjourné, le vice-président de la Commission en charge de la politique industrielle, qui travaille sur le dossier depuis un an. Le texte prévoit de stimuler l’extraction, la transformation et le recyclage de ces matières sur le territoire européen, au-delà de la seule diversification géographique des approvisionnements.
S’inspirant d’un modèle japonais, Stéphane Séjourné a annoncé sur le réseau X "la création d’un centre d’achat commun et de stockage de matières premières". Le mécanisme permettrait aux entreprises européennes de mutualiser leurs besoins, à l’image du système mis en place au Japon. "Ce que nous avons fait pour la santé avec le vaccin contre le Covid, nous pouvons le faire pour notre sécurité économique et nationale avec les matières premières", a-t-il ajouté.
L’Union s’est d’ores et déjà fixé quatre objectifs pour 2030 : extraire 10 % des ressources dont elle a besoin sur son territoire, en transformer 40 %, recycler 25 % des volumes consommés et limiter la dépendance à un seul fournisseur à 65 % maximum. Bruxelles soutient déjà le développement d’un tissu industriel dans le domaine des aimants permanents avec l’ambition est de porter cette production à 6 500 tonnes d’ici 2030, pour une demande estimée à 35 000 tonnes.
Dans le même temps, les Européens renforcent leurs instruments de défense commerciale. Le sommet européen du 23 octobre a mis en avant l’usage potentiel de l’instrument anti-coercition (ACI), adopté en 2023, pour répondre aux pratiques commerciales jugées déloyales. Cet outil permet d’imposer des droits antidumping ou de droits de douane sur les produits faisant l'objet d'un dumping ou de priver un pays de l'accès de au marché unique
La Commission a déjà entamé des discussions avec les représentants chinois à Bruxelles et coopère avec ses partenaires du G7 pour une réponse coordonnée. Selon Les Echos, le commissaire au Commerce, Maros Sefcovic, doit recevoir dans les prochains jours une délégation chinoise pour évoquer ces questions jugées désormais hyperstratégiques.
Enième coup de pression ? Le président russe Vladimir Poutine a annoncé dimanche un essai final réussi de son missile de croisière à propulsion nucléaire, Bourevestnik, une arme "unique", en pleine offensive en Ukraine et incertitude sur une nouvelle rencontre entre Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump.
"Les tests décisifs sont désormais achevés", a déclaré Vladimir Poutine, dans une vidéo diffusée par le Kremlin, lors d'une réunion avec des responsables militaires, en ordonnant de commencer à "préparer les infrastructures pour mettre en service cet armement dans les forces armées" russes. "C'est une création unique que personne d'autre dans le monde ne possède", a assuré le maître du Kremlin, selon lequel le Bourevestnik ("oiseau de tempête en russe) a une "portée illimitée".
Lors du dernier essai le 21 octobre, le missile Bourevestnik a passé dans l'air "environ 15 heures", en survolant 14.000 km, a précisé pour sa part le chef de l'Etat-major russe, Valéri Guérassimov, en ajoutant que "ce n'est pas une limite" pour cet armement. "Les caractéristiques techniques du Bourevestnik permettent de l'utiliser avec une précision garantie contre des sites hautement protégés situés à n'importe quelle distance", a-t-il affirmé.
Vladimir Poutine avait annoncé le développement par l'armée russe de ces missiles, capables de surmonter selon lui quasiment tous les systèmes d'interception, en 2018.
Ce 16 octobre, au Kyiv International Economic Forum, grand raout rassemblant la crème des entrepreneurs et industriels de défense ukrainiens, tous se pressent pour assister à la prise de parole d’un "invité surprise". Au bout de quelques minutes d’attente, le suspense prend fin : apparaît sur scène Kyrylo Budanov, chef du renseignement militaire ukrainien et architecte de ses opérations de plus haute volée, la moue imperturbable, comme à son habitude. L’accueil est digne d’une rock star.
A l’issue d’une petite demi-heure consacrée aux derniers développements du conflit, le maître espion, véritable bête noire des Russes, y va de son avertissement quant à l’avenir de l’économie ukrainienne après la guerre. "En 1991, nous avions hérité d’un énorme complexe de défense […]. Mais en 2014, quand la guerre a commencé, il n’existait plus, glisse le haut gradé. Nous ne devons pas refaire cette erreur." À la chute de l’URSS, l’Ukraine avait en effet hérité de 30 % de la gigantesque industrie d’armement soviétique. Deux ans plus tard, une bonne partie de ces actifs avait disparu - sur fond de fin de la guerre froide et de réorientation des ressources vers le secteur civil.
A l’approche du quatrième anniversaire de l’invasion de la Russie, cette leçon reste gravée dans toutes les têtes. Et le mastodonte de la défense qu’est redevenue l’Ukraine au fil du conflit entend bien, cette fois, le rester. Début octobre, le président ukrainien a annoncé la couleur. Il veut, dit-il, porter à "au moins 50 %" la part des armes d’origine ukrainienne utilisées sur le front - contre 40 % actuellement. Le secteur, qui ne comptait avant la guerre qu’une poignée d’entreprises majoritairement détenues par l’Etat, en recense aujourd’hui plus de 900. "Grâce à notre expérience du front, le matériel ukrainien est aujourd’hui mieux adapté à la guerre moderne que celui des Occidentaux, martèle, treillis sur le dos, Serhii Pozniak, commandant d’une unité de sniper au sein de la Garde nationale ukrainienne. Contrairement à nous, peu de pays ont la possibilité de tester leur équipement en conditions réelles."
Le matériel mis au point par l’Ukraine a eu l’occasion de faire ses preuves. Dernier coup d’éclat en date, la vaste campagne de frappes contre les raffineries russes entamée au mois d’août, qui a entraîné des pénuries de carburant dans plusieurs régions russes, comme la Crimée, et une hausse des prix de l’essence de plus de 10 % - soit la hausse la plus importante des 15 dernières années. Au total, jusqu’à 40 % des capacités de raffinage ont été endommagées. Significatif, quand on sait qu'au moins 30% du budget fédéral dépend des revenus tirés de sa manne pétro-gazière.
Drones à longue portée
A la manœuvre derrière la plupart de ces frappes, le drone à longue portée ukrainien FP-1, capable de transporter une charge d’une soixantaine de kilos d’explosifs jusqu’à 1 600 kilomètres. Envoyés par vague de plusieurs dizaines d’aéronefs, ces engins plongent vers leur cible à la manière des Shahed utilisés en masse par Moscou. Produits à partir de 2024 par la société ukrainienne Fire Point, née après l’invasion russe, ces nouveaux engins répondent directement au besoin des Ukrainiens pour des armes à longue portée - que les Occidentaux rechignent à leur fournir par crainte d’une escalade avec Moscou. "C’est notre production nationale qui nous permet d’utiliser nos forces et nos moyens comme bon nous semble, affirme Kyrylo Boudanov. Et cela donne des résultats."
Pour frapper en profondeur, les Ukrainiens ont d’autres atouts. Fire Point a dévoilé cette année son premier missile de croisière à longue portée FP-5, plus connu sous le nom de "Flamingo", pour la couleur rose qu’arboraient ses tout premiers prototypes. Bien qu’il doive encore faire ses preuves sur le terrain, l’engin aurait une portée de 3 000 kilomètres et la capacité de transporter une charge explosive de plus d’une tonne. Mieux, à environ 500 000 dollars l’unité, il est quatre fois moins cher que son homologue américain Tomahawk, que Donald Trump se refuse pour l’heure de livrer à Kiev. "Si notre industrie a la possibilité d’en produire suffisamment, ce sera un avantage décisif pour gagner la guerre", s’enthousiasme le commandant Pozniak. A ce stade, Fire Point en produirait une cinquantaine par mois, avec pour ambition de monter à 200 d’ici à l’an prochain.
Innovations en pagaille
A lui seul, le pays entend produire cette année plus de 4,5 millions de drones - soit un demi-million de plus qu’en 2024. "Ils sont très populaires parce qu’ils sont très efficaces, résume Stanislav Gryshyn, cofondateur de General Cherry, l’un des principaux fabricants ukrainiens de drones. C’est l’arme la plus adaptée à la protection de la ligne de front." En pleine croissance, son entreprise a annoncé le 20 octobre la production en série de son tout nouvel engin : le drone intercepteur Bullet. Avec ses 300 kilomètres-heure au compteur, ce petit aéronef profilé a été conçu spécifiquement pour détruire les Shahed envoyés par Moscou. Le tout, à un prix bien inférieur aux précieux missiles antiaériens fournis à Kiev par les Occidentaux.
Quelle sera la prochaine étape ? "Nous travaillons sur un système d’intelligence artificielle totalement autonome permettant aux drones de détruire leur cible sans opérateur, explique, à Kiev, Oleksandr Yakovenko, le fondateur de TAF industries, l’un des poids lourds du secteur. Mais il nous faudra encore au moins deux ans pour le mettre en œuvre." Son entreprise, qui avait commencé en 2022 comme fondation caritative avec pour mission d’aider l’armée, compte aujourd’hui plus de 800 salariés. D’ici à la fin de l’année, l’entrepreneur prévoit d’en embaucher 200 de plus et d’atteindre une production d’un demi-million de drones.
Le pilote de drone ukrainien Lafayette vérifie un drone avant un vol d'entraînement dans l'est de l'Ukraine, le 16 août 2025
Au-delà de ces seuls engins, l’Ukraine a considérablement musclé son industrie terrestre. Début octobre, Volodymyr Zelensky a claironné que la production nationale de canons automoteurs Bohdana (l’équivalent ukrainien du Caesar français) avait atteint 40 unités par mois - soit près de sept fois plus qu’en 2023. En parallèle, les Ukrainiens sont parvenus à fabriquer, dès 2024, plus de 2,4 millions d’obus d’artillerie et de mortier de différents calibres. "Aujourd’hui, l’industrie de défense ukrainienne est indéniablement la plus puissante d’Europe, se félicite, à Lviv, Yuri Lomikovskyi, cofondateur d’Iron, un réseau regroupant plus de 80 entreprises de défense. Sur certains segments comme les drones, nous produisons désormais beaucoup plus que l’ensemble des pays d’Europe réunis."
Sous-production
L’aide de ses alliés n’en reste pas moins cruciale pour l’Ukraine. "Son industrie de défense s’est vraiment spécialisée dans le low cost, pointe Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense. Mais sur d’autres segments, comme les hautes technologies, l’Ukraine accuse encore un retard." En témoigne l’absence de moyens propres pour lutter contre les missiles balistiques envoyés par Moscou. Pour y faire face, Volodymyr Zelensky a indiqué le 19 octobre vouloir finaliser un accord pour l’achat aux Etats-Unis de 25 systèmes de défense antiaérienne Patriot, à un milliard de dollars pièce.
"Nous manquons aussi cruellement de capital financier", ajoute Yuri Lomikovskyi. Selon les professionnels du secteur, l’industrie de défense ukrainienne n’a fonctionné l’an dernier qu’à 30 à 40 % de ses capacités de production totale, faute de carnets de commandes suffisamment remplis. En cause, les finances limitées de l’Etat ukrainien qui, malgré les 63 % de son budget consacré à la défense en 2025 (pour un total de 70,8 milliards de dollars), peine à suivre la cadence. A cet égard, le "modèle danois" fait l’unanimité dans le pays. En 2024, après avoir épuisé son stock d’armes livrables à Kiev, Copenhague avait été la première capitale à investir dans la production d’armes directement en Ukraine.
Prochaine étape, attirer dans le pays les industriels étrangers.Pour profiter de l’expérience du pays dans la guerre moderne, certains ont d’ores et déjà sauté le pas et commencé à y ouvrir des succursales. Ainsi de Quantum Systems, l’entreprise allemande spécialisée dans les drones, qui, cette année, a annoncé doubler sa capacité de production en Ukraine. "C’est une excellente chose que des entreprises ouvrent des installations, des bureaux ou des équipes de recherche et développement ici, car c’est la seule façon pour elles d’apprendre du conflit", glisse Yuri Lomikovskyi. En somme, un échange donnant-donnant. "Nous pouvons vous faire bénéficier de notre expertise et de nos technologies dans les drones, et vous pouvez partager avec nous des technologies plus sophistiquées", abonde Yehor Cherniev, député et vice-président de la commission de la sécurité nationale au Parlement ukrainien. A l’heure où les drones russes ont multiplié les survols de pays européens, le savoir-faire acquis par les Ukrainiens pour les intercepter est indéniablement une carte à jouer.
Des artilleurs de la 43e brigade mécanisée des forces armées ukrainiennes tirent sur une position russe avec un canon automoteur ukrainien Bohdana, dans la région de Kharkiv, le 21 avril 2024
Rajin, ville portuaire nord-coréenne, été 2024. Allongés sur des serviettes éponge à même le carrelage, une demi-douzaine de vacanciers russes se prélassent en maillot de bain au bord d’une piscine couverte. Le confort est spartiate, le décor lunaire : deux enceintes diffusent une musique zen pendant qu’un vieux téléviseur crache des images de missiles longue portée filant dans le ciel. Détente assurée. Bienvenue au royaume des Kim, dictateurs de père en fils, terre d’accueil de touristes russes en quête de sensations.
"Les voyages en République populaire démocratique de Corée offrent des expériences inoubliables, un océan d’émotions, de nouvelles connaissances, des lieux intéressants, un programme riche, en toute sécurité" promettent les publicités de Vostok Intour, une agence de voyages russe spécialisée dans les séjours vers l’est. La photographe franco-russe Elena Chernyshova a embarqué pour deux de ces expéditions en tant que simple touriste, appareil en bandoulière. C’est elle qui a immortalisé la scène surréaliste à la piscine de Rajin. A ses côtés, des compatriotes assez curieux de ce pays frontalier pour se payer l’excursion.
Des touristes russes se détendent dans la salle de relaxation au bord de la piscine d'eau de mer de Rajin. Des images de missiles longue portée au décollage passent à la télévision, accompagnées d'une musique méditative.
Passage obligé à la Maison de l’amitié entre la Russie et la Corée du Nord, séance photo au monument dédié aux dirigeants nord-coréens… "Le voyage est calibré pour mettre en scène la sympathie entre Moscou et Pyongyang, raconte Elena Chernyshova. Il y a eu des moments insolites… Visiblement, nos hôtes étaient persuadés qu’il fallait nous passer des vidéos et des chants patriotiques russes de la Seconde guerre mondiale à tous les repas !"
Les meilleurs amis de Moscou
En janvier 2024, la Corée du Nord a rouvert ses frontières après quatre ans d’autarcie postpandémie de Covid-19. Les Russes ont été les premiers admis. Le tour operator Vostok Intour propose depuis une série de circuits "pour visiter ce pays fermé, hospitalier et mystérieux" : séjours à Pyongyang, à la mer ou au ski, et même colonies de vacances… "Entre eux, les Russes plaisantaient : ‘notre passeport nous sert enfin à quelque chose !’", s’amuse Elena Chernyshova. Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, l’Union européenne a restreint la délivrance de visas et rendu les destinations favorites des Russes plus difficiles d’accès. En trois ans et demi de guerre et de sanctions internationales contre Moscou, l’image des pays occidentaux en Russie s’est dégradée. Dans un mouvement inverse, la cote des alliés asiatiques du Kremlin a grimpé en flèche. "Avant 2022, seuls 5 % des Russes percevaient la Corée du Nord comme un pays ami. Ils sont aujourd’hui 30 %, c’est un bond considérable en trois ans" rapporte le sociologue Denis Volkov, directeur du centre Levada, seul Institut de sondages fiable exerçant encore en Russie.
Plus spectaculaire, le regard porté sur la Chine. En 2005, 12 % des Russes considéraient ce pays comme amical. Ils sont aujourd’hui 65 %, si bien que Pékin arrive à la seconde marche du podium des amis de la Russie. "Dorénavant, la Biélorussie, la Chine, le Kazakhstan, l’Inde et la Corée du Nord sont, aux yeux de nos sondés, nos meilleurs amis", résume Denis Volkov.
Le Kremlin ne ménage pas ses efforts pour convaincre sa population des bienfaits de ce "pivot" vers l’Asie, que Vladimir Poutine appelle de ses vœux depuis son retour à la présidence en 2012. "La réorientation de la Russie vers l’océan Pacifique et le développement dynamique de tous nos territoires orientaux constituent notre priorité pour l’ensemble du XXIe siècle" déclare-t-il devant les députés des deux chambres le 12 décembre 2013… Soit deux mois avant l’annexion de la Crimée. "Avant 2014, le'pivot'visait principalement à tirer parti de la croissance économique rapide en Asie. Mais les événements de 2014 lui ont donné une justification géopolitique plus explicite. Alors que les relations avec la communauté euroatlantique se détérioraient […], la nécessité pour Moscou de diversifier ses relations extérieures est devenue urgente" rappelle le chercheur Richard Connolly dans un rapport pour le Royal United Services Institute de 2021.
Partenariats tous azimuts
Pour soigner son flanc est, Vladimir Poutine a multiplié les partenariats tous azimuts, de la Chine à l’Inde en passant par le Vietnam et le Myanmar : ventes d’armes, coopération sécuritaire, accords énergétiques, diplomatie culturelle… et technologique. La Russie a trouvé en Asie de nouveaux débouchés pour ses logiciels de cybersécurité, tels que Kaspersky et Positive Technologies, aujourd’hui interdits aux Etats-Unis. Surtout, Poutine chérit "l’amitié sans limites" scellée le 4 février 2022 avec son homologue chinois Xi Jinping, deux semaines avant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Une romance exhibée au grand public à la moindre occasion. Les deux pays ont désigné 2024 et 2025 des "années de la culture Chine-Russie". Début 2025, le centre-ville de Moscou se parait des couleurs de la Chine pour fêter le Nouvel an, une rame de métro dédiée y était inaugurée. Dans la capitale russe, il n’est pas rare de croiser des silhouettes cartonnées grandeur nature des deux autocrates côte à côte, devant une boutique pour touristes ou dans une vitrine. Kitsch à souhait et révélateur de ce rapprochement rapide et vital : car sans Pékin, l’économie russe ne pourrait pas survivre.
"La Chine est le premier partenaire commercial de la Russie depuis 2014, sa part dans le commerce extérieur russe est passée de 11,3 % en 2014 à 33,8 % en 2024" note le Center for European Policy Analysis, qui parle d’une "coopération sous stéroïdes". Entre les deux pays, les échanges commerciaux ont atteint un niveau record de 245 milliards de dollars l’an passé. Premier acheteur de pétrole, de bois et de charbon russes, la Chine fournit des composants électroniques précieux pour fabriquer le matériel militaire qui sert à pilonner l’Ukraine. Dans la vie quotidienne des Russes aussi, les produits chinois sont partout, premiers bénéficiaires de la cessation d’activité d’un millier d’entreprises occidentales. Symbole de cette percée, le marché de l’automobile russe est inondé de véhicules provenant de Chine. Deux tiers des voitures neuves achetées par des particuliers sortent de ses usines. Même domination écrasante pour les smartphones : les appareils de marques Xiaomi et Realme sont dans toutes les mains.
Une touriste coiffée d'une chapka de l'armée soviétique pose avec des silhouettes en carton représentant le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping dans la rue touristique Arbat, dans le centre-ville de Moscou, le 24 juin 2025.
Pour les inconditionnels de l’iPhone, le dernier né d’Apple reste toutefois disponible dans les magasins de Moscou… Et là encore, les alliés chinois et indien n’y sont pas pour rien. "Le gouvernement autorise depuis le second semestre 2022 les importations parallèles, ce qui permet aux entreprises russes d’acheter quasiment tout sans le consentement des producteurs, indique l’économiste Vladislav Inozemtsev, installé aux Etats-Unis depuis 2023. Il est donc possible d’acheter des iPhone Apple en Chine, en Inde ou aux Emirats et de les expédier en Russie sans aucun contrôle. Il n’a fallu que quelques mois aux petites et moyennes entreprises russes pour créer et gérer ces nouvelles filières." Ces dernières ne concernent d’ailleurs pas que les importations parallèles. Des pans entiers de l’économie ont vu leurs chaînes d’approvisionnement modifiées.
Cours de mandarin
"Le business avec la Chine représente aujourd’hui 30 à 40 % dans certaines catégories de produits, contre 10 % avant 2022, témoigne le patron d’une chaîne de grossistes en produits ménagers en Sibérie. L’adaptation technologique s’est faite sans problème, nous travaillons avec des entreprises spécialisées dans les douanes, la logistique et les transactions bancaires avec la Chine. En revanche, les coûts de distribution ont augmenté."
Tout indique que cette nouvelle donne commerciale va durer. D’ores et déjà, les Russes prennent leurs dispositions. "Dans nos groupes de discussion, beaucoup de jeunes nous parlent du mandarin comme la langue du futur et se disent intéressés par son apprentissage" rapporte Denis Volkov, de l’Institut Levada. De fait, les entreprises recherchent de plus en plus de candidats maîtrisant cette compétence. Au printemps 2024, l’un des plus grands sites de recrutement en ligne, HeadHunter, enregistrait une hausse annuelle de 70 % de ces annonces, d’après une dépêche de l’agence de presse russe TASS. Les profils les plus recherchés ? Traducteurs, responsables logistiques, spécialistes des ventes et du service client et directeurs des achats. Pas étonnant, dès lors, que la demande en cours de mandarin augmente… et l’offre avec. Selon une enquête du média russe en exil IStories, le nombre d’enseignants de cette langue a doublé en 2024 dans les écoles russes. "La croissance la plus rapide a été enregistrée à Moscou, où le nombre d’enseignants est passé de 29 à 136. Le nombre d’écoles moscovites proposant l’enseignement du chinois a également augmenté au cours de l’année écoulée", rapporte le site d’investigation.
"La langue chinoise est perçue comme très difficile, reprend le sondeur Denis Volkov. L’idée qu’il faut commencer à l’apprendre très jeune revient dans nos panels." Rien de tel, pour cela, que d’embaucher des nounous chinoises, comme lorsque, au XIXe siècle, la noblesse russe faisait venir des préceptrices françaises pour former ses têtes blondes. La tendance prend de l’ampleur dans les familles privilégiées, jusque dans la garde rapprochée de Vladimir Poutine. "Certaines personnes de ma famille apprennent le chinois, a récemment confié à des journalistes le président, d’ordinaire si secret sur sa vie personnelle. Je pense à ma petite-fille, dont la gouvernante vient de Pékin, et avec qui elle parle couramment le chinois, vraiment couramment."
Mariage de raison
Contrairement à l’amitié affichée par Xi Jinping et Vladimir Poutine, l’engouement soudain d’une partie de l’intelligentsia russe pour son grand voisin n’est toutefois pas "sans limites". Il relève d’abord d’une adaptation sous contraintes, un mariage de raison. "Ce n’est pas le grand amour, loin de là, observe un homme d’affaires français installé dans la capitale russe depuis trente ans. Les Russes restent méfiants à l’égard de la Chine et se sentent plus européens qu’asiatiques." Un sentiment qui transparaît dans les enquêtes d’opinion de Levada. "Chez les partisans comme chez les réfractaires au rapprochement avec la Chine, on perçoit une inquiétude sur l’évolution de cette relation en un partenariat inégal, aux dépens de Moscou." Le rapport est déjà largement asymétrique, ne serait-ce que par la supériorité démographique du géant chinois - 1,4 milliard d’habitants contre 144 millions pour son voisin. Entre 2022 et 2024, la dépendance de la Russie à l’égard des produits chinois a explosé : leur part dans les importations totales est passée de 23 % en 2021 à 57 % en 2024. Sans commune mesure avec le poids de la Russie dans les achats de Pékin.
Les sceptiques le savent, et insistent aussi sur le fossé culturel entre les deux pays. "La Chine ne peut pas servir de modèle, même dans le domaine du commerce, elle est tout simplement différente sur le plan culturel, souligne le directeur d’une enseigne de gros en Sibérie. Nous y achetons des produits dont nous avons besoin, point. Nous sommes habitués aux normes occidentales et nous y reviendrons avec plaisir."
En attendant, Pékin se sait indispensable… et prend ses aises. Jusqu’à s’octroyer une partie du territoire russe ! Fin août 2023, le ministère des Ressources naturelles chinois mettait ainsi en ligne la nouvelle édition des cartes officielles de la Chine. L’île Bolchoï Oussouriisk, 350 kilomètres carrés de terre posés sur le fleuve Amour, et partagés depuis 2004 entre les deux pays, y apparaît comme territoire chinois. Vladimir Poutine ne s’en est aucunement ému. Le scénario d’une vassalisation de la Russie ne semble pas davantage l’inquiéter. Un moindre mal, à en croire le chef du Kremlin, qui aime rappeler les exploits d’un lointain aïeul : le prince Alexandre Nevski, qui repoussa au XIIIᵉ siècle les chevaliers teutoniques… au prix d’une soumission à l’Empire mongol, appartenant alors à la Chine. "La Horde, aussi arrogante et cruelle fût-elle, n’a jamais menacé notre bien le plus précieux – notre langue, nos traditions, notre culture, autant d’éléments que les conquérants occidentaux cherchaient à détruire", lâchait-il en novembre 2023. Deux ans plus tôt, le président inaugurait une gigantesque statue du prince Nevski au bord du lac Peïpous, frontière naturelle avec l’Estonie. A l’endroit même, où, 780 ans plus tôt, il écrasait l’ennemi.
Sur cette photo collective diffusée par l'agence d'Etat russe Sputnik, Vladimir Poutine marche aux côtés du président chinois Xi Jinping et du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avant un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la place Tiananmen à Pékin, le 3 septembre 2025.
"Catherine sera une présidente pour nous tous et elle sera ma présidente." L’annonce officielle ne vient pas de l’heureuse gagnante, mais de sa rivale centriste, Heather Humphreys, déclarant sa défaite. Samedi 25 octobre, la candidate indépendante de gauche, Catherine Connolly, a remporté l’élection présidentielle en Irlande. Elle a reçu les félicitations du vice-Premier ministre irlandais, Simon Harris, centriste également.
Le résultat de l’élection ne faisait cependant pas beaucoup de doutes, cette ex-avocate de 68 ans, connue pour son franc-parler, ayant été donnée favorite. Elle devient ainsi la troisième femme présidente de l’histoire de l’Irlande. Les principaux partis d’opposition, dont les Verts et la formation nationaliste Sinn Fein (autrefois vitrine politique de l’Armée républicaine irlandaise, l’IRA), lui ont apporté leur soutien.
Critique de l’UE et de l’Otan
Opposée à une augmentation des dépenses de défense, elle soutient la tradition de neutralité militaire de l’Irlande, qui a un programme de partenariat avec l’Otan mais n’en est pas membre.
En septembre, elle a condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie. "Je n’ai jamais, jamais hésité. Ce que je dis, c’est qu’un pays neutre comme le nôtre devrait dénoncer l’abus de pouvoir par quiconque – par la Russie et aussi par l’Amérique", a-t-elle déclaré.
Si elle s’est récemment dite pro-européenne, elle avait tenu des propos ambigus en 2016, après le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni. Elle est par ailleurs une voix pro-palestinienne de premier plan au parlement irlandais, où elle siège depuis 2016.
Critiques à droite
Quelque 3,6 millions d’électeurs étaient appelés à voter vendredi, pour élire le successeur de Michael Higgins, 84 ans, après deux mandats depuis 2011 à ce poste essentiellement honorifique.
Pour la première fois depuis 1990, seulement deux candidats, deux femmes, briguaient la présidence irlandaise : Catherine Connolly, et sa rivale Heather Humphreys, membre du parti de centre droit Fine Gael, pilier de la coalition au pouvoir.
Le scrutin, marqué par une faible participation (dont environ 13 % de votes nuls), a été critiqué au long de la campagne par des électeurs conservateurs, qui ne se sont pas sentis représentés. Leur candidate, Maria Steen, n’avait pas réuni suffisamment de soutiens parmi les parlementaires.
Il a quelques jours pour trouver un "deal" avec la Chine, avant l’expiration de la trêve commerciale entre Washington et Pékin, le 10 novembre prochain. Donald Trump est actuellement en visite en Asie du Sud-Est où il participe à un sommet de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), à Kuala Lampur (Malaisie), avant un passage par le Japon et la Corée du Sud. L’objectif : reprendre les négociations avec la Chine, à un moment de regain des tensions commerciales, et rassurer ses alliés régionaux, déstabilisés par la guerre économique à laquelle se livrent les deux géants, au moyen de taxes douanières.
"Pour les États-Unis, l’Asie du Sud-Est est précieuse non seulement en raison de la taille de son marché, mais aussi de son importance stratégique en tant que rempart contre la Chine", relève le New York Times. D’autre part, les Etats-Unis sont la première destination des exportations en provenance du Vietnam, des Philippines, de la Thaïlande ou encore du Cambodge. La plupart des pays d’Asie du Sud-Est ont été frappés par des droits de douane d’environ 20 % - un coup dur pour ces économies.
Trêve commerciale
"Les délégations chinoise et américaine se sont retrouvées samedi matin pour des discussions sur des questions économiques et commerciales", a rapporté l’agence officielle Chine-nouvelle, confirmant le démarrage des discussions. Elles se poursuivront jeudi, en marge du sommet de la Coopération économique Asie Pacifique (Apec) organisé dans la ville sud-coréenne de Gyeongju à partir du 31 octobre.
Les deux plus grandes puissances économiques du monde se livrent une âpre bagarre commerciale depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier. Après une période de relatif apaisement, les tensions sont remontées d’un cran en octobre depuis l’annonce par la Chine d’un renforcement des contrôles sur les exportations de terres rares et les technologies nécessaires à leur raffinage.
Donald Trump a de son côté brandi en réponse la menace de 100 % de droits de douane supplémentaires pour les produits chinois. Il avait néanmoins adouci par la suite son discours et les deux parties étaient convenues de nouvelles négociations. Une série de précédents pourparlers à Genève, Londres, Stockholm et Madrid ont permis pour l’instant d’éviter aux deux puissances de mettre à exécution leurs menaces de droits de douane punitifs respectifs.
"M. Xi aborde probablement les négociations avec le sentiment que la Chine a le dessus. Les nouvelles règles d’exportation des terres rares, indispensables à la quasi-totalité des technologies modernes, lui confèrent un puissant levier. L’Amérique est encore loin de trouver des alternatives appropriées", commente David Pierson, correspondant à Hong Kong du New York Times.
Donald Trump devrait également profiter de la réunion de l’Asean pour faire approuver, dimanche, un accord commercial avec la Malaisie, mais aussi un accord de paix entre la Thaïlande et le Cambodge, dont il s’attribue la paternité.
Rassurer les alliés japonais et sud-coréens
Le président américain se rendra par la suite au Japon, où il rencontrera la nouvelle première ministre Sanae Takaichi. Cet été, Tokyo a bénéficié d’une légère baisse des droits de douane sur ses exportations, généralisés à 15 %, en échange de s’engager à injecter 550 milliards de dollars dans l’économie américaine. Mais les détails et la manière dont le Japon réalisera ces investissements sèment encore la discorde avec la Maison-Blanche.
Un accord similaire a été conclu avec Séoul, qui s’engage à investir 350 milliards de dollars aux Etats-Unis, en échange de droits de douane moins élevés sur ses exportations. Washington veut en effet éviter de mettre face au mur son allié sud-coréen, puisque le pays abrite la plus grande base militaire américaine à l’étranger. Un atout pour dissuader aussi bien l’ennemi nord-coréen que la Chine.
Des nations "prises entre deux feux"
Mais l’économie de la Corée du Sud, qui repose sur ses exportations, dépend également du commerce avec Pékin, raison pour laquelle son président, Lee Jae-myung, ne souhaite pas s’opposer frontalement à la Chine. Lors d’une visite à Washington cet été, il avait reconnu qu’il devenait de plus en plus difficile de maintenir un équilibre face à la concurrence entre les deux géants : "Il n’est plus possible de maintenir ce genre de logique."
"Les gouvernements d’Asie sont de plus en plus contraints de choisir leur camp. Les pays pris entre deux feux, comme la Thaïlande, Singapour et l’Indonésie, doivent déterminer comment tirer profit de la concurrence sans en être les otages", analyse David Pierson. "Pékin a cherché à tirer profit de cette incertitude en proposant des accords commerciaux à ses voisins."
La Chine souhaite en effet profiter de la crise de confiance et l’instabilité générée par la guerre tarifaire qu’appliquent les Etats-Unis (y compris à leurs alliés historiques) pour s’affirmer comme la seule puissance capable de concurrencer leur hégémonie dans la région. Une logique que la visite de Donald Trump cherche à contrer.
Le président vénézuélien dénonce une tentative d'"inventer une nouvelle guerre". Washington va déployer un porte-avions dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic, une montée en puissance considérable des moyens militaires américains dans la région.
Les Etats-Unis de Donald Trump - qui avait promis pendant la dernière campagne présidentielle de mettre fin aux interventions militaires extérieures - mènent depuis début septembre, essentiellement dans les eaux caribéennes, des frappes aériennes contre des embarcations présentées comme celles de narcotrafiquants. Jusque-là, dix ont été revendiquées, tuant au moins 43 personnes, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres du gouvernement américain.
"Ils inventent une nouvelle guerre éternelle, ils ont promis de ne plus jamais entrer en guerre et ils inventent une guerre que nous allons éviter", a réagi le président vénézuélien, Nicolas Maduro, lors d'une allocution radio-télévisée.
Le porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand du monde, et la flotte qui l'accompagne, vont venir "renforcer les moyens actuels pour déjouer le trafic de stupéfiants et démanteler des organisations criminelles transnationales" dans la zone de commandement correspondant à l'Amérique centrale et à l'Amérique du Sud, a annoncé le Pentagone sur X vendredi, sans préciser davantage sa destination. Il s'agit de "consolider la capacité des Etats-Unis à détecter, surveiller et stopper acteurs et activités illicites", a-t-il ajouté.
Le Gerard R. Ford doit rejoindre dans les prochains jours un dispositif déjà composé de huit navires et d’avions de combat F-35. D'après le Washington Post, cette expansion militaire "devrait presque doubler le nombre de soldats américains dans la région", avec environ 6 000 militaires répartis sur huit navires de guerre. Le quotidien américain rapporte également la création d’une nouvelle force opérationnelle interarmées, placée sous le commandement du lieutenant-général Calvert Worth, du Corps des Marines, pour superviser l’ensemble des opérations.
"Dernier ressort"
Cette annonce du Pentagone intervient peu après la dernière frappe américaine connue dans les Caraïbes, menée dans la nuit de jeudi à vendredi. "Dans la nuit, sur ordre du président Trump, le ministère de la Guerre a mené une frappe létale contre une embarcation utilisée par Tren de Aragua", un gang vénézuélien classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis, a indiqué le ministre de la Défense Pete Hegseth.
Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a confirmé vendredi qu’une nouvelle frappe avait été ordonnée contre un bateau utilisé par le gang vénézuélien "Tren de Aragua", classé "organisation terroriste" par Washington. "Les six hommes narcoterroristes à bord ont été tués", a-t-il affirmé, assurant que l’opération avait été menée dans les eaux internationales.
La légalité de ces frappes américaines, sans preuve avancée sur les cibles visées, est largement mise en doute par les experts. "Selon le droit international, le recours intentionnel à une force létale n'est permis qu'en dernier ressort contre un individu représentant une menace imminente pour la vie", a souligné auprès de l'AFP le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme. "Sinon, cela constituerait une violation du droit à la vie", a-t-il mis en garde.
"Enflammer l'Amérique du Sud"
Les opérations militaires américaines ont fait grimper les tensions régionales, en particulier avec le Venezuela, mais aussi avec la Colombie. Washington a imposé vendredi des sanctions économiques au président colombien Gustavo Petro, accusé de ne rien faire contre la production de cocaïne dans son pays. Celui-ci, qui avait déjà qualifié les frappes américaines d'"exécutions extrajudiciaires", a assuré sur X qu'il ne comptait pas faire de "pas en arrière", ni se mettre "à genoux".
Donald Trump a estimé la veille ne pas avoir besoin d'un accord du Congrès pour valider des opérations contre le Venezuela ou d'autres pays impliqués selon lui dans le narcotrafic. "Je pense qu'on va simplement tuer les gens qui font entrer de la drogue dans notre pays, ok ?", a-t-il lancé, en comparant les cartels de la drogue au groupe jihadiste Daech. "La prochaine étape, c'est l'opération terrestre", a-t-il menacé.
Caracas accuse Washington de chercher à renverser le président Nicolas Maduro et affirme disposer de 5 000 missiles antiaériens portables de fabrication russe pour contrer les forces américaines.
Le Brésil, puissance majeure dans la région, a exprimé son inquiétude face à ces frappes aériennes menées "sans preuve". "Nous ne pouvons pas accepter une intervention extérieure" qui "pourrait enflammer l'Amérique du Sud", a averti dans un entretien à l'AFP le conseiller spécial du président Lula pour les Affaires étrangères, Celso Amorim.
(ARCHIVES) L'USS Gerald R. Ford, le plus grand porte-avions au monde, photographié en mer du Nord lors de l'exercice Neptune Strike 2025 de l'OTAN, le 24 septembre 2025. Washington déploie un groupe aéronaval pour lutter contre les organisations de trafic de drogue en Amérique latine, a annoncé le Pentagone le 24 octobre 2025, marquant ainsi une augmentation massive de la puissance de feu américaine dans la région. Les États-Unis ont lancé début septembre une campagne militaire visant les bateaux soupçonnés d'être utilisés pour le trafic de stupéfiants, détruisant au moins 10 navires lors d'une série de frappes. (Photo de Jonathan KLEIN / AFP)
Le passage à l’heure d’hiver, dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre, sera-t-il le dernier ? C’est ce qu’espère le gouvernement espagnol, qui vient de lancer une offensive remarquée contre le changement d’heure, instauré sur le Vieux Continent dans les années 1970 pour atténuer les effets des chocs pétroliers. "Franchement, cela n’a plus de sens ! s’est exclamé lundi 20 octobre Pedro Sanchez sur le réseau social X. Cela ne contribue guère à économiser de l’énergie et a un impact négatif sur la santé et la vie des gens." Dans tous les sondages où l’on interroge les Espagnols et les Européens, "la majorité se déclare opposée au changement d’heure deux fois par an", a-t-il rappelé. Profitant d’une réunion du Conseil européen des transports, des télécommunications et de l’énergie qui se tenait à Luxembourg, le Premier ministre socialiste a annoncé que l’Espagne proposait à l’Union européenne de "mettre fin au changement d’heure saisonnier" dès 2026, en mettant immédiatement en branle "le mécanisme de révision compétent". Il a aussitôt reçu le soutien de la Pologne, de la Finlande et de la Commission européenne, laquelle avait mis le sujet sur la table en 2018. Cette année-là, une consultation publique menée à l’initiative de Bruxelles avait révélé qu’une immense majorité des Européens (84 % des personnes interrogées, sur un échantillon de 4,6 millions de personnes) était en faveur de l’abolition du changement d’heure bi annuel.
Si les Grecs et les Chypriotes se montraient peu enthousiasmés par l’idée, les Finlandais, les Polonais, les Lituaniens et les Espagnols, l’étaient à plus de 90 %. L’argument le plus souvent mis en avant par les abolitionnistes touchait à la santé, le changement d’heure étant perçu comme perturbant inutilement l’horloge biologique (sommeil, concentration), notamment chez les plus âgés. L’année suivante, le Parlement européen en avait tiré les conséquences, en votant, pour une application en 2021, la fin de cette tradition consistant à retarder sa montre d’une heure le dernier week-end d’octobre, et de l’avancer d’une heure le dernier week-end de mars. Un coup d’épée dans l’eau : les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept n’avaient pas réussi à se mettre d’accord entre eux pour entériner ce projet. Avec le déferlement de la pandémie de Covid, le dossier a été sagement rangé dans un tiroir. Et s’il ressortait maintenant au grand jour ? Les députés européens en ont remis une couche jeudi 23 octobre à Strasbourg, en interpellant la Commission et la présidence danoise du Conseil de l’UE sur l’urgence à sortir de l’impasse. "Le temps est venu de mettre enfin un coup d’arrêt au changement d’heure", a convenu en séance plénière le commissaire européen aux Transports durables et au Tourisme, Apostolos Tzitzikostas. Ce système "nous concerne tous, agace la plupart d’entre nous, et je dirais même plus, nous fait du mal", alors qu’il "ne génère même plus d’économies d’énergie", a-t-il martelé.
Le changement d’heure, bientôt supprimé en Europe ?
Exception européenne
La Commission a commandé une nouvelle analyse, afin de conforter ses efforts en vue de l’abolition. Ailleurs dans le monde, de nombreux pays ont abandonné le système bi annuel ces dix dernières années, après l’avoir longtemps appliqué. Parmi eux, l’Islande, la Turquie, la Russie, mais aussi l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Mexique… Quant aux pays proches de l’équateur comme l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Somalie, le Kenya, la Tanzanie, la Colombie et le Venezuela, où la luminosité est constante et où la durée d’une journée varie très peu d’une saison à l’autre, ils ne se sont jamais laissés séduire par le changement d’heure.
Heure d’été ou heure d’hiver ?
Si l’abolition était enfin décrétée en Europe, resterait une question épineuse : faudrait-il se caler définitivement sur l’heure d’été ou sur l’heure d’hiver ? Les scientifiques prônent l’adoption définitive de l’heure d’hiver, jugé plus cohérente avec les cycles de la lumière naturelle. En Espagne, pays aligné en longitude sur le Portugal, l’Irlande et le Royaume-Uni sans appartenir au même fuseau horaire, on considère que l’heure d’été, adoptée sous Franco en 1940 pour rapprocher les horloges de celles de l’Allemagne nazie, est une anomalie.
Difficile de savoir ce que la population en pense. Selon le sondage de 2018 de la Commission européenne, une majorité d’Européens (56 %) préférerait un calage définitif sur l’heure d’été, mais l’engouement varie fortement d’un pays à l’autre, et sans rapport avec leur position plus orientale, là où le soleil se lève plus tôt, ou plus occidentale, là où il se couche plus tard. Les Portugais et les Polonais y seraient ainsi les plus favorables. En 2023, une enquête de l’institut britannique YouGov (Eurotrack) a confirmé une nette préférence pour l’heure d’été, exception faite des Suédois attachés aux levers de soleil précoces que permet l’heure d’hiver. Les plus enthousiasmés par les couchers de soleil tardifs seraient, d’après cette autre source, les Britanniques, les Espagnols, les Français et les Italiens. L’Europe qui se lève tôt contre l’Europe des couche-tard ?
Palais de l’Elysée, jeudi 16 octobre. Sous les dorures du salon des ambassadeurs, qui donne sur le jardin, Emmanuel Macron reçoit, en début de soirée, une poignée de députés de son camp. Au cours de ces échanges informels, on discute du budget et on souffle collectivement un bon coup : le gouvernement Lecornu II, qui a échappé à la censure quelques heures plus tôt, vivra plus longtemps que le premier. L’inquiétante perspective d’une dissolution s’éloigne. Puis le président, soucieux de montrer aux députés qu’il suit leurs travaux, félicite l’un d’eux. "Charles, ton rapport est à la fois excellent et effarant", glisse le chef de l’Etat au député Charles Rodwell, auteur d’un rapport explosif, qu’il a présenté la veille, sur le coût de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
"Excellent", sans doute, puisque pour la première fois, deux parlementaires - l’ex-député Mathieu Lefèvre, nommé depuis ministre délégué à la Transition écologique, en est le coauteur - ont exploré pendant des mois les moindres détails de cet accord qui offre aux ressortissants algériens des avantages "en cascade" en matière de circulation, de séjour et d’emploi. "Effarant", en prime, puisque ce document d’une centaine de pages nous tend un miroir de nos propres faiblesses et nous amène à cette conclusion : rien ne justifie aujourd’hui une telle exception, qui offre aux ressortissants algériens un véritable régime juridique dérogatoire et coûte, selon leur estimation, au moins deux milliards d’euros à la France par an.
Ce fameux accord, qui n’a rien de "bilatéral" puisqu’il ne contient aucune clause de réciprocité, enflamme le débat depuis des années. En juin 2023, Edouard Philippe est le premier à sortir du bois, en appelant, dans un entretien à L’Express, à sa "dénonciation".
En janvier 2025, Gabriel Attal lui emboîte le pas afin, dit-il, de "poser les limites et assumer le rapport de force avec l’Algérie." Un pied de nez, parmi d’autres, à Emmanuel Macron, pour qui il n’en a jamais été question. Au même moment, Charles Rodwell, qui incarne de façon assumée l’aile droite de la Macronie, se saisit du sujet. Pendant des mois, il y consacre ses journées et une partie de ses nuits ; s’arrache les yeux en constatant "l’aveuglement systémique" d’un "Etat désarmé pour évaluer la portée de ce type d’accord pour nos finances publiques, notamment en matière de dépenses sociales." Les administrations et les organismes concernés sont incapables de lui communiquer les statistiques dont il a besoin. Lorsqu’il cherche à connaître le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat (AME), par exemple, la direction de la Sécurité sociale lui répond que cette information n’est pas collectée. "Les organismes de la Sécurité sociale n’ont le droit de collecter que les données strictement nécessaires. Or la nationalité n’est pas une donnée discriminante pour identifier les droits", lui rétorque-t-on.
A ces difficultés techniques s’ajoutent, rapidement, des obstacles politiques et diplomatiques. Son rapport doit être présenté le 25 juin à la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Or, est-ce vraiment le moment opportun de sortir un tel rapport alors que le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères, représentés par Bruno Retailleau et Jean-Noël Barrot, soufflent le chaud et le froid sur l’Algérie ? La France espère encore que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, acceptera de gracier l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison ferme, à l’occasion de la Fête de l’indépendance le 5 juillet. Il ne faut prendre aucun risque. Au pôle diplomatique du Château, on invite Charles Rodwell à réfléchir aux "conséquences" d’une éventuelle publication du rapport à cet instant, tout en insistant sur la nécessaire séparation des pouvoirs. Eric Ciotti, qui avait déposé un texte dénonçant l’accord de 1968 dans la niche parlementaire de son groupe le 26 juin, le retire. Dans ce même contexte très tendu, le journaliste Christophe Gleizes est condamné trois jours plus tard à sept ans de prison ferme pour le motif absurde d’"apologie du terrorisme". La publication est décalée au 2 juillet, avant d’être, pour les mêmes raisons, renvoyée aux calendes grecques…
Ultimatum
Ce rapport, "maudit" de l’aveu même de Charles Rodwell qui préfère s’en amuser, aurait pu être enterré. D’autant qu’une autre raison, et non des moindres, entre en jeu : Emmanuel Macron veut garder la main sur ce dossier ultrasensible qui fait partie de son "domaine réservé". Que son ministre de l’Intérieur monte régulièrement au créneau sur l’Algérie a déjà le don de l’agacer. Que son Premier ministre, François Bayrou, s’en fasse l’écho, c’en est trop… Le 26 février, un comité interministériel de contrôle de l’immigration se tient à Matignon, quatre jours après l’attaque au couteau perpétrée à Mulhouse par un Algérien de 37 ans sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). "Si l’accord n’est pas respecté, l’accord sera dénoncé", affirme, bravache, François Bayrou en une du Figaro. "On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale, ça n’a aucun sens", corrige le président, en déplacement au Portugal. Voilà comment un député se retrouve coincé, malgré lui, entre les contradictions des deux têtes de l’exécutif. Prière, donc, de ne pas mettre de l’huile sur le feu.
Dans un extrait du compte rendu de ce comité interministériel, révélé par le rapport, on lit que "le gouvernement français souhaite ouvrir une discussion avec l’Algérie sur la manière dont sont mis en œuvre ces accords afin de revenir à leur plein respect dans un délai de six semaines". Les semaines passent et, en dépit de l’ultimatum, rien n’est fait. Pis, Alger refuse à quatorze reprises de délivrer le laissez-passer consulaire permettant de renvoyer dans son pays l’auteur de l’attaque de Mulhouse. L’Etat français paraît impuissant. "On s’est fait balader", reconnaît, hors micro, une source diplomatique du Quai d’Orsay, interrogée sur le non-respect de ce "délai de six semaines". Il faut attendre le 6 août et la fameuse lettre d’Emmanuel Macron pour qu’il y ait enfin un "bougé". Défendant une "approche de plus grande fermeté", le président de la République demande à Jean-Noël Barrot de notifier aux autorités algériennes la "suspension officielle" de l’accord… de 2013, qui concerne les exemptions de visa sur les passeports officiels et diplomatiques. L’accord de 1968 n’est nullement mentionné dans la missive.
L’été passe et s’ensuit une folle rentrée. François Bayrou se fait "hara-kiri" en sollicitant un vote de confiance, Emmanuel Macron nomme - puis renomme - Sébastien Lecornu Premier ministre. La suite est connue. Impossible, dans cet invraisemblable chaos, de trouver une piste d’atterrissage pour ce rapport. Seul l’échec de la censure offre une fenêtre pour une publication, le 15 octobre. Qu’en faire désormais ? Un proche de Bruno Retailleau confie que l’Algérie a été au cœur de l’une des dernières discussions de l’ex-ministre de l’Intérieur avec Emmanuel Macron : "Il a dit au chef de l’Etat qu’il devrait revenir au ministre de l’Intérieur de gérer les entrées et les sorties sur le territoire, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Mais le président ne veut rien écouter. Non seulement on se fait balader, mais on accepte de se faire balader", peste-t-il. Dans le petit cercle Retailliste, on ne comprend pas non plus - doux euphémisme - le choix de nommer Laurent Nuñez à Beauvau. "C’est comme nommer Pap Ndiaye après Jean-Michel Blanquer", griffe un fidèle. S’il est candidat en 2027, Bruno Retailleau fera à n’en pas douter de la suppression de ces accords de 1968 l’un des grands thèmes de sa campagne présidentielle. D’ici là, il est urgent d’attendre…
Les débats européens sur l’agenda vert - interdiction de vente des véhicules thermiques en 2035, paquet omnibus de simplification réglementaire, etc. - sont généralement analysés comme des tensions internes classiques dans le processus de construction européenne. Certains Etats membres traînent des pieds, d’autres accélèrent, Bruxelles arbitre. D’autres y voient la marque d’un "backlash écologique", expression à la mode pour qualifier la révolte des citoyens et des entreprises contre des normes trop contraignantes. Ces lectures passent à côté de l’essentiel : ce qui se joue aujourd’hui touche à l’ADN même du projet européen et révèle un changement tectonique dans les relations internationales.
L’offensive conjointe des Etats-Unis et du Qatar contre la directive européenne CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) en est l’illustration parfaite. Cette directive, adoptée en juillet 2024, impose aux grandes entreprises – y compris non-européennes générant plus de 450 millions d’euros dans l’UE – une diligence raisonnable sur l’ensemble de leur chaîne de valeur mondiale en matière de droits de l’homme et d’environnement. Elle exige des plans de transition climatique alignés sur l’Accord de Paris, prévoit des sanctions jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial et instaure une responsabilité civile pour les dommages causés.
Le ministre qatari de l’Energie et son homologue des Etats-Unis viennent de co-signer une lettre menaçante aux dirigeants européens, soulignant un "risque significatif" pour l’approvisionnement de l’Europe en gaz naturel liquéfié (GNL). Le Qatar, qui fournit 10 % du GNL européen, a même menacé d’arrêter ses exportations vers l’UE. Les Etats-Unis, premiers fournisseurs avec 45 % du marché, parlent d’"atteinte à la souveraineté américaine" et discutent de plusieurs projets de loi pour immuniser leurs entreprises contre ces normes extraterritoriales.
Le monde a basculé
Cette confrontation révèle une fracture philosophique profonde. L’Europe s’inscrit depuis 1945 dans une logique de "paix par le droit", cette idée kantienne que les institutions, les traités et les normes partagées peuvent civiliser les relations internationales. C’est le fondement de la construction européenne : transformer les rapports de force en rapports de droit. Sur le climat, Bruxelles déploie la même stratégie : créer des règles contraignantes (CSDDD, mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) censées s’imposer progressivement au reste du monde par leur exemplarité et leur portée extraterritoriale, sur le modèle du RGPD en matière numérique.
Mais le monde a basculé. Nous sommes revenus à l’ère de la "paix par la force", cette doctrine reaganienne qui postule que seule la démonstration de puissance dissuade les agresseurs. La Chine déploie une stratégie hégémonique sur les technologies vertes, non par adhésion aux normes européennes, mais par investissements massifs et captation des chaînes de valeur. Elle travaille au bas-carbone, certes, mais selon ses propres règles et intérêts géopolitiques. A l’autre extrémité, les Etats-Unis de Trump et les pétro-Etats refusent frontalement les contraintes climatiques européennes. Leur logique n’est pas celle du droit mais celle du rapport de force économique. Les menaces de détournement des exportations de GNL vers l’Asie ne sont pas des accidents diplomatiques mais incarnent le retour d’une vision transactionnelle des relations internationales où la force prime sur le droit.
L’Europe se retrouve ainsi prise en tenaille : combattue par ceux qui rejettent l’agenda climatique et contournée par ceux qui le poursuivent selon une logique de puissance. L’expérience du RGPD, censée faire modèle, s’effondre : sans puissance pour l’adosser, le droit extraterritorial européen n’est qu’un vœu pieux.
La conclusion s’impose brutalement : une Europe faible, perçue comme telle, n’a aucune chance d’imposer quelque agenda que ce soit. Face à un monde qui ne reconnaît que les rapports de force, elle n’a d’autre choix que d’inventer un "climat par la force", un agenda bas carbone adossé à une puissance industrielle, énergétique, militaire et diplomatique réelle. Mais ce concept est-il viable ? Alors que la menace russe impose déjà une autre priorité absolue – la dissuasion par la "paix par la force" militaire et la réindustrialisation de défense –, l’Europe peut-elle simultanément mobiliser les ressources colossales qu’exigeraient ces deux fronts ? Entre son idéal climatique et la paix sur son sol, elle doit enfin comprendre que dans un monde redevenu brutal, le droit sans la force n’est que du bavardage.