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Reçu aujourd’hui — 9 novembre 2025 L'Express

France - Algérie : l'incroyable histoire de Baba Merzoug, le canon de la discorde

9 novembre 2025 à 17:00

C’est une colonne en bronze, patinée par les siècles, érigée dans l’ancienne cour d’honneur de l’arsenal de Brest. Peu de Finistériens la connaissent – et pour cause, elle est située dans une enceinte militaire. Et encore moins d’habitants savent que ce fût de 7 mètres de long, surmonté d’un coq, est en réalité… un canon algérien. Surnommée Baba Merzoug ("Père chanceux"), cette couleuvrine géante, l’une des plus grandes jamais fabriquées, a une histoire romanesque. Il y est question de sultan ottoman, de curé supplicié et de batailles épiques. Mais elle est surtout un témoin privilégié de la tumultueuse relation entre la France et l’Algérie. Et pourrait, à ce titre, jouer un rôle un jour prochain.

Et dire que Baba Merzoug était tombé dans les oubliettes de l’Histoire. Il en est ressorti il y a une quinzaine d’années, sous l’impulsion d’une poignée d’Algériens, qui découvrent alors son existence. Émus par son destin funeste, ils en demandent la restitution. Symbole de la puissance de l’Algérie précoloniale, sa place est, selon eux, à Alger, où les Français l’ont ravi lors de la conquête de la ville, en 1830. Leur requête a été entendue : Baba Merzoug figure aujourd’hui, au même titre que l’épée de l’émir Abdelkader, sur la liste des biens réclamés par l’État algérien, transmise à Paris en mai 2024 et restée, depuis, lettre morte. Leur credo ? Et si cet engin de mort servait aujourd’hui à rapprocher nos deux pays ? Et si la France, dans un geste d’apaisement, renvoyait de l’autre côté de la Méditerranée ce qui pourrait devenir, disent-ils, un "canon de la paix" ?

Froid polaire

L’idée pourrait faire sourire, tant les rapports entre Paris et Alger sont proches du froid polaire. Dégradée en 2024 après les arrestations de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes, et après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la relation s’est encore détériorée en juillet dernier lorsqu’un mandat d’arrêt international a été émis à l’encontre d’un diplomate algérien en poste à Paris, que la justice soupçonne d’avoir participé à l’enlèvement d’un opposant, Amor DZ. L’affaire, sérieuse, a entraîné des expulsions croisées d’agents consulaires et le rappel de l’ambassadeur français. Plus récemment, l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution, portée par le RN, dénonçant l’accord franco-algérien de 1968, n’a pas arrangé les choses. Résultat, "tout est bloqué, soupire un diplomate. Les entreprises françaises perdent des marchés, la coopération entre les services de renseignement est gelée… Il ne se passe plus rien."

Pourtant, certains voient des lueurs d’espoir. "Le remplacement, place Beauvau, de Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure avec Alger, par Laurent Nunez, a été perçu comme un signal par Alger", estime une autre source. Nul doute que ses récentes déclarations - "ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent" - ont été entendues de l’autre côté de la Méditerranée.

Geste mémoriel

Et si, côté français, la libération des otages reste la condition sine qua non d’un réchauffement, certains se disent toutefois qu’un "geste mémoriel" pourrait contribuer au dégel. L’idée avait d’ailleurs été évoquée par Emmanuel Macron et son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, lors de leur conversation téléphonique, le 31 mars dernier. Après tout, la diplomatie est friande de symboles. "La première chose à faire serait de relancer la commission mixte d’historiens algériens et français, qui s’était réunie à cinq reprises avant d’être gelée", suggère Benjamin Stora, auteur en 2021 d’un rapport qui a fait couler beaucoup d’encre sur 'la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie'. "Mais restituer un bien peut aussi être un signe fort, ajoute-t-il, d’autant que la France n’en a, jusqu’à maintenant, rendu aucun."

"Et pourquoi pas commencer par le Baba Merzoug ?", tonne Smaïl Boulbina, porte-parole du comité de restitution du fameux canon. Sur le sujet, cet ancien médecin est intarissable. "Il pèse 12 tonnes et tirait des boulets jusqu’à 4 500 mètres, dit-il. Installé dans la citadelle d’Alger, il jouait surtout un rôle dissuasif, tant il était difficile à manœuvrer." À Brest, Hervé Bedri, chargé du patrimoine historique de la Marine pour l’Atlantique, est certainement l’historien français qui connaît le mieux son histoire : "Il a dû être fondu à Istanbul entre 1 512 et 1 520 au profit du sultan ottoman Selim 1er, avant d’être transporté à Alger pour renforcer la défense de la ville, raconte-t-il. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le Maghreb était sous domination turque. Sa fabrication est une prouesse technique."

Mais le Baba Merzoug est aussi associé, dans la mémoire française, à une tragédie. Il aurait en effet servi à tuer un missionnaire, le père Le Vacher, qui faisait office, en Algérie, de consul du roi Louis XIV. Accusé de trahison par le dey d’Alger lors de la guerre qui l’opposa à la France en 1682, et porté aux gémonies par une foule chauffée à blanc, l’infortuné curé aurait été exécuté par un boulet tiré à bout portant par le canon géant. "Faux ! s’insurge Smaïl Boulbina. Le Baba Merzoug n’y est pour rien, il n’était plus en service depuis 666 !" Légende ou non, c’est en tout cas pour honorer sa mémoire que l’amiral Duperré le rapatrie à Brest en 1830, lors de sa conquête d’Alger, lorsqu’il le trouve dans une casemate.

Considéré comme une prise de guerre, il fait "partie intégrante du patrimoine historique" de nos armées, écrivait en 2006 la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, à qui l’on demandait - déjà- de le restituer. Vingt ans plus tard, l’armée s’opposerait-elle toujours à son retour ? "Il a été confié à la Marine en 1830, donc nous le gardons, mais si l’on nous dit un jour de le rendre, nous obéirons", répond l’historien Hervé Bedri.

Prise de guerre ? Pas vraiment

Mais est-ce possible, au moins ? Les prises de guerre font, en France, l’objet d’une juridiction spéciale. Toutefois, le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels, actuellement en discussion au Sénat, pourrait changer la donne. Certes, le nouveau texte exclut de l'ensemble des biens pouvant être restitués les biens militaires, ceux-ci étant définis comme des "biens saisis par les forces armées, qui par leur nature, leur destination ou leur utilisation, ont contribué aux activités militaires". Mais justement, le canon Baba Merzoug n’a joué aucun rôle dans la bataille d’Alger, en 1830, puisqu’il était, depuis longtemps, remisé dans une casemate.

"Il sort donc a priori de la catégorie des biens militaires", commente Marie Cornu, directrice de recherches au CNRS et coauteure du Dictionnaire comparé du droit du patrimoine culturel (CNRS éditions). "Ajoutons, poursuit-elle, qu’il pourrait être possible de sortir ce canon érigé en colonne du domaine public par une autre voie, celle de sa désaffectation, dès lors qu'il s'agit d'un bien immobilier. Il basculerait alors dans un régime de domanialité privée et ne serait plus considéré comme inaliénable. C’est, par exemple, ce qui s’est passé quand l'Etat a vendu l’Imprimerie nationale à des acteurs privés."

Racines profondes

"Canon de la paix", objet de mémoire… mais aussi symbole. Car elle met en lumière une période méconnue de notre histoire commune, à savoir le XIXe siècle. "La guerre d’Algérie n’en est que l’épilogue, avance Benjamin Stora, qui vient de publier France-Algérie, Anatomie d’une déchirure, avec Thomas Snégaroff (Les Arènes). Revenir aux racines profondes de notre relation, en étudiant la façon dont s’est passée la pénétration française en Algérie, entre 1830 et 1880, serait une étape importante dans le processus de réconciliation." Si un fût vert-de-gris, transformé en obélisque sur une place battue par les vents, peut y contribuer…

© ©Fred Tanneau/AFP

Une photo prise le 25 novembre 2011 montre le canon du XVIe siècle installé à l'Arsenal de Brest, dans l'ouest de la France. Ce canon avait été saisi par les Français en 1830 aux troupes algériennes.

Immigration : le Royaume-Uni prêt à suivre le modèle danois pour durcir l’accès à ses frontières

9 novembre 2025 à 15:28

Suivre le modèle d’un des pays européens les plus restrictifs en matière d’immigration. Selon la BBC, le Royaume-Uni serait prêt à prendre exemple sur les règles imposées par le Danemark aux demandeurs d’asile qui pénètrent sur son territoire. La ministre britannique de l’Intérieur, Shabana Mahmood, devrait annoncer un plan dans ce sens avant la fin du mois, souligne le média britannique. Des hauts fonctionnaires ont d’ailleurs été envoyés par Londres en octobre dans le royaume nordique afin de travailler sur la question, en observant directement les pratiques sur place.

En poste depuis deux mois, Shabana Mahmood a fait de la réduction de l’immigration outre-Manche une priorité. En septembre, elle avait promis au Congrès du Parti travailliste de "tout faire" pour renforcer les frontières britanniques, soumises à un afflux conséquent de migrants depuis de nombreuses années. Au 6 novembre, 37 575 personnes avaient par exemple déjà réussi à rejoindre illégalement les côtes du pays, après avoir traversé la mer via de petites embarcations. Un chiffre déjà supérieur à la totalité des migrants ayant accédé au territoire britannique de la même façon sur l’ensemble de l’année 2024.

Extrême droite en position de force

L’instrumentalisation de faits divers impliquant des migrants par différentes figures, comme l’activiste xénophobe Tommy Robinson, a placé le sujet migratoire comme l’un des thèmes centraux du débat public au Royaume-Uni. Le parti Reform UK, dirigé par son chef de file pro-Brexit Nigel Farage, caracole depuis des mois en tête de plusieurs sondages. De quoi inquiéter le gouvernement travailliste de Keir Starmer, impopulaire et contesté jusque dans son propre camp. Le Premier ministre cherche donc à se saisir lui aussi des problématiques liées à l’asile pour canaliser l’émergence du mouvement d’extrême droite.

Souvent mis en avant par les droites européennes comme une des nations modèles en Europe sur cet aspect, le Danemark a durement renforcé l’accès à son territoire ces dernières années. "Nous attendons des personnes qui viennent ici qu’elles participent et contribuent positivement, et si ce n’est pas le cas, elles ne sont pas les bienvenues", a résumé, toujours auprès de la BBC, Rasmus Stoklund, ministre danois de l’Immigration et de l’Intégration. Ce dernier est membre du parti social-démocrate au pouvoir et dirigé par la Première ministre de gauche, Mette Frederiksen.

Accès au séjour restreint et regroupement familial compliqué

Concrètement, que prévoit la loi danoise vis-à-vis des migrants qui arrivent à ses frontières ? L’accueil à long terme est seulement possible dans des cas précis, par exemple lorsqu’un réfugié est personnellement ciblé par le régime en place dans son pays. Pour les autres demandeurs, l’asile accordé au Danemark n’est alors que temporaire. Copenhague les renvoie dans leur nation d’origine lorsque cette dernière est considérée comme "sûre". Les contraintes pour accéder à un regroupement familial ont également été durcies. Aucune personne de moins de 24 ans ne peut y avoir droit. Le membre de la famille vivant au Danemark ne doit par ailleurs bénéficier d’aucune prestation sociale danoise durant 3 ans et présenter des garanties financières solides.

Au sein du royaume nordique, une autre disposition va encore plus loin. En effet, les autorités danoises ont désormais la possibilité de détruire ou vendre des logements situés dans des immeubles considérés comme appartenant à des "sociétés parallèles". Autrement dit, des bâtiments dont au moins 50 % des occupants sont qualifiés par Copenhague comme issus de "milieux non occidentaux". Ces personnes ne peuvent par ailleurs pas du tout prétendre à un regroupement familial. Pour le moment, Londres n’a toutefois pas précisé si le gouvernement comptait reprendre ce type de concept, dénoncé comme "raciste" par certains élus travaillistes.

Division parmi les travaillistes

Le tour de vis migratoire à venir divise en effet les rangs du Labour. Le député Clive Lewis a frontalement critiqué le durcissement migratoire attendu. "Les sociaux-démocrates danois ont adopté une approche que je qualifierais d’intransigeante en matière d’immigration", a déclaré le député travailliste Clive Lewis, issu de l’aile gauche du parti, auprès du Guardian. "Ils ont repris nombre des arguments de ce que nous appelons l’extrême droite", a-t-il ajouté. À l’inverse, d’autres figures travaillistes soutiennent l’orientation souhaitée par Shabana Mahmood, invoquant une réponse à apporter face à la montée en puissance populiste dans le pays. "La conséquence, c’est que nous allons aborder des élections générales où Reform UK sera le principal adversaire dans la plupart des circonscriptions travaillistes… et nous serons anéantis", a justifié une autre parlementaire, Jo White, citée par la BBC.

D’après l’agence Press Association, la ministre de l’Intérieur souhaiterait rencontrer son homologue danois Rasmus Stoklund au plus vite pour échanger sur la question. En parallèle, d’autres mesures sont aussi évoquées sur le plan migratoire. Début septembre, le secrétaire à la Défense John Healey avait indiqué que les pouvoirs publics envisageaient de placer dans "des sites militaires" certains demandeurs d’asile. Une hypothèse confirmée fin octobre par le gouvernement. Selon The Times, jusqu’à 10 000 personnes pourraient être transférées dans des ex-casernes de l’armée en Écosse et en Angleterre.

© RaÅŸid Necati Aslım / ANADOLU / Anadolu via AFP

La ministre britannique de l'Intérieur, Shabana Mahmood, à Londres (Royaume-Uni), le 28 octobre dernier.

Russie : au moins 20 000 personnes sans électricité après des frappes ukrainiennes

9 novembre 2025 à 11:40

Deux régions russes frontalières de l'Ukraine font face dimanche à des coupures d'électricité affectant 20 000 personnes après des frappes ukrainiennes sur les infrastructures énergétiques, ont annoncé les autorités locales, au lendemain de bombardements russes en Ukraine. Dans la région de Belgorod, régulièrement visée par des tirs ukrainiens, le gouverneur Viatcheslav Gladkov a rapporté sur Telegram que "le réseau d'approvisionnement en électricité et en chauffage a subi de graves dégâts" dans la capitale régionale éponyme. "Plusieurs rues sont touchées par des problèmes de courant (...) Plus de 20.000 habitants sont privés d'électricité", a-t-il ajouté.

Dans la région de Koursk, également frontalière de l'Ukraine, "un incendie s'est déclaré dans l'une des installations énergétiques du village de Korenevo", laissant 10 localités sans électricité, a annoncé sur Telegram le gouverneur Alexandre Khinshteïn. Et dans la région de Voronej, un incendie s'est déclaré dans une installation assurant le chauffage, selon le gouverneur Alexandre Goussev.

Le ministère russe de la Défense a de son côté rapporté avoir abattu 44 drones au-dessus de la région de Briansk, autre territoire frontalier. Samedi, la Russie avait mené des frappes massives sur le réseau électrique, gazier et les chemins de fer d'Ukraine. Cette attaque a provoqué des coupures de courant et d'importants dégâts dans les centrales électriques ukrainiennes et fait au moins quatre morts, selon les autorités. Dans la nuit de samedi à dimanche, les forces russes ont tiré 69 drones sur l'Ukraine, dont 34 ont été abattus, selon l'armée de l'air.

© NurPhoto via AFP

Un homme marche dans la descente Andriivskyi, éclairée par quelques guirlandes lumineuses, à Kiev, en Ukraine, le 24 octobre 2025. Des coupures d'électricité programmées sont mises en place à Kiev en raison des attaques systématiques de la Russie contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. (Photo de Kirill Chubotin/Ukrinform/NurPhoto) NE PAS UTILISER LA RUSSIE. NE PAS UTILISER LA BIÉLORUSSIE. (Photo par Ukrinform/NurPhoto) (Photo par Kirill Chubotin / NurPhoto via AFP)

Ravioles, étoile Michelin et soft power : Din Tai Fung, la chaîne taïwanaise devenue un empire mondial

9 novembre 2025 à 11:30

Cette chronique raconte la petite et la grande histoire derrière nos aliments, plats ou chefs. Puissante arme de soft power,marqueur sociétal et culturel, l’alimentation est l’élément fondateur de nos civilisations. Conflits, diplomatie, traditions, la cuisine a toujours eu une dimension politique. Car, comme le disait déjà Bossuet au XVIIᵉ siècle, "c’est à table qu’on gouverne".

Vingt et un grammes et dix-huit plis, très exactement. Des mensurations de rêve pour la "petite raviole du panier" - le xiao long bao - dont la recette chez Din Tai Fung n’a pas bougé d’un iota depuis plus de cinquante ans. Sous sa fine enveloppe de blé se cache traditionnellement de la viande de porc mais aussi des petits dés de bouillon gélifié qui, sous l’action de la délicate vapeur, libèrent une saveur intensément umami et des parfums enivrants.

La chaîne taïwanaise, devenue un empire mondial, est aujourd’hui la plus rentable des Etats-Unis avec près de 16 établissements qui produisent 10 000 raviolis par jour et génèrent chacun plus de 27 millions de dollars de chiffres d’affaires, selon le décompte du cabinet d’études Technomic. Le groupe est déjà présent dans 13 pays, comme le Japon, l’Australie ou les Emirats arabes unis.

À chaque ouverture, la scène culinaire bouillonne, comme suspendue à l’événement. Foodies et politiques s’y pressent, impatients de déguster cet emblème de la gastronomie asiatique. En 2018, sous les yeux ébahis des Londoniens qui faisaient la queue sur plusieurs pâtés de maisons, la vedette de la télé anglaise Stephen Fry et l’ex-Premier ministre Boris Johnson font l’ouverture de l'établissement. Face aux caméras, ils se prêtent à l’exercice méticuleux du pliage de la raviole avant de partager le couvert ensemble. Quelques semaines plus tôt, l’humoriste n’avait pourtant pas hésité à éreinter le politicien dans une vidéo pour ses positions sur le Brexit. Comme quoi, chez Din Tai Fung, même les plus coriaces déposent les armes pour une raviole...

Des clients déjeunent au restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York. Ce restaurant, réputé pour ses raviolis en soupe et son menu inspiré des dim sum, est devenu l'une des chaînes de restaurants les plus populaires des États-Unis. Son établissement phare de New York emploie plus de 500 personnes, ce qui en fait le plus grand Din Tai Fung à ce jour.
Des clients déjeunent au restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York. Ce restaurant, réputé pour ses raviolis en soupe et son menu inspiré des dim sum, est devenu l'une des chaînes de restaurants les plus populaires des États-Unis. Son établissement phare de New York emploie plus de 500 personnes, ce qui en fait le plus grand Din Tai Fung à ce jour.

20 dollars en poche

Cette success-story, Din Tai Fung la doit à Yang Bing-yi, son fondateur, mort en 2023. La légende veut qu’il démarre son incroyable aventure entrepreneuriale en 1927 avec seulement… 20 dollars en poche. Il décroche son premier emploi à Taïpei comme livreur d’huile avant d’ouvrir sa première échoppe 30 ans plus tard. Alors que leur commerce bat de l’aile aux débuts des années 70, les époux finissent par monter leur petit restaurant d’où sort le succulent ravioli, jetant les bases de leur future franchise. Vingt ans plus tard, la reconnaissance médiatique pointe le bout de son nez. En 1993, Din Tai Fung figure dans la liste des dix meilleures tables du monde du New York Times. S’ensuit une ouverture à Tokyo en 1996, puis la Californie en 2000.

Le secret de leur réussite ? Une qualité constante - même si la marque a déjà été épinglée par certains critiques -, quand de nombreuses chaînes de restauration deviennent moins pointilleuses à mesure que les caisses se remplissent. Vient ensuite la consécration ultime : Din Tai Fung décroche l’étoile Michelin cinq années de suite à Hongkong, l’un des hubs gastronomiques mondiaux les plus innovants du moment. "La marque incarne la précision, l’hospitalité et la recherche de l’excellence - des qualités que beaucoup associent désormais à la cuisine taïwanaise, raconte la journaliste culinaire Clarissa Wei, auteure de Made in Taiwan : Recipes and Stories of the Island Nation (non traduit). L’entreprise est devenue si puissante qu’elle dispose aujourd’hui de sa propre chaîne d’approvisionnement pour ses ingrédients de base".

Des baos dès le petit-déjeuner

Mais le fameux xiao long bao, salué par autant de palais si exigeants, est-il vraiment taïwanais ? Il est né dans les années 1870 dans la région du Jiangnan, près de Shanghai en Chine et serait l’invention d’un certain Huang Mingxian qui a eu l’idée de génie de glisser ce bouillon gélifié au cœur d’un dim sum. Dès 1900, son disciple Wu Xiangsheng reprend à son compte cette nouvelle pépite et ouvre la désormais célèbre boulangerie-pâtisserie Nanxiang Mantou Dian, où près de 3 000 paniers vapeur vont sortir chaque jour de leurs cuisines. Succès immédiat dans tous les stands de rue, cantines et marchés matinaux de l'Empire du Milieu... Dans Le Guide de la cuisine chinoise (éditions Chêne), Handa Cheng explique que, dans cette région qui n’utilise pas trop de piment ou d’huile pour privilégier le goût naturel des produits, les fameux baos peuvent être généralement consommés dès le petit-déjeuner dans la rue, parfois avec un simple verre de lait de soja.

Avec les différentes vagues d'immigration, la bouchée se répand dans tout le continent asiatique. Après la guerre civile chinoise en 1949, de nombreux chefs du Jiangnan se sont en effet installés à Taïwan, emportant avec eux leurs formidables recettes. "La cuisine taïwanaise est un mélange d’influences hokkien (originaires du sud-est de la Chine), hakka (origine du nord de la Chine), chinoises, japonaises (période coloniale japonaise de 1895 à 1945), autochtones et américaines", détaille Clarissa Wei.

La marque est aujourd'hui devenue si puissante qu'elle exerce aujourd'hui une forme de soft power pour Taïwan. Si Taïpei ne possède aujourd’hui que 12 ambassades seulement à part entière, ses 170 restaurants Din Tai Fung rayonnent dans le monde ! Lorsque, en mars dernier, la gouverneure de l’Arizona Katie Hobbs (démocrate) se rend sur l'île et pour rencontrer le président Lai Ching-te, elle évoque notamment l’ouverture prochaine d’un restaurant de la franchise dans son Etat, non loin de l’endroit où le géant TSMC a investi 40 milliards de dollars dans trois nouvelles usines de fabrication de semi-conducteurs, secteur dans lequel Taïwan excelle.

A l’heure où les menaces d’invasion de Pékin se font de plus en plus intenses, les pressions économiques s'accentuent. Din Tai Fung a fermé, en août dernier, 14 restaurants dans le nord de la Chine, en raison de désaccords sur le renouvellement de sa licence - bien que la décision soit vraisemblablement surtout motivée par des raisons économiques.

Dans cette guerre d'influence, Din Tai Fung contribue à défendre coûte que coûte le récit taïwanais. "La culture chinoise reste une composante importante de l’héritage taïwanais, mais la gastronomie de l’île reflète sa propre histoire et son évolution singulière. Et la nourriture joue un rôle essentiel dans la manière dont Taïwan exprime son identité", invoque encore Clarissa Wei. La preuve : qu’il soit revisité, dans des établissements autres que Din Tai Fung, à New York avec du foie gras, à Hongkong avec de la chair de crabe ou en Chine avec de l’aileron de requin, le xiao long bao inspire une créativité sans limites aux chefs.

© Getty Images via AFP

Des employés préparent des raviolis dans le restaurant taïwanais Din Tai Fung, situé à Times Square, à Manhattan, le 20 octobre 2025 à New York.

Apaisement Pékin-Washington : la Chine desserre l’étau sur les métaux rares stratégiques

9 novembre 2025 à 09:12

Nouveau signe d'apaisement après la rencontre Trump-Xi de la semaine dernière : la Chine a confirmé dimanche suspendre une interdiction d'exportation vers les Etats-Unis de gallium, germanium et antimoine, des métaux rares cruciaux pour l'industrie moderne. Pékin avait annoncé en décembre 2024 des restrictions sur ces métaux, dans le cadre d'une réglementation visant les biens à "double usage", c'est-à-dire pouvant être utilisés dans un cadre civil mais aussi militaire - par exemple pour fabriquer des armements.

Les interdictions sont suspendues dès ce dimanche et "jusqu'au 27 novembre 2026", a indiqué dimanche dans un communiqué le ministère chinois du Commerce. Il confirme ainsi une annonce de la Maison-Blanche faite il y a quelques jours.

Cette annonce est un nouveau signe de bonne volonté de Pékin, dans la foulée de la rencontre entre les présidents chinois Xi Jinping et américain Donald Trump le 30 octobre en Corée du Sud. Ce sommet a permis de dissiper des mois de tensions qui ont crispé l'économie mondiale. "En principe, l'exportation vers les Etats-Unis de produits à double usage liés au gallium, au germanium, à l'antimoine et aux matériaux superdurs ne sera pas autorisée", stipulait l'interdiction de décembre 2024 - désormais suspendue. Le ministère chinois du Commerce n'a toutefois pas dit explicitement dimanche si des autorisations seraient désormais délivrées, ni quand ni à quelle échelle.

Infrarouge et munitions

Ce dossier était devenu un sujet de contentieux entre Pékin et Washington. Car les deux pays rivalisent pour la domination technologique mondiale et ces métaux rares sont essentiels dans cette optique. La Chine en est un important producteur mondial. Ils ne sont pas classés comme "terres rares", un autre groupe de métaux cruciaux, mais sont également nécessaires à des pans entiers de l'économie.

Le gallium, que l'on trouve notamment dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, est ainsi considéré comme une matière première critique, selon l'Union européenne. Le germanium est indispensable pour les fibres optiques et l'infrarouge. Enfin, l'antimoine est utilisé tant pour la transition énergétique, intégré aux batteries de véhicules électriques, que par l'industrie de l'armement, pour renforcer blindages et munitions.

Le ministère chinois du Commerce, dans son court communiqué de dimanche, a également annoncé l'assouplissement de restrictions sur les exportations de produits liés au graphite - toujours dans le cadre de ces réglementations sur les produits à "double usage". Les examens plus stricts des utilisations et utilisateurs finaux de ces produits, annoncés en décembre 2024, sont aussi suspendus jusqu'au 27 novembre 2026.

Détente

Il s'agit des dernières mesures d'apaisement en date prises par Pékin après la rencontre Xi-Trump. La Chine avait déjà annoncé mercredi prolonger d'un an la suspension d'une partie des droits de douane imposés aux produits américains en pleine guerre commerciale, pour les maintenir à 10%.

Le géant asiatique avait aussi indiqué "cesser d'appliquer des droits de douane supplémentaires" imposés depuis mars sur le soja et un certain nombre d'autres produits agricoles américains. Des mesures qui touchaient durement la base électorale de Donald Trump.

Donald Trump avait par ailleurs annoncé fin octobre que la Chine avait accepté de suspendre pour un an les restrictions imposées le 9 octobre sur l'exportation de technologies liées aux terres rares - essentielles pour la défense, l'automobile ou l'électronique.

© REUTERS

Donald Trump et Xi Jinping lors du G20 d'Osaka, en juin 2019.

"Si je suis arrêté, je mourrai en prison" : le témoignage glaçant de Viktor, espion dans une base russe

9 novembre 2025 à 07:45

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.

>> Le témoignage de Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine : "Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?"

Pas de caméra, pas d’appel depuis son domicile mais depuis une chambre d’hôtel anonyme, au gré d’un déplacement… Viktor a les codes et les réflexes de la clandestinité. A l’été 2022, révulsé par les tueries de Boutcha, ce jeune homme, employé sur une base militaire russe, s’est mis à la disposition de la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes anti-Poutine engagés dans les forces armées ukrainiennes. Pour des raisons de sécurité, il ne donnera pas d’informations précises sur ses "actes de guerre", mais il nous confie son histoire. Et ses espoirs.

"Je vis dans une ville russe, près de la frontière avec l’Ukraine, où se trouve un aérodrome militaire. C’est là que je travaille. La guerre, je l’ai vue arriver avant tout le monde. Je voyais que l’on préparait les bombardiers, mais je n’y ai pas cru. Dans les premières semaines de combat, je n’ai pas du tout pensé aux Ukrainiens. Je suis russe, je suis patriote, je me disais qu’au fond, on était là-bas pour les aider… En avril 2022, j’ai découvert les photos de Boutcha. En voyant ces corps, cette photo de Zelensky en larmes, j’ai réalisé que je m’étais trompé. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. On n’entend pas la voix de ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui sont contre les décisions du pouvoir. On s’imagine que la population russe est entièrement pour la guerre, mais ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de gens qui pensent par eux-mêmes, des gens qui connaissent la vérité sur Boutcha et le reste. Seulement, ils sont terrifiés de parler, et si quelqu’un ose le faire, ça ne dure jamais très longtemps.

Après le 24 février, l’Etat a tout de suite resserré les boulons. J’étais au travail à cette époque-là, on ne nous a pas laissés rentrer chez nous pendant trois semaines. Ça grouillait d’agents du FSB. C’était terrifiant.

J’ai d’abord cherché à foutre le camp. Je ne voulais plus vivre en Russie. Puis j’ai entendu parler de la légion "Liberté de la Russie". J’ai alors compris que je ne pouvais pas me contenter de ne pas être complice, que je devais me battre maintenant, pour ne pas me sentir étranger dans mon propre pays pour le restant de mes jours, pour que mes enfants n’aient pas à s’enfuir plus tard. Et j’ai décidé de rejoindre la lutte armée. J’ai pris le risque de contacter la légion. Pour moi, c’était la possibilité de partir, d’être entraîné, d’avoir une arme et de me battre avec des camarades. Il n’y avait que des avantages… à part le risque d’être tué, mais quand on travaille dans un aéroport militaire en Russie, ce risque existe aussi.

Mais César [NDLR : nom de guerre de Maximilian Andronnikov, chef de la légion "Liberté de la Russie"] m’a convaincu que je serais plus utile ici. Alors je suis resté. Je fais passer des informations à la légion. Parfois, je transmets un message, un colis… Oui, c’est risqué. Mais d’un autre côté, faire l’espion clandestin, ça me semblait moins dangereux que de sortir dans les rues pour crier que Poutine est un fils de p***. Avant l’invasion, on pouvait parler de politique dans sa cuisine ou au café. Depuis, tout a changé.

Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis viennent me tenir compagnie en prison

Aujourd’hui, tout le monde a peur de parler. Moi aussi, d’ailleurs. Je ne sais pas qui, parmi mes proches, soutient la démocratie, et qui a décidé que tout cela ne le regarde pas. Et je ne peux rien leur dire de mon activité, c’est la règle n°1 du partisan. Il ne faut jamais parler de ce que l’on fait, et surtout pas à ses amis ou à sa famille. Déjà, parce que si on m’arrête, tous ceux qui étaient au courant seront considérés comme des complices. Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis, viennent me tenir compagnie en prison. Ensuite, parce que je ne peux pas savoir ce qu’il y a dans la tête de mon interlocuteur.

C’est comme dans un film, on est toujours au bord de la catastrophe. Pendant la première année, j’ai cru que ça me rendrait fou, j’ai pensé à prendre des médicaments. Puis j’ai adopté deux méthodes qui m’aident et font que je me sens bien aujourd’hui. D’abord, j’ai trouvé dans la légion des gens à qui parler. Nous discutons souvent. Et pour être honnête, c’est souvent moi qui me plains, et les autres qui m’écoutent. Partager mes difficultés, ça m’aide. Et puis, l’autre méthode, c’est que… la peur, l’angoisse, c’est épuisant. Au bout d’un moment, c’est comme si l’organisme décidait qu’il en avait assez d’avoir peur, on devient insensible et on fait juste son travail. Je sais que l’on peut m’arrêter demain et je sais ce que je risque. Tout le monde connaît l’article 275 du Code pénal. Haute trahison. Et je peux vous dire ça : parler avec vous, c’est l’article 275. Avoir demandé à rejoindre la légion, c’est 275. Et ne parlons même pas des informations que je fais passer ! Même si je me trouve un bon avocat, c’est quinze ans de camp à régime sévère. Et plus probablement vingt ou vingt-cinq. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Pour quelqu’un qui, comme moi, a moins de 30 ans, c’est toute ma vie.

Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer

Mais de toute façon, les gens ne survivent pas jusqu’à la fin de leur sentence. Navalny a survécu combien ? Trois, quatre ans ? [NDLR : trente-sept mois] Je sais que si je suis arrêté, je ne sortirai jamais de prison. Vous connaissez les conditions de détention. On voit des vidéos dans lesquelles des détenus sont violés avec des manches à balai. Et pas juste le bout. C’est 30, 50 centimètres dans l’intestin, tous les organes sont détruits. Il y a même une vidéo dans laquelle des gardiens castrent un détenu. C’est horrifiant, mais c’est comme ça en Russie. Et je me bats pour que ça ne soit plus comme ça.

Il y a trois ans, on avait l’impression que la dynamique était bonne, qu’on y était presque et que le régime allait s’effondrer. Quand il y a eu la révolte de Prigojine [NDLR, l'ancien chef du groupe paramilitaire Wagner], qu’il a marché sur Moscou… Je détestais ce type, mais j’ai croisé les doigts, pas tant pour qu’il gagne, mais pour que Poutine perde. Ça n’a pas eu lieu. Et maintenant, je me dis que la victoire ne sera pas pour tout de suite. Un jour, j’ai lu cette phrase : 'Les idées les plus importantes, ce sont celles qui bénéficieront à nos petits-enfants.' Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer.

Pour moi, la victoire, ce serait rétablir l’équilibre territorial, tel qu’il a été défini à l’effondrement de l’URSS. Et pas seulement en Ukraine, mais aussi en Géorgie, en Tchétchénie… Je souhaite le pire à Poutine, mais il existe aussi un "Poutine collectif" - son entourage, les services de sécurité, tous ceux qui soutiennent l’autoritarisme… Mais croyez-moi, les empires finissent toujours par tomber. Je crois en la lutte armée. La victoire, pour moi, c’est prendre le Kremlin, y hisser notre drapeau, puis réfléchir à la façon de dénazifier notre propre société. Que nous arrêtions de mépriser les Biélorusses, les Ukrainiens, les Kazakhs, les juifs… Que la Russie apprenne à respecter les autres peuples, les autres pays. Ça, ça serait la victoire. J’y crois, parce que j’ai déjà vu des résultats concrets de mon travail. Ce qui viendra après, c’est le peuple russe qui en décidera.

Aujourd’hui, beaucoup de mes amis ont quitté le pays, mais d’autres… Je ne dirais pas qu’ils sont de mauvaises personnes, ce sont juste des gens qui ont pris un mauvais tournant, qui ont cru à ce paternalisme, à la propagande, au mythe du leader fort, au fait que la population civile ukrainienne est constituée de fascistes bandéristes néonazis [NDLR : en référence à Stepan Bandera, un nationaliste ukrainien qui collabora avec l'Allemagne nazie] …

Ces gens-là ne se taisent pas, ils se réjouissent de tout ce qui se passe. Pour eux, tuer des gens, piller une maison, c’est une preuve de courage. Je les connais depuis l’enfance, et c’est un dilemme pour moi. Je tiens à ces gens, nous sommes du même sang, nous avons les mêmes souvenirs. Mais je n’imagine pas d’autre façon d’agir. Je ne vois pas de scénario réaliste dans lequel je discuterais avec eux et où, au lieu de m’agresser, ils essaieraient de me comprendre. C’est une impasse. Et si le seul moyen de sortir de cette impasse, c’est qu’ils meurent ou qu’ils soient blessés, ce que je n’espère pas… eh bien, ce sera très dommage, mais ce sera comme ça."

© Celestino Arce/NurPhoto/AFP

Un membre russe de la légion "Liberté de la Russie" prépare la logistique dans son quartier général près des lignes de front du Donbass (photo d'illustration).
Reçu hier — 8 novembre 2025 L'Express

Tourisme, aide alimentaire et fonctionnaires non payés : aux Etats-Unis, les conséquences du shutdown s’accumulent

8 novembre 2025 à 18:18

Mercredi 5 novembre, les Etats-Unis sont entrés dans leur 36e jour de "shutdown", faisant de cette paralysie budgétaire de l’Etat fédéral la plus longue de l’histoire du pays. Le précédent record de 35 jours datait de 2019, lors du premier mandat de Donald Trump.

Depuis le 1er octobre dernier, républicains et démocrates sont incapables de s’entendre sur le budget de l’Etat fédéral, les premiers souhaitant prolonger le budget actuel sans augmenter les dépenses ni rétablir les subventions d’assurance santé, un programme que refusent les seconds. En conséquence de ce blocage, l'attribution des salaires des fonctionnaires et celle des aides sociales sont gelées. Toute une partie de l’administration fédérale est ainsi mise à l’arrêt, avec des répercussions de plus en plus pesantes dans le domaine de la santé, de la justice, ou encore du tourisme.

Plus d’un million de fonctionnaires non payés

Les premiers Américains touchés par le shutdown sont les fonctionnaires, qui ne sont pour la plupart pas payés pendant cette période, comme le rapporte la chaîne américaine CNN. Plus d’un million d'entre eux n’a pas reçu sa fiche de paie au mois d’octobre. Certains, dont le métier est considéré comme "essentiel", doivent tout de même continuer à travailler sans toucher de salaire. Tous devraient récupérer leur paie à la fin du shutdown, mais l’administration américaine laisse planer le doute concernant les fonctionnaires mis au chômage technique.

Des milliers de vols annulés dans tout le pays

Par mesure de sécurité en raison du manque de contrôleurs aériens et de la charge de fatigue et de stress imposée à ceux qui continuent de travailler, l’administration Trump a imposé depuis vendredi 7 novembre une réduction du trafic dans 40 des aéroports américains les plus fréquentés. Le régulateur aérien américain (FAA) a ainsi annoncé une réduction de 4 % des vols quotidiens de vendredi à lundi. Sur la seule journée de vendredi, 1 000 vols ont été annulés dans tout le pays, la plupart en raison du shutdown.

Si la paralysie continue, les compagnies devront graduellement augmenter le nombre d’annulations. Le trafic aérien américain pourrait donc être réduit de 6 % à partir de mardi puis de 10 % à partir du vendredi 14 novembre. Ces perturbations devraient en grande partie concerner les liaisons intérieures et non les vols internationaux. Elles s’ajoutent aux files d’attente qui s’allongent aux points de sécurité des aéroports où, là encore, les fonctionnaires ne sont pas payés.

L’aide alimentaire suspendue pour 42 millions d’Américains

Plus tôt dans la semaine, un tribunal américain avait imposé au gouvernement de financer intégralement le programme d’aide alimentaire SNAP, malgré le shutdown. Celui-ci représente 8 milliards de dollars (environ 6,9 milliards d’euros) d’aides chaque mois. Il permet aux Etats de verser des bons alimentaires à 42 millions d’Américains en situation de précarité, qui les utilisent pour faire des courses. La décision imposait à l’administration Trump de puiser dans ses réserves pour maintenir cette aide. Mais vendredi, la Cour suprême américaine a finalement estimé que l’administration Trump n’était pas tenue de verser immédiatement les allocations. Cette décision, bien que temporaire car elle fait encore l’objet d’un bras de fer judiciaire, laisse des millions de familles dépendantes de cette aide alimentaire dans l’incertitude.

Le tourisme également affecté

Dès les premiers jours du shutdown, plusieurs musées publics de l’institution de recherche scientifique Smithsonian à Washington DC, l’un des fleurons culturels du pays, ont fermé leurs portes, comme l’indique leur site Internet. L’institution a également été contrainte de fermer son zoo et ses centres de recherche.

Les parcs nationaux sont également durement touchés par la paralysie budgétaire. Ils sont "partiellement ouverts", rapporte le média américain Axios, malgré le manque criant de personnel, entraînant l'interdiction de certaines activités et un risque de dégradation des lieux.

D’autres conséquences multiples sur le service public

La paralysie budgétaire a également des conséquences en cascade sur de nombreux services publics, comme la justice. Selon l’agence de presse Reuters, plusieurs tribunaux fédéraux ont décidé de limiter leurs opérations dès le 23 octobre. Ils sont arrivés à court de fonds de réserve pour financer leur fonctionnement habituel.

En raison du chômage partiel imposé à la SEC, le gendarme des marchés américains, des entreprises américaines ont par ailleurs décidé de reporter leur entrée en Bourse, rapporte le Wall Street Journal.

Enfin, la mise à l’arrêt du financement de l’Etat fédéral entraîne également des manquements dans la surveillance des épidémies, alors que l’hiver approche, comme l’explique CNN. Les bases de données sur la grippe ou le Covid-19 ne sont pas mises à jour, créant un angle mort dans la gestion de ces épidémies par les gouvernements locaux et les autorités de santé.

© afp.com/Apu GOMES

Le manque de personnel dans les parcs nationaux, ici à Yosemite, entraîne une recrudescence des activités illégales et du vandalisme.

L'Union européenne condamne les frappes israéliennes au Liban, exige le respect du cessez-le-feu

8 novembre 2025 à 16:51

"L'UE appelle Israël à mettre fin à toutes les actions qui violent la résolution 1701 et l'accord de cessez-le-feu conclu il y a un an, en novembre 2024", souligne Anouar El Anouni, porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères, dans un communiqué publié samedi 8 novembre. "Dans le même temps, nous exhortons tous les acteurs libanais, et en particulier le Hezbollah, à s'abstenir de toute mesure ou réaction susceptible d'aggraver encore la situation. Toutes les parties doivent s'attacher à préserver le cessez-le-feu et les progrès accomplis jusqu'à présent", insiste le porte-parole.

De nouvelles frappes ont été menées jeudi sur le sud du Liban par Israël, qui a dit viser des cibles du mouvement pro-iranien Hezbollah, accusé de vouloir se réarmer. L'armée israélienne avait appelé auparavant des habitants de quatre villages à évacuer des bâtiments en prévenant qu'elle allait frapper des infrastructures militaires du mouvement libanais.

L'armée libanaise a elle estimé que les raids israéliens visaient à "empêcher l'achèvement" de son déploiement dans cette région, conformément à l'accord de cessez-le-feu qui avait mis fin il y a près d'un an à la guerre entre le Hezbollah et Israël. Ces frappes israéliennes ont déjà été condamnées par le président libanais Joseph Aoun et par l'Iran, qui a dénoncé vendredi des "attaques sauvages" et appelé la communauté internationale à réagir.

© Anadolu via AFP

BRUXELLES, BELGIQUE - 13 JANVIER : Le porte-parole de la Commission européenne (UE) pour les affaires étrangères, Anouar El Anouni (photo), fait des déclarations concernant les relations de l'UE avec le nouveau gouvernement syrien à Bruxelles, en Belgique, le 13 janvier 2025. Dursun Aydemir / Anadolu (Photo par Dursun Aydemir / Anadolu via AFP)

Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine : "Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?"

8 novembre 2025 à 16:00

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.

Elle a préféré ne pas allumer sa caméra, mais on devine son sourire quand elle parle de Mémorial, qu’elle a rejoint "juste à temps pour sa dissolution". L’association consacrée à la mémoire des répressions soviétiques et à la défense des droits de l'homme a été interdite en Russie en décembre 2021, juste avant le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine. Comme à l’époque de l’URSS, elle est désormais forcée à la clandestinité. Et Sofia en fait désormais partie.

"J’ai grandi à l’époque des grandes manifestations contre Poutine [NDLR : entre les élections législatives contestées de 2011 et l’arrestation d’Alexeï Navalny en 2021]. Pour quelqu’un comme moi, c’était difficile de ne pas devenir activiste ! Mémorial est une organisation qui m’a toujours tenu à cœur. A l’université, pour préparer un exposé sur la Grande terreur [sous Staline], j’étais allée chercher des infos sur leur site. Et j’y ai retrouvé la trace d’un de mes ancêtres qui avait été déporté ! Quand j’ai appris que l’association avait été dissoute [NDLR : en décembre 2021], j’ai décidé de rejoindre ses membres pour les aider à continuer, coûte que coûte.

Concevoir la mémoire comme une résistance

Et puis il y a eu le 24 février 2022. Je m’étais réveillée très tôt, à 6 heures. J’étais sortie dans la rue fumer une cigarette, et c’est la concierge qui me l’a dit : 'Ça y est, c’est la guerre.' Là, j’ai pleuré pendant deux heures, puis je suis allée manifester. J’ai collé des affiches antiguerre dans la ville, j’en ai mis une sur le tableau d’affichage de mon immeuble. Elle a tenu quatre jours. On l’a remis. Et comme ça 5-6 fois de suite. J’ai pensé à quitter le pays, puis je me suis dit : 'C'est important de continuer de protester depuis la Russie. Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?'

Avec Mémorial, j’organise des envois de lettres aux prisonniers politiques, je cherche des personnes prêtes à travailler avec nous, et je fais de l’activisme mémoriel. Cela consiste à afficher la mémoire dans la rue : des projets comme 'Dernière adresse' [NDLR : des plaques apposées sur la dernière adresse connue des personnes déportées pendant les répressions staliniennes] ou 'Retour des noms' [des lectures publiques des noms des personnes fusillées]. C’est, aussi, porter des fleurs à la Pierre des Solovki [NDLR : un monument aux victimes des répressions, situé en face du quartier général du FSB, ex-KGB], restaurer un monument ou écrire des slogans à la craie dans la rue, coller des affiches… Bref, c’est concevoir la mémoire comme une résistance. Quand les autorités font retirer les plaques 'Dernière adresse' dans les villes de Russie et qu’ensuite, on les remet en place… ça dit quelque chose de la société civile.

Le passé est lié au présent, surtout de nos jours. Des répressions ont eu lieu dans le passé, elles existent toujours – certes, sous des formes différentes, nous ne vivons pas sous la Grande terreur, mais il y a un lien. Aujourd’hui, l’Etat voudrait que le passé soit invisible, que l’on oublie les millions de personnes qui ont été tuées. Ils voudraient dire que nous sommes le camp du bien, que ce qui se passe en Ukraine n’est pas une guerre, mais une opération militaire spéciale, tout comme les répressions n’étaient pas des répressions, mais juste des procès avec quelques excès… Mais ce passé ne s’en ira pas. On ne peut pas s’en détourner. C’est celui de mon pays, qui a fait des choses affreuses et continue d’en faire. Si l’on ne s’en souvient pas, on ne peut pas avancer. Les crimes de l’Etat n’ont pas de prescription. C’est à ça que sert l’activisme mémoriel.

Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse ses crimes

Bien sûr, parfois j’ai peur. Je ne fais rien d’illégal, mais c’est tout de même compliqué [NDLR : plusieurs Russes ont été condamnés à des peines de prison pour avoir diffusé des messages antiguerres]. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Parce que j’ai peur, je devrais rester à ne rien faire ? Je ne veux pas. Je ne peux pas. Bien sûr, il y a un risque de se faire arrêter. C’est complètement aléatoire, ça peut tomber demain sur moi ou sur quelqu’un d’autre.

J’ai vécu toute ma vie sous Poutine. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur la fragilité du régime. Mais je crois que la valeur de cette résistance est dans sa constance. On ne peut pas se permettre de baisser les bras, de dire 'bon, on a essayé, ça n’a pas marché, tant pis, on laisse tomber'. Notre Etat tue tous les jours. Et s’il est peu probable qu’il s’effondre bientôt, il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire du tout. La protestation peut prendre beaucoup de formes, et chacune d’elles est importante, car elles composent un tableau d’ensemble. Je ne sais pas si ce que je fais servira un jour à quelque chose. Je ne peux qu’espérer et continuer. Dans ma famille, tout le monde sait ce que je fais. Ils ne soutiennent pas la guerre, mais ils ne sont pas non plus opposants. Ils se mettent en retrait, ne veulent rien faire. Dès qu’on en discute, on finit toujours par se disputer. Mais j’ai de la chance : j’ai des amis, un copain, tous sont dans le même bateau que moi. Sans ça, ce serait beaucoup plus difficile.

Je ne sais pas ce qui devrait se passer pour que j’arrête. Même si le régime s’effondrait demain, il resterait beaucoup à faire. Déjà, il faut bien comprendre qu’il ne peut pas y avoir de happy end. C’est déjà trop tard, il y a eu trop de morts et de destruction pour qu’un jour on puisse se dire 'tout ça s’est bien fini'.

Je n’ai que 24 ans, mais je sens que j’ai une part de responsabilité dans tout ça. Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse les crimes d’Etat et les crimes de guerre, et que tous les coupables jugés. J’espère qu’un jour, nous le mènerons à bien."

© Natalia Kolesnikova/AFP

Des sympathisants de Memorial International se rassemblent devant la Cour suprême de Russie après sa dissolution, le 28 décembre 2021 (photo d'illustration)

Pétrole russe : Donald Trump contourne ses propres sanctions et tend la main à Viktor Orban

8 novembre 2025 à 14:55

"Les Etats-Unis ont accordé à la Hongrie une exemption illimitée des sanctions sur le pétrole et le gaz russes. Nous sommes reconnaissants de cette décision qui garantit la sécurité énergétique de la Hongrie", a écrit sur X le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto. Donald Trump a accepté d'accorder à la Hongrie une dérogation aux sanctions américaines liées au pétrole russe, lors d'une rencontre vendredi avec le Premier ministre Viktor Orban, dont il a loué de manière appuyée la politique anti-immigration.

Le mois dernier, les Etats-Unis ont imposé des sanctions aux deux plus grands producteurs de pétrole russes - Rosneft et Lukoil - face au refus de la Russie de mettre fin à la guerre en Ukraine. Et ils ont réclamé aux pays comme la Hongrie de se "sevrer" des sources d'énergie russes. Or ce pays d'Europe centrale dépend fortement du pétrole russe.

La dérogation accordée sera valable un an, a précisé un responsable de la Maison-Blanche à l'AFP sous couvert d'anonymat, ajoutant que Budapest s'était engagée en contrepartie à acheter pour environ 600 millions de dollars de gaz naturel liquéfié américain. Le président américain avait dit "étudier" cette option, "parce qu'il est très difficile pour (Viktor Orban) d'obtenir le pétrole et le gaz d'autres régions. Comme vous le savez, il ne bénéficie pas d'un accès à la mer".

Rare dirigeant européen proche à la fois du président américain et du président russe, Viktor Orban n'a pas cherché à diversifier massivement ses importations depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Les sanctions américaines le fragilisaient à quelques mois de la tenue d'élections législatives, que le leader nationaliste, au pouvoir depuis 2010, n'est pas sûr de remporter, selon les sondages.

"Respecter" Orban

Le dirigeant hongrois avait rendu visite trois fois l'année dernière à Donald Trump, à chaque fois dans sa résidence Mar-a-Lago, en Floride, dont deux fois avant la réélection du milliardaire. Les deux hommes ont à nouveau exposé leurs affinités idéologiques vendredi.

Donald Trump a exhorté l'Union européenne à "respecter" la Hongrie et son Premier ministre, qui s'est plaint des sanctions financières imposées par l'UE sur Budapest pour ses politiques migratoires: "Il a eu raison sur l'immigration", a insisté le républicain, jugeant que les Européens pourraient "s'inspirer" de son invité. Le président américain a lui-même mis en place une brutale politique anti-immigration depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier.

Hostile à l'immigration et aux droits des personnes LGBT+, Viktor Orban affronte régulièrement les instances européennes sur des questions de respect de l'État de droit notamment. Il a appelé à lancer un "âge d'or" pour la relation entre les Etats-Unis et la Hongrie, reprenant l'une des expressions préférées de Donald Trump. "Nous sommes le seul gouvernement en Europe qui se considère comme un gouvernement chrétien moderne. Tous les autres sont progressistes, gauchistes", selon lui.

Il a aussi critiqué la politique de l'UE face à la guerre en Ukraine, assurant que "les seuls gouvernements favorables à la paix étaient les Etats-Unis et la petite Hongrie." Viktor Orban a refusé d'envoyer une aide militaire à l'Ukraine et il s'est opposé, à l'Otan et à l'Union européenne, à une action plus ferme contre la Russie après son invasion militaire de l'Ukraine.

L'administration américaine s'est par ailleurs engagée à fermer un média en langue hongroise financé par les États-Unis afin de soutenir le Premier ministre nationaliste. Donald Trump "a déjà prouvé qu'il était prêt à aider ses alliés idéologiques", en particulier à l'approche d'élections, rappelle à l'AFP Daniel Hegedus, expert de l'Europe centrale et orientale auprès du German Marshall Fund. Washington a par exemple volé au secours financièrement du président argentin Javier Milei, un autre ardent partisan de Donald Trump.

© afp.com/SAUL LOEB

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre hongrois Viktor Orban, le 7 novembre 2025 à la Maison Blanche

Zohran Mamdani : ces promesses soi-disant "radicales" du nouveau maire de New York, en place depuis longtemps en Europe

8 novembre 2025 à 14:18

Donald Trump se plait à le désigner comme un communiste. L'intéressé, Zohran Mamdani, démocrate de 34 ans et élu maire de New York depuis le 5 novembre dernier, préfère se dire socialiste. Ce qui, aux yeux de beaucoup d'Américains, est plus ou moins la même chose. Ce terme, qui définit sans accroche en Europe une famille politique établie, génère beaucoup de confusion et de peur Outre-Atlantique, car associé aux politiques répressives de l’URSS ou de la Chine communiste.

Aux Etats-Unis, plusieurs propositions sociales de son programme sont ainsi décrites comme "radicales" par ses détracteurs, voire inapplicables, trop chères et irréalistes. Nombre d'entre elles sont pourtant déjà en place dans de nombreuses villes d’Europe, note le média britannique The Guardian.

Vienne, un exemple européen de ville abordable ?

L’édile a tout d’abord décidé de s’attaquer aux loyers exorbitants de New York. Zohran Mamdani envisage ainsi de geler le loyer de deux millions de résidents d’appartements réglementés. Une proposition critiquée par de nombreux économistes. En plus du gel des loyers, le nouveau maire de la Grosse Pomme prévoit également la construction de 200 000 logements aux loyers encadrés sur dix ans.

Or, en Europe, plusieurs grandes villes ont décidé de réguler fortement le secteur, à l’image de Vienne. La capitale autrichienne est souvent érigée en exemple européen, puisque près de la moitié des locataires Viennois vit dans des logements subventionnés - soit parce qu’ils appartiennent à la ville, soit à des organismes non lucratifs - et paie donc des loyers modérés.

L’origine de cette politique du logement remonte à l’entre-deux-guerres, lorsque la ville a commencé à construire des centaines de logements municipaux pour répondre à la crise du logement. Ainsi, depuis 1920, 220 000 logements municipaux ont été construits, un record en Europe, selon Der Spiegel. Cela représentait près de 20 % des logements de la capitale autrichienne en 2022. Par ailleurs, les loyers des logements privés construits avant 1953 sont plafonnés. Ce modèle reste toutefois critiqué, notamment en raison des fortes charges qui pèsent sur les locataires ou parce qu’il plomberait l’investissement privé et donc le dynamisme du marché immobilier. Paris, de son côté, a mis en place un encadrement des loyers dès 2019.

La garde d’enfants, deuxième facteur d’exil des New-Yorkais

Après le coût des loyers, un autre facteur qui pèse le plus sur la dépense des familles new-yorkaises est le coût de la garde d’enfants. Selon les équipes de Zohran Mamdani, il serait même une des raisons les plus fréquentes avancées par les familles en exil hors de la ville. Selon The Independant, le coût annuel moyen d’un mode de garde dans une structure collective d’un jeune enfant new yorkais s’élève à 26 000 dollars (environ 22 000 euros). L’édile propose ainsi la mise en place d’une garde gratuite pour tous les enfants âgés de 6 semaines à 5 ans, un projet dont les coûts sont estimés à 6 milliards de dollars par an. Selon le magazine américain Time, l’élu a peu détaillé la manière dont il souhaitait financer cette mesure, si ce n’est d’augmenter les taxes sur les habitants les plus riches de la mégalopole américaine. Il projette par ailleurs d’augmenter les salaires des professionnels de la petite enfance.

De l’autre côté de l’Atlantique, plusieurs pays et villes pourraient servir de modèle à Mamdani. En France, l’école maternelle publique est gratuite et obligatoire dès trois ans. Avant cet âge, des crèches municipales proposent des tarifs adaptés selon le revenu des parents. En Suède, les villes sont dans l’obligation de proposer un accueil subventionné dans des structures publiques à tous les enfants de un à cinq ans. Et dès leurs trois ans, ils ont le droit à 15 heures d’accueil gratuit par semaine dans une école maternelle. Au Portugal, le gouvernement a lancé en 2022 un programme d’aide gratuite à la garde des enfants âgés d’un an et plus, bien que les places soient encore limitées et réservées aux familles aux revenus modestes. Enfin, à Berlin, la garde d’enfants est gratuite en crèche. D’autres Länder allemands ont emboîté le pas à la ville-Etat en réduisant le prix de ces structures.

Un souffle d’espoir pour la gauche européenne

Un autre combat de Zohran Mamdani est l’accès aux transports publics. Il prévoit de rendre gratuits les bus publics, une mesure déjà en place dans plusieurs métropoles européennes. A commencer par Tallinn, la capitale estonienne, dont les bus et les tramways sont gratuits depuis 2013. Une étude relayée par le Guardian montre une augmentation de l’utilisation des transports publics de 14 % un an après la réforme et une meilleure mobilité des classes. Depuis 2020, les transports publics sont également gratuits dans la ville de Luxembourg. Et en France, Montpellier et Dunkerque ont sauté le pas.

Si plusieurs mesures proposées par le nouveau maire de New York sont déjà des droits acquis de longue date en Europe, la victoire de Zohran Mamdani est tout de même érigée en exemple par la gauche européenne. Le souffle d’espoir qui a traversé l’Atlantique ne concerne pas tant les mesures proposées par Mamdani, sans doute inadaptées pour des pays européens, mais le symbole politique de la victoire d’une gauche assumée. Et ce, dans un pays qui a élu un an plus tôt le républicain Donald Trump, qui a depuis largement coupé dans l’aide internationale, a fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille et baissé les impôts pour les plus riches.

© afp.com/Angelina Katsanis

Zohran Mamdani envisage notamment de geler le loyer de deux millions de résidents d'appartements réglementés.

Benyamin Netanyahou : les secrets du stratège israélien pour rester au pouvoir

9 novembre 2025 à 10:12

Pour une fois, le "roi Bibi" — comme ses soutiens aiment à l’appeler — a dû plier le genou. Et l’empereur Trump s’est assuré de le faire savoir au monde entier. Le 29 septembre dernier, la Maison-Blanche diffuse une photo en noir et blanc sur ses réseaux sociaux : Benyamin Netanyahou apparaît le téléphone à l’oreille, lisant une feuille de papier. A sa gauche, sur son fauteuil, Donald Trump tient le cadran de l’appareil sur ses genoux, avec le regard sévère d’un père qui vient de gronder son fils. Le Premier ministre israélien lit des excuses, préparées à l’avance par les équipes américaines, à l’émir du Qatar à l’autre bout du fil, trois semaines après avoir bombardé le QG du Hamas à Doha.

White House photo of Netanyahu's apology call to Qatar pic.twitter.com/ocsQNBZnfq

— Kevin Liptak (@Kevinliptakcnn) September 30, 2025

Une humiliation publique pour celui qui, quelques jours plus tôt, appelait son pays à se transformer en "super Sparte", une nation guerrière, puissante et autonome. "Toute sa carrière, y compris durant les années Biden, Netanyahou se présentait comme le seul homme politique israélien capable de résister à la pression américaine… Ce n’est clairement plus le cas, souligne Eytan Gilboa, spécialiste de la relation Etats-Unis-Israël à l’Université Bar-Ilan de Tel-Aviv. L’opposition l’accuse d’avoir transformé notre pays en un Etat vassal de Washington. Ce qui signifie que, depuis le 7-Octobre, Netanyahou a perdu deux de ses principaux atouts : il s’était toujours vendu comme 'Monsieur Sécurité', capable de protéger Israël, et il se disait le seul capable de défendre les intérêts israéliens, en particulier vis-à-vis des Etats-Unis, or il ne peut plus rien refuser à Trump."

A 76 ans, dont 17 passés comme Premier ministre d’Israël, Netanyahou semble plus que jamais dans l’impasse. A la tête du pays pendant la faillite sécuritaire du 7-Octobre, poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et possibles crimes contre l’humanité, sous le coup de trois procès à Tel-Aviv pour fraude et corruption… Pour n’importe quel homme politique, la situation équivaudrait à une fin de carrière. Mais l’insubmersible "Bibi" n’est pas n’importe quel homme politique. "Quand, le 8 ou le 9 octobre 2023, vous demandiez à quelqu’un si Benyamin Netanyahou serait encore Premier ministre d’Israël deux ans plus tard, tout le monde vous riait au nez, rappelle Nadav Shtrauchler, expert en communication et ancien conseiller politique du dirigeant israélien. Sa carrière politique a déjà été enterrée de si nombreuse fois… Mais seulement par ceux qui ne le connaissent pas !"

Depuis que Donald Trump l’a contraint à accepter un cessez-le-feu à Gaza, le 9 octobre dernier, la vie politique nationale reprend ses droits en Israël : le mandat du gouvernement arrive à expiration dans un an, et de nouvelles élections se tiendront dans les mois qui viennent. Depuis trois ans, aucun sondage sérieux ne donne plus de cinquante députés à la coalition de Netanyahou, alors qu’il en faut soixante pour gouverner. Un retard à combler qui va exiger une intense campagne politique, sans pitié ni relâchement. "Ces élections vont déterminer la nature même d’Israël, estime Gayil Talshir, politologue à l’Université hébraïque de Jérusalem. Soit nous continuons avec cette coalition qui nous mène vers un Etat religieux et nationaliste, soit nous choisissons la voie d’une démocratie libérale tout en restant un Etat souverain pour le peuple juif."

Coincé entre un Donald Trump tout-puissant, qui lui impose sa paix à Gaza et lui interdit d’annexer la Cisjordanie, et ses alliés messianiques — les ministres Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich — déterminés à partir en croisade contre les Palestiniens, Netanyahou s’est malgré tout déjà déclaré candidat à sa propre succession. Comme à son habitude, le stratège israélien garde des cartes en main pour changer son destin… Et se maintenir au pouvoir.

1. Un stratège né

Parler de politique avec Benyamin Netanyahou, "c’est comme jouer aux échecs avec Kasparov", assure Nadav Shtrauchler. "Il travaille et débat en continu avec ses conseillers, dans une sorte de ping-pong géant, et ne s’arrête jamais, de 8 heures du matin à deux heures le lendemain. Il faut littéralement lui courir après", raconte celui qui l’a conseillé pendant sa campagne législative de 2019, un de ses come-back miraculeux qui lui ont valu le surnom de "magicien de la politique israélienne".

D’après ses proches, Netanyahou garde toujours des dizaines de plans en réserve sur une quantité de sujets. Son pire cauchemar : être pris de court. "Il m’a répété que, pour chaque sujet, tu dois avoir deux plans, poursuit Nadav Shtrauchler. Bibi a toujours deux plans qu’il va garder dans sa manche jusqu’à la dernière minute avant de prendre une décision. Cela lui coûte généralement cher d’attendre, de faire durer le plus longtemps possible une situation, mais à la fin c’est lui qui prend les décisions."

Le ministre des Finances israélien, Bezalel Smotrich (à gauche), en compagnie de Benyamin Netanyahou à Jérusalem, le 25 juin 2023.
Le ministre des Finances israélien, Bezalel Smotrich (à gauche), en compagnie de Benyamin Netanyahou à Jérusalem, le 25 juin 2023.

Avec les législatives dans l’air, Netanyahou garde la main sur les sujets d’actualité : en coulisses, il pousse les Américains à "finir le travail" contre le programme nucléaire iranien et, en Israël, il continue de mettre au pas les services de renseignements et de détricoter le système judiciaire. La situation à Gaza, où le plan de paix de Trump reste bloqué à la phase 1, sera aussi l’objet de toutes les incertitudes en raison de la campagne des législatives à venir. "C’est tout à fait le style de Netanyahou de conserver un maximum d’options sur la table, pointe Julie Norman, professeure de relations internationales à l’University College London et auteure de Gaza, The dream and the nightmare (John Wiley and Sons, 2025). A Gaza, il peut faire durer ce statu quo, reprendre la guerre ou retirer ses forces davantage. Pareil en Cisjordanie. Même si les sondages ne le placent pas très haut, toute personne suivant la politique israélienne sait qu’il reste une force majeure et qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour survivre politiquement."

2. Imposer ses thèmes de campagne pour faire oublier le 7-Octobre

Pour l’emporter, Netanyahou sait orienter la conversation nationale. Il a la réputation de décortiquer chaque sondage, chaque étude d’opinion, il connaît ses points forts, ses faiblesses, les thèmes qui le feront gagner, ou perdre à coup sûr. "L’issue de l’élection dépendra du sujet que les Israéliens auront en tête en allant aux urnes : Gaza ou l’Iran, juge Dahlia Scheindlin, spécialiste de l’opinion publique israélienne. Gaza fait perdre Netanyahou : tous les sondages montrent qu’une large majorité d’Israéliens s’oppose à ce qui a été fait là-bas, notamment sur la question des otages, et qu’ils sont épuisés par la guerre. Netanyahou voudra absolument braquer les projecteurs sur chacune de ses autres réussites au Moyen-Orient." Destruction du Hezbollah au Liban, démantèlement de l’Axe de la résistance iranien ou encore chute de la dynastie Assad en Syrie, ennemie héréditaire d’Israël : les sujets ne manquent pas.

Mais cette fois, Netanyahou doit affronter une ombre colossale, le traumatisme d’une génération : les massacres du 7-Octobre. Plus de deux ans après l’attaque terroriste du Hamas, il est le seul officiel à ne pas avoir reconnu sa responsabilité dans la faillite sécuritaire. "Même si les citoyens peuvent avoir la mémoire courte, ils n’oublieront jamais le 7-Octobre, qui s’est produit sous sa garde et fait que nombre de ses propres électeurs ne voteront plus pour lui, reconnaît son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. C’est un immense poids sur ses épaules." La libération des derniers otages vivants et le cessez-le-feu, qui tient tant bien que mal à Gaza, lui laissent toutefois des opportunités.

"Netanyahou reste le chef d’orchestre des campagnes, il peut par exemple tenter d’imposer le thème d’un Etat palestinien dans l’élection, avance Liran Harsgor, politologue à l’Université d’Haïfa. Si les Américains poussent en faveur d’une normalisation avec l’Arabie saoudite et que des négociations débutent avec les Palestiniens, alors Netanyahou pourra dire que lui seul sera capable d’empêcher la création d’un Etat palestinien, ce qui lui rapporterait des points puisqu’une grande majorité des Israéliens s’y opposent aujourd’hui. La question est : que fera l’opposition ? Elle n’a jamais été très douée pour contrer les campagnes de Netanyahou dans le passé et je ne suis pas sûre que les autres partis réussiront à concentrer les débats sur les responsabilités du 7-Octobre."

3. Le maître des horloges

Il y a trois ans, au moment de la formation du gouvernement Netanyahou VI, peu auraient misé sur sa survie jusqu’au terme de son mandat de quatre ans. Israël venait de connaître cinq élections en trois ans, les partis politiques étant incapables de s’entendre pour former une coalition. Alors Netanyahou a ouvert les portes du pouvoir à l’extrême droite messianique, jusque-là reléguée aux marges de la politique israélienne. L’ultranationaliste Itamar Ben Gvir a été nommé ministre de la Sécurité nationale, le colon Bezalel Smotrich aux Finances et Netanyahou a pu reconquérir son trône de Premier ministre.

Le mandat de cet attelage inédit arrive à terme en novembre 2026, ce qui provoquera des élections dans les mois qui viennent, dès que Netanyahou aura décidé de la fin de son gouvernement. "Il va regarder les sondages d’encore plus près que d’habitude pour déclencher ces élections, observe Julie Norman. S’il perçoit une percée de son camp, il convoquera les Israéliens aux urnes. Il est peu probable que nous attendions une année entière pour des élections."

Mal en point dans les sondages, ses alliés d’extrême droite ne feront pas tomber le gouvernement avant le terme du mandat, même s’ils réclament la reprise de la guerre à Gaza et une colonisation de l’enclave palestinienne. Le parti de Smotrich, par exemple, pourrait ne pas passer la barre des 3,25 % des voix, nécessaires pour avoir des élus à la Knesset. "Netanyahou n’a sans doute pas encore pris sa décision mais il a trois options, énumère Gayil Talshir, de l’Université hébraïque de Jérusalem : faire traîner la situation jusqu’à septembre ; appeler immédiatement à des élections, ce qui provoquerait un vote en mars ; ou, dernière option, s’il ne réussit pas à faire adopter un budget, organiser les élections en juin." Jusqu’au bout, Bibi fera durer le suspens.

4. Surfer sur la vague Trump

Un super-héros. Sur les panneaux publicitaires de Tel-Aviv, dans les manifestations et sur les postes de télévision israéliens, son visage s’affiche partout. Donald Trump apparaît, sans conteste, comme l’homme politique le plus populaire en Israël depuis des décennies : après avoir reconnu Jérusalem comme capitale et obtenu les accords d’Abraham pendant son premier mandat, le président américain a cet été imposé le cessez-le-feu à Gaza, obtenu la libération des derniers otages vivants, et rêve maintenant de normaliser les relations de l’Etat hébreu avec l’ensemble du monde arabo-musulman, à commencer par l’Arabie saoudite.

Une bannière portant une photo du président américain Donald Trump accompagnée d'un message est affichée à Tel Aviv le 22 juin 2025. Le président Donald Trump a déclaré que l'armée américaine avait mené des frappes le 22 juin sur trois sites nucléaires iraniens et que Téhéran « doit maintenant accepter de mettre fin à cette guerre », après des jours de spéculation sur la question de savoir si les États-Unis allaient se joindre à la campagne de bombardement de leur allié Israël. (Photo par Ahmad GHARABLI / AFP)
Une bannière portant une photo du président américain Donald Trump accompagnée d'un message est affichée à Tel Aviv le 22 juin 2025. Le président Donald Trump a déclaré que l'armée américaine avait mené des frappes le 22 juin sur trois sites nucléaires iraniens et que Téhéran « doit maintenant accepter de mettre fin à cette guerre », après des jours de spéculation sur la question de savoir si les États-Unis allaient se joindre à la campagne de bombardement de leur allié Israël. (Photo par Ahmad GHARABLI / AFP)

En 1996 à Washington, à la sortie d’un entretien entre le tout jeune Premier ministre Netanyahou et le président Bill Clinton, ce dernier avait lâché, d’après son conseiller Aaron David-Miller : "Mais qui est la putain de superpuissance ici ?" Bibi s’est toujours vanté de savoir imposer sa loi aux présidents américains. Mais face à Trump, il doit s’écraser. "Israël est devenu un protectorat américain", a raillé son ancien conseiller Steve Bannon après la signature du cessez-le-feu.

Netanyahou compte toutefois retourner cette relation à son avantage et surfer sur la popularité de Trump chez ses concitoyens. Lors de sa tournée triomphale en Israël, le 13 octobre, le président américain a tressé les louanges du Premier ministre, "un homme au courage exceptionnel", et a réclamé une grâce présidentielle pour le tirer de ses déboires avec la justice israélienne. "Netanyahou a su se montrer patient et a retardé de nombreuses décisions parce qu’il misait sur la victoire de Trump [à la présidentielle de 2024], souligne son ancien conseiller Nadav Shtrauchler. Ils sont tous les deux à 100 % sur la même ligne. De nombreux pays se sont opposés à lui et à Israël, mais Netanyahou a misé sur la qualité et non sur la quantité, et la qualité s’appelle Trump. Il l’a prouvé en bombardant l’Iran [aux côtés des Israéliens] en juin."

5. Un règne sans partage sur le premier parti du pays

Si les sondages ne le donnent pas favori, Netanyahou garde un atout de poids : la machine de guerre politique du Likoud, qui reste le premier parti israélien. "C’est un avantage majeur de régner sans conteste sur son parti, développe Eytan Gilboa, de l’Université Bar-Ilan. A l’intérieur du Likoud, tout le monde a peur de le contredire et de risquer l’exclusion du Parlement ou d’un poste dans les institutions. Netanyahou n’a aucune opposition interne et peut manœuvrer à sa guise."

D’autant que le Premier ministre pourrait se satisfaire d’une défaite de l’opposition, à défaut de lui-même remporter les élections. S’il n’y a pas de gouvernement à l’issue du prochain vote, de nouvelles élections auront lieu jusqu’à ce que la situation se débloque. Une manière de maintenir Netanyahou en vie, comme lors des cinq scrutins qui ont eu lieu entre 2019 et 2022. "Tous les sondages lui donnent un maximum de 50 députés à la Knesset, or il en faut 61 pour gouverner, résume Eytan Gilboa. Mais il faut noter que l’opposition n’en obtient pour l’instant que 59 ou 60, donc le but de Netanyahou sera d’abord de les empêcher de gagner, puis de gagner lui-même." Ce sera la clé d’un nouveau come-back pour le "magicien" Netanyahou.

© AFP

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 21 mai 2025.
Reçu avant avant-hier L'Express

Paris recommande aux Français de quitter temporairement le Mali "dès que possible"

7 novembre 2025 à 17:31

La France recommande aux ressortissants français de quitter temporairement le Mali "dès que possible", alors que la capitale Bamako et de nombreuses régions du pays sont peu à peu asphyxiées par un blocus djihadiste, selon une note aux voyageurs postée vendredi 7 novembre par le ministère français des Affaires étrangères.

"Depuis plusieurs semaines, le contexte sécuritaire se dégrade au Mali, y compris à Bamako", souligne cette note. "Il est recommandé aux ressortissants français de prévoir un départ temporaire du Mali dès que possible par les vols commerciaux encore disponibles", ajoute-t-elle, précisant que "les déplacements par voie terrestre restent déconseillés, car les routes nationales sont actuellement la cible d'attaques de groupes terroristes".

Le ministère rappelle en outre qu'il "reste formellement déconseillé de se rendre au Mali, quel que soit le motif". Interrogé par l'AFP, il n'était pas immédiatement en mesure de dire si la consigne s'adresse également aux personnels de l'ambassade.

Hausse marquée des violences djihadistes ces derniers jours

Jeudi, le porte-parole du ministère Pascal Confavreux avait souligné que la France suivait "avec une grande attention et avec une véritable préoccupation" la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, où les violences djihadistes ont redoublé d'intensité ces derniers jours.

Pour l'heure, "le dispositif diplomatique est inchangé, avec l'ambassade de France ouverte, dirigée par un chargé d'affaires qui s'occupe notamment de la protection consulaire de nos 4.300 ressortissants inscrits sur la liste consulaire", avait-il indiqué. "Leur sécurité est prioritaire", avait-il insisté.

Depuis 2012, le Mali fait face à une profonde crise sécuritaire, nourrie notamment par les violences des djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaïda) et de l'organisation Etat islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires. Et depuis plusieurs semaines, les djihadistes du JNIM imposent jusqu'à Bamako un blocus sur les importations de carburant, étranglant l'économie du pays sahélien enclavé.

La semaine dernière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient annoncé l'évacuation de leur personnel "non essentiel" et de leurs familles face à la dégradation de la situation.

© afp.com/MICHELE CATTANI

Un soldat patrouille le long d'une rivière à Konna, au Mali, le 20 mars 2021

Les Etats-Unis accusent l'Iran d'avoir voulu assassiner l'ambassadrice d'Israël au Mexique

7 novembre 2025 à 17:17

Les Etats-Unis ont accusé vendredi 7 novembre l'Iran d'avoir voulu assassiner l'ambassadrice d'Israël au Mexique, dans ce qui serait la dernière tentative en date de Téhéran d'exporter dans une autre région le conflit entre les deux pays. "Le complot a été déjoué et ne représente pas actuellement une menace", a déclaré un responsable américain sous le couvert de l'anonymat.

Selon la même source, ce projet d'assassinat a été initié en 2024 par la Force Qods, branche des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran et a été déjoué cette année.

"Ce n'est que le dernier épisode d'une longue série d'attaques meurtrières perpétrées par l'Iran visant des diplomates, journalistes, dissidents et toute personne en désaccord avec eux, ce qui devrait vraiment inquiéter tous les pays où il y a une présence iranienne", a ajouté le responsable américain. Il n'a cependant pas fourni de preuves détaillées, ni expliqué comment le complot avait été déjoué.

Des agents iraniens ont cherché des cibles en Amérique latine

Les services de renseignement américains avaient déjà annoncé que des agents iraniens avaient cherché des cibles en Amérique latine, où la République islamique s'est alliée avec le président vénézuélien Nicolas Maduro.

La mission iranienne à l'ONU, interrogée par l'AFP, s'est refusée à tout commentaire. De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a remercié Mexico. "Nous remercions les services de sécurité et les forces de l'ordre au Mexique d'avoir déjoué un réseau terroriste dirigé par l'Iran qui cherchait à attaquer l'ambassadrice d'Israël au Mexique", Einat Kranz Neiger, dit un bref communiqué.

L'origine du projet

Le projet serait né après les frappes aériennes imputées à Israël en avril 2024 sur l'annexe consulaire de l'ambassade d'Iran à Damas, en Syrie, provoquant la mort de plusieurs membres du corps des Gardiens de la révolution.

L'Iran, soutien de longue date du Hamas palestinien, avait alors juré de riposter et lancé une attaque de missiles et de drones contre Israël. En juin dernier, Israël a lancé une campagne de bombardements sans précédent contre l'Iran, tuant des hauts gradés et des scientifiques liés au programme nucléaire iranien ainsi que des centaines de civils. L'Iran a riposté avec des missiles et des drones lancés contre Israël. La guerre a duré 12 jours.

Sur ordre de Donald Trump, les forces américaines ont bombardé le 22 juin trois importants centres nucléaires dans le centre de l'Iran.

Les services de renseignement israéliens ont accusé par le passé la Force Qods de comploter contre des cibles israéliennes et juives à l’étranger. En 2024, l’Australie a expulsé l'ambassadeur de l’Iran qu'elle accusait d'être impliqué dans deux incendies volontaires - contre une synagogue à Melbourne et un restaurant casher à Sydney.

En 1994, un attentat à la bombe dans un bâtiment de Buenos Aires abritant plusieurs associations juives avait causé la mort de 85 personnes. Israël avait alors affirmé que l'attaque avait été perpétrée par le Hezbollah à la demande de Téhéran.

© Eyepix / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Des policiers montent la garde pour empêcher les manifestants de passer lors d’un rassemblement près de l’ambassade d’Israël à Mexico, au Mexique, le 20 septembre 2025, en soutien à la flottille mondiale Sumud, qui se dirige vers la bande de Gaza.

Visas russes en Europe : la riposte de Bruxelles aux attaques hybrides du Kremlin

7 novembre 2025 à 13:14

L’Union européenne a annoncé vendredi 7 novembre des règles plus strictes en matière de délivrance de visas pour les citoyens russes afin de renforcer sa sécurité après plusieurs attaques hybrides attribuées à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. "Lancer une guerre et s’attendre à pouvoir se déplacer librement en Europe est difficile à justifier", a souligné sur X la cheffe de la diplomatie de l’UE Kaja Kallas.

A compter de vendredi, les ressortissants russes ne pourront plus recevoir de visas à entrées multiples, mais uniquement des visas valables pour une seule entrée dans l’UE, a précisé la Commission européenne. Ces restrictions doivent permettre un examen plus attentif et répété des demandes de visa afin "de réduire tout risque potentiel pour la sécurité".

"Nous sommes désormais confrontés à des perturbations et des sabotages sans précédent causés par des drones sur notre territoire. Nous avons le devoir de protéger nos citoyens", a expliqué Kaja Kallas.

L’objectif est aussi de permettre une application uniforme dans tous les Etats membres, qui ont tous approuvé ces mesures. Des exceptions pour "des cas justifiés tels que les journalistes indépendants et les défenseurs des droits humains" sont prévus dans le cadre de ces nouvelles règles.

"Contre productif", selon la veuve d’Alexeï Navalny

Les 27 ont déjà renforcé les contrôles sur les déplacements des diplomates russes en poste dans les pays de l’UE. Certains pays de l’UE, parmi les plus hostiles à la Russie, plaident depuis longtemps pour limiter les déplacements dans l’UE des ressortissants russes.

Pour Ioulia Navalnaya, la veuve de l’opposant russe Alexeï Navalny, de telles restrictions donnent au contraire des arguments au Kremlin lorsqu’il dénonce l’hostilité de l’Occident à l’encontre du peuple russe. "Dans le but de favoriser la paix en Europe, il est contre-productif d’aider les autorités russes à isoler la société russe", a-t-elle ainsi écrit dans une lettre adressée en septembre à la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.

L’UE a suspendu en 2022, après l’invasion russe de l’Ukraine, son accord facilitant l’obtention de visas pour les citoyens russes. Bruxelles affirme que cela a fait chuter le nombre de visas délivrés aux Russes, qui est passé de plus de quatre millions avant février 2022 à environ 500 000 en 2023. Mais selon des diplomates européens, ce chiffre est reparti à la hausse l’an dernier. Les destinations touristiques comme la France, l’Espagne et l’Italie figurent parmi les pays délivrant le plus de visas aux citoyens russes.

© afp.com/NICOLAS TUCAT

La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, à Bruxelles, le 14 juillet 2025

Plus moderne et plus puissant : ce nouveau porte-avions chinois qui montre les progrès de Pékin

7 novembre 2025 à 11:50

La Chine a annoncé vendredi 7 novembre la mise en service de son troisième porte-avions, son premier équipé d’un système de catapultes électromagnétiques, marquant un jalon crucial dans la modernisation de sa marine face aux Etats-Unis.

Cette technologie moderne de catapultage, que seuls les Etats-Unis possédaient jusqu’à présent, permet au navire, le Fujian, de propulser une plus grande variété d’avions, plus lourdement armés et avec un meilleur rayon d’action que ses deux prédécesseurs. Engagé dans une rivalité navale avec Washington en mer de Chine méridionale et autour de Taïwan, Pékin reste toutefois sensiblement derrière les Américains en termes de capacité de projection, soulignent la plupart des analystes.

Le Fujian, qui avait effectué ses premiers essais en mer en 2024, a été officiellement mis en service lors d’une cérémonie qui s’est tenue mercredi sur l’île tropicale de Hainan (sud), en présence du président Xi Jinping, a rapporté l’agence d’Etat Chine Nouvelle. Plus de 2 000 personnes ont assisté à l’événement, a rapporté l’agence qui a fait état d’une "atmosphère enthousiaste". "Après la cérémonie, Xi Jinping est monté à bord […] et s’est informé du développement des capacités de combat du système de porte-avions ainsi que de la construction et l’application du système de catapultage électromagnétique", a précisé la même source.

"Jalon important"

Le Fujian, à propulsion conventionnelle (et non nucléaire), est le plus grand et le plus avancé des porte-avions chinois. Le pays en comptait jusqu’ici deux : le Liaoning, de conception soviétique et acheté à l’Ukraine en 2000, et le Shandong, premier porte-avions à avoir été construit en Chine, mis en service en 2019. Dépourvus de catapultes, ils sont équipés d’une rampe de type "tremplin", qui ne permet pas aux avions de décoller avec autant de puissance. Cela les contraint à emporter moins d’armes et de carburant.

Le Fujian est équipé d’une catapulte à système électromagnétique (de type "EMALS"), alors que la plupart des catapultes classiques des porte-avions fonctionnent à la vapeur - une technologie moins performante. Le seul autre porte-avions actuellement équipé de ce système est le Gerald R. Ford, de la marine américaine.

La Chine avait diffusé en septembre des vidéos de décollages et d’appontages d’avions (dont son chasseur furtif J-35, de cinquième génération) depuis le Fujian. La télévision étatique CCTV avait loué un "jalon important" dans la modernisation de la marine.

"Aucun pays occidental, à part les Etats-Unis, n’exploite un porte-avions d’une taille et de capacités similaires", souligne auprès de l’AFP Alex Luck, spécialiste des armements navals. "Il faudra encore plusieurs années avant que ce porte-avions atteigne une réelle capacité de combat" et "la Chine devra disposer de plusieurs porte-avions de ce type" pour "bouleverser réellement l’équilibre des forces", nuance-t-il.

"La marine chinoise reste en retard sur ses adversaires potentiels — en particulier les Etats-Unis — en matière d’expérience opérationnelle cumulée, de formation des groupes aéronavals et, surtout, d’expérience du combat réel", ce dernier point étant un "handicap majeur", indique à l’AFP Collin Koh, spécialiste des questions navales en Asie-Pacifique à l’Université de technologie de Nanyang, à Singapour.

Bientôt un quatrième ?

Ces dernières années, les passages de porte-avions chinois en mer de Chine méridionale, près d’îles disputées, et autour de Taïwan, île revendiquée par Pékin, ont provoqué l’appréhension de Washington. Jusqu’ici toutefois, "la Chine n’a pas utilisé ses porte-avions pour projeter de la puissance à longue distance, et le Fujian ne changera probablement pas cette dynamique", note Alex Luck, selon qui le navire servira surtout à "la formation et aux exercices".

Il sera "plus vraisemblablement utilisé pour poursuivre les essais" et "tirer de nouveaux enseignements destinés aux futurs" porte-avions, abonde Collin Koh, sans exclure qu’il soit sollicité pour "des exercices autour de Taïwan".

La Chine investit depuis plusieurs décennies dans la modernisation de ses forces armées, au diapason de son poids diplomatico-économique. Cette tendance suscite l’appréhension de certains de ses voisins asiatiques. Pékin affirme lui avoir une politique militaire "défensive" et vouloir uniquement préserver sa souveraineté. Des rumeurs persistantes font état d’un quatrième porte-avions en cours de construction, qui pourrait être mis en service au début des années 2030.

© afp.com/Handout

Capture vidéo datée de mai 2024 et fournie par le ministère de la Défense chinois du troisième porte-avions de la Chine, le Fujian

De Paris à Berlin, la gauche européenne veut s’inspirer de la victoire de Zohran Mamdani

7 novembre 2025 à 10:46

Et si la gauche européenne avait devant elle la recette miracle ? L’élection du socialiste et très progressiste Zohran Mamdani, 34 ans, à la tête de New York le 5 novembre a suscité un nouvel élan pour la gauche à travers le Vieux continent. A commencer par la France, où de nombreuses figures, des Insoumis aux Verts en passant par le PS, ont salué cette victoire, identifiant parfois la stratégie de leur parti à celle du candidat dans un effort pour valider la propre radicalité de leurs propositions.

Symbole d’une gauche assumée et proche du peuple, la victoire de Zohran Mamdani ravive les espoirs français. Mais elle met aussi en lumière les profondes divisions qui subissent et empêchent les gauches françaises de peser en faisant bloc.

Toute la gauche française se voit dans Zohran Mamdani

"Cette victoire porte en elle une leçon : seule la gauche de rupture peut battre l’extrême droite", a rapidement réagi sur X la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot, dans une analogie manifeste avec la situation française et la perspective d’un deuxième tour face au RN en 2027. La France insoumise se reconnaît dans ce socialiste du Parti démocrate qui s’est opposé aux leaders de son mouvement et a émergé avec un programme s’adressant aux classes populaires, et un discours résolument pro-palestinien. "Ce n’est pas en édulcorant le libéralisme économique que l’on gagne, mais en le combattant bec et ongles", a ajouté l’eurodéputée Manon Aubry. Celle-ci estime que Zohran Mamdani a réussi "à renverser la table avec des propositions radicalement concrètes (gel des loyers, bus gratuits, crèches publiques…) et sans jamais détourner le regard sur le racisme et Gaza".

Plusieurs autres figures fortes et candidats possibles à une primaire de la gauche avant la présidentielle ont félicité le succès de Zohran Mamdani lors de la primaire qui lui a permis de "renverser l’establishment démocrate". "Comment a-t-il renversé la table ? Par une primaire. Par la question sociale comme obsession. Par une campagne de terrain. Par un candidat qui se fait reporter", s’est ainsi félicité François Ruffin. "Un candidat élu par une primaire innovante" avec "un profil franchement de gauche", a salué Clémentine Autain.

La secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier s’est elle aussi réjouie du succès du candidat résolument anti-Trump, "né en Ouganda, musulman, écologiste et authentiquement de gauche". "Dans la bascule fasciste en cours aux Etats-Unis, cette victoire est une source d’espoir incroyable et une inspiration pour la gauche qui ne renonce ni à ses valeurs, ni à gouverner pour changer la vie des gens maintenant", a jugé celle qui se positionne à mi-distance des Insoumis et des socialistes. Le numéro 1 du PS Olivier Faure se dit "parfaitement en phase" avec le programme de Mamdani, notamment sur la défense des services publics. "Il se revendique comme socialiste, mais à la sauce américaine. Ce n’est pas un insoumis" a-t-il rappelé.

L’Europe veut "prendre note"

Ailleurs en Europe, d’autres partis de gauche espèrent tirer parti de l’élan créé par la victoire de Zohran Mamdani, affirmant qu’ils ne dilueront pas leurs politiques et ne se laisseront pas aspirer par le champ de bataille de la droite autour de l’immigration.

Zack Polanski, premier dirigeant juif et ouvertement homosexuel du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, comparé à Zohran Mamdani pour son usage des réseaux sociaux et ses appels à un impôt sur la fortune, s’est réjoui : "C’est important — non seulement pour New York, mais je pense que cela résonne dans le monde entier. Il s’agit d’améliorer la vie des gens, de reconnaître l’inégalité qui règne au cœur de New York, mais aussi dans une grande partie du monde. Et il s’agit de dire : faisons baisser les factures des gens et taxons les multimillionnaires et les milliardaires".

En Allemagne, le parti anticapitaliste Die Linke voit dans cette victoire une source d’inspiration pour les élections locales à Berlin. "Si notre parti a fait mieux que prévu lors des élections fédérales allemandes de février, c’est en utilisant le même schéma que Zohran Mamdani : se concentrer sur les questions liées au coût de la vie, solliciter les petits donateurs et investir massivement dans des opérations de porte-à-porte avec des bénévoles" affirme Liza Pflaum, responsable au sein de Die Linke auprès de Politico. Le chef de file du parti Jan van Aken assuré auprès de Reuters être "en contact avec Zohran Mamdani et son équipe, et nous apprenons les uns des autres. Sa campagne est un modèle pour les élections berlinoises de l’an prochain. La victoire de Zohran Mamdani nous donne de l’élan".

En Espagne, plusieurs figures de Sumar et Podemos, dont Ione Belarra, ministre espagnole de l’Égalité, ont salué le succès du démocrate américain : "Il apparaît de plus en plus évident que la droite est mieux contenue par une gauche forte et courageuse qui défend ses droits. Prenons-en note". Tandis qu’en Italie, la cheffe du parti démocrate Elly Schlein s’est félicitée du "triomphe de la politique de l’espoir sur la politique de la peur".

Modèle de victoire

La semaine dernière, plusieurs personnalités de gauche venues de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni s’étaient rendues à New York pour étudier la campagne de Zohran Mamdani et pouvoir reproduire son approche. Dans un contexte de montée de l’extrême droite et de défiance envers les partis traditionnels, l’élection d’un maire socialiste américain porté par un programme de rupture offre ce qui pourrait être un modèle de victoire à la gauche européenne. En s’appropriant ce succès new-yorkais, celle-ci veut montrer qu’un retour au pouvoir au possible. A condition toutefois de mettre en place des stratégies concrètes, et de savoir adapter la recette de Zohran Mamdani à l’électorat européen.

© afp.com/ANGELA WEISS

L’élection à la tête de New York du socialiste Zohran Mamdani, porté par un programme de rupture, offre à la gauche européenne ce qui pourrait être un modèle de victoire.

Gaza : Donald Trump dit qu’une force internationale sera déployée "très bientôt"

7 novembre 2025 à 09:44

Près d’un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, Donald Trump a affirmé jeudi 6 novembre qu’une force internationale serait déployée "très bientôt" à Gaza. Une telle force est prévue dans l’accord qui a conduit à la trêve entre les deux belligérants, après deux ans de guerre dévastatrice déclenchée par l’attaque du Hamas. Selon les termes de cet accord, elle sera composée d’une coalition en majorité composée de pays arabes et musulmans, et déployée à Gaza pour y superviser la sécurité à mesure que l’armée israélienne s’en retirera. D’après les informations du Wall Street Journal, l’Etat hébreu a d’ailleurs commencé à réduire le nombre de réservistes mobilisés à Gaza et dans d’autres régions, signe que les tensions diminuent, même si la paix durable est loin d’être encore assurée.

Les infos à retenir

⇒ Donald Trump dit qu’une force internationale sera déployée "très bientôt" à Gaza

⇒ Le Kazakhstan va rejoindre les accords d’Abraham

⇒ L’Iran condamne les attaques israéliennes "sauvages" sur le Liban

Donald Trump dit qu’une force internationale sera déployée "très bientôt" à Gaza

Donald Trump a affirmé jeudi qu’une force internationale serait déployée "très bientôt" à Gaza, au lendemain de l’annonce par les Etats-Unis d’un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à soutenir le plan de paix du président américain.

"Très bientôt. Ça va arriver très bientôt. Et ça se passe bien à Gaza", a répondu Donald Trump à une question d’un journaliste sur le déploiement annoncé d’une telle force dans le territoire palestinien, qui fait face à une situation humanitaire toujours très précaire près d’un mois après l’entrée en vigueur d’une trêve entre Israël et le Hamas.

"On a plusieurs pays qui se sont portés volontaires pour intervenir en cas de problème avec le Hamas, par exemple, ou pour tout autre problème", a-t-il ajouté lors d’un échange avec la presse en marge d’une rencontre diplomatique à la Maison-Blanche avec des dirigeants d’Asie centrale.

Les Etats-Unis ont présenté mercredi à des pays partenaires un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à soutenir le plan de paix de Donald Trump à Gaza, incluant le déploiement d’une force internationale. L’ambassadeur Mike Waltz a réuni mercredi les dix membres élus du Conseil ainsi que plusieurs partenaires régionaux (Egypte, Qatar, Emirats arabes unis, Arabie saoudite, Turquie), selon la mission américaine à l'ONU, notant que cela témoignait du "soutien régional" à ce texte.

Le Kazakhstan va rejoindre les accords d’Abraham

Le Kazakhstan a annoncé jeudi qu’il rejoindrait les accords d’Abraham, un processus qui en 2020 avait vu plusieurs pays arabes normaliser leurs relations avec Israël, une décision qualifiée de "réels progrès" par le président américain.

"Je viens d’organiser une excellente conversation téléphonique entre le Premier ministre israélien et le président kazakh Kassym-Jomart Tokayev. Le Kazakhstan est le premier pays de mon second mandat à rejoindre les accords d’Abraham, le premier d’une longue série", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social, se réjouissant "d’une avancée majeure dans la construction de ponts à travers le monde".

Le pays d’Asie centrale a toutefois déjà des relations diplomatiques avec Israël, contrairement aux premiers signataires. "Notre inclusion à venir dans les accords d’Abraham constitue une continuation naturelle et logique de la trajectoire de la politique étrangère du Kazakhstan, fondée sur le dialogue, le respect mutuel et la stabilité régionale", a indiqué le gouvernement du Kazakhstan dans un communiqué diffusé par son ambassade aux Etats-Unis.

En 2020, les accords d’Abraham ont mené à la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes : les Emirats arabes unis, Bahreïn, Maroc et Soudan. Mais nombre d’Etats ont jusqu’ici refusé de se joindre à ce processus, en particulier l’Arabie saoudite, ainsi que la Syrie et le Liban, voisins d’Israël.

L’Iran condamne les attaques israéliennes "sauvages" sur le Liban

L’Iran a condamné vendredi les attaques israéliennes qu’il a qualifiées de "sauvages" après les frappes menées la veille au Liban par son ennemi sur des cibles du Hezbollah, soutenu par Téhéran. Le ministère iranien des Affaires étrangères a dénoncé des "attaques sauvages" et appelé "les Nations unies, la communauté internationale et les pays de la région à faire face au bellicisme" d’Israël.

L’armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené des frappes sur des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à les évacuer.

L’armée libanaise a elle estimé que les raids israéliens visaient à "empêcher l’achèvement" de son déploiement dans cette région, conformément à l’accord de cessez-le-feu qui avait mis fin le 27 novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël. Le président Joseph Aoun de son côté a accusé jeudi Israël de rejeter les ouvertures diplomatiques de Beyrouth : plus Beyrouth "exprime son ouverture à des négociations pacifiques pour résoudre les différends en suspens avec Israël, plus Israël persiste dans son agression contre la souveraineté libanaise", a-t-il déclaré.

De "graves incidents" à la Philharmonie de Paris lors d'un concert d'un orchestre israélien

Quatre personnes ont été placées en garde à vue après des incidents survenus jeudi soir à la Philharmonie de Paris lors d'un concert de l'Orchestre philharmonique d'Israël, a indiqué le parquet de Paris ce vendredi 7 novembre, sollicité par l'AFP. Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a "condamné fermement (ces) agissements", via un message sur X. "Rien ne peut les justifier", a-t-il ajouté, précisant que des policiers "ont permis l'interpellation rapide de plusieurs auteurs de troubles graves à l'intérieur de la salle et de contenir les manifestants à l'extérieur".

Dans un communiqué annonçant qu'elle avait porté plainte, la Philharmonie a précisé que "à trois reprises, des spectateurs en possession d'un billet ont tenté de diverses manières d'interrompre le concert, dont deux fois avec l'usage de fumigènes. Des spectateurs se sont interposés et des affrontements ont eu lieu".

Ces derniers jours, la polémique avait enflé sur la tenue de ce concert, des militants pro-palestiniens demandant son annulation tandis que la CGT-Spectacle réclamait que la Philharmonie "rappelle à son public les accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants" d'Israël, notamment dans la guerre à Gaza. Le dispositif de sécurité autour du concert avait été renforcé.

© afp.com/Jack GUEZ

Des soldats israéliens prennent position près de la barrière frontalière entre Israël et Gaza, le 30 octobre 2025

Tesla : cette victoire d’Elon Musk pourrait faire de lui le premier trillionnaire de l’Histoire

7 novembre 2025 à 08:08

L’homme le plus riche du monde pourrait bientôt devenir l’homme le plus riche de l’Histoire. Elon Musk, patron entre autres de l’entreprise automobile Tesla, a vu approuver jeudi 6 novembre un plan de rémunération colossal qui pourrait lui rapporter jusqu’à 1 000 milliards de dollars en dix ans. Plus de 75 % des actionnaires réunis à Austin (Texas) ont voté en faveur du projet.

Après l’annonce des résultats, Elon Musk est sorti des coulisses sous les hourras et les applaudissements des quelques centaines de participants à cette AG, retransmise en direct sur Internet. "Merci de tout cœur pour ceux qui ont soutenu" les résolutions de la direction, a-t-il déclaré. Détenteur de Tesla, mais aussi du réseau social X, d’entreprises d’intelligence artificielle ou encore de la société d’ingénierie spatiale SpaceX, ancien proche de Donald Trump et membre du gouvernement, Elon Musk détient d’ores et déjà un patrimoine estimé à 500 milliards de dollars.

Un pactole controversé

Le plan hors-norme adopté jeudi, débattu depuis septembre, a profondément divisé. Jusqu’à la dernière minute, partisans et opposants ont tenté de rallier des votes, tandis qu’une manifestation anti-Musk se tenait mercredi à Austin. Parmi les réfractaires figurent le fonds public américain CalPERS et le fonds souverain norvégien, l’un des dix actionnaires principaux de Tesla. "Bien que nous reconnaissions la valeur considérable créée sous la direction visionnaire d"Elon Musk, nous sommes préoccupés par le montant total de la rémunération, la dilution et l’absence de mesures pour atténuer le risque lié à une personne clé", a fait savoir ce dernier mardi.

D’autres s’inquiètent aussi des conséquences des positions politiques extrêmes du multimilliardaire - un temps très proche de Donald Trump -, qui ont affecté les ventes de Tesla, déjà confrontée à la concurrence croissante des modèles chinois, moins chers.

Ses partisans, eux, affirment qu’il faut motiver Musk à se concentrer sur Tesla, qu’il veut transformer en une puissance de l’intelligence artificielle, exploitant des logiciels pour piloter des flottes de véhicules autonomes. La société d’investissement Baron Capital et le conseil d’administration du fonds de pension de l’Etat de Floride (SBA) ont soutenu ce package, soulignant que les précédents étaient tout aussi ambitieux et ont "toujours créé une valeur extraordinaire pour les actionnaires". Ce plan de rémunération démesuré vise aussi à le convaincre de rester à la tête du groupe, après qu’il a laissé entendre qu’il pourrait s’en détourner sans ce feu vert.

Des objectifs titanesques

Pour empocher la totalité de cette somme, Elon Musk devra néanmoins atteindre les objectifs financiers et opérationnels ambitieux fixés par le conseil d’administration. Elon Musk devra notamment multiplier par six la valeur boursière de Tesla, et livrer 20 millions de véhicules électriques en dix ans — plus du double du total produit depuis la création du groupe. Il doit aussi déployer un million de robots humanoïdes, son "robot army" censée révolutionner le travail et la vie domestique.

S’il coche toutes les cases dans les délais prévus, Elon Musk pourrait obtenir jusqu’à 12 % supplémentaires du capital de Tesla, portant sa participation totale entre 25 % et 29 %. Au 12 septembre, il détenait déjà 12,4 % du capital via un trust (soit 413 millions d’actions). En août, il a également reçu 96 millions d’actions au titre de son précédent plan de rémunération, rejeté à deux reprises par la justice avant d’être soumis une troisième fois au vote des actionnaires jeudi.

À mesure qu’il atteindra ces objectifs, Elon Musk recevra de nouvelles actions, augmentant sa fortune déjà estimée par Forbes à 493 milliards de dollars. Cela pourrait lui permettre de dépasser John D. Rockefeller, considéré comme le plus riche Américain de l’histoire : le magnat du pétrole était évalué par le Guinness World Records à 630 milliards de dollars (en valeur actuelle) à son apogée, il y a plus d’un siècle. Elon Musk deviendrait alors le premier trillionnaire de l’Histoire.

© afp.com/Patrick T. Fallon

Elon Musk, patron de Tesla, pourrait devenir le premier trilionnaire de l'histoire.

Syrie : le Conseil de sécurité de l'ONU lève ses sanctions contre le président Ahmed al-Charaa

7 novembre 2025 à 07:31

Le Conseil de sécurité de l'ONU a levé les sanctions jeudi 6 novembre contre le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa, un geste symbolique salué par la Syrie à quelques jours d’une visite historique de l’ancien djihadiste à la Maison-Blanche.

La résolution préparée par les Etats-Unis, adoptée par 14 voix pour et une abstention (Chine), enlève Ahmed al-Charaa et son ministre de l’Intérieur Anas Khattab de la liste des sanctions visant individus et groupes liés aux groupes Etat islamique et Al-Qaïda, soumis à une interdiction de voyage, un gel des avoirs et un embargo sur les armes. Elle salue notamment les engagements des nouvelles autorités syriennes arrivées au pouvoir après le renversement de Bachar el-Assad à "lutter contre le terrorisme, y compris les combattants terroristes étrangers", Al-Qaïda, EI et groupes affiliés.

"Avec l’adoption de ce texte, le Conseil envoie un message politique fort reconnaissant que la Syrie est dans une nouvelle ère", a salué l’ambassadeur américain Mike Waltz. "Le nouveau gouvernement syrien travaille dur pour remplir ses engagements dans la lutte contre le terrorisme et la drogue, dans l’élimination des restes d’armes chimiques et pour promouvoir la sécurité et la stabilité régionale", a-t-il assuré.

Le ministre syrien des Affaires étrangères Assad al-Chaibani a exprimé sur X sa "reconnaissance" envers les Etats-Unis et les autres "pays amis" pour ce vote qui "reflète la confiance croissante dans le leadership du président Charaa". "Cette résolution reflète la volonté des Syriens et des Syriennes […] de faire revenir notre pays à sa place légitime parmi les Nations" et l’espoir de "construire une nouvelle Syrie", a de son côté commenté l’ambassadeur syrien à l'ONU Ibrahim Olabi.

Abstention chinoise

Depuis le Brésil où il est en déplacement, Emmanuel Macron a salué jeudi cette levée des sanctions. "Aujourd’hui était une étape importante", a estimé le président français, soulignant que la décision de l'ONU validait "la stratégie que la France avait commencée". "Nous avons décidé dès le début d’engager avec le président de la transition pour essayer de retrouver l’unité, l’intégrité territoriale de la Syrie, lutter plus efficacement contre la production de drogue, les groupes terroristes et permettre le retour des réfugiés", a-t-il insisté, appelant par ailleurs le président syrien, qu’il a rencontré en marge d’un sommet sur le climat, à "rejoindre la coalition internationale de lutte contre Daech".

Pendant les années ayant suivi la guerre civile en Syrie en 2011, le Conseil avait été largement paralysé sur le dossier syrien, la Russie utilisant régulièrement son droit de veto pour protéger le régime d’Assad. La Russie a voté pour la résolution jeudi. Mais la Chine s’est abstenue. Son ambassadeur Fu Cong s’est notamment inquiété de la présence en Syrie de "combattants terroristes étrangers" capables d'"exploiter" la "situation sécuritaire fragile", déplorant que le Conseil n’ait pas pleinement évalué la situation.

Visite à la Maison-Blanche

Les forces d’Ahmed al-Charaa, dont le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) qu’il dirigeait et a depuis dissous, ont renversé en décembre 2024 l’ancien dirigeant syrien Bachar el-Assad. C’est au titre de leader du HTC que l’ancien djihadiste était inscrit depuis 2013 sur la liste des sanctions de l'ONU. Le HTC était auparavant connu sous le nom de Front al-Nusra, ancienne branche d’Al-Qaïda en Syrie, mais il avait rompu ses liens avec le groupe djihadiste en 2016 et avait cherché à adoucir son image.

Malgré son inscription sur la liste des sanctions de l'ONU, le président par intérim a multiplié depuis son arrivée au pouvoir les déplacements internationaux, bénéficiant à chaque fois d’une exemption du comité de sanctions de l'ONU. Il était venu pour la première fois aux Etats-Unis en septembre pour s’adresser à l’Assemblée générale de l'ONU. Il sera lundi le premier chef d’Etat syrien à être reçu la Maison-Blanche, avait annoncé il y a quelques jours la porte-parole du président américain Karoline Leavitt. Celle-ci a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l’ordre du jour de la réunion lundi.

© afp.com/Kena Betancur

Le président syrien Ahmad al-Chareh le 24 septembre 2025 à New York, lors de l'Assemblée générale des Nations unies

Vladimir Poutine, le grand bluff nucléaire : l'Europe aussi doit apprendre à faire peur

7 novembre 2025 à 05:45

Vladimir Poutine cherche à nous effrayer cet automne en agitant à nouveau le spectre de la guerre nucléaire. Venant d’un président qui a autorité sur le plus grand arsenal atomique de la planète, ce chantage est dangereux. C’est d’autant plus vrai que le contexte international est marqué par une nouvelle course aux armements nucléaires, Chine en tête, et par l’érosion des traités censés les contrôler. Mais justement, Poutine voudrait instiller la peur en Europe. L’épouvantail de l’apocalypse nucléaire, tout comme l’envoi répété de drones dans des pays stratégiquement choisis, a pour but d’intimider et de diviser le camp européen afin de saper le soutien occidental à l’Ukraine.

Si elle veut résister, l’Europe doit réinventer l’équilibre de la terreur, qui avait empêché un conflit atomique pendant toute la guerre froide. Car même Vladimir Poutine, malgré ses postures de matamore, a peur de mourir ; son comportement de reclus pendant l’épidémie de Covid l’a prouvé. Cela suppose d’être capable de manier le langage de la dissuasion, ce qui donne une responsabilité particulière à la France et au Royaume-Uni, les deux seules puissances nucléaires du Vieux Continent. Cela implique aussi de garder son sang-froid et d’éviter les déclarations à l’emporte-pièce telles que celles du ministre belge de la Défense, Theo Francken, qui a menacé de "raser Moscou" si un missile russe venait à frapper Bruxelles.

Cela signifie enfin que les Européens doivent avoir les moyens de riposter avec des armes classiques dans le cas, envisagé par de nombreux stratèges occidentaux aujourd’hui, d’une agression russe conventionnelle, visant par exemple un Etat balte, qui serait menée à l’abri d’une tentative d’intimidation nucléaire. Il est illusoire de compter uniquement sur des dispositifs antimissiles ou de prétendus "murs antidrones" pour protéger le front oriental du continent. Toute dissuasion efficace nécessite la détention d’épées pour frapper et pas seulement de boucliers pour se défendre.

Un avantage psychologique considérable

Dans un conflit, l’adversaire qui parvient à faire croire qu’il est prêt à mettre en œuvre une frappe atomique en cas de nécessité absolue obtient un avantage psychologique considérable. C’est ce que Poutine cherche à faire depuis l’invasion de l’Ukraine de 2022, au moyen de divers stratagèmes qui avaient culminé en 2024 avec l’emploi pour la première fois d’un missile Orechnik dans une frappe visant une fabrique d’armes dans la ville ukrainienne de Dnipro. Ce vecteur russe à portée intermédiaire est capable d’embarquer plusieurs ogives nucléaires. La même année, la Russie a adopté une révision de sa doctrine nucléaire afin d’abaisser le seuil d’emploi de la Bombe.

Ces derniers jours, le Kremlin a fait monter la pression en testant "avec succès" deux armes prétendument capables de délivrer une frappe nucléaire de manière inédite : un drone sous-marin, conçu pour emporter une charge de 2 mégatonnes susceptible de réduire un port à l’état de poussière, et un missile intercontinental à propulsion nucléaire, susceptible de délivrer sa charge à 14 000 kilomètres de distance en changeant plusieurs fois de direction pour éviter les interceptions.

Bien que l’efficacité réelle de ces armes soit sujette à caution, l’annonce russe a incité Donald Trump à laisser entendre que les Etats-Unis pourraient reprendre leurs tests nucléaires suspendus depuis 33 ans. A quoi Vladimir Poutine a répliqué que dans ce cas, la Russie aussi reprendrait ses tests. Le tyran du Kremlin veut faire croire qu’il est prêt à prendre le risque d’un cataclysme nucléaire pour atteindre ses deux buts de guerre, qui sont la soumission de l’Ukraine et l’éclatement de l’Otan. Mais le fait qu’il soit contraint d’en arriver là est aussi un aveu de faiblesse de sa part. Les avancées de son armée en Ukraine restent millimétriques et les dernières sanctions américaines contre son secteur pétrolier sont douloureuses.

Quoi qu’il en soit, l’Europe doit tenir compte à la fois de l’érosion de la crédibilité du parapluie nucléaire américain, depuis que Donald Trump a mis en doute la garantie de Washington de défendre ses alliés de l’Otan, et du désengagement de l’Amérique des affaires européennes, en raison de la priorité stratégique accordée désormais à l’endiguement de la Chine. L’annonce la semaine dernière du retrait d’une brigade américaine déployée en Roumanie en est un nouveau signe. Le Pentagone a présenté sa décision comme une réponse "aux capacités et aux responsabilités accrues" de l’Europe. Pourtant, celles-ci sont encore largement virtuelles. La réflexion, à mener en commun avec l’Allemagne, sur la dimension européenne de la force de dissuasion française, n’en est que plus urgente.

© Ramil Sitdikov / POOL / AFP

Le président russe Vladimir Poutine, le 26 septembre 2025 à Moscou.

Russie : des soutiens de Vladimir Poutine désormais visés par sa politique de répression

6 novembre 2025 à 19:42

La répression orchestrée par Vladimir Poutine, jusqu’ici dirigée contre les opposants, semble désormais se retourner contre ses propres défenseurs. Une purge silencieuse s’abat sur ceux qui, il y a encore peu, célébraient la guerre et faisaient l’éloge du Kremlin. Etre loyal envers le régime devient aujourd’hui un risque : les partisans du président russe se retrouvent dans le collimateur de l’appareil répressif qu’ils servaient.

Les soutiens désormais ciblés

Pendant des années, certaines figures pro-Kremlin ont incarné la ferveur patriotique que Moscou cherchait à promouvoir. Parmi elles, un commentateur médiatique qui louait la grandeur de Poutine sur les chaînes étrangères, un blogueur militant collectant des fonds pour les troupes russes et prônant une rhétorique génocidaire contre l’Ukraine, et un volontaire ukrainien de l’armée russe, commentateur pour RT, qui regrettait que l’invasion n’ait pas commencé plus tôt.

Mais la loyauté ne protège plus. Ces personnalités, ainsi que d’autres fidèles du Kremlin, ont été récemment étiquetées comme "agents étrangers", une appellation qui servait autrefois uniquement à stigmatiser les voix critiques de Vladimir Poutine. Cette désignation les oblige à se déclarer publiquement, sur les réseaux sociaux. En conséquence, cela les plonge dans des difficultés financières importantes.

Parmi eux, Sergueï Markov, analyste politique proche des élites azerbaïdjanaises, est tombé en disgrâce après la détérioration des relations entre Moscou et Bakou. Il a rapidement contesté cette étiquette, qualifiant sa situation de "malentendu". Roman Alyokhin, blogueur pro-guerre, a, lui, été accusé de détourner des fonds destinés aux troupes russes, après avoir exposé sur ses réseaux une voiture de sport et une montre de luxe. Ce retournement montre que même les soutiens les plus engagés du Kremlin ne sont désormais plus à l’abri.

"Discréditation de l'armée russe"

Les purges continuent également de frapper ceux qui ont longtemps été considérés comme des ennemis du régime. La commentatrice d’origine ukrainienne Tatiana Montyan a été récemment qualifiée de "terroriste et extrémiste", une désignation réservée aux adversaires les plus redoutés du président russe. Elle fait également l’objet d’enquêtes pour détournement de fonds, rejoignant le sort d’anciens collaborateurs d’Alexeï Navalny.

En octobre, la chanteuse Diana Loguinova dite Naoko, le batteur Vladislav Leontiev et le guitariste Sacha avaient été placés en détention durant deux semaines, d'après Le Temps. "Leur 'crime' ? Avoir interprété dans les rues de la 'capitale du Nord' russe des morceaux de certains de leurs aînés, des musiciens bannis du pays pour leur opposition à l’invasion de l’Ukraine, comme Zemfira, le groupe Monetotchka ou le rappeur Noize MC", écrit le quotidien suisse. Leur détention a ensuite été prolongée, les accusations initiales de "hooliganisme" et de "trouble à l’ordre public" étant désormais complétées par celles, plus graves, de "discréditation de l’armée russe".

Moscou n’a pas commenté ces mesures, mais l’ironie de la situation n’échappe pas à l’opposition de longue date. "Il est amusant de constater comment ceux qui n’ont jamais protesté contre l’emprisonnement des libéraux découvrent soudain que la justice en Russie est sélective, que n’importe qui peut être jeté en prison sans raison", observe Ivan Philippov, chercheur et spécialiste du mouvement pro-guerre en Russie dans les colonnes du Guardian. Pour beaucoup, ces purges rappellent la leçon cruelle de l’époque stalinienne : même les plus fidèles ne sont jamais à l’abri du régime.

© afp.com/MAXIM SHIPENKOV

Le président russe Vladimir Poutine, le 4 novembre 2025 à Moscou.

"En Europe, l’extrême droite sera bientôt confrontée à son problème majeur..." : les prédictions d'Ivan Krastev

7 novembre 2025 à 11:20

Au lendemain du Brexit, Ivan Krastev publiait en 2017 After Europe (traduit sous le titre : Le destin de l’Europe, Ed. Premier Parallèle), un essai décapant sur les défis de l’Union européenne, menacée de désintégration. Huit ans plus tard, le politologue bulgare, parmi les meilleurs connaisseurs de l’espace post-soviétique et des dynamiques européennes, estime que nous sommes entrés dans "l’âge post-libéral". "Ce tournant arrive quand le consensus libéral n’existe plus, quand l’illibéralisme peut s’exprimer ouvertement. Nous y sommes", décrit-il.

L’Union européenne est-elle condamnée pour autant ? Ivan Krastev donne sa réponse dans un entretien passionnant accordé à L’Express.

L’Express : Il y a un an jour pour jour, Donald Trump remportait la présidentielle américaine pour la seconde fois. Comment analysez-vous ce moment de l’Histoire ?

Ivan Krastev : Lorsque Donald Trump est arrivé à la Maison-Banche pour la première fois, beaucoup y ont vu un accident. En 2015, quand le parti Droit et Justice polonais (PiS) a triomphé, l’essayiste Adam Michnik a eu cette formule : "Il arrive qu’une belle femme perde la tête et couche avec un salaud." A l’évidence, ce genre d’analyse ne tient plus aujourd’hui. Le monde traverse une révolution. Aux Etats-Unis, Donald Trump en est le visage, mais pas le leader.

Si l’on dézoome, on observe bien la fin d’une certaine période, sur le plan économique, technologique, et géopolitique, avec la montée en puissance de la Chine et le retour de la guerre en Europe. D’une certaine manière, les Européens étaient les moins préparés à y faire face, car nous nous sentions à l’aise dans le monde d’avant. On a beaucoup glosé sur la "fin de l’Histoire" [NDLR : en 1992, le politologue américain Francis Fukuyama publie La fin de l’Histoire, où il prédit le triomphe du modèle démocratique et libéral]. En fin de compte, nous avons intégré cette lecture, en considérant nos propres régimes politiques de manière ahistorique, persuadés que la démocratie libérale était universelle. Il ne nous est jamais venu à l’esprit qu’elle était probablement exceptionnelle, que plusieurs facteurs avaient coïncidé pour la rendre possible. Maintenant que l’Amérique a changé de camp, la nature accidentelle des trente dernières années apparaît clairement.

Comment définiriez-vous "l’animal politique" Trump ?

Donald Trump est souvent décrit comme un nationaliste. Or, les nationalistes sont préoccupés par l’Histoire, ils pensent en termes de siècles, veulent qu’on se souvienne d’eux d’une manière particulière. Ce n’est pas le cas de Trump. Si le narcissisme politique avait un régime, il en serait certainement le représentant. Il ne s’intéresse pas à ceux qui l’ont précédé, ni à la façon dont on se souviendra de lui. Il veut tout, immédiatement.

J’ai demandé à l’IA – j’espère qu’elle ne me ment pas ! – de comparer les discours prononcés au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine, Xi Jinping et Donald Trump, la fréquence à laquelle ils évoquent leur héritage et la manière dont ils souhaitent rester dans les mémoires. Les présidents russe et chinois sont obsédés par cette question. Ils font des comparaisons, racontent des anecdotes… Bien sûr, Trump veut qu’on se souvienne de lui, mais il estime que ce qui compte vraiment, c’est ce que l’on obtient de son vivant. De ce point de vue, il ne s’intéresse pas à l’avenir. Il y a quelque chose chez lui du "Dernier homme". Les Européens n’arrivent pas à appréhender cet ovni politique.

Sur le Vieux Continent, plusieurs dirigeants ont une filiation avec Donald Trump…

Ils ont notamment en commun l’obsession pour la vengeance. Ce n’est pas un hasard si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques alignés sur Trump – Robert Fico en Slovaquie, Viktor Orbán en Hongrie, Andrej Babis en République tchèque – sont revenus après une expérience passée au pouvoir. Ils n’aiment pas la façon dont ils ont été traités après avoir quitté leurs fonctions. La vengeance devient alors centrale.

Donald Trump est tellement revanchard – rappelez-vous des funérailles de Charlie Kirk, où les chrétiens "classiques", comme sa veuve, ont accordé leur pardon, et pas Trump. Nous avons oublié pourquoi, historiquement, nous avons tant fait pour contenir la vengeance. C’était l’un des acquis majeurs de la démocratie. Dans une démocratie, vous ne gagnez pas beaucoup, mais vous ne perdez pas grand-chose non plus. Lorsque vous échouez aux élections, vous ne perdez pas votre vie, votre liberté ou vos biens. Soudain, tout ce paradigme change. Nous vivons une époque où la polarisation politique est telle dans des pays comme les États-Unis ou la Pologne que les gens sont persuadés que la justice n’est pas indépendante, pas plus que les banques centrales et les principaux organes publics. Dans un tel climat, il est très difficile d’enrayer la soif politique de vengeance.

La galaxie Maga ("Make America Great Again") s’active tous azimuts pour convertir l’Europe à ses thèses. Comment expliquez-vous ce "nationalisme transnational" ?

Il faut distinguer Trump de la galaxie Maga. Donald Trump s’est présenté au monde comme un politicien post-idéologique. Les droits de douane sont un exemple fascinant. Son message ? "Je me fiche de la nature de votre régime politique. La seule chose qui m’importe, c’est votre balance commerciale avec les États-Unis." Ce discours va totalement à l’encontre de l’idée libérale classique selon laquelle le conflit majeur oppose les démocraties et les régimes autoritaires. En ce qui concerne l’Europe, Trump a toujours eu du ressentiment au sujet des voitures allemandes, par exemple, mais je ne pense pas qu’il ait une vision stratégique très claire du type d’Europe qu’il souhaite.

A contrario, le vice-président J.D. Vance et ses lieutenants ont un agenda précis. D’abord, ils pensent que l’Europe vivra dans les cinq ou dix prochaines années la même chose que les Etats-Unis, à savoir que les partis d’extrême droite seront les vainqueurs des prochaines élections. Beaucoup de gens ont comparé le discours de Vance à Munich à la conférence de Munich de 1938. Je pense plutôt qu’il s’est adressé à l’Europe de la même manière que Gorbatchev l’a fait en 1989 devant le Parlement européen, à Strasbourg, en actant un changement d’ère.

Ensuite, il y a chez les leaders Maga un fort nationalisme civilisationnel, bien plus articulé que chez Trump. Ces gens pensent que les chrétiens blancs du monde entier sont en péril et que le "clash" n’est plus entre la démocratie et l’autoritarisme, ni entre grandes puissances, mais qu’il s’agit d’un choc de civilisations. Leur principale préoccupation est la reconstruction de la civilisation occidentale. C’est important, car ils touchent des points sensibles qui ne peuvent pas être ignorés. Jusqu’aux années 1940-1950, l’Occident était beaucoup plus consensuel sur le plan culturel, universel, fondé sur l’histoire romaine. Jusqu’aux années 1960, le latin était la langue "étrangère" la plus enseignée dans les écoles américaines. L’histoire romaine constituait donc bel et bien ce socle commun d’histoire.

La guerre froide a changé la donne ?

Durant la guerre froide, l’Occident est plutôt devenu synonyme du "monde libre", avec tous les changements que cela implique. La vision des États-Unis était très largement basée sur leur conflit avec le communisme soviétique. Le jazz et la peinture abstraite sont devenus des armes politiques et culturelles pour promouvoir la liberté d’expression et le modèle américain face à la censure intellectuelle. Progressivement, l’Occident a perdu ses caractéristiques culturelles, il ne s’agissait plus des Blancs chrétiens, il est devenu beaucoup plus progressiste.

La droite Maga cherche à ressusciter l’ancienne version de l’Occident, fondé sur ce christianisme blanc. Curieusement, ils utilisent pour cela un langage très proche de celui des mouvements anticolonialistes des années 1960-1970, en prétendant représenter "le peuple indigène". Avec ce logiciel, on comprend mieux pourquoi les partisans de Maga ne sont pas critiques envers la Russie et Poutine. Pour eux, la Russie peut être un allié, précisément parce qu’elle est conservatrice, blanche et chrétienne. Par conséquent, la guerre devrait prendre fin le plus rapidement possible. Si l’Ukraine doit payer le prix de l’unité de l’Occident, qu’il en soit ainsi.

L’Allemagne peut-elle être un "laboratoire européen" pour le mouvement Maga ?

En 2018, Steve Bannon avait déjà essayé de s’implanter en Europe, en créant "The Movement", une fondation nationaliste basée à Bruxelles visant à unir les partis de droite et d’extrême droite. Il avait rencontré Matteo Salvini, Marine le Pen, Viktor Orbán ou Nigel Farage. Mais sa démarche n’avait rien donné, rejetée notamment par l’AfD allemande.

Nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines

Quand Elon Musk a repris ce flambeau à sa façon, son message était clair : si vous voulez changer l’Europe, vous devez changer l’Allemagne. C’est ainsi qu’il a tenté d’influencer les élections allemandes en faveur de l’AfD. A mon sens, nous assistons au retour de la question allemande. D’un côté, l’Europe ne peut pas être un acteur souverain et autonome en matière d’économie et de politique sans une Allemagne forte, notamment sur le plan militaire. De l’autre, la combinaison de la militarisation souhaitée de l’Allemagne et de la montée de l’AfD soulève une question difficile : l’Europe peut-elle cohabiter avec une Allemagne armée jusqu’aux dents dirigée par l’extrême droite ?

Le 22 mai dernier, neuf chefs d’Etat et de gouvernement européens, de la droite dure de l’Italienne Giorgia Meloni à la sociale-démocrate Mette Frederiksen au Danemark, ont signé une lettre ouverte appelant à repenser l'"interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme". Y voyez-vous le signe d’une banalisation du logiciel illibéral ?

Absolument. En réalité, derrière la polarisation politique croissante en Europe se cache une convergence sur plusieurs thèmes, en particulier sur l’immigration. Désormais, le clivage majeur entre les partis porte sur le traitement des personnes déjà présentes sur le territoire national. Aucun parti ne se bat plus pour l’ouverture des frontières, comme c’était encore le cas en 2015. Le débat sur les frontières fait désormais l’objet d’un consensus.

Ce glissement vers la droite provient à mon sens d’un changement majeur : pendant 25 ans après la fin de la guerre froide, lorsque l’Europe regardait le monde, la question principale était : comment le transformer ? Comment les autres vont-ils devenir comme nous ? Aujourd’hui, on assiste à un renversement total, où les gens se demandent au contraire : comment ne pas "les" laisser "nous" transformer ? Je dis souvent en plaisantant que nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines reclus derrière les murs de notre cloître.

A quoi attribuez-vous la montée de l’illibéralisme ?

Je ne crois pas que nous puissions comprendre ce qui se passe si nous travaillons avec les catégories classiques : démocratie contre autoritarisme. La plupart des dirigeants dont nous avons parlé ont été élus par le peuple. Une fois au pouvoir, ils dérivent vers autre chose, mais ce n’est pas l’autoritarisme du début du XXe siècle.

Au cours de l'ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.

Ce qui caractérise notre époque, c’est d’abord la crise des partis libéraux et du concept même de contre-pouvoirs. Nous assistons à une consolidation majeure du pouvoir, tant économique que politique. Simultanément, l’élite se désintéresse de la population. Pendant la guerre froide, le capital humain était très important, pour plusieurs raisons : on avait besoin des gens en tant que soldats, contribuables et électeurs. Aujourd’hui, vu la tournure que prennent les guerres, et à l’allure où les technologies se développent, on aura de moins en moins besoin d’hommes au front. Avec l’intelligence artificielle, la transformation de la main-d’œuvre est également spectaculaire. C’est pareil pour le droit de vote : au sein de l’UE, beaucoup de questions ne peuvent plus être résolues au niveau national. Paradoxalement, au cours de cette ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.

Aujourd'hui, l'électeur agit comme un consommateur.

L’un de mes sociologues préférés, Albert O. Hirschman, un penseur juif allemand ayant émigré aux Etats-Unis en 1940, avait une obsession : prouver que l’on peut avoir des doutes et agir en même temps. Il a écrit un ouvrage très court mais fondamental, intitulé Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States (1970). Il y décrit comment les gens réagissent lorsqu’ils commencent à ne plus apprécier le fonctionnement d’une organisation, d’une entreprise ou d’un État. Il estimait que nous agissons très différemment en tant que consommateurs et en tant que citoyens. En tant que consommateur, si mon Coca-Cola commence à être moins bon, je ne vais pas envoyer des lettres à la société, je vais plutôt acheter du PepsiCo et s’ils sont assez malins chez Coca, ils comprendront le message et amenderont leurs produits. C’est la porte de sortie. Mais selon Hirschman, il y a certaines choses dont on ne peut pas sortir : sa famille, son parti politique, sa nation. Dans ces cas, ils n’ont pas d’autre choix que de faire entendre leur voix, en s’impliquant dans l’organisation politique, en écrivant des lettres, en manifestant.

Ma crainte est que la "sortie" devienne notre mode de fonctionnement universel. Car fuir est beaucoup plus facile que de se mobiliser et d’essayer de convaincre.

De plus en plus de citoyens optent donc pour cette "grande sortie" en changeant de pays ou en se repliant sur leur sphère privée, dans une forme d’hyperindividualisme ?

C’est une tendance claire, mais on observe aussi un contre-mouvement. Certains se sentent tellement perdus dans cette société qu’ils cherchent à se tourner vers la communauté. D’ailleurs, une partie des mouvements d’extrême droite ont attiré des gens en manque de communauté. Bien sûr, c’est une communauté très spécifique, qui a des points communs avec le courant Völkisch né en Allemagne à la fin du XIXe siècle, qui défendait la nécessité de défendre la "race germanique", sous peine de disparition [NDLR : ses idées ont notamment inspiré le nazisme.]

Le comportement des électeurs a beaucoup évolué depuis l’époque de Hirschmann. Aujourd’hui, l’électeur agit comme un consommateur. Vous pouvez vous rendre dans un magasin, acheter une robe et la rendre dans les 24 ou 48 heures, sans avoir à vous justifier. Simplement parce qu’elle ne vous plaît plus. Par conséquent, aucun choix n’est vraiment existentiel, tout peut être repensé et redécidé. Cela touche à beaucoup de choses : ce que nous voulons étudier, notre travail, les applications de rencontre, etc. Cette multitude de choix est épuisante et rend anxieux. On ne choisit plus, on picore. À mon avis, quelque chose de similaire se produit dans le domaine politique. Avant, quand les gens changeaient de parti politique, c’était une tragédie, c’était comme quitter le pays. De nos jours, changer d’affiliation politique est devenu une banalité. En Bulgarie, 80 % de la population a changé son vote au cours des 15 à 20 dernières années. Sur cette période, par trois fois un parti créé moins d’un an avant les élections a gagné. On cherche toujours la nouveauté. C’est la logique du marché. Mais la politique ne devrait pas fonctionner comme ça.

Compte tenu de ces tendances, comment envisagez-vous l’avenir de l’Europe ?

L’Europe est poussée à adopter une identité de type barricade, car tous les autres pays ont pris cette direction. Mais ce n’est pas facile à faire, car ce n’est pas dans son ADN. D’une part, l’UE ne sera jamais un État-nation, la langue est un élément trop essentiel. On ne peut pas avoir une politique démocratique en se fondant sur la traduction. Car la langue charrie bien plus que des mots, c’est une culture, des expériences historiques…

D’autre part, l’UE ne peut pas totalement faire marche arrière. Le nationalisme économique n’a pas de sens, même des pays comme la France ou l’Allemagne ne sont pas assez grands pour le soutenir. Il est donc évident que ce type d’espace économique est nécessaire pour survivre. L’extrême droite en a bien conscience, elle a d’ailleurs connu une mutation majeure à cet égard. Entre 2015 et 2017, elle rêvait de sortir de l’UE. Puis le Brexit est arrivé. Cela n’a pas été succès retentissant. Alors ces partis ont fait demi-tour. Aujourd’hui, il n’est plus question de quitter l’UE mais de la changer de l’intérieur.

L’exemple hongrois est fascinant. Le Premier ministre Viktor Orbán a beau se répandre dans les médias contre Bruxelles, prétendre que l’Union européenne est devenue l’Union soviétique, mais la Hongrie est le dernier pays à vouloir quitter l’UE ! On parle souvent de son amitié avec Vladimir Poutine, en réalité Orban mise surtout sur la Chine. Et pour cela, il a absolument besoin de l’UE.

Au cours des 30 dernières années, environ 40 % des investissements chinois en Europe ont été réalisés en Hongrie, principalement parce qu’Orban est le seul dirigeant européen à s’opposer aux politiques antichinoises. Il vend donc à Pékin son droit de veto. Mais pour que cela fonctionne, il a besoin du marché européen commun. Sinon, pourquoi la Chine irait investir en Hongrie, un pays de 10 millions d’habitants qui a peu d’intérêt sur le plan géographique ?

On aurait pu croire que la guerre en Ukraine souderait l’Union européenne. La réalité est plus complexe…

Quand la guerre a éclaté, il y a eu un conflit majeur entre l’Est et l’Ouest, car les pays d’Europe de l’Est, en particulier les pays en première ligne, ont été beaucoup plus critiques envers la Russie, reprochant leur naïveté à l’Allemagne et à la France. Au fil du temps, on s’est aperçu que ce conflit n’avait pas divisé l’Est et l’Ouest de l’Europe. La fracture s’est plutôt creusée au sein même de l’Est, autour des frontières des anciens empires. Les pays qui faisaient partie de l’Empire russe (et non de l’Empire soviétique) perçoivent très fortement la guerre en Ukraine comme leur guerre. C’est le cas de la Finlande, des pays nordiques et des pays baltes. En revanche, des pays comme la Bulgarie, la Serbie, la Grèce, anciennes parties de l’Empire ottoman, ne sont pas nécessairement pro russes, mais leur anti-impérialisme a toujours été anti-turc.

Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique.

Je dis cela car je crois que ces différences historiques refont surface et feront l’objet de négociations beaucoup plus fortes qu’avant. C’est pourquoi la coopération entre les gouvernements d’extrême droite ne sera pas si facile. Imaginez un instant que Le Pen devienne présidente en France, que l’AfD forme un gouvernement à parti unique en Allemagne, avec Mr. Kaczynski à la tête de la Pologne, etc. Maintenant, essayez de leur demander ce qu’ils feront sur toutes les grandes politiques. La défense commune ? Le rapport à la Russie ? A la Chine ? Les divisions éclateront au grand jour.

Cela signe-t-il la mort de l’UE ? L’effondrement est toujours une option. Mais je crois que l’Europe peut survivre. Mais attention, pas survivre en gardant les mêmes politiques. Non, il va falloir faire preuve de beaucoup plus de créativité. Celle-ci peut venir d’endroits inattendus. Les gens pourraient se montrer plus disposés à faire des sacrifices qu’on ne le pense. Il y a des moments où vous êtes guidés par la force de votre imagination politique, simplement car vous ne pouvez plus imaginer que demain puisse être comme aujourd’hui.

Alors, de nouvelles idées vont probablement émerger. Je ne pense pas que l’extrême droite sera en mesure de les apporter. C’est un mouvement très nostalgique. Beaucoup de ses électeurs choisissent ces partis car ils veulent revenir à une certaine composition démographique de la société qu’ils connaissent, ils veulent retrouver cette idée de chez-soi qui leur manque, un endroit qu’ils comprennent et où ils sont compris. Mais il n’est pas possible de voyager ainsi. Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique. Elle n’a simplement rien d’autre à offrir aux gens que le regret des temps passés.

© Anadolu via AFP

Le vice-Premier ministre italien et ministre des Infrastructures et des Transports, Matteo Salvini (à gauche), le Premier ministre hongrois, Viktor Orban (deuxième à gauche), le chef du parti d'extrême droite espagnol VOX et président de Patriotes pour l'Europe, Santiago Abascal (troisième à gauche), et la dirigeante du parti d'extrême droite français Rassemblement national, Marine Le Pen (à droite), sont vus au début du rassemblement « Make Europe Great Again » à l'hôtel Marriott Auditorium de Madrid, en Espagne, le 8 février 2025.

Guerre en Ukraine : cette nouvelle bombe russe à propulsion qui redéfinit la stratégie du Kremlin

6 novembre 2025 à 17:26

Dans le ciel de Kamianske, trois silhouettes rapides ont filé avant que le grondement des explosions ne secoue la ville. En quelques secondes, des colonnes de fumée se sont élevées au-dessus des immeubles : pour la première fois, cette cité industrielle de la région de Dnipro venait d’être frappée par des bombes guidées à réaction de type UMPK/Grom (KAB). L’information a été révélée par la chaîne Telegram Monitor le 25 octobre, qui a fait état de ces frappes inédites au cœur de l’Ukraine.

Ce nouveau mode d’attaque s’inscrit dans une série d’expérimentations menées par Moscou depuis le début du mois d’octobre. Le 17 puis le 18, des bombes similaires avaient visé pour la première fois Mykolaïv et Lozova, cette dernière frappée par une munition UMPB-5R ayant parcouru 140 kilomètres avant d’exploser dans un quartier résidentiel. Six personnes avaient été blessées et onze bâtiments endommagés. La semaine suivante, l’armée de l’air ukrainienne alertait sur un projectile du même type dirigé vers Berestyn, dans la région de Kharkiv, sans que les conséquences n’aient été révélées.

De 150 à 200 kilomètres de portée

Derrière l’abréviation KAB, acronyme de Korrektiruyemaya Aviabomba, ou "bombe aérienne corrigée", se cache une génération d’armes issues des bombes de l’ère soviétique, profondément modifiées. Conçues à l’origine comme de simples bombes à chute libre, elles ont été transformées en engins intelligents : des ailes pour la portance, un système de guidage GPS ou laser pour la précision, et désormais un moteur à réaction qui leur confère une allonge redoutable.

D’après le Financial Times et les dires de Vadym Skibitskyi, chef adjoint du renseignement militaire ukrainien, certaines de ces munitions expérimentales atteignent aujourd’hui entre 150 et 200 kilomètres de portée, soit plus du double de leurs versions antérieures, limitées à environ 80 kilomètres. Un essai aurait d’ailleurs frôlé les 193 kilomètres. Une performance rendue possible par l’ajout d’un moteur chinois SW800Pro-Y, un petit turbojet comparable à celui d’une mini-fusée, dont le coût n’excéderait pas 18 000 dollars, selon l’analyse du média britannique.

Cette adaptation permet aux avions russes, notamment les Su-34, de larguer leurs charges à très grande distance, sans s’exposer aux défenses aériennes ukrainiennes. Désormais, des villes situées à plus de cent kilomètres de la ligne de front, autrefois considérées comme des zones d’arrière relativement sûres, sont directement exposées à cette nouvelle menace. Les ogives, elles, varient entre 300 kilos et plus d’une tonne et demie, capables d’anéantir des immeubles entiers. Selon les experts ukrainiens, ces bombes laissent derrière elles des cratères de vingt mètres de large pour six de profondeur.

Un danger pour l’Ukraine ?

Cette évolution n’est pas apparue du jour au lendemain : dès 2023, la Russie avait amorcé une transformation de ses "bombes idiotes" en engins semi-guidés. Mais avec l’ajout de la propulsion, la KAB franchit un cap technologique majeur, devenant une véritable bombe planante motorisée, hybride entre la bombe classique et le missile de croisière.

Si Moscou a misé sur cette innovation, c’est avant tout pour compenser son incapacité à dominer dans le ciel ukrainien. "Le recours à la propulsion traduit, paradoxalement, le succès des défenses ukrainiennes", observe Wes Rumbaugh, chercheur au Center for Strategic and International Studies dans les colonnes du Kyiv Independent. Incapables d’approcher les zones cibles, les bombardiers russes n’ont d’autre choix que d’étendre la portée de leurs munitions. Cette évolution technologique coïncide avec une intensification des attaques aériennes visant les infrastructures énergétiques et civiles, à l’approche de l’hiver.

Pour l’armée ukrainienne, la menace reste contenue mais préoccupante. "Ces armes ne changent pas fondamentalement la donne, elles reprennent la même logique qu’une bombe classique lancée depuis un Su-34 ou un Su-24", explique Yurii Ihnat, porte-parole de l’armée de l’air, sur la chaîne Suspilne. "Leur trajectoire ressemble à celle d’un missile de croisière, ce qui les rend théoriquement interceptables par nos systèmes de défense", a-t-il continué. Mais le problème est ailleurs : les stocks de missiles antiaériens s’amenuisent et chaque interception coûte infiniment plus cher que le lancement d’une KAB motorisée.

© afp.com/Marina MOISEIENKO

Désormais, des villes situées à plus de cent kilomètres de la ligne de front, autrefois considérées comme des zones d’arrière relativement sûres, sont directement exposées à cette nouvelle menace.
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