Slate est le nom dâun nouveau constructeur automobile aux Ătats-Unis et mĂȘme sâil nâaffiche aucune ambition europĂ©enne Ă ce stade, son arrivĂ©e reste intĂ©ressante pour deux raisons. La premiĂšre est en rĂ©alitĂ© la moins importante : Jeff Bezos, le patron dâAmazon, serait lâun des financiers derriĂšre le projet, mĂȘme si ce nâest pas officiel. Surtout, le vĂ©hicule imaginĂ© par Slate est une sorte de retour aux origines, avec un pick-up compact qui nâest prĂ©vu par dĂ©faut que pour deux personnes et qui est volontairement Ă©purĂ©. La start-up a mĂ©ticuleusement retirĂ© tout ce qui coĂ»te cher dans une voiture moderne, pour proposer un vĂ©hicule autour des 20 000 $.
Le Slate dans sa version de base, sans aucun accessoire optionnel. Image Slate.
Le Slate est étonnamment compact pour un pick-up du milieu des années 2020 et nettement plus proche de ceux des années 1980. Image Slate.
Par rapport aux immenses pick-ups qui ont envahi les routes amĂ©ricaines, le Slate est un nain : 4,4 m de long et tout juste sous la barre des 1,8 m en largeur et hauteur, en gros lâĂ©quivalent dâun Scenic. On est nettement plus proche des modĂšles dâantan que de la production actuelle et câest un choix fort du constructeur, qui considĂšre que les vĂ©hicules sont devenus trop gros, trop lourds, trop complexes et donc trop chers. Le cĂŽtĂ© pratique a Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©, avec une assez longue benne de 1,5 m1 et une cabine prĂ©vue pour deux personnes seulement. CĂŽtĂ© rangements, on peut aussi compter sur un grand coffre Ă lâavant, qui revendique 200 l, pas trĂšs loin dâun coffre de citadine.
Pour Ă©conomiser les coĂ»ts, Slate a repris la formule qui a fait le succĂšs de Tesla, mais en version radicalisĂ©e. La production se concentrera sur un vĂ©hicule unique, avec absolument aucune option. Pour autant, le constructeur a bien conscience quâun pick-up de deux places ne suffira pas Ă convaincre tout le monde. Si un camion avec benne ouverte ne convient pas, on peut convertir le vĂ©hicule en un SUV plus classique, avec une banquette trois places et un coffre fermĂ©. LâidĂ©e est loin dâĂȘtre nouvelle, câest mĂȘme un classique dans lâindustrie (on pense Ă Rivian, qui a le R1T et le R1S sur la mĂȘme base), sauf quâici, le client achĂšte un kit SUV et il pourra lâinstaller lui-mĂȘme sur la base de pick-up sâil le souhaite.
On ne dirait pas comme ça, mais câest la mĂȘme voiture. La version SUV de droite consiste en un kit que le client pourra installer lui-mĂȘme, seule la version de gauche sera produite. Image Slate.
Le pack SUV ajoute trois places et un coffre, mais pas de portes supplĂ©mentaires : il faudra passer par lâavant pour accĂ©der au deuxiĂšme rang, câest sans doute le plus gros compromis du vĂ©hicule. Image Slate.
Slate a poussĂ© trĂšs loin le concept de la libertĂ© de rĂ©paration. MĂȘme si un rĂ©seau de rĂ©parateurs agréés est prĂ©vu, le constructeur compte proposer Ă ses clients des tutoriels vidĂ©o pour leur permettre de tout faire sur leur voiture, que ce soit pour la rĂ©parer ou bien pour lui ajouter des fonctionnalitĂ©s. Pour y parvenir et Ă©galement pour rĂ©duire les coĂ»ts, le constructeur a aussi optĂ© pour une unique carrosserie en plastique2, composĂ©e de piĂšces indĂ©pendantes faciles Ă remplacer en cas de besoin. La surface est aussi prĂ©vue pour ĂȘtre recouverte par un film (wrap), ce qui permettra dâavoir une Slate dans une autre couleur que le gris de base, puisque le vĂ©hicule ne sera jamais peint de maniĂšre traditionnelle.
La simplification passe aussi par un intĂ©rieur bien vide, pour ne pas dire dĂ©pouillĂ©. On retrouve quand mĂȘme un volant et les leviers pour passer les vitesses ou gĂ©rer les clignotants et essuie-glaces, il y a un petit Ă©cran derriĂšre pour afficher les informations essentielles et quelques contrĂŽles pour la climatisation, mais câest tout. Pas dâĂ©cran central pour lâinfodivertissement, puisquâil nây a pas dâinfodivertissement ni mĂȘme de haut-parleurs. Ă la place, Slate a prĂ©vu un support pour smartphone ou tablette et de la place pour caser une enceinte Bluetooth, voire une barre de son. Autant dâidĂ©es qui Ă©voquent lâAmi de CitroĂ«n, mĂȘme si le format nâa rien Ă voir. Pas de conduite semi-autonome non plus, câest un autre coĂ»t majeur des vĂ©hicules modernes qui a Ă©tĂ© Ă©liminĂ© ici.
LâintĂ©rieur est tout aussi vide, avec quasiment rien sur le tableau de bord, si ce nâest le volant devant une instrumentation numĂ©rique et une poignĂ©e de contrĂŽles physiques. En parlant de contrĂŽles physiques, notez la manivelle pour ouvrir et fermer les fenĂȘtres : est-ce dĂ©licieusement rĂ©tro en 2025 ? Image Slate.
Sur le plan technique, Slate a prĂ©vu une unique version sans surprise, avec un moteur de 150 kW placĂ© sur lâessieu arriĂšre qui ne devrait pas offrir dâaccĂ©lĂ©rations exceptionnelles, mais qui devrait faire lâaffaire pour les 635 kg de charge et 450 kg de charge tractĂ©e prĂ©vues par le constructeur. De base, la batterie aura une capacitĂ© de 52,7 kWh, ce qui est trĂšs peu sur ce segment et le constructeur espĂšre en tirer 240 km dâautonomie selon la norme EPA (plus stricte que la norme WLTP europĂ©enne). Vous avez besoin de plus ? Parmi les kits prĂ©vus aprĂšs achat, on pourra compter sur une plus grosse batterie de 84,3 kWh et espĂ©rer alors atteindre autour des 390 km dâautonomie.
Ă un tel tarif, il ne faut pas sâattendre Ă des performances dĂ©coiffantes, ce qui est aussi le cas cĂŽtĂ© charge, avec la promesse dâun 20 Ă 80 % en trente minutes, ce qui laisse envisager une charge DC assez lente (120 kW maximum). Slate prĂ©fĂšre insister sur la recharge Ă domicile, qui est en effet la plus courante pour ceux qui peuvent en bĂ©nĂ©ficier et qui pourra apparemment monter Ă 11 kW, un bon point. MalgrĂ© la conception lĂ©gĂšre, le constructeur insiste aussi sur la sĂ©curitĂ© de son vĂ©hicule et vise les cinq Ă©toiles aux crash-tests, mĂȘme si les mesures nâont pas encore Ă©tĂ© effectuĂ©es.
En plus du kit SUV bien carré, Slate a prévu un « Fastback » avec un coffre plus incliné. Image Slate.
Pas de peinture ne veut pas dire voiture unique. Au contraire, le constructeur mise sur la personnalisation avec de nombreux Ă©lĂ©ments qui pourront ĂȘtre modifiĂ©s, des roues aux feux diurnes, en passant par des autocollants. Image Slate.
Slate a ouvert des prĂ©commandes aux Ătats-Unis et le constructeur espĂšre livrer les premiers exemplaires dĂšs la fin de lâannĂ©e 2026. Le prix final nâest pas encore connu, en partie parce que lâannonce dâun tarif infĂ©rieur Ă 20 000 $ dĂ©pend du bonus de 7 500 $ qui est encore en place dans le pays, mais qui est menacĂ© par Donald Trump. Quoi quâil en soit, on devrait rester sous les 30 000 $ Ă lâarrivĂ©e, en tout cas si la jeune start-up tient ses promesses.
La prĂ©sence de Jeff Bezos dans lâombre en rassurera certains, le fait aussi que le constructeur, qui compte dĂ©jĂ plusieurs centaines dâemployĂ©s dâaprĂšs son site, ne se contente pas dâun vague concept et promet une commercialisation dans un an et demi seulement. MalgrĂ© tout, on a vu tant de marques disparaĂźtre avant mĂȘme de livrer un seul vĂ©hicule que la prudence reste de mise.
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Ă titre de comparaison, câest 30 cm de moins que la benne du Cybertruck, mais ce dernier mesure 1,3 m de plus en longueur ! â©ïž
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Au-delĂ des matiĂšres premiĂšres, les piĂšces de mĂ©tal qui composent une carrosserie traditionnelle demandent dâĂ©normes machines et donc dâĂ©normes usines. En comparaison, Slate devrait produire la voiture sur le sol amĂ©ricain dans des usines beaucoup plus petites et pas spĂ©cialement dĂ©diĂ©es Ă la voiture. â©ïž