Des dizaines de Kényans auraient été enrôlés de force auprès de l’armée russe pour combattre en Ukraine

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Il est l’un des diplomates les plus influents et les plus respectés d’Europe. Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères depuis le retour au pouvoir de Donald Tusk (centre droit) en 2023, Radoslaw Sikorski fut déjà le chef de la diplomatie polonaise de 2007 à 2014, après avoir été ministre de la Défense (2005-2007). Diplômé d’Oxford, dont il a gardé l’accent et l’élégance vestimentaire, ce dirigeant de 62 ans connu pour son franc-parler est doté d’un caractère bien trempé. Ancien leader étudiant lors des révoltes contre le pouvoir communiste en 1981, exilé politique au Royaume-Uni, puis reporter de guerre pendant le conflit entre l’URSS et l’Afghanistan, il participa même à des combats aux côtés des Moudjahidines. Plus récemment, il a lancé à la tribune de l’ONU un avertissement solennel à Vladimir Poutine, menaçant de destruction tout nouvel appareil russe qui pénétrerait dans l’espace aérien de l’Otan.
En pleines discussions entre Européens et Américains pour obtenir la fin de la guerre en Ukraine, Radoslaw Sikorski, cravate bleue à motif sur chemise à carreaux, regard bleu perçant et sourire intense lorsqu’il veut insister sur une idée, nous a reçus dans son bureau, à Varsovie. Celui auxquels certains prédisent un destin de Premier ministre presse les Européens de s’armer davantage, insiste sur la nécessité absolue de débloquer les avoirs russes pour financer l’Ukraine, explique le réalignement stratégique de la Pologne avec la Scandinavie et les pays baltes, et critique l’individualisme de certains dirigeants européens. "Lorsqu'il s'agit de discuter de la crise ukrainienne, ce sont certains chefs d’Etat représentant leur pays qui s'en chargent. Et ensuite, ils s'étonnent que l'UE ne tire pas profit de son pouvoir collectif !", observe Radoslaw Sikorski, pour qui, depuis l'invasion russe, "l'ère des illusions est révolue". Entretien exclusif.
L'Express : Êtes-vous préoccupé par les négociations de paix en cours en Ukraine ? Comment les Européens devraient-ils réagir au plan élaboré par les États-Unis, largement inspiré par la Russie ?
Radoslaw Sikorski : Nous y répondrons lorsque nous en connaîtrons le contenu. Mais nous avons besoin d'un accord équitable pour l'Ukraine, car ce pays défend un principe fondamental que deux guerres mondiales sanglantes nous ont appris : il est inacceptable de modifier des frontières par la force sous prétexte de venir en aide à une minorité nationale. Sans parler du fait que l'Ukraine est censée bénéficier de garanties de sécurité de la part de la Russie, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France en échange de l'abandon de son arsenal nucléaire en 1994, avec le Mémorandum de Budapest. La brutalité de la guerre et la duplicité de l'envahisseur ne doivent pas seulement nous préoccuper, elles doivent nous inciter à agir. L'Ukraine nous a donné un temps précieux pour reconstruire nos défenses et nous lui devons notre soutien.
Est-il selon vous possible de mettre fin à cette guerre ? Quels scénarios envisagez-vous pour les mois à venir ?
L'Ukraine a gagné la guerre maritime : elle a coulé le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire et permis au commerce de circuler librement entre ce pays et le reste du monde. Dans les airs, cela dépend des nuits, mais les deux parties se rendent coup pour coup. Les Ukrainiens frappent des cibles militaires, des postes de commandement et des raffineries. La Russie, quant à elle, frappe des centrales électriques et des immeubles d'habitation civils. Sur terre, enfin, la Russie gagne de minuscules portions de territoire au prix de la mort de milliers et de milliers de soldats, des victoires à la Pyrrhus. La question est de savoir quel camp pourra tenir le plus longtemps. Les pertes russes sont bien sûr plus importantes. Mais nous ne savons pas qui craquera le premier.
Donald Trump a de nouveau demandé la tenue d'élections en Ukraine. L'Ukraine devrait-elle, selon vous, en organiser rapidement ?
Ce serait formidable si les deux parties de ce conflit organisaient des élections démocratiques. La Russie n'a pas connu d'élections démocratiques depuis vingt ans. Si l’on veut qu’un traité soit signé par des États démocratiques, il serait très souhaitable que des élections démocratiques aient lieu tant en Ukraine qu'en Russie.
Dans quel délai ?
Il est très difficile d'organiser des élections alors que les armes continuent de crépiter. La Grande-Bretagne, une démocratie bien établie, n'a pas organisé d'élections générales pendant la Seconde Guerre mondiale [NDLR : seulement en juillet 1945, après la fin de la guerre en Europe]. Il faut donc d'abord un cessez-le-feu. Je crois comprendre que la Constitution ukrainienne est très claire à ce sujet.
Croyez-vous encore en la diplomatie dans ce monde brutal ? L'Europe a-t-elle raison de persister dans cette approche ?
La plupart des guerres se terminent par une forme de traité. Et cette guerre présente certaines similitudes avec la Première Guerre mondiale. Guerre de tranchées, positions bloquées et bataille pour les ressources nationales et industrielles. Nous devons encourager ceux qui tentent de rapprocher les deux camps. Mais leurs lignes rouges sont encore éloignées.
Pensez-vous que les Européens devraient se montrer plus intimidants envers la Russie ?
L'Europe occidentale a trop longtemps profité des dividendes de la paix. Nous comptions sur les États-Unis pour notre sécurité, et ceux-ci ont fini par s'en rendre compte. La Pologne a commencé à se réarmer il y a 20 ans. Nous avons alors adopté une loi très stricte, qui allouait à notre armée 2 % du PIB, un PIB de surcroît en pleine croissance. Et cette année, nous consacrons 4,8 % du PIB à la Défense, en plus du mécanisme de sécurité de l'Union européenne. Donc, oui, nous devons reconstruire nos défenses. La guerre en Ukraine, qui ne répond à aucune provocation, est la démonstration dramatique de l'idéologie étatique agressive de la Russie. Elle ne disparaîtra pas, même s'il y a la paix en Ukraine.
Comment les 27 devraient-ils procéder pour débloquer les avoirs russes gelés en Europe face à l'opposition de la Belgique ?
Il n'y a pas d'autre solution que de persuader la Belgique. Si nous ne débloquons pas la situation, nous n'aurons plus aucune carte en main. La Belgique a un argument valable, à savoir qu'en tant que petit pays, elle a besoin d'être rassurée par ses alliés contre les risques juridiques. J'espère que nous mettrons en place un tel mécanisme. Les avoirs gelés seraient utilisés d'abord pour la défense, puis pour la reconstruction de l'Ukraine.
Les Européens pourraient-ils à eux seuls fournir un soutien militaire suffisant à l'Ukraine en cas de retrait des États-Unis ?
Nous avons combattu la Russie avant même que les États-Unis n'existent. Mais les Ukrainiens affirment que ce dont ils ont le plus besoin, ce sont des renseignements et des munitions pour certains lanceurs antiaériens. Or ils sont fournis par les Etats-Unis. Je me fie à leur parole.
Que pensez-vous de la nouvelle stratégie de sécurité américaine, qui prend pour cible l’Europe ?
Nous sommes encore en train de l'évaluer. Je ne souhaite pas faire davantage de commentaires.
La Pologne est en première ligne de la "guerre hybride" menée par la Russie. Comment décririez-vous la gravité de la situation ?
Au début, il s'agissait de cyberattaques, puis cela a évolué vers des incendies criminels (l’an dernier, ils ont tenté de mettre le feu à une usine de peinture à Wrocław, puis ils ont incendié un immense centre commercial à Varsovie), et maintenant ils en sont arrivés à faire exploser une bombe sous un train en marche, sur une voie ferrée menant à l’Ukraine. Ce n'est que grâce à leur incompétence qu'une tragédie a été évitée. C'est pourquoi nous parlons désormais de terrorisme d'État. Nous avons identifié les personnes qui ont commis ces actes et nous savons qu'elles sont de retour à Moscou. Nous savons également quelle unité du GRU [NDLR : l’organe du renseignement militaire russe] a ordonné l'attaque.
Précédemment, notre espace aérien a été violé par 21 drones au mois de septembre. S'il ne s'agissait que d'un ou deux drones, on pourrait dire que ce sont des accidents. Mais 21 accidents en une nuit, pendant sept heures, c’est difficile à croire...
Par ailleurs, la Pologne doit repousser jusqu'à 4 000 cyberattaques par jour, et chacune de ces actions agressives s'accompagne d'un tsunami de désinformation visant à polariser nos sociétés.
Envisagez-vous la possibilité de nuire à la Russie, en réponse à ces menaces hybrides ?
Nous faisons partie de l’Otan, une alliance défensive. Ce qui nous importe, c’est de ne pas être laissés seuls face à la Russie.
La Russie pourrait-elle lancer une attaque militaire contre la Pologne ou un autre pays européen ?
Pas avant d'avoir reconstitué ses forces, qui sont gravement affaiblies. Nous avons donc encore un peu de temps, s’agissant d'une violation classique du territoire terrestre. Mais la Russie dispose toujours d'une marine, d'une armée de l'air et de ressources spatiales. D'autres formes d'agression sont donc possibles.

Les États baltes sont particulièrement exposés…
Je ne veux pas me lancer dans des spéculations. Mais oui, certains de nos alliés baltes se sentent vulnérables.
Face à cette menace russe et compte tenu des positions de l’administration Trump, la Pologne peut-elle compter sur l'Otan ? Quels pays la défendraient en cas d'attaque ?
Notre expérience avec nos alliés, d'un point de vue historique, est mitigée [La France et le Royaume-Uni ne se sont pas intervenus militairement lorsque l’Allemagne a envahi la Pologne en 1939, NDLR]. Mais cette fois-ci, nous sommes intégrés militairement, nous avons des plans d'urgence, des procédures, des exercices communs, des troupes alliées sur notre sol, et cela contribue à renforcer la confiance.
La dissuasion nucléaire française pourrait-elle être une option intéressante pour la Pologne ?
Nous n'envisageons pas cette possibilité.
L'armée polonaise serait-elle capable de se défendre en cas d'attaque russe, ou a-t-elle besoin de plus de temps ?
Aucune armée n'est jamais satisfaite de l'équipement dont elle dispose, et il faut toujours du temps et de l'argent pour s'entraîner. Mais nous avons plus de 200 000 soldats, ce qui fait de nous la plus grande armée terrestre de l'Union européenne à l'heure actuelle. Et nous achetons sans cesse du matériel : nous recevons pratiquement chaque semaine un nouvel obusier coréen, un char Abrams américain ou des véhicules blindés de transport de troupes (APC), sans compter les équipements provenant de nos propres usines.
Parallèlement, nous tirons les leçons de la guerre en Ukraine en développant rapidement nos capacités de production de drones et de systèmes antidrones. Nous avons déjà la plus grande usine de drones de l'UE, mais cela ne suffit pas. Napoléon Bonaparte, qui est mentionné dans notre hymne national, disait qu'un pays qui ne sait pas nourrir sa propre armée est condamné à nourrir celle de l’ennemi. Nous avons intériorisé cette leçon.
Le chef d'état-major français, le général Mandon, a déclaré que, face à la menace russe, la France devait "accepter de perdre ses enfants pour protéger ce que nous sommes". Êtes-vous d'accord avec cette déclaration ?
Notre chef d'état-major a tenu des propos similaires. Nous devons renforcer nos forces armées afin de dissuader Vladimir Poutine et ne pas avoir à envoyer nos enfants à la guerre.
Peut-on parler d’un basculement stratégique de la Pologne vers les pays baltes et scandinaves ?
Nous assurons actuellement la présidence du Conseil des États de la mer Baltique, qui était autrefois une organisation traitant de questions mineures, mais qui, lorsque la Russie a envahi l'Ukraine en 2022 et quitté l'organisation, s'est concentrée sur des questions plus importantes. Au vu des menaces grandissantes dans la Baltique, c’est effectivement devenu un élément important de notre stratégie de sécurité.
Nous devons protéger la Baltique contre les interférences GPS [NDLR : des perturbations de signaux satellites affectant la navigation aérienne et maritime] et contre la violation des zones économiques exclusives par des survols intrusifs. Nous avons, en outre, subi toute une série d'attaques contre des câbles et des pipelines sous-marins. Et puis il y a la "flotte fantôme" russe : un grand nombre de vieux pétroliers naviguant sous de faux pavillons ou sans pavillon et alimentant la machine de guerre de Poutine. Ils représentent en effet la plus grande partie des exportations de pétrole russe par voie maritime.
Nous sommes aussi particulièrement préoccupés pour l’environnement. La mer Baltique n'est pas comme l'Atlantique ou même la Méditerranée, c'est une mer beaucoup plus petite et beaucoup moins profonde. Ces navires de la flotte fantôme ont déjà été impliqués dans des collisions par le passé. En fait, je préfère l'appeler "flotte de vieux rafiots" plutôt que "flotte fantôme". Ces tas de ferrailles rouillés ne répondent à aucune exigence technique, et c'est précisément pour cette raison qu'ils sont si dangereux. Si leur cargaison se déversait dans la Baltique, nous subirions une catastrophe environnementale épouvantable pour la vie marine, les plages et l'industrie touristique, mais également extrêmement coûteuse. C'est pourquoi nous soutenons fermement les sanctions contre ces navires, leurs capitaines et leurs équipages. Nous travaillons aussi sur une proposition visant à modifier le droit maritime international afin de mettre un terme à cette anarchie en mer.
Certains ont évoqué le déplacement à l’Est du centre de gravité de l'Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. Selon vous, la Pologne a-t-elle l'influence qu'elle mérite sur le continent ?
Vous savez, nous n'avons pas cherché ce changement d'attention (rire). La Pologne préférerait être entourée de démocraties amicales et pacifiques. Il n'est pas agréable d'être à la frontière de deux plaques tectoniques : le monde de la démocratie et de l'État de droit d’un côté, et le monde de la dictature et de l'agression de l’autre. Nous avons essayé de faire la paix avec la Russie, d’avoir des relations normales avec elle, nous l’avons encouragée à signer l’accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne en 1994.
Lorsque la Russie a déclaré vouloir suivre une trajectoire convergente avec celle de l’Occident, nous l’avons soutenue. Mais la Russie a changé de politique : elle s'est définie comme un pôle d'influence rival, puis a commencé à reconstruire son empire. Dès lors, nous n'avons pas le choix, car nous avons été une colonie russe et nous ne voulons pas le redevenir ! En Europe de l'Est, nous percevons les signes avant-coureurs du danger plus tôt que vous. Nous sommes en quelque sorte votre mine antichar.
Que peut enseigner la Pologne, avec son histoire douloureuse et sa renaissance au cours des dernières décennies, au reste de l'Europe ?
Tout d'abord, que l'ère des illusions est révolue. Parce que nous, Européens, sommes respectueux des lois, et savons qu’utiliser la force pour repousser ses frontières n'a pas de sens, nous pensions qu’il est toujours possible de trouver une solution acceptable par les deux parties, entre "gens civilisés", à chaque conflit.
Malheureusement, c'est désormais une opinion minoritaire à l’échelle de la planète. Même sur notre continent, elle n'est pas acceptée par tout le monde. En conséquence, si nous voulons continuer à vivre dans cette paix kantienne [NDLR : une paix durable fondée sur la morale et le droit], il faut la mettre en place par la force, car en droit international, contrairement au droit national, il n'y a pas d’autorité souveraine pour faire respecter les règles.
Les démocraties doivent non seulement être civilisées, justes et pacifiques, mais elles doivent aussi être fortes. Nous avons gagné la Seconde Guerre mondiale non seulement parce que nous étions dans notre droit, mais aussi parce que nous avons surpassé l'Allemagne nazie en matière de production d’armes. Je sais que cette nouvelle n'est pas réjouissante. Mais c'est M. Poutine qui nous a imposé cette nécessité.
Dans quelle mesure la montée des partis d'extrême droite dans des pays comme la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Pologne pourrait-elle affaiblir l'Europe face à la Russie ?
La progression des partis d'extrême droite, que certains qualifient de "patriotiques", est favorisée par la polarisation de la société, alimentée par les "fermes à trolls" russes et les algorithmes des réseaux sociaux.
Certains de ces partis s'adoucissent avec le temps, d'autres non. La démocratie parlementaire est, d’une certaine manière, un système conçu pour enseigner aux nouveaux venus sur la scène politique comment le système fonctionne réellement. D’après ce que je comprends, le Rassemblement national, qui était très anti-UE il y a quinze ans, l’est moins aujourd'hui. Est-ce une tendance durable ?
Je me suis donné pour mission, dans la politique polonaise, de mettre en garde les gens contre l'euroscepticisme primitif, car j'ai vu ce phénomène en Grande-Bretagne dans les années 1980 et 1990, et je sais où il mène : à un affaiblissement. J’essaye d’expliquer très clairement aux gens quelles seraient les conséquences, par exemple, d’une sortie de l’UE. Et lorsque vous confrontez les gens à des conséquences inévitables, notamment en matière de financement des infrastructures ou d’échanges commerciaux, certains d’entre eux y réfléchissent à deux fois et modifient leur position.
Comment l'Europe peut-elle se protéger face à la déferlante de produits chinois, mais aussi face aux pressions américaines et à la menace russe ?
Nous prenons enfin des mesures contre les importations de colis à bas prix, souvent commandés sur des plateformes chinoises en ligne comme Shein, en leur imposant une taxe forfaitaire. Mais il aurait mieux fallu ne pas attendre le scandale des poupées sexuelles en France [NDLR : mises en vente sur la plateforme Shein] pour agir, car nous savions déjà que certains de ces produits ne respectaient pas nos normes techniques.
Dans ce nouveau contexte international, nous devrions être plus unis. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe dans les faits. Nous nous étions engagés, dans le traité de Lisbonne de 2007, à avoir une politique étrangère commune, afin d’avoir plus de poids, tant dans nos relations avec nos adversaires que dans nos relations avec nos alliés. Et pourtant, les dirigeants européens ne respectent pas cet engagement. Lorsqu’il s’agit de discuter de la crise ukrainienne, ce sont certains chefs d’Etat représentant leur pays qui s’en chargent. Et ensuite, ils s’étonnent que l’UE ne tire pas profit de son pouvoir collectif !
Je doute cependant que nous puissions attendre les consensus nécessaires pour une plus grande intégration. Je suis malheureusement arrivé à la conclusion que ce qui est nécessaire pour rendre l’Europe plus puissante est pour l’instant politiquement impossible. Et c'est là notre tragédie.
Les divisions croissantes mettent-elles la démocratie en danger, dans des pays comme la Pologne ou la France ?
A mon sens, la démocratie est en sécurité dans les petits pays européens. Aux Pays-Bas, au Luxembourg, dans les pays scandinaves et baltes, il est plus facile d’instaurer la confiance envers l’élite politique, et entre les médias et l’élite politique, et ainsi de maintenir la cohésion nationale. Dans les grands pays, c’est beaucoup plus difficile.
Pendant longtemps, en Europe de l’Est, les Français ont été critiqués pour leur arrogance. Cette époque est-elle révolue ? La coopération avec la France, notamment dans le cadre du traité de Nancy et du Triangle de Weimar, est-elle importante pour la Pologne ?
Bien sûr ! La France est un membre fondateur très important de l’Union européenne, avec une influence considérable ; membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, une puissance nucléaire. C'est aussi un pays dont l'élite pense de manière stratégique et globale, ce qui est moins courant en Europe qu’on peut le penser. La France a toujours eu une politique étrangère et pas seulement une politique industrielle, par exemple. Et votre diplomatie est très habile.
Nous avons négocié et signé le traité de Nancy, un lieu symbolique pour nos deux pays, parce que nous voulons être amis avec la France. Il existe également, comme vous le savez, de profondes affinités culturelles qui remontent à plusieurs siècles, et dépasse largement la relation entre Frédéric Chopin et George Sand. Notre première forme de constitution, les articles henriciens, au XVIe siècle, était un ensemble de règles que les rois, élus par la noblesse, devaient jurer de respecter. Eh bien, figurez-vous que la première prestation de serment, celle d’Henri de Valois, roi de Pologne et futur roi de France sous le nom d’Henri III, a eu lieu à Notre-Dame !

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Vladimir Poutine a estimé le mercredi 17 décembre que la Russie atteindra "les objectifs de l’opération militaire" en Ukraine. Une phrase rendue publique en guise de menace, alors que les tentatives diplomatiques se sont multipliées cette semaine depuis Berlin, incluant chaque jour un peu plus les Etats européens. L’avant-veille, ils avaient mis sur la table l’idée d’une "force multinationale" soutenue par les armées européennes et américaines pour garantir la paix en Ukraine, en cas de signature d’accord de paix. Une nouvelle dynamique qui ne semble pas plaire à Vladimir Poutine, qui a estimé que cette nouvelle implication européenne "n’augure rien de bon" pour l’acceptabilité d’un accord de paix par la Russie.
Les infos à retenir
⇒ Vladimir Poutine jure que la Russie atteindra "les objectifs de l’opération militaire" en Ukraine
⇒ Ursula von der Leyen rappelle que les prochains jours seront "cruciaux" pour définir les garanties de sécurité offertes à l’Ukraine par l’Europe
⇒ Le Parlement européen a approuvé la sortie du gaz russe à l’automne 2027
"Les objectifs de l’opération militaire spéciale seront sans aucun doute atteints", a affirmé Vladimir Poutine lors d’une réunion avec des responsables du ministère de la Défense, alors que les tentatives diplomatiques pour mettre fin au conflit s’intensifient. "Nous préférerions y parvenir et éliminer les causes profondes du conflit par la voie diplomatique" mais, si "le pays adverse et ses protecteurs étrangers refusent de s’engager dans des discussions substantielles", le pays y parviendra "par la voie militaire".
Les eurodéputés ont adopté définitivement mercredi 17 décembre l’interdiction de toutes les importations de gaz russe dans l’Union européenne à l’automne 2027 au plus tard, dans le but de priver la Russie de ressources finançant sa guerre en Ukraine. Le texte a été approuvé à une large majorité. "Sortir du gaz russe est une grande réussite pour l’Union européenne. Un geste véritablement historique", s’est félicité mardi sa rapporteure.
Selon elle, "depuis que la guerre à grande échelle a commencé (NDLR : en février 2022), l’Union européenne a payé plus de 216 milliards d’euros pour de l’énergie fossile russe. Nous payons encore près de 40 millions d’euros par jour (à la Russie) et finançons toujours les massacres en Ukraine".
Les États-Unis préparent une nouvelle série de sanctions contre le secteur de l’énergie russe pour augmenter la pression sur Moscou, et dissuader Vladimir Poutine de refuser l’accord de paix, selon les informations de Reuters. Elles cibleraient principalement le ciblage de navires de la "flotte fantôme" de pétroliers russes, utilisés pour transporter le pétrole russe. Les commerçants facilitant ces transactions seraient aussi visés.
"Les prochains jours seront une étape cruciale pour y parvenir ; il nous revient de choisir comment financer le combat de l’Ukraine, et nous en connaissons l’urgence" a appelé la présidente de la Commission européenne à la veille d’un sommet des dirigeants de l’U. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se retrouvent jeudi et vendredi à Bruxelles pour décider des moyens de financer au cours des deux ans à venir l’Ukraine en guerre contre la Russie.
L’une des options consiste à utiliser les avoirs de la banque centrale russe gelés en Europe, dont l’essentiel se trouve en Belgique sous le contrôle de la société Euroclear, pour financer un "prêt de réparation" à l’Ukraine d’un montant de 90 milliards d’euros. Une large majorité des 27 pays de l’UE y est favorable mais la Belgique s’y oppose, redoutant des représailles russes ou d’être le seul pays à payer les pots cassés en cas de problème. La dernière proposition sur la table prévoit des garanties de la part des 27 et de l’Union européenne, mais toujours jugées insuffisantes par la Belgique.

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Les eurodéputés ont adopté définitivement, mercredi 17 décembre, l’interdiction de toutes les importations de gaz russe dans l’Union européenne à l’automne 2027 au plus tard, dans le but de priver la Russie de ressources finançant sa guerre en Ukraine.
Le Parlement européen a approuvé à une large majorité ce texte, qui doit encore obtenir un ultime feu vert des Etats membres à la majorité qualifiée - normalement une formalité. "Sortir du gaz russe est une grande réussite pour l’Union européenne. Un geste véritablement historique", s’est félicitée mardi la rapporteure du texte, Inese Vaidere.
"Depuis que la guerre à grande échelle a commencé (NDLR : en février 2022), l’Union européenne a payé plus de 216 milliards d’euros pour de l’énergie fossile russe. Nous payons encore près de 40 millions d’euros par jour (à la Russie) et finançons toujours les massacres en Ukraine", a déclaré l’élue (Parti populaire européen, droite) lettone.
Le texte prévoit une interdiction progressive d’acheter du gaz russe, qui s’appliquera au plus tard le 1er novembre 2027 pour des contrats d’achat de long terme - les plus sensibles car ils courent parfois sur des dizaines d’années. Des pénalités financières pourront être imposées aux entreprises qui contourneront l’interdiction. En revanche, l’accord ne prévoit pas d’interdire totalement les achats de pétrole et de combustible nucléaire russes, auxquels ont encore recours plusieurs Etats européens.
La Commission européenne a opté pour une proposition législative plutôt que des sanctions, car elle peut être adoptée à la majorité qualifiée des Etats membres plutôt qu’à l’unanimité. Le but est de contourner un veto de la Hongrie et de la Slovaquie, deux pays considérés comme proches de Moscou et fermement opposés à ces mesures.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a d’ailleurs promis de contester le plan en justice. Dans l’hémicycle, l’eurodéputé d’extrême droite (Patriotes) Thierry Mariani, réputé pro russe, a fustigé mardi une "rupture historique", "imposée […] sans unanimité, et au prix de risques juridiques majeurs pour les Etats et les entreprises".

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