Les services de renseignement des Pays-Bas restreignent leur coopération avec ceux des Etats-Unis, jugés trop « politisés »
© KOEN VAN WEEL / AFP
© KOEN VAN WEEL / AFP
© NOAA / REUTERS
© Lucien Lung/Riva Press pour « Le Monde »
Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), en plein essor, s'est vu accusé mercredi 22 octobre d'espionnage au profit de la Russie et d'autres Etats autoritaires, des adversaires politiques pointant du doigt des questions parlementaires "problématiques". Ce parti prorusse et anti-migrants a rejeté ces accusations, mais plusieurs de ses personnalités entretiennent des liens étroits et parfois controversés avec la Russie ou la Chine.
Cette fois-ci, des élus de la région orientale de Thuringe, où l'AfD est la première force politique, sont suspectés d'utiliser leurs fonctions pour obtenir des informations sensibles sur la police, l'armée ou les infrastructures susceptibles d'intéresser des puissances étrangères.
La Russie est pour sa part accusée, malgré ses dénégations, d'une vaste campagne d'espionnage, de désinformation et de sabotage en Allemagne comme ailleurs en Europe. "L'AfD abuse du droit parlementaire de poser des questions pour enquêter manifestement sur nos infrastructures critiques", a accusé Georg Maier, le ministre de l'Intérieur du Land de Thuringe, partageant son "inquiétude croissante" avec le journal économique Handelsblatt. "L'impression qui se dégage est que l'AfD travaille, avec ses questions, à partir d'une liste commandée par le Kremlin", selon lui.
Le président de la commission de contrôle des services secrets au Bundestag, le conservateur Marc Henrichmann, a lui appelé les services de renseignement allemands à enquêter plus précisément sur ces "menaces internes et externes". "Ce qui sera crucial, c'est de déterminer si, ou dans quelle mesure, l'AfD continuera à se faire mener en laisse par le Kremlin", a-t-il jugé. D'après Georg Maier, issu du parti social-démocrate (SPD), l'AfD en Thuringe a posé ces 12 derniers mois 47 questions sur les infrastructures critiques, avec "une intensité et une précision croissantes".
Infrastructures de transport ou numériques, approvisionnement énergétique ou en eau... Le parti montre notamment "un intérêt particulier pour les technologies et équipements de la police", en particulier pour la défense antidrones, mais aussi pour l'armée et la protection civile, selon lui.
Interrogé par l'AFP, Konstantin von Notz, député des Verts et vice-président de la commission de contrôle des services de renseignement, a relevé qu'en avril 2024, lors d'un débat au Bundestag, des "questions parlementaires problématiques" de l'AfD avaient déjà été signalées, avec le soupçon qu'elles soient posées au nom "d'États autoritaires".
Selon lui, la même tactique a été constatée dans d'autres pays européens, preuve d'une "démarche ciblée à l'échelle européenne". "Il semble se confirmer que des représentants de l'AfD participent délibérément à cette stratégie de déstabilisation de notre pays, orchestrée par plusieurs États autoritaires", a-t-il dit à l'AFP, appelant les autorités allemandes à agir "avec détermination".
Le premier secrétaire du groupe AfD au Bundestag, Bernd Baumann, interrogé par l'AFP, a rejeté ces accusations, visant selon lui à décrédibiliser l'AfD, arrivée 2e aux législatives en février et en plein essor dans les sondages depuis. Les questions des élus "sur l’architecture et les infrastructures de sécurité de notre pays (...) sont posées par l'AfD dans l’intérêt des citoyens", a-t-il affirmé. "Les faits révélés ne sont en rien secrets (...) Que les autres partis cherchent maintenant à en faire une activité d'espionnage est totalement ridicule et reflète leur désespoir face aux intentions de vote en faveur de l'AfD", a ajouté le député.
Contacté par l'AFP, le renseignement extérieur allemand n'a pas souhaité commenter. Le renseignement intérieur n'a pas immédiatement répondu. Un porte-parole de la chancellerie s'est lui borné à dire avoir pris connaissances des accusations pesant contre l'AfD. Le chancelier allemand Friedrich Merz a désigné lundi le parti d'extrême droite comme son "principal adversaire" à l'aube d'une année électorale chargée, avec cinq des 16 Länder allemands qui se rendront aux urnes. L'AfD espère au moins gagner dans deux d'entre eux, à l'Est, et atteindre des scores records dans les autres.
© afp.com/Tobias SCHWARZ
"Depuis deux mois, je me réveille en sueur, à cause du même rêve. Je suis capturé, je vois des hommes autour de moi se faire tuer, et puis je suis tué aussi". Ce récit anonyme publié sur un réseau social russe, serait celui d’un militaire, déclaré inapte au combat après son passage par le front ukrainien.
En cette quatrième année d’invasion russe en Ukraine, de plus en plus de soldats russes se voient diagnostiquer des maladies psychiatriques : stress post-traumatique, alcoolisme, pensées suicidaires… Une étude menée par une quinzaine de psychiatres et médecins, et relayée par The Moscow Times, documente l’ampleur du problème.
On apprend ainsi que, sur près de 150 militaires admis dans un hôpital psychiatrique de Moscou, entre 2023 et 2024, environ la moitié présente un syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Le symptôme le plus fréquent, rapporté par 70 % de ces patients, était des flash-backs intrusifs de combats.
Les autres malades, à qui il n’était pas directement diagnostiqué un SSPT, souffraient quant à eux "de troubles mentaux causés par des lésions cérébrales (26 %), de troubles affectifs (20 %), de troubles de type schizophrènes ou délirants (15 %) ou de dépendance à l’alcool (10 %)", liste The Moscow Times. 75 % souffraient d’anxiété, et la moitié de dépression et d’insomnie. Les psychiatres ont également noté des difficultés de communication avec leurs proches et des abus d’alcool.
L’âge moyen de ces soldats est de 34 ans. Certains avaient déjà combattu dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, avant l’invasion russe de 2022.
"Comment puis-je être libéré pour raisons médicales ?", s’interroge un soldat sur un forum. "Plus précisément, comment prouver [à mes commandants] que je ne suis pas stable et que je perds la raison ? […] Trois ans sans repos ni famille, et parfois, au combat, on perd la boule. J’ai besoin d’un psychiatre ou d’un sanatorium", appelle-t-il à l’aide.
Une autre étude, réalisée entre 2022 et 2024 dans un hôpital psychiatrique de Novossibirsk (Sibérie), a établi que parmi 130 militaires internés, 24 % avaient été admis après une tentative de suicide. Chez les soldats présentant des symptômes de stress post-traumatique, "le risque de suicide était multiplié par cinq".
Selon les psychologues, un aspect qui revient souvent dans les discussions avec les patients est le sentiment de déconnexion du reste de la population russe, presque étrangère à la guerre. "Lorsque les militaires sont soignés à Moscou, les passants les remercient parfois pour leur rôle. Mais dans les villes plus petites, ils ont l’impression d’être délaissés, comme si leur contribution ne valait rien", a déclaré un psychologue russe qui travaille avec des vétérans.
Si de plus en plus de soldats revenant du front présentent ces symptômes, il reste difficile de quantifier le phénomène, les soldats cherchant rarement une aide psychologique par eux-mêmes. Cela s’explique par la pression "liée aux notions traditionnelles de masculinité", la méfiance envers le système de santé mentale russe et la crainte que cela n’impacte leur carrière militaire, explique le quotidien russe.
© afp.com/Kirill KUDRYAVTSEV
Un camp de djihadistes français encerclé par les forces gouvernementales en Syrie. Les autorités du régime d’Ahmed al-Charaa mènent ce mercredi 22 octobre une opération visant le groupe emmené par Oumar Diaby, alias Omar Omsen, djihadiste franco-sénégalais. Ce dernier est accusé d’avoir enlevé une fillette des mains de sa mère, dans le nord-ouest de la Syrie. Depuis, il s’est retranché avec plusieurs autres djihadistes et leurs familles dans un camp, situé proche de la frontière avec la Turquie.
Le général Ghassan Bakir, commandant des forces de la sécurité intérieure de la province d’Idleb, a indiqué que les autorités avaient demandé à Oumar Diaby de se livrer, mais qu’il avait refusé. Les forces gouvernementales l’accusent aussi de leur tirer dessus et "d’utiliser les civils comme boucliers humains". Le fils d’Oumar Diaby, un djihadiste qui se fait appeler Jibril al-Mouhajer, a déclaré à l’AFP que "les affrontements ont commencé après minuit et se poursuivent". Toujours auprès de l’agence de presse, un habitant de la région a par ailleurs assuré entendre des explosions et avoir vu les forces gouvernementales acheminer des renforts vers le camp depuis mardi.
Oumar Diaby, ancien délinquant, est devenu prêcheur en Syrie. Qualifié en septembre 2016 par les États-Unis de "terroriste international", il est soupçonné d’avoir convaincu de nombreux Français de rejoindre la Syrie. Dans le pays, les djihadistes originaires de l’Hexagone se font appeler "Firqat al Ghouraba" (le groupe des étrangers). Beaucoup ont afflué durant la guerre civile, qui a éclaté après la répression par l’ex-président Bachar el-Assad d’un soulèvement populaire en 2011. Le conflit a pris fin après le renversement du dictateur par Ahmad al-Charaa et les rebelles qui lui étaient affiliés, en décembre 2024.
Le nouveau président syrien est lui-même un ancien djihadiste. Avant son accession au pouvoir, il se trouvait à la tête du groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), issu d’une ancienne branche d’Al-Qaïda. Comme d’autres groupes extrémistes, le groupe d’Oumar Diaby semble être tombé en disgrâce depuis l’accession au pouvoir d’Ahmad al-Charaa, qui tente aujourd’hui de faire oublier son passé djihadiste. Le terroriste français avait eu des déboires avec cette organisation, qui contrôlait l’enclave rebelle d’Idleb. HTC a été dissoute au moment de l’accession au pouvoir à Damas du chef rebelle, autrefois connu sous le nom d’Abou Mohammed al-Joulani.
Selon les chiffres transmis par des sources sécuritaires françaises en décembre 2024 à l’AFP, une "petite cinquantaine" de personnes feraient partie du groupe d’Oumar Diaby. Celui-ci fait par ailleurs l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la justice française. "Sur les 1 500 Français qui sont partis faire le djihad dans les années 2000, on compte 390 revenants en France, 500 décédés, une grosse centaine dans la poche d’Idleb, environ 150 détenus ou retenus dans le nord-est syrien et en Irak, mais aussi 300 disparus", avait détaillé le procureur antiterroriste français, Olivier Christen, dans un entretien au Figaro publié peu après la chute de Bachar el-Assad.
© AFP
Des craintes qui se renforcent. Les Pays-Bas restreignent désormais l’accès des États-Unis aux informations collectées par leurs agences de renseignement. "Parfois, nous ne partageons plus certaines choses", a souligné Peter Reesink, chef du renseignement militaire néerlandais, dans une interview accordée samedi 18 octobre au journal De Volkskrant. Un entretien réalisé de manière conjointe avec son homologue de la sécurité intérieure, Erik Akerboom. "Nous ne pouvons pas dire ce que nous partageons ou non" avec les États-Unis, a complété ce dernier. "Mais nous pouvons dire que nous sommes plus critiques [qu’il y a un an]."
Ces propos constituent pour la première fois un signe d’une méfiance assumée de la part de services de renseignement européens vis-à-vis de leurs partenaires américains. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les liens des 27 membres de l’Union européenne avec Washington se sont étiolés. Le discours virulent tenu en février dernier à Munich (Allemagne) par le vice-président américain J.D. Vance à l’égard de ses alliés du Vieux continent incarne ce climat de suspicion grandissant.
L’étrange contexte lié à cette relation transatlantique dégradée se répercute ainsi sur les rapports entre agences de renseignement. Certes, Peter Reesink explique avoir été rassuré par une visite réalisée "il y a quelques mois" à la NSA et à la CIA américaines. "Nos liens sont bons et le resteront", assure-t-il. Avant d’immédiatement contrebalancer : "Cela ne change rien au fait que nous évaluons régulièrement notre collaboration". Le limogeage au printemps dernier de l’ex-patron de la NSA, Timothy Haugh, sur ordre de l’administration Trump, paraît avoir échaudé le responsable du renseignement militaire néerlandais, qui fait part de sa "grande tristesse" à ce propos.
Questionné au sujet du partage avec les États-Unis de renseignements néerlandais liés à la Russie, Peter Reesink explique aussi que la pertinence de celui-ci "sera pesée" avant tout envoi. Son collègue du renseignement intérieur constate de façon plus générale un changement de méthode du côté américain ces derniers mois, contraignant les autorités néerlandaises à réévaluer leurs pratiques vis-à-vis de Washington. "Nous ne jugeons pas politiquement ce que nous voyons, mais nous analysons nos expériences avec les services", précise Erik Akerboom. Et nous sommes très attentifs à la politisation de nos services de renseignement et aux violations des droits humains."
Les Pays-Bas sont traditionnellement de proches alliés des États-Unis. Mais la reconfiguration des relations diplomatiques de part et d’autre de l’Atlantique conduit Amsterdam, comme beaucoup d’autres nations du continent, à adopter de nouvelles tactiques en matière de renseignement. Ce mercredi, Politico rapporte ainsi que la mise à distance américaine de l’Europe a poussé les agences spécialisées des 27 à réinventer leur façon de travailler ensemble, en particulier via différents nouveaux groupes de partage, réunissant chacun une poignée de pays.
Mais le rôle de Bruxelles dans cette transmission de données sensibles demeure aujourd’hui limité. Comme relevé par le média américain, l’ex-président finlandais Sauli Niinistö avait rendu l’an dernier à la Commission européenne un rapport promouvant la création d’une agence de renseignement à l’échelle européenne, sur le modèle d’une structure de type CIA. L’objectif ? Mettre en place un "service de coopération en matière de renseignement à part entière au niveau de l’UE, qui peut répondre à la fois aux besoins stratégiques et opérationnels".
"Nous devons nous faire confiance", exhortait Sauli Niinistö au moment de la remise de son travail, préconisant cette solution notamment face aux risques liés à la menace russe à l’est du continent. Preuve du caractère inflammable d’un tel projet, le Premier ministre tchèque Petr Fiala avait à l’époque d’emblée rejeté la proposition, la jugeant "pas réaliste".
© Robin van Lonkhuijsen / ANP / AFP
© SEBASTIAN ELIAS UTH / AFP
© NATHAN HOWARD/GETTY IMAGES/AFP
© BEN STANSALL/AFP
© PHOTO ABIR SULTAN/AFP
© OMAR AL-QATTAA/AFP
© JONATHAN NACKSTRAND / AFP