Les « sentiments mêlés » des soldats ukrainiens face aux scénarios de cessez-le-feu

© Virginie NGUYEN HOANG/HL/HUMA pour « Le Monde »

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Le retour de Donald Trump, vous le savez, inquiète largement les scientifiques. Le président des Etats-Unis s’en prend aux universités, aux revues, aux agences de recherche, à leurs financements comme aux membres de certaines institutions. Et celles liées au climat ne sont pas épargnées, Donald Trump estimant que le réchauffement est un canular.
Le républicain s’est notamment attaqué à la NOAA, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. 1 200 fonctionnaires ont été tout simplement remerciés, façon Trump, et d’autres devraient bientôt suivre.
Cette agence joue pourtant un rôle clé dans la préservation de l’environnement un peu partout sur la planète et surtout concernant les océans : suivi météorologique, prévision d’ouragans ou de sécheresses, surveillance des ressources marines, elle a des programmes de recherche en Inde, au Brésil, ou encore dans les îles du Pacifique, et des partenariats avec de grands laboratoires comme l’Ifremer en France.
Mais à l’heure où Donald Trump met en pièces la recherche sur les fonds marins, le reste du monde s’organise pour assurer leur protection.
Dans quelques jours, la France accueillera à Nice un sommet des Nations unies réunissant Etats, ONG et scientifiques. Tous vont tenter de s’accorder sur des traités et des financements pour sauvegarder nos océans.
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Cet épisode a été écrit et présenté par Charlotte Baris, réalisé par Jules Krot et monté par Emeline Dulio.
Crédit : Union nationale de la poissonnerie française, Elysée, Les Echos
Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent
Logo : Jérémy Cambour
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© afp.com/Christophe ARCHAMBAULT

© ANNA ROSE LAYDEN/Getty Images via AFP

© LAURENCE GEAI/MYOP POUR « LE MONDE »
Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec l’association Mémorial, interdite en Russie. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.
Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable tant, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la répression est omniprésente en Russie.
De longs cheveux blonds traversés d’une mèche teinte en violet, les traits creusés. "Zirka", son nom de guerre, signifie "étoile" en ukrainien. Mais elle est bel et bien russe, engagée comme aide-soignante dans la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes qui combat aux côtés des forces de Kiev. Parfaitement francophone, elle vivait à Paris quand la guerre a éclaté. Deux ans plus tard, après un long cheminement personnel et un recrutement exigeant, la voilà sur le front.
"J’ai fait mes études supérieures à Paris et j’y suis devenue brodeuse d’art. Je travaillais pour des maisons de haute couture et je voulais créer mon propre atelier. Souvent, je travaillais avec des collègues ukrainiens. Le matin du 24 février, j’ai vu les nouvelles, les messages des amis, de la famille éloignée en Ukraine, qui m’écrivaient 'C’est la guerre, on est bombardés'. Je n’y croyais pas. Qui va attaquer un pays moderne, européen, pour rien du tout ?
Une seule personne m’a soutenue sur mes milliers de followers
Mais le pire, c’était la réaction des Russes. Le rejet massif de la réalité, du fait que la Russie était en train d’attaquer l’Ukraine, tous ces gens qui disaient 'C’est faux, ce sont des vidéos truquées' ou qui disaient que les Ukrainiens étaient responsables de tout ce qui se passait. C’était dingue. Pour moi, c’était même plus choquant que de voir les villes ukrainiennes bombardées. Et cette vague de fascisme russe, de 'ruscisme', a commencé, du jour au lendemain, à engloutir la plupart de mes connaissances. J’étais bouleversée. Je parlais de la guerre à tout le monde, tout le temps. A l’époque, on croyait que c’était possible d’expliquer la situation aux Russes, qu’ils allaient se soulever et arrêter Poutine. Quand j’y repense, je trouve ça drôle et triste en même temps. J’ai montré sur les réseaux sociaux mon passeport russe, j’ai dit que j’avais visité l’Ukraine, que je n’avais jamais eu de problème, que les russophones ukrainiens n’étaient pas opprimés ou malheureux. Parmi toutes mes connaissances, une personne m’a écrit pour me soutenir. Une seule, sur les milliers de followers que j’avais. Par contre, j’ai reçu beaucoup d’insultes.
Très vite, j’ai eu envie de partir combattre en Ukraine. Je suis une personne qui préfère agir qu’attendre. J’ai zéro patience, je m’épanouis dans l’action. Mais en même temps, j’avais 38 ans. Je suis une femme, pas très sportive. Je n’avais aucune expérience militaire. Je pensais que je serais complètement inutile. Je me disais : il leur faut des tireurs, des électriciens, des médecins… mais pas moi, avec mon fil et mes aiguilles. Une collègue ukrainienne, qui habitait à Kiev, m’a alors confié ses enfants à Paris, une fille de 15 ans et deux petits de 6 et 8 ans, pendant que son mari était au front. Ça m’a apaisée, je me sentais utile. Et puis la guerre s’est installée et les gens, à Kiev, ont appris à vivre avec.
J’ai pris six mois pour m’entraîner
Les enfants sont rentrés chez eux. De nouveau, j’ai eu envie de partir. J’ai rédigé une liste recensant tout ce que je pouvais faire d’utile et, en février 2023, j’ai écrit à l’armée ukrainienne. Ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas intéressés par mon passeport russe, mais ils m’ont parlé de la légion "Liberté de la Russie". C’était en concordance avec ce que je veux, une Russie paisible, une Russie où les gens vivent bien, parce que les gens qui vivent bien n’attaquent pas d’autres pays. J’avais peur de ne pas être acceptée, alors j’ai décidé de me préparer.
J’ai pris six mois pour m’entraîner, j’ai appris les premiers secours avec les sapeurs-pompiers français, je suis partie aux Etats-Unis, j’ai appris à piloter des drones et, finalement, j’ai envoyé ma candidature. Six mois plus tard, j’ai rejoint la légion, en tant qu'aide-soignante militaire. C’est un processus très long pour éviter que la légion ne se fasse infiltrer par des agents du FSB. Nous sommes désignés comme une organisation terroriste en Russie. On nous considère comme des traîtres. Mais c’est notre pays qui nous a trahis.
Ça ne me dérange pas de tirer sur des Russes [NDLR : sur le front ukrainien, les aide-soignants peuvent être armés]. Ce n’est pas une question de nationalité, c’est une question de choix individuel. Si quelqu’un tire sur votre enfant, vous allez lui tirer dessus. Les voleurs, les tueurs, les malfaiteurs, on les met en prison. C’est la même chose. Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des voleurs, des assassins de gens sans défense, des violeurs d’enfants. Je discute souvent avec des prisonniers russes. Ils disent toujours 'on n’avait pas le choix'. Mais on a toujours le choix. Ils pouvaient s’enfuir du bus qui les emmenait à la caserne, personne ne les aurait rattrapés. Ils pouvaient partir à l’étranger, ils pouvaient refuser de servir, ils pouvaient choisir d’aller en prison. Ils sont restés dans leur bus comme des moutons, c’est leur choix. Et puis il y a l’argent. Les militaires russes sont très bien payés, ils sont très nombreux à n’être là que pour ça.
Les raids de la légion sur le territoire russe en 2023, ça donnait de l’espoir. L’espoir, il faut l’alimenter régulièrement, sinon on le perd. Quand je suis partie rejoindre la légion, c’était le moment où la motivation baissait, la victoire s’éloignait. Je me suis dit 'c’est le moment d’y aller, le moment le plus difficile'. Il faut des nouvelles personnes pour remplacer les pertes. C’était horrible pour ma mère. Moi, je me disais 'on verra'. De toute façon, après avoir gagné en Ukraine, il faudra gagner en Russie. La victoire de l’Ukraine sera un grand pas vers la libération de la Russie. Il faut la libérer de ce gouvernement fasciste. Chaque année de guerre enfonce la Russie dans un abîme de détresse économique et culturelle. Le dernier espoir que l’on a eu, c’est la contre-offensive de l’été 2023, qui a complètement échoué.
Aujourd’hui, on continue à se battre parce qu’il faut continuer. Mais quand on me demande quand ça finira, je réponds 'jamais'. Cette guerre ne finira jamais. Ou alors il faut des sanctions, que le monde entier s’oppose à la Russie. Le régime ne s’effondrera pas tout seul. Ou peut-être qu’il y aura un miracle : il va quand même crever un jour, ce Poutine ! Mais une révolte de l’intérieur, il n’y en aura que si son armée est vaincue. Les gens sont terrifiés, là-bas. Tous ceux qui avaient du courage sont en prison, morts ou partis à l’étranger.
Moi, je combattrai jusqu’à ce que je sois tuée. C’est tout à fait possible, je l’envisage assez calmement. Mourir un jour, ça fait partie de notre métier. Donc, ça se passera comme ça, sauf si un jour je sens que j’ai donné assez longtemps de ma vie à cette cause et qu’il est temps de passer à autre chose. J’ai décidé de servir au moins trois ans. Evidemment, le rêve, ce serait la victoire. J’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser. Que les soldats russes partent d’Ukraine, d’abord. Et ensuite, avoir la certitude que la Russie n’attaquera plus jamais personne. Plus de Poutine, la Russie reconnaît ses crimes, paie des réparations, démolit le mausolée de Lénine et construit à la place une stèle à la mémoire de tous ceux qui ont été tués, pour que la Russie se souvienne toujours de ce qu’elle a fait."

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