Le retour en grâce du refroidissement liquide, à cause des IA
Avec l'augmentation de la consommation des composants dans certains domaines mais aussi de la densité dans les serveurs, une technologie ancienne et parfois décriée revient en force : le refroidissement liquide (ou watercooling). Et près de 20 ans après sa mise en place dans les Power Mac G5, elle est déployée dans de nombreux marchés… dont celui de l'IA.
Le refroidissement liquide part d'un principe physique simple : l'eau est plus efficace que l'air pour déplacer la chaleur émise par les composants. Dans la majorité des systèmes modernes, le but est de déplacer la chaleur émise par les puces vers un dissipateur qui va ensuite permettre d'évacuer la chaleur en question vers l'extérieur du circuit. C'est une solution plus efficace que de placer le dissipateur au niveau des composants pour ensuite extraire la chaleur avec des ventilateurs (le fonctionnement classique), et elle a d'autres avantages évidents dans les serveurs.

Dans le monde grand public, le refroidissement liquide a été employé dès la fin des années 90 par des bidouilleurs, qui passaient par des pompes d'aquarium et des radiateurs de voitures pour refroidir processeurs et cartes graphiques, à une époque où les composants consommaient finalement assez peu. C'était essentiellement une solution pour réduire les nuisances sonores. En 2005, Apple a adopté cette solution pour une partie de sa gamme de Power Mac G5 : pour atteindre des fréquences élevées1, un système de refroidissement liquide a été conçu avec General Motors. Il permettait de réduire le bruit tout en gardant une température acceptable. Cette solution a été abandonnée dès le Mac Pro, et pour une bonne raison : le système d'Apple était complexe et avait tendance à fuir avec le temps.

Dans les années suivantes, le refroidissement liquide n'a pas disparu, mais c'est souvent cantonné à un domaine précis : les PC de joueurs. De nombreux fabricants proposent des kits de refroidissement qui permettent de refroidir un processeur et parfois une carte graphique, avec une excellente efficacité. Mais ces kits sont onéreux, demandent des boîtiers adaptés et sont parfois plus complexes à mettre en place qu'un couple dissipateur/ventilateur.
Le retour en grâce
Si quelques sociétés emploient du refroidissement liquide depuis de nombreuses années sans nécessairement le mettre en avant (comme OVHcloud), il y a tout de même un retour en grâce en 2025 pour deux raisons. La première, c'est que le TDP (c'est-à-dire la quantité maximale d'énergie émise par les composants) tend à augmenter sur certains composants. Si les processeurs de nos ordinateurs ont un TDP à la baisse avec le temps, ce n'est pas le cas dans les serveurs : une puce contenant 96 ou 128 cœurs possède une consommation à l'avenant.

La seconde, c'est que les constructeurs de serveurs veulent caser beaucoup de composants dans les mêmes baies, ce qui pose de nombreux problèmes avec une dissipation classique. Plutôt que d'utiliser d'énormes dissipateurs qui prennent plusieurs emplacements avec une ventilation forcée au niveau du châssis — le choix d'Apple avec le Mac Pro de 2019 par exemple —, il est plus avantageux de placer de nombreuses cartes sur la même carte mère, avec une boucle de refroidissement liquide qui va déplacer la chaleur vers un dissipateur adapté.

Ceux mis en avant par Chips and Cheese et vus au salon Hot Chips 2025 ciblent évidemment un type précis de composants : ceux destinés à l'IA. Le refroidissement liquide permet en effet de case plus de puces sur la même surface, et potentiellement des puces plus rapides (car mieux refroidies). Et ce type de refroidissement permet aussi de faire des économies énergétiques dans certains cas, car les pompes nécessaires aux systèmes de refroidissement liquide consomment moins que les nombreux ventilateurs d'une solution classique2. Les exemples montrés ciblent d'ailleurs directement les puces d'AMD et de Nvidia qui effectuent les entraînements des nombreuses IA, et qu'il est difficile d'encore appeler GPU.

Dans le monde grand public, le refroidissement liquide devrait rester l'exception, par contre. Tant AMD qu'Intel tendant à arrêter d'augmenter le TDP des processeurs. Et même si quelques cartes graphiques atteignent des consommations (très) élevées, elles restent assez rares dans la pratique et il est encore possible de passer par un refroidissement classique (par air). De plus, même si le refroidissement liquide a des avantages évidents dans le monde des serveurs, les compromis ne sont pas adaptés à un usage en masse, ne serait-ce qu'à cause des risques de fuite.
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Pour l'époque, avec 2,7 GHz. Même le TDP des PowerPC 970 était assez faible comparativement aux puces actuelles, qui peuvent être refroidies avec des systèmes classiques bien optimisés. ↩︎
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Dans un PC classique, la consommation d'un ventilateur est globalement négligeable, mais dans les serveurs, ils sont nombreux et tournent à des vitesses très élevées, ce qui implique une consommation significative dans le total d'une baie. ↩︎