160 ans de télécoms : de la Tour Eiffel à l’espace, en passant par le Titanic
Bah et les pyramides alors ?

Dans un monde toujours plus connecté et qui dépasse même les frontières de notre Terre, il est indispensable d’avoir une coopération internationale pour la gestion des fréquences. C’est le rôle de l’UIT des Nations unies. Elle fête ses 160 ans et a donc vu l’essor de toutes les communications modernes.
Le 17 mai 1865, à Paris, 20 pays signaient une convention créant l’Union Internationale Télégraphique, l’ancêtre de l’Union internationale des télécommunications (IUT). C’est « la plus ancienne agence des Nations Unies », rappelle l’ANFR. L’IUT ajoute que la « République française a joué un rôle central dans sa création ».
Du télégraphe à la télécommunication et au spatial
Les articles 4 et 5 résonnent encore aujourd’hui : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toutes personnes le droit de correspondre au moyen des télégraphes internationaux […] Elles s’engagent à prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le secret des correspondances et leur bonne expédition ». La convention originale est disponible ici sous forme de PDF. Les comptes rendus des autres conventions se trouvent par là.



Il y a 160 ans, l’enjeu était « d’interconnecter les réseaux télégraphiques ». On remplace télégraphiques par télécommunications et l’idée reste la même aujourd’hui.
L’Agence nationale des fréquences confirme :
« Les problématiques traitées au sein du secteur des radiocommunications de l’UIT sont finalement assez proches de celles des débuts : recherche d’harmonisation, faciliter l’innovation, définition des règles de coexistence dans le respect de la souveraineté des pays dans la gestion de leurs fréquences, accès équitable ».
Signe d’un changement d’époque tout de même, la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications (ou CMR) sera consacrée « à 80 % au spatial ». Elle se déroulera en 2027. Les CMR se tiennent en général tous les trois ou quatre ans.
La Tour Eiffel comme terrain de jeu
L’Union internationale des télécommunications explique que si la Tour Eiffel, est toujours en place, c’est « en grande partie grâce à l’émergence de la radio ». Elle a été construite pour l’Exposition universelle de 1889, soit 34 ans après la signature de la convention, mais celle qui est désormais l’emblème de la France a servi dès le début des années 1900 à des expérimentations scientifiques, notamment dans les radiocommunications : « En 1908, les émissions atteignaient jusqu’à 6 000 kilomètres ».
C’est à la même période que la première Convention radiotélégraphique internationale est lancée, en 1906, en parallèle de la Convention télégraphique internationale. En 1932, les deux conventions fusionnent pour former la Convention internationale des télécommunications. Elle s’occupe de la télégraphie, de la téléphonie et des radiocommunications.
« Le désastre du Titanic aurait pu être évité »
La première convention radiotélégraphique « portait essentiellement sur le service maritime pour éviter les brouillages, donner la priorité à la détresse et à la sécurité, et assurer l’interopérabilité entre les systèmes », explique Éric Fournier de l’ANFR. Elle a aussi « imposé comme signal de détresse le SOS ».
Il ajoute une petite anecdote : « tout n’était pas parfait, le désastre du Titanic [qui a fait naufrage en 1912, ndlr] aurait pu être évité si l’opérateur radio avait écouté les messages d’alerte aux iceberg, plutôt que de privilégier les correspondances publiques. Et les secours auraient pu arriver beaucoup plus vite s’il y avait eu des obligations d’emport des équipements radio et de veille sur tous les navires ».
Les conférences ultérieures en « ont en tiré les leçons ». C’est courant comme manière de faire : en cas d’incident, les causes sont recherchées et identifiées afin d’éviter que cela ne se reproduise. C’est même une règle d’or dans l’aviation et on aimerait que ce soit aussi le cas dans le numérique. En cas de grosse panne ou bug, publier un post mortem détaillé permet d’informer les autres acteurs du secteur qui peuvent ainsi vérifier s’ils peuvent être concernés et, le cas échéant, prendre des mesures.
Protéger la radioastronomie, accompagner la téléphonie
En 1963, la conférence a pour la première fois attribué une bande de fréquence exclusive pour la radioastronomie : les 1,4 GHz (pour l’hydrogène). Aujourd’hui encore, la guerre est féroce sur les ondes entre les scientifiques et les intérêts financiers des grandes sociétés et des pays.
« Pas mal de gens pensent que les bandes passives [aucun service actif n’est autorisé, ndlr] prennent du spectre et que ce serait pas mal qu’elles soient utilisées par des émetteurs actifs […] Elles sont très convoitées, on a de plus en plus de mal à les défendre, c’est de plus en plus compliqué […] Le spectre est de plus en plus rare et difficile d’accès », résumait Thibault Caillet, expert en ingénierie du spectre à l’ANFR.
Pour Éric Fournier, « une autre réussite de l’IUT a été d’accompagner l’essor des communications mobiles avec l’harmonisation depuis plus de 30 ans des fréquences, mais aussi des technologies IMT » ou International Mobile Telecommunications.
2,6 milliards de personnes toujours pas connectées
À l’occasion de cet anniversaire et de la Journée mondiale des télécommunications et de la société de l’information (fixée au 17 mai), les Nations Unies affirment que « combler le fossé numérique entre les hommes et les femmes ouvre des perspectives à tous ».
L’IUT rappelle de son côté que « sur les 2,6 milliards de personnes qui ne sont toujours pas connectées, la majorité sont des femmes et des filles ». « À l’échelle mondiale, 70 % des hommes utilisent Internet, contre 65 % des femmes », indique l’Union dans son bilan.
Il y a aussi de fortes disparités entre les continents. L’Afrique est sans surprise en dernière position avec seulement 31 % de femmes connectées et 43 % des hommes. En Europe, nous sommes à respectivement 90 et 92 %.
