Mineurs : l’Assemblée vote une enquête pour évaluer les effets psychologiques de TikTok
En six lettres : son abus est dangereux pour la santé ?

Les députés ont voté jeudi une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête dédiée au réseau social TikTok. Objectif affiché : déterminer si l’application est susceptible de favoriser le développement de troubles psychologiques chez les jeunes publics.
Mécaniques d’addiction, politique de modération, amplification de l’exposition à des contenus sujets à caution : le fonctionnement de TikTok devrait faire l’objet d’un passage au crible au Palais Bourbon. L’Assemblée nationale a en effet adopté jeudi soir une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête dédiée à l’étude des impacts psychologiques du célèbre réseau social chinois sur les mineurs.
« Nous faisons face à un paradoxe : alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’influence délétère des réseaux sociaux sur le bien-être psychique des jeunes, ces derniers sont de plus en plus exposés auxdits réseaux », a fait valoir jeudi Laure Miller, députée (Ensemble pour la République) et rapporteure du texte. « Dans ce contexte, le réseau social TikTok incarne un paradoxe particulièrement morbide puisqu’il confronte le public le plus vulnérable aux biais de fonctionnement les plus délétères ».
Spirales de contenus
Déposée le 16 janvier dernier, la proposition a été débattue en séance publique dans un hémicycle très clairsemé, mais les 23 votants l’ont approuvée à l’unanimité. Et s’il y a eu débat sur le périmètre exact de la commission, le constat relatif aux risques que ferait peser TikTok sur les enfants ou les adolescents est apparu consensuel, tous bords politiques confondus.
« Le défi est de taille, mais les bénéfices en valent la peine ; il y va du bien-être d’une génération qui grandit avec un flux vidéo infini dans la poche. Transformer ce flux en un allié plutôt qu’en un piège est un impératif sociétal », a par exemple estimé le député Jean Moulliere (Horizons & Indépendants).
« Vidéos ayant trait au suicide, faisant la publicité de moyens de se donner la mort, promouvant des produits supposés faire perdre du poids, contenus hypersexualisés et altérant irrémédiablement l’image de soi et la confiance, désinformation, sans compter la haine en ligne : telles sont les spirales de contenus auxquelles sont exposés les jeunes », a souligné Constance de Pélichy (LIOT).
« La désinformation constitue un autre fléau propre à cette application », ajoute Frédéric Maillot (Gauche Démocrate et républicaine). « En 2022, une analyse menée par NewsGuard a confirmé ces éléments en dévoilant que 20 % des vidéos d’actualité diffusées sur TikTok contenaient des informations trompeuses. »
« TikTok ne fait pas seulement le bruit d’une bombe à retardement. Il en est une », assène pour sa part Caroline Parmentier (Rassemblement national), en conclusion de la discussion générale.
Proposer des mesures concrètes
La résolution votée jeudi ouvre la voie à la création d’une commission d’enquête dont les trente membres devront étudier et quantifier « les dispositifs de captation de l’attention utilisés par TikTok ainsi que leurs effets psychologiques, notamment en termes de pensées et de comportements suicidaires et sur les relations sociales intrafamiliales et extrafamiliales, en particulier sur les mineurs ».
Elle devrait également s’attacher à examiner de façon plus large les risques liés à l’exposition des jeunes aux contenus dits « dangereux », puis proposer des « mesures concrètes visant à protéger les mineurs,
notamment en matière de régulation des contenus, de sécurité numérique et de modération des pratiques de la plateforme ».
Un amendement lui confère une mission supplémentaire : celle d’effectuer une analyse comparative de TikTok et de sa version réservée au marché chinois, Douyin. « La Chine, pays d’origine de TikTok, impose par exemple une limite de quarante minutes par jour aux utilisateurs de moins de 14 ans grâce à son application locale Douyin. À l’inverse, l’Europe reste encore en retard dans l’encadrement des usages, malgré l’adoption du règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (DSA) qui vise à renforcer la transparence des algorithmes et des contenus promus », a fait valoir à ce sujet Jean Moulliere.
Aux États-Unis, TikTok fait depuis octobre 2024 l’objet d’une plainte à grande échelle, fondée elle aussi sur des accusations de pratiques préjudiciables à la santé des jeunes utilisateurs du réseau social.