Wikimedia rejette les mises en demeure du Point qui contiennent « de graves erreurs »
Point final ?

L’hebdomadaire le Point a envoyé deux mises en demeure à la Fondation Wikimedia demandant entre autres de supprimer deux sections de l’article de l’encyclopédie qui lui est consacré. Il accuse aussi de diffamation la lettre ouverte publiée par des bénévoles dénonçant les pressions subies par l’un de leurs membres. La fondation ne donnera pas suite, explique un de ses conseillers juridiques.
Ces dernières semaines, le magazine le Point a lancé une offensive médiatique et juridique contre l’édition en français de Wikipédia, notamment en envoyant des mises en demeure à la Wikimedia Foundation.
Phil Bradley-Schmieg, avocat et conseiller juridique détaché auprès de la Fondation Wikimedia, a posté un message sur la page du « Bistro » de Wikipédia confirmant que la Fondation a été « contactée par des avocats agissant pour Le Point ».
Il précise que la Fondation ne s’exprime pas d’habitude sur ce genre de mise en demeure, « cependant, celle-ci est inhabituelle, notamment en raison de la couverture médiatique (très sélective) dont elle a fait l’objet » et annonce que la Fondation Wikimedia ne fera pas suite à la demande du Point.
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Comme nous l’évoquions, une première mise en demeure évoque « la mise en ligne manifestement malveillante d’informations partielles, partiales et erronées » à propos du Point sur l’article de l’encyclopédie qui lui est consacré.
Supprimer deux sections sur son traitement de l’Islam et ses condamnations et manquements à la déontologie professionnelle ?
Phil Bradley-Schmieg explique qu’une seconde mise en demeure, envoyée le 7 mars, étend la plainte du Point auprès de la Fondation à la lettre ouverte, publiée par de bénévoles de l’encyclopédie sur le site de Wikipédia, dans laquelle ils dénoncent les pressions subies par l’un de leurs membres, FredD :
« Nous, bénévoles contribuant à Wikipédia — en français ou en d’autres langues — apportons notre plein soutien à notre pair FredD, cible de courriels d’intimidation par un journaliste du magazine Le Point, menaçant de divulguer son identité et sa profession », écrivaient-ils.
Les avocats du Point qualifient dans la seconde mise en demeure cette lettre ouverte de « diffamatoire », selon Phil Bradley-Schmieg.
Il résume aussi dans ce message les demandes faites par le Point :
« – que la page fasse l’objet d’un bandeau de « désaccord de neutralité » et soit inscrite au sein de la « liste des articles non neutres ».
– que les deux sections « Traitement de l’Islam » et « Condamnations et manquements à la déontologie professionnelle », soient supprimés ou a minima fassent l’objet d’un bandeau « Section non neutre » afin d’informer les internautes qu’elles ne respectent pas la neutralité de point de vue.
– que les contributeurs ouvertement militants et qui travaillent à infléchir dans un sens systématiquement négatif et dénigrant la page consacrée au Point, ou violent les règles de neutralité et de sourçage, soient écartés.
– que la page soit mise sous protection. »
« De graves erreurs et malentendus »
Selon le conseiller juridique de la Fondation, « la mise en demeure est entachée d’un nombre surprenant de graves erreurs et malentendus ». Notamment, il pointe la confusion entre deux interventions de deux utilisateurs qui ont des noms d’utilisateur « superficiellement similaires ». Ainsi, les avocats du Point se seraient plaints d’un « biais systémique » contre Le Point en pointant, par exemple, les publications d’un utilisateur qui avait pourtant écrit :
« Le journal conteste toutefois ces accusations et affirme qu’une « poignée de radicalisés 2.0 » cherche à lui donner une mauvaise image via sa page Wikipédia ».
Cette phrase venait pourtant ponctuer le paragraphe précédent : « en 2023, une étude académique publiée dans la revue Réseaux. Communication – Technologie – Société centrée sur l’utilisation médiatique du mot « islamo-gauchisme » en France entre 2015 et 2021 place »Le Point », en compagnie de »Valeurs actuelles », au premier rang des hebdomadaires qui le mentionnent . Au vu des données statistiques, « nous observons, disent les auteurs, une politique de ‘matraquage’ de la part de quatre médias (« Le Figaro », « Le Point », « Valeurs actuelles » et « Marianne ») visant à imposer le terme dans le débat public ».
Enfin, les avocats du Point reprocheraient à la Fondation Wikimedia l’absence de moyen pour la contacter et l’absence d’un « représentant » dans l’Union européenne. Pourtant, la Fondation a bien, sur son site internet, une page qui donne ces deux informations. D’ailleurs, Phil Bradley-Schmieg remarque qu’ils ont bien réussi à contacter formellement la Fondation puisque « leur lettre fait exactement cela ».