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Ce plan du Pentagone qui prépare une réorganisation profonde de l'état-major

"Des rééquilibrages majeurs au sein des forces armées américaines". C’est ainsi que le Washington Post décrit le projet actuellement à l’étude au Pentagone, visant à restructurer en profondeur le commandement militaire des Etats-Unis. Elaborée par de hauts responsables du département de la Défense, cette proposition prévoit de réduire l’influence de plusieurs grands états-majors et de redistribuer l’autorité entre les généraux de haut rang, dans le cadre d’une politique de consolidation impulsée par le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth.

Selon le Washington Post, le chef d’état-major interarmées, le général Dan Caine, devrait présenter ce plan à Pete Hegseth dans les prochains jours. Toute réforme de cette ampleur nécessiterait ensuite l’aval du secrétaire à la Défense et du président Donald Trump, avant d’être mise en œuvre via le plan de commandement unifié du Pentagone, qui définit les responsabilités au sommet de l'appareil militaire.

Concrètement, la réforme envisagée entraînerait les changements les plus importants depuis plusieurs décennies, selon le Washington Post. Elle concrétiserait notamment la volonté affichée par Pete Hegseth de rompre avec le statu quo et de réduire drastiquement le nombre de généraux quatre étoiles. Le plan prévoit ainsi de reléguer au second plan les quartiers généraux du Commandement central des Etats-Unis, du Commandement européen et du Commandement pour l’Afrique, qui seraient placés sous l’autorité d’une nouvelle structure, baptisée Commandement international des Etats-Unis, selon cinq sources proches du dossier citées par le Washington Post.

Une réorientation des priorités

Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump visant à réorienter les priorités militaires américaines. Jusqu’ici concentrés sur l’Asie occidentale, l’Europe et l’Afrique, les efforts seraient appelés à se déplacer vers un renforcement des opérations dans l’hémisphère occidental. Une inflexion stratégique cohérente avec la stratégie de sécurité nationale publiée en décembre, qui affirme que "l’époque où les Etats-Unis soutenaient l’ordre mondial tout entier, tel Atlas, est révolue".

Le document anticipe l'"effacement civilisationnel" de l’Europe et survole la stratégie sur l’Afrique et le Proche-Orient en quelques paragraphes. Il vise à réorienter la politique sécuritaire américaine au regard des évolutions géopolitiques, mais surtout des intérêts de Washington nouvellement définis.

Autre évolution importante : le Commandement Sud et le Commandement Nord des Etats-Unis, actuellement distincts, seraient regroupés sous un nouveau quartier général unique : le Commandement des Etats-Unis pour les Amériques, ou "Americom". Ce projet, révélé en février 2025 par NBC News, viserait à centraliser la supervision des opérations militaires sur l’ensemble du continent américain. Une option consistant à créer un Commandement arctique rattaché à Americom a également été envisagée, avant d’être finalement abandonnée, selon des sources proches du dossier.

Un manque de transparence

"Pris ensemble, ces rééquilibrages réduiraient le nombre de commandements de combat de haut niveau — les commandements opérationnels — de 11 à 8. Ils diminueraient également le nombre de généraux quatre étoiles et d’amiraux relevant directement du secrétaire à la Défense", décortique toujours le Washington Post. Les commandements maintenus seraient ceux de l’Indo-Pacifique, du Cyberespace, des Opérations spéciales, de l’Espace, du Commandement stratégique et du Commandement des transports des États-Unis.

Si le projet n’en est encore qu’au stade de la proposition, son élaboration suscite des interrogations. Le Pentagone a jusqu’à présent communiqué très peu d’informations au Congrès, un manque de transparence qui a "perturbé les commissions des forces armées du Sénat et de la Chambre des représentants, pourtant à majorité républicaine", souligne le Washington Post. L’entourage de Pete Hegseth a refusé dans un communiqué au journal de commenter de "supposées discussions internes", ajoutant que toute information évoquant des divisions entre responsables sur la question était "complètement fausse".

© AFP

Washington, États-Unis | AFP | mardi 16/12/2025 - 12:18 UTC+1 | 400 mots

Le Pentagone planche sur une réorganisation profonde de l'état-major de l'armée américaine, qui réduirait notamment le nombre de généraux quatre étoiles et l'importance des commandements en Europe et en Afrique, affirme mardi le Washington Post.
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Derrière le Mercosur et la dermatose, une agriculture française en péril

Le 29 juin 2025 restera une date noire pour les éleveurs de bovins. Ce jour-là, apparaît pour la première fois dans le pays un foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Savoie. Six mois plus tard, les foyers essaiment dans l’Hexagone, tandis que la ministre de l’agriculture jongle entre campagne de vaccination et abattages de troupeaux pour tenter d’ériger un "mur sanitaire". La colère gronde, la désinformation s’amplifie, sur fond de désespoir paysan. Prudent, l’Elysée cherche une nouvelle fois à gagner du temps sur le dossier du Mercosur, autre sujet sensible.

Mercosur, DNC : les deux irritants du moment en cachent un autre, peut-être plus inquiétant, car révélateur des faiblesses de la "ferme France". En 2025, l’excédent commercial agroalimentaire du pays aura entièrement fondu. Non seulement nos exportations de vins et de cognac, de céréales ou de produits laitiers, qui engrangeaient traditionnellement des milliards d’excédents sont à la peine, mais les fruits et légumes espagnols ou les vins italiens ne se sont jamais aussi bien vendus chez nous.

Conséquence : notre balance alimentaire, qui affichait un solde de 4 milliards d’euros en 2024, devrait tourner cette année autour de zéro, voire virer dans le rouge, une première depuis un demi-siècle. A l’époque, nos gouvernants n’avaient de cesse d’encourager la modernisation de l’agriculture française. En témoignent les mots du Premier ministre Georges Pompidou, à Aurillac, en 1967 : "La révolution économique fait que l’urbanisation se développe, que les populations des villes grandissent et que les méthodes modernes d’exploitation permettent des rendements très supérieurs, donc une production fortement accrue. Il y a par conséquent nécessité pour les agriculteurs de pouvoir vendre des quantités de produits chaque jour plus importantes vers la ville ou vers les marchés étrangers proprement dits."

"On a perdu le match"

Message bien reçu : en 2000, la France occupe la deuxième place européenne avec un excédent alimentaire de 10 milliards d’euros, derrière les Pays-Bas (+ 15 milliards). "Mais aujourd’hui, les Pays-Bas affichent un solde de 45 milliards, tandis que celui de la France est nul : on a perdu le match", constate Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Inrae. En cause, l’érosion de la compétitivité agricole.

Mais ce n’est pas la seule raison. Car la "ferme France" souffre d’abord de son rétrécissement : le nombre d’exploitations se réduit comme peau de chagrin et la production agricole s’affaisse. En cause, le manque de perspectives. "Quand on ne gagne pas d’argent, on investit moins, on robotise moins, on améliore moins la productivité", constate Vincent Chatellier.

Surtout, les paysans finissent par renoncer : l’agriculture est victime d’une disparition silencieuse. Les troupeaux suivent la même tendance : on comptait au début de l’année 3,1 millions de vaches laitières en France, un chiffre divisé par deux ans en quarante ans. On se souvient de cette phrase culte de Jacques Chirac, au salon de l’agriculture en 2005. "Ce ne sont pas des bovins, c‘est des chefs-d’œuvre". Des chefs-d’œuvre désormais en péril.

© afp.com/Matthieu RONDEL

Cette photographie montre le tracteur d'un agriculteur arborant le drapeau de la Coordination Rurale (CR) à Bordes-sur-Arize, le 10 décembre 2025
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Trinité-et-Tobago, cette île minuscule au rôle crucial dans le conflit entre Donald Trump et Nicolas Maduro

Petite république insulaire posée aux portes du Venezuela, Trinité-et-Tobago s’impose depuis plusieurs mois comme un allié assumé de Donald Trump dans les Caraïbes. De quoi érafler durablement ses relations avec Caracas. Dernier épisode en date : l’archipel a été accusé, lundi 15 décembre, par le Venezuela, d’avoir participé à la saisie par les Etats-Unis d’un pétrolier transportant du brut vénézuélien, une première dans l’escalade entre Washington et le pouvoir de Nicolas Maduro.

L’opération, impliquant des hélicoptères et des soldats américains descendus en rappel sur le pont du navire, a été dénoncée par Caracas comme un "acte de piraterie internationale". Trinité-et-Tobago a immédiatement rejeté toute implication directe. La Première ministre Kamla Persad-Bissessar, élue en mai dernier et proche de Donald Trump, a affirmé ne pas être "perturbée" par les accusations, invitant les autorités vénézuéliennes à "adresser leurs plaintes au président Trump", selon des déclarations transmises à l’AFP.

Dans la foulée, Port-d’Espagne a toutefois autorisé les Etats-Unis à utiliser ses aéroports "pour les semaines à venir" pour des opérations de nature logistique, alimentant la colère de Caracas. Depuis août, Washington a renforcé sa présence militaire dans les Caraïbes, officiellement pour lutter contre le narcotrafic. Le Venezuela y voit une stratégie de pression visant à affaiblir le régime Maduro et à contrôler ses immenses ressources pétrolières.

Une position stratégique

En réponse, le gouvernement vénézuélien a annoncé la suspension immédiate de tous les contrats et négociations liés à l’approvisionnement en gaz naturel de Trinité-et-Tobago, prolongeant une rupture amorcée dès la fin octobre. Une décision lourde de conséquences pour l’archipel, historiquement dépendant de la coopération énergétique avec son voisin.

De taille modeste — 1,4 million d’habitants et une armée de moins de 6 000 soldats — Trinité-et-Tobago est située à une dizaine de kilomètres seulement des côtes vénézuéliennes. Fin octobre, l’archipel a accueilli le navire de guerre américain USS Gravely, tandis qu’un contingent de Marines a mené des manœuvres du 16 au 21 novembre. Après avoir nié leur présence, la Première ministre a reconnu que plus de 100 Marines travaillaient sur des infrastructures aéroportuaires et de surveillance.

Le rapprochement avec Washington est assumé. Kamla Persad-Bissessar n’a cessé de multiplier les déclarations hostiles au pouvoir vénézuélien, tout en assurant que les États-Unis n’utilisent pas le territoire trinidadien pour lancer des attaques contre Caracas. Son discours sécuritaire, très aligné sur celui de Donald Trump, s’inscrit à la fois dans une stratégie de lutte contre le crime organisé et dans un opportunisme économique assumé. En septembre dernier, la septuagénaire appelait sans détour l’armée américaine à "tuer violemment" les trafiquants, dans un message publié le 2 septembre sur son compte WhatsApp, selon Le Monde.

Une alliance critiquée

Pour les Etats-Unis, Trinité-et-Tobago représente un point d’appui stratégique, dans un contexte de regain d’influence américaine en Amérique latine. La visite, fin novembre, du chef d’état-major américain Dan Caine à Port-d’Espagne — une première pour un responsable militaire de ce rang — a confirmé l’importance de l’archipel dans la campagne américaine dans les Caraïbes. Washington a également installé un radar sur le nouvel aéroport de Tobago, renforçant ses capacités de surveillance régionale.

Mais cette alliance étroite ne va pas sans risques. A Caracas, le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello accuse la Première ministre trinidadienne de "mettre en danger les relations bilatérales" et la sécurité de sa population. Des voix plus nuancées s’élèvent toutefois dans la région. Pour l’expert en sécurité Garvin Heerah, cité par The Hill, "le Venezuela restera notre voisin", notamment en matière de pétrole et de gaz. Dans le pays même, la ligne dure du gouvernement divise : la presse et une partie de la société civile dénoncent une perte de souveraineté et un alignement excessif sur Washington. En septembre, le Trinidad and Tobago Newsday tranchait : "Kamla roule pour Trump".

© afp.com/MARTIN BERNETTI

Le navire de guerre américain USS Gravely, quitte le 30 octobre 2025 Trinité-et-Tobago où il était positionné depuis dimanche dans le cadre du déploiement militaire américain dans les Caraïbes pour une opération antidrogue
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Guerre en Ukraine : la Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk

Volodymyr Zelensky s'est félicité lundi 15 décembre de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d'une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s'est lui montré très optimiste, après s'être entretenu avec le président ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Dans le même temps, la Russie a affirmé avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l'Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l'armée russe.

Les infos à retenir

⇒ La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk

⇒ La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale

⇒ Washington promet des garanties de sécurité "très fortes" à l'Ukraine

La Russie affirme avoir le "contrôle" de la ville de Koupiansk

La Russie a affirmé mardi 16 décembre avoir le "contrôle" de Koupiansk, ville-clé du nord-est de l'Ukraine, où les forces ukrainiennes ont revendiqué récemment la reprise de plusieurs quartiers à l'armée russe. "La ville de Koupiansk est sous contrôle de la 6e armée russe", a déclaré à l'agence officielle russe TASS Léonide Charov, porte-parole du groupement militaire russe Zapad, déployé dans cette zone.

Cette annonce intervient alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est félicité lundi de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d'une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine.

La Russie avait affirmé avoir capturé Koupiansk en novembre, l'Ukraine assurant ensuite en avoir repris plusieurs quartiers. De "petits groupes" de soldats ukrainiens tentent "tous les jours" de pénétrer dans Koupiansk, a reconnu Léonide Charov, tout en insistant que "tous les quartiers sont sous contrôle des forces russes".

Volodymyr Zelensky avait déclaré vendredi avoir rendu visite aux troupes dans la zone de Koupiansk, dans une vidéo publiée après l'annonce par Kiev de la reprise de deux localités proches et de plusieurs quartiers de cette ville clé du nord-est de l'Ukraine. Sa visite est intervenue peu après une annonce par les forces ukrainiennes d'une "percée" dans la zone de Koupiansk, le noeud ferroviaire clé de la région de Kharkiv.

La France réclame des garanties "robustes" pour Kiev avant toute discussion territoriale

La France a de nouveau réclamé l'établissement de "garanties de sécurité robustes" pour Kiev avant d'aborder l'épineuse question des territoires ukrainiens dont la cession est exigée par Moscou, a indiqué mardi l'entourage d'Emmanuel Macron après des réunions sur la question à Berlin. "Nous avons progressé sur la question des garanties, sur la base du travail accompli par la coalition des volontaires, grâce à une clarification des modalités du soutien américain", a indiqué l'entourage du président français.

Le président américain Donald Trump, qui a maintes fois promis d'obtenir une paix rapide en Ukraine, veut un arrêt des combats coûte que coûte. Il a multiplié les signes d'agacement vis-à-vis de Kiev, alors que son pays est un soutien clé face à l'invasion russe débutée en 2022.

Un plan américain pour l'Ukraine, présenté en novembre, avait été jugé très favorable à Moscou, et Kiev ainsi que les Européens s'efforcent depuis de le remanier. Dimanche et lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d'aboutir à un compromis. Un dîner de travail était ensuite prévu entre eux et des dirigeants européens, dont le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français.

Washington promet des garanties de sécurité "très fortes" à l'Ukraine

Les Etats-Unis ont assuré lundi avoir offert à Kiev des garanties de sécurité "très fortes", comparables à la protection qu'offrirait l'Otan, mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. "Nous sommes plus proches aujourd'hui que nous n'avons jamais été" d'un accord mettant fin à la guerre avec la Russie, a déclaré le président américain Donald Trump, après s'être entretenu avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et des dirigeants européens, réunis à Berlin.

"La Russie aussi veut que ça s'arrête. Le problème est qu'ils veulent y mettre fin, puis tout à coup ils ne veulent pas, et les Ukrainiens veulent y mettre fin, et tout à coup ils ne veulent pas. Donc il faut les mettre d'accord. Mais je pense que ça fonctionne", a-t-il ajouté.

Donald Trump a indiqué qu'il s'était entretenu récemment avec le président russe Vladimir Poutine, sans plus de précisions. Concernant les très difficiles questions territoriales, sur lesquelles le désaccord avec Kiev persiste, le président américain n'a pas fait mystère de sa position : les Ukrainiens "ont déjà perdu le territoire, pour être honnête".

© afp.com/Roman PILIPEY

Des soldats ukrainiens de la 41e brigade mécanisée, à l'est de la ville de Koupiansk, le 23 janvier 2024
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"En Chine, Emmanuel Macron a perdu la face" : nos lecteurs réagissent à l’actualité

En Chine, Emmanuel Macron a perdu la face

René Andron, Marseille (Bouches-du-Rhône), 6 novembre

​Quiconque connaît la culture chinoise sait l’importance de la "face", cette considération que l’on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l’occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face. Il suffit d’observer l’accueil qui lui a été réservé ou ses échanges avec le président Xi pour comprendre qu’il ne sortira rien d’intéressant pour nous, pour l’Europe ou pour l’Ukraine de ce déplacement. (François Chimits : "Face à la déferlante de produits chinois, la réponse de l’UE n’est pas à la hauteur", sur lexpress.fr).

Un jour, la charia en France ?

Sylvie Gilbard, Bois-Colombes (Hauts-de-Seine)

Si je comprends bien le courrier de Brahim Dahou, la charia ne peut s’appliquer que dans un pays majoritairement musulman. Donc, la France pourrait être obligée d’appliquer la charia si les musulmans s’y trouvaient en majorité. Or, cela pourrait très bien arriver. Qu’en serait-il alors de nos droits comme la liberté d’expression, l’égalité hommes femmes ou la fraternité, quand on voit les autres religions mises au ban dans bon nombre de pays musulmans ? Il est important que les musulmans de France choisissent entre un Islam figé dans un autre temps et les lois de la République. ("La montée de l’islamisme touche toute l’Europe" : le sondage choc de l’Ifop analysé par Ruud Koopmans, sur lexpress.fr).

Fiscalité des successions

Jacques Canier, Colombes (Hauts-de-Seine)

Certains veulent supprimer l’impôt sur les successions en ligne directe. Il y a là selon moi une forme d’hypocrisie et de réflexe individualiste, que révèlent les cas de successions indirectes. En effet, l’expérience montre souvent le rejet "indigné" de l’impôt par ceux qui héritent de leurs oncles, tantes ou cousins. En France, sans doute plus qu’ailleurs, on rêve de s’enrichir sans travail, et l’hypothèse d’un héritage providentiel suffit à demander par réflexe une exonération. (Taxer les héritages, c’est briser la chaîne des générations, par Julia de Funès, L’Express du 3 novembre).

Les pacifistes face à la guerre

Dominique Goepp, Paris

​L’un de vos lecteurs, à la suite des propos du général Mandon, semble imputer la défaite de 1940 aux "pacifistes", avec des allusions à la gauche, bien entendu. Il me paraît donc nécessaire de rappeler les points suivants. Un : dans les années 1930, une bonne partie de la droite et de l’extrême droite était opposée à la guerre contre l’Allemagne, perçue comme un rempart contre l’URSS. Deux : le Front populaire a fortement augmenté les crédits militaires. Trois : la principale cause de notre défaite est l’incurie de notre état-major. En août 1939, le généralissime Gamelin avait affirmé : "Si la guerre est déclarée, les Allemands se révolteront contre Hitler et l’armée française n’aura pas besoin de tirer un seul coup de canon". Espérons que le général Mandon et ses collègues soient plus lucides ! (Page "Courrier", L’Express du 4 décembre).

Egalité hommes-femmes

Jean Gabard

Les violences faites aux femmes constituent l’un des problèmes sociaux majeurs du XXIᵉ siècle et, pour éliminer ce fléau, il est indispensable de rappeler l’égalité en dignité et en droits entre femmes et hommes. En revanche, la revendication d’une "égalité réelle" risque de conduire à des malentendus. Certains considèrent en effet que toute différence observable entre les sexes, autre que physique, résulte exclusivement de discriminations et d’une construction sociale sexiste. Or tel n’est pas le cas : de nombreux travaux montrent que certaines différences biologiques influencent aussi motivations et comportements. Les avancées en psychogenèse indiquent également l’existence de différences dans la structuration du psychisme, indépendantes de la culture. (Deux ou trois vérités scientifiques sur les hommes et les femmes, L’Express du 6 novembre).

Des nouveautés sur votre application

La nouvelle version de l’application L’Express est disponible, avec une interface entièrement repensée. Les rubriques sont désormais accessibles directement depuis la page d’accueil, tandis qu’un carrousel met en avant les derniers contenus publiés pour vous permettre, en un seul clic, de profiter de toute la diversité et de la profondeur de nos analyses. Retrouvez aussi les sélections de notre rédaction, la version audio de chaque article, le magazine en PDF à emporter partout avec vous, ainsi que l’ensemble de nos podcasts et de nos vidéos. De nouvelles fonctionnalités sont également prévues dans les prochaines semaines, afin d’enrichir encore votre expérience de lecture.

© afp.com/Jacques WITT

​"Quiconque connaît la culture chinoise sait l'importance de la "face", cette considération que l'on vous porte du fait de votre attitude, de votre position ou de votre réussite. A l'occasion de son voyage en Chine, nous avons vu très clairement qu’Emmanuel Macron a perdu la face", estime l'un de nos lecteurs.
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La force multinationale proposée par les Européens en Ukraine : de quoi s’agit-il concrètement ?

Les pions diplomatiques avancent sur l’échiquier européen. Volodymyr Zelensky s’est félicité, lundi 15 décembre, de "progrès" dans les négociations avec les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, les Européens avançant de leur côté la proposition d’une force multinationale pour garantir la paix en Ukraine. Donald Trump s’est lui montré très optimiste, après s’être entretenu avec son homologue ukrainien et plusieurs dirigeants européens. Dimanche et lundi, le président ukrainien a négocié à Berlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre de Donald Trump, pour tenter d’aboutir à un compromis sur un plan pouvant mettre fin aux combats.

Au cœur des discussions, la protection qu’obtiendra l’Ukraine des Américains après un éventuel cessez-le-feu. Kiev redoute qu’un cessez-le-feu sans protection solide n’ouvre la voie à une nouvelle offensive russe. Les Etats-Unis ont dit offrir des garanties de sécurité "très fortes" mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie. Un "engagement juridiquement contraignant" qui prévoit une assistance militaire des alliés, sur un modèle proche de l’article 5 du traité de l’Otan, sans pour autant intégrer l’Ukraine à l’Alliance, une ligne rouge pour le Kremlin.

Dans une déclaration commune, les dirigeants du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de huit autres pays européens ont donné leur aperçu le plus détaillé à ce jour des garanties de sécurité qu’ils sont prêts à fournir à l’Ukraine, avec l’aval des Etats-Unis. C’est dans ce cadre que s’inscrit la proposition européenne d’une "force multinationale pour l’Ukraine". Concrètement, cette force serait dirigée par les Européens, composée de contingents fournis par des pays volontaires et soutenue par les Etats-Unis.

Une force qui pourrait opérer sur le sol ukrainien

Inspirée de la "coalition des volontaires", portée par la France et le Royaume-Uni, elle pourrait soutenir de manière "durable" une armée ukrainienne de 800 000 hommes, selon une déclaration transmise par le gouvernement allemand. Cette force multinationale pourrait également opérer sur le sol ukrainien. "Elle contribuera à la régénération des forces ukrainiennes, à la sécurisation de l’espace aérien ukrainien et à la sécurisation des mers, notamment en opérant à l’intérieur de l’Ukraine", résume le texte rédigé par les Européens.

L’objectif affiché est clair : dissuader Moscou de toute nouvelle attaque après un cessez-le-feu. "Les Européens cherchent à bétonner des garanties de sécurité avant toute concession territoriale", résume le quotidien belge Le Soir. Berlin, Paris, Londres et plusieurs autres capitales estiment qu’un accord de paix serait voué à l’échec sans un dispositif crédible de protection à long terme. Le Premier ministre britannique Keir Starmer l’a rappelé : sans garanties "solides", aucun accord ne tiendrait.

"Vraie chance pour un processus de paix"

Les discussions de Berlin marquent aussi un tournant diplomatique. Le format Ukraine – Etats-Unis – Europe constitue une première depuis la présentation, en novembre, d’un plan américain jugé trop favorable à Moscou par plusieurs capitales européennes. Un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, dirigé par les Etats-Unis, est également évoqué. Le document souligne qu’il appartient "désormais à la Russie de montrer sa volonté d’œuvrer en faveur d’une paix durable". Les pourparlers de Berlin offrent une "vraie chance pour un processus de paix", a estimé Friedrich Merz, jugeant qu’un cessez-le-feu avant Noël ne dépendait "plus que de la Russie".

Des divergences majeures subsistent toutefois, notamment sur la question des territoires occupés par la Russie. Volodymyr Zelensky plaide pour un gel de la ligne de front plutôt qu’une cession territoriale, alors que Moscou réclame la reconnaissance de ses conquêtes, en particulier dans le Donbass, région hautement fortifiée où les combats restent intenses malgré les lourdes pertes russes. Pour les Européens comme pour Kiev, la balle est désormais "dans le camp de la Russie".

© afp.com/RALF HIRSCHBERGER

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier (d) accueille le président ukrainien Volodymyr Zelensky au palais présidentiel de Bellevue, le 15 décembre 2025 à Berlin
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Attentat à Sydney : l'enquête avance, le gouvernement évoque "l'idéologie de l'Etat islamique"

Le Premier ministre australien Anthony Albanese a indiqué mardi 16 décembre que les auteurs de l'attentat meurtrier sur une plage de Sydney étaient probablement "motivés par l'idéologie" du groupe "Etat islamique" alors que l'enquête apporte un faisceau d'indices croissant.

Dimanche soir, Sajid et Naveed Akram, un père et son fils, ont ouvert le feu à au moins 40 reprises, pendant une dizaine de minutes sur la foule rassemblée sur la plage de Bondi pour la fête juive de Hanouka, faisant au moins 15 morts et 42 blessés. Les autorités ont qualifié l'attentat d'antisémite mais n'avaient jusque-là donné que peu de détails sur les motivations des assaillants. Mardi, Anthony Albanese a évoqué une radicalisation des deux assaillants avant l'attentat. "Il semblerait que cela ait été motivé par l'idéologie de l'Etat islamique" (EI) a déclaré le chef du gouvernement à la chaîne nationale ABC.

Un voyage aux Philippines

Le véhicule retrouvé près de la plage de Bondi était immatriculé au nom du fils, contenait deux drapeaux de l'Etat islamique et des engins explosifs improvisés, a déclaré plus tard Mal Lanyon, responsable de la police de Nouvelle-Galles-du-Sud.

Mal Lanyon a précisé que la police enquêtait sur un récent voyage aux Philippines effectué par le père et le fils. Le Bureau de l'Immigration des Philippines a confirmé mardi que le père et le fils s'étaient rendus dans le pays entre le 1er et le 28 novembre, respectivement avec un passeport indien et australien, et que leur finale était la région de Davao, sur l'île méridionale de Mindanao. De petits groupes de combattants islamistes ayant prêté allégeance à l'Etat islamique (EI) subsistent sur l'île de Mindanao, en dépit de la signature d'un pacte de paix en 2014 entre le gouvernement et le Front islamique de libération Moro.

Selon Anthony Albanese, le plus jeune assaillant, Naveed Akram, 24 ans, avait fait l'objet de vérifications des renseignements australiens en 2019, sans paraître constituer à l'époque de menace immédiate. "Il a attiré leur attention en raison de ses relations avec d'autres", "deux des personnes avec lesquelles il était associé ont été inculpées et sont allées en prison, mais il n'a pas été considéré à l'époque comme un potentiel suspect", a rapporté M. Albanese.

Le jour de l'attaque, l'homme a dit à sa mère qu'il partait en ville pour pêcher, selon des médias. Les autorités pensent qu'il s'est en fait retranché dans un appartement de location avec son père pour préparer l’attaque. Armés de fusils, les deux hommes ont criblé la plage de balles pendant dix minutes avant que la police n'abatte Sajid, âgé de 50 ans. Arrêté par la police et grièvement blessé, Naveed se trouve lui, dans le coma à l'hôpital, sous la surveillance des forces de l'ordre.

"Nous sommes un pays courageux"

Le Premier ministre s'est rendu mardi au chevet d'Ahmed Al Ahmed, qui a réussi à arracher le fusil d'un des assaillants. "Nous sommes un pays courageux. Ahmed al Ahmed incarne ce que notre pays a de meilleur", a souligné Anthony Albanese. Grièvement blessé, et cloué au lit, Ahmed Al Ahmed a brièvement remercié en arabe les personnes qui lui souhaitent du bien dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux mardi matin.

Nombre de dirigeants mondiaux ont condamné avec force cet attentat qui a tué 15 personnes âgées de 10 ans à 87 ans, dont un Français de 27 ans, Dan Elkayam, un rabbin de 41 ans, Eli Schlanger et Alex Kleytman, un survivant de la Shoah né en Ukraine.

Pour le dirigeant israélien Benyamin Netanyahou, la décision australienne de reconnaitre la Palestine plus tôt cette année a mis de "l'huile sur le feu de l'antisémitisme". Le gouvernement a "échoué à prendre des mesures adéquates pour protéger la communauté juive" a déclaré à l'AFP le président de l'Australian jewish association.

Les chefs des Etats et territoires d'Australie se sont réunis lundi pour convenir du renforcement de la "législation sur les armes à feu", qui a permis au père Sajid Akram de posséder six armes. Le pays n'avait pas été frappé par une telle tuerie depuis le massacre de Port Arthur en 1996, qui avait fait 35 victimes en Tasmanie, au sud de l'Australie. L'attentat avait été suivi d'un programme de rachat d'armes et de nouvelles restrictions sur les armes semi-automatiques.

© afp.com/Handout

Photo diffusée par le bureau du Premier ministre australien Anthony Albanese venu déposer des fleurs au Pavillon Bondi, après une fusillade à Bondi Beach, le 15 décembre 2025 à Sydney, en Australie
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Terrorisme antisémite : Sydney ne sera pas la dernière cible

A Gaza, les armes se taisent depuis deux mois. Ailleurs dans le monde, la haine antisémite n’a pas hurlé aussi fort depuis des décennies. En Occident, les manifestations propalestiniennes rassemblent chaque week-end des foules plus compactes et plus radicalisées contre Israël, avec un slogan entêtant : "mondialiser l’intifada". Soit répandre sur le globe cette "guerre des pierres" qui a opposé, par deux fois, Israéliens et Palestiniens.

A Sydney, ce 14 décembre, ce slogan a pris vie. Ou plutôt, il a semé la mort. Deux terroristes, un père et son fils, ont massacré quinze personnes sur la plage de Bondi, en pleine cérémonie de Hanoukka. Si le motif antisémite ne fait aucun doute, les errements des autorités interrogent : alors que le fils était proche de l’Etat islamique et sous surveillance, son père possédait un permis de port d’armes et six armes à feu. Comment un tel relâchement a-t-il été possible ? Une partie des médias australiens pointe les hésitations du gouvernement travailliste à s’attaquer de front à l’antisémitisme, inquiet de braquer la communauté musulmane du pays.

Les autorités étaient pourtant informées de la menace : les renseignements israéliens avaient fourni de nombreuses alertes à Canberra, notamment sur des réseaux iraniens prêts à frapper la communauté juive. Des menaces sérieuses, qui ont convaincu l’Australie d’expulser l’ambassadeur iranien en août. Insuffisant pour arrêter cette machine mortifère.

31 % des 18-24 ans jugent légitime de s’en prendre aux Français juifs

L’attentat de Sydney nous le rappelle : nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la haine des juifs. "Deux ans après le massacre du 7-Octobre, il devrait être clair que l’antisémitisme ne reste pas confiné à la rhétorique, souligne Moshe Kantorn, président du Congrès juif européen, dans une récente tribune pour Euronews. Il se métastase en violence, déstabilise les communautés et empoisonne le tissu même de la vie démocratique." Aux Etats-Unis, le venin antisémite se répand ouvertement, de l’extrême gauche des campus aux influenceurs Maga les plus célèbres, comme Candace Owens et le néonazi Nick Fuentes, avec un accès direct à la Maison-Blanche.

La France n’est pas à l’abri, même si les autorités ont retenu les leçons des tragédies de l’école Ozar Hatorah de Toulouse en 2012 ou de l’Hyper Cacher en 2015. Les synagogues, les lieux de vie de la communauté juive et leurs fêtes, comme la célébration de Hanoukka sur les Champs-Elysées ce dimanche, restent sous forte protection policière. Ce qui n’empêche pas l’antisémitisme de prospérer : en septembre, un sondage de l’Ifop révélait que 31 % des 18-24 ans jugent légitime de s’en prendre aux Français juifs en raison de la guerre à Gaza. Nous sommes, nous aussi, dans une nouvelle ère.

© afp.com/Saeed KHAN

Un membre de la communauté juive se recueille devant le Bondi Pavillion au lendemain d'une fusillade mortelle à la plage de Bondi, le 15 décembre 2025 à Sydney, en Australie
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Pourparlers sur l'Ukraine : la descente aux enfers de l’Europe donne le tournis

"Il n’y a que deux types d’États en Europe : les petits et ceux qui ne savent pas encore qu’ils le sont". L’aphorisme attribué à l’homme d’Etat belge Paul-Henri Spaak, l’un des pères de la construction européenne dans les années 1950, n’a jamais été si proche de la réalité. Donald Trump, Vladimir Poutine et Xi Jinping l’ont bien compris, qui tiennent les Etats européens pour quantité négligeable et les voient comme un espace ouvert à leurs ingérences.

Les Européens ? "Ils parlent mais ils ne produisent pas", a argué le président américain dans une interview le 9 décembre au média Politico. La nouvelle Stratégie nationale de sécurité qu’il vient de promulguer affiche l’intention d’affaiblir, voire de détruire, les institutions communautaires. Même l’Otan est en sursis. Côté russe, le maître du Kremlin n’est pas en reste : "Les Européens sont vexés d’avoir été écartés des négociations […] ils n’ont pas de programme de paix, ils sont du côté de la guerre", a-t-il lancé le 2 décembre.

Une descente aux enfers de l'Europe

Sur le plan stratégique, la descente aux enfers de l’Europe donne le tournis. Elle n’est associée que marginalement aux discussions alors que c’est sa propre sécurité, au-delà de celle de l’Ukraine, qui est en jeu dans les steppes du Donbass. Beaucoup de citoyens européens ont éprouvé un profond sentiment d’humiliation en voyant leurs dirigeants contraints de quémander auprès de Washington un strapontin aux pourparlers de paix.

Trump a raison sur un point : pris individuellement, les Etats européens sont tous des poids plumes. Côté français, Emmanuel Macron en a fait la douloureuse expérience lors de son voyage le mois dernier à Pékin. Xi a rejeté avec dédain sa demande que la Chine se désolidarise de la Russie. L’Allemagne, poids lourd du continent, n’est pas traitée avec plus d’égards que les autres par Washington qui apporte son appui au parti d’extrême droite AfD. Et le Royaume-Uni, fidèle parmi les fidèles de la relation transatlantique, est vilipendé par Trump à chaque occasion qui s’offre à lui. Les grands d’antan découvrent leur nouvelle insignifiance.

Les dirigeants européens ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils se sont voilé la face devant les intentions hostiles de Poutine, même après l’annexion de la Crimée et l’occupation du Donbass en 2014. Ils ont cru que la Chine communiste allait devenir, comme par magie, pro occidentale. Ils ont prié en vain pour que Joe Biden soit réélu à Washington, puis ils ont courtisé son successeur avec flagornerie, sans rien obtenir en échange. "Les Européens ont tendu tellement de joues à Trump qu’on se demande s’il leur en reste", observe avec ironie Nathalie Tocci, la directrice de l’Institut italien des Affaires internationales, dans la revue Foreign Policy.

Le fractionnement du continent

Des raisons structurelles jouent leur rôle pour affaiblir l’Europe : le fractionnement du continent, la complexité des institutions européennes, le décrochage économique et la désindustrialisation accélérée, la dépendance énergétique, l’illusion qu’il serait possible de réarmer sans faire maigrir l’État providence : les États-Unis consacrent seulement 20 % de leur PIB aux dépenses sociales, selon l’OCDE, alors que le taux atteint plus de 30 % en France et près de 28 % en Allemagne ou en Italie.

Le rapport Draghi soulignait l’an dernier "la lente agonie" de l’Union. Ses propositions ont été en majorité ignorées, surtout celles qui prônaient plus d’intégration et qui auraient justement permis à l’UE d’être prise au sérieux et de compter parmi les grands. La guerre d’Ukraine agit comme un cruel révélateur des manquements européens. Pour peser face aux puissances prédatrices, il faudrait se souvenir que l’union fait la force, mais aussi définir une vraie stratégie européenne, renouer avec la croissance économique et avec l’innovation, se doter d’une force militaire cohérente et apte à dissuader, être capable de prendre des décisions rapides et efficaces.

Il existe quelques raisons d’espérer. Le réveil stratégique, bien que tardif, est en cours. Berlin, Londres et Paris ont compris l’intérêt de se serrer les coudes et de créer autour d’eux une sorte de conseil de sécurité européen. En outre, la Coalition des volontaires qu’ils veulent mettre sur pied pour garantir un éventuel cessez-le-feu en Ukraine est prometteuse. Mais tout cela est fragile et manque d’ambition. Le risque ne peut pas être écarté que le grand mouvement tectonique des plaques auquel nous assistons disloque l’Europe. Dans ce cas, Paul-Henri Spaak aura définitivement eu raison.

© afp.com/Adrian DENNIS

(De gauche à droite) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz se rencontrent, le 8 décembre 2025 à Londres
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Biélorussie : pourquoi Alexandre Loukachenko veut se concilier les bonnes grâces de Donald Trump

L’histoire d’une réconciliation entre les États-Unis et la Biélorussie, ce petit Etat enclavé d’Europe de l’Est, a peut-être continué de s’écrire samedi 13 décembre dernier. A la faveur de plusieurs mois de pourparlers, l’émissaire de Donald Trump, John Coale, alors en visite en Biélorussie auprès du président autoritaire Alexandre Loukachenko, a annoncé ce jour-là la levée des sanctions américaines visant le potassium. Une production qui demeure la plus grande source de revenus pour le pays proche allié de la Russie.

Dans un premier temps, l’émissaire américain n’avait pas donné de détails sur la portée de cette mesure et n’avait pas indiqué ce que les autorités biélorusses avaient concédé en échange. Mais quelques heures plus tard, Minsk a annoncé la libération de 123 prisonniers politiques, dont des figures de l’opposition.

Le prix Nobel de la paix 2022 libéré

Parmi les libérés, Maria Kolesnikova, figure de l’opposition biélorusse et ses compères Viktor Babariko et Maksim Znakou, tous trois aperçus à la frontière ukrainienne lors d’un point presse. Les autorités ukrainiennes ont déclaré que cinq Ukrainiens et 104 Biélorusses étaient arrivés samedi sur le territoire ukrainien, où ils ont été accueillis par le chef de l’agence de renseignement militaire de Kiev. Autre libération importante : celle d’Ales Bialiatski, un militant des droits de l’homme et colauréat du prix Nobel de la paix en 2022. L’opposant a rejoint Vilnius, la capitale de la Lituanie voisine. Parmi les personnes libérées se trouvent également des citoyens d’Australie, de Grande-Bretagne, de Lituanie, de Pologne et des États-Unis.

Ces derniers mois, Donald Trump a encouragé le président biélorusse à libérer les centaines de prisonniers politiques que compte le pays, et Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus de 30 ans, a gracié des dizaines de personnes. En échange, Washington avait déjà partiellement levé les sanctions contre la compagnie aérienne biélorusse Belavia, lui permettant d’entretenir et d’acheter des pièces pour sa flotte, qui comprend des Boeing. La rencontre entre l’émissaire américain et le président Loukachenko et la libération d’otage effective "représentent un dégel lent mais régulier des relations entre Washington et la Biélorussie", souligne The New York Times.

Une stratégie pour la paix en Ukraine ?

L’émissaire américain John Coale a affirmé samedi que la proximité entre Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine pourrait être utile dans la difficile médiation américaine en cours pour tenter de mettre fin à la guerre entre Kiev et Moscou. "Votre président (Loukachenko, NDLR) a une longue histoire avec le président Poutine et a la capacité de le conseiller. C’est très utile dans cette situation", a déclaré John Coale, cité par l’agence de presse étatique biélorusse Belta.

D’autre part, ce réchauffement des relations pourrait aussi largement profiter à la Biélorussie, cible de sanctions américaines depuis 2020, renforcées en 2022 après l’invasion russe en Ukraine que le pays a soutenue. "Loukachenko a libéré tous les prisonniers parce que son régime en profitera", écrit ainsi le journal allemand Der Spiegel.

Avant 2022, la Biélorussie utilisait le port de Klaipeda en Lituanie pour exporter ses engrais et son potassium. Mais lorsque la guerre en Ukraine a conduit le gouvernement lituanien à couper cette route d’exportation, Minsk a été forcé de collaborer encore davantage avec la Russie, donnant à Moscou plus de contrôle sur l’approvisionnement mondial en engrais crucial. Pour le président biélorusse, le rapprochement des États-Unis pourrait être le signe d’une volonté de réduire la dépendance de son pays à celui de Vladimir Poutine.

© afp.com/Handout

Le président du Bélarus Alexandre Loukachenko (D) accueille John Coale, un émissaire américain, le 11 septembre 2025 à Minsk
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En Australie, le contrôle des armes à feu remis en question par l’attentat de Sydney

L’Australie est en deuil national. 15 personnes - dont une fillette - ont été assassinées dans un attentat antisémite sur la plage de Bondi, à Sydney. 42 blessés sont à déplorer. Dimanche 14 décembre, un père et son fils, Sajid Akram et Naveed Akram, ont ouvert le feu avec "des armes à longue portée" sur les quelque mille personnes rassemblées sur le sable pour célébrer le premier jour de la fête juive Hanouka. Certains médias rapportent que les enquêteurs antiterroristes australiens étudient la piste d’une allégeance à l’Etat islamique, et que des drapeaux de l’organisation auraient été retrouvés dans la voiture des assaillants.

Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, a déploré un "acte purement maléfique, antisémite et terroriste". En réponse, il a annoncé ce lundi vouloir durcir la législation du pays sur le port d’arme. Devant la presse, l’homme d’Etat a déclaré : "Si nous devons renforcer cette législation, si nous pouvons faire quoi que ce soit, je suis tout à fait disposé à le faire et j’espère obtenir l’approbation du Conseil national cet après-midi."

Une première reforme en 1996

L’Australie n’avait plus été confrontée à une telle tuerie depuis le massacre de Port Arthur en 1996. Dans les jours ayant suivi ce drame qui a coûté la vie à 35 personnes, le pays a revu en profondeur sa réglementation sur les armes à feu, réduisant drastiquement leur présence sur le territoire. En moins d’un an, grâce à un "accord national sur les armes" près de 650 000 armes à feu, soit 20 % de la proportion détenue par des particuliers, ont été rendues aux autorités, puis détruites.

Depuis, la législation australienne est régulièrement érigée en exemple, reconnue comme l’une des plus strictes et des plus efficaces au monde. Le pays est parvenu à restreindre l’accès aux armes semi-automatiques, à durcir les conditions d’obtention des permis et à imposer aux détenteurs d’armes à feu de justifier d’une "raison valable" pour en posséder une. Une réforme qui a bénéficié d’une large approbation publique. Comme l’a d’ailleurs souligné Anthony Albanese lors de la conférence de presse qui a suivi l’attentat de Bondi Beach, "la législation sur les armes à feu du gouvernement Howard a eu un impact considérable en Australie et représente un moment de fierté nationale".

Une augmentation des armes en Australie

Sauf que, depuis, l’Australie a eu tendance à baisser la garde. L’un des assaillants de Sydney, Sajid Akram - qui a été abattu par la police - était titulaire d’un permis. Membre d’un club de tir, il possédait six armes, légalement donc. Selon les forces de l’ordre qui les ont depuis saisies, toutes ont été actionnées dimanche. Son fils, Naveed Akram, avait quant à lui fait l’objet d’une enquête des services de renseignement nationaux pour ses liens présumés avec une cellule locale de l’Etat islamique. Information confirmée par le Premier ministre australien, qui a précisé que l’assaillant n’était pas considéré comme "une menace persistante ou imminente de violence". Selon les informations de la presse locale, il vivait chez ses parents, en proximité directe avec des armes donc.

Et depuis les saisies qui ont suivi l’attentat de 1996, le nombre d’armes en circulation a connu une augmentation exponentielle, d’après les chiffres de l’Australian Institute. Aujourd’hui, il y a plus de 4 millions d’armes à feu en Australie, soit près de deux fois plus qu’en 2001.

Registre national, permis et contrôles supplémentaires

D’ailleurs, plusieurs mesures qui avaient été envisagées après le drame de 1996 n’ont pas vu le jour. Entre autres, le registre national des armes censé être créé n’a finalement jamais été instauré. Il en est de même pour la collaboration fédérale dont s’étaient félicités à l’époque les instigateurs de la réforme : à ce jour la législation varie d’un Etat australien à l’autre.

La nouvelle réforme pourrait justement remettre à l’ordre du jour certaines de ces mesures, dont le registre national. La copie pourrait également inclure une limitation du nombre d’armes pouvant être détenues par personne, une réévaluation des catégories d’armes autorisées, ou le réexamen des permis sur une période donnée. Les autorités étudient également la possibilité d’utiliser des renseignements criminels supplémentaires pour "étayer" l’octroi de permis d’armes à feu.

© afp.com/Saeed KHAN

Des personnes se recueillent devant le Bondi Pavilion, en mémoire des victimes de la fusillade de la plage de Bondi, à Sydney, le 15 décembre 2025 en Australie
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Guerre en Ukraine : les Européens proposent de diriger une "force multinationale"

Les rouages diplomatiques s’activent de nouveau. Volodymyr Zelensky a rencontré ce lundi 15 décembre les négociateurs américains à Berlin, au deuxième jour de négociations visant à mettre fin à la guerre avec la Russie. Dimanche déjà, le président ukrainien et les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner ont négocié pendant plus de cinq heures à Berlin pour trouver une issue à ce conflit déclenché en 2022 par l’invasion russe de l’Ukraine. Dans une déclaration commune, les dirigeants des principaux pays européens et de l'UE ont proposé ce lundi soir de diriger en Ukraine une "force multinationale" et de soutenir de manière "durable" l'armée ukrainienne, limitée à 800 000 soldats.

Les infos à retenir

⇒ Les Européens proposent de diriger une "force multinationale" en Ukraine

⇒ Volodymyr Zelensky parle de "progrès" sur les garanties de sécurité américaines pour Kiev

⇒ Le projet d'accord prévoit "des garanties de sécurité très fortes", assure un haut responsable américain

Les Européens proposent de diriger une "force multinationale" en Ukraine

Les dirigeants des principaux pays européens et de l'UE ont proposé ce lundi de diriger en Ukraine une "force multinationale" et de soutenir de manière "durable" l'armée ukrainienne, limitée à 800 000 soldats, selon une déclaration transmise par le gouvernement allemand. Cette "force multinationale pour l'Ukraine" serait "composée de contributions de nations volontaires, et soutenue par les États-Unis".

Selon ce document signé par les dirigeants allemand, français, britannique, danois, néerlandais, finlandais, norvégien, italien, polonais, suédois et de l'UE, ces responsables se sont entendus avec les Etats-Unis pour "travailler ensemble pour fournir à l'Ukraine des garanties de sécurité solides et des mesures de soutien à la reprise économique dans le cadre d'un accord visant à mettre fin à la guerre". Cela inclurait de "soutenir l'Ukraine dans la constitution de ses forces armées, qui devraient rester à un niveau de 800 000 soldats en temps de paix". Ils évoquent aussi "un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu dirigé par les États-Unis".

Le document souligne qu'il appartient "désormais à la Russie de montrer sa volonté d'œuvrer en faveur d'une paix durable en acceptant le plan de paix du président (Donald) Trump". Selon le même texte, Moscou doit "démontrer son engagement à mettre fin aux combats en acceptant un cessez-le-feu".

Volodymyr Zelensky évoque des "progrès" sur les garanties de sécurité américaines pour l'Ukraine

Le président ukrainien a fait état ce lundi de "progrès" dans les négociations sur les garanties de sécurité américaines pour son pays, après deux jours de pourparlers à Berlin avec des émissaires de Washington. "Nous avons fait des progrès dans ce domaine", a-t-il dit lors d'une conférence de presse avec le chancelier allemand Friedrich Merz. "J'ai vu les détails" et "ils ont l'air plutôt très bons, même si ce n'est qu'une première ébauche", a poursuivi Volodymyr Zelensky.

Un peu plus tôt, il avait évoqué des discussions "pas faciles" mais "productives" avec les émissaires américains. "Ces conversations ne sont jamais faciles, pour être honnête avec vous. Mais la conversation était productive, avec beaucoup de détails, vraiment beaucoup", a-t-il déclaré lors d'un forum économique germano-ukrainien. "Il existe des questions complexes, en particulier celles concernant les territoires (...). Pour le dire franchement, nous avons encore des positions différentes", a-t-il aussi déclaré.

Volodymyr Zelensky et les négociateurs américains ont négocié ce lundi en Allemagne, pour un deuxième jour consécutif, Kiev espérant convaincre Washington qu’un cessez-le-feu doit intervenir en Ukraine sans concessions territoriales préalables à la Russie. Ce 2e round a commencé en toute fin de matinée, et s'est achevé autour de 13h00.

Avant que Volodymyr Zelensky ne s'exprime, le principal négociateur ukrainien aux pourparlers, Roustem Oumerov, s'était félicité de "réels progrès accomplis" à l'issue de cette rencontre à huis clos. "Les négociations entre l'Ukraine et les Etats-Unis ont été constructives et productives, avec de réels progrès accomplis. Nous espérons parvenir d'ici la fin de la journée à un accord qui nous rapprochera de la paix", a-t-il indiqué sur X.

Le projet d'accord sur l'Ukraine prévoit "des garanties de sécurité très fortes", assure un haut responsable américain

Des négociateurs américains ont assuré lundi que les Etats-Unis avaient offert à Kiev des garanties de sécurité "très fortes" mais néanmoins acceptables, selon eux, pour la Russie.

Pendant leurs deux journées de discussion à Berlin avec les négociateurs ukrainiens, dont le président Volodymyr Zelensky, les Etats-Unis ont offert des "garanties de sécurité très fortes" pour l'Ukraine, semblables à celles de l'article 5 du traité de l'Otan, a dit un haut responsable américain. "Tout ce dont les Ukrainiens ont besoin selon nous pour se sentir en sécurité est inclus" dans le volet sécurité du projet d'accord, a-t-il insisté pendant un entretien avec la presse.

Un autre négociateur américain qui participait lui aussi à l'échange téléphonique a toutefois averti que ces garanties de sécurité pour l'Ukraine, dont il n'a pas donné de détails concrets, "ne seraient pas sur la table indéfiniment."

Le président américain Donald Trump doit, selon ces deux sources, appeler lundi son homologue ukrainien et des dirigeants européens pendant le dîner auxquels ils doivent participer dans la capitale allemande.

La Turquie abat un drone "hors de contrôle" en provenance de la mer Noire

La Turquie a abattu lundi un drone "hors de contrôle" s'approchant de son espace aérien par la mer Noire, a annoncé le ministère turc de la Défense. "Afin de prévenir toute conséquence néfaste, le drone a été abattu dans une zone sécurisée, à l'écart de toute zone habitée", a indiqué le ministère dans un communiqué, sans préciser la provenance exacte de l'engin. Selon Ankara, "une traînée aérienne (...) a été détectée et suivie dans le cadre de procédures de routine" au-dessus de la mer Noire, et "il a été déterminé que la traînée aérienne en question correspondait à un drone hors de contrôle". "Afin d'assurer la sécurité de l'espace aérien, nos F-16, placés sous le commandement de l'Otan et sous commandement national, ont été déployés en mission d'interception", a ajouté le ministère turc de la Défense.

Cet incident survient après que le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde samedi contre une transformation de la mer Noire en "zone de confrontation" entre la Russie et l'Ukraine, après plusieurs frappes ces dernières semaines contre des navires.

La crédibilité de l'UE "gravement compromise" sans accord sur les avoirs russes, dit Friedrich Merz

Le chancelier allemand Friedrich Merz a jugé lundi que l'UE sera durablement discréditée si les Etats membres n'arrivent pas s'entendre sur l'utilisation des avoirs russes gelés pour aider l'Ukraine. "Si nous n'arrivons pas le faire, la capacité d'action de l'Union européenne sera gravement compromise pour des années, et même plus longtemps, et nous montrerions au monde que nous sommes incapables de nous unir et d'agir à un moment aussi crucial de notre histoire", a-t-il dit dans un discours, à l'occasion de la visite à Berlin du président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Ce dernier a de son côté appelé à ce que les avoirs gelés russes "servent pleinement" à la défense de l'Ukraine face à la Russie, au moment où les Européens sont sous pression pour décider d'utiliser ou non les dizaines de milliards d'euros d'avoirs russes immobilisés en Europe. "Ces fonds doivent réellement et pleinement servir à la défense contre l'agression de la Russie. C'est juste, c'est raisonnable, et cela doit être réalisable", a plaidé le président ukrainien.

Nouvelles sanctions de l'UE contre la Russie

L'Union européenne a annoncé lundi avoir décidé de nouvelles sanctions contre des entités et des individus accusés de soutenir Moscou dans son effort de guerre contre Kiev, et a ajouté 40 navires à sa liste sanctionnant la "flotte fantôme" russe. Cinq personnes et quatre entités ont été sanctionnées pour avoir favorisé l'exportation de pétrole depuis la Russie, y compris en aidant sa "flotte fantôme" de navires aidant Moscou à contourner les sanctions occidentales, a précisé un communiqué du Conseil de l'UE, qui représente les 27 Etats membres.

Les individus sanctionnés sont des hommes d’affaires liés, directement ou indirectement, aux grandes compagnies pétrolières d’État russes Rosneft et Lukoil, sanctionnées par les Etats-Unis. Les entités visées sont des sociétés de transport maritime basées aux Émirats arabes unis, au Vietnam et en Russie, propriétaires ou gestionnaires de pétroliers sanctionnés par l’UE ou par d’autres pays, selon ce texte.

L'Ukraine assure avoir frappé un sous-marin russe dans un port de la mer Noire

L'Ukraine a affirmé lundi avoir frappé pour la première fois à l'aide d'un drone naval un sous-marin russe amarré dans le port de Novorossiïsk en mer Noire, assurant lui avoir infligé des "dommages critiques". "Pour la première fois de l'histoire, des drones sous-marins Sub Sea Baby ont fait exploser un sous-marin russe" de classe Kilo, ont annoncé les services de sécurité ukrainiens (SBU) sur Telegram. "A la suite de l'explosion, le sous-marin a subi des dommages critiques et a été mis hors service", ont-ils ajouté.

Ce type de sous-marin d'attaque conventionnel est fabriqué depuis les années 1980. Selon les analystes militaires, la Russie en possède plus d'une trentaine. La Russie n'a pas communiqué dans l'immédiat sur ces affirmations ukrainiennes.

Les négociateurs américains demandent toujours à l’Ukraine d’abandonner sa région du Donbass

Les négociateurs américains demandent toujours à l’Ukraine d’abandonner la partie de la région du Donbass (est) encore contrôlée par Kiev, lors du dernier cycle de pourparlers à Berlin, a indiqué à l’AFP un haut responsable au fait des discussions. Vladimir "Poutine veut des territoires. Les Américains disent que" l’Ukraine "doit se retirer", ce que Kiev refuse, a indiqué à l’AFP cette source proche du dossier. "C’est assez frappant que les Américains adoptent la position des Russes sur cette question", a-t-elle ajouté.

Selon un sondage publié lundi, 75 % des Ukrainiens sont opposés à l'abandon de ce territoire.

La non-adhésion de l’Ukraine à l’Otan est une "pierre angulaire" des pourparlers, dit le Kremlin

La non-adhésion de Kiev à l'Otan est une "pierre angulaire" des pourparlers, sous médiation américaine, visant à mettre fin à la guerre en Ukraine, a affirmé lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Cette question doit faire l’objet de "discussions spécifiques", a assuré Dmitri Peskov lors de son point de presse quotidien auquel participe l’AFP, tout en précisant que la Russie attendait d’être informée par Washington des résultats des pourparlers à Berlin entre Américains, Européens et Ukrainiens sur un plan de règlement du conflit en Ukraine.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Les leaders européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump, à la Maison Blanche, le 18 août 2025
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Et maintenant le Chili : en Amérique latine, les ressorts profonds d'un basculement à droite

Le paysage politique évolue à vitesse grand V vers la droite en Amérique latine. Amorcée l’année dernière, cette tendance s’est confirmée en hier au Chili où le candidat de droite José Antonio Kast, conservateur catholique qui affiche des positions extrêmes notamment sur l’immigration et sur la sécurité, a remporté le scrutin avec plus de 58 % des voix.

Face à lui, la candidate de la coalition des gauches, l’ex-ministre du Travail et de la Protection sociale Jeannette Jara, issue du Parti communiste, a atteint 42 %. Kast, qui se présentait pour la troisième fois, a soulevé la polémique en défendant à plusieurs reprises le bilan d’Augusto Pinochet, l’ancien dictateur au pouvoir au Chili de 1973 à 1990. Il deviendra en mars (lors de sa prise de fonction au palais de la Moneda) le président chilien dont les positions sont le plus à droite, notamment sur l’immigration, depuis la fin du régime militaire pinochétiste.

La gauche avait remporté la dernière présidentielle, en 2021, avec Gabriel Boric face au même José Antonio Kast dont c’était hier la troisième candidature. Issus du mouvement étudiant, lui, le sortant Boric avait accédé au pouvoir sur la plateforme de la coalition Frente Amplio (Front large) mais sa grande difficulté à mettre en place son programme l’a rendu impopulaire.

Javier Milei, ici le 14 octobre 2025 avec Donald Trump à Washington, assure à qui veut l'entendre que le soutien financier américain lui est acquis jusqu'à la fin de son mandat,
Javier Milei, ici le 14 octobre 2025 avec Donald Trump à Washington, assure à qui veut l'entendre que le soutien financier américain lui est acquis jusqu'à la fin de son mandat, "jusqu'à 2027". President Trump Meets With Visiting Argentine President Milei At The White House

Une rupture avec le socialisme

A l’est du Chili, de l’autre côté de la cordillère des Andes, Javier Milei a pour sa part considérablement renforcé sa position à la Chambre des députés et au Sénat, en octobre 2025. Celui qui se décrit comme un ultralibéral armé d’une tronçonneuse (pour couper dans les dépenses publiques) va ainsi pouvoir continuer à mettre en place les réformes structurelles, indispensables pour poursuivre la stabilisation économique du pays.

Également voisins du Chili, mais au nord, les Boliviens viennent, quant à eux, de mettre fin à près de vingt années de domination du Parti de gauche à tendance populiste, le Movimiento al socialismo (MAS) longtemps incarné par la figure d’Evo Morales, à la tête d’un pays perché à 4 000 mètres d’altitude. Le nouveau président, Rodrigo Paz, veut marquer la rupture avec vingt années de socialisme. Ce président de centre droit doit faire face à une crise économique sans précédent, héritée de la gauche. 2 000 kilomètres plus au nord, également dans les Andes, l’Équateur a réélu, de son côté, en mars, le président de droite Daniel Noboa qui a ouvertement affiché sa volonté de travailler en étroite collaboration avec Donald Trump.

Le président bolivien Rodrigo Paz (g) au balcon du palais de la présidence à La Paz, aux côtés de son épouse Maria Elena Urquidi (c) et de l'une de leurs filles, lors de son investiture le 8 novembre 2025
Le président bolivien Rodrigo Paz (g) au balcon du palais de la présidence à La Paz, aux côtés de son épouse Maria Elena Urquidi (c) et de l'une de leurs filles, lors de son investiture le 8 novembre 2025

Quant au Venezuela, si les élections n’avaient pas été truquées par le pouvoir, Nicolas Maduro aurait largement perdu l’élection présidentielle l’année dernière. C’est alors le candidat de centre droit, Edmundo Gonzales – qui remplaçait au pied levé Maria Corina Machado, empêchée de se présenter – qui aurait pris les commandes aux palais Miraflores de Caracas. Enfin, récemment, le 30 novembre, au Honduras (Amérique centrale), le parti de gauche sortant Liberté et Refondation – également appelé "Libre" –, a péniblement obtenu 19 % des voix alors que les deux candidats de centre droit totalisaient chacun 40 %. Soit 80 % des voix pour la droite au total. Encore une défaite majeure pour la gauche…

Et ce n’est peut-être pas fini ! En 2026, le Brésil, le Pérou, la Colombie et le Costa Rica iront aux urnes. Au Brésil, où les élections sont prévues dans un an, une lutte serrée se profile entre le Parti des travailleurs (PT) du président sortant Lula et la droite, actuellement divisée.

En Colombie, l’impopularité du président Gustavo Petro, un ex-guérillero, qui ne peut se représenter, rend peu probable le maintien de la gauche au pouvoir à Bogota, la capitale perchée à 2 640 mètres d’altitude. Quant au Costa Rica, il semble que le parti de centre droit sortant ait toutes les chances de se maintenir au pouvoir.

Deux exceptions

Dans ce contexte, le grand Mexique et le petit Uruguay, cette "Suisse de l’Amérique du Sud" coincée entre Brésil et Argentine, constituent deux exceptions. L’élection remportée haut la main de Claudia Sheinbaum au Mexique en juin de l’année dernière a prolongé le pouvoir de la gauche pour six ans. La présidente est issue du parti Morena, créé par Manuel Lopez Obrador, au pouvoir à partir de 2018. Sheinbaum reste extrêmement appréciée, avec un taux d’approbation d’environ 70 %. En Uruguay, Yamandu Orsi, de centre gauche, a été élu fin 2024 et mène une politique centriste, comme cela a toujours été le cas dans ce pays qui a tendance à éviter les extrêmes.

Pourquoi ce glissement général vers la droite de presque toute l’Amérique latine ? La motivation première des électeurs ne semble pas être idéologique, mais liée à des facteurs économiques et sécuritaires très concrets. Deux sujets principaux sont au centre des préoccupations des ménages : les mauvais résultats économiques des gouvernements en place et l’inquiétude face à la montée de l’insécurité.

De fait, deux décennies de populisme de gauche au Venezuela, en Argentine et en Bolivie ont été particulièrement dévastatrices pour les classes moyennes de ces trois pays, où la pauvreté a augmenté rapidement. Leur triple effondrement économique représente certainement un épouvantail pour une majorité de Latino-américains, provisoirement vaccinés par la démagogie du Vénézuélien Nicolas Maduro ou de l’Argentine Cristina Kirchner (président de 2007 à 2015, puis vice-présidente de 2019 à 2023).

Dans les pays où les gouvernements en place menaient des politiques de centre gauche, la croissance était rarement au rendez-vous à des niveaux suffisants pour que cela se traduise par une augmentation visible du pouvoir d’achat. Selon le Fonds monétaire international, la croissance de l’Amérique latine et des Caraïbes s’est maintenue aux alentours de 2,4 % en 2024, en dessous du niveau de croissance mondiale estimé à 3,3 %. Cela fait une bonne décennie que l’Amérique latine se trouve dans une situation de croissance molle et de sous-investissement, ce qui encourage les électeurs à pénaliser les gouvernements en place.

Le taux d’homicide s’est stabilisé mais…

La situation sécuritaire est l’autre grand motif d’insatisfaction qui fragilise la gauche. Sur cette question, même si la réalité est complexe, la droite apparaît plus crédible. Cela fait longtemps que l’insécurité constitue un problème pour beaucoup de pays, mais jusqu’à récemment, le "cône sud" de l’Amérique latine (Argentine, Chili) était relativement épargné. Or aujourd’hui, la violence s’étend rapidement à l’ensemble du continent, principalement en raison du trafic de drogue. De puissants réseaux de "narcos" se sont installés un peu partout sur le continent, encourageant la corruption et s’adonnant à toutes sortes de trafics en marge de leur activité principale. Certes, le taux d’homicide s’est stabilisé dans la région ces dernières années, mais reste parmi les plus élevés au monde. Les sondages confirment que la sécurité est une préoccupation majeure de Buenos Aires à Panama en passant par Santiago, Sao Paulo et La Paz…

Le "modèle Nayib Bukele", du nom du président du Salvador rendu célèbre par sa politique extrême de mano dura (main de fer) est désormais vu comme une solution possible. Elle consistait à incarcérer sans jugement toute personne suspectée d’appartenir à un gang dans des prisons de haute sécurité. Très contestable sur le plan des droits humains, cette politique a fait baisser le taux d’homicide de 38 pour 100 000 en 2019 (année de son élection) à 1,9 pour 100 000 en 2024. Fait inimaginable voilà encore dix ans : le Salvador est aujourd’hui l’un des pays les plus sûrs d’Amérique latine. Malgré le mépris affiché par le président salvadorien pour les règles démocratiques et de l’État de droit, la plupart des dirigeants de droite comme de gauche se réfèrent désormais à son "modèle" comme à une stratégie dont il faut au moins en partie s’inspirer.

Le président salvadorien Nayib Bukele pendant sa prestation de serment pour son deuxième mandat, le 1er juin 2024
Le président salvadorien Nayib Bukele pendant sa prestation de serment pour son deuxième mandat, le 1er juin 2024

Bien entendu, Donald Trump veut faire croire que ce retour de la droite latino aux commandes s’explique par l’influence qu’il exercerait au sud du Rio Grande jusqu’à la terre de Feu. À l’occasion du 250e anniversaire de la doctrine Monroe, la Maison-Blanche a diffusé un message réaffirmant l’attachement du président Trump à cette politique énoncée en 1823 par le cinquième président américain, James Monroe. Ce dernier prônait un rôle de protecteur du continent américain au sens large (Amérique du Nord, Centrale et du Sud) par Washington afin de le protéger des influences extérieures négatives.

En pratique, hormis l’Argentine, dont le président a été sauvé à la veille des récentes élections par un swap de devises pour éviter un effondrement de la monnaie nationale, et du Venezuela, où Donald Trump ne fait pas mystère de sa volonté de remplacer le régime de Maduro, il n’est pas dit que l’intérêt manifesté par les Etats-Unis joue en faveur de la droite continentale. En fait, la dynamique politique est interne à chaque pays concerné et ne dépend qu’à la marge des déclarations de Trump. Le déplacement du curseur politique vers la droite constitue toutefois une aubaine pour Donald Trump qui peut trouver des appuis en Amérique latine pour réduire, autant que possible, l’influence de Pékin sur le continent.

Bref, les implications du mouvement de balancier actuel ne sont pas encore tout à fait claires à l’échelle globale parce qu’il n’existe pas une doctrine unifiée de la droite en Amérique latine, hormis celle qui consiste à favoriser une économie de marché. Qui plus est, l’évolution actuelle ne se traduira pas forcément par une politique antichinoise car de nombreux pays dépendent déjà beaucoup trop du commerce avec la Chine pour leur survie, comme l’Argentine et le Brésil. Reste à voir si ce changement politique permettra de redonner un coup de pouce à la croissance en Amérique latine et de réduire à la fois la pauvreté et l’insécurité.

*Alexandre Marc est expert associé à l’Institut Montaigne, ancien spécialiste en chef à la Banque Mondiale et auteur de La Démocratie à l’âge de l’hyper-individualisme.

© afp.com/Marvin RECINOS

Le leader chilien d'extrême droite José Antonio Kast, le 16 novembre 2025 à Santiago
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Hongrie : ces scandales dans la protection de l’enfance qui secouent Viktor Orban

Jouets et torches en main, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues hongroises ce samedi 13 décembre, répondant à l’appel du chef de l’opposition, Péter Magyar. Le motif de ce rassemblement : la diffusion le 9 décembre d’une vidéo montrant les sévices infligés à des mineurs internés dans un centre éducatif fermé de Budapest, dernière goutte d’un vase prêt à déborder. Les images montrent le responsable par intérim de l’établissement en train de battre violemment l’un de ses pensionnaires à la tête. L’auteur des coups et plusieurs autres éducateurs du centre de la rue Szolo ont été arrêtés par les forces de l’ordre.

Agressions sexuelles, prostitution forcée de mineurs, passage à tabac… Depuis deux ans, plusieurs scandales ont secoué les établissements pour mineurs en difficulté, notoirement en manque de financements après une politique de coupes budgétaires. Dans le viseur des manifestants : Viktor Orbán et son gouvernement qui se targuent volontiers d’œuvrer en faveur de la protection de l’enfance. Farouchement conservateur, l’homme qui dirige la Hongrie depuis 15 ans n’hésite pas à communiquer sur ses efforts pour "protéger les enfants de la propagande LGBT+ " en prohibant aux moins de 18 ans l’accès à des contenus représentant l’homosexualité.

Un ancien directeur suspecté de proxénétisme

A quelques mois des élections législatives du pays, Péter Magyar, qui caracole en tête des sondages, fait partie des voix qui s’élèvent pour dénoncer la maltraitance sur mineurs. L’homme politique affirme s’être procuré un rapport confidentiel destiné à l’exécutif hongrois, faisant état des abus sur mineurs dans le pays. "Il démontre plus clairement que jamais que Viktor Orbán et les autorités disposaient d’informations détaillées sur des abus systémiques commis contre des enfants depuis au moins quatre ans, et qu’ils n’ont pourtant rien fait", cingle le chef d’opposition sur X. Selon le document, "38 % des tuteurs chargés de la protection de l’enfance ont connaissance d’au moins un enfant ayant subi des abus sexuels pendant la durée de la prise en charge".

A mai napon eljutott hozzám egy, az Orbán-kormány részére készült, elhallgatott, hivatalos jelentés az állami gyermekvédelem alatt álló gyermekeket érő egészen elképesztő bántalmazásokról.
Nem hamisított, nem mesterséges intelligenciával összetákolt, hanem egy szakemberek által… pic.twitter.com/MCeJTSeFxx

— Magyar Péter (Ne féljetek) (@magyarpeterMP) December 12, 2025

Et ce n’est pas la première fois que ce centre éducatif fermé de la rue Szolo fait couler de l’encre. Au printemps dernier, son directeur avait été arrêté par la police, visé par une enquête pour proxénétisme, trafic d’êtres humains et blanchiment d’argent.

L’homme qui était à la tête de l’établissement depuis 2011 avait été décoré à plusieurs reprises pendant son mandat. Apparaissant sur des médias de propagande, il ne dissimulait pas sa proximité avec le pouvoir en place et ses valeurs conservatrices. Selon les révélations du média Hongrois Magyar Jelen, "plusieurs enquêtes et procédures avaient déjà été menées au cours des trente dernières années" pour des faits similaires. Au début des années 2000, des poursuites pénales avaient été engagées "pour suspicion d’abus sexuels très graves", accompagnées de "témoignages accablants de plusieurs personnes". Une affaire finalement abandonnée "faute de preuve".

Protéger les enfants des "scélérats"

Dans les jours qui ont suivi les révélations de maltraitance, les réactions du gouvernement hongrois ont davantage ravivé les tensions qu’elles ne les ont apaisées.

Le porte-parole du gouvernement, Gergely Gulyas, a tenu à rappeler que le centre fermé hébergeait des mineurs délinquants, dont "27 personnes condamnées pour vol" et "quatre pour agression sexuelle". Une intervention interprétée comme une tentative de justifier le recours à la violence sur ces enfants. Des propos que Viktor Orbán a depuis tenté de nuancer, affirmant que "même un jeune délinquant ne doit pas être traité comme ce surveillant a traité le détenu. C’est inadmissible, sans l’ombre d’un doute". Et le Premier ministre de poursuivre : "la rue Szolo est une institution particulière. Elle accueille des mineurs délinquants, tous ayant commis des crimes. La plupart sont des crimes graves, y compris des meurtres. C’est, à proprement parler, une forme de prison".

"Même si un enfant a été condamné, cela ne veut pas dire que vous pouvez le frapper sur le sol, piétiner sa tête, ou la battre avec un bâton", a tancé samedi Péter Magyar devant un parterre de manifestants. Et l’homme politique d’ajouter sur X : "un gouvernement qui a permis et couvert les abus physiques et psychologiques infligés à des enfants ne peut rester au pouvoir un jour de plus", promettant de protéger les mineurs en difficulté des "scélérats" d’ici 121 jours, tout au plus, date des élections législatives hongroises.

© Ferenc ISZA / AFP

Plus de 50 000 personnes ont manifesté samedi 13 décembre 2025 à Budapest à l'appel de l'opposition pour exiger la démission du gouvernement du Premier ministre Viktor Orban, accusé d'inaction après la révélation de maltraitances dans l'aide sociale à l'enfance.
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Présidentielle au Chili : pourquoi la victoire de l'extrême droite réjouit Washington

A Washington, la victoire de José Antonio Kast à l’élection présidentielle chilienne est observée avec bienveillance. En élisant un dirigeant d’extrême droite, admirateur assumé d’Augusto Pinochet, le Chili opère un virage politique majeur, devenant le pays le plus conservateur de la région depuis la fin de la dictature en 1990. Un tournant qui résonne favorablement avec la stratégie régionale de l’administration Trump qui place ses pions en Amérique latine, longtemps appelée "l’arrière-cour des Etats-Unis".

Avec près de 58 % des suffrages face à Jeannette Jara, candidate d’une large coalition de gauche, l’ultraconservateur de 59 ans s’impose largement. Dès l’annonce des résultats, les félicitations américaines n’ont pas tardé. Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a salué une victoire qui, selon lui, permettra de faire avancer des "priorités communes", notamment en matière de sécurité publique, de lutte contre l’immigration clandestine et de relations commerciales.

Le programme de José Antonio Kast - qui prendra ses fonctions en mars - présente en effet de nombreux points de convergence avec celui de Donald Trump. L’ancien député a fait campagne sur une ligne sécuritaire très dure, promettant d’expulser près de 340 000 personnes migrantes en situation irrégulière et de renforcer le rôle de l’armée dans les zones touchées par la criminalité. "Tout au long de sa longue carrière politique, Kast a toujours défendu une ligne dure de droite. Il a proposé la construction de murs aux frontières, le déploiement de l’armée dans les zones à forte criminalité et l’expulsion de tous les migrants en situation irrégulière", contextualise la chaîne américaine CNN.

L’obsession migratoire comme point commun

Mais pour la Maison-Blanche, l’intérêt dépasse la simple affinité idéologique. Le président américain entend s’appuyer sur des pays alliés afin de leur confier une partie de la gestion de sa politique migratoire. L’Argentine de Javier Milei, qui revendique sa proximité avec l’administration Trump, s’inscrit dans cette logique, tout comme le Salvador de Nayib Bukele, où sont détenus dans une prison de haute sécurité des migrants expulsés des Etats-Unis. L’ultralibéral argentin Javier Milei a d’ailleurs exprimé sur le réseau X son "immense joie", saluant l’"écrasante victoire" de son "ami".

Ce réalignement intervient alors que Donald Trump, revenu à la Maison-Blanche en janvier 2025, tente d’étendre son influence en Amérique latine. Sa politique, mêlant pressions diplomatiques et signaux de fermeté, a ravivé les inquiétudes sur le continent. Le président américain s’est immiscé dans les débats politiques de plusieurs pays, du Brésil à la Colombie, tandis que le déploiement d’une armada dans les Caraïbes alimente les spéculations sur une possible intervention contre le régime de Nicolas Maduro au Venezuela.

La doctrine Monroe ressuscitée

Vendredi 5 décembre, l’administration Trump a même franchi une nouvelle étape en publiant une version actualisée de sa "Stratégie de sécurité nationale". Le document assume une lecture offensive du principe "l’Amérique d’abord" et ressuscite la doctrine Monroe, selon laquelle l’Amérique latine constitue une zone d’influence privilégiée des Etats-Unis.

Dans ce que Washington qualifie de "corollaire Trump", l’objectif est clair : restaurer la suprématie américaine, sécuriser l’accès aux ressources stratégiques et s’assurer que les gouvernements de la région soient suffisamment stables pour contenir les migrations vers le nord. Dans ce contexte, la victoire de l’extrême droite chilienne apparaît, pour les Etats-Unis, comme une opportunité stratégique autant qu’idéologique. Un nouveau basculement régional dont Donald Trump entend tirer parti.

© afp.com/Eitan ABRAMOVICH

Le président élu du Chili, le leader d'extrême droite José Antonio Kast, pourrait être un allié intéressant pour son homologue américain, Donald Trump.
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Des rencontres secrètes entre le FBI et le négociateur ukrainien suscitent l'inquiétude des Occidentaux

Des réunions discrètes entre de hauts responsables du FBI et le principal négociateur ukrainien pour la paix ont jeté un nouveau trouble sur les discussions visant à mettre fin à la guerre en Ukraine, accentuant la pression sur Kiev pour parvenir à un accord avec Moscou. Selon plusieurs diplomates et responsables informés du dossier, Rustem Umerov, négociateur en chef du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a rencontré à huis clos le directeur du FBI, Kash Patel, ainsi que son adjoint, Dan Bongino, lors de récents déplacements aux Etats-Unis, selon le Washington Post.

Ces rencontres se sont déroulées en marge des discussions plus officielles. Ces dernières semaines, Rustem Umerov s'est rendu à trois reprises à Miami afin de s'entretenir avec Steve Witkoff, l'envoyé spécial du président Donald Trump, autour d'une proposition américaine destinée à mettre fin au conflit qui oppose l'Ukraine à la Russie depuis près de quatre ans. Mais durant ces séjours, le négociateur ukrainien aurait également ouvert un canal direct avec la direction du FBI, selon quatre sources ayant requis l'anonymat en raison du caractère sensible des échanges.

L'initiative intrigue et inquiète. Certains responsables occidentaux redoutent que ces contacts ne servent à exercer une pression supplémentaire sur Kiev pour accepter un plan de paix élaboré par l'administration Trump, qui impliquerait d'importantes concessions territoriales de la part de l'Ukraine. D'autres avancent l'hypothèse que des responsables ukrainiens cherchent à obtenir des garanties ou une forme d'amnistie face à d'éventuelles accusations de corruption visant leur pays.

La corruption évoquée

L'ambassadrice d'Ukraine à Washington, Olha Stefanishyna, a confirmé la rencontre d'Umerov avec le FBI et a déclaré au Washington Post qu'il n'avait abordé que des questions de sécurité nationale ne pouvant être divulguées publiquement. Un responsable du FBI a tenu un discours similaire, affirmant que les discussions avaient concerné des intérêts communs en matière de sécurité et de maintien de l'ordre. La corruption en col blanc en Ukraine a bien été évoquée lors de l'une des réunions, a-t-il reconnu, mais elle n'en constituait pas le sujet central. Toute insinuation d'échanges inappropriées relève, selon lui, du "pur non sens".

Le contexte politique rend toutefois ces explications délicates. Kash Patel et Dan Bongino se sont montrés à plusieurs reprises très critiques à l'égard de l'Ukraine. En mars, le directeur du FBI a publiquement mis en cause l'ampleur de l'aide américaine à Kiev et appelé le Congrès à enquêter sur un possible détournement de fonds. Son adjoint, Dan Bongino, a quant à lui accusé Volodymyr Zelensky d'avoir couvert des faits présumés de corruption impliquant le fils de l'ancien président, Joe Biden, en lien avec son passage au conseil d'administration d'une entreprise énergétique ukrainienne.

De son côté, la Maison-Blanche minimise la portée de ces rencontres. Un responsable assure que les autorités américaines échangent régulièrement avec des dirigeants étrangers sur des enjeux de sécurité nationale, rappelant que l'équipe de Donald Trump mène en parallèle des discussions avec les Russes et les Ukrainiens pour faciliter un accord de paix. A Kiev, un représentant de la présidence a refusé de commenter des réunions spécifiques jugeant "absurde" toute tentative de les relier systématiquement à des affaires de corruption. Le sujet est néanmoins explosif pour l'Ukraine, rappelle le Washington Post, déjà ébranlée par le plus important scandale financier depuis l'arrivée au pouvoir de Volodymyr Zelensky en 2019, après la révélation récente du détournement de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique national.

© afp.com/SAUL LOEB

Le directeur du FBI, la police fédérale américaine, Kash Patel, à la Maison Blanche, à Washington, aux Etats-Unis, le 15 septembre 2025
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A Hongkong, la figure prodémocratie Jimmy Lai reconnue coupable d'atteinte à la sécurité nationale

Un tribunal de Hong Kong a jugé coupable lundi 15 décembre l'ancien magnat des médias prodémocratie Jimmy Lai dans son procès pour atteinte à la sécurité nationale, risquant la prison à perpétuité, dans l'une des décisions de justice les plus marquantes depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997.

Jimmy Lai, âgé de 78 ans, a été reconnu coupable d'un chef d'accusation de sédition, et de deux chefs d'accusation de collusion avec l'étranger. Ces deux derniers chefs se basent sur la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin après les vastes manifestations prodémocratie, parfois violentes, qui ont secoué Hong Kong en 2019. Pour le parquet, Jimmy Lai était le cerveau derrière deux complots demandant à des pays étrangers d'imposer des "sanctions ou un blocus" ou de mener des "activités hostiles" contre Hong Kong ou la Chine. L'ex-magnat est aussi accusé d'avoir publié des contenus qui "incitaient à la désaffection" envers le gouvernement.

Jimmy Lai, resté impassible à l'énoncé du verdict, a constaté un journaliste de l'AFP présent dans la salle, avait plaidé non coupable et risque la prison à perpétuité. Les peines seront prononcées à une date ultérieure, il pourra faire appel. "Il ne fait aucun doute que Jimmy Lai a nourri sa rancœur et sa haine envers la RPC pendant une grande partie de sa vie d'adulte et cela apparaît dans ses articles", a déclaré la juge Esther Toh à la cour, utilisant l'acronyme désignant la République populaire de Chine. "Il est également clair pour nous que le premier accusé, bien avant l'adoption de la loi sur la sécurité nationale, réfléchissait à la manière dont les États-Unis pourraient faire pression sur la RPC", a-t-elle ajouté.

Disposant d'un passeport britannique, le fondateur du journal prodémocratie Apple Daily, aujourd'hui fermé, est emprisonné depuis 2020. Âgé de 78 ans, il est maintenu à l'isolement, "à sa demande" selon les autorités.

"Le glas de la liberté de la presse à Hong Kong"

Le cas de Jimmy Lai est considéré par les défenseurs des droits comme emblématique de l'érosion des libertés politiques à Hong Kong depuis la mise en place par Pékin de la loi sur la sécurité nationale. "La prévisibilité du verdict rendu aujourd'hui ne le rend pas moins consternant : la condamnation de Jimmy Lai sonne comme le glas de la liberté de la presse à Hong Kong", a dénoncé l'ONG Amnesty International.

Pour Reporters sans frontières (RSF), cette "condamnation illégale" illustre "la détérioration alarmante de la liberté des médias sur le territoire", tandis que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) l'a qualifiée de "condamnation parodique" et d'"acte de persécution honteux".

De son côté, Pékin avait déclaré vendredi qu'il "soutenait fermement" Hong Kong dans "le maintien de la sécurité nationale conformément à la loi et la répression des actes criminels qui mettent en danger la sécurité nationale".

Un "prisonnier politique"

Au cours du procès, ouvert en décembre 2023, Jimmy Lai s'est décrit au moins deux fois comme un "prisonnier politique", s'attirant des reproches des juges. En plus des accusations de collusion, il est poursuivi pour 161 "publications séditieuses", parmi lesquelles des talk-shows sur les réseaux sociaux et des éditoriaux signés de son nom.

Jimmy Lai a affirmé n'avoir jamais prôné le séparatisme ou la résistance violente. Il a également nié avoir appelé à des sanctions occidentales contre la Chine et Hong Kong. Jimmy Lai souhaitait une "Chine libre et démocratique", a indiqué à l'AFP un ancien employé de l'Apple Daily, connu sous le nom de Chan, faisant la queue devant le tribunal avant le verdict lundi aux côtés d'une centaine de personnes. "Il aimait beaucoup le pays, il n'aimait simplement pas le régime", a-t-il ajouté.

Pour Eric Lai, chercheur au Centre de droit asiatique de l'université Georgetown, le discours du tribunal "correspond à la manière dont la propagande du PCC tente d'effacer la distinction entre le parti au pouvoir et le peuple qu'il gouverne." Les autorités de l'ex-colonie britannique, désormais région chinoise à statut spécial, ont affirmé que cette affaire avait été "traitée uniquement sur la base de preuves et conformément à la loi".

Jimmy Lai est apparu devant la cour plus mince qu'avant son emprisonnement, alors que ses enfants, réfugiés aux Etats-Unis, ont fait part la semaine dernière de leurs inquiétudes. Le commissaire Steve Li, chef de la police nationale de sécurité, a déclaré lundi lors d'une conférence de presse que les inquiétudes de la fille de Jimmy Lai relevaient de la diffamation. Le gouvernement de Hong Kong a souligné que Jimmy Lai était soumis aux mêmes conditions de détention que "les autres détenus" et qu'il recevait des soins médicaux "adéquats et complets".

© Anthony WALLACE / AFP

Un tribunal de Hong Kong a jugé Jimmy Lai coupable lundi 15 décembre 2025 de crimes contre la sécurité nationale.
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Attentat en Australie : le renseignement avait enquêté sur des liens entre un des tireurs et le groupe Etat islamique

L’Australie est endeuillée. Un père et son fils ont ouvert le feu, dimanche 15 décembre, sur une plage emblématique de Bondi à Sydney. Ils ont visé la foule rassemblée pour célébrer la fête juive de Hanouka, faisant 15 morts — dont une fillette — et plus de 40 blessés. Parmi les victimes, figure également un ingénieur informatique français de 27 ans, Dan Elkayam. L’attaque, qualifiée de "terroriste" et d’"antisémite" par les autorités australiennes, a conduit le pays à décréter un deuil national lundi.

Les médias australiens ont identifié les tireurs comme étant Sajid Akram, 50 ans, abattu par des policiers, et son fils Naveed Akram, 24 ans, hospitalisé dans un état critique et placé sous surveillance policière. Ce dernier était soupçonné d’être étroitement lié à un membre du groupe Etat islamique (EI) arrêté en juillet 2019 et condamné pour avoir préparé un acte terroriste en Australie, selon les services de renseignement australiens.

Selon la télévision publique ABC, des enquêteurs antiterroristes estiment que les deux tireurs avaient prêté allégeance à l’organisation djihadiste. Des hauts responsables ont déclaré au média que deux drapeaux de l’EI avaient été trouvés dans la voiture des auteurs de l’attaque sur la plage. Le chef des services australiens de renseignement intérieur, Mike Burgess, a indiqué à la presse dimanche que l’un des tireurs était "connu de nos services, mais pas en tant que menace immédiate".

Le parquet national antiterroriste (Pnat) a annoncé ce lundi l'ouverture d'une enquête en France, parallèle à celle des autorités australiennes. L'enquête du Pnat est ouverte notamment pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste", précise ce parquet dans un communiqué.

"Un acte purement maléfique"

Au sommet de l’Etat, les réactions ont été vives. "Ce que nous avons vu hier était un acte purement maléfique, antisémite et terroriste sur nos rives", a lancé lundi le Premier ministre Anthony Albanese en déposant une gerbe des fleurs sur ce lieu baigné par le Pacifique. L’Australie, qui n’avait pas été frappée par une telle tuerie depuis 1996, a mis tous ses drapeaux en berne, a annoncé Anthony Albanese, en proposant aussi une législation encore plus stricte sur les armes à feu. La police a confirmé que l’un des assaillants possédait légalement six armes à feu.

Dès dimanche soir, le Premier ministre australien avait dénoncé "une attaque ciblée contre les juifs australiens, au premier jour de Hanouka", la fête juive dite des "lumières" qui se tient durant neuf jours en décembre. L’attentat a meurtri dimanche vers 18H45 (07H45 GMT) l’immense plage de Bondi envahie par des milliers de promeneurs, nageurs et surfeurs en ce début d’été austral. "Nous avons entendu les coups de feu […] Dix minutes de détonations incessantes", a déclaré à l’AFP Camilo Diaz, étudiant chilien de 25 ans. À la tombée de la nuit de dimanche à lundi, la plage et les alentours d’habitude très animés avaient été évacués et bouclés.

"Une attaque très cruelle"

Anthony Albanese, mais aussi le président américain Donald Trump, ont salué les "héros" qui sont intervenus. Une vidéo qui s’est propagée sur les réseaux sociaux montre un passant sur un parking se précipiter par derrière sur un assaillant, l’agripper et lui arracher son arme avant de le mettre en joue et de le faire fuir. A l’international, les condamnations ont afflué. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a assuré que "l"Europe se tenait aux côtés de l’Australie et des communautés juives partout dans le monde".

En Israël, le président Isaac Herzog a parlé d’une "attaque très cruelle contre des juifs" perpétrée par "d’ignobles terroristes". Son Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui ne cesse de dénoncer la résurgence de l’antisémitisme dans le monde depuis le massacre du 7 octobre 2023 et la guerre dans la bande de Gaza, a fustigé un "cancer qui se propage lorsque les dirigeants restent silencieux et n’agissent pas". Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron ont fait part de leur solidarité, alors qu’un Français compte parmi les morts.

L’une des victimes tuées est le rabbin Eli Schlanger, 41 ans, né à Londres et père de cinq enfants. Le Conseil national des imams australien a condamné cette "attaque traumatisante" et appelé "tous les Australiens, y compris la communauté musulmane australienne, à se serrer les coudes dans l’unité, la compassion et la solidarité".

© afp.com/DAVID GRAY

Des personnes se recueillent le 15 décembre 2025 devant des fleurs et un drapeau israélien déposés en mémoire des victimes d’une fusillade à Bondi Beach, à Sydney
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"C’était terrifiant" : la guerre sans pitié de Poutine contre l’agriculture ukrainienne

Ne parlez pas de mines à Yevgeniy Gusakov. Bientôt quatre ans qu’elles font vivre un enfer à cet agriculteur ukrainien de 49 ans. Ses quelque 250 hectares de terres situés à une cinquantaine de kilomètres du front, non loin de Kupyansk, ont été occupés pendant sept mois par les Russes en 2022, avant d’être libérés par l’armée ukrainienne. Depuis, malgré plusieurs passages des démineurs envoyés par l’Etat, ses champs sont encore truffés d’engins explosifs. En désespoir de cause, après deux ans d’inactivité, le céréalier a décidé de les retirer lui-même. "C’était terrifiant, mais je n’avais pas le choix, car c’est ma seule source de revenu", retrace-t-il d’un ton résolu. Aujourd’hui encore, il continue régulièrement à en retrouver. Son tracteur a même sauté sur l’une d’elles. "Heureusement, personne n’a été blessé", souffle Yevgeniy. Mais le danger demeure bien réel. "J’essaie de ne pas y penser lorsque je travaille au champ."

A l’instar de Yevgeniy, nombre d’agriculteurs ukrainiens sont confrontés au problème des mines et autres munitions explosives enfouies dans le sol. Une menace cruciale pour ce secteur qui fait vivre près de 13 millions de personnes. "L’Ukraine est actuellement le pays le plus miné au monde, devant l’Afghanistan, la Syrie ou le Cambodge, souligne Caitlin Welsh, directrice du Programme mondial pour la sécurité alimentaire et hydrique au Centre d’études stratégiques et internationales, à Washington. Selon les estimations, le déminage pourrait prendre entre une décennie et un siècle." D’après le gouvernement ukrainien, 139 000 km² sont potentiellement contaminés - soit 23 % du territoire. Antipersonnelles ou antichars, la plupart des mines ont été déposées par les Russes. Parmi les engins les plus redoutables pour en inonder à échelle industrielle les champs ukrainiens, le système "Zemledelie" ("agriculture", en russe), employé dès le début du conflit et capable de recouvrir à distance une surface équivalente à plusieurs terrains de football en seulement quelques minutes.

Pour Vladimir Poutine, l’agriculture, qui représente 10 % du PIB ukrainien, constituait dès le départ une cible prioritaire. "La Russie s’en est délibérément prise à ce secteur pour saper une source majeure de revenus, dont l’Ukraine a cruellement besoin pour financer son effort de guerre, note Caitlin Welsh. L’autre objectif était de faire chuter les exportations ukrainiennes pour les remplacer par des produits russes." Moscou n’a pas fait mystère de ses intentions. Dès avril 2022, l’ancien président et actuel vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, avait publiquement déclaré que l’alimentation constituait "une arme silencieuse" pour la Russie. Un an et demi plus tard, Vladimir Poutine lui-même faisait part de sa volonté de "remplacer les céréales ukrainiennes" par ses propres récoltes auprès des "pays dans le besoin".

Moins de surfaces cultivables

Cette utilisation des denrées alimentaires comme une arme est loin d’être inédite dans l’histoire russe, alors que Kiev célébrait fin novembre le 93e anniversaire de l’Holodomor ("extermination par la faim", en ukrainien), une terrible famine orchestrée par Moscou en 1932. "L’Ukraine a toujours été considérée par les dirigeants russes comme un élément central dans la construction de l’Union soviétique, retrace Galia Ackerman, historienne spécialiste de la Russie postsoviétique. Et Staline voulait exterminer toute une couche de la population ukrainienne porteuse de la mémoire nationale, notamment au sein de la paysannerie, pour maintenir le pays sous son joug." Entre 2,6 et 5 millions de personnes seraient mortes dans ce qui reste aujourd’hui le plus grand massacre jamais perpétré contre ce pays. Considérées à l’époque comme le grenier à blé de l’URSS grâce au Tchernoziom ("terre noire", en russe), un sol parmi les plus fertiles du monde, les vastes terres arables ukrainiennes aiguisent toujours l’appétit du Kremlin. "Dans son projet de domination de l’Ukraine, elles font partie des actifs clés sur lesquels Poutine veut mettre la main", abonde Galia Ackerman.

Dans les territoires occupés, le pillage a d’ores et déjà commencé. Fin octobre, le procureur général ukrainien a accusé la Russie du vol de plus de 4 millions de tonnes de céréales, exportées ensuite sous couvert de "marchandises russes" vers la Syrie, l’Égypte, la Turquie, le Liban et d’autres pays - soit un possible crime de guerre. En parallèle, le contrôle de toute une partie de son territoire par Moscou a privé l’Ukraine d’une part importante de ses terres exploitables. Entre 2021 et 2025, le nombre d’hectares cultivés a baissé de 40 % pour l’orge, de 25 % pour le blé et de 21 % pour les graines de tournesol. Malgré tout, l’agriculture ukrainienne a échappé au pire. "La fermeture de la mer Noire au début du conflit a failli condamner tout le secteur en le privant de débouchés, rappelle Carlos de Cordoue, le directeur général du Crédit agricole Ukraine. Mais l’Ukraine a réussi à ouvrir un couloir de navigation et à retrouver une capacité d’exportation quasi-normale."

Les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs ukrainiens n’en restent pas moins nombreux. "Il est difficile de trouver un pan de l’agriculture ukrainienne qui n’ait pas été affecté par la guerre de manière très directe et intentionnelle", jauge Caitlin Welsh. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 23 % des entreprises agraires situées dans les régions bordant le front ont signalé des destructions de matériel au cours du conflit. Et 30 % ont été contraintes de réduire la taille de leurs cultures face à l’insécurité ou la contamination de leurs terrains par des explosifs. "Le plus gros des destructions s’est concentré dans les zones qui ont été temporairement occupées par les Russes en 2022, ainsi que dans les oblasts situés à proximité des lignes de front dans l’est et le sud du pays", détaille Tiphaine Lucas, cheffe du programme action anti-mines et réhabilitation des terres pour la FAO en Ukraine. Au total, environ 30 % des capacités agricoles de l’Ukraine ont été détruites et 20 % des surfaces restent sous occupation, selon le ministère de l’Agriculture.

"J’ai tout abandonné pour fuir avec ma famille"

Dans de nombreuses fermes, les conséquences s’en font durement ressentir. Mykola Ivanovych, qui du haut de ses 65 ans, était à la tête d’une exploitation florissante de 750 hectares non loin d’Izioum, dans la région de Kharkiv, a tout perdu au déclenchement des combats. "Lorsque les Russes sont arrivés dans mon village, j’ai tout abandonné pour fuir avec ma famille en Pologne, se souvient-il, amer. A mon retour en septembre 2022, après la libération de la région par l’armée ukrainienne, tout avait disparu. Les moissonneuses-batteuses ont été volées, les entrepôts de stockage détruits et les semences de blé et de tournesol carbonisées dans des bombardements…" Au total, les dégâts se chiffrent à plus de 4 millions de dollars. Toute une vie de labeur partie en fumée pour cet agriculteur qui avait commencé à travailler dans les champs en 1979. Pis, incapable de rembourser un prêt qu’il avait contracté peu avant le début du conflit, ses comptes bancaires ont été gelés, l’empêchant de reprendre toute activité. "Pourtant, je ne suis pas responsable de cette guerre, ni des destructions, déplore Mykola, à court d’options. Et il m’est impossible d’aller dans un endroit plus sûr pour tout recommencer puisque je n’ai pas d’argent pour acheter ou louer un nouveau terrain." D’après le dernier rapport annuel de la Banque Mondiale sur l’évaluation des dégâts liés au conflit, les destructions subies par le secteur agricole ukrainien s’élèvent au moins à 11,2 milliards de dollars, en hausse de près de 10 % sur un an.

S’y ajoutent 72,7 milliards de dollars de pertes cumulées avec la baisse de production annuelle, les coûts de remise en état des terres ou encore la hausse du prix des intrants. "Le cours des engrais a bondi de 45 % et celui du carburant de 70 % par rapport aux prix d’avant-guerre, abonde Tiphaine Lucas. In fine, cela se répercute de manière significative sur les coûts de production." Près d’une exploitation sur deux a fait état d’une baisse de ses revenus l’an dernier et neuf sur dix d’une augmentation de leurs frais. La destruction du barrage de Kakhovka en juin 2023 a constitué une épreuve supplémentaire dans les régions du sud. Dans les oblasts (régions) de Zaporijia, Kherson et Dnipropetrovsk, qui dépendaient principalement de cette infrastructure pour leur approvisionnement en eau, la superficie des terres irriguées a chuté de 95 %, passant de 340 500 hectares en 2021 à seulement… 15 000, deux ans plus tard. "Le problème, c’est que la remise en état des infrastructures d’irrigation représente des investissements importants et que le budget de l’Etat est limité", pointe Carlos de Cordoue. Résultat, dans la région de Kherson, les autorités locales ont déclaré cet été la perte de 100 000 hectares de cultures à cause de la sécheresse.

Photo diffusée le 6 juin 2023 par la société ukrainienne exploitante, Ukrgidroenergo, du barrage hydroélectrique de Kakhovka endommagé, dans la région de Kherson
Photo diffusée le 6 juin 2023 par la société ukrainienne exploitante, Ukrgidroenergo, du barrage hydroélectrique de Kakhovka endommagé, dans la région de Kherson

Par-delà les pertes matérielles, l’Ukraine manque aussi de bras pour faire tourner ses exploitations dans un contexte où près d’un million de personnes sont mobilisées sous les drapeaux et que sept autres millions ont fui à l’étranger. Le déficit de main-d’œuvre de 10 % qui existait déjà dans le secteur avant le début de la guerre s’est aggravé. Et a même atteint 30 % cet été. "Les périodes de récoltes, où il y a de gros besoins de main-d’œuvre, sont compliquées, confirme Carlos de Cordoue. Même si le secteur s’est beaucoup automatisé pour tenter de compenser, cela reste un sujet préoccupant pour l’avenir." Surtout dans les exploitations les plus proches du front. En septembre dernier, l’histoire d’Oleksandr Hordienko a suscité l’émoi dans le pays. Agriculteur dans la région de Kherson, ce colosse de 58 ans avait fait les gros titres de la presse ukrainienne. Équipé d’un fusil et de deux brouilleurs, il avait fait une chasse impitoyable aux drones russes. Tué par l’un d’eux sur son exploitation, il a reçu la médaille de "héros de l’Ukraine" à titre posthume deux mois plus tard - la plus haute distinction décernée par la présidence. "Même à une quarantaine de kilomètres des lignes de front, ils restent vulnérables aux attaques", appuie Tiphaine Lucas. Dès 2014, lors de l’invasion du Donbass par des séparatistes prorusses épaulés par des forces de Moscou, Serhiy en a fait la terrible expérience après avoir été grièvement blessé par une mine sur son champ dans la région de Donetsk. "L’une de mes jambes a été arrachée et j’ai failli perdre l’autre, se rappelle avec douleur ce miraculé aujourd’hui âgé de 57 ans. Je n’ai survécu que grâce à l’aide de mes proches qui sont venus me porter les premiers secours et m’amener à l’hôpital."

Une profession particulièrement exposée

Contraint d’abandonner son activité, il a enchaîné les mois de rééducation avant de déménager à Kharkiv, puis à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. Après des années d’errance médicale, c’est dans cette ville qu’il a découvert l’existence de Superhuman, un centre de réhabilitation qui propose gratuitement des soins, du matériel et un soutien psychologique aux blessés de guerre, qu’ils soient civils ou militaires. "J’ai été pris en charge et cela a complètement changé ma vie, se souvient-il. J’ai obtenu une nouvelle prothèse et je peux maintenant recommencer à faire du sport, et même courir." Mais aussi à se projeter. Suivi par une équipe de réinsertion sociale de l’établissement, il est aujourd’hui accompagné pour retrouver un travail - loin des champs, cette fois. "On compte actuellement 86 000 personnes amputées à travers l’Ukraine, et nous allons malheureusement continuer de voir ce type de blessures pendant de nombreuses années, déplore Eddy Scott, un Britannique de 29 ans qui travaille aujourd’hui pour cette structure, après avoir lui-même perdu sa jambe et son bras gauche dans une attaque de drone lors d’une mission humanitaire à Pokrovsk. Les agriculteurs sont particulièrement en danger, car beaucoup de munitions envoyées par les Russes n’explosent pas en tombant au sol."

Sur les 1 330 civils blessés par des mines ou des débris explosifs depuis le début du conflit, 243 sont des agriculteurs - soit près d’une personne sur cinq. Pour accélérer le nettoyage des sols, l’Ukraine a renforcé ses capacités avec l’acquisition de plusieurs centaines et véhicules et engins de déminages, ou encore 32 drones aériens pour améliorer la détection. D’autres solutions innovantes voient également le jour. Dès 2024, l’entreprise Rovertech a dévoilé les premiers exemplaires de son robot démineur "Zmiy" ("serpent", en ukrainien), conçu pour prendre le relais des démineurs traditionnels dans les zones très risquées. Mais la tâche reste considérable.

Selon la Banque mondiale, le déminage des sols demandera un investissement de près de 30 milliards de dollars. L’enjeu fait partie des priorités du gouvernement ukrainien pour relancer son secteur agricole. Dans sa stratégie nationale de lutte contre les mines, il s’est ainsi fixé pour objectif de déminer 80 % des territoires touchés d’ici à 2033. Pour Yevgeniy Gusakov, dont les terres restent constellées d’engins explosifs, le plus tôt sera le mieux. "J’espère pouvoir un jour reprendre mon travail normalement, glisse le fermier. Mais avant cela, que l’Ukraine sortira victorieuse de cette guerre."

© NurPhoto via AFP

Un panneau portant l'inscription « Danger de mines » dans un champ, dans la région de Jytomyr, en Ukraine, le 20 septembre 2023
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Un générateur nucléaire introuvable dans l’Himalaya : l’opération secrète de la CIA qui inquiète encore l’Inde

Un secret de la Guerre froide refait surface. En 1965, au cœur des tensions entre le bloc soviétique et le bloc de l'Ouest, la CIA commet l’une de ses plus graves erreurs. Cette année-là, un dispositif nucléaire américain disparaît dans l’Himalaya. Pas lors d’un accident industriel ni d’un test raté, mais au cours d’une mission clandestine menée à très haute altitude, sur l’une des montagnes les plus redoutables de la planète. Le générateur, saturé de plutonium, n’a jamais été retrouvé, met en lumière le New York Times. Et depuis soixante ans, Washington fait comme s’il n’avait jamais existé.

Un dispositif nucléaire abandonné à 7 800 mètres d’altitude

Tout commence dans le massif de l'Himalaya, sur les pentes du Nanda Devi, deuxième plus haut sommet d'Inde et 23e plus haut du monde. Une équipe réduite de grimpeurs américains progresse lentement dans la neige, aux côtés de partenaires indiens. Ces hommes n’ont pas été choisis au hasard. Ils savent évoluer dans l’extrême, supporter l’altitude, le froid, le danger. Mais surtout, ils savent se taire. La CIA les a sélectionnés pour cela. Leur mission n’a rien de sportif. Juste sous le sommet, ils doivent installer un équipement de surveillance destiné à espionner la Chine, qui vient de faire exploser sa première bombe atomique quelques mois plus tôt. À plus de 7 800 mètres d’altitude, ils sortent le matériel : une antenne, des câbles, et un objet hors-norme, le SNAP-19C, un générateur portable alimenté par du combustible radioactif, comparable à ceux utilisés dans l’espace ou dans les profondeurs océaniques.

Depuis cette montagne, le dispositif doit capter les signaux radio liés aux essais de missiles chinois. À l’époque, ni les États-Unis ni l’Inde ne disposent de véritables sources humaines en Chine. Les relations entre Washington et New Delhi sont tendues, mais les deux capitales partagent la même inquiétude : la montée en puissance nucléaire de Pékin, sur fond de rivalité avec l’Union soviétique et de tensions autour de l’Afghanistan. Le projet est poussé par le général Curtis E. LeMay, figure centrale de l’US Air Force. La CIA valide.

Les grimpeurs montent, avec sur le dos un engin nucléaire de 50 livres (soit plus de 22 kilos), de la taille d’un ballon de plage. Mais au beau milieu de la mission, une tempête de neige engloutit le sommet du Nanda Devi. Depuis le camp de base, le capitaine indien M.S. Kohli tente de joindre l’équipe. Longtemps, il n’obtient aucune réponse. Puis une voix finit par percer le grésillement de la radio. M.S. Kohli ne tergiverse pas et ordonne la retraite immédiate. Pour sauver les hommes, il prend une décision irréversible : l’équipement doit être abandonné sur place. Les grimpeurs sécurisent le matériel sur une corniche de glace et redescendent en urgence. Ils laissent derrière eux un générateur nucléaire contenant du plutonium Pu-239, utilisé dans la bombe de Nagasaki, et surtout de grandes quantités de Pu-238, un combustible extrêmement radioactif. L’engin disparaît ensuite, emporté par la montagne. Le dispositif ne sera jamais récupéré.

Silence radio depuis 60 ans

Soixante ans ont passé. Le Nanda Devi reste l’un des sommets les plus difficiles d’accès de l’Himalaya. Mais depuis 1965, il est devenu source d’inquiétude car ses glaciers alimentent le Gange, le fleuve sacré de l’Inde, long de plus de 2 500 kilomètres, dont dépendent des centaines de millions de personnes. Des responsables locaux, des scientifiques et des habitants de villages d’altitude redoutent que le générateur ait glissé dans la glace et que le plutonium puisse, un jour, contaminer les eaux en aval.

Le risque est difficile à quantifier. Le volume colossal d’eau qui s’écoule dans le Gange pourrait diluer une éventuelle pollution, soulignent de nombreux scientifiques le soulignent. Mais le plutonium reste l’une des substances les plus toxiques connues. Inhalé ou ingéré, il peut provoquer des cancers graves. Et surtout, le contexte a changé. Le réchauffement climatique accélère la fonte des glaciers : partout dans les Alpes et l’Himalaya, la glace relâche ce qu’elle avait autrefois englouti : du matériel ancien, des déchets, parfois même des corps de grimpeurs disparus depuis des décennies.

Un jour, quelqu’un pourrait ainsi tomber sur cet objet sans savoir ce qu’il contient. Si les experts assurent que le générateur ne peut pas exploser seul, un autre scénario inquiète : celui d’une récupération malveillante. Dans le cas où le cœur de plutonium serait extrait, celui-ci pourrait servir à fabriquer une "bombe sale", un mélange d'explosifs, de la dynamite avec de la poudre ou des pastilles radioactives.

L’affaire, loin d’être close, ressurgit régulièrement. L’été dernier encore, un parlementaire indien a publiquement interpellé les autorités : "pourquoi lInde devrait-elle payer le prix d’une opération américaine menée en secret il y a soixante ans ?", avait-il fustigé. La question était restée sans réponse…

© AFP

Depuis, la CIA est restée silencieuse sur cette mission.
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Face aux pétroliers fantômes russes, la mer Noire devient un foyer d’escalade régionale

Il aura fallu attendre le 10 décembre, que les conditions météorologiques le permettent enfin, pour que les autorités bulgares puissent enfin accéder au Kairos. Depuis près d’une semaine, ce pétrolier endommagé dérivait à faible distance d’Ahtopol, petite ville côtière du sud de la Bulgarie. Touché quelques jours plus tôt par une attaque de drones marins ukrainiens en mer Noire, le navire avait été tracté à la hâte jusqu’aux eaux bulgares avant d’être abandonné près de la frontière par un remorqueur turc. Sous escorte de la police des frontières, des représentants de l’administration maritime bulgare sont montés à bord pour en évaluer l’état, première étape avant un éventuel remorquage vers le port de Bourgas, selon les informations de la chaîne bulgare bTV Novinite.

Un navire dans les eaux bulgares

Long de 280 mètres et large de 50 mètres, le Kairos est équipé d’un héliport et conçu pour le transport de grandes quantités de pétrole. Officiellement, il appartient à la société chinoise Sn. MTS, mais s’inscrirait dans la flotte fantôme russe, utilisée pour contourner les sanctions occidentales. D’après les informations transmises par l’équipage à bTV Novinite, le pétrolier ne transportait pas de cargaison au moment de l’attaque ukrainienne survenue fin novembre.

Les autorités bulgares assurent avoir suivi la progression du Kairos dès son entrée depuis les eaux turques. Bien que son système d’identification ait été désactivé, l’administration maritime affirme que sa trajectoire vers la côte bulgare était claire et régulière. Les tentatives de contact sont restées sans réponse et, en raison d’une houle atteignant 4 à 5 mètres, aucune intervention n’a été possible, a expliqué Grozdan Karadzhov lors d’un briefing au Conseil des ministres, en présence du ministre des Affaires étrangères Georgi Georgiev. Une rencontre avec l’ambassadeur de Turquie à Sofia, Mehmet Uyanik, a eu lieu le 8 décembre afin d’obtenir des explications sur l’arrivée du navire dans les eaux bulgares, rapporte Mediapool.

L’objectif des autorités est désormais d’éloigner le pétrolier. Des préparatifs sont en cours pour acheminer à bord du matériel technique, notamment un générateur électrique plus puissant, afin de rétablir l’alimentation des systèmes. Cette étape doit permettre de lever l’ancre et d’organiser le remorquage du Kairos vers un lieu sûr, a indiqué le ministre des Transports.

De nombreux pétroliers russes en mer Noire

Le récit de l’attaque, livré par le second capitaine du Kairos, Ma Xianghao, donne les détails de l’incident. Dans un entretien accordé à bTV, il a expliqué que trois vedettes rapides télécommandées s’étaient approchées du navire alors qu’il naviguait près du Bosphore. Deux d’entre elles ont frappé presque simultanément, touchant successivement les flancs tribord et bâbord. L’équipage, qui avait d’abord confondu ces engins avec des bateaux de pêche, n’a compris la menace que trop tard.

À la suite des explosions, un incendie s’est déclaré à bord. Malgré les tentatives pour le maîtriser avec les moyens disponibles, le feu s’est rapidement propagé, obligeant le capitaine à ordonner l’évacuation. Les canots de sauvetage ayant été endommagés par l’impact, certains marins ont dû se jeter à la mer et attendre l’arrivée de navires de passage. L’équipage craignait une nouvelle attaque, un troisième drone étant présent à proximité, mais celui-ci n’a finalement pas frappé, a raconté Ma Xianghao.

Une incertitude qui a quoi inquiéter sur le risque d'une escalade en mer Noire, surtout que le sort du Kairos n'est pas un cas isolé. Un second pétrolier, le Mocha, illustre la persistance de ces pratiques en mer Noire. Construit en 2004 et battant pavillon gambien, ce navire figure sur les listes de sanctions de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Selon le site spécialisé Maritime.bg, le Mocha a récemment quitté la zone économique exclusive bulgare pour se repositionner à l’est de Midia, dans les eaux proches de la Turquie, après avoir passé plusieurs semaines au large des côtes bulgares.

Ce déplacement est intervenu dans un contexte de multiplication des attaques ukrainiennes contre la navigation commerciale liée à la Russie. Les analystes de la société de sécurité maritime EOS estiment que Kiev cherche à perturber les exportations pétrolières russes par voie maritime. Quatre navires ont été visés en une semaine, dont plusieurs dans la zone économique exclusive turque, à l’aide de drones de surface et de drones aériens. Pour autant, l’analyse des données satellitaires et des signaux AIS montre que l’impact reste limité et que de nombreux pétroliers poursuivent leurs rotations.

© Getty Images via AFP

Le pétrolier Kairos, un navire battant pavillon gambien qui ferait partie de la flotte fantôme russe, reste ancré le 8 décembre 2025 à Ahtopol, en Bulgarie.
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En Ukraine, l’élection à laquelle tout le monde se prépare… sans y croire

Pour le Kremlin, la propagande constitue parfois une arme plus efficace que les drones. Surtout lorsque le président des Etats-Unis s’en fait le relais. "Les Ukrainiens n’ont pas organisé d’élection depuis longtemps… Ils parlent de démocratie, mais arrive un moment où ce n’est plus une démocratie", a déclaré Donald Trump au média Politico lundi dernier, ajoutant qu’il était temps pour Kiev de tenir un scrutin. Soit, mot pour mot, le récit du Kremlin : Volodymyr Zelensky serait illégitime, car son mandat a expiré en mai 2024. Peu importe que la majorité des Ukrainiens, l’opposition et la société civile rejettent un scrutin et que la Constitution ukrainienne interdise des élections sous la loi martiale : pour Donald Trump, écarter Volodymyr Zelensky du jeu permettrait de conclure un accord et de créer une "zone économique libre" ou une "zone démilitarisée" dans la partie du Donbass encore contrôlée par Kiev.

Depuis 2023, les partenaires américains relancent régulièrement la question des élections. Cette même année, en août, Volodymyr Zelensky avait indiqué qu’il n’y était pas opposé, à condition que les conditions de sécurité soient réunies. Presque deux ans et demi plus tard, le président ukrainien reprend les mêmes termes : "Je demande aux Etats-Unis de m’aider, peut-être avec nos collègues européens, à garantir la sécurité pour l’organisation d’élections… et alors, dans les 60 à 90 prochains jours, l’Ukraine sera prête", a-t-il répondu au président américain.

"Beaucoup ont perçu cette déclaration comme une annonce d’élection présidentielle devant se tenir dans un avenir proche, analyse le politologue ukrainien Volodymyr Fessenko. Mais peu ont prêté attention à la condition principale : garantir la sécurité pendant les élections." Si Volodymyr Zelensky subit davantage de pression aujourd’hui, avec la démission de son chef de cabinet Andriy Yermak sur fond d’affaire de corruption, l’ex-comédien sait bien qu’un scrutin ne pourrait avoir lieu qu’avec un vrai cessez-le-feu.

De fait, les obstacles matériels sont nombreux : bombardements, coupures d’électricité et même, manque de lieux de vote. Seuls 75 % des bureaux de vote sont opérationnels, selon la commission électorale. Ce qui, d’ailleurs, posera les mêmes problèmes si la négociation en cours avec Washington sur des concessions territoriales était soumise à un référendum…

Préparatifs en cours

Si 22 % des Ukrainiens soutiennent des élections après un cessez-le-feu avec des garanties de sécurité, les deux tiers pensent qu’elles ne devraient se tenir qu’après la fin de la guerre, selon l’Institut international de sociologie de Kiev. "Les chiffres ont peu évolué depuis 2022. Même chez les opposants de Zelensky, une majorité refuse des élections", observe Anton Hrouchetskyi, son directeur.

Pourtant, les autorités et les partis s’y préparent. "Si nos partenaires, y compris Washington, parlent autant et de manière aussi précise […] des élections sous la loi martiale, alors nous devons fournir des réponses juridiques à chaque question", a déclaré le président ukrainien, qui a demandé le 11 décembre aux députés de préparer des amendements permettant d’organiser des élections sous loi martiale. "Les défis de sécurité dépendent des partenaires, principalement des Etats-Unis. Les défis politiques et juridiques doivent être relevés par l’Ukraine. Et ils le seront", a-t-il ajouté.

Pour cela, le Parlement doit voter la fin de la loi martiale, actuellement renouvelée tous les trois mois, puis attendre (théoriquement) 90 jours avant de lancer le processus électoral. La commission électorale évoque plutôt un délai de six mois. "L’existence même de l’Etat ukrainien est en jeu", souligne la députée de la majorité Alina Zahorouïko, à la tête du sous-comité parlementaire sur les élections, qui travaille depuis trois ans avec la commission électorale sur une réforme du code électoral.

Législation obsolète

La législation actuelle paraît dépassée. Un candidat à la présidence doit avoir résidé uniquement en Ukraine au cours des dix dernières années (cinq ans pour les députés), ce qui exclurait de facto les réfugiés ou les prisonniers de guerre. "La situation est complexe, c’est pourquoi il faut ouvrir le débat dès maintenant", insiste Alina Zahorouïko, qui plaide pour une discussion transpartisane : "Ce n’est pas une loi ordinaire : il faut parvenir à un consensus entre les forces politiques pour éviter toute manipulation électorale."

Les questions sont nombreuses : qui décidera qu’une commune ne peut pas voter pour des raisons de sécurité ? Comment actualiser le registre électoral ? A Bakhmout, par exemple, le fichier compte encore 56 000 électeurs alors que la ville, détruite puis occupée par les Russes, est presque vide.

Il existe bien un précédent : après 2014, 27 circonscriptions de Donetsk, de Louhansk et de Crimée n’avaient pas participé au scrutin, laissant 23 sièges de députés vacants. Mais la situation actuelle concerne désormais 19 % du territoire national. Plusieurs millions de personnes vivent sous occupation, sans compter les 10,5 millions de réfugiés, dont près de six à l’étranger. Rien que dans l’Union européenne, il faudrait ouvrir 800 à 850 bureaux de vote pour permettre à chacun de participer. "Les premières élections d’après-guerre ne doivent pas servir de terrain d’expérimentation", plaide Serhiy Doubovik, vice-président de la Commission électorale centrale.

Organiser un scrutin coûterait, selon lui, au moins 125 millions d’euros. Son équipe a déjà étudié différentes options, comme le vote par correspondance — écarté en raison de son coût prohibitif — ou le vote en ligne via l’application gouvernementale Diia, utilisée par 23 millions d’Ukrainiens pour des démarches administratives (81 % de la population adulte), comme le paiement des impôts. Pourtant, le portail a montré ses limites : en 2024, il s’est retrouvé saturé lorsque plus d’un million de personnes a tenté de voter pour un groupe ukrainien lors de l’Eurovision !

Air de campagne

N’empêche, la perspective de partir en campagne donne des ailes à certains. Les locaux de partis politiques fleurissent dans le pays. Le Mouvement des jeunes avec Zelensky publie à nouveau quotidiennement sur ses réseaux sociaux. Le site de la commission électorale, avec les informations sur les élus, est de nouveau accessible. L’imprimerie nationale fait des devis pour les bulletins. "On voit des responsables politiques poser des questions plus précises, note Olha Aivazovska, de l’ONG Opora, spécialisée dans l’observation électorale. Tout le monde se prépare 'au cas où', pour ne pas être pris de court." Oleksandr Salizhenko, analyste pour l’ONG Chesno, est un peu plus circonspect : "Cela peut donner l’impression d’une campagne, mais cela ne signifie pas que des élections auront lieu prochainement."

Mais même en cas d’alternance - ce que souhaite Moscou -, le successeur de Zelensky serait probablement encore plus nationaliste. Aujourd’hui, un seul adversaire paraît en mesure de rivaliser : Valeriy Zaloujny, commandant en chef des forces armées ukrainiennes entre 2021 et 2024. Un sondage Info Sapiens le créditerait de 19 % des intentions de vote, contre 20,3 % pour Zelensky. Toutefois, Zaloujny a répété en octobre son opposition à une élection en temps de guerre - et écarté sa candidature.

Eviter la précipitation

"Si la population a le sentiment que le président cherche avant tout à se faire réélire, elle regardera forcément l’élection avec suspicion, poursuit Anton Hrouchetskyi, de l’Institut international de sociologie de Kiev. D’ailleurs, il faut bien voir que l’augmentation actuelle de la confiance envers le président ne traduit pas une adhésion à Zelensky lui-même, mais plutôt à l’Etat." "Les taux de popularité actuels sont très illusoires", opine la députée d’opposition Kira Roudik. "Toute élection n’aura lieu qu’après un cessez-le-feu, après un accord de paix, et les résultats dépendront largement des conditions de cette trêve", estime-t-elle.

A Kiev, société civile et experts redoutent un scénario catastrophe. "Si les élections sont organisées dans la précipitation, il existe un risque réel qu’elles ne soient pas reconnues par l’ensemble des forces politiques", avertit le vice-président de la Commission électorale centrale, Serhiy Doubovyk. Habituellement, la participation électorale en Ukraine oscille entre 50 et 60 % et, selon la loi, aucun seuil minimal n’est requis pour valider un scrutin, ce qui ouvre la porte à des contestations. "Si un scrutin se tient avec seulement 30 % de participation, il deviendra un instrument de pression, aussi bien pour les Etats-Unis que pour la Russie", conclut Anton Hrouchetskyi.

© AFP

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Ankara, le 19 novembre 2025.
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Trois Américains tués en Syrie par un "tireur de l'Etat islamique"

Deux soldats et un civil américains ont été tués samedi en Syrie à la suite d'une "embuscade par un tireur isolé" de l'organisation Etat islamique, a annoncé dans un communiqué le commandement militaire américain pour le Moyen-Orient, Centcom. Trois autres soldats américains ont été blessés dans cette attaque, a déclaré le Centcom, précisant que le tireur avait été tué.

Plusieurs soldats américains et syriens, membres d'une délégation commune, ont été blessés samedi lors de tirs qui les ont visés dans la région désertique de Palmyre en Syrie, selon l'agence officielle syrienne Sana. C'est la première fois qu'un tel incident est rapporté depuis la prise du pouvoir en Syrie, il y a un an, par une coalition islamiste qui a effectué un rapprochement avec les Etats-Unis.

Un responsable militaire syrien qui a requis l'anonymat a indiqué que les tirs avaient éclaté alors que des officiers syriens et américains étaient réunis dans une permanence de la sécurité syrienne à Palmyre. Un témoin dans la ville, qui a également requis l'anonymat, a déclaré avoir entendu des coups de feu provenant de l'intérieur de la base. L'agence Sana a indiqué que des hélicoptères avaient évacué les blessés vers la base d'Al-Tanf, dans le sud du pays, où sont déployées des troupes américaines.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé au Royaume-Uni mais qui dispose d'un vaste réseau de sources dans le pays, la visite de la délégation américaine à Palmyre "s'inscrit dans le cadre d'une stratégie des Etats-Unis visant à élargir leur présence en Syrie", et notamment dans les zones désertiques.

Lors de la visite du président intérimaire syrien Ahmed al-Charaa à Washington le mois dernier, Damas avait rejoint la coalition internationale antijihadiste menée par les Etats-Unis. Les forces américaines en Syrie sont notamment déployées dans les zones sous contrôle kurde dans le nord, ainsi que dans la base d'Al-Tanf, près de la frontière jordanienne.

Le groupe jihadiste Etat islamique avait contrôlé la région de Palmyre avant d'être défait en Syrie par une coalition internationale en 2019. Malgré sa défaite, ses combattants repliés dans le vaste désert syrien continuent épisodiquement de mener des attaques.

© Hans Lucas via AFP

Syrie, 28-05-2025. Dans la partie de Deir Ez Zor sous le controle de l administration autonome arabo-kurde, les Forces democratiques syriennes chassent les cellules dormantes de l Etat islamique, particulierement actives dans la zone frontaliere le long de l Euphrate depuis la chute du regime syrien.Photographie de Laurent Perpigna Iban / Hans Lucas. (Photo by Laurent Perpigna Iban / Hans Lucas via AFP)
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En Biélorussie, le pouvoir libère le prix Nobel de la paix Ales Bialiatski et l’opposante Maria Kolesnikova

La Biélorussie a libéré ce samedi 13 décembre le militant Ales Bialiatski, colauréat du prix Nobel de la paix 2022, et l'opposante Maria Kolesnikova, a annoncé l'ONG de défense des droits humains Viasna, après des pourparlers entre Minsk et Washington. Ces deux figures de l'opposition, détenues depuis plus de quatre ans dans ce pays d'Europe orientale allié à la Russie, font partie d'un groupe de 123 personnes, dont la libération a été annoncée par Minsk.

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko a gracié "123 citoyens de différents pays", a indiqué sur Telegram le compte Poul Pervogo, affilié à la présidence, sans fournir leurs noms. Le compte précise que ces libérations s'inscrivent dans le cadre "d'accords conclus" avec Donald Trump impliquant notamment la levée par Washington, annoncée plus tôt samedi, de sanctions économiques américaines contre Minsk.

Parmi les personnes libérées figurent également d'autres militants des droits humains et journalistes, ainsi que Viktor Babariko, un ancien banquier devenu opposant qui avait tenté, avant son arrestation, de se présenter contre Alexandre Loukachenko lors de l'élection présidentielle contestée d'août 2020. Lui et Maria Kolesnikova, qui était l'une de ses collaboratrices, se trouvent actuellement en Ukraine, a affirmé leur groupe de soutien sur Telegram. L'ONG Viasna précise que 114 des personnes libérées ont été conduites en Ukraine, tandis qu'une autre partie est attendue à Vilnius, en Lituanie.

Prix Nobel en 2022

Agé de 63 ans, Ales Bialiatski a fondé en 1996 et animé pendant des années Viasna ("Printemps"), le principal groupe de défense des droits humains et source essentielle d'informations sur les répressions dans ce pays d'Europe orientale. Alors qu'il était en détention, le travail d'Ales Bialiatski lui avait pour sa part valu en 2022 le prix Nobel de la Paix, partagé avec l'ONG Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine). "Je lui ai parlé, il est en route pour la Lituanie, il se sent bien", a déclaré à l'AFP son épouse, Natalia Pintchouk.

Musicienne de formation, Maria Kolesnikova, 43 ans, a pour sa part été l'une des meneuses des manifestations massives contre la réélection jugée frauduleuse d'Alexandre Loukachenko, en 2020.

Tous deux avaient été arrêtés lors de la répression brutale de ce mouvement de protestation et condamné à de lourdes peines de prison. En septembre 2020, Maria Kolesnikova avait été enlevée par les services de sécurité bélarusses et conduite à la frontière ukrainienne pour être expulsée de la Biélorussie. Mais elle était parvenue à déchirer son passeport, ce qui avait rendu son expulsion légalement impossible et avait d'elle un symbole de la résistance anti-Loukachenko. Sa sœur, Tatiana Khomitch, a pu lui parler au téléphone. "Elle a remercié les Etats-Unis et les efforts du président Trump", a affirmé Tatiana Khomitch à l'AFP.

Pourparlers avec Washington

Ces libérations font suite à l'annonce par un émissaire américain, John Coale, en visite en Biélorussie, de la levée des sanctions des Etats-Unis sur le potassium, un composant utilisé pour la fabrication d'engrais et dont le Bélarus est un grand producteur. Ces derniers mois, Donald Trump a encouragé notamment la Biélorussie à libérer les centaines de prisonniers politiques que compte le pays et le président bélarusse, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis plus de 30 ans, a gracié des dizaines de personnes.

En échange, Washington avait déjà partiellement levé les sanctions contre la compagnie aérienne bélarusse Belavia, lui permettant d'entretenir et d'acheter des pièces pour sa flotte, qui comprend des Boeing.

L'émissaire américain John Coale a affirmé samedi que la proximité entre Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine pourrait être utile dans la difficile médiation américaine en cours pour tenter de mettre fin à la guerre entre Kiev et Moscou. Alexandre Loukachenko "a une longue histoire avec le président Poutine et a la capacité de le conseiller. C'est très utile dans cette situation", a déclaré John Coale, cité par l'agence d'Etat bélarusse Belta.

Alexandre Loukachenko, 71 ans, a écrasé plusieurs mouvements de contestation, dont le plus important, en 2020 et 2021, l'avait sérieusement fragilisé, le poussant à appeler à l'aide Vladimir Poutine. Depuis, Minsk est beaucoup plus dépendant de la Russie, alors qu'auparavant Alexandre Loukachenko avait tenté de trouver un équilibre dans ses relations entre le Kremlin et l'Occident.

© afp.com/Ramil Sitdikov

Le président bélarus Alexandre Loukachenko, le 26 septembre 2025 à Moscou
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