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Huit mois avant la fin de sa mission, le Doge d’Elon Musk démantelé en catimini

Une fermeture aussi discrète que son ouverture fut fracassante. Institué par décret au premier jour de la seconde présidence Trump et piloté par celui qui était alors son précieux allié, Elon Musk, le Doge (de son vrai nom "département de l’efficacité gouvernementale") aurait cessé ses activités huit mois avant la fin prévue de son contrat, selon les déclarations de son directeur de la gestion du personnel, Scott Kupor, à Reuters. Ses fonctions ont été transférées à l’OPM (l’agence gouvernementale de ressources humaines). Scott Kupor a néanmoins tenu à préciser dimanche 23 novembre sur X que "les principes du Doge restent bien vivants : déréglementation, élimination de la fraude, du gaspillage et des abus, restructuration de la fonction publique fédérale, priorité accordée à l’efficacité."

Le Doge fut le symbole d’un assaut sans précédent mené contre les agences fédérales et leurs employés, dans l’objectif proclamé de colossales économies : 1 000 milliards de dollars à l’horizon de septembre dernier, selon les ambitions d’Elon Musk. L’une de ses plus retentissantes décisions fut la suppression de l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international, active à travers le monde via des politiques de vaccination, de prévention du paludisme et de lutte contre le sida. D’abord réduite à peau de chagrin, elle a été fermée en juillet. Une étude menée par une épidémiologiste de l’université de Boston, Brooke Nichols, estime que plus de 600 000 personnes à travers le monde sont déjà mortes des suites de cette décision.

Des économies invérifiables

Exit les fonctionnaires, place à l’IA : au nom de l’optimisation, le Doge a multiplié les coupes claires au sein de nombreuses administrations, à commencer par le Département de l’éducation, dont le budget a été amputé de plus de 500 millions de dollars et dont nombre des prérogatives ont été transférées à d’autres agences. La Social Security Administration (sécurité sociale) fut une autre cible de choix : non seulement les suppressions de postes ont entraîné de nombreux retards dans le traitement des demandes des administrés, mais les données personnelles de plus de 300 millions d’Américains ont été mises en danger par l’incurie des équipes du Doge, selon un lanceur d’alerte. La méthode fut explosive, les fonctionnaires licenciés à tour de bras l’apprenant par email. En mai, plus de 200 000 d’entre eux avaient été congédiés. Le Doge a déclaré que l’ensemble de ces licenciements et réductions avait permis d’économiser des milliards de dollars, mais aucune étude officielle ne vient étayer ces assertions.

L’activité du Doge a décliné de façon concomitante à la disgrâce de son chef, survenue après ses critiques cinglantes de la dispendieuse One Big Beautiful Bill voulue par Donald Trump et votée en juillet. Les équipes ont commencé peu après à déserter les bureaux. Comme le rapporte Reuters, les têtes pensantes ont été recasées, à commencer par Joe Gebbia, cofondateur d’Airbnb, chargé depuis par Donald Trump d’améliorer le visuel des sites gouvernementaux : son studio a notamment lancé des sites web pour recruter des agents des forces de l’ordre. Quant à Elon Musk, il semble revenu en odeur de sainteté à Washington, puisqu’il figurait parmi les convives du dîner donné en grande pompe pour le prince saoudien Mohammed ben Salmane la semaine passée.

© afp.com/Oliver Contreras

Elon Musk montre son t-shirt "Doge" à son arrivée à la Maison-Blanche, à Washington, le 9 mars 2025
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Choyée par Donald Trump, la Russie de Vladimir Poutine n'est forte que de la faiblesse européenne

Deux abstentions. Il aura fallu coup sur coup deux abstentions récentes de Moscou au Conseil de sécurité pour illustrer symboliquement la grande faiblesse géopolitique de la Russie ; d’abord en abandonnant le partenaire algérien face au Maroc et à ses alliés sur le dossier du Sahara occidental, ensuite faute de la moindre influence proche-orientale face au plébiscite du plan Trump pour Gaza.

Déjà l’attaque de l’Ukraine avait alerté sur l’isolement ou le manque d’influence alternative de Moscou. A trois reprises, de 2022 à 2024, l’Assemblée générale des Nations unies avait condamné l’offensive russe par plus de 140 voix contre 8 et une trentaine d’abstentions. Les abstentionnistes furent entre autres puissances la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite ou encore le Brésil, et les "alliés" des Etats minuscules, faillis, indigents ou déjà inféodés (Biélorussie). Rien qu’au Moyen-Orient, en moins de deux ans, Moscou a subi la perte du fidèle allié syrien, l’affaiblissement du partenaire iranien, et donc le plan américain pour Gaza dans lequel la Russie n’aura aucun rôle. L’Arabie saoudite a rejoint les Brics (à la cohérence archi douteuse) ? Elle vient surtout de demander une alliance militaire intégrée et des escadrilles de F-35 à Washington !

Sur le plan technologique, aucun investissement sérieux n’a été consenti par Poutine depuis 2000, les budgets de Recherche & Développement et de formation ingénieuriale sont sacrifiés, d’où un faible nombre de brevets déposés. Conséquence directe : depuis la déchirure du tissu relationnel entre Russie et Occident liée à l’attaque de l’Ukraine, celle-ci s’inféode à l’économie chinoise. Cette tendance lourde devrait se poursuivre sous l’effet conjugué des sanctions occidentales, de l’accélération phénoménale du high-tech chinois, et surtout du désintérêt idéologique total du Kremlin pour cette dimension pourtant sans cesse plus essentielle de la puissance. Ajoutons que si la rente quasi perpétuelle de brut et gaz naturel permet à Moscou d’éviter toute banqueroute, cet atout est relativisé par les coûts d’acquisition très bas exigés par Pékin et New Delhi, et par une Opep peu disposée à consentir aux exigences russes en termes de production et donc de prix.

La Russie, forte de la relative faiblesse européenne

Sur le plan militaire, l’armée russe peut frapper durement les troupes ennemies et les infrastructures civiles et énergétiques de l’Ukraine par missiles et ses drones (importés de Corée du Nord et d’Iran pour la plupart), mais ne peut pas percer le front face à une armée moins nombreuse et moins équipée, et éviter de lourdes pertes humaines et matérielles. Chasseurs bombardiers prudemment maintenus hors du rayon d’action des missiles ukrainiens, chars médiocres, marine ridiculisée en mer Noire, revers des mercenaires de l’Africa Corps (ex Wagner) face à des va-nu-pieds djihadistes au Sahel, faible détermination des troupes et pertes abyssales dans une situation démographique générale déjà désastreuse, etc. Le moins que l’on puisse dire est que la Russie ne triomphe guère. Quant aux alliés militaires, ils se comptent sur… un doigt !

Seule la Corée du Nord, dont dix mille soldats se sont fait étriller sur le front ukrainien mais qui fournit effectivement des munitions, correspond à ce statut objectif depuis 2024. Et, contrairement à ce que certains écrivent paresseusement en galvaudant le terme, il n’existe aucune alliance militaire avec Pékin et Téhéran, seulement des rapports de fournisseurs (indociles du reste) à client. Ajoutons, fait sans précédent depuis 1945, la relégation au deuxième rang de la Russie comme exportateur d’armements, en l’espèce derrière… la France. Ce signal faible passé inaperçu traduit en réalité une situation doublement alarmante : non seulement le Kremlin ne parvient pas à imposer à des Etats déjà clients d’acheter davantage, ni à en trouver de nouveaux (dans un monde qui pourtant se réarme tous azimuts !), mais encore les entreprises russes s’avèrent technologiquement dépassées par des fabricants occidentaux, chinois, israéliens et autres. Certes, la Russie demeure bien le deuxième producteur d’armes - loin - derrière les Etats-Unis, mais l’essentiel de sa production part directement sur le destructeur front ukrainien.

Au fond, la Russie contemporaine de Vladimir Poutine est surtout forte de la relative faiblesse européenne et de la complaisance mercantiliste et idéologique de Donald Trump. Les deux n’auront peut-être qu’un temps…

Frédéric Encel, essayiste et géopolitologue, est professeur à la Paris School of Business (PSB) et maître de conférences à Sciences Po.

© afp.com/-

Vladimir Poutine dans un poste de commandement en un lieu inconnu, selon des images diffusées par le Kremlin, le 20 novembre 2025
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Tensions entre la Chine et le Japon : ces missiles près de Taïwan qui inquiètent Pékin

La Chine a jugé lundi 24 novembre "dangereux" le projet réaffirmé du Japon de déployer des missiles sol-air sur Yonaguni, l’île nippone la plus proche de Taïwan, elle-même au cœur d’un regain de tension entre Pékin et Tokyo.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi à des propos tenus dimanche par le ministre japonais de la Défense Shinjiro Koizumi et rapportés par la presse, selon lesquels le projet d’installer ces missiles était "en bonne voie".

"Le déploiement d’armes offensives par le Japon sur les îles du sud-ouest voisines de Taïwan vise délibérément à créer des tensions régionales et à provoquer une confrontation militaire", a dit une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, lors d’un point presse régulier. "Cette tendance, conjuguée aux propos erronés de la Première ministre (japonaise) Sanae Takaichi, est extrêmement dangereuse", a-t-elle déclaré.

"La Chine est déterminée"

La Chine et le Japon sont engagés dans une vive querelle depuis que la Première ministre japonaise a affirmé le 7 novembre que des opérations armées contre Taïwan pourraient justifier une intervention militaire japonaise pour défendre l’île. La Chine, qui revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire, voit dans ces paroles une provocation.

"La Chine est déterminée et capable de défendre sa souveraineté territoriale nationale", a dit Mao Ning. "La Chine ne permettra jamais aux forces japonaises d’extrême droite de renverser le cours de l’histoire, elle ne permettra jamais les ingérences de la part de forces extérieures dans les affaires taïwanaises, ni la renaissance du militarisme japonais", a-t-elle dit en se référant à la défaite du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le gouvernement taïwanais a au contraire défendu les propos du ministre japonais de la Défense. Le Japon "a le droit de faire le nécessaire pour protéger la sécurité de son propre territoire", a dit à des parlementaires le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères Wu Chih-chung. "L’île de Yonaguni est très proche de Taïwan, et le Japon est en train d’y renforcer ses installations militaires […] Nous pensons que cela sert nos intérêts nationaux puisque le Japon n’a aucune revendication territoriale, ni aucune hostilité à l’encontre de Taïwan", a-t-il dit.

Yonaguni abrite depuis 2016 une base des Forces d’autodéfense japonaises, malgré les objections initiales des habitants. Tokyo a annoncé son intention d’y déployer des missiles sol-air à moyenne portée pour la défendre contre les attaques de missiles et d’aéronefs.

© afp.com/Kazuhiro NOGI

La Première ministre japonaise Sanae Takaichi fait un discours à la Chambre des représentants à Tokyo, le 24 octobre 2025
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En Belgique, une grève massive et "historique" contre le plan d’austérité du gouvernement

"La Belgique à l’arrêt : une paralysie inédite", titre le quotidien Le Soir. De son côté, La Libre Belgique évoque une "suspension de temps" doublée d’une "parenthèse historique". Trains supprimés, vols annulés, crèches fermées : la Belgique se prépare, ce lundi 24 novembre, à trois jours de grève contre les réformes envisagées par le gouvernement De Wever pour redresser les finances publiques, comparées à un "démantèlement social" par les syndicats.

Le mouvement dénonçant la "casse sociale" du gouvernement est organisé en trois temps. Les transports publics et les chemins de fer lancent le bal lundi. L’exploitant des chemins de fer belges, la SNCB, a prévu une circulation limitée à un train sur deux, voire un sur trois selon les lignes. Plusieurs Eurostar reliant Bruxelles à Paris ont également été annulés.

Ils doivent ensuite être rejoints, mardi, par les services publics : les crèches, administrations, hôpitaux… "Les enseignants se joindront aussi à la grève les 25 et 26 novembre, alors que le service public de Wallonie, le ministère de la Communauté française, les administrations locales et provinciales débrayeront pendant les trois jours. Le secteur de la santé devrait également prendre part aux protestations", précise Le Soir. Une grève interprofessionnelle est prévue mercredi. L’étendue précise des perturbations est encore incertaine.

Un accord budgétaire trouvé

Hasard du calendrier ou non, un accord de gouvernement sur une trajectoire pluriannuelle d’économies budgétaires a été conclu dans la nuit de dimanche à lundi autour du Premier ministre Bart De Wever. L’accord augmente le niveau d’économies par rapport à ce qu’envisageait la coalition au pouvoir début 2025 et prévoit quelques nouvelles recettes via notamment le doublement de la taxe sur les comptes-titres ou des relèvements de TVA sur certains produits.

Au total, un peu plus de 9 milliards d’euros ont été trouvés." L’effort est réalisé à 60 % par des dépenses réduites, à 40 % par des recettes nouvelles", résume Le Soir. "J’ai sauvé l’Etat-Providence du précipice, en prenant des mesures impopulaires, c’est vrai, mais j’ai un salaire élevé et aujourd’hui je pense l’avoir mérité", se réjouit le Premier ministre.

Un des pires niveaux d’endettement de la zone euro

Ce qui n’empêchera pas la grève de frapper le pays, avec un effet très concret dans le ciel : aucun vol commercial ne décollera mercredi depuis les deux principaux aéroports belges, Bruxelles-Zaventem et Charleroi, leurs sociétés exploitantes anticipant un fort taux de grévistes parmi le personnel chargé des contrôles de sécurité. "La fédération patronale flamande Voka estime, sur la base d’une enquête, que la production d’une entreprise flamande sur dix sera paralysée ou fortement perturbée", souligne de son côté De Morgen, le quotidien néerlandophone.

Ce mouvement social a été lancé à l’initiative des trois principaux syndicats belges, FGTB, CSC et CGSLB, engagés dans un bras de fer avec le Premier ministre. La Belgique affiche un des pires niveaux d’endettement de la zone euro, avec la Grèce, l’Italie et la France. Au pouvoir depuis février, le conservateur flamand réclame au pays un gros effort d’économies. Mais au bout de dix mois d’exercice, il a surtout à son actif la limitation à deux ans des allocations chômage, adoptée cet été par le Parlement, et peine à transformer l’essai sur les autres gros dossiers.

Pour les syndicats, les trois jours de grève sont un appel à l’ensemble du gouvernement pour "mettre fin au démantèlement social". Le syndicat socialiste FGTB a accusé le Premier ministre de faire preuve de "mépris" et de "manque de respect" vis-à-vis de ce mouvement social. Les syndicats ont lancé de nombreux appels à la mobilisation depuis l’installation du gouvernement De Wever. La participation a fluctué selon les actions. L’une des manifestations les plus importantes a eu lieu mi-octobre, quand des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de Bruxelles contre des coupes budgétaires jugées "brutales". Moins de deux mois plus tard, les Belges sont de nouveau dans la rue.

© afp.com/Nicolas TUCAT

Des manifestants s'opposaient déjà à la politique budgétaire du gouvernement De Wever, à Bruxelles, le 14 octobre 2025. Quelques semaines plus tard, la grogne sociale est toujours là.
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Ukraine : l’Europe devra donner son accord à tout plan de paix, prévient Friedrich Merz

A l’issue de négociations en Suisse ce dimanche 23 novembre, la Maison-Blanche a salué dans un communiqué commun avec la délégation ukrainienne des "pourparlers constructifs, concentrés sur l’objectif et respectueux, insistant sur l’engagement commun de parvenir à une paix juste et durable". Les discussions de Genève, officiellement closes, se sont tenues sur la base du projet de plan en 28 points du président américain Donald Trump visant à mettre fin au conflit provoqué par près de quatre ans d’invasion russe. Résultat : les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé qu’un "futur accord" de paix "devra pleinement respecter la souveraineté" de Kiev. Un premier pas.

Les infos à retenir

⇒ Washington et Kiev affirment qu’un accord de paix maintiendra la "pleine souveraineté" de l’Ukraine

⇒ Volodymyr Zelensky salue les avancées des pourparlers mais dit qu’une "paix réelle" nécessite "beaucoup plus"

⇒ L’Europe devra donner son accord à tout plan de paix, prévient Friedrich Merz

L’Europe devra donner son accord à tout plan de paix pour l’Ukraine, prévient Friedrich Merz

Les Européens devront approuver tout aspect impliquant leur sécurité dans un futur accord mettant fin à la guerre en Ukraine, a prévenu ce lundi le chancelier allemand, Friedrich Merz. "Il est important pour nous qu’un plan de paix pour l’Ukraine ne puisse être établi sans notre accord sur des questions touchant aux intérêts européens et à la souveraineté européenne", a déclaré le chef de gouvernement allemand en marge du sommet UE-Afrique à Luanda, la capitale de l’Angola.

Le dirigeant a par ailleurs jugé improbable une "percée" cette semaine dans les négociations sur un plan de paix pour l’Ukraine, insistant sur le fait que la Russie devait rejoindre les négociations. "La Russie doit être présente à la table (des négociations). Si cela se concrétise, chaque effort aura été justifié, et dans le cas contraire, il faudra redoubler d’efforts. C’est un processus laborieux […], je ne m’attends pas à une percée cette semaine", a-t-il déclaré.

Un peu plus tôt, un porte-parole du gouvernement allemand avait souligné l’importance "pour l’Europe que les intérêts de l’Ukraine soient pris en compte […], que les intérêts de l’Europe soient garantis et que rien de ce qui concerne l’Europe ne se fasse sans l’Europe". "À notre avis, c’est le cas à l’heure actuelle et c’est pourquoi nous saluons les progrès réalisés jusqu’à présent", avait ajouté Sebastian Hille.

Négociations sur l’Ukraine : l’UE salue un "nouvel élan"

Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a salué lundi un "nouvel élan dans les négociations de paix" sur l’Ukraine, à l’issue d’une rencontre de dirigeants européens à Luanda, en Angola. "Il reste encore du travail à faire mais il y a une base solide pour avancer", a estimé de son côté la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. "Les questions qui concernent directement l’Union européenne, comme les sanctions, l’élargissement ou les actifs (russes) gelés, réclament l’implication totale et des décisions de l’Union européenne", a souligné Antonio Costa.

Volodymyr Zelensky salue les avancées des pourparlers mais dit qu’une "paix réelle" nécessite "beaucoup plus"

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué ce lundi des avancées au lendemain de pourparlers à Genève entre Américains, Ukrainiens et Européens, mais a estimé qu’il fallait "beaucoup plus" pour parvenir à une "paix réelle" avec la Russie.

"Dans les étapes que nous avons coordonnées avec la partie américaine, nous avons réussi à inclure des points extrêmement sensibles", a indiqué Volodymyr Zelensky lors d’une conférence virtuelle en Suède. "Ce sont des étapes importantes, mais pour parvenir à une paix réelle, il faut plus, beaucoup plus", a-t-il ajouté.

De son côté, le Kremlin a dit ce matin n’avoir "reçu aucune information" au lendemain des pourparlers à Genève. "Nous n’avons encore rien reçu officiellement", a affirmé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors de son point presse quotidien auquel participait l’AFP, ajoutant toutefois savoir que des "modifications" ont été apportées à la proposition des Etats-Unis pour mettre fin au conflit avec l’Ukraine.

Washington et Kiev affirment qu’un accord de paix maintiendra la "pleine souveraineté" de l’Ukraine

Les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé dans la nuit de dimanche à lundi qu’un "futur accord" de paix pour mettre fin au conflit avec la Russie "devra pleinement respecter la souveraineté" de Kiev, à l’issue de pourparlers "constructifs" à Genève entre Américains, Ukrainiens et Européens. La Maison-Blanche a par ailleurs salué ces discussions en Suisse, en présence du secrétaire d’Etat Marco Rubio, qui ont constitué "un pas en avant significatif" vers un règlement de paix dans ce pays européen en guerre. Le chef de la diplomatie américaine s’était dit auparavant "très optimiste" sur la possibilité de conclure "très vite" un accord, même si de nombreuses inconnues demeurent.

Un bref communiqué commun publié à l’issue de ces discussions précise qu’au terme de leurs échanges diplomatiques, les Etats-Unis et l’Ukraine ont "rédigé une nouvelle version, affinée, d’un cadre (pour un accord) de paix".

Ukraine : 4 morts et 17 blessés dans une attaque russe contre Kharkiv

Une attaque russe nocturne sur la ville ukrainienne de Kharkiv, la deuxième plus peuplée du pays avant l’invasion lancée par Moscou en février 2022, a fait quatre morts et 17 blessés, a annoncé son maire dans la nuit de dimanche à lundi. "On dénombre 17 blessés. Quatre personnes ont trouvé la mort", a déclaré Igor Terekhov, maire de cette ville proche de la frontière russe. "Malgré les négociations" de paix concernant l’Ukraine, "les troupes russes ont attaqué […] des immeubles d’habitation", a-t-il ajouté.

D’après les services d’urgence, les frappes ont été conduites au moyen de drones, ont détruit des bâtiments et provoqué des incendies dans trois immeubles résidentiels et une infrastructure civile. La Russie cible quasi quotidiennement le pays au moyen de drones ou de missiles. Les infrastructures énergétiques sont particulièrement visées, faisant craindre un rude hiver en Ukraine. Kiev vise de son côté régulièrement des dépôts et raffineries de pétrole et d’autres installations côté russe.

Le président turc Erdogan va parler de l’Ukraine avec Poutine lundi

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré dimanche qu’il s’entretiendrait ce lundi avec son homologue russe Vladimir Poutine, quelques jours après la présentation par les États-Unis d’un plan très critiqué visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. "Demain, je m’entretiendrai par téléphone avec Vladimir Poutine", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse au sommet des dirigeants du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud). "Nous ferons tout notre possible pour ouvrir la voie à la paix". Le président américain Donald Trump a donné à l’Ukraine jusqu’au 27 novembre pour approuver son plan visant à mettre fin au conflit qui dure depuis près de quatre ans.

Recep Tayyip Erdogan a assuré que la Turquie ne ménagerait aucun effort pour tenter de négocier une fin au conflit. "Tant de personnes sont mortes. Je discuterai avec Vladimir Poutine des mesures que nous pouvons prendre pour arrêter ces morts. Après ces discussions, je crois que j’aurai l’opportunité de discuter des résultats avec nos partenaires européens, Donald Trump et d’autres amis", a-t-il ajouté.

© afp.com/Manon Cruz

Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz, le 29 août 2025 à Toulon, dans le Var
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Guerre en Ukraine : ce que contient la contre-proposition des Européens au plan américain

L’offensive européenne se dessine. Selon l’agence Reuters, Londres, Paris et Berlin ont rédigé une contre-proposition au plan de paix américain pour l’Ukraine, dévoilée dimanche 23 novembre. La première ébauche de Washington - rédigée sans les alliés européens - avait été rejetée en l’état par Kiev et jugée par nombre d’observateurs bien trop favorable à Moscou. La nouvelle mouture européenne publiée en intégralité sur le site de l’agence, ne rompt pas avec l’approche américaine, puisqu’elle en reprend la structure point par point. Mais le texte apporte quelques modifications.

Alors que les Etats-Unis et l’Ukraine ont affirmé dans la nuit de dimanche à lundi qu’un "futur accord" de paix "devra pleinement respecter la souveraineté" ukrainienne - après des pourparlers qualifiés de "constructifs" à Genève - la copie révisée du camp européen s’aligne sur ce principe en le réaffirmant explicitement : "La souveraineté de l’Ukraine doit être réaffirmée", déclare ainsi le premier point.

Vient ensuite une autre proposition : la conclusion d'"un accord de non-agression complet" entre la Russie, l’Ukraine et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) destiné à lever les zones grises des trente dernières années. Une formulation proche de celle du plan américain, mais avec un glissement notable : là où Washington mentionnait "l’Europe", les Européens inscrivent clairement "Otan".

Autre point très important : la troisième proposition du plan américain - qui suggérait que la Russie n’envahisse pas ses voisins et que l’Otan ne s’étende pas davantage - disparaît du texte européen. Dans cette version, l’intégration de l’Ukraine à l’Alliance n’est plus exclue, mais explicitement conditionnée au consensus des alliés : "L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan dépend du consensus des membres de l’Alliance, qui n’existe pas", rappelle le document. Celui-ci demande un dialogue direct Russie-Otan, immédiatement après la signature d’un accord de paix, pour ouvrir un cycle de "désescalade" et de clarification stratégique.

Un important volet économique

Par ailleurs, les garanties de sécurité à offrir à Kiev sont renforcées par le projet européen : limitation des effectifs militaires ukrainiens à 800 000 hommes en temps de paix (au lieu de 600 000 dans le plan américain), absence de troupes de l’Otan en Ukraine mais stationnement d’avions de chasse de l’Alliance en Pologne, comme le prévoyait le plan de Washington.

L’Europe introduit aussi un important volet économique. Comme le prévoyait déjà le plan américain, Kiev sera éligible à l’adhésion à l’UE, avec un accès préférentiel au marché européen dès la phase d’évaluation. Bruxelles confirme aussi un paquet mondial de mesures pour reconstruire l’Ukraine, incluant la création d’un fonds de développement pour l’Ukraine, la réhabilitation des zones touchées par la guerre ou encore la reprise de l’extraction de minéraux et de ressources naturelles. Ce qu’elle ajoute à ce vaste plan de reconstruction ? Un partenariat entre les Etats-Unis et l’Ukraine "pour restaurer, développer, moderniser et exploiter les infrastructures gazières ukrainiennes (pipelines et installations de stockage)".

Un allègement des sanctions russes "par phases"

Concernant la Russie, les Européens se montrent moins conciliants que leurs alliés américains. Alors que ces derniers prévoient une réintégration de la Russie dans l’économie mondiale, Bruxelles rajoute une temporalité : "l"allègement des sanctions discuté et convenu par phases et au cas par cas." Les deux versions s’accordent cependant sur un retour de la Russie au sein du G8.

Cependant, sur les questions territoriales, les Européens rompent avec la ligne maximaliste de Kiev. L’Ukraine s’engagerait ainsi à ne pas récupérer militairement les territoires occupés. De futures négociations commenceraient à partir de la "ligne de contact actuelle", avec une interdiction de modifier ultérieurement tout accord par la force. Le plan modifié par les Européens comprend une task force conjointe de sécurité - incluant Etats-Unis, Ukraine, Russie et Européens - qui garantirait la mise en œuvre de l’accord.

Une amnistie totale qui disparaît

Et sur l’après ? Dans le projet européen, la question de l’amnistie totale pour toutes les parties impliquées dans ce conflit disparaît. A la place, une vision assez large : "Des mesures seront prises pour répondre aux souffrances des victimes du conflit."

Reste que tout ne fait pas consensus au sein du camp européen. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a défendu dimanche l’idée que le plan américain "contient déjà de nombreux points acceptables" et qu’il n’était "pas nécessaire de présenter une contre-proposition complète". Selon elle, la discussion porte davantage sur certains nœuds — territoires, reconstruction, armée ukrainienne — que sur le cadre général proposé par Washington. Reste à savoir si les différentes parties trouveront un terrain d’entente.

© AFP

Le chef du cabinet de Volodymyr Zelensky Andriy Yermal, et le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio à Genève, en Suisse, après des pourparlers le 23 novembre 2025.
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Liban : qui était le chef du Hezbollah tué dans une frappe israélienne ?

Le Hezbollah libanais a confirmé dans la soirée du dimanche 23 novembre la mort du chef militaire Haitham Ali Tabatabai, qualifié par Israël de chef d’état-major de la formation pro-iranienne, dans une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth, qui a fait cinq morts au total selon les autorités libanaises.

C’est le plus haut responsable du Hezbollah à être tué depuis la fin, il y a près d’un an, de la guerre meurtrière qui a opposé le mouvement islamiste à l’Etat-hébreu et dont il est sorti décapité.

Haitham Ali Tabatabai, présenté par l’armée israélienne comme "le plus important commandant du Hezbollah", avait été promu chef militaire du mouvement chiite après la mort des principaux responsables militaires de ce dernier durant la guerre avec Israël. Son nom reste largement inconnu du grand public libanais.

Visé par des sanctions américaines

Selon une source proche de la formation pro-iranienne, Tabatabai était auparavant "responsable du dossier du Yémen" au sein du Hezbollah, qui soutient les rebelles houthis. Il avait également occupé des fonctions en Syrie où le mouvement islamiste soutenait militairement le pouvoir déchu de Bachar el-Assad, selon les Etats-Unis. Toujours selon cette source, Tabatabai était basé à l’étranger et était "revenu au Liban pendant la guerre". Son père est d’origine iranienne et sa mère libanaise, mais il a la nationalité libanaise, d’après la même source.

Les Etats-Unis ont imposé des sanctions contre lui en 2016, le désignant comme "terroriste". Le Trésor américain a offert une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars pour des informations à son sujet, précisant qu’il était "également connu sous le nom d’Abou Ali Tabatabai". Washington le présentait alors comme "un chef militaire clé du Hezbollah qui a commandé les forces spéciales du groupe en Syrie et au Yémen".

"Vétéran"

Selon l’armée israélienne, Tabatabai était "un vétéran" du Hezbollah qu’il a rejoint dans les années 1980 et y a occupé "une série de postes" importants, "dont la direction des opérations du Hezbollah en Syrie". Le Hezbollah a militairement soutenu le pouvoir de Bachar el-Assad lors de la guerre civile en Syrie, jusqu’à sa chute en décembre 2024. Les Houthis du Yémen font partie, avec le Hezbollah, de ce que l’Iran qualifie "d’axe de la résistance" contre Israël.

Outre le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, Israël a tué, notamment dans des frappes ciblées, les principales figures militaires du mouvement : Fouad Chokr, le chef militaire, Ibrahim Aqil, qui commandait la force al-Radwan, l’unité d’élite, et Ali Karaké, le numéro trois militaire. Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur il y a près d’un an, Israël poursuit ses attaques au Liban, affirmant vouloir empêcher le Hezbollah de reconstituer ses forces.

Dénonçant "une violation flagrante du cessez-le-feu de novembre 2024 et une atteinte brutale à la souveraineté nationale du Liban", l’Iran a "fermement" condamné ce lundi "l’assassinat lâche du grand commandant de la résistance islamique libanaise, le martyr Haitham Ali Tabatabai".

Benyamin Netanyahou a de son côté assuré dimanche qu’Israël "ne permettra pas au Hezbollah de reconstruire son pouvoir" et appelé le gouvernement libanais à "respecter son engagement à désarmer" le mouvement. Le Premier ministre israélien, qui avait juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien, "a ordonné l’attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d’état-major", selon ses services.

© afp.com/Ibrahim AMRO

Des personnes ramassent des gravats sur le site d'une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth le 23 novembre 2025.
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Boualem Sansal : détention, Bruno Retailleau… L’écrivain gracié par l'Algérie sort du silence

Pour sa première prise de parole depuis sa libération par l’Algérie et son retour en France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a assuré dimanche 23 novembre avoir toujours voulu "la réconciliation" entre les deux pays, en reconnaissant que sa parole était bridée par les enjeux diplomatiques.

"Je suis depuis toujours pour la réconciliation entre la France et l’Algérie", a déclaré Boualem Sansal dans le journal de 20h00 de France 2, en estimant que les deux pays avaient "raté le coche" après l’indépendance de l’ancienne colonie en 1962. "Soixante années sont passées, on est encore en train d’utiliser des discours de la guerre de libération", a-t-il déploré.

Sa parole est-elle bridée par les enjeux diplomatiques, lui a demandé le journaliste Laurent Delahousse ? "Oui, en quelque sorte, je ne vous parle pas de manière naturelle […], je contrôle chacun de mes mots", a-t-il concédé. "Je pense à Christophe Gleizes", journaliste français emprisonné en Algérie et qui sera jugé en appel le 3 décembre, a-t-il enchaîné.

🔴⚡️ "C'est compliqué. On a besoin de quelques jours pour mettre les mots exacts sur les événements"

Les premiers mots de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal après sa libération. #JT20h pic.twitter.com/cN0uAJoXrQ

— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) November 23, 2025

Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes.

"Tout est parti de là"

L’écrivain, qui était au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux, et a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour. Un retour discret, hors de la vue des médias.

Selon lui, les positions de la France sur le Sahara occidental, sujet de tensions entre l’Algérie et le Maroc, ont en partie motivé son arrestation. Fin juillet 2024, le président français avait apporté son soutien total à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger.

"Tout est parti de là", a estimé Boualem Sansal, selon qui cela a déclenché "une guerre" entre la France et l’Algérie. "En bonne santé" après avoir été traité "de manière remarquable" pour son cancer de la prostate, il a dit avoir appris sa libération seulement "la veille". Cela a suivi sa rencontre en prison avec "un monsieur très autoritaire", qu’il pensait être un membre "des services secrets" ou "un personnage très important".

"Il disait toujours : 'Dans l’hypothèse où vous sortez, est-ce que vous allez continuer vos critiques sur l’Algérie ?' J’ai dit 'Monsieur, je n’ai jamais critiqué l’Algérie, je critique un régime, je critique des gens, je critique une dictature'", a raconté l’écrivain.

Bruno Retailleau, un "ami"

Il a en outre affirmé que Bruno Retailleau était son "ami", tout en admettant que l’ex-ministre de l’Intérieur, très ferme face à l’Algérie, avait pu être "d’une certaine manière" un obstacle à sa libération. "Il offrait à l’Algérie l’occasion de rebondir sur : 'Regardez, c’est notre ennemi, ils nous détestent, etc'. Mais avec ou sans Bruno Retailleau, ils auraient réagi de la même manière avec n’importe qui", a jugé l’écrivain.

Écrivain dissident admirateur de Camus et Orwell, polémiste révéré par les droites françaises, Boualem Sansal purgeait en Algérie une peine de cinq ans de prison notamment pour "atteinte à l’unité nationale". Le romancier avait été condamné pour avoir notamment déclaré en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.

Cet ancien haut fonctionnaire en Algérie avait été arrêté le 16 novembre 2024 à son arrivée à l’aéroport d’Alger avant d’être emprisonné, aggravant le froid diplomatique entre la France et son ancienne colonie.

Le retour médiatique de Boualem Sansal a été soigneusement orchestré. Outre le 20h00 de France 2, il s’est exprimé dans Le Figaro à qui il a expliqué avoir écrit "au moins dix fois" à Abdelmadjid Tebboune pour demander sa libération. Après de premières lettres "très accusatoires", il a décidé "d’être plus stratège" : "Je lui ai expliqué que la seule solution, c’était de me libérer, de réconcilier l’Algérie avec la France". A France Inter, il a assuré vouloir retourner bientôt dans son pays natal. "Si vous subissez une injustice, vous cherchez naturellement à obtenir réparation. Pour moi, aller (en Algérie) et ressortir" serait "une grosse réparation", a-t-il déclaré selon de premiers extraits diffusés par la radio.

© AFP

Boualem Sansal sur le plateau de France 2, le 23 novembre 2025, pour sa première interview depuis sa libération.
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Au Mali, l’étau djihadiste se resserre : Bamako ne tient plus qu’à un fil

Depuis l’été dernier, leur avancée semble inexorable. "Aujourd’hui, les djihadistes sont présents partout au Mali", assure Mohammed A. Pour ce marchand touareg, qui commerce entre Bamako, Tombouctou et Kayes, croiser leur chemin au cours de ces longues traversées du Sahel est devenu une sorte de "routine". "Malheureusement, quand on n’a pas le choix, on finit par s’habituer à tout", lâche-t-il, résigné, au bout d’une ligne téléphonique instable.

"Le plus souvent, ils se déplacent à motos, ils arrêtent les convois de marchandises, parfois pour les brûler, parfois pour se servir, et ils contrôlent les transports de voyageurs", précise ce père de famille, qui avoue tout de même avoir eu "la peur au ventre" plusieurs fois en les voyant. Fin octobre, les djihadistes ont annoncé que "tous les axes autour de Bamako" seraient désormais considérés comme des "zones de guerre" et ont imposé la séparation entre hommes et femmes dans les transports.

"Ils sont aussi présents dans les villes, comme à Tombouctou, où, habillés en civils, ils font de la surveillance et tentent d’accroître leur influence sur les populations", poursuit-il, assurant qu’il est lui-même régulièrement approché pour rejoindre leurs rangs dans un contexte économique de plus en plus tendu.

Ces dernières semaines, mieux valait ne pas avoir besoin d’un médecin

Historiquement implanté dans le nord et le centre du pays, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), la filiale sahélienne d’Al-Qaeda, étend désormais son influence vers l’Ouest, tout près des frontières sénégalaises et mauritaniennes, mais aussi vers le Sud, exerçant une pression sans précédent sur la capitale Bamako. Aujourd’hui, l’armée régulière ne contrôlerait plus que 25 % du territoire malien.

Blocus sur le carburant

Un peu plus de quatre ans après l’arrivée au pouvoir de la junte souverainiste, suite au coup d’Etat du général Assimi Goïta, désormais président autoproclamé, rien ne semble avoir arrêté la percée islamiste dans ce pays du Sahel. Pas même le soutien opérationnel des mercenaires russes du groupe Wagner, renommé Africa Corps en juin dernier, qui ont pris la place des troupes françaises, arrivées en 2014 (opération Barkhane) et reparties en 2022.

En plus de leurs attaques armées, les djihadistes mènent désormais une stratégie d’étranglement de l’économie malienne, en imposant des blocus sur le carburant et en ciblant principalement la capitale et ses trois millions d’habitants. Sans accès à la mer, Bamako demeure dépendant de ses voisins, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire et, surtout, la Guinée - ces trois pays représentant 90 % des importations. Depuis début septembre, les camions-citernes en provenance de ces pays sont systématiquement détruits ou dérobés par les djihadistes.

Résultat, la capitale manque cruellement de carburant. Sur les 600 stations-service de la ville, seule une centaine, identifiable aux kilomètres de queues qu’elles provoquent, parvient à être ravitaillée. "J’ai attendu presque 72 heures pour faire le plein", raconte Souleymane D., entrepreneur dans le BTP. Comme beaucoup de Bamakois, il a vu son activité économique largement altérée par ces blocus. "Sans essence, l’économie tourne au ralenti et l’accès à l’électricité est difficile", déplore-t-il, alors que l’accès à l’énergie repose grandement sur des groupes électrogènes. Après deux semaines de fermeture ordonnée par les autorités en raison de la pénurie, les écoles et les universités ont rouvert le 17 novembre, grâce à une récente arrivée de camions-citernes en provenance de Côte d’Ivoire, escortés par l’armée sur plusieurs centaines de kilomètres. "Ces dernières semaines, mieux valait ne pas avoir besoin d’un médecin, car les hôpitaux ne tournaient presque plus", témoigne le jeune homme, ajoutant que la situation s’est récemment améliorée depuis que des escortes militaires ont été mises en place. Désormais, 200 à 300 camions parviennent à rejoindre Bamako toutes les semaines, contre plus de 1 200 avant le blocus. Reste que, dans de nombreuses localités du centre et du sud, l’essence n’arrive toujours pas. Mopti et ses 550 000 habitants sont ainsi privés d’électricité depuis un mois, comme Bandiagara.

Enlèvements de travailleurs étrangers

Pour déstabiliser le pouvoir malien, le GSIM a multiplié les attaques contre des entreprises détenues par des investisseurs étrangers. Depuis cet été, plus d’une quinzaine d’assauts ont été recensés, notamment dans la région aurifère de Kayes, à l’ouest. Simultanément, le nombre d’enlèvements de travailleurs étrangers s’est accru. Entre mai et octobre 2025, 22 personnes de nationalité chinoise, égyptienne, indienne et émiratie ont été prises en otage par le groupe terroriste, selon l’ONG Acled, spécialisée dans la collecte et l’analyse de données sur les conflits armés. Un record. "Les rançons ont toujours constitué une source de financement pour les djihadistes. Elles leur permettent d’équiper, de payer mais aussi de recruter des combattants", indique Héni Nsaibia, chercheur au sein d’Acled.

Selon le journal Le Monde, le GSIM aurait récemment obtenu une rançon record de 43 millions d’euros en échange de la libération, le 29 octobre, d’un membre de la famille régnante Al-Maktoum de Dubaï, enlevé le 23 septembre. "La stratégie de multiplication des enlèvements est double, poursuit Heni Nsaibia. Elle vise aussi à "dissuader les investissements étrangers et la coopération économique avec le régime". Avec un certain succès. Alors que les Chinois ont récemment suspendu leurs opérations de minage, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et l’Italie ont appelé leurs citoyens à quitter le territoire malien début novembre.

Jamais la pression des djihadistes n’a été aussi forte. A tel point que l’hypothèse d’une chute de Bamako aux mains du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans et de son chef Iyad Ag Ghali, ennemi public numéro de l’opération Barkhane en son temps et poursuivi depuis 2017 par la CPI pour crimes contre l’humanité et crime de guerre, n’a pas manqué d’être évoquée. Pour autant, l’hypothèse est peu probable à ce stade, selon plusieurs observateurs de la région interrogés par L’Express, faute de capacités militaires ou de gouvernance suffisante. "L’objectif du GSIM est de prendre Bamako, mais ses membres veulent que la junte tombe d’elle-même, poussée par le ras-le-bol des populations", résume Peer de Jong, fondateur de l’institut Themiis. "Aujourd’hui, les djihadistes ne sont pas sur un modèle d’action terroriste dure, mais sur une stratégie de prise de pouvoir lente avec une vision sur le long terme", poursuit l’ancien aide de camp de François Mitterrand et de Jacques Chirac.

Impôt islamique et port du voile obligatoire

En dehors de Bamako, le GSIM tente de gagner en influence et de lisser son image auprès des populations. "Quand ils arrivent dans une localité, ils négocient un accord de non-agression avec les chefs coutumiers", indique un avocat bamakois originaire d’un village du sud, récemment tombé entre leurs mains. Comme des garants d’un ordre social et sécuritaire, "ils essaient de gagner le cœur des Maliens et de se présenter comme une alternative crédible face à une junte et des supplétifs russes qui ont commis d’innombrables exactions", analyse un observateur.

Dans le même temps, le GSIM met en place ses lois et règlements, de gré ou de force, dont l’imposition de la zakat (l’impôt islamique) ou l’obligation de porter le voile pour les femmes. Et le groupe n’hésite pas à exécuter ceux qu’il considère comme non alignés, y compris des civils. Le 6 novembre dernier, une jeune tiktokeuse qui publiait du contenu pro junte sur les réseaux sociaux a été abattue sur la place publique de sa ville, Tonka, dans la région de Tombouctou. "Dès que tu prends parti pour le GSIM ou pour les militaires maliens, tu risques ta vie, regrette notre commerçant, Mohammed. A. Les uns et les autres accusent souvent les civils de trahison avec des conséquences souvent sanglantes."

Coincés entre les exactions et menaces incessantes des deux camps, de nombreux Maliens ont choisi de fuir. Sur le camp de Mbera, dans l’extrême sud-est de la Mauritanie, leur nombre a plus que doublé entre 2023 et 2025, selon l’UNHCR, l’agence onusienne pour les réfugiés, passant de 70 000 à 160 000, et même à plus de 290 000 selon Nouakchott, en comptant les arrivées hors camp. "Depuis le début de l’année, on vivait au rythme des violences de Wagner, témoigne Fatou, arrivée la semaine dernière depuis la ville de Léré, carrefour essentiel vers Bamako. Mais avec le blocus djihadiste, plus rien n’entrait dans la ville, ni carburant, ni nourriture, alors on est partis."

Selon d’autres témoignages, le GSIM aurait donné un ultimatum aux habitants de la localité, qu’ils considèrent comme "acquise aux forces armées maliennes", pour les faire partir. Aux frontières sud du pays, des mouvements de population similaires sont constatés. Le 13 novembre, la Côte d’Ivoire a annoncé un renforcement de la sécurité à sa frontière nord, en réponse à un afflux "inhabituel" de réfugiés maliens. De son côté, la junte malienne, dont la plupart des opposants ont été arrêtés et écroués ces derniers mois, minimise les actions du GSIM, attribuant les blocus à "un désarroi" plutôt qu’à une montée en puissance du groupe terroriste. Jusqu’à présent, Bamako tient, quadrillé par les blindés de l’armée, au détriment du reste du pays, déjà largement rongé par le cancer djihadiste.

© dpa Picture-Alliance via AFP

Un soldat de l'armée malienne, le 15 décembre 2022 à Bamako. (Photo d'illustration)
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Kirill Dmitriev, l’homme de Poutine dans l’ombre des négociations pour le plan de paix en Ukraine

Derrière le plan de paix américain en 28 points dévoilé jeudi 20 novembre, se cache un nom rarement cité ouvertement : celui du Russe Kirill Dmitriev. Peu connu du grand public mais bien installé dans les réseaux du pouvoir russe, ce financier de 50 ans est l’un des principaux artisans du document qui reprend les lignes rouges de Moscou sur l’issue du conflit en Ukraine. Aux côtés de l’homme d’affaires américain Steve Witkoff, il serait l'un des architectes de la feuille de route américaine repoussée par Kiev qui l'a jugée trop favorable à la Russie.

Né en 1975 à Kiev, Kirill Dmitriev évite toutefois de se présenter comme Ukrainien. Le média indépendant russe The Bell souligne qu’il préfère se définir comme "enfant de l’Union soviétique". A noter que sa naturalisation russe, survenue au début des années 2000, reste entourée de zones d’ombre : selon plusieurs sources, le renseignement militaire russe (GRU) aurait facilité sa transition au moment où commençait son ascension dans la finance.

À la fin des années quatre-vingt, Kirill Dmitriev suit sa famille aux États-Unis. Diplômé de la prestigieuse université de Stanford, il passe brièvement en tant que stagiaire par le cabinet de consultants McKinsey, qui lui permet de poursuivre un cursus à Harvard. Il entame sa carrière en tant que principal associé dans la société d’investissement Delta Private Equity Partners dont l’un des fonds - Delta Capital Fund - est connu pour avoir été l’une des sociétés les plus rentables dans l’histoire financière russe. Il dirige ensuite le fonds ukrainien Icon Private Equity, lié à l’entourage de l’ancien président ukrainien Leonid Koutchma précise Novaïa Gazeta Europe.

Un proche du Kremlin

En 2011, il est nommé directeur du Fonds russe d’investissement direct (RFPI) – un outil clé du Kremlin pour attirer des capitaux étrangers. C’est à ce moment qu’il entre réellement dans le cercle stratégique de Vladimir Poutine. L’Express soulignait déjà en février dernier son rôle dans la conclusion de l’accord "OPEP + "entre Moscou et Riyad en 2016, qui a permis de stabiliser les prix du pétrole après plusieurs années de tensions. Reuters lui attribue également un rôle discret mais décisif dans certaines négociations d’échanges de prisonniers avec Washington.

Sa proximité avec le pouvoir russe ne se limite pas à l’économie. Il est marié à Natalia Popova, une proche de Katerina Tikhonova, la fille de Vladimir Poutine selon The Insider, repris par nos confrères du Courrier International. Selon plusieurs médias, cette double appartenance - homme d’affaires et membre du cercle restreint du Kremlin - expliquerait sa présence dans le processus de négociation de plan de paix. Dans The Guardian, qui le décrit comme un homme "à l'ambition démesurée", un chercheur avance même que son influence a repris de la vigueur depuis la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Lors du premier mandat du républicain, il est devenu le principal négociateur de Vladimir Poutine à Washington, rôle qui s'est renforcé sous son actuel mandat.

Si Kiev se méfie aujourd’hui de son rôle, ce n’est pas seulement pour ses liens avec Moscou. La fuite du plan intervient en effet alors que l’Ukraine est ébranlée par un scandale de corruption. Or, certains observateurs y voient une stratégie calculée. Un jour avant la révélation du document, Kirill Dmitriev déclarait, selon L’Opinion, que "les révélations sur l’époque de Zelensky rendent la paix beaucoup plus probable."

© afp.com/Evelyn Hockstein

Kirill Dmitriev est un homme d'affaires qui appartient au cercle restreint du Kremlin.
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Israël frappe Beyrouth contre le "chef d’état-major du Hezbollah", faisant un mort et 21 blessés

Israël a annoncé dimanche avoir mené une frappe visant le chef d'état-major du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, après que Benjamin Netanyahou a juré de "faire tout le nécessaire" pour empêcher un renforcement du mouvement pro-iranien. Cette attaque, la cinquième contre ce bastion du Hezbollah dans la capitale depuis le cessez-le-feu entre Israël et le mouvement islamiste entré en vigueur fin novembre 2024, a fait un mort et 21 blessés, selon les autorités libanaises.

Dans cette zone densément peuplée, la frappe a touché les troisième et quatrième étages d'un immeuble de neuf étages, autour duquel des ambulances se sont rassemblées tandis que des secouristes inspectaient les appartements, a constaté un journaliste de l'AFP. Le Hezbollah a confirmé qu'une de ses "personnalités" était visée, sans préciser son identité ni si elle avait été tuée, ce que n'ont pas non plus fait les autorités israéliennes et libanaises.

Le président libanais Joseph Aoun a appelé la communauté internationale à "intervenir sérieusement et avec force pour mettre fin aux attaques contre le Liban" menées par Israël. Le bureau de Benjamin Netanyahou a annoncé dans la foulée que sur ordre du Premier ministre, l'armée israélienne venait d'"attaquer au cœur de Beyrouth, le chef d'état-major du Hezbollah qui a dirigé le renforcement et l'armement de l'organisation terroriste".

Benjamin Netanyahu "a ordonné l'attaque sur recommandation du ministre de la Défense et du chef d'état-major", a ajouté son bureau. L'armée israélienne avait déclaré peu avant avoir mené "une frappe précise visant un terroriste clé du Hezbollah à Beyrouth", sans plus de détails.

"Prévenir toute menace"

Shosh Bedrosian, porte-parole de Benjamin Netanyahu, a ensuite affirmé à la presse ne pas pouvoir "donner le nom de la cible". "Israël prend ses décisions de manière indépendante", a-t-elle précisée, interrogée pour savoir si les Etats-Unis avaient été tenus au courant de l'attaque.

Washington, qui fait partie avec Paris d'un comité international chargé de surveiller l'application du cessez-le-feu, n'a pas été prévenu à l'avance de l'attaque, a affirmé le correspondant israélien du site d'information Axios, citant deux responsables américains. Plus tôt dans la matinée, Benjamin Netanyahu avait prévenu que son pays ferait "tout ce qui est nécessaire" pour empêcher un renforcement du Hezbollah au Liban et du Hamas dans la bande de Gaza. "Nous continuons à frapper le terrorisme sur plusieurs fronts", a-t-il déclaré lors d'une réunion de son cabinet.

Israël a récemment intensifié ses frappes dans les bastions du Hezbollah au sud et à l'est du Liban, où il affirme viser le mouvement chiite qu'il accuse de violer le cessez-le-feu en se réarmant et réactivant ses infrastructures. "Nous continuerons à agir avec force pour prévenir toute menace contre les habitants du nord et l'Etat d'Israël. Quiconque lèvera la main contre Israël verra sa main coupée", a martelé le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.

Les autorités libanaises accusent pour leur part régulièrement Israël de violer l'accord de cessez-le-feu conclu sous médiation américaine, en poursuivant ses frappes sur leur territoire et en continuant d'occuper cinq points stratégiques du sud du territoire libanais. Les Etats-Unis font pression sur le gouvernement libanais pour qu'il oblige le Hezbollah, sorti très affaibli de son année de conflit avec Israël, à rendre ses armes conformément à l'accord de cessez-le-feu, ce que le groupe a jusqu'à présent refusé de faire, tout en s'abstenant jusque-là de riposter aux frappes israéliennes.

© Anadolu via AFP

BEYROUTH, LIBAN - 23 NOVEMBRE : Vue des dégâts causés par l'attaque menée par l'armée israélienne dans le quartier de Dahieh, qui aurait visé un haut responsable du Hezbollah, malgré le cessez-le-feu en vigueur à Beyrouth, au Liban, le 23 novembre 2025. L'armée israélienne a déclaré dans un bref communiqué avoir mené une « frappe précise visant un terroriste clé du Hezbollah à Beyrouth. Détails à suivre. » Le Hezbollah n'a pas encore publié de communiqué concernant cette frappe. Houssam Shbaro / Anadolu (Photo par Houssam Shbaro / Anadolu via AFP)
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En Russie, tout étranger doit désormais servir dans l’armée pour obtenir un permis de séjour

C’est désormais officiel. Ecrit noir sur blanc. Depuis la signature de l’oukase n° 821 par le chef d’Etat russe, Vladimir Poutine, le 5 novembre 2025, la règle est la suivante : tout homme étranger âgé de 18 à 65 ans devra s’engager dans l’armée pour espérer obtenir un permis de séjour ou une naturalisation en Russie. Un contrat d’un an est théoriquement requis. Dans la pratique, il lie le soldat jusqu’à la fin de l'"opération militaire spéciale" en Ukraine - une durée donc indéfinie.

Si elle semble désormais gravée dans la juridiction russe, cette stratégie n’est pas nouvelle. Depuis les premiers mois de la guerre, des témoignages ont évoqué des pressions exercées sur des migrants originaires du Caucase ou d’Asie centrale. Certains travaillaient dans la restauration ou comme chauffeurs de taxi, rapporte Le Monde. Alors que leur statut précaire - absence de papiers d’identité à jour, renouvellement difficile de titre de séjour - les rendait vulnérables sur le sol russe, des centaines auraient été menacés d’expulsions s’ils refusaient de signer un engagement militaire. Dans certains cas, des personnes migrantes sans papiers auraient été placées dans des centres de rétention et sommés de "choisir".

Avec l’oukase 821, le système officieux est entériné et le champ de personnes concernées élargi. En effet, tout homme vivant déjà en Russie et souhaitant s’y établir durablement est désormais visé. Concrètement, si le candidat veut obtenir un permis de séjour ou déposer une demande de naturalisation, il devra présenter l’un des trois documents suivants : un contrat d’au moins un an avec les forces armées russes, un certificat de démobilisation ou un certificat médical d’inaptitude au service militaire. Un exemple concret ? Un Français marié à une Russe ne pourra plus obtenir de permis de séjour permanent sans signer un contrat avec l’armée.

Une stratégie militaire

Face caméra et sur les médias d’Etat, le chef du Kremlin parle d’une procédure administrative nouvelle liée à l’état de guerre, sans dire clairement qu’il s’agit de compenser la pénurie de combattants sur le terrain. En février 2025, The Center for Strategic and International Studies, think tank américain, estimait le nombre de victimes, depuis le 24 février 2022, à 1 million côté russe (dont 250 000 morts), rappelait le New York Times.

Si aucune donnée officielle n’a été publiée sur le nombre d’étrangers déjà recrutés de cette façon, les estimations varient entre 17 000 et 20 000 hommes toutes nationalités confondues. Un chiffre qui pourrait gonfler à plusieurs centaines de milliers si l’on inclut les citoyens venant des pays de l’ex-URSS, comme le rappellent toujours nos confrères du Monde. Par ailleurs, la nouvelle législation ne dit pas tout : le contrat d’un an n’implique pas de retour possible sur simple demande à l’issue du délai. Une fois intégré, le soldat reste au front tant que dure l’intervention militaire en Ukraine.

L’année dernière, un oukase précédent avait déjà tenté d’attirer des recrues : tout homme acceptant de servir dans l’armée se voyait promettre la nationalité russe. Certains y ont cru, pensant y voir un moyen de contourner la lourdeur administrative. Désormais, ce n’est plus une option, mais bel et bien une condition.

Par ailleurs, cette stratégie ne répond pas seulement aux besoins de l’armée. Elle s’inscrit aussi dans une politique migratoire de plus en plus rigide. Ainsi en 2024, plus de 80 000 personnes migrantes ont été expulsées de Russie pour violation des règles d’entrée et de séjour des étrangers, rapportait au début de l’année le site de l’agence Tass, s’appuyant sur des sources internes au Service fédéral des huissiers de justice. Une proportion qui a quasiment doublé par rapport à l’année 2023. Dans un tel climat, le contrat militaire fonctionne comme une solution imposée : partir au front ou quitter le pays.

© afp.com/MAXIM SHIPENKOV

Le président russe Vladimir Poutine, impose, depuis début novembre, 2025, un contrat militaire à tout ressortissant étranger désireux de vivre en Russie
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A Lisbonne, l'impressionnante flambée des prix de l'immobilier : "Le problème, ce n'est plus Airbnb"

A l'approche des élections municipales portugaises, organisées le 12 octobre dernier, un sujet revenait en boucle dans les discours de tous les candidats : le logement, le logement, le logement. Il faut dire que le pays est dans une situation délicate. Au deuxième trimestre 2025, Eurostat a enregistré une hausse des prix de 17,2 % en glissement annuel. Il s'agit, de loin, de la plus forte augmentation du continent (+5,4 % en moyenne), mais aussi de la plus forte hausse qu'a connue le pays depuis la crise de 2008.

Alors que Paris s'enthousiasme de la timide reprise du marché après deux années d'atonie (la France enregistre, elle, une hausse de 0,5 % en glissement annuel), Lisbonne frissonne. Lors de la précédente mandature, Filipa Roseta était l'élue à la chambre municipale en charge du Logement et de la Construction à Lisbonne. Avant de retrouver les bancs de l'école d'architecture où elle enseignait avant de prendre ses fonctions, elle a accepté de raconter les dynamiques qui rendent le marché immobilier portugais si inhospitalier... et de démonter quelques stéréotypes.

L’Express : D'après une étude publiée en octobre 2025 par la Commission européenne, le Portugal fait partie d'une minorité de pays membres où les prix de l'immobilier ont doublé depuis 2015. Les derniers chiffres font état d'une accélération alarmante de cette hausse, notamment dans la capitale, Lisbonne. Comment l'expliquer ?

Filipa Roseta : C'est un phénomène multifactoriel, évidemment, mais à Lisbonne, le problème principal, c'est l'augmentation de la population. Nous vivons dans une ville où la population diminue de manière structurelle depuis plusieurs décennies. Notre pic démographique a été atteint lors de la période postcoloniale, au début des années 1980 [NDLR : le Mozambique, l'Angola, et les archipels du Cap-Vert et Sao Tomé-et-Principe ont obtenu l'indépendance en 1975] et la population a diminué jusqu'à la pandémie de Covid-19. Mais depuis 2021, la dynamique s'est inversée et la population est passée de 545 000 à 575 000 habitants, soit une hausse de 6 % en trois ans, ce qui constitue une augmentation importante.

On cite régulièrement l'achat d'appartements destinés à la location de courte durée comme un des facteurs de la crise au Portugal. Quel est l'impact du tourisme sur la hausse des prix de l'immobilier ?

Oui, à l'échelle du pays, c'est un phénomène qu'on a observé, et d'ailleurs les gens en parlent encore beaucoup. Cependant, cela ne correspond pas à la réalité à Lisbonne aujourd'hui. Pour pouvoir louer leur habitation aux touristes, les propriétaires doivent demander une licence appelée AL pour "alojamento local" (hébergement local). Or, à Lisbonne depuis 2022, la délivrance de nouveaux permis a été gelée. Si on regarde les chiffres, leur nombre a donc plutôt eu tendance à baisser. Le problème, ce n'est donc pas Airbnb, mais la concentration d'une plus forte population dans la capitale par rapport au nombre de logements disponibles.

Une conséquence de cette pénurie de logements, c'est la formation de nouveaux bidonvilles autour des grands centres urbains...

Oui, c'est horrible. On est très loin de ce qu'on a connu dans les années 1990 où il y avait plus de 20 000 taudis à Lisbonne même. Aujourd'hui, ce n'est pas une réalité qu'on observe sur le territoire même de la ville, mais on le voit beaucoup dans les communes limitrophes. Aujourd'hui, il y aurait plus de 3 000 personnes qui vivraient dans ces conditions terribles dans l'aire métropolitaine de la capitale.

C'est un très gros problème, qui empire d'année en année et on ne peut pas continuer comme cela. La population de ces habitats indignes, ce sont souvent des familles, des gens qui travaillent, des immigrés qui sont venus pour gagner leur vie. Ils sont rémunérés au salaire minimum mais aujourd'hui, ce n'est pas suffisant pour occuper un logement où que ce soit.

Outre ces classes populaires, la pénurie de logements touche-t-elle aussi les classes moyennes ?

Ce qu'il faut comprendre, c'est que le coût du logement progresse beaucoup plus vite que les salaires, si bien que l'écart entre les traites des ménages et leur revenu disponible se réduit rapidement. Depuis trois à cinq ans, les familles doivent consacrer une partie de plus en plus importante de leur revenu disponible au logement. Résultat : les classes moyennes, elles aussi, sont progressivement évincées du marché. On a aujourd'hui des étudiants qui ne peuvent pas trouver de location et des milliers d'adultes qui n'ont pas les moyens de quitter le domicile familial.

Qu'il y ait une telle demande, ça devrait être une bonne nouvelle. C'est une preuve de dynamisme et c'est toujours bien d'avoir une ville en croissance, notamment en croissance économique. Notre ville a toujours été très accueillante et très internationale mais pour continuer à accueillir de nouveaux lisboètes, il faut qu'on agisse sur l'offre de logements. Et pour cela, il nous faut construire - et construire vite.

Dans certaines villes portugaises, il faut attendre jusqu'à dix-huit mois pour obtenir un permis de construire.
Dans certaines villes portugaises, il faut attendre jusqu'à dix-huit mois pour obtenir un permis de construire.

Justement, dans un rapport récent, la Banque mondiale souligne que dans certaines villes, les délais pour obtenir un permis de construire dépassent les dix-huit mois. Lisbonne en fait partie...

C'est quelque chose sur lequel on essaye de travailler et les choses se sont améliorées ces dernières années. Nous avons mis en place une stratégie, à la municipalité mais aussi à l'échelle du pays, pour réduire le poids de la réglementation et aujourd'hui, la plupart des permis sont octroyés dans un délai plus court. Ça, c'est pour la construction de logements privés.

Il y a un autre levier sur lequel l'Hôtel de Ville peut travailler, c'est la construction de logements qui lui appartiennent. 2 000 logements sont déjà en construction et on prévoit d'en bâtir un millier supplémentaire d'ici 2028. Pour cela, les fonds européens nous sont très utiles. Le plan de relance post-Covid-19 a été extrêmement important pour accroître notre offre de logements sociaux pour les plus démunis et de logements abordables pour la classe moyenne. Dans le cas de ces constructions, les délais pour obtenir un permis se sont nettement réduits.

Dans quels types de quartiers la ville de Lisbonne peut-elle continuer à construire ?

Un autre enjeu pour une municipalité comme la nôtre, c'est de donner envie aux gens de s'installer dans de nouvelles zones. Il y a plein d'espaces merveilleux, mais qui méritent d'être plus attrayantes. Notre rôle c'est donc d'améliorer ces quartiers pour augmenter la quantité de terrain disponible à la construction et faire sortir de nouveaux logements destinés à la classe moyenne.

Ce problème n'est pas propre à la capitale, vous savez. Dans notre pays, environ 80 % de la population vit en zone littorale, entre Lisbonne et Porto. Les 20 % restants vivent dans le reste du pays. Nous pourrions donc être un peu plus dispersés, cela allégerait certainement le fardeau des villes.

© afp.com/PATRICIA DE MELO MOREIRA

Des immeubles à l'abandon à Lisbonne, le 9 mai 2025 au Portugal
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"Bureaucrates, sadomasochisme et vélos volés" : au cœur d’une saga politico-judiciaire au Danemark

"Toute cette affaire est complètement absurde", s’agace un chroniqueur du média danois centre droit Berlingske. De son côté, le Copenhagen Post semble se délecter de ce "polar nordique" qu’il résume en quelques mots : "bureaucrates, sadomasochisme et vélos volés." Le 5 novembre 2025, tous les yeux étaient braqués sur le tribunal de Lyngby, au nord de Copenhague. Ce dernier a ordonné le versement de 20 000 couronnes (soit environ 2 700 euros) à l’ancien patron du renseignement militaire danois (FE), Lars Findsen, pour atteinte à sa vie privée.

En cause : une réunion confidentielle, en janvier 2022, au cours de laquelle le chef du renseignement intérieur (PET), Finn Borch Andersen, aurait dévoilé aux responsables politiques des éléments intimes de sa vie, affirmant notamment que Lars Findsen volait des vélos pour les échanger contre des services sexuels sadomasochistes. Des accusations spectaculaires, mais impossibles à étayer.

La cour les a jugées fausses, illégales et offensantes, et donc largement injustifiables - même au nom de la sécurité nationale. Alors que le parquet a fait appel, ce verdict rouvre une plaie que le gouvernement aimerait refermer au plus vite. Le PET lui est désormais suspecté d’avoir manipulé les responsables politiques pour faire surveiller Lars Findsen.

Cette affaire "découle de l’une des sagas politiques et juridiques les plus extraordinaires de l’histoire récente du Danemark : le fameux "scandale FE", résume le Copenhagen Post.

Un partenariat secret entre le FE et l’agence américaine NSA

Tout commence le 21 août 2020, lorsqu’une agence de contrôle révèle qu’elle a été alertée par un lanceur d’alerte. Selon lui, le FE - le service de renseignement militaire - aurait caché des informations cruciales et pourrait avoir espionné des citoyens danois. Et la sanction ne se fait pas attendre : quelques jours plus tard, le ministre de la défense suspend plusieurs responsables, dont Lars Findsen, figure centrale du renseignement danois depuis plus de vingt ans.

Dans les mois qui suivent, les médias découvrent une autre dimension du dossier : un partenariat secret entre le FE et l’agence américaine NSA, permettant aux États-Unis d’exploiter les câbles sous-marins de télécommunications danois. Ce dispositif, encore officieux à l’époque, aurait servi à espionner des dirigeants européens au début des années 2010. L’information circule, sans jamais être confirmée et certaines fuites encerclent désormais Lars Findsen.

Lars Findsen placé sur écoute

À l’automne 2020, il est placé sous écoute. Le 8 décembre 2021, à son retour d’un déplacement en Macédoine du Nord, il est arrêté à l’aéroport de Copenhague par des agents en civil. La presse parle alors de l’opération de surveillance la plus coûteuse jamais menée dans le pays, rappellent nos confrères du Monde. Trois autres employés du FE sont interpellés puis relâchés. Lars Findsen, lui, passe 71 jours au centre de détention de Hillerød, avant d’être libéré sous conditions. Il racontera cette période dans un livre publié un an plus tard.

Une commission d’enquête blanchira les responsables du FE dès la fin 2021, mais l’affaire connaît un énième rebond : en septemb2022, Lars Findsen et un ancien ministre de la défense, Claus Hjort Frederiksen, sont officiellement mis en examen pour divulgation de secrets d’État. Il faudra attendre octobre 2023 pour que la Cour suprême reconnaisse publiquement, pour la première fois, l’existence du partenariat avec la NSA, confirmant ainsi ce que les autorités avaient longtemps tenté de minimiser. Peu après, les poursuites sont abandonnées. Lars Findsen a depuis quitté ses fonctions avec une compensation financière élevée.

Le PET désormais dans le viseur

Désormais, ce n’est plus le FE qui pose problème, mais la manière dont le PET a géré son enquête. Alors qu’une partie de la classe politique réclame désormais des sanctions contre son chef, les médias aussi se questionnent. Le Berlingske estime que "PET a rompu le contrat tacite entre le citoyen et l’État". Même interrogation dans le média Politiken : "Peut-on faire confiance à un chef du PET qui ment à nos politiciens et à la justice ?", se demande son rédacteur en chef.

Ce qui n’était qu’un scandale autour d’un homme devient peu à peu un test pour l’État de droit danois. De son côté, le gouvernement lui, semble bien décidé à tourner la page. Son objectif : éviter de nouvelles révélations sur l’accord avec les Américains.

© Ritzau Scanpix via AFP

Lars Findsen après son procès au tribunal de Lyngby, le mardi 21 octobre 2025. L'ancien directeur du Service de renseignement de la Défense, Lars Findsen, réclame des dommages et intérêts. Il affirme que le chef du PET a abusé de sa confiance en divulguant des détails de sa vie sexuelle à de hauts responsables politiques dans le cadre de l'affaire où il était accusé de fuite de secrets d'État.
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La nouvelle version du plan américain reflète "la plupart des priorités clés" de l'Ukraine, selon Kiev

Des responsables ukrainiens, américains et européens se retrouvent, dimanche 23 novembre, en Suisse pour discuter du plan de Donald Trump pour l'Ukraine, qui fait craindre à Kiev une capitulation forcée mais ne constitue pas, selon Washington, une offre finale.

Salué par Moscou, ce plan en 28 points suscite une grande inquiétude à Kiev car il reprend plusieurs exigences clés de la Russie, à savoir que l'Ukraine lui cède des territoires, accepte de réduire la taille de son armée et renonce à intégrer l'Otan. Il offre cependant des garanties de sécurité occidentales à Kiev pour prévenir toute nouvelle attaque russe.

Le président Volodymyr Zelensky a estimé dimanche que le plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie pouvait inclure les "perspectives ukrainiennes", après des réunions en Suisse entre Ukrainiens, Américains et Européens. Il avait repoussé vendredi ce plan, que Donald Trump et Vladimir Poutine le pressent d'accepter, assurant qu'il allait proposer des "alternatives" aux Américains.

16h47

La nouvelle version du plan américain reflète "la plupart des priorités clés" de l'Ukraine, selon Kiev

La nouvelle version du plan américain visant à mettre fin à la guerre en Ukraine reflète "la plupart des priorités clés" de Kiev, a estimé dimanche l'un des membres de la délégation ukrainienne aux pourparlers à Genève. "La version actuelle du document, bien qu'elle en soit encore aux dernières étapes de son approbation, reflète déjà la plupart des priorités clés de l'Ukraine", a déclaré sur Facebook Roustem Oumerov, à la tête du Conseil de sécurité ukrainien. Qualifiant de "constructive" la coopération avec les Etats-Unis, il a salué "l'attention qu'ils accordent" aux  "commentaires" des Ukrainiens.

Peu auparavant, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait estimé que "les propositions américaines pourraient inclure un certain nombre d'éléments basés sur les perspectives ukrainiennes et essentiels pour les intérêts nationaux de l'Ukraine". "Les travaux se poursuivent afin de rendre tous ces éléments véritablement efficaces pour atteindre l'objectif principal attendu par notre peuple : mettre enfin un terme au bain de sang et à la guerre", a-t-il indiqué sur X. Il a qualifié de "positif" le fait que la diplomatie ait été relancée, à ce stade, sans la participation de la Russie.

15h25

Trump accuse l'Ukraine de ne faire preuve d'"aucune gratitude" à l'égard des Etats-Unis

Donald Trump a accusé dimanche les dirigeants ukrainiens de ne faire preuve "d'aucune gratitude" envers les Etats-Unis, alors qu'il tente d'imposer un accord pour mettre fin au conflit, contesté par Kiev. Dans un message sur Truth Social, le président américain s'en prend également aux Européens, "qui continuent d'acheter du pétrole à la Russie", ainsi qu'à son prédécesseur Joe Biden, qu'il accuse d'inaction au début du conflit.

"J'ai hérité d'une guerre qui n'aurait jamais dû arriver, perdante pour tout le monde", écrit le président en lettres majuscules sur son réseau social. "Les responsables ukrainiens n'ont exprimé aucune gratitude pour nos efforts, et l’Europe continue d’acheter du pétrole à la Russie", poursuit-il. "Les États-Unis continuent de vendre des quantités massives d'armes à l’OTAN pour distribution à l’Ukraine (Joe la Crapule a tout donné, gratuit, gratuit, gratuit, y compris de "grosses" sommes d’argent !)", ajoute le président.

15h11

Le plan américain pourrait prendre en compte les "perspectives ukrainiennes", selon Zelensky

Le président Volodymyr Zelensky a estimé dimanche que le plan américain visant à mettre fin à la guerre avec la Russie pouvait inclure les "perspectives ukrainiennes", après des réunions en Suisse entre Ukrainiens, Américains et Européens.

"Il semble que les propositions américaines pourraient inclure un certain nombre d'éléments basés sur les perspectives ukrainiennes et essentiels pour les intérêts nationaux de l'Ukraine", a indiqué Volodymyr Zelensky sur X.

15h04

Le président turc Erdogan va parler de l'Ukraine avec Poutine lundi

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré dimanche qu'il s'entretiendrait lundi avec son homologue russe Vladimir Poutine, quelques jours après la présentation par les États-Unis d'un plan très critiqué visant à mettre fin à la guerre en Ukraine.

"Demain, je m'entretiendrai par téléphone avec Vladimir Poutine", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au sommet des dirigeants du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud). "Nous ferons tout notre possible pour ouvrir la voie à la paix".

14h51

Le chancelier allemand Friedrich Merz "sceptique" sur les chances d'un accord sur l'Ukraine d'ici jeudi

Le chancelier allemand Friedrich Merz s'est dit dimanche "sceptique" sur les chances de parvenir à un accord sur le plan en 28 points de Donald Trump pour l'Ukraine d'ici jeudi, date butoir fixée par le président américain. "Je ne suis pas encore convaincu que les solutions souhaitées par le président Trump seront trouvées dans les prochains jours", a déclaré Friedrich Merz lors du sommet du G20 à Johannesburg (Afrique du Sud), ajoutant qu'il était "sceptique quant à la possibilité d'un tel résultat compte tenu des divergences actuelles".

13h29

Le rôle "central" de l'UE doit être "pleinement reconnu" dans tout plan de paix sur l'Ukraine, dit Ursula von der Leyen

Le rôle "central" de l'Union européenne (UE) doit être "pleinement reconnu" dans tout plan de paix sur l'Ukraine, a affirmé dimanche la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. "Tout plan de paix crédible et durable doit avant tout mettre fin aux massacres et à la guerre, sans pour autant planter les graines d'un futur conflit", a martelé dans un communiqué la cheffe de l'exécutif européen, évoquant également plusieurs élements, essentiels selon elle, à ce plan de paix. "L'Ukraine doit avoir la liberté et le droit souverain de choisir son propre destin. Elle a choisi un destin européen", a-t-elle estimé.

12h35

La délégation ukrainienne a rencontré les représentants européens en Suisse

La délégation ukrainienne présente en Suisse pour discuter du plan de Donald Trump pour mettre fin à la guerre avec la Russie a tenu une réunion avec des représentants de la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, a annoncé dimanche le négociateur de Kiev.

"J'ai tenu la première réunion avec les conseillers à la sécurité nationale des dirigeants du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne (...) La prochaine réunion aura lieu avec la délégation américaine", a indiqué sur Telegram Andriï Iermak, le chef de la présidence ukrainienne qui mène la délégation.

12h07

Le Premier ministre norvégien cible "des défauts majeurs" dans le plan américain

Le plan américain pour l'Ukraine comporte "des défauts majeurs", a indiqué dimanche à l'AFP le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre, jugeant "inacceptable" de "changer les frontières par la force". "Nous avons besoin de l'engagement des Etats-Unis pour aider à mettre fin à la guerre en Ukraine et à stopper l'agression russe", a-t-il déclaré en marge du sommet du G20 à Johannesburg.

"Mais le plan est insuffisant et il a des défauts majeurs sur lesquels on doit travailler", a-t-il ajouté. Il a notamment insisté sur la nécessité d'avoir l'Europe et l'Ukraine autour de la table. "Pas de paix en Ukraine sans l'Ukraine", a-t-il martelé.

"Changer les frontières par la force est inacceptable, et il y a beaucoup de formulations dans ces 28 points où le droit international peut en réalité faire le travail. Nous avons des principes clés dans la charte des Nations unies qui réglemente comment les Etats fonctionnent, et on doit regarder ça point par point", a encore dit Jonas Gahr Støre. "Je vois de nouveaux signaux des Etats-Unis disant qu'ils sont prêts à faire cela, et c'est positif", a-t-il ajouté.

6h47

Trump se dit ouvert à la négociation avant des pourparlers à Genève

Samedi, Donald Trump a répondu "non" à la question de savoir si son plan constituait sa "dernière offre" pour régler le conflit le plus sanglant en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.

Ce texte "présente un cadre solide de négociations. Il se fonde sur des éléments fournis par la partie russe mais également sur des apports de l'Ukraine", a complété son chef de la diplomatie Marco Rubio sur X. Il a ainsi démenti avoir déclaré à des sénateurs américains, comme l'affirmaient plusieurs élus, que le plan ne constituait pas la position américaine mais "une liste de souhaits russes".

Marco Rubio est attendu dimanche à Genève, avec l'émissaire spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, pour des discussions avec les Ukrainiens et les Européens. Ils rejoindront le secrétaire à l'Armée, Daniel Driscoll. La délégation ukrainienne sera menée par le bras droit de Volodymyr Zelensky, le chef de la présidence Andriï Iermak.

Côté européen, les conseillers à la sécurité nationale des dirigeants français, allemand, britannique et italienne prendront part aux discussions à Genève. Réunis au sommet du G20 à Johannesburg, 11 pays principalement européens ont estimé samedi dans une déclaration que le plan américain "requerra du travail supplémentaire", craignant qu'il ne laisse l'Ukraine "vulnérable à de futures attaques".

Le président français Emmanuel Macron a annoncé une réunion mardi en visioconférence des pays soutenant l'Ukraine. Selon lui, sans "éléments de dissuasion, les Russes reviendront".

Ces propositions américaines sont présentées à un moment où la présidence ukrainienne est déstabilisée par un vaste scandale de corruption impliquant des proches de M. Zelensky, où l'armée est en recul sur le front et où la population est soumise à des coupures de courant d'ampleur en raison des frappes russes.

Sous pression, le dirigeant ukrainien a assuré vendredi qu'il allait proposer des "alternatives" à ses interlocuteurs américains, estimant que son pays traversait "l'un des moments les plus difficiles de (son) histoire" et évoquant un "choix très difficile" : "la perte de dignité ou le risque de perdre un partenaire clé", les Etats-Unis.

© afp.com/Ozan KOSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Ankara, en Turquie, le 19 novembre 2025
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Le plan de Donald Trump pour la paix en Ukraine torpille les ambitions de l’Europe

Si l’objectif de Donald Trump, en dégainant son soi-disant plan de paix pour l’Ukraine, était de contrarier les Européens, il n’aurait pas pu faire mieux. Plusieurs dispositions du mémorandum sont orthogonales aux efforts déployés par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne et les autres alliés de Kiev pour aider le pays agressé à résister à Moscou.

Les réactions horrifiées et indignées des diplomates et experts dans les capitales européennes disent le choc causé par la publication des 28 points du projet américain. Car c’est l’ensemble des projets de l’Union européenne pour asseoir son "autonomie stratégique" et garantir la sécurité européenne face à l’impérialisme poutinien qui est percuté de plein fouet par le plan Trump, concocté en secret par l’émissaire américain Steve Witkoff et son homologue du Kremlin, Kirill Dmitriev.

Cinq points en particulier sont douloureux pour les Européens, du moins la grande majorité d’entre eux (la Hongrie pro russe de Viktor Orban, hostile à l’aide à l’Ukraine, a applaudi aux propositions de Washington). Au-delà du diktat imposé à l’Ukraine, qui est en lui-même révoltant du point de vue européen, ces points d’inquiétude montrent le peu de cas que Donald Trump fait de la sécurité du Vieux continent et des intérêts de ses alliés.

Primo, le plan prohibe le stationnement de militaires des pays de l’Alliance atlantique en Ukraine. Or, Français et Britanniques, en toute transparence avec les Américains, ont mis sur pied depuis l’été une "Coalition des volontaires" regroupant une trentaine de pays, pour la plupart membres de l’Otan, afin d’installer en Ukraine, loin du front, une "force de réassurance" chargée de surveiller l’application d’un éventuel cessez-le-feu. Ce projet deviendrait inapplicable si le plan Trump était mis en œuvre tel quel.

Secundo, le plan trumpien pourrait réduire à néant l'idée européenne d’accorder un méga prêt à l’Ukraine basé sur les avoirs russes gelés en Europe (environ 200 milliards de dollars). Le mémorandum américain prévoit que quelque 100 milliards seraient investis sous la direction de Washington pour la reconstruction de l’Ukraine. Les Etats-Unis recevraient "50 % du profit" généré. Le reste des avoirs russes serait dégelé et donc restitué à Moscou, qui n’aurait apparemment aucune réparation à payer pour les dégâts considérables causés par ses armées. Les Européens seraient par ailleurs priés, sans qu’on leur ait demandé leur avis, de verser 100 milliards de dollars de leur poche pour la reconstruction de l’Ukraine.

La Belgique, qui détient l’essentiel des avoirs russes, a demandé à ses partenaires européens des garanties de solidarité avant d’avaliser le prêt de 140 milliards d’euros en faveur de Kiev. Les Vingt-Sept ont prévu de finaliser le projet au prochain Conseil européen, les 18 et 19 décembre. Ce plan, incompatible avec celui de Trump, risque de devenir un test majeur de leur détermination à soutenir Kiev.

Tertio, le mémorandum laisse entendre que des parties de l’Ukraine occupées par la Russie, et même la portion de l’oblast de Donetsk que Moscou n’a jamais réussi à conquérir, pourraient désormais être considérées comme partie intégrante de la Fédération de Russie, ce qui sanctionnerait une modification de frontières par la force, contraire à tous les principes fondant la sécurité européenne depuis la Seconde Guerre mondiale. La Charte de Paris de 1990, tout comme les accords d’Helsinki de 1975 – textes signés par Moscou, Washington et tous les Etats européens – garantissent, entre autres, l’intégrité territoriale et le règlement pacifique des différends ; ils prohibent le recours à la force et les modifications de frontière ; ils permettent à chaque pays de déterminer librement son appartenance ou non à une alliance.

Le texte américain contredit ces dispositions en stipulant que l’Otan devrait désormais renoncer à tout élargissement et que l’Ukraine devrait abandonner son objectif d’y adhérer (lequel est inscrit dans sa Constitution depuis 2019). L’engagement de l’Otan à accueillir tout Etat européen qui en ferait la demande est en outre stipulé dans le traité fondateur de l’Alliance, signé en 1949 à Washington.

Quarto, le désarmement partiel de l’Ukraine, qui devrait limiter les effectifs de ses armées à 600 000 hommes, un tiers de moins qu’aujourd’hui, va à l’encontre des impératifs de sécurité non seulement de l’Ukraine, mais aussi du continent tout entier. Du point de vue européen, il conviendrait au contraire de renforcer l’armement de l’Ukraine afin de dissuader toute nouvelle agression russe à l’avenir, y compris comme d’autres voisins de Moscou, les Pays Baltes notamment.

Quinto, le plan Trump laisse planer un doute sur l’engagement des Etats-Unis au sein de l’Otan en présentant Washington comme un "médiateur" entre la Russie et l’Alliance. Comment la principale puissance de l’Otan, en position de leadership depuis 1949, peut-elle se concevoir comme un médiateur, terme qui implique une certaine neutralité ? En semblant s’affranchir de la solidarité qu’il doit à ses alliés, Trump sape la raison d’être de l’Otan - une organisation que déjà pendant son premier mandat, il avait menacé de quitter.

Pour l’instant, les dirigeants de l’Union européenne et des autres alliés de Kiev (Royaume-Uni, Norvège, Canada, Japon), réunis en marge du G20 à Johannesburg en Afrique du Sud, ont réagi avec mesure au plan Trump. Dans une déclaration publiée samedi, ils ont accepté le mémorandum comme base de discussion "qui requiert un travail complémentaire". Ils ont rappelé que "les frontières ne peuvent pas être modifiées par la force" et se sont dits "préoccupés des limitations qui seraient imposées aux forces armées ukrainiennes, qui laisseraient l’Ukraine vulnérable à une future attaque". Réussiront-ils à infléchir le plan ? C’est tout l’enjeu des discussions qui devaient commencer dimanche à Genève.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Les leaders européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump, à la Maison Blanche, le 18 août 2025
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"Un texte plat", "la bonne direction"... Que contient le projet d’accord final de la COP30 validé ce samedi ?

Le front des pays émergents et pétroliers s’est révélé insurmontable : alors que les négociations de la COP30 au Brésil se sont prolongées samedi après deux semaines chaotiques de sommet en Amazonie, les Européens se sont résignés samedi à accepter un accord mondial à la COP30 qui ne reprend qu’a minima leurs demandes sur la sortie des énergies fossiles, préférant ce compromis à un échec total du multilatéralisme.

"Nous devons le soutenir car, au moins, il nous emmène dans la bonne direction", a déclaré le commissaire européen Wopke Hoekstra au climat après une nuit de négociations et une réunion de coordination avec les Vingt-Sept.

Que contient le projet final d’accord ?

Le projet final d’accord ne contient pas de mention explicite des énergies fossiles, selon le texte publié samedi. Or, la combustion du pétrole, du gaz et du charbon sont largement responsables du réchauffement planétaire. Le texte n’appelle à accélérer l’action que de façon "volontaire", et ne fait qu’une référence simplement indirecte à la sortie des énergies fossiles, en rappelant le consensus de la COP28 à Dubaï, et sans écrire les mots explicitement. Ce qui est loin du plan un temps réclamé par plus de 80 pays européens, latino-américains ou insulaires - particulièrement menacés par la montée des eaux.

Le texte, doit qui encore être entériné par consensus lors d’une séance de clôture samedi à Belém, appelle à tripler les financements pour l’adaptation climatique des pays en développement sur les dix prochaines années, par rapport à l’objectif actuel de 40 milliards par an.

Il prévoit également d’instituer un "dialogue" sur le commerce mondial, une première dans les négociations climatiques. La Chine, qui mène la fronde des pays émergents contre les taxes carbone aux frontières, en avait fait sa priorité avec d’autres pays exportateurs. Le pays asiatique a salué samedi un "succès dans une situation difficile", qui "montre donc que la communauté internationale veut faire preuve de solidarité et réalise des efforts communs pour répondre au changement climatique".

Quelles étaient les attentes initiales de l’UE ?

"Nous n’allons pas cacher que nous aurions préféré davantage, et plus d’ambition sur tout", a déclaré le commissaire européen Wopke Hoekstra. L’UE avait brandi vendredi la perspective de partir de Belém "sans accord". Cela aurait signé un échec retentissant pour l’hôte, le Brésil, et pour une conférence organisée dans l’une des régions emblématiques des questions environnementales posées à la planète, l’Amazonie.

Mais les Européens se seraient retrouvés "isolés", selon le membre d’une délégation d’un des 27, face à des pays comme la Russie, l’Arabie saoudite ou l’Inde, ou une partie du monde en développement qui n’avait pas comme priorité la bataille contre les fossiles mais plutôt les financements de transition écologique. Les délégués européens n’ont pas voulu apparaître comme responsables d’une catastrophe diplomatique au moment où ils cherchent à maintenir en vie le régime climatique mondial.

"On ne s’y oppose pas parce qu’il n’y a rien d’extraordinairement méchant à l’intérieur. C’est un texte qui est un texte assez plat", a déclaré à sa suite la ministre française de la Transition écologique, Monique Barbut. Contre l'accusation faite aux Européens de s'opposer au texte pour des raisons financières, le commissaire européen a lui-même insisté pour que le projet d’accord prévoit des financements supplémentaires. "Nous faisons un effort très important pour les aider à financer l'adaptation (des pays les plus pauvres)", a déclaré Wopke Hoekstra.

Quels pays ont poussé cet accord en l’état ?

En 2023, les pays s’étaient engagés à "opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques", pour la première fois dans l’histoire des conférences sur le climat de l'ONU. Depuis, ceux qui produisent ou dépendent des énergies fossiles - La Russie, l’Arabie saoudite ou l’Inde, pays producteurs de pétrole - ont mis tous leurs efforts à effacer la mention d'une sortie des énergies fossiles.

C’est également le cas d’une partie du monde en développement. Ces pays expliquent que de nombreuses économies, pauvres ou émergentes, n’ont pas les moyens de passer aux énergies renouvelables demain, ou tout simplement d’adapter leurs villes ou leurs agricultures à un climat déréglé. Ils réclament des pays les plus riches des engagements financiers supplémentaires pour aider ceux qui le sont moins.

De ce point de vue, le texte d’accord constitue un gain. Mais est-ce assez ? "Pas vraiment. Mais les négociations intergouvernementales travaillent sur le plus petit dénominateur commun. Notre combat continue", a déclaré à l’AFP un négociateur du Bangladesh.

La présidence brésilienne, qui aura aussi refusé jusqu’au bout d’inclure dans son texte la mention d'une sortie des énergies fossiles, à toutefois consenti en dernière minute à prévoir une "feuille de route" sur le sujet, ainsi qu'une seconde contre la déforestation, mais seulement pour les pays volontaires. "Nous savons que certains d'entre vous avaient des ambitions plus grandes" pour certains des sujets abordés pendant la réunion de l'ONU sur le climat, a reconnu le diplomate brésilien président de la conférence, André Correa do Lago, alors que certains pays espéraient une décision contraignante de la COP sur le pétrole, le gaz et le charbon.

La COP31 se déroulera à Ankara en Turquie, et l’Australie supervisera les négociations officielles.

© afp.com/Pablo PORCIUNCULA

Luiz Inacio Lula da Silva à l'ouverture de la COP30 le 10 novembre 2025, à Belem au Brésil
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Sommet du G20 : comment l’Afrique du Sud tire parti de l’absence des Etats-Unis

Le sommet du G20 s’est ouvert ce samedi 22 novembre en Afrique du Sud, dans un contexte particulier. Pour la première fois de son histoire, soit depuis 1999, il se tient sur le continent africain. Mais pour la première fois aussi, un président américain, en l'occurrence Donald Trump, a décidé de le boycotter, accusant sans fondement l'Afrique du Sud de mener un "génocide" contre la population blanche sud-africaine, ainsi que d’autres dirigeants comme le Chinois Xi Jinping (représenté par son Premier ministre Li Qiang), l'Argentin Javier Milei (représenté par son ministre des Affaires étrangères) ou la Mexicaine Claudia Sheinbaum. D’après Le Grand continent, seuls 13 dirigeants sur 19 sont présents - le G20 regroupe 19 pays, plus l’Union européenne et l’Union africaine, représentant 85 % du PIB mondial et les deux tiers de la population mondiale.

Les tensions entre Pretoria et Washington ne sont pas près de s’apaiser, puisque le ministre sud-africain des Affaires étrangères Ronald Lamola a annoncé à la presse ce samedi que le président Ramaphosa ne transmettra pas la prochaine présidence du G20 "au chargé d’affaires des Etats-Unis" comme c'était censé être le cas, en raison de l’absence de Donald Trump. "Les Etats-Unis sont un membre du G20 et s’ils veulent être représentés, ils peuvent toujours envoyer quiconque de rang approprié", a-t-il ajouté.

Une ambition et des succès

Mais qu'importe : ces bouderies n'ont pas démotivé le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, qui souhaite faire du sommet un moyen de pousser les intérêts des pays d’Afrique sur la scène internationale. "En tant que pays africains, utilisons ce G20 pour faire avancer notre agenda. En exploitant nos forces collectives, nous pouvons bâtir des économies résiliantes qui prospèrent malgré l’adversité", a-t-il déclaré peu avant l’ouverture du sommet, ce samedi.

Alors que les Etats-Unis, le 15 novembre, s’étaient également opposés à l’adoption d’une déclaration commune des chefs d’Etat sans eux, le sommet a adopté dès son ouverture une déclaration finale des dirigeants présents. Samedi, le président Cyril Ramaphosa a ainsi annoncé qu’elle a été adoptée par une très large majorité des États membres du Groupe des 20. "L’adoption de la déclaration issue du sommet envoie un signal fort au monde entier, prouvant que le multilatéralisme peut porter ses fruits et qu’il le fait", a indiqué la présidence sud-africaine du G20 sur X. Un pied de nez aux Etats-Unis.

President Cyril Ramaphosa has announced that the Declaration from South Africa’s G20 Leaders’ Summit has been adopted by an overwhelming majority of the Group of 20 Member States.

The adoption of the Declaration from the Summit sends an important signal to the world that… pic.twitter.com/7wBksN03fO

— G20 South Africa (@g20org) November 22, 2025

"Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’humanité – qu’il s’agisse de l’escalade des tensions géopolitiques, du réchauffement climatique, des pandémies, de l’insécurité énergétique et alimentaire, des inégalités, du chômage, de l’extrême pauvreté ou des conflits armés – mettent en péril notre avenir collectif", a ajouté Cyril Ramaphosa en ouverture du sommet. Des priorités soutenues par la déclaration commune, même en l’absence des Etats-Unis.

Les minerais stratégiques comme levier ?

La question des minerais stratégiques, présents en abondance sur le continent africain (environ 30 % des réserves mondiales, selon le FMI), pourrait aussi permettre de peser significativement dans les négociations internationales. Dans leur déclaration, les dirigeants du G20 disent vouloir mieux protéger l’approvisionnement en minerais stratégiques. "Nous cherchons à garantir que la chaîne de valeur des minerais stratégiques puisse mieux résister aux perturbations, qu’elles soient dues aux tensions géopolitiques, à des mesures commerciales unilatérales incompatibles avec les règles de l’OMC, à des pandémies ou à des catastrophes naturelles", écrivent-ils dans ce texte. De nombreux pays tentent de garantir leurs accès à ces minerais, également très utilisés en électronique, et de sortir de leur dépendance vis-à-vis de la Chine, mise en lumière par les restrictions que le pays asiatique a imposées sur ses exportations de terres dites rares.

Ces discussions pourraient bien se poursuivre lors du septième sommet UE-Union africaine les 24 et 25 novembre, en Angola, l’Afrique du Sud et l’UE ayant d’ailleurs signé jeudi un partenariat concernant les minéraux stratégiques en amont du sommet du G20. "Notre objectif pour ce sommet historique est d’établir un partenariat UE-Afrique solide, équilibré et tourné vers l’avenir", avait ainsi déclaré le président du Conseil européen, António Costa, en amont de cet événement, rappelle Toute l’Europe. Les discussions au cours de ce sommet tourneront autour du commerce entre l'Europe et l'Afrique, des matériaux critiques, du changement climatique, de l'intelligence artificielle et autres sujets au cœur des relations UE-UA.

Des défis qui restent entiers

Mais des défis perdurent. "L’Afrique est un continent en plein essor. L’approfondissement de notre coopération économique est essentiel au développement et à l’intégration du continent, au renforcement de notre résilience et de notre autonomie", a déclaré le président sud-africain lors d’un dîner de travail vendredi en présence des chefs d’Etats africains invités au G20. Comme le souligne le média Jeune Afrique, la Zone de libre-échange continentale africaine, Zlecaf, existant depuis 2021, plafonne encore à 15 % d’échange intra communautaire, en raison notamment de problèmes infrastructurels. Le sommet G20 est donc l’opportunité de mobiliser des investissements pour concrétiser cette zone de libre-échange. La question de la dette du continent est aussi l’un des grands enjeux de cette rencontre. Pour le média d'actualité africaine, "la présidence sud-africaine du G20 constitue donc un test de maturité diplomatique".

En outre, la faculté du continent africain "à enfin parler d’une seule voix, à dépasser les clivages nationaux et régionaux" afin de "peser réellement dans les négociations mondiales" reste un défi, souligne Jeune Afrique, qui rappelle que l’Afrique du Sud elle-même reste l’un des pays où les inégalités sont les plus marquées au monde.

© afp.com/Thomas Mukoya

Vue d'ensemble de chefs d'Etat au début d'un sommet des dirigeants du G20 au centre d'expositions Nasrec de Johannesburg (Afrique du Sud), le 22 novembre 2025
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Face à Vladimir Poutine et Xi Jinping, l’Europe est en guerre... et elle ne le sait pas

Les Norvégiens viennent de descendre un bus électrique "made in China" dans les tréfonds d’une mine sous une montagne pour tester, sans interférence extérieure, la possibilité qu’il soit rendu inopérant par une action télécommandée. Bingo ! Ils ont découvert qu’une simple carte SIM permet au constructeur Yutong, ou à un hacker ayant pénétré son système informatique, d’actualiser le logiciel du bus depuis son quartier général de Zhengzhou et donc, en théorie, de stopper le véhicule à volonté.

L’affaire a suscité la panique au Danemark et au Royaume-Uni, qui utilisent eux aussi des bus Yutong pour leurs transports publics. Elle est symptomatique de l’innocence et de la naïveté des Européens face aux menaces posées par les puissances autoritaires. L’Europe est la cible d’une guerre secrète qui bat son plein. Beaucoup de ses responsables politiques et de ses habitants l’ignorent ou ne veulent pas la voir.

En témoignent les réactions outragées qui ont suivi ces derniers jours les propos du chef d’état-major des armées françaises, le général Fabien Mandon, sur la nécessaire "force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est", y compris le cas échéant en acceptant de "perdre ses enfants". Rien que de banal pour un chef militaire chargé de défendre la nation en temps de guerre contre les malfaisants qui la prennent pour cible.

Car l’histoire des bus Yutong n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres. Le mois dernier, un groupe de parlementaires européens a alerté la Commission européenne sur la découverte de dispositifs de communication dans des onduleurs chinois utilisés dans des panneaux photovoltaïques. Il serait ainsi possible à Pékin d’utiliser cette faille de sécurité pour provoquer un "crash" soudain de nos réseaux électriques et paralyser, le jour où le Parti communiste chinois le jugera nécessaire, une bonne partie du Vieux Continent.

"Les bombes hybrides" de la Russie

La Chine se contente pour l’instant de poser des jalons mais la Russie, elle, est déjà passée à un mode d’action beaucoup plus agressif. Moscou multiplie les actes hostiles sur le sol européen : sabotages d’infrastructures essentielles, campagnes de désinformation, attaques cyber, tentatives d’assassinats ciblés, actes de déstabilisation… Dernier incident grave en date, l’attentat à l’explosif qui a endommagé le 16 novembre la ligne de chemin de fer reliant Varsovie à Lublin en Pologne, utilisée pour acheminer l’aide militaire en Ukraine. La main de Moscou ne fait aucun doute aux yeux des enquêteurs.

Même le ministre de la Défense de Giorgia Meloni, membre d’un gouvernement pourtant peu suspect de russophobie, s’est inquiété dans un mémorandum publié cette semaine de la passivité "absurde" des Européens face à la guerre hybride qui les vise. "Les bombes hybrides tombent sans discontinuer ; il est temps d’agir" écrit Guido Crosetto, qui place la Russie au premier rang des coupables. Dans ce type de conflits, l’agresseur prend soin de rester en dessous du seuil à partir duquel l’agressé serait obligé de réagir. Cela contribue à anesthésier les opinions publiques. "Si nous étions attaqués par des envahisseurs, nous ne nous contenterions pas de rester à la maison en espérant qu’ils s’en aillent", observe Crosetto.

Les Européens ressemblent à l’ennemi qui ignore qu’il l’est, décrit par l’humoriste français Pierre Desproges en 1984 : "L’ennemi est sot ; il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui". Si l’Europe a le plus grand mal à concevoir qu’elle est attaquée, c’est qu’elle se voit comme une puissance pacifique. Depuis le cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, elle s’est édifiée contre le nationalisme. Elle qui a colonisé le monde aux siècles passés a renoncé à tout impérialisme. Son mode de fonctionnement est fondé sur le respect du droit et la fabrique du compromis.

Or, c’est précisément pour cela qu’elle est prise pour cible. Son succès dérange. Sa démocratie, sa liberté, sa civilisation sont visées, parce que le simple fait qu’elles suscitent des envies est considéré comme une menace par les autocrates, qu’ils soient russes, chinois, iraniens ou encore azerbaïdjanais - sans oublier les islamistes. Aux yeux de beaucoup de puissances haineuses sur la planète, y compris dans la sphère Maga de l’Amérique trumpienne, l’ennemi, ce sont les Européens. Pour riposter, ceux-ci devront passer du pacifisme militant à une posture de dissuasion qui soit crédible. Car pour préserver la paix dans un monde de brutes, il faut préparer la guerre, comme on le sait depuis l’Antiquité.

© AFP

Vladimir Poutine et Xi Jinping à Moscou, le 8 mai 2025.
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Ce que l’on sait de l'étonnante rencontre entre Donald Trump et Zohran Mamdani à la Maison-Blanche

Une bromance inattendue. Vendredi, le président américain Donald Trump et le prochain maire démocrate de New York, Zohran Mamdani, récemment élu, se sont rencontrés dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche. Une rencontre qualifiée de cordiale par les observateurs présents et lors de laquelle, malgré leurs divergences politiques, ils ont assuré qu’ils travailleraient en bonne intelligence, notamment sur la question du coût de la vie.

"Un excellent maire"

"Je pense, je l’espère, que vous allez avoir un excellent maire. Plus il réussira, plus je serai content. […] Nous allons l’aider à réaliser le rêve de tout le monde, avoir un New York fort et très sûr", a déclaré le président américain - qui avait pourtant qualifié Zohran Mamdani de "communiste fou" et d'"imbécile" à plusieurs reprises pendant la campagne municipale, tandis que ce dernier qualifiait le président de "despote". "On a dit de moi des choses bien pires que despote. Donc ce n’est pas si insultant que ça. Peut-être qu’il changera d’avis", a réagi Donald Trump à une question à ce sujet de l’un des journalistes présents.

Devant les journalistes, Donald Trump, lui-même new-yorkais, a selon l’AFP presque semblé prendre sous son aile le socialiste démocrate de 34 ans. Comme le souligne le Washington Post, cette entente est allée à l’encontre "de presque toutes les attentes de leurs électorats respectifs", Donald Trump affirmant même qu’il se sentirait enfin à l’aise de retourner vivre à New York avec ce nouveau maire. Zohran Mamdani, lui, a déclaré avoir "beaucoup apprécié cette rencontre avec le président. Comme il l’a dit, ce fut une réunion productive, axée sur un lieu d’admiration et d’amour communs, à savoir la ville de New York."

Une discussion axée sur le coût de la vie et la sécurité

Les deux politiciens semblent s’être entendus sur la question du coût de la vie, excessif pour leurs bases politiques respectives.

Working people have been left behind in New York. In the wealthiest city in the world, one in five can't afford $2.90 for the train or bus. As I told Trump today— it’s time to put those people right back at the heart of our politics. pic.twitter.com/PUVQfuT38s

— Zohran Kwame Mamdani (@ZohranKMamdani) November 21, 2025

Selon une retranscription de la rencontre effectuée par le New York Times, Zohran Mamdani a dit avoir "dit au président que notre campagne s’était largement concentrée sur la crise du coût de la vie". "Nous avons également discuté de la nécessité d’offrir des logements abordables aux New-Yorkais, ces huit millions et demi de personnes qui ont élu domicile dans notre ville et qui ont du mal à joindre les deux bouts dans la ville la plus chère des États-Unis. Nous avons parlé des loyers. Nous avons parlé des courses. Nous avons parlé des services publics", a ajouté le nouveau maire élu de New York. "J’ai apprécié la conversation, et j’ai hâte de travailler ensemble pour offrir cette accessibilité financière aux New-Yorkais", a-t-il ajouté.

A ce sujet, "nous devons convaincre Con Edison (entreprise énergétique, NDLR) de commencer à baisser ses tarifs", a déclaré Donald Trump dans le bureau Ovale, ce à quoi Zohran Mamdani a acquiescé. "Il veut voir des maisons se construire, il veut voir beaucoup de maisons créées, beaucoup d’appartements construits, etc.", a ajouté Donald Trump selon le Washington Post. "Nous sommes d’accord sur beaucoup plus de choses que je ne le pensais […] Je veux qu’il fasse du bon travail, et nous l’aiderons à faire du bon travail."

La question de la sécurité de la ville a semble-t-il également occupé une grande partie de leur rencontre. "Nous en avons longuement discuté", a affirmé Donald Trump ensuite devant la presse. "Peut-être plus que de tout autre sujet. Il veut que New York soit une ville sûre. […] Si elle n’est pas sûre, peu importent nos efforts en matière de prix et tout le reste, […], si les rues ne sont pas sûres, ce ne sera pas un succès."

Zohran Mamdani sur un fil

En réalité, le démocrate, au-delà de leurs désaccords, ne peut se permettre une totale rupture avec le président républicain, qui avait menacé tout au long de la campagne municipale de couper des fonds fédéraux destinés à New York et a envoyé la Garde nationale dans plusieurs bastions démocrates. "Bien qu’il n’ait abandonné aucun de ses objectifs politiques, le fait que Zohran Mamdani conserve certains hauts responsables de l’administration (sortante), qu’il avait pourtant vertement critiquée, semble indiquer que sa révolution aura des garde-fous", a jugé auprès de l’AFP Grant Reeher, professeur de politique à l’Université de Syracuse.

Selon le Washington Post, "certains républicains se sont ensuite plaints en privé des éloges de Trump à l’égard de Mamdani, l’un d’entre eux suggérant qu’il avait trahi son propre parti". Lors de la campagne pour la mairie de New York, Donald Trump avait soutenu son principal adversaire Andrew Cuomo, ex-gouverneur démocrate de l’Etat. Mais le 4 novembre, Zohran Mamdani l’a emporté avec plus de 50 % des voix, avec une participation record de plus de 2 millions d’électeurs, du jamais vu depuis 1969.

© afp.com/Jim WATSON

Le nouveau maire de New York Zohran Mamdani, à gauche, et à sa droite le président américain Donald Trump, le 21 novembre 2025, à Washington
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Plan de paix pour l'Ukraine : Kiev discute avec Paris, Londres et Bruxelles des "prochaines étapes"

Volodymyr Zelensky a repoussé vendredi le plan américain qui vise à mettre fin à près de quatre ans d'invasion russe, perçu à Kiev comme très favorable au Kremlin, assurant qu'il ne "trahirait" pas son pays. Son homologue russe Vladimir Poutine a de son côté menacé de poursuivre les conquêtes en cas de refus.

Le plan demande notamment à Kiev de céder des territoires à la Russie, renoncer à intégrer l'Otan, réduire ses forces armées et organiser des élections dans la foulée. Donald Trump a fait nettement pression vendredi pour que l'Ukraine souscrive à son projet, si possible sous une semaine, en lançant qu'il "faudrait bien" que ce plan convienne à Kiev.

L'Ukraine et ses alliés européens s'activent samedi pour trouver dans l'urgence une réponse au plan américain. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé que les dirigeants européens présents à Johannesburg pour le sommet du G20 se réuniraient samedi à ce sujet.

12h46

L'Ukraine va entamer des "consultations" en Suisse avec les Américains sur un "futur accord de paix" avec Moscou

L'Ukraine va mener prochainement des pourparlers en Suisse avec les Etats-Unis pour discuter du plan de Donald Trump pour mettre fin à la guerre avec la Russie, a annoncé samedi un haut responsable ukrainien. "Dans les prochains jours, nous lancerons en Suisse des consultations entre de hauts responsables ukrainiens et américains sur les paramètres possibles d'un futur accord de paix", a indiqué sur Facebook Roustem Oumerov, à la tête du Conseil de sécurité ukrainien.

"L'Ukraine aborde ce processus avec une compréhension claire de ses intérêts. Il s'agit d'une nouvelle étape du dialogue qui se poursuit depuis quelques jours et qui vise principalement à harmoniser notre vision des prochaines étapes", a-t-il ajouté.

Le président Volodymyr Zelensky a signé de son côté samedi un décret formant la délégation qui sera chargée de participer "au processus de négociation avec les États-Unis et d'autres partenaires internationaux de l'Ukraine, ainsi qu'avec des représentants de la Russie". Selon ce décret, la délégation sera menée par le bras droit de Volodymyr Zelensky, le chef de la présidence Andriï Iermak, et comprendra entre autres Roustem Oumerov, les chefs des services de sécurité et de renseignement et le chef d'état-major. Soit une délégation essentiellement militaire.

01h04

Kiev discute avec Paris, Londres et Bruxelles des "prochaines étapes"

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andriï Sybiga a indiqué avoir discuté vendredi soir avec plusieurs homologues européens, dont ceux de la France et du Royaume-Uni, des "prochaines étapes" face au plan de Donald Trump pour régler le conflit avec la Russie. Dans la foulée d'une série d'entretiens avec des responsables européens dans la journée, Andriï Sybiga a tenu un appel commun avec les chefs de la diplomatie français Jean-Noël Barrot, britannique Yvette Cooper, finlandaise Elina Valtonen et de l'UE Kaja Kallas.

"J'ai fait part des résultats des récents contacts du président (Volodymyr) Zelensky et exposé la logique de nos prochaines étapes", a-t-il indiqué sur X, précisant que des "représentants de l'Italie et de l'Allemagne" avaient participé à la conversation. "Nous avons discuté en détail des éléments des propositions de paix présentées par les États-Unis et de notre travail commun pour ouvrir la voie à une paix juste et réalisable", a-t-il ajouté, appelant à "maintenir une pression transatlantique pour forcer la Russie à mettre fin à la guerre".

Yvette Cooper a indiqué pour sa part que l'entretien visait à "réaffirmer le soutien (britannique) pour une paix juste et durable et se coordonner concernant les prochaines étapes". "Nous devons garantir un cessez-le-feu complet et créer l'espace nécessaire pour des négociations constructives", a-t-elle insisté sur X.

22h31

Pour Trump, il "faudra bien" que son plan convienne à Kiev

Donald Trump a fait nettement pression vendredi pour que l'Ukraine souscrive à son projet de règlement du conflit avec la Russie, si possible sous une semaine, en lançant qu'il "faudrait bien" que ce plan convienne à Kiev. "Il faudra bien que cela lui plaise, et si cela ne lui plaît pas, alors, vous savez, ils n'auront qu'à continuer à se battre", a dit le président américain, interrogé sur le rejet de son projet par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Pendant un échange avec la presse dans le Bureau ovale, alors qu'il recevait le futur maire de New York Zohran Mamdani, Donald Trump a aussi rappelé comment il avait très sèchement lancé à son homologue ukrainien qu'il n'avait "pas les cartes en main", pendant une rencontre en février.

Le républicain de 79 ans, contrarié de n'avoir pas réussi jusqu'ici à mettre fin à la guerre déclenchée en février 2022 par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, veut maintenant accélérer. "J'ai eu beaucoup de dates butoirs et quand les choses vont bien, la tendance est de repousser les dates butoirs. Mais jeudi est, nous pensons, un moment adéquat", a-t-il dit sur Fox News Radio, interrogé sur le délai qu'il donnait à l'Ukraine pour accepter.

"Ils ont été très courageux", a-t-il lancé à propos des combattants ukrainiens. Le président russe Vladimir Poutine "ne veut pas plus de guerre", a encore assuré le dirigeant républicain, interrogé sur l'éventualité que la Russie attaque après l'Ukraine d'autres pays de la région. Il a affirmé que son homologue russe était "puni" par la durée du conflit, bien plus longue que ce qu'envisageait Moscou quand la Russie a envahi l'Ukraine en février 2022.

© AFP

Cette photo prise et diffusée par le service de presse présidentiel ukrainien le 21 novembre 2025 montre le président ukrainien Volodymyr Zelensky écoutant attentivement lors d'un appel téléphonique avec le président français, le Premier ministre britannique et la chancelière allemande, assis dans son bureau à Kiev. Les dirigeants allemand, français, britannique et ukrainien ont souligné le 21 novembre 2025 la nécessité de préserver « les intérêts vitaux de l'Europe et de l'Ukraine », a déclaré Berlin, après que les États-Unis ont présenté un plan exigeant de nombreuses concessions de la part de Kiev. (Photo par Handout / SERVICE DE PRESSE PRÉSIDENTIEL UKRAINIEN / AFP) / RÉSERVÉ À UN USAGE ÉDITORIAL - CRÉDIT OBLIGATOIRE « AFP PHOTO / SERVICE DE PRESSE PRÉSIDENTIEL UKRAINIEN » - PAS DE MARKETING NI DE CAMPAGNES PUBLICITAIRES - DISTRIBUÉ À TITRE DE SERVICE AUX CLIENTS
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"Les Afghanes subissent un apartheid de genre" : l'appel à l'aide d’Ahmad Massoud

Il est le fils du Commandant Ahmed Chah Massoud, le héros de la résistance contre l’Armée rouge dans les années 80 et symbole de la lutte contre les talibans en Afghanistan, assassiné le 9 septembre 2001. Depuis la chute de Kaboul en août 2021, Ahmad Massoud a fondé le Front national de la résistance, regroupant militaires et personnalités politiques opposées au régime taliban. De passage en France, il était l’invité exceptionnel des Rencontres de l’Avenir, le 8 novembre dernier à Saint-Raphaël où il a livré sa vision de la lutte contre l’autoritarisme. Entretien.

L'Express : Après votre père, vous poursuivez aujourd’hui le combat pour un Afghanistan démocratique et affrontez le même ennemi que lui, il y a vingt-cinq ans. Votre pays n’a-t-il pas changé depuis ?

Ahmad Massoud : Si l’Afghanistan a beaucoup changé depuis le retour des talibans au pouvoir, la réponse n’est pas unilatérale. La tyrannie est la même mais il y a tout de même des différences. Je crois même que c’est encore plus dur que du temps de mon père. Les talibans reçoivent trop de soutien au niveau international.

Par ailleurs, il n’y avait pas à l’époque de sujet de lassitude vis-à-vis de la question afghane. Peut-être est-ce trop tard pour rattraper le coup. Dans tous les cas, ce qui n’a pas changé depuis un quart de siècle, et ce malgré notre isolement, c’est que la France reste à l’avant-garde de cette lutte pour nous soutenir et pour les droits de l’homme.

Pourquoi la communauté internationale semble-t-elle fermer les yeux sur la situation actuelle en Afghanistan ?

Le problème majeur est l’incompréhension de ce qui se passe à l’intérieur. Il y a plus de vingt ans, mon père est venu en France pour porter un message. Il a parlé du terrorisme qui menaçait la société mondiale. Malheureusement il n’a pas été entendu et il a été assassiné par ces mêmes terroristes. L’intervention alliée qui a suivi ne pouvait pas résoudre tout le problème.

L’Afghanistan est un pays multiculturel et multiethnique, les derniers modèles centralisés de gouvernance ont détourné le pays de son rôle de terre internationale à la croisée des chemins vers celui d’une impasse de la civilisation et de victime des jeux géopolitiques. Dans cette situation d’abandon, le peuple a perdu ses soutiens tandis que les talibans en ont gagné. C’est décourageant mais je garde espoir.

Dans le jeu géopolitique, diriez-vous que le monde occidental aujourd’hui est trop occupé ailleurs pour s’occuper des talibans ? Qu’attendez-vous réellement du monde occidental aujourd’hui ?

Certainement la situation n’est pas la même qu’il y a vingt ans. Les pays occidentaux, la communauté occidentale, ont d’autres priorités, et peut-être que ce n’est pas le bon moment pour nous. Mais nous ne savons pas combien de temps nous allons attendre notre tour. Nous devons continuer d’y croire, même si l’Afghanistan ne peut passer devant les priorités internationales. En revanche, il nous faut trouver une solution pour soutenir la démocratie. Autrement, une autre crise pourra s’installer dans cinq ou dix ans.

Cette moindre attention accordée à l’Afghanistan viendrait-elle du fait que votre pays ne fait plus peur à la communauté internationale ?

Ce n’est pas seulement la question de faire peur. Il s’agit aussi d’une volonté de partager ensemble des valeurs. Les talibans s’efforcent de présenter les choses autrement. Selon eux, 25 000 jeunes djihadistes ont été formés en Afghanistan depuis quatre ans dans le but de tuer. Imaginez la situation dans cinq ou dix ans. C’est pourquoi je considère que la lutte doit être menée maintenant. Nous sommes déjà des victimes de cette situation, c’est pour ça que je suis là pour appeler à une mobilisation commune.

Vous dites refuser une intervention militaire en Afghanistan, mais votre propre groupe de résistance est lui-même armé…

Mon père disait déjà il y a vingt-cinq ans que nous sommes capables de lutter nous-mêmes pour notre liberté. Ce que nous demandons, c’est un soutien politique autour des valeurs internationales, de la démocratie et des droits de l’homme. Nous avons essayé de parler avec les talibans, d’établir un dialogue mais en vain.

Il appartient désormais aux Afghans de se réunir pour construire un avenir commun. Ce que vous pouvez faire, c’est prendre des décisions politiques, et de notre côté, nous nous battrons quoi qu’il arrive.

Comment arrivez-vous à perpétuer l’héritage de votre père ?

Mon père n’a jamais lutté juste pour lutter, il avait toujours une raison mener son combat : la liberté contre la tyrannie. Il s’est battu contre les Soviétiques puis contre les talibans, pour faire triompher la liberté. Il a été le premier personnage politique à signer un texte sur les droits de la femme, et plus généralement il militait pour donner aux gens le droit de décider de leur avenir. Aujourd’hui, avec le Front national de résistance, nous partageons cette même vision. Pas seulement les armes, mais aussi l’idée d’un Afghanistan démocratique et multiculturel.

Ce régime en place à Kaboul transforme votre pays en prison, efface le rôle des femmes que ça soit à l’école, dans les universités ou dans les espaces publics. Selon vous, quelles seraient les trois mesures d’urgence à prendre pour lutter contre cet enfermement ?

D’abord soutenir les femmes en leur donnant accès à l’éducation. Je suis pour la fermeture des écoles pour les femmes telles qu’elles existent aujourd’hui : je ne veux pas qu’elles soient éduquées à l’école des talibans. Depuis vingt ans, l’Afghanistan a créé une structure de réseau Internet partout dans le pays. Nous pourrions lancer des cours, des écoles, des universités en ligne. Ça serait un énorme pas et une aide essentielle pour donner aux femmes des opportunités d’avenir.

Deuxième mesure, il faut que les femmes se rassemblent, qu’elles puissent avoir une vraie voix, pas seulement la mienne. Qu’il y ait une femme à mes côtés pour en parler parce qu’elles sont les victimes, elles ont été négligées et oubliées depuis trop longtemps.

Enfin, je prône des mesures de responsabilité. Les talibans ont supprimé de façon systématique les droits des femmes. Or ils voyagent partout sans être inquiétés. Nous devons lancer un mécanisme de responsabilité pour les talibans et reconnaître que les femmes subissent un apartheid de genre, une ségrégation profonde. Les témoignages sont clairs : il faut que tout le monde reconnaisse juridiquement ce qu’elles subissent. Et les responsables doivent être livrés à la justice.

Pensez-vous que l’on puisse utiliser cette notion d’apartheid de genre sur le plan juridique et diplomatique ?

Bien sûr ! Il existe déjà des sanctions que la Cour pénale internationale peut mettre en place. Mais le nombre de crimes commis par les talibans est incomparable. J’ai la conviction que pour soutenir la démocratie et l’opposition en général, l’apartheid de genre doit être reconnu.

N’oublions pas que les talibans, depuis quatre ans, n’ont aucun projet pour le pays. Ils publient des rapports expliquant qu’ils ont résolu "58 cas de droits des femmes et retenu neuf sorcières". Ce sont des arriérés, c’en est presque risible… Et pourtant, ils semblent en être très fiers. Condamner les responsables est une priorité.

Le 3 juillet dernier, la Russie a officiellement reconnu le gouvernement taliban. Quelle est votre réponse à Moscou ?

Ce pas politique de la Russie était décevant. Ça ne change pas beaucoup de choses, mais nous considérons cela comme une faute. Ce n’est pas la reconnaissance internationale qui rend le gouvernement légitime. Il doit avoir l’accord du peuple et évoluer en fonction de lui.

Du temps de la République [NDLR : la République islamique d’Afghanistan, 2004-2021], notre pays touchait 3 milliards de dollars à travers les dons internationaux. Pour ça, l’Afghanistan avait des comptes à rendre auprès des comités internationaux. Maintenant, les talibans reçoivent presque le même montant mais n’ont aucune obligation. Par conséquent, ils financent des groupes terroristes. Si un pays essaie de reconnaître l’Etat qui se comporte de cette manière, bravo, mais le peuple local, lui, n’y consent pas.

Vous avez expliqué que le poème Quand je mourrai, de Rumi [NDLR : poète et théologien persan, 1207-1273], vous avait beaucoup aidé à surmonter vos épreuves personnelles ainsi que celles de votre pays. Pourquoi ?

Ce poème me rappelle une expérience personnelle profonde. Nous sommes aujourd’hui face à un danger important. Bien sûr que c’est une fierté de représenter mes valeurs et le peuple le plus fabuleux du monde, mais mes années sont comptées, la vie va ainsi. Rumi était un poète philosophe. Son poème dit : quand je meurs, ne me pleure pas, ne sois pas désolé. Pense plutôt à ce que j’ai fait. Quand tu m’enterreras, ne pense pas que je suis parti à jamais. Quelle graine plantée n’a pas poussé ? Ne doute pas de la graine de l’humanité. Quand j’y réfléchis, je ferme les yeux, j’attends et j’anticipe la beauté du futur. Pour moi, c’était l’explication du futur et ça me motive tout le temps. C’est important de savoir comment on vit et comment on meurt.

Est-ce que vous pensez pouvoir revenir dans votre pays ?

Je me le dis chaque jour et je pense que c’est pareil pour chaque Afghan. Nous vivons tous avec l’espoir d’un avenir meilleur. Il n’y a rien de plus important : le pays avant tout, avant ma famille, avant mes enfants, avant ma vie.

Nous avons tous la volonté de construire un pays différent, libre, en prospérité. Que les filles puissent aller à l’école et que les garçons puissent être heureux.

© afp.com/JOEL SAGET

Ahmad Massoud, fils du commandant afghan Ahmad Massoud, à Paris le 22 mars 2021
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Corruption en Ukraine : le scandale Midas se rapproche de Zelensky

Le 10 novembre, à l’aube, des enquêteurs du Bureau national anticorruption (NABU) ont perquisitionné un complexe résidentiel de la rue Mykhaïlo Hrouchevsky, à proximité immédiate de Bankova, siège de la présidence ukrainienne, à Kiev. Après quinze mois d’investigations et plus de mille heures d’écoutes téléphoniques, ils ont fouillé les appartements luxueux appartenant à un proche de Volodymyr Zelensky.

Dans le cadre de l’opération baptisée "Midas", environ soixante-dix bureaux et résidences, y compris celles de plusieurs ministres, ont été perquisitionnés et cinq personnes arrêtées. Timour Minditch, propriétaire des appartements susnommés, avait disparu quelques heures auparavant, franchissant la frontière polonaise avant de s’envoler vers Israël, dont il possède la nationalité.

Peu connu du grand public, Minditch faisait partie du premier cercle de Zelensky, un lien que le président cherche désormais à minimiser. C’est dans l’un des appartements perquisitionnés de l’homme d’affaires, au 18e étage, offrant une vue panoramique sur le Dnipro, que Zelensky avait fêté son anniversaire en 2021, en pleine période de confinement. À cette époque, l’ex-comédien devenu chef d’État vivait quelques étages plus bas. Producteur de cinéma et ancien associé de l’oligarque Ihor Kolomoïsky, il est aussi l’un des cofondateurs du studio Kvartal 95 avec Zelensky, avant que ce dernier ne cède ses parts lors de sa campagne présidentielle en 2019.

Attaque sur les institutions anticorruption

D’après plusieurs médias ukrainiens, Minditch occupe une place centrale dans le plus vaste scandale des six années et demie de présidence Zelensky. L’affaire a éclaté avec les arrestations et perquisitions la semaine dernière : des responsables actuels et anciens, dont certains dans l’entourage du président, sont accusés d’avoir manipulé des contrats d’Energoatom, l’entreprise publique de l’énergie nucléaire, afin d’en détourner une partie des fonds. Les suspects exigeaient des sous-traitants jusqu’à 15 % de la valeur des contrats conclus pour conserver leur statut de fournisseur. Selon les enquêteurs, ce réseau aurait blanchi environ 100 millions de dollars via un bureau secret à Kiev.

Des contrats prévus pour renforcer la protection des sites énergétiques ont été retardés, un cadre impliqué d’Energoatom ayant exigé des commissions supplémentaires. Ces révélations ont scandalisé une population ukrainienne qui vit au rythme des coupures d’électricité et des bombardements russes et fragilisent davantage le leadership de Zelensky, déjà sous forte pression alors que circule à Washington et Moscou une nouvelle proposition de cessez-le-feu favorable à la Russie.

"Cette affaire pourrait être une conséquence du mode de gouvernance de Volodymyr Zelensky, fondé sur la trop grande confiance accordée à un cercle restreint", explique Oleksandr Salizhenko, expert de l’ONG de surveillance de la vie politique ukrainienne Chesno. "Mais elle tient aussi à l’absence d’élections prolongée à cause de la loi martiale. Plus un dirigeant reste en fonction, plus les liens informels se développent. Tous ces facteurs ont préparé le terrain à cette crise."

"Depuis le 24 février 2022, et l’invasion russe à grande échelle, Minditch a accru son influence économique et politique. Selon le média Oukraïnska Pravda, c’est lui qui aurait conseillé à Zelensky de nommer Oleksiy Tchernychov vice-Premier ministre, et personnage clé de l’affaire Midas. Zelensky l’avait placé à la tête d’un Ministère de l’Unité spécialement créé pour lui, chargé d’aider les Ukrainiens à l’étranger à rentrer en Ukraine. "Il est difficile de mesurer ce que Zelensky savait réellement, mais il a simultanément attaqué les institutions anti-corruption, alors qu’elles enquêtaient ou inculpaient ses proches", notamment Minditch et Tchernyshov, poursuit l’analyste. Tchernyshov arrêté dans le cadre de l’opération Midas il y a deux semaines, avait déjà été limogé en juillet 2025, à la suite de son inculpation pour corruption et abus de pouvoir en juin.

Obstacle délibéré à l’enquête

Cette année, alors que l’enquête du NABU sur Energoatom s’intensifiait, ses agents ont dû faire face à des tentatives de blocage. En juillet, Ruslan Magomedrasulov, détective travaillant sur l’affaire, a été arrêté par les services de sécurité ukrainiens (SBU), une agence dirigée par un homme nommé par le président. Il reste en détention provisoire sous l’accusation d’avoir eu des liens avec la Russie. Les activistes anticorruption considèrent cette arrestation comme un obstacle délibéré à l’enquête.

Le lendemain de l’arrestation du détective, le Parlement ukrainien a adopté une loi privant le NABU et le parquet anticorruption (SAP) de leur indépendance, soumettant ainsi de facto leurs activités à un contrôle présidentiel. Zelensky a signé cette loi, mais a fait marche arrière face à des manifestations nationales massives défendant ces institutions issues de la révolution de Maïdan, en 2014.

Le NABU affirme par ailleurs qu’une partie des pots-de-vin aurait transité par des bureaux liés à Andriy Derkatch, ancien député prorusse. Des enregistrements audios laissent entendre qu’une fraction des fonds a été envoyée à Moscou. Formé à l’académie du KGB, ancien patron d’Energoatom dans les années 2000 et figure centrale du secteur énergétique ukrainien, Derkatch a siégé au Parlement ukrainien pendant vingt-cinq ans avant d’être déchu de sa nationalité en 2023. En 2022, il a fui en Russie où il a été nommé sénateur.

La société civile espère que ce scandale poussera enfin Zelensky à faire de la lutte contre la corruption une priorité. Ce dernier a tenté de réagir fermement face aux allégations. Il a exigé la démission de deux ministres, dont l’un serait impliqué dans le système de rétrocommissions d’Energoatom, et a imposé des sanctions contre Timour Minditch. Il a annoncé un audit des entreprises publiques et prévoit une réorganisation complète du ministère de l’Énergie sous une nouvelle direction. Mais, la population et plusieurs députés — y compris au sein du parti présidentiel — estiment ces mesures insuffisantes et réclament une refonte en profondeur.

Lors d’une séance parlementaire mercredi, certains députés d’opposition ont exigé un remaniement gouvernemental, voire la formation d'"un gouvernement d’unité nationale" incluant des membres de l’opposition. Une dizaine de parlementaires du parti de Zelensky ont également demandé des changements ministériels.

Certains réclament le départ d’Andriy Yermak, chef controversé du cabinet présidentiel. "Si la demande vient uniquement de l’opposition, Zelensky ne le renverra pas. Mais si elle émane d’une partie de son parti, de nos partenaires, surtout européens, il pourrait y réfléchir", prédit le politologue Volodymyr Fessenko. Le remplacer ne serait toutefois pas aisé. "Licencier Yermak maintenant équivaudrait à se couper le bras droit. Il est central dans le système de gestion de Zelensky", poursuit ce spécialiste. Lors d’une réunion très attendue avec des figures de son parti jeudi soir, le président a exclu tout nouveau départ. S’il est fragilisé, "Zelensky lui-même n’est pas menacé et personne n’appelle à sa démission, d’autant qu’il n’est pas cité dans l’affaire", avance Volodymyr Fessenko. "L’opposition sait qu’une vacance du pouvoir serait catastrophique et même dangereuse pour l’Ukraine", ajoute-t-il.

"Chaque scandale de corruption entraîne des licenciements ponctuels, mais ce n’est pas suffisant. Les responsables doivent aussi être jugés lors d’un procès, conformément à la législation ukrainienne", s’insurge Oleksandr Salizhenko, de l’ONG Chesno. De fait, le bureau du procureur spécial anticorruption se plaint régulièrement du manque de moyens pour engager les procès des suspects. Cette situation sert de levier au pouvoir pour retarder les procédures jusqu’à ce que les délais de prescription expirent. L’affaire est loin d’être close. Les enquêteurs ont en effet souligné à plusieurs reprises que de nouvelles révélations sont à venir.

© afp.com/NICOLAS TUCAT

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprime depuis Bruxelles le 23 octobre 2025
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L'UE lance une procédure d'infraction contre la Slovaquie pour des changements constitutionnels

La Commission européenne a annoncé vendredi 21 novembre lancer une procédure d'infraction contre la Slovaquie après des changements constitutionnels visant à faire primer le droit national sur le droit européen.

Adoptés en septembre, ces amendements stipulent entre autres que "la Slovaquie conserve sa souveraineté en matière d'identité nationale (...), de santé, de science, d'éducation" ou "d'état civil" et restreignent les droits des couples de même sexe. Autant de modifications qui avaient été présentées comme une "étape historique" pour le Premier ministre nationaliste, Robert Fico. Mais la Commission les juge contraires "au principe de primauté du droit européen".

Robert Fico n'envisage pas de modifier l'amendement

L'exécutif européen assure avoir fait part de ses préoccupations auprès de autorités slovaques "avant l'adoption des amendements" et regrette qu'elles "n'aient pas été prises en compte".

La Slovaquie dispose désormais de deux mois pour répondre aux préoccupations soulevées par la Commission, mais Robert Fico a d'ores et déjà affirmé vendredi qu'il n'envisageait pas de modifier l'amendement. "Je peux confirmer à cent pour cent qu'il n'y aura aucun changement", a-t-il déclaré aux journalistes.

La Hongrie voisine de Viktor Orban a adopté des mesures similaires et fait aussi l'objet d'une procédure d'infraction de l'Union européenne. Par le passé, la primauté du droit européen avait déjà été remise en cause en 2021 par la Pologne en violation des traités, selon Bruxelles.

© afp.com/PETER LAZAR

Le Premier ministre slovaque Robert Fico à Kosice en Slovaquie, le 17 octobre 2025.
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