La France recommande aux ressortissants français de quitter temporairement le Mali "dès que possible", alors que la capitale Bamako et de nombreuses régions du pays sont peu à peu asphyxiées par un blocus djihadiste, selon une note aux voyageurs postée vendredi 7 novembre par le ministère français des Affaires étrangères.
"Depuis plusieurs semaines, le contexte sécuritaire se dégrade au Mali, y compris à Bamako", souligne cette note. "Il est recommandé aux ressortissants français de prévoir un départ temporaire du Mali dès que possible par les vols commerciaux encore disponibles", ajoute-t-elle, précisant que "les déplacements par voie terrestre restent déconseillés, car les routes nationales sont actuellement la cible d'attaques de groupes terroristes".
Le ministère rappelle en outre qu'il "reste formellement déconseillé de se rendre au Mali, quel que soit le motif". Interrogé par l'AFP, il n'était pas immédiatement en mesure de dire si la consigne s'adresse également aux personnels de l'ambassade.
Hausse marquée des violences djihadistes ces derniers jours
Jeudi, le porte-parole du ministère Pascal Confavreux avait souligné que la France suivait "avec une grande attention et avec une véritable préoccupation" la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, où les violences djihadistes ont redoublé d'intensité ces derniers jours.
Pour l'heure, "le dispositif diplomatique est inchangé, avec l'ambassade de France ouverte, dirigée par un chargé d'affaires qui s'occupe notamment de la protection consulaire de nos 4.300 ressortissants inscrits sur la liste consulaire", avait-il indiqué. "Leur sécurité est prioritaire", avait-il insisté.
Depuis 2012, le Mali fait face à une profonde crise sécuritaire, nourrie notamment par les violences des djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaïda) et de l'organisation Etat islamique (EI), ainsi que de groupes criminels communautaires. Et depuis plusieurs semaines, les djihadistes du JNIM imposent jusqu'à Bamako un blocus sur les importations de carburant, étranglant l'économie du pays sahélien enclavé.
La semaine dernière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient annoncé l'évacuation de leur personnel "non essentiel" et de leurs familles face à la dégradation de la situation.
Les Etats-Unis ont accusé vendredi 7 novembre l'Iran d'avoir voulu assassiner l'ambassadrice d'Israël au Mexique, dans ce qui serait la dernière tentative en date de Téhéran d'exporter dans une autre région le conflit entre les deux pays. "Le complot a été déjoué et ne représente pas actuellement une menace", a déclaré un responsable américain sous le couvert de l'anonymat.
Selon la même source, ce projet d'assassinat a été initié en 2024 par la Force Qods, branche des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran et a été déjoué cette année.
"Ce n'est que le dernier épisode d'une longue série d'attaques meurtrières perpétrées par l'Iran visant des diplomates, journalistes, dissidents et toute personne en désaccord avec eux, ce qui devrait vraiment inquiéter tous les pays où il y a une présence iranienne", a ajouté le responsable américain. Il n'a cependant pas fourni de preuves détaillées, ni expliqué comment le complot avait été déjoué.
Des agents iraniens ont cherché des cibles en Amérique latine
Les services de renseignement américains avaient déjà annoncé que des agents iraniens avaient cherché des cibles en Amérique latine, où la République islamique s'est alliée avec le président vénézuélien Nicolas Maduro.
La mission iranienne à l'ONU, interrogée par l'AFP, s'est refusée à tout commentaire. De son côté, le ministère israélien des Affaires étrangères a remercié Mexico. "Nous remercions les services de sécurité et les forces de l'ordre au Mexique d'avoir déjoué un réseau terroriste dirigé par l'Iran qui cherchait à attaquer l'ambassadrice d'Israël au Mexique", Einat Kranz Neiger, dit un bref communiqué.
L'origine du projet
Le projet serait né après les frappes aériennes imputées à Israël en avril 2024 sur l'annexe consulaire de l'ambassade d'Iran à Damas, en Syrie, provoquant la mort de plusieurs membres du corps des Gardiens de la révolution.
L'Iran, soutien de longue date du Hamas palestinien, avait alors juré de riposter et lancé une attaque de missiles et de drones contre Israël. En juin dernier, Israël a lancé une campagne de bombardements sans précédent contre l'Iran, tuant des hauts gradés et des scientifiques liés au programme nucléaire iranien ainsi que des centaines de civils. L'Iran a riposté avec des missiles et des drones lancés contre Israël. La guerre a duré 12 jours.
Sur ordre de Donald Trump, les forces américaines ont bombardé le 22 juin trois importants centres nucléaires dans le centre de l'Iran.
Les services de renseignement israéliens ont accusé par le passé la Force Qods de comploter contre des cibles israéliennes et juives à l’étranger. En 2024, l’Australie a expulsé l'ambassadeur de l’Iran qu'elle accusait d'être impliqué dans deux incendies volontaires - contre une synagogue à Melbourne et un restaurant casher à Sydney.
En 1994, un attentat à la bombe dans un bâtiment de Buenos Aires abritant plusieurs associations juives avait causé la mort de 85 personnes. Israël avait alors affirmé que l'attaque avait été perpétrée par le Hezbollah à la demande de Téhéran.
Des policiers montent la garde pour empêcher les manifestants de passer lors d’un rassemblement près de l’ambassade d’Israël à Mexico, au Mexique, le 20 septembre 2025, en soutien à la flottille mondiale Sumud, qui se dirige vers la bande de Gaza.
L’Union européenne a annoncé vendredi 7 novembre des règles plus strictes en matière de délivrance de visas pour les citoyens russes afin de renforcer sa sécurité après plusieurs attaques hybrides attribuées à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. "Lancer une guerre et s’attendre à pouvoir se déplacer librement en Europe est difficile à justifier", a souligné sur X la cheffe de la diplomatie de l’UE Kaja Kallas.
A compter de vendredi, les ressortissants russes ne pourront plus recevoir de visas à entrées multiples, mais uniquement des visas valables pour une seule entrée dans l’UE, a précisé la Commission européenne. Ces restrictions doivent permettre un examen plus attentif et répété des demandes de visa afin "de réduire tout risque potentiel pour la sécurité".
"Nous sommes désormais confrontés à des perturbations et des sabotages sans précédent causés par des drones sur notre territoire. Nous avons le devoir de protéger nos citoyens", a expliqué Kaja Kallas.
L’objectif est aussi de permettre une application uniforme dans tous les Etats membres, qui ont tous approuvé ces mesures. Des exceptions pour "des cas justifiés tels que les journalistes indépendants et les défenseurs des droits humains" sont prévus dans le cadre de ces nouvelles règles.
"Contre productif", selon la veuve d’Alexeï Navalny
Les 27 ont déjà renforcé les contrôles sur les déplacements des diplomates russes en poste dans les pays de l’UE. Certains pays de l’UE, parmi les plus hostiles à la Russie, plaident depuis longtemps pour limiter les déplacements dans l’UE des ressortissants russes.
Pour Ioulia Navalnaya, la veuve de l’opposant russe Alexeï Navalny, de telles restrictions donnent au contraire des arguments au Kremlin lorsqu’il dénonce l’hostilité de l’Occident à l’encontre du peuple russe. "Dans le but de favoriser la paix en Europe, il est contre-productif d’aider les autorités russes à isoler la société russe", a-t-elle ainsi écrit dans une lettre adressée en septembre à la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.
L’UE a suspendu en 2022, après l’invasion russe de l’Ukraine, son accord facilitant l’obtention de visas pour les citoyens russes. Bruxelles affirme que cela a fait chuter le nombre de visas délivrés aux Russes, qui est passé de plus de quatre millions avant février 2022 à environ 500 000 en 2023. Mais selon des diplomates européens, ce chiffre est reparti à la hausse l’an dernier. Les destinations touristiques comme la France, l’Espagne et l’Italie figurent parmi les pays délivrant le plus de visas aux citoyens russes.
La Chine a annoncé vendredi 7 novembre la mise en service de son troisième porte-avions, son premier équipé d’un système de catapultes électromagnétiques, marquant un jalon crucial dans la modernisation de sa marine face aux Etats-Unis.
Cette technologie moderne de catapultage, que seuls les Etats-Unis possédaient jusqu’à présent, permet au navire, le Fujian, de propulser une plus grande variété d’avions, plus lourdement armés et avec un meilleur rayon d’action que ses deux prédécesseurs. Engagé dans une rivalité navale avec Washington en mer de Chine méridionale et autour de Taïwan, Pékin reste toutefois sensiblement derrière les Américains en termes de capacité de projection, soulignent la plupart des analystes.
Le Fujian, qui avait effectué ses premiers essais en mer en 2024, a été officiellement mis en service lors d’une cérémonie qui s’est tenue mercredi sur l’île tropicale de Hainan (sud), en présence du président Xi Jinping, a rapporté l’agence d’Etat Chine Nouvelle. Plus de 2 000 personnes ont assisté à l’événement, a rapporté l’agence qui a fait état d’une "atmosphère enthousiaste". "Après la cérémonie, Xi Jinping est monté à bord […] et s’est informé du développement des capacités de combat du système de porte-avions ainsi que de la construction et l’application du système de catapultage électromagnétique", a précisé la même source.
"Jalon important"
Le Fujian, à propulsion conventionnelle (et non nucléaire), est le plus grand et le plus avancé des porte-avions chinois. Le pays en comptait jusqu’ici deux : le Liaoning, de conception soviétique et acheté à l’Ukraine en 2000, et le Shandong, premier porte-avions à avoir été construit en Chine, mis en service en 2019. Dépourvus de catapultes, ils sont équipés d’une rampe de type "tremplin", qui ne permet pas aux avions de décoller avec autant de puissance. Cela les contraint à emporter moins d’armes et de carburant.
Le Fujian est équipé d’une catapulte à système électromagnétique (de type "EMALS"), alors que la plupart des catapultes classiques des porte-avions fonctionnent à la vapeur - une technologie moins performante. Le seul autre porte-avions actuellement équipé de ce système est le Gerald R. Ford, de la marine américaine.
La Chine avait diffusé en septembre des vidéos de décollages et d’appontages d’avions (dont son chasseur furtif J-35, de cinquième génération) depuis le Fujian. La télévision étatique CCTV avait loué un "jalon important" dans la modernisation de la marine.
"Aucun pays occidental, à part les Etats-Unis, n’exploite un porte-avions d’une taille et de capacités similaires", souligne auprès de l’AFP Alex Luck, spécialiste des armements navals. "Il faudra encore plusieurs années avant que ce porte-avions atteigne une réelle capacité de combat" et "la Chine devra disposer de plusieurs porte-avions de ce type" pour "bouleverser réellement l’équilibre des forces", nuance-t-il.
"La marine chinoise reste en retard sur ses adversaires potentiels — en particulier les Etats-Unis — en matière d’expérience opérationnelle cumulée, de formation des groupes aéronavals et, surtout, d’expérience du combat réel", ce dernier point étant un "handicap majeur", indique à l’AFP Collin Koh, spécialiste des questions navales en Asie-Pacifique à l’Université de technologie de Nanyang, à Singapour.
Bientôt un quatrième ?
Ces dernières années, les passages de porte-avions chinois en mer de Chine méridionale, près d’îles disputées, et autour de Taïwan, île revendiquée par Pékin, ont provoqué l’appréhension de Washington. Jusqu’ici toutefois, "la Chine n’a pas utilisé ses porte-avions pour projeter de la puissance à longue distance, et le Fujian ne changera probablement pas cette dynamique", note Alex Luck, selon qui le navire servira surtout à "la formation et aux exercices".
Il sera "plus vraisemblablement utilisé pour poursuivre les essais" et "tirer de nouveaux enseignements destinés aux futurs" porte-avions, abonde Collin Koh, sans exclure qu’il soit sollicité pour "des exercices autour de Taïwan".
La Chine investit depuis plusieurs décennies dans la modernisation de ses forces armées, au diapason de son poids diplomatico-économique. Cette tendance suscite l’appréhension de certains de ses voisins asiatiques. Pékin affirme lui avoir une politique militaire "défensive" et vouloir uniquement préserver sa souveraineté. Des rumeurs persistantes font état d’un quatrième porte-avions en cours de construction, qui pourrait être mis en service au début des années 2030.
Et si la gauche européenne avait devant elle la recette miracle ? L’élection du socialiste et très progressiste Zohran Mamdani, 34 ans, à la tête de New York le 5 novembre a suscité un nouvel élan pour la gauche à travers le Vieux continent. A commencer par la France, où de nombreuses figures, des Insoumis aux Verts en passant par le PS, ont salué cette victoire, identifiant parfois la stratégie de leur parti à celle du candidat dans un effort pour valider la propre radicalité de leurs propositions.
Symbole d’une gauche assumée et proche du peuple, la victoire de Zohran Mamdani ravive les espoirs français. Mais elle met aussi en lumière les profondes divisions qui subissent et empêchent les gauches françaises de peser en faisant bloc.
Toute la gauche française se voit dans Zohran Mamdani
"Cette victoire porte en elle une leçon : seule la gauche de rupture peut battre l’extrême droite", a rapidement réagi sur X la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot, dans une analogie manifeste avec la situation française et la perspective d’un deuxième tour face au RN en 2027. La France insoumise se reconnaît dans ce socialiste du Parti démocrate qui s’est opposé aux leaders de son mouvement et a émergé avec un programme s’adressant aux classes populaires, et un discours résolument pro-palestinien. "Ce n’est pas en édulcorant le libéralisme économique que l’on gagne, mais en le combattant bec et ongles", a ajouté l’eurodéputée Manon Aubry. Celle-ci estime que Zohran Mamdani a réussi "à renverser la table avec des propositions radicalement concrètes (gel des loyers, bus gratuits, crèches publiques…) et sans jamais détourner le regard sur le racisme et Gaza".
Plusieurs autres figures fortes et candidats possibles à une primaire de la gauche avant la présidentielle ont félicité le succès de Zohran Mamdani lors de la primaire qui lui a permis de "renverser l’establishment démocrate". "Comment a-t-il renversé la table ? Par une primaire. Par la question sociale comme obsession. Par une campagne de terrain. Par un candidat qui se fait reporter", s’est ainsi félicité François Ruffin. "Un candidat élu par une primaire innovante" avec "un profil franchement de gauche", a salué Clémentine Autain.
La secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier s’est elle aussi réjouie du succès du candidat résolument anti-Trump, "né en Ouganda, musulman, écologiste et authentiquement de gauche". "Dans la bascule fasciste en cours aux Etats-Unis, cette victoire est une source d’espoir incroyable et une inspiration pour la gauche qui ne renonce ni à ses valeurs, ni à gouverner pour changer la vie des gens maintenant", a jugé celle qui se positionne à mi-distance des Insoumis et des socialistes. Le numéro 1 du PS Olivier Faure se dit "parfaitement en phase" avec le programme de Mamdani, notamment sur la défense des services publics. "Il se revendique comme socialiste, mais à la sauce américaine. Ce n’est pas un insoumis" a-t-il rappelé.
L’Europe veut "prendre note"
Ailleurs en Europe, d’autres partis de gauche espèrent tirer parti de l’élan créé par la victoire de Zohran Mamdani, affirmant qu’ils ne dilueront pas leurs politiques et ne se laisseront pas aspirer par le champ de bataille de la droite autour de l’immigration.
Zack Polanski, premier dirigeant juif et ouvertement homosexuel du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, comparé à Zohran Mamdani pour son usage des réseaux sociaux et ses appels à un impôt sur la fortune, s’est réjoui : "C’est important — non seulement pour New York, mais je pense que cela résonne dans le monde entier. Il s’agit d’améliorer la vie des gens, de reconnaître l’inégalité qui règne au cœur de New York, mais aussi dans une grande partie du monde. Et il s’agit de dire : faisons baisser les factures des gens et taxons les multimillionnaires et les milliardaires".
En Allemagne, le parti anticapitaliste Die Linke voit dans cette victoire une source d’inspiration pour les élections locales à Berlin. "Si notre parti a fait mieux que prévu lors des élections fédérales allemandes de février, c’est en utilisant le même schéma que Zohran Mamdani : se concentrer sur les questions liées au coût de la vie, solliciter les petits donateurs et investir massivement dans des opérations de porte-à-porte avec des bénévoles" affirme Liza Pflaum, responsable au sein de Die Linke auprès de Politico. Le chef de file du parti Jan van Aken assuré auprès de Reuters être "en contact avec Zohran Mamdani et son équipe, et nous apprenons les uns des autres. Sa campagne est un modèle pour les élections berlinoises de l’an prochain. La victoire de Zohran Mamdani nous donne de l’élan".
En Espagne, plusieurs figures de Sumar et Podemos, dont Ione Belarra, ministre espagnole de l’Égalité, ont salué le succès du démocrate américain : "Il apparaît de plus en plus évident que la droite est mieux contenue par une gauche forte et courageuse qui défend ses droits. Prenons-en note". Tandis qu’en Italie, la cheffe du parti démocrate Elly Schlein s’est félicitée du "triomphe de la politique de l’espoir sur la politique de la peur".
Modèle de victoire
La semaine dernière, plusieurs personnalités de gauche venues de France, d’Allemagne et du Royaume-Uni s’étaient rendues à New York pour étudier la campagne de Zohran Mamdani et pouvoir reproduire son approche. Dans un contexte de montée de l’extrême droite et de défiance envers les partis traditionnels, l’élection d’un maire socialiste américain porté par un programme de rupture offre ce qui pourrait être un modèle de victoire à la gauche européenne. En s’appropriant ce succès new-yorkais, celle-ci veut montrer qu’un retour au pouvoir au possible. A condition toutefois de mettre en place des stratégies concrètes, et de savoir adapter la recette de Zohran Mamdani à l’électorat européen.
L’élection à la tête de New York du socialiste Zohran Mamdani, porté par un programme de rupture, offre à la gauche européenne ce qui pourrait être un modèle de victoire.
Près d’un mois après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, Donald Trump a affirmé jeudi 6 novembre qu’une force internationale serait déployée "très bientôt" à Gaza. Une telle force est prévue dans l’accord qui a conduit à la trêve entre les deux belligérants, après deux ans de guerre dévastatrice déclenchée par l’attaque du Hamas. Selon les termes de cet accord, elle sera composée d’une coalition en majorité composée de pays arabes et musulmans, et déployée à Gaza pour y superviser la sécurité à mesure que l’armée israélienne s’en retirera. D’après les informations du Wall Street Journal, l’Etat hébreu a d’ailleurs commencé à réduire le nombre de réservistes mobilisés à Gaza et dans d’autres régions, signe que les tensions diminuent, même si la paix durable est loin d’être encore assurée.
Les infos à retenir
⇒ Donald Trump dit qu’une force internationale sera déployée "très bientôt" à Gaza
⇒ Le Kazakhstan va rejoindre les accords d’Abraham
⇒ L’Iran condamne les attaques israéliennes "sauvages" sur le Liban
Donald Trump dit qu’une force internationale sera déployée "très bientôt" à Gaza
Donald Trump a affirmé jeudi qu’une force internationale serait déployée "très bientôt" à Gaza, au lendemain de l’annonce par les Etats-Unis d’un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à soutenir le plan de paix du président américain.
"Très bientôt. Ça va arriver très bientôt. Et ça se passe bien à Gaza", a répondu Donald Trump à une question d’un journaliste sur le déploiement annoncé d’une telle force dans le territoire palestinien, qui fait face à une situation humanitaire toujours très précaire près d’un mois après l’entrée en vigueur d’une trêve entre Israël et le Hamas.
"On a plusieurs pays qui se sont portés volontaires pour intervenir en cas de problème avec le Hamas, par exemple, ou pour tout autre problème", a-t-il ajouté lors d’un échange avec la presse en marge d’une rencontre diplomatique à la Maison-Blanche avec des dirigeants d’Asie centrale.
Les Etats-Unis ont présenté mercredi à des pays partenaires un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU destinée à soutenir le plan de paix de Donald Trump à Gaza, incluant le déploiement d’une force internationale. L’ambassadeur Mike Waltz a réuni mercredi les dix membres élus du Conseil ainsi que plusieurs partenaires régionaux (Egypte, Qatar, Emirats arabes unis, Arabie saoudite, Turquie), selon la mission américaine à l'ONU, notant que cela témoignait du "soutien régional" à ce texte.
Le Kazakhstan va rejoindre les accords d’Abraham
Le Kazakhstan a annoncé jeudi qu’il rejoindrait les accords d’Abraham, un processus qui en 2020 avait vu plusieurs pays arabes normaliser leurs relations avec Israël, une décision qualifiée de "réels progrès" par le président américain.
"Je viens d’organiser une excellente conversation téléphonique entre le Premier ministre israélien et le président kazakh Kassym-Jomart Tokayev. Le Kazakhstan est le premier pays de mon second mandat à rejoindre les accords d’Abraham, le premier d’une longue série", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social, se réjouissant "d’une avancée majeure dans la construction de ponts à travers le monde".
Le pays d’Asie centrale a toutefois déjà des relations diplomatiques avec Israël, contrairement aux premiers signataires. "Notre inclusion à venir dans les accords d’Abraham constitue une continuation naturelle et logique de la trajectoire de la politique étrangère du Kazakhstan, fondée sur le dialogue, le respect mutuel et la stabilité régionale", a indiqué le gouvernement du Kazakhstan dans un communiqué diffusé par son ambassade aux Etats-Unis.
En 2020, les accords d’Abraham ont mené à la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes : les Emirats arabes unis, Bahreïn, Maroc et Soudan. Mais nombre d’Etats ont jusqu’ici refusé de se joindre à ce processus, en particulier l’Arabie saoudite, ainsi que la Syrie et le Liban, voisins d’Israël.
L’Iran condamne les attaques israéliennes "sauvages" sur le Liban
L’Iran a condamné vendredi les attaques israéliennes qu’il a qualifiées de "sauvages" après les frappes menées la veille au Liban par son ennemi sur des cibles du Hezbollah, soutenu par Téhéran. Le ministère iranien des Affaires étrangères a dénoncé des "attaques sauvages" et appelé "les Nations unies, la communauté internationale et les pays de la région à faire face au bellicisme" d’Israël.
L’armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené des frappes sur des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir appelé des habitants de plusieurs villages à les évacuer.
L’armée libanaise a elle estimé que les raids israéliens visaient à "empêcher l’achèvement" de son déploiement dans cette région, conformément à l’accord de cessez-le-feu qui avait mis fin le 27 novembre 2024 à la guerre entre le Hezbollah et Israël. Le président Joseph Aoun de son côté a accusé jeudi Israël de rejeter les ouvertures diplomatiques de Beyrouth : plus Beyrouth "exprime son ouverture à des négociations pacifiques pour résoudre les différends en suspens avec Israël, plus Israël persiste dans son agression contre la souveraineté libanaise", a-t-il déclaré.
De "graves incidents" à la Philharmonie de Paris lors d'un concert d'un orchestre israélien
Quatre personnes ont été placées en garde à vue après des incidents survenus jeudi soir à la Philharmonie de Paris lors d'un concert de l'Orchestre philharmonique d'Israël, a indiqué le parquet de Paris ce vendredi 7 novembre, sollicité par l'AFP. Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, a "condamné fermement (ces) agissements", via un message sur X. "Rien ne peut les justifier", a-t-il ajouté, précisant que des policiers "ont permis l'interpellation rapide de plusieurs auteurs de troubles graves à l'intérieur de la salle et de contenir les manifestants à l'extérieur".
Dans un communiqué annonçant qu'elle avait porté plainte, la Philharmonie a précisé que "à trois reprises, des spectateurs en possession d'un billet ont tenté de diverses manières d'interrompre le concert, dont deux fois avec l'usage de fumigènes. Des spectateurs se sont interposés et des affrontements ont eu lieu".
Ces derniers jours, la polémique avait enflé sur la tenue de ce concert, des militants pro-palestiniens demandant son annulation tandis que la CGT-Spectacle réclamait que la Philharmonie "rappelle à son public les accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants" d'Israël, notamment dans la guerre à Gaza. Le dispositif de sécurité autour du concert avait été renforcé.
L’homme le plus riche du monde pourrait bientôt devenir l’homme le plus riche de l’Histoire. Elon Musk, patron entre autres de l’entreprise automobile Tesla, a vu approuver jeudi 6 novembre un plan de rémunération colossal qui pourrait lui rapporter jusqu’à 1 000 milliards de dollars en dix ans. Plus de 75 % des actionnaires réunis à Austin (Texas) ont voté en faveur du projet.
Après l’annonce des résultats, Elon Musk est sorti des coulisses sous les hourras et les applaudissements des quelques centaines de participants à cette AG, retransmise en direct sur Internet. "Merci de tout cœur pour ceux qui ont soutenu" les résolutions de la direction, a-t-il déclaré. Détenteur de Tesla, mais aussi du réseau social X, d’entreprises d’intelligence artificielle ou encore de la société d’ingénierie spatiale SpaceX, ancien proche de Donald Trump et membre du gouvernement, Elon Musk détient d’ores et déjà un patrimoine estimé à 500 milliards de dollars.
Un pactole controversé
Le plan hors-norme adopté jeudi, débattu depuis septembre, a profondément divisé. Jusqu’à la dernière minute, partisans et opposants ont tenté de rallier des votes, tandis qu’une manifestation anti-Musk se tenait mercredi à Austin. Parmi les réfractaires figurent le fonds public américain CalPERS et le fonds souverain norvégien, l’un des dix actionnaires principaux de Tesla. "Bien que nous reconnaissions la valeur considérable créée sous la direction visionnaire d"Elon Musk, nous sommes préoccupés par le montant total de la rémunération, la dilution et l’absence de mesures pour atténuer le risque lié à une personne clé", a fait savoir ce dernier mardi.
D’autres s’inquiètent aussi des conséquences des positions politiques extrêmes du multimilliardaire - un temps très proche de Donald Trump -, qui ont affecté les ventes de Tesla, déjà confrontée à la concurrence croissante des modèles chinois, moins chers.
Ses partisans, eux, affirment qu’il faut motiver Musk à se concentrer sur Tesla, qu’il veut transformer en une puissance de l’intelligence artificielle, exploitant des logiciels pour piloter des flottes de véhicules autonomes. La société d’investissement Baron Capital et le conseil d’administration du fonds de pension de l’Etat de Floride (SBA) ont soutenu ce package, soulignant que les précédents étaient tout aussi ambitieux et ont "toujours créé une valeur extraordinaire pour les actionnaires". Ce plan de rémunération démesuré vise aussi à le convaincre de rester à la tête du groupe, après qu’il a laissé entendre qu’il pourrait s’en détourner sans ce feu vert.
Des objectifs titanesques
Pour empocher la totalité de cette somme, Elon Musk devra néanmoins atteindre les objectifs financiers et opérationnels ambitieux fixés par le conseil d’administration. Elon Musk devra notamment multiplier par six la valeur boursière de Tesla, et livrer 20 millions de véhicules électriques en dix ans — plus du double du total produit depuis la création du groupe. Il doit aussi déployer un million de robots humanoïdes, son "robot army" censée révolutionner le travail et la vie domestique.
S’il coche toutes les cases dans les délais prévus, Elon Musk pourrait obtenir jusqu’à 12 % supplémentaires du capital de Tesla, portant sa participation totale entre 25 % et 29 %. Au 12 septembre, il détenait déjà 12,4 % du capital via un trust (soit 413 millions d’actions). En août, il a également reçu 96 millions d’actions au titre de son précédent plan de rémunération, rejeté à deux reprises par la justice avant d’être soumis une troisième fois au vote des actionnaires jeudi.
À mesure qu’il atteindra ces objectifs, Elon Musk recevra de nouvelles actions, augmentant sa fortune déjà estimée par Forbes à 493 milliards de dollars. Cela pourrait lui permettre de dépasser John D. Rockefeller, considéré comme le plus riche Américain de l’histoire : le magnat du pétrole était évalué par le Guinness World Records à 630 milliards de dollars (en valeur actuelle) à son apogée, il y a plus d’un siècle. Elon Musk deviendrait alors le premier trillionnaire de l’Histoire.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a levé les sanctions jeudi 6 novembre contre le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa, un geste symbolique salué par la Syrie à quelques jours d’une visite historique de l’ancien djihadiste à la Maison-Blanche.
La résolution préparée par les Etats-Unis, adoptée par 14 voix pour et une abstention (Chine), enlève Ahmed al-Charaa et son ministre de l’Intérieur Anas Khattab de la liste des sanctions visant individus et groupes liés aux groupes Etat islamique et Al-Qaïda, soumis à une interdiction de voyage, un gel des avoirs et un embargo sur les armes. Elle salue notamment les engagements des nouvelles autorités syriennes arrivées au pouvoir après le renversement de Bachar el-Assad à "lutter contre le terrorisme, y compris les combattants terroristes étrangers", Al-Qaïda, EI et groupes affiliés.
"Avec l’adoption de ce texte, le Conseil envoie un message politique fort reconnaissant que la Syrie est dans une nouvelle ère", a salué l’ambassadeur américain Mike Waltz. "Le nouveau gouvernement syrien travaille dur pour remplir ses engagements dans la lutte contre le terrorisme et la drogue, dans l’élimination des restes d’armes chimiques et pour promouvoir la sécurité et la stabilité régionale", a-t-il assuré.
Le ministre syrien des Affaires étrangères Assad al-Chaibani a exprimé sur X sa "reconnaissance" envers les Etats-Unis et les autres "pays amis" pour ce vote qui "reflète la confiance croissante dans le leadership du président Charaa". "Cette résolution reflète la volonté des Syriens et des Syriennes […] de faire revenir notre pays à sa place légitime parmi les Nations" et l’espoir de "construire une nouvelle Syrie", a de son côté commenté l’ambassadeur syrien à l'ONU Ibrahim Olabi.
Abstention chinoise
Depuis le Brésil où il est en déplacement, Emmanuel Macron a salué jeudi cette levée des sanctions. "Aujourd’hui était une étape importante", a estimé le président français, soulignant que la décision de l'ONU validait "la stratégie que la France avait commencée". "Nous avons décidé dès le début d’engager avec le président de la transition pour essayer de retrouver l’unité, l’intégrité territoriale de la Syrie, lutter plus efficacement contre la production de drogue, les groupes terroristes et permettre le retour des réfugiés", a-t-il insisté, appelant par ailleurs le président syrien, qu’il a rencontré en marge d’un sommet sur le climat, à "rejoindre la coalition internationale de lutte contre Daech".
Pendant les années ayant suivi la guerre civile en Syrie en 2011, le Conseil avait été largement paralysé sur le dossier syrien, la Russie utilisant régulièrement son droit de veto pour protéger le régime d’Assad. La Russie a voté pour la résolution jeudi. Mais la Chine s’est abstenue. Son ambassadeur Fu Cong s’est notamment inquiété de la présence en Syrie de "combattants terroristes étrangers" capables d'"exploiter" la "situation sécuritaire fragile", déplorant que le Conseil n’ait pas pleinement évalué la situation.
Visite à la Maison-Blanche
Les forces d’Ahmed al-Charaa, dont le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) qu’il dirigeait et a depuis dissous, ont renversé en décembre 2024 l’ancien dirigeant syrien Bachar el-Assad. C’est au titre de leader du HTC que l’ancien djihadiste était inscrit depuis 2013 sur la liste des sanctions de l'ONU. Le HTC était auparavant connu sous le nom de Front al-Nusra, ancienne branche d’Al-Qaïda en Syrie, mais il avait rompu ses liens avec le groupe djihadiste en 2016 et avait cherché à adoucir son image.
Malgré son inscription sur la liste des sanctions de l'ONU, le président par intérim a multiplié depuis son arrivée au pouvoir les déplacements internationaux, bénéficiant à chaque fois d’une exemption du comité de sanctions de l'ONU. Il était venu pour la première fois aux Etats-Unis en septembre pour s’adresser à l’Assemblée générale de l'ONU. Il sera lundi le premier chef d’Etat syrien à être reçu la Maison-Blanche, avait annoncé il y a quelques jours la porte-parole du président américain Karoline Leavitt. Celle-ci a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l’ordre du jour de la réunion lundi.
Vladimir Poutine cherche à nous effrayer cet automne en agitant à nouveau le spectre de la guerre nucléaire. Venant d’un président qui a autorité sur le plus grand arsenal atomique de la planète, ce chantage est dangereux. C’est d’autant plus vrai que le contexte international est marqué par une nouvelle course aux armements nucléaires, Chine en tête, et par l’érosion des traités censés les contrôler. Mais justement, Poutine voudrait instiller la peur en Europe. L’épouvantail de l’apocalypse nucléaire, tout comme l’envoi répété de drones dans des pays stratégiquement choisis, a pour but d’intimider et de diviser le camp européen afin de saper le soutien occidental à l’Ukraine.
Si elle veut résister, l’Europe doit réinventer l’équilibre de la terreur, qui avait empêché un conflit atomique pendant toute la guerre froide. Car même Vladimir Poutine, malgré ses postures de matamore, a peur de mourir ; son comportement de reclus pendant l’épidémie de Covid l’a prouvé. Cela suppose d’être capable de manier le langage de la dissuasion, ce qui donne une responsabilité particulière à la France et au Royaume-Uni, les deux seules puissances nucléaires du Vieux Continent. Cela implique aussi de garder son sang-froid et d’éviter les déclarations à l’emporte-pièce telles que celles du ministre belge de la Défense, Theo Francken, qui a menacé de "raser Moscou" si un missile russe venait à frapper Bruxelles.
Cela signifie enfin que les Européens doivent avoir les moyens de riposter avec des armes classiques dans le cas, envisagé par de nombreux stratèges occidentaux aujourd’hui, d’une agression russe conventionnelle, visant par exemple un Etat balte, qui serait menée à l’abri d’une tentative d’intimidation nucléaire. Il est illusoire de compter uniquement sur des dispositifs antimissiles ou de prétendus "murs antidrones" pour protéger le front oriental du continent. Toute dissuasion efficace nécessite la détention d’épées pour frapper et pas seulement de boucliers pour se défendre.
Un avantage psychologique considérable
Dans un conflit, l’adversaire qui parvient à faire croire qu’il est prêt à mettre en œuvre une frappe atomique en cas de nécessité absolue obtient un avantage psychologique considérable. C’est ce que Poutine cherche à faire depuis l’invasion de l’Ukraine de 2022, au moyen de divers stratagèmes qui avaient culminé en 2024 avec l’emploi pour la première fois d’un missile Orechnik dans une frappe visant une fabrique d’armes dans la ville ukrainienne de Dnipro. Ce vecteur russe à portée intermédiaire est capable d’embarquer plusieurs ogives nucléaires. La même année, la Russie a adopté une révision de sa doctrine nucléaire afin d’abaisser le seuil d’emploi de la Bombe.
Ces derniers jours, le Kremlin a fait monter la pression en testant "avec succès" deux armes prétendument capables de délivrer une frappe nucléaire de manière inédite : un drone sous-marin, conçu pour emporter une charge de 2 mégatonnes susceptible de réduire un port à l’état de poussière, et un missile intercontinental à propulsion nucléaire, susceptible de délivrer sa charge à 14 000 kilomètres de distance en changeant plusieurs fois de direction pour éviter les interceptions.
Bien que l’efficacité réelle de ces armes soit sujette à caution, l’annonce russe a incité Donald Trump à laisser entendre que les Etats-Unis pourraient reprendre leurs tests nucléaires suspendus depuis 33 ans. A quoi Vladimir Poutine a répliqué que dans ce cas, la Russie aussi reprendrait ses tests. Le tyran du Kremlin veut faire croire qu’il est prêt à prendre le risque d’un cataclysme nucléaire pour atteindre ses deux buts de guerre, qui sont la soumission de l’Ukraine et l’éclatement de l’Otan. Mais le fait qu’il soit contraint d’en arriver là est aussi un aveu de faiblesse de sa part. Les avancées de son armée en Ukraine restent millimétriques et les dernières sanctions américaines contre son secteur pétrolier sont douloureuses.
Quoi qu’il en soit, l’Europe doit tenir compte à la fois de l’érosion de la crédibilité du parapluie nucléaire américain, depuis que Donald Trump a mis en doute la garantie de Washington de défendre ses alliés de l’Otan, et du désengagement de l’Amérique des affaires européennes, en raison de la priorité stratégique accordée désormais à l’endiguement de la Chine. L’annonce la semaine dernière du retrait d’une brigade américaine déployée en Roumanie en est un nouveau signe. Le Pentagone a présenté sa décision comme une réponse "aux capacités et aux responsabilités accrues" de l’Europe. Pourtant, celles-ci sont encore largement virtuelles. La réflexion, à mener en commun avec l’Allemagne, sur la dimension européenne de la force de dissuasion française, n’en est que plus urgente.
La répression orchestrée par Vladimir Poutine, jusqu’ici dirigée contre les opposants, semble désormais se retourner contre ses propres défenseurs. Une purge silencieuse s’abat sur ceux qui, il y a encore peu, célébraient la guerre et faisaient l’éloge du Kremlin. Etre loyal envers le régime devient aujourd’hui un risque : les partisans du président russe se retrouvent dans le collimateur de l’appareil répressif qu’ils servaient.
Les soutiens désormais ciblés
Pendant des années, certaines figures pro-Kremlin ont incarné la ferveur patriotique que Moscou cherchait à promouvoir. Parmi elles, un commentateur médiatique qui louait la grandeur de Poutine sur les chaînes étrangères, un blogueur militant collectant des fonds pour les troupes russes et prônant une rhétorique génocidaire contre l’Ukraine, et un volontaire ukrainien de l’armée russe, commentateur pour RT, qui regrettait que l’invasion n’ait pas commencé plus tôt.
Mais la loyauté ne protège plus. Ces personnalités, ainsi que d’autres fidèles du Kremlin, ont été récemment étiquetées comme "agents étrangers", une appellation qui servait autrefois uniquement à stigmatiser les voix critiques de Vladimir Poutine. Cette désignation les oblige à se déclarer publiquement, sur les réseaux sociaux. En conséquence, cela les plonge dans des difficultés financières importantes.
Parmi eux, Sergueï Markov, analyste politique proche des élites azerbaïdjanaises, est tombé en disgrâce après la détérioration des relations entre Moscou et Bakou. Il a rapidement contesté cette étiquette, qualifiant sa situation de "malentendu". Roman Alyokhin, blogueur pro-guerre, a, lui, été accusé de détourner des fonds destinés aux troupes russes, après avoir exposé sur ses réseaux une voiture de sport et une montre de luxe. Ce retournement montre que même les soutiens les plus engagés du Kremlin ne sont désormais plus à l’abri.
"Discréditation de l'armée russe"
Les purges continuent également de frapper ceux qui ont longtemps été considérés comme des ennemis du régime. La commentatrice d’origine ukrainienne Tatiana Montyan a été récemment qualifiée de "terroriste et extrémiste", une désignation réservée aux adversaires les plus redoutés du président russe. Elle fait également l’objet d’enquêtes pour détournement de fonds, rejoignant le sort d’anciens collaborateurs d’Alexeï Navalny.
En octobre, la chanteuse Diana Loguinova dite Naoko, le batteur Vladislav Leontiev et le guitariste Sacha avaient été placés en détention durant deux semaines, d'après Le Temps. "Leur 'crime' ? Avoir interprété dans les rues de la 'capitale du Nord' russe des morceaux de certains de leurs aînés, des musiciens bannis du pays pour leur opposition à l’invasion de l’Ukraine, comme Zemfira, le groupe Monetotchka ou le rappeur Noize MC", écrit le quotidien suisse. Leur détention a ensuite été prolongée, les accusations initiales de "hooliganisme" et de "trouble à l’ordre public" étant désormais complétées par celles, plus graves, de "discréditation de l’armée russe".
Moscou n’a pas commenté ces mesures, mais l’ironie de la situation n’échappe pas à l’opposition de longue date. "Il est amusant de constater comment ceux qui n’ont jamais protesté contre l’emprisonnement des libéraux découvrent soudain que la justice en Russie est sélective, que n’importe qui peut être jeté en prison sans raison", observe Ivan Philippov, chercheur et spécialiste du mouvement pro-guerre en Russie dans les colonnes du Guardian. Pour beaucoup, ces purges rappellent la leçon cruelle de l’époque stalinienne : même les plus fidèles ne sont jamais à l’abri du régime.
Au lendemain du Brexit,Ivan Krastev publiait en 2017 After Europe (traduit sous le titre : Le destin de l’Europe, Ed. Premier Parallèle), un essai décapant sur les défis de l’Union européenne, menacée de désintégration. Huit ans plus tard, le politologue bulgare, parmi les meilleurs connaisseurs de l’espace post-soviétique et des dynamiques européennes, estime que nous sommes entrés dans "l’âge post-libéral". "Ce tournant arrive quand le consensus libéral n’existe plus, quand l’illibéralisme peut s’exprimer ouvertement. Nous y sommes", décrit-il.
L’Union européenne est-elle condamnée pour autant ? Ivan Krastev donne sa réponse dans un entretien passionnant accordé à L’Express.
L’Express : Il y a un an jour pour jour, Donald Trump remportait la présidentielle américaine pour la seconde fois. Comment analysez-vous ce moment de l’Histoire ?
Ivan Krastev : Lorsque Donald Trump est arrivé à la Maison-Banche pour la première fois, beaucoup y ont vu un accident. En 2015, quand le parti Droit et Justice polonais (PiS) a triomphé, l’essayiste Adam Michnik a eu cette formule : "Il arrive qu’une belle femme perde la tête et couche avec un salaud." A l’évidence, ce genre d’analyse ne tient plus aujourd’hui. Le monde traverse une révolution. Aux Etats-Unis, Donald Trump en est le visage, mais pas le leader.
Si l’on dézoome, on observe bien la fin d’une certaine période, sur le plan économique, technologique, et géopolitique, avec la montée en puissance de la Chine et le retour de la guerre en Europe. D’une certaine manière, les Européens étaient les moins préparés à y faire face, car nous nous sentions à l’aise dans le monde d’avant. On a beaucoup glosé sur la "fin de l’Histoire" [NDLR : en 1992, le politologue américain Francis Fukuyama publie La fin de l’Histoire, où il prédit le triomphe du modèle démocratique et libéral]. En fin de compte, nous avons intégré cette lecture, en considérant nos propres régimes politiques de manière ahistorique, persuadés que la démocratie libérale était universelle. Il ne nous est jamais venu à l’esprit qu’elle était probablement exceptionnelle, que plusieurs facteurs avaient coïncidé pour la rendre possible. Maintenant que l’Amérique a changé de camp, la nature accidentelle des trente dernières années apparaît clairement.
Donald Trump est souvent décrit comme un nationaliste. Or, les nationalistes sont préoccupés par l’Histoire, ils pensent en termes de siècles, veulent qu’on se souvienne d’eux d’une manière particulière. Ce n’est pas le cas de Trump. Si le narcissisme politique avait un régime, il en serait certainement le représentant. Il ne s’intéresse pas à ceux qui l’ont précédé, ni à la façon dont on se souviendra de lui. Il veut tout, immédiatement.
J’ai demandé à l’IA – j’espère qu’elle ne me ment pas ! – de comparer les discours prononcés au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine, Xi Jinping et Donald Trump, la fréquence à laquelle ils évoquent leur héritage et la manière dont ils souhaitent rester dans les mémoires. Les présidents russe et chinois sont obsédés par cette question. Ils font des comparaisons, racontent des anecdotes… Bien sûr, Trump veut qu’on se souvienne de lui, mais il estime que ce qui compte vraiment, c’est ce que l’on obtient de son vivant. De ce point de vue, il ne s’intéresse pas à l’avenir. Il y a quelque chose chez lui du "Dernier homme". Les Européens n’arrivent pas à appréhender cet ovni politique.
Sur le Vieux Continent, plusieurs dirigeants ont une filiation avec Donald Trump…
Ils ont notamment en commun l’obsession pour la vengeance. Ce n’est pas un hasard si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques alignés sur Trump – Robert Fico en Slovaquie, Viktor Orbán en Hongrie, Andrej Babis en République tchèque – sont revenus après une expérience passée au pouvoir. Ils n’aiment pas la façon dont ils ont été traités après avoir quitté leurs fonctions. La vengeance devient alors centrale.
Donald Trump est tellement revanchard – rappelez-vous des funérailles de Charlie Kirk, où les chrétiens "classiques", comme sa veuve, ont accordé leur pardon, et pas Trump. Nous avons oublié pourquoi, historiquement, nous avons tant fait pour contenir la vengeance. C’était l’un des acquis majeurs de la démocratie. Dans une démocratie, vous ne gagnez pas beaucoup, mais vous ne perdez pas grand-chose non plus. Lorsque vous échouez aux élections, vous ne perdez pas votre vie, votre liberté ou vos biens. Soudain, tout ce paradigme change. Nous vivons une époque où la polarisation politique est telle dans des pays comme les États-Unis ou la Pologne que les gens sont persuadés que la justice n’est pas indépendante, pas plus que les banques centrales et les principaux organes publics. Dans un tel climat, il est très difficile d’enrayer la soif politique de vengeance.
La galaxie Maga ("Make America Great Again") s’active tous azimuts pour convertir l’Europe à ses thèses. Comment expliquez-vous ce "nationalisme transnational" ?
Il faut distinguer Trump de la galaxie Maga. Donald Trump s’est présenté au monde comme un politicien post-idéologique. Les droits de douane sont un exemple fascinant. Son message ? "Je me fiche de la nature de votre régime politique. La seule chose qui m’importe, c’est votre balance commerciale avec les États-Unis." Ce discours va totalement à l’encontre de l’idée libérale classique selon laquelle le conflit majeur oppose les démocraties et les régimes autoritaires. En ce qui concerne l’Europe, Trump a toujours eu du ressentiment au sujet des voitures allemandes, par exemple, mais je ne pense pas qu’il ait une vision stratégique très claire du type d’Europe qu’il souhaite.
A contrario, le vice-président J.D. Vance et ses lieutenants ont un agenda précis. D’abord, ils pensent que l’Europe vivra dans les cinq ou dix prochaines années la même chose que les Etats-Unis, à savoir que les partis d’extrême droite seront les vainqueurs des prochaines élections. Beaucoup de gens ont comparé le discours de Vance à Munich à la conférence de Munich de 1938. Je pense plutôt qu’il s’est adressé à l’Europe de la même manière que Gorbatchev l’a fait en 1989 devant le Parlement européen, à Strasbourg, en actant un changement d’ère.
Ensuite, il y a chez les leaders Maga un fort nationalisme civilisationnel, bien plus articulé que chez Trump. Ces gens pensent que les chrétiens blancs du monde entier sont en péril et que le "clash" n’est plus entre la démocratie et l’autoritarisme, ni entre grandes puissances, mais qu’il s’agit d’un choc de civilisations. Leur principale préoccupation est la reconstruction de la civilisation occidentale. C’est important, car ils touchent des points sensibles qui ne peuvent pas être ignorés. Jusqu’aux années 1940-1950, l’Occident était beaucoup plus consensuel sur le plan culturel, universel, fondé sur l’histoire romaine. Jusqu’aux années 1960, le latin était la langue "étrangère" la plus enseignée dans les écoles américaines. L’histoire romaine constituait donc bel et bien ce socle commun d’histoire.
La guerre froide a changé la donne ?
Durant la guerre froide, l’Occident est plutôt devenu synonyme du "monde libre", avec tous les changements que cela implique. La vision des États-Unis était très largement basée sur leur conflit avec le communisme soviétique. Le jazz et la peinture abstraite sont devenus des armes politiques et culturelles pour promouvoir la liberté d’expression et le modèle américain face à la censure intellectuelle. Progressivement, l’Occident a perdu ses caractéristiques culturelles, il ne s’agissait plus des Blancs chrétiens, il est devenu beaucoup plus progressiste.
La droite Maga cherche à ressusciter l’ancienne version de l’Occident, fondé sur ce christianisme blanc. Curieusement, ils utilisent pour cela un langage très proche de celui des mouvements anticolonialistes des années 1960-1970, en prétendant représenter "le peuple indigène". Avec ce logiciel, on comprend mieux pourquoi les partisans de Maga ne sont pas critiques envers la Russie et Poutine. Pour eux, la Russie peut être un allié, précisément parce qu’elle est conservatrice, blanche et chrétienne. Par conséquent, la guerre devrait prendre fin le plus rapidement possible. Si l’Ukraine doit payer le prix de l’unité de l’Occident, qu’il en soit ainsi.
L’Allemagne peut-elle être un "laboratoire européen" pour le mouvement Maga ?
En 2018, Steve Bannon avait déjà essayé de s’implanter en Europe, en créant "The Movement", une fondation nationaliste basée à Bruxelles visant à unir les partis de droite et d’extrême droite. Il avait rencontré Matteo Salvini, Marine le Pen, Viktor Orbán ou Nigel Farage. Mais sa démarche n’avait rien donné, rejetée notamment par l’AfD allemande.
Nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines
Quand Elon Musk a repris ce flambeau à sa façon, son message était clair : si vous voulez changer l’Europe, vous devez changer l’Allemagne. C’est ainsi qu’il a tenté d’influencer les élections allemandes en faveur de l’AfD. A mon sens, nous assistons au retour de la question allemande. D’un côté, l’Europe ne peut pas être un acteur souverain et autonome en matière d’économie et de politique sans une Allemagne forte, notamment sur le plan militaire. De l’autre, la combinaison de la militarisation souhaitée de l’Allemagne et de la montée de l’AfD soulève une question difficile : l’Europe peut-elle cohabiter avec une Allemagne armée jusqu’aux dents dirigée par l’extrême droite ?
Le 22 mai dernier, neuf chefs d’Etat et de gouvernement européens, de la droite dure de l’Italienne Giorgia Meloni à la sociale-démocrate Mette Frederiksen au Danemark, ont signé une lettre ouverte appelant à repenser l'"interprétation de la Convention européenne des droits de l’homme". Y voyez-vous le signe d’une banalisation du logiciel illibéral ?
Absolument. En réalité, derrière la polarisation politique croissante en Europe se cache une convergence sur plusieurs thèmes, en particulier sur l’immigration. Désormais, le clivage majeur entre les partis porte sur le traitement des personnes déjà présentes sur le territoire national. Aucun parti ne se bat plus pour l’ouverture des frontières, comme c’était encore le cas en 2015. Le débat sur les frontières fait désormais l’objet d’un consensus.
Ce glissement vers la droite provient à mon sens d’un changement majeur : pendant 25 ans après la fin de la guerre froide, lorsque l’Europe regardait le monde, la question principale était : comment le transformer ? Comment les autres vont-ils devenir comme nous ? Aujourd’hui, on assiste à un renversement total, où les gens se demandent au contraire : comment ne pas "les" laisser "nous" transformer ? Je dis souvent en plaisantant que nous sommes passés du statut de missionnaires à celui de moines reclus derrière les murs de notre cloître.
A quoi attribuez-vous la montée de l’illibéralisme ?
Je ne crois pas que nous puissions comprendre ce qui se passe si nous travaillons avec les catégories classiques : démocratie contre autoritarisme. La plupart des dirigeants dont nous avons parlé ont été élus par le peuple. Une fois au pouvoir, ils dérivent vers autre chose, mais ce n’est pas l’autoritarisme du début du XXe siècle.
Au cours de l'ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.
Ce qui caractérise notre époque, c’est d’abord la crise des partis libéraux et du concept même de contre-pouvoirs. Nous assistons à une consolidation majeure du pouvoir, tant économique que politique. Simultanément, l’élite se désintéresse de la population. Pendant la guerre froide, le capital humain était très important, pour plusieurs raisons : on avait besoin des gens en tant que soldats, contribuables et électeurs. Aujourd’hui, vu la tournure que prennent les guerres, et à l’allure où les technologies se développent, on aura de moins en moins besoin d’hommes au front. Avec l’intelligence artificielle, la transformation de la main-d’œuvre est également spectaculaire. C’est pareil pour le droit de vote : au sein de l’UE, beaucoup de questions ne peuvent plus être résolues au niveau national. Paradoxalement, au cours de cette ère libérale, les citoyens ont obtenu plus de droits, mais ont perdu du pouvoir.
Aujourd'hui, l'électeur agit comme un consommateur.
L’un de mes sociologues préférés, Albert O. Hirschman, un penseur juif allemand ayant émigré aux Etats-Unis en 1940, avait une obsession : prouver que l’on peut avoir des doutes et agir en même temps. Il a écrit un ouvrage très court mais fondamental, intitulé Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States (1970). Il y décrit comment les gens réagissent lorsqu’ils commencent à ne plus apprécier le fonctionnement d’une organisation, d’une entreprise ou d’un État. Il estimait que nous agissons très différemment en tant que consommateurs et en tant que citoyens. En tant que consommateur, si mon Coca-Cola commence à être moins bon, je ne vais pas envoyer des lettres à la société, je vais plutôt acheter du PepsiCo et s’ils sont assez malins chez Coca, ils comprendront le message et amenderont leurs produits. C’est la porte de sortie. Mais selon Hirschman, il y a certaines choses dont on ne peut pas sortir : sa famille, son parti politique, sa nation. Dans ces cas, ils n’ont pas d’autre choix que de faire entendre leur voix, en s’impliquant dans l’organisation politique, en écrivant des lettres, en manifestant.
Ma crainte est que la "sortie" devienne notre mode de fonctionnement universel. Car fuir est beaucoup plus facile que de se mobiliser et d’essayer de convaincre.
De plus en plus de citoyens optent donc pour cette "grande sortie" en changeant de pays ou en se repliant sur leur sphère privée, dans une forme d’hyperindividualisme ?
C’est une tendance claire, mais on observe aussi un contre-mouvement. Certains se sentent tellement perdus dans cette société qu’ils cherchent à se tourner vers la communauté. D’ailleurs, une partie des mouvements d’extrême droite ont attiré des gens en manque de communauté. Bien sûr, c’est une communauté très spécifique, qui a des points communs avec le courant Völkisch né en Allemagne à la fin du XIXe siècle, qui défendait la nécessité de défendre la "race germanique", sous peine de disparition [NDLR : ses idées ont notamment inspiré le nazisme.]
Le comportement des électeurs a beaucoup évolué depuis l’époque de Hirschmann. Aujourd’hui, l’électeur agit comme un consommateur. Vous pouvez vous rendre dans un magasin, acheter une robe et la rendre dans les 24 ou 48 heures, sans avoir à vous justifier. Simplement parce qu’elle ne vous plaît plus. Par conséquent, aucun choix n’est vraiment existentiel, tout peut être repensé et redécidé. Cela touche à beaucoup de choses : ce que nous voulons étudier, notre travail, les applications de rencontre, etc. Cette multitude de choix est épuisante et rend anxieux. On ne choisit plus, on picore. À mon avis, quelque chose de similaire se produit dans le domaine politique. Avant, quand les gens changeaient de parti politique, c’était une tragédie, c’était comme quitter le pays. De nos jours, changer d’affiliation politique est devenu une banalité. En Bulgarie, 80 % de la population a changé son vote au cours des 15 à 20 dernières années. Sur cette période, par trois fois un parti créé moins d’un an avant les élections a gagné. On cherche toujours la nouveauté. C’est la logique du marché. Mais la politique ne devrait pas fonctionner comme ça.
Compte tenu de ces tendances, comment envisagez-vous l’avenir de l’Europe ?
L’Europe est poussée à adopter une identité de type barricade, car tous les autres pays ont pris cette direction. Mais ce n’est pas facile à faire, car ce n’est pas dans son ADN. D’une part, l’UE ne sera jamais un État-nation, la langue est un élément trop essentiel. On ne peut pas avoir une politique démocratique en se fondant sur la traduction. Car la langue charrie bien plus que des mots, c’est une culture, des expériences historiques…
D’autre part, l’UE ne peut pas totalement faire marche arrière. Le nationalisme économique n’a pas de sens, même des pays comme la France ou l’Allemagne ne sont pas assez grands pour le soutenir. Il est donc évident que ce type d’espace économique est nécessaire pour survivre. L’extrême droite en a bien conscience, elle a d’ailleurs connu une mutation majeure à cet égard. Entre 2015 et 2017, elle rêvait de sortir de l’UE. Puis le Brexit est arrivé. Cela n’a pas été succès retentissant. Alors ces partis ont fait demi-tour. Aujourd’hui, il n’est plus question de quitter l’UE mais de la changer de l’intérieur.
L’exemple hongrois est fascinant. Le Premier ministre Viktor Orbán a beau se répandre dans les médias contre Bruxelles, prétendre que l’Union européenne est devenue l’Union soviétique, mais la Hongrie est le dernier pays à vouloir quitter l’UE ! On parle souvent de son amitié avec Vladimir Poutine, en réalité Orban mise surtout sur la Chine. Et pour cela, il a absolument besoin de l’UE.
Au cours des 30 dernières années, environ 40 % des investissements chinois en Europe ont été réalisés en Hongrie, principalement parce qu’Orban est le seul dirigeant européen à s’opposer aux politiques antichinoises. Il vend donc à Pékin son droit de veto. Mais pour que cela fonctionne, il a besoin du marché européen commun. Sinon, pourquoi la Chine irait investir en Hongrie, un pays de 10 millions d’habitants qui a peu d’intérêt sur le plan géographique ?
On aurait pu croire que la guerre en Ukraine souderait l’Union européenne. La réalité est plus complexe…
Quand la guerre a éclaté, il y a eu un conflit majeur entre l’Est et l’Ouest, car les pays d’Europe de l’Est, en particulier les pays en première ligne, ont été beaucoup plus critiques envers la Russie, reprochant leur naïveté à l’Allemagne et à la France. Au fil du temps, on s’est aperçu que ce conflit n’avait pas divisé l’Est et l’Ouest de l’Europe. La fracture s’est plutôt creusée au sein même de l’Est, autour des frontières des anciens empires. Les pays qui faisaient partie de l’Empire russe (et non de l’Empire soviétique) perçoivent très fortement la guerre en Ukraine comme leur guerre. C’est le cas de la Finlande, des pays nordiques et des pays baltes. En revanche, des pays comme la Bulgarie, la Serbie, la Grèce, anciennes parties de l’Empire ottoman, ne sont pas nécessairement pro russes, mais leur anti-impérialisme a toujours été anti-turc.
Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique.
Je dis cela car je crois que ces différences historiques refont surface et feront l’objet de négociations beaucoup plus fortes qu’avant. C’est pourquoi la coopération entre les gouvernements d’extrême droite ne sera pas si facile. Imaginez un instant que Le Pen devienne présidente en France, que l’AfD forme un gouvernement à parti unique en Allemagne, avec Mr. Kaczynski à la tête de la Pologne, etc. Maintenant, essayez de leur demander ce qu’ils feront sur toutes les grandes politiques. La défense commune ? Le rapport à la Russie ? A la Chine ? Les divisions éclateront au grand jour.
Cela signe-t-il la mort de l’UE ? L’effondrement est toujours une option. Mais je crois que l’Europe peut survivre. Mais attention, pas survivre en gardant les mêmes politiques. Non, il va falloir faire preuve de beaucoup plus de créativité. Celle-ci peut venir d’endroits inattendus. Les gens pourraient se montrer plus disposés à faire des sacrifices qu’on ne le pense. Il y a des moments où vous êtes guidés par la force de votre imagination politique, simplement car vous ne pouvez plus imaginer que demain puisse être comme aujourd’hui.
Alors, de nouvelles idées vont probablement émerger. Je ne pense pas que l’extrême droite sera en mesure de les apporter. C’est un mouvement très nostalgique. Beaucoup de ses électeurs choisissent ces partis car ils veulent revenir à une certaine composition démographique de la société qu’ils connaissent, ils veulent retrouver cette idée de chez-soi qui leur manque, un endroit qu’ils comprennent et où ils sont compris. Mais il n’est pas possible de voyager ainsi. Tôt ou tard, l’extrême droite sera confrontée à son problème majeur : l’échec de son imagination politique. Elle n’a simplement rien d’autre à offrir aux gens que le regret des temps passés.
Le vice-Premier ministre italien et ministre des Infrastructures et des Transports, Matteo Salvini (à gauche), le Premier ministre hongrois, Viktor Orban (deuxième à gauche), le chef du parti d'extrême droite espagnol VOX et président de Patriotes pour l'Europe, Santiago Abascal (troisième à gauche), et la dirigeante du parti d'extrême droite français Rassemblement national, Marine Le Pen (à droite), sont vus au début du rassemblement « Make Europe Great Again » à l'hôtel Marriott Auditorium de Madrid, en Espagne, le 8 février 2025.
Dans le ciel de Kamianske, trois silhouettes rapides ont filé avant que le grondement des explosions ne secoue la ville. En quelques secondes, des colonnes de fumée se sont élevées au-dessus des immeubles : pour la première fois, cette cité industrielle de la région de Dnipro venait d’être frappée par des bombes guidées à réaction de type UMPK/Grom (KAB). L’information a été révélée par la chaîne Telegram Monitor le 25 octobre, qui a fait état de ces frappes inédites au cœur de l’Ukraine.
Ce nouveau mode d’attaque s’inscrit dans une série d’expérimentations menées par Moscou depuis le début du mois d’octobre. Le 17 puis le 18, des bombes similaires avaient visé pour la première fois Mykolaïv et Lozova, cette dernière frappée par une munition UMPB-5R ayant parcouru 140 kilomètres avant d’exploser dans un quartier résidentiel. Six personnes avaient été blessées et onze bâtiments endommagés. La semaine suivante, l’armée de l’air ukrainienne alertait sur un projectile du même type dirigé vers Berestyn, dans la région de Kharkiv, sans que les conséquences n’aient été révélées.
De 150 à 200 kilomètres de portée
Derrière l’abréviation KAB, acronyme de Korrektiruyemaya Aviabomba, ou "bombe aérienne corrigée", se cache une génération d’armes issues des bombes de l’ère soviétique, profondément modifiées. Conçues à l’origine comme de simples bombes à chute libre, elles ont été transformées en engins intelligents : des ailes pour la portance, un système de guidage GPS ou laser pour la précision, et désormais un moteur à réaction qui leur confère une allonge redoutable.
D’après le Financial Times et les dires de Vadym Skibitskyi, chef adjoint du renseignement militaire ukrainien, certaines de ces munitions expérimentales atteignent aujourd’hui entre 150 et 200 kilomètres de portée, soit plus du double de leurs versions antérieures, limitées à environ 80 kilomètres. Un essai aurait d’ailleurs frôlé les 193 kilomètres. Une performance rendue possible par l’ajout d’un moteur chinois SW800Pro-Y, un petit turbojet comparable à celui d’une mini-fusée, dont le coût n’excéderait pas 18 000 dollars, selon l’analyse du média britannique.
Cette adaptation permet aux avions russes, notamment les Su-34, de larguer leurs charges à très grande distance, sans s’exposer aux défenses aériennes ukrainiennes. Désormais, des villes situées à plus de cent kilomètres de la ligne de front, autrefois considérées comme des zones d’arrière relativement sûres, sont directement exposées à cette nouvelle menace. Les ogives, elles, varient entre 300 kilos et plus d’une tonne et demie, capables d’anéantir des immeubles entiers. Selon les experts ukrainiens, ces bombes laissent derrière elles des cratères de vingt mètres de large pour six de profondeur.
Un danger pour l’Ukraine ?
Cette évolution n’est pas apparue du jour au lendemain : dès 2023, la Russie avait amorcé une transformation de ses "bombes idiotes" en engins semi-guidés. Mais avec l’ajout de la propulsion, la KAB franchit un cap technologique majeur, devenant une véritable bombe planante motorisée, hybride entre la bombe classique et le missile de croisière.
Si Moscou a misé sur cette innovation, c’est avant tout pour compenser son incapacité à dominer dans le ciel ukrainien. "Le recours à la propulsion traduit, paradoxalement, le succès des défenses ukrainiennes", observe Wes Rumbaugh, chercheur au Center for Strategic and International Studies dans les colonnes du Kyiv Independent. Incapables d’approcher les zones cibles, les bombardiers russes n’ont d’autre choix que d’étendre la portée de leurs munitions. Cette évolution technologique coïncide avec une intensification des attaques aériennes visant les infrastructures énergétiques et civiles, à l’approche de l’hiver.
Pour l’armée ukrainienne, la menace reste contenue mais préoccupante. "Ces armes ne changent pas fondamentalement la donne, elles reprennent la même logique qu’une bombe classique lancée depuis un Su-34 ou un Su-24", explique Yurii Ihnat, porte-parole de l’armée de l’air, sur la chaîne Suspilne. "Leur trajectoire ressemble à celle d’un missile de croisière, ce qui les rend théoriquement interceptables par nos systèmes de défense", a-t-il continué. Mais le problème est ailleurs : les stocks de missiles antiaériens s’amenuisent et chaque interception coûte infiniment plus cher que le lancement d’une KAB motorisée.
Désormais, des villes situées à plus de cent kilomètres de la ligne de front, autrefois considérées comme des zones d’arrière relativement sûres, sont directement exposées à cette nouvelle menace.
En plein scandale et malgré une enquête judiciaire pour la vente de poupées sexuelles à l’effigie d’enfant, le premier magasin physique de Shein a ouvert en grande pompe mercredi 5 novembre au BHV de Paris. Cette ouverture survient à l’heure où la plateforme et d’autres géants du e-commerce chinois tels que Temu, se tournent de plus en plus vers l’Europe, alors que leurs activités aux États-Unis subissent de plein fouet la nouvelle politique commerciale américaine. En supprimant au printemps dernier l’exonération de droits de douane dont bénéficiaient les petits colis de moins de 800 dollars de valeur, Donald Trump a en effet freiné le flot de colis de fast fashion à bas prix vers les États-Unis. Et les ventes sont désormais redirigées vers le vieux continent.
Après l’instauration de cette barrière douanière en avril, les ventes aux Etats-Unis ont chuté de 36 % pour Temu et de 13 % pour Shein en mai, selon le centre d’analyse de données commerciales Consumer Edge. Les deux géants chinois accélèrent donc leur expansion européenne, notamment au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, en renforçant leurs dépenses publicitaires et leurs infrastructures logistiques. D’après l’agence Ikom, citée par Les Échos le mois dernier, Temu a réduit ses investissements marketing de 80 % aux États-Unis depuis avril, tout en les augmentant de 115 % en France. Shein, de son côté, a relevé les siens de 45 %.
Hausse des importations chinoises en France
La stratégie paie. Selon Consumer Edge, les dépenses des consommateurs ont bondi de 63 % dans l’UE et de 38 % au Royaume-Uni pour Temu, et de 19 % et 42 % respectivement pour Shein. "Cette expansion n’est pas simplement opportuniste — elle traduit un changement stratégique dans la manière dont ces entreprises envisagent leur prochaine phase de croissance", souligne Anand Kumar, du cabinet Coresight Research, cité par la chaîne américaine CNBC.
En France aussi cette croissance est tangible : selon la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), Temu est devenu le troisième site marchand le plus visité en France au deuxième trimestre 2025 avec 22,4 millions de visiteurs uniques par mois, derrière Amazon et Leboncoin. Shein, huitième avec 16,6 millions, gagne quatre places en un trimestre. Les Échos indiquent qu’en un an, les importations d’articles d’habillement chinois ont augmenté de 10 %, atteignant 5,8 milliards d’euros.
L’Europe prépare son arsenal de défense
Mais les plateformes d’ultra fast fashion de ce type ne sont pas forcément bien accueillies. En France, la loi "anti-fast fashion" adoptée en juin cible directement Shein et Temu et leur modèle économique nuisibles à l’environnement, et prévoit d’interdire leur publicité — sous réserve de validation par la Commission européenne. Le processus pourrait être accéléré : mercredi, jour de l’inauguration du premier magasin Shein au monde à Paris, le gouvernement a annoncé qu’il engageait une procédure de suspension de la plateforme asiatique en ligne, après l’ouverture d’une enquête pour la vente de poupées sexuelles d’apparence enfantine. Selon Le Figaro, l’ex-ministre du Commerce Véronique Louwagie a par ailleurs demandé en septembre à Bruxelles de déréférencer ces plateformes sur Internet, à l’image de ce qui a été fait pour Wish.
Temu et Aliexpress font actuellement l’objet d’enquêtes européennes pour ventes de produits non conformes, tandis que Shein est accusée de ne pas respecter les règles de protection des consommateurs et fait déjà l’objet d’une enquête de la Commission européenne. L’été dernier, l’organisation paneuropéenne des consommateurs BEUC avait déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre Shein pour l’utilisation de techniques trompeuses, ou "dark patterns", favorisant la surconsommation. Face aux polémiques des derniers jours, Paris a appelé ce jeudi l’Union Européenne à aller "plus loin" pour "sévir" contre les infractions aux règles du géant asiatique du commerce en ligne. "La Commission a diligenté certaines enquêtes, elle doit maintenant les assortir de sanctions", a demandé le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot.
De fait, le système de défense européen se complète de mois en mois. L’UE prépare une directive sur la diligence durable (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), imposant dès 2026 aux entreprises d’évaluer leurs chaînes d’approvisionnement et leur impact environnemental. Elle planche enfin sur une réforme douanière supprimant l’exonération de taxes dont bénéficient actuellement les petits colis venus d’Asie. Problème : celle-ci est prévue pour 2028. Les professionnels du textile espèrent raccourcir le délai au 1er janvier 2027. En attendant, Shein et Temu continuent de déverser des millions de paquets à bas prix sur le marché européen.
"Suivre, rattraper, mener". C’était le mot d’ordre donné par le Conseil d’Etat chinois il y a dix ans, pour encourager l’innovation. Or non seulement la Chine a effectivement suivi et rattrapé ses concurrents, mais c’est elle qui mène souvent la danse, du nucléaireà l’automobile électrique, en passant par les robots ou les téléphones portables. La Chine ? "Un pays de copieurs, encore très en retard technologiquement", persiflaient nos industriels au début des années 2000. Deux décennies plus tard, l’Empire du Milieu est devenu celui de l’innovation. Elle vient de rentrer dans le top 10 mondial (selon l’Indice mondial de l’innovation 2025), devançant l’Allemagne ou la France et s’inscrit au deuxième rang pour ses dépenses de R & D. Ses entreprises, équipées de technologies dernier cri à des prix imbattables, taillent des croupières à leurs rivales européennes.
C’est la force de la Chine de 2025 : elle s’est transformée en labo du monde, au coude-à-coude avec les Etats-Unis, sans renoncer à être l’usine du monde. "Trop de subventions publiques, trop de protectionnisme !" accusent les Occidentaux. Ils ont raison, mais la triche chinoise ne suffit pas pour expliquer l’incroyable essor du pays dirigé par Xi Jinping. Le décrochage avec l’Europe, pointé du doigt l’an passé par le rapport Draghi, ne cesse de s’amplifier, les routes de la soie devenant les autoroutes du déficit, avec un trou béant de 1 000 milliards d’euros en cumulé depuis trois ans au détriment de l’Union européenne.
Bruxelles cherche la contre-offensive
Confronté aux coups de boutoir de Pékin, Bruxelles cherche la contre-offensive. Mais face à un Vieux Continent divisé, la déferlante chinoise semble inarrêtable. Sans doute les Européens devraient d’abord s’interroger sur les secrets du géant asiatique. Le premier s’écrit en trois chiffres : 996. Un slogan, ancré dans la culture tech chinoise et repris depuis peu dans la Silicon Valley. "996" désigne des horaires de travail, de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine. Soit 72 heures hebdomadaires, un rythme infernal et d’ailleurs illégal, selon la justice chinoise, "mais une référence qui témoigne d’une temporalité différente : quand on dit que les Chinois travaillent "jiu-jiu-liu (996)", cela signifie qu’ils adoptent un rythme de travail intensif", rapporte Fabien Gargam, de l’institut franco-chinois de l’université Renmin à Suzhou.
Goût de l’effort, mais aussi, et c’est le deuxième secret chinois, de l’efficience. En septembre, les ventes du fabricant automobile BYD ont bondi en Europe de 272 %. Derrière cette performance se cache une quête permanente de gains de productivité. "Les constructeurs automobiles chinois ont considérablement réduit le nombre d’heures d’ingénierie par véhicule, le maintenant à un niveau inférieur à celui de leurs concurrents", relève le cabinet Oliver Wyman. Faire plus avec moins : la recette chinoise de l’innovation tranche avec celle de L’Europe. Et en particulier avec celle de la France, où l’on s’échine à faire moins avec plus…
Cette photo fournie par le ministère russe des Affaires étrangères montre le dirigeant chinois Xi Jinping assistant à une réunion à Pékin, le 15 juillet 2025
Après le séisme vient le temps de la construction. Elu maire de New York mardi 4 novembre, au terme d’un scrutin ayant captivé les habitants de la mégalopole, des Etats-Unis et du monde, le démocrate Zohran Mamdani prépare son entrée en fonction le 1er janvier. Quasiment inconnu il y a quelques mois, l’élu local de 34 ans a séduit la moitié (50,39 %) des 2 millions de votants (une participation record depuis près de 60 ans). Il aura de nombreux défis à relever, pour faire appliquer son programme socialiste axé sur le coût de la vie au sein de la capitale du monde, et tenir tête par la même occasion à Donald Trump, à qui il s’est largement opposé durant sa campagne menée principalement via les réseaux sociaux.
Faire face à Donald Trump
Le plus grand défi auquel Zohran Mamdani pourrait être confronté n’est autre que le président Trump. Ce dernier l’a récemment qualifié de communiste et a menacé de l’arrêter et de priver la ville de financements fédéraux. Pendant son discours de victoire, Zohran Mamdani a lui même directement interpellé Donald Trump, le qualifiant de "despote" et appelant à le "vaincre". Mais tout en promettant de défendre la ville, il s’est aussi dit prêt à dialoguer avec le président pour faire baisser le coût de la vie, sa priorité ultime.
La politique anti-immigration du républicain et les poursuites judiciaires contre ses opposants devraient cristalliser les tensions. Certains New-Yorkais craignent que Donald Trump n’envoie la Garde nationale dans la ville ou ne dépêche des agents de l’immigration dans les quartiers, espérant provoquer une confrontation avec Zohran Mamdani. Ce dernier prévoit de s’appuyer sur la gouverneure Kathy Hochul et la procureure générale Letitia James pour contrer juridiquement les attaques fédérales. Proche du futur maire, la seconde a récemment été inculpée pour fausses déclarations bancaires à la suite de pressions publiques du président américain.
Faire appliquer son programme ambitieux
Le nouveau maire de New York devra avant tout faire appliquer un programme ambitieux, qui se concentre en très grande partie sur la lutte contre le coût de la vie dans une ville où le salaire moyen est d’environ 6 000 dollars par mois (5 000 euros), et où la moitié est fréquemment consacrée au paiement des loyers (3 500 euros en moyenne).
Deux mesures phares devront être concrétisées. D’abord, sa promesse de se battre contre la crise du logement en décrétant un gel des loyers sur les près d’un million d’appartements à loyer réglementé de la ville. Il peut légalement imposer cette mesure via le Rent Guidelines Board. Le nouveau maire a déclaré au média Hell Gate qu’il voulait "réellement utiliser" son pouvoir pour imposer ce gel, évoquant la possibilité de remplacer les membres réticents de ce comité. À plus long terme, il vise la construction de 200 000 logements abordables en dix ans pour élargir l’accès à un logement décent.
Deuxième promesse de taille : la mise en place d’une garde d’enfants gratuite pour tous les enfants de 6 semaines à 5 ans, un projet estimé à 6 milliards de dollars par an. Il souhaite le financer via une taxation accrue des plus riches et des entreprises, tout en restant ouvert à d’autres solutions face à la réticence de la gouverneure Kathy Hochul à augmenter les impôts. Celle-ci s’est déjà dite prête à coopérer sur ce chantier prioritaire.
Redéfinir la politique policière
Ancien partisan du mouvement Defund the Police, Zohran Mamdani dirigera désormais un département de police fort de plus de 34 000 agents. Il semble que le nouvel élu souhaite désormais coopérer avec les forces de l’ordre. Il a présenté ses excuses aux policiers pour avoir qualifié la police de "raciste, anti-queer et grande menace pour la sécurité publique" en 2020. Avant de saluer la commissaire de police de NYC Jessica Tisch, qu’il maintiendra à son poste, félicitant les efforts de ses agents pour renforcer la sécurité publique.
Pour rééquilibrer et recentrer la police sur la sécurité publique, l’édile s’est engagé à créer un "Département de la sécurité communautaire", qui enverrait des travailleurs en santé mentale — plutôt que la police — répondre aux appels d’urgence de personnes en crise.
Rassurer la communauté juive
A New York, la plus grande communauté juive des États-Unis a accueilli de manière contrastée l’élection de ce musulman, défenseur de la cause palestinienne, qui a qualifié Israël de "régime d’apartheid" et la guerre à Gaza de "génocide". L’Union pour le judaïsme réformé a appelé à "respecter les divergences d’opinions" et s’est engagée à "faire notre part pour rassembler […] sans effacer les différences". L’Anti-Defamation League, une organisation de lutte contre l’antisémitisme, a pour sa part lancé un mécanisme de suivi, le "Mamdani monitor", pour surveiller les actions de la nouvelle administration new-yorkaise. Dans son discours mardi soir, Zohran Mamdani a répété son engagement dans "la lutte contre le fléau de l’antisémitisme". Il a dans le même temps affiché le souci de garantir également une place "dans les couloirs du pouvoir" aux musulmans de sa ville.
Se construire un entourage solide
L’élection de Zohran Mamdani, figure de la gauche radicale, marque un tournant pour un Parti démocrate divisé entre modérés et progressistes. "Zohran n’a pas seulement battu un adversaire républicain, il a aussi battu la vieille garde du parti démocrate", a salué Alexandria Ocasio-Cortez, autre grande figure de la nouvelle garde démocrate. Le nouveau maire de New York a rebondi sur cette révolution lors de son discours de victoire. "Le parti démocrate ne pourra pas durer bien plus longtemps en refusant de voir le futur, en oubliant les jeunes, et cette jeune génération démocrate pleine de diversité", a-t-il affirmé. "Nous avons renversé une dynastie politique".
En préparation de sa prise de fonction le 1er janvier, le futur maire s’est entouré d’un cercle de cinq femmes influentes issues du monde politique et associatif new-yorkais, dont Lina Khan, présidente de l’agence américaine de protection des consommateurs (FTC), Maria Torres-Springer, ex-adjointe au maire, et des dirigeantes d’ONG new-yorkaises. Pour Lincoln Mitchell, professeur à Columbia interrogé par le New York Times, il lui faudra une équipe capable de "comprendre " à la fois New York et Albany (la capitale de son Etat), où seront validées ses principales politiques.
Le nouveau maire élu de New York Zohran Mamdani promet notamment le gel des loyers réglementés, et la garde gratuite des enfants jusqu'à 5 ans pour lutter contre le coût de la vie.
Donald Trump doit rendre des comptes. Mercredi 5 novembre, des responsables économiques de la Maison-Blanche ont été auditionnés pendant près de trois heures par la Cour suprême des États-Unis. Une majorité de juges a remis en question la légalité d’une grande partie des droits de douane imposés par Donald Trump. Cette procédure intervient un an après son retour au pouvoir, marqué par une offensive protectionniste sans précédent visant la quasi-totalité des partenaires commerciaux du pays.
L’avenir des droits de douane drastiques imposés par le Président américain à des dizaines de pays à travers le globe est en jeu. Donald Trump, qui a qualifié leur maintien de "question de vie ou de mort" pour les États-Unis, a dépêché plusieurs hauts responsables pour défendre sa position, dont le ministre des Finances Scott Bessent.
Compétence du Congrès et non du président
Les neuf juges – six conservateurs et trois progressistes – doivent déterminer si Donald Trump a légalement eu recours à la loi d’urgence économique (IEEPA) de 1977, qu’il a utilisée pour décréter plusieurs salves de droits de douane, ensuite modulé au fil des négociations ou brouilles avec les pays visés.
Or, ces droits de douane se traduisent "par l’imposition de taxes aux Américains, ce qui a toujours été un pouvoir fondamental du Congrès" et non de l’exécutif, a immédiatement objecté le président de la cour, John Roberts. "Vous dites que les droits de douane ne sont pas des taxes, mais c’est exactement ce qu’ils sont", a également relevé la juge progressiste Sonia Sotomayor.
Le conseiller juridique du gouvernement, John Sauer, s’en est défendu. "Les droits de douane sont une incitation, un moyen de pression", a-t-il plaidé, assurant que l’objectif était "d’amener les autres pays à changer leur comportement et à traiter les urgences", et non pas d’en tirer des recettes. Ces taxes sur les produits importés génèrent des milliards de dollars de recettes et ont permis d’arracher aux partenaires des Etats-Unis des promesses d’investissements et des conditions plus favorables pour les exportateurs américains.
Des pouvoirs présidentiels sans retour ?
Le juge conservateur Neil Gorsuch a exprimé son inquiétude quant à une telle délégation de pouvoirs au président : "Une fois que le Congrès délègue ses pouvoirs par une majorité simple et que le président l’accepte - et bien sûr tout président signera une loi qui lui donne plus de pouvoir - le Congrès ne pourra pas les récupérer sans une super majorité", a-t-il prévenu.
Donald Trump décrit lui ces droits de douane comme la solution ultime aux problèmes des Etats-Unis. Ils permettront selon lui de réindustrialiser le pays, réduire son déficit commercial chronique, engranger des recettes fiscales, négocier en position de force avec les autres pays… Mais aussi - en imposant des taxes contre le Mexique, le Canada et la Chine - juguler la crise du fentanyl, un puissant opiacé qui tue par overdose des dizaines de milliers d’Américains chaque année.
Ces mesures, déjà jugées illégales par plusieurs tribunaux fédéraux, restent toutefois en vigueur en attendant la décision de la Cour suprême. Si le recours de Trump est rejeté, son administration pourrait s’appuyer sur d’autres textes, mais avec une marge de manœuvre plus limitée. Le verdict est attendu d’ici la fin de la session annuelle, en juin, voire plus tôt, le dossier ayant été examiné selon une procédure accélérée. Elle doit d’ailleurs statuer sur d’autres questions portant sur l’étendue des pouvoirs présidentiels, notamment la révocation des responsables d’organismes indépendants, en particulier à la Banque centrale.
Des casquettes aux couleurs du drapeau vénézuélien, des chants et des slogans contre l’autocratie.Le 23 janvier 2019, des dizaines de milliers de manifestants défilent dans les rues de Caracas. Après plusieurs années d’effondrement économique et d’atteinte à la démocratie, les habitants sont venus exprimer leur colère contre le régime de Nicolas Maduro. La réélection du président en 2018 est alors fortement contestée par l’opposition et la communauté internationale.
Au milieu de la foule, un jeune politique de 35 ans prend la parole. Il s’agit de Juan Guaido, le président du Parlement vénézuélien. Sur une petite estrade, devant son pupitre, il lève la main droite. Le silence se fait autour de lui et toutes les caméras des journalistes filment la scène.
Un opposant qui s’autoproclame président. La foule tout entière l’acclame. Et rapidement plusieurs dirigeants internationaux vont reconnaître ce nouveau chef d’Etat. A commencer par le président américain Donald Trump.
Pourtant six ans plus tard, le régime de Maduro est toujours en place. Cet épisode signe néanmoins une rupture des relations diplomatiques entre Donald Trump et le leader vénézuélien. Alors comment se sont passées leurs retrouvailles depuis le retour à la Maison-Blanche du président américain ?
Le président vénézuélien Nicolas Maduro s'adresse à ses partisans alors qu'il célèbre les résultats des élections législatives et régionales à Caracas, le 25 mai 2025
Face à la menace russe de plus en plus prégnante, l’Union européenne prend de moins en moins de pincettes. Dans le rapport annuel de la Commission sur l’élargissement de l’Union, ce mardi 4 novembre, ses déclarations quant à l’intégration de plusieurs nations aux 27 d’ici à 2030 sont plus directes.
"L’invasion à grande échelle de la Russie en Ukraine et les changements géopolitiques font un écho très clair en un élargissement", a déclaré la cheffe de la politique étrangère Kaja Kallas aux journalistes. "C’est une nécessité si nous voulons être un jour plus fort sur la scène mondiale". Et d’ajouter que : "l’adhésion de nouveaux pays à l’Union européenne d’ici 2030 est un objectif réaliste".
L’Ukraine et la Moldavie en bonne voie
Kaja Kallas, ancienne Première ministre estonienne, a également déclaré que l’adhésion à l’UE pourrait être une "garantie de sécurité majeure" pour l’Ukraine et qu’aucun pays candidat n’avait jamais mis en œuvre des réformes aussi radicales pendant la guerre. "Il sera essentiel de maintenir cet élan et de prévenir tout risque de retour en arrière, notamment en matière de lutte contre la corruption", a toutefois précisé Marta Kos, la commissaire à l’élargissement de l’UE. Présent en Belgique lors de l’événement, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a renouvelé son souhait que l’Ukraine rejoigne l’UE avant 2030. Mais pour l’heure le processus de négociation de l’Ukraine est actuellement bloqué par un veto hongrois. Budapest, hostile à l’adhésion de l’Ukraine, empêche l’ouverture des "clusters" où l’on aligne les législations, rappelle Les Echos. Or l’élargissement de l’UE nécessite l’unanimité des 27 Etats membres existants.
En outre, les responsables européens ont également fait l’éloge de la Moldavie, rapporte The Guardian, dont le gouvernement a accusé la Russie de monter une campagne sans précédent pour inciter les électeurs par le biais de financements illicites des partis, d’achats de votes et de campagnes de propagande. La commissaire à l’élargissement de l’UE, Marta Kos, a déclaré que la Moldavie, qui compte 2,4 millions d’habitants, avait fait les plus grands progrès de tous les pays en un an, "malgré les menaces hybrides continues et les tentatives de déstabilisation du pays sur son cours de l’UE". Devant l’Ukraine, le Monténégro et l’Albanie sont néanmoins les deux pays les plus avancés et favoris dans le processus d’adhésion.
La Serbie et la Géorgie en recul au classement
Les responsables de l’Union européenne ont par ailleurs déclaré que les perspectives étaient mitigées pour la Serbie, dont le président autoritaire, Aleksandar Vučić, a fait face à une année de manifestations de masse contre la corruption. Des manifestations en partie déclenchées par la catastrophe de la gare de Novi Sad, au cours de laquelle un auvent de toit s’est effondré et a tué 16 personnes.
Sur un même axe de recul au classement des prétendants à l’UE, Marta Kos, a aussi déploré "une régression démocratique incroyablement rapide" en Géorgie. L’UE avait déjà arrêté les pourparlers d’adhésion de la Géorgie l’année dernière, après une violente répression contre les manifestants pacifiques lorsqu’ils sont descendus dans la rue contre la loi sur les "agents étrangers" du gouvernement d’inspiration russe, qui oblige les groupes de la société civile à s’inscrire sous cette étiquette stigmatisante s’ils reçoivent des fonds de l’étranger.
Le Parlement européen a rapporté en juillet qu’après les manifestations, plus de 500 personnes avaient été détenues en vertu de "procédures administratives", dont 300 étaient alors soumises à la torture ou à d’autres formes de traitement inhumain et dégradant. S’adressant directement aux dirigeants du gouvernement géorgien, Marta Kos a déclaré qu’ils éloignaient les gens de l’UE : "Si vous êtes sérieux au sujet de l’UE, alors écoutez votre peuple et arrêtez de mettre en prison les dirigeants de l’opposition, les journalistes et les personnes qui pensent différemment de vous. Ensuite, nous pourrons parler".
"Préparez-vous, le dépouillement pourrait prendre des semaines", avaient promis certains commentateurs avisés de la politique américaine. En quelques heures pourtant, le match était plié : Donald Trump remportait l’élection américaine face à la candidate démocrate Kamala Harris et allait réintégrer la Maison-Blanche. C’était il y a un an jour pour jour, le 5 novembre 2024.
Hasard du calendrier, une figure politique aux antipodes du "commandant en chef" républicain a remporté son élection cette année. Il s’agit de Zohran Mamdani, le candidat socialiste investi par les démocrates pour l’élection municipale new-yorkaise, qui est arrivé largement en tête du scrutin mardi soir. Au terme d’une campagne de terrain menée tambour battant et d’une maîtrise aiguisée des réseaux sociaux, l’élu à l’Assemblée de l’Etat de New York devient le 111e maire de New York. A seulement 34 ans, c’est aussi le plus jeune. La presse américaine souligne la bouffée d’air frais insufflée au parti démocrate un an après sa lourde défaite lors des différents scrutins de 2024 et à un an des élections de mi-mandat. Ce serait oublier que démocrates et républicains sont aussi impopulaires les uns que les autres.
Dans une enquête du Pew Research Center publiée fin octobre, une majorité de citoyens américains affirme que les deux partis ont des positions trop extrêmes. Ils sont par ailleurs une minorité - 42 % pour les démocrates et 39 % pour les républicains qui dominent la totalité des institutions du pays depuis un an - à penser que ces deux formations gouvernent de manière éthique et honnête. Un constat alarmant.
La confiance des Américains dans leur parti atteint un niveau extrêmement faible.
Traditionnellement, un tel niveau de désaffection envers la classe politique facilite la montée de leaders populistes. Dans un sens, le retour de Donald Trump en 2024 répond à cette logique. La victoire de Zohran Mamdani aussi : le nouveau maire de New York a largement fait campagne sur la taxation des plus aisés et la promesse de logements plus abordables pour la classe moyenne, ainsi qu’une forme de dégagisme à l’égard de l’ancien gouverneur Andrew Cuomo, empêtré dans des scandales de harcèlement sexuel depuis fin 2020. Pour autant, le crédit politique dont bénéficient ces personnalités "hors système" est limité. Un sondage YouGov pour Yahoo publié cet été montrait que 22 % avaient une bonne image du jeune socialiste ; à l’inverse 31 % en avaient une opinion défavorable.
Donald Trump n’est pas épargné non plus - au contraire. Moins d’un an après sa prise de fonction, il est le chef d’Etat le plus impopulaire de l’histoire récente du pays.
Dans ce contexte, une majorité d’Américains affirme qu’ils aimeraient se détourner des partis traditionnels vers une autre formation. Un sondage réalisé par l’institut Gallup, pionnier de l’enquête d’opinion aux Etats-Unis, révèle que 62 % d’entre eux pensent que l’émergence d’un troisième parti est nécessaire. Moins d’un adulte sur trois estime par ailleurs que les partis actuels sont suffisamment représentatifs du peuple américain. Les choses se compliquent néanmoins quand on s’intéresse à la part des citoyens qui aimeraient voter pour ce troisième parti.
Aux Etats-Unis, l'émergence d'une troisième voie semble impossible.
Ils ne sont que 15 % - moins d’un adulte sur six - à affirmer qu’il est fortement probable qu’ils soutiennent cette troisième formation. Une très franche majorité d’entre eux pense que ne pas accorder leur vote aux démocrates ou républicains serait un "gâchis" de leur droit de vote, ou pire, qu’il permettrait de faire gagner le candidat qu’ils aiment le moins. Voilà de quoi faire prospérer la polarisation bipartisane pendant de longues années. Charge aux deux partis de recréer de l’espoir avant les élections de mi-mandat, au risque de subir une nouvelle déconvenue.
Pourquoi Zohran Mamdani ? Et comment un homme encore inconnu l’année dernière, musulman et socialiste de surcroît, a-t-il pu remporter la mairie de la capitale de la finance et de l’immobilier américains, New York City ? Enfin : que signifie pour le Parti démocrate le triomphe électoral de ce trentenaire né en Ouganda qui deviendra, le 1er janvier prochain, le 111e et plus jeune maire de la ville depuis 1913 ?
A toutes ces questions, il existe une réponse simple : comme d’autres métropoles internationales, New York (de 8,5 millions d’habitants) est devenu une cité hors de prix où le coût de la vie atteint des niveaux absurdes, avec des loyers dépassant 4 500 dollars pour un deux-pièces à Manhattan ; des cafés facturés 6 dollars et des places en crèches à 25 000 dollars l’année. "It’s the economy, stupid !" (c’est l’économie, banane !), avait dit un conseiller de Bill Clinton dans les années 1990 pour expliquer qu’aux Etats-Unis, la question du pouvoir d’achat décide du résultat de toutes les élections.
Le candidat indépendant à la mairie de New York Andrew Cuomo en campagne à Manhattan le 3 novembre 2025
Mais Zohran Mamdani, 34 ans, a aussi bénéficié d’un alignement des planètes favorable. D’une part, les New-Yorkais sont mécontents de leur maire démocrate sortant, Eric Adams. Ancien "flic" du New York Police Departement (NYPD) élu voilà quatre ans, il est mis en examen pour enrichissement personnel. Raison pour laquelle il a renoncé à se représenter. Restait en lice l’ex-démocrate Andrew Cuomo, vieux crocodile de la vie politique new-yorkaise qui tentait un come-back sous la bannière "indépendante" – il avait dû quitter ses fonctions de gouverneur de l’Etat de New York en 2021, à la suite d’accusations de harcèlement sexuel.
Trop old school, il a mené une campagne ennuyeuse, sans enthousiasme, essentiellement à l’ancienne, c’est-à-dire à la télévision, avec le soutien de la vieille garde démocrate. Pour cette dernière, tout valait mieux que le socialiste Mamdani aux prises de position pro-palestinienne et parfois irréaliste – voire carrément démagogique – comme celle de confier à la municipalité la gestion de magasins d’alimentation "low cost". Au surplus, Cuomo (41 % des suffrages) a souffert de la candidature du fantasque républicain Curtis Sliwa (7 %) dont les voix se seraient reportées sur lui au nom du "Tout sauf Zorhan" s’il s’était retiré de la course, comme l’espéraient certains.
Cinq maires new-yorkais sur six sont démocrates
A l’opposé de Cuomo, Mamdani (50,1 %) a mené sa campagne sur les réseaux sociaux où ses messages simples, concis et enthousiasmants, on fait mouche tout en bénéficiant du "dégagisme" ambiant. Archi majoritairement démocrate, la ville de New York n’est cependant pas représentative du pays. Depuis 1900, la ville a élu six fois plus souvent des maires de ce parti. Les républicains, eux, restent l’exception à l’instar de Rudy Giuliani ou Michael Bloomberg. A New York, la participation électorale est en outre habituellement faible (autour de 25 %) même si cette année, la polarisation autour de la figure du candidat "socialiste" et musulman a permis une surmobilisation qui s’est traduite par une participation de 45 %, avec environ 1 million de suffrages pour Mamdani et 850 000 pour Cuomo.
Même s’il ne faut pas exagérer la portée du succès de Mamdani, la victoire de ce candidat né dans un milieu d’intellectuels de gauche privilégiés (son père est un théoricien postcolonial ; sa mère, une productrice et réalisatrice de cinéma) est puissamment symbolique, avec un impact psychologique indéniable. "Cela va galvaniser l’aile gauche radicale du parti démocrate et la conforter dans l’idée qu’il faut se débarrasser de la vieille génération au sein même de son propre camp", estime l’homme d’affaires et commentateur politique Harley Lippmann, un "indépendant" qui espérait la victoire de Cuomo. "Cela va donner des ailes à Alexandria Ocasio-Cortez : elle va vouloir défier le sénateur Chuck Schumer, lui aussi de New York, qui est actuellement le démocrate le plus puissant du parti." Car ses ambitions sont plus grandes : à la différence de Mamdani, qui est né à l’étranger, elle peut prétendre, un jour, conquérir la Maison-Blanche.
Un policier du NYPD veille devant le commissariat de Times Square à New York, le 5 octobre 2021
Mais la médaille a son revers. "Si la fraction la plus radicale du Parti démocrate va trop loin, cela poussera les plus modérés et centristes à s’abstenir, voire à voter républicain, comme cela s’est produit à la dernière présidentielle lorsque de nombreux électeurs ont renoncé à donner leur voix à Kamala Harris", poursuit-il. Au reste, la génération Z du camp démocrate n’a pas encore gagné la partie : en Virginie et dans le New Jersey, ce sont deux démocrates centristes qui ont été élus gouverneurs en même temps que Zohran Mamdani devenait maire de New York.
"On pourrait assister à un exode des New-Yorkais"
Démocrate affilié aux Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), ce dernier pourrait d’ailleurs devenir le "meilleur ennemi" de Donald Trump, qui a tout intérêt à en faire un épouvantail. Pendant la campagne, les républicains ont rappelé, dans le contexte de la mort de l’Afro-américain George Floyd (étouffé au sol par un policier de Minneapolis en 2020), Mamdani soutenait le mouvement Defund the police ("Supprimer le financement de la police"). Trump et son entourage mettent l’accent sur son incapacité à condamner le slogan "Globalisons l’intifada." Et ils observent que Mamdani reste évasif sur le désarmement du Hamas. "Lors du dernier débat électoral, fin octobre, il a préféré charger Israël, qu’il accuse de génocide : "Le problème, ce sont les racines : le blocus, l’occupation, l’apartheid."
Durant la campagne, Zohran Mamdani a placé la barre des espérances très haut : augmentation du pouvoir d’achat, gel des loyers, transports gratuits, magasins d’alimentation subventionnés, etc. Mais après sa prise de fonctions en janvier 2026, il sera confronté au réel. "Si sa politique consiste à augmenter les impôts, bloquer les loyers et définancer la police de New York, alors attention au retour de bâton", prévient Lippmann. "On pourrait assister, comme au moment du Covid, à un nouvel exode des New-Yorkais vers la Floride, où les impôts sont plus faibles. Non seulement les plus riches pourraient quitter la ville mais, de plus, les entrepreneurs pourraient emporter leurs entreprises sous leurs bras, ce qui se traduirait par des emplois perdus. Je me demande avec quel argent Mamdani mettra alors en œuvre son programme socialiste", ajoute le commentateur.
"Accessoirement, poursuit-il, les juifs de New York – première ville juive au monde devant Tel-Aviv – ne sont guère rassurés par ses prises de position sur la police, surtout dans le contexte d’un antisémitisme en augmentation depuis le pogrom du 7-Octobre et la guerre à Gaza. Plus d’une fois, Mamdani a expliqué à son électorat de la génération Z que la criminalité pouvait se résoudre grâce à l’augmentation des travailleurs sociaux. C’est sympathique mais pas du tout réaliste…", soupire notre interlocuteur.
Seule certitude : l’expérience Mamdani – celle d’un trentenaire musulman anticapitaliste élu dans la capitale de la finance – sera scrutée à la loupe. S’il échoue (comme ses deux prédécesseurs Bill de Blasio et Eric Adams), ce sera pain bénit pour Donald Trump et les républicains qui pourront faire d’une pierre deux coups : à travers le maire de New York, ils pourront atteindre l’étoile montante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez qui est son proche allié. Le jeu est toutefois risqué. Si le président américain met des bâtons dans les roues de New York City, par exemple en supprimant des financements fédéraux et en envoyant l’armée dans les rues de la ville, alors le nouvel élu pourrait se présenter en victime. Et surfer sur la dynamique gagnante qu’à la surprise générale, il a créée en quelques mois.
Tests de nouvelles armes par la Russie, annonce de potentielles reprises des essais nucléaires par Donald Trump : le plus haut gradé français, le général Fabien Mandon, a jugé mercredi 5 novembre "l’atmosphère sur le nucléaire préoccupante", pointant "un niveau de discours et d’agressivité […] assez exceptionnel".
Devant les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, le chef d’état-major des Armées a évoqué les tirs d’essai fin octobre par la Russie de la torpille Poséidon, "qui serait capable d’emporter une charge nucléaire" et du missile de croisière à propulsion nucléaire Bourevestnik.
"C’est un missile qui a volé plus d’une dizaine d’heures de manière continue […] ça permet d’atteindre des distances extraordinaires. Et c’est quelque chose qui met en œuvre des technologies, notamment nucléaires […] des raisons de préoccuper la planète, puisqu’un cœur nucléaire qui vole dans une arme c’est absolument pas anodin", a estimé le général Mandon. "D’ailleurs, le président américain l’a bien noté puisque dans la foulée, il a annoncé la reprise, en tout cas, il a eu une expression qui laissait entendre que les Etats-Unis pourraient reprendre des essais nucléaires", a-t-il affirmé.
"Donc, il y a quand même une atmosphère sur le nucléaire qui est préoccupante", selon lui, "on est dans un niveau de discours et d’agressivité dans les actes et les paroles qui est assez exceptionnel".
Un choc avec la Russie "d’ici trois ou quatre ans"
L’Iran a de son côté annoncé la reconstruction de ses installations nucléaires, détruites par les frappes israéliennes et américaines en juin, a-t-il également rappelé.
Devant les sénateurs, le plus haut gradé français a par ailleurs réaffirmé la nécessité pour l’armée française de se "préparer à un choc d’ici trois ou quatre ans" face à la Russie. Face à l’absence de "signe de la part de Moscou de volonté de négocier ou de s’arrêter", "le devoir pour un responsable militaire qui doit anticiper les choses, (est) de dire le scénario d’un nouvel épisode d’attaque russe sur notre continent ne peut pas être écarté et il faut s’y préparer", a expliqué le général Mandon.
Le chef d'état-major des armées françaises, Fabien Mandon, à son arrivée pour assister au sommet de la Coalition des volontaires, à l'Élysée, à Paris, le 4 septembre 2025.
"Une ascension spectaculaire", titre le Los Angeles Times. Mardi 4 novembre, Zohran Mamdani a été élu maire de New York. A 34 ans, le démocrate a devancé l’ancien gouverneur Andrew Cuomo et le républicain Curtis Sliwa, s’imposant grâce à une campagne centrée sur l’accessibilité financière et les services publics. Le Los Angeles Timesle souligne : le socialiste laissera son empreinte dans l’histoire "comme le premier maire musulman de la ville, le premier d’origine sud asiatique et le premier né en Afrique", mais aussi "le plus jeune maire de la ville depuis plus d’un siècle".
Dès janvier prochain, le futur maire de New York sera confronté à un défi de taille : concrétiser ses promesses ambitieuses, jugées parfois irréalistes par ses détracteurs. Parmi celles-ci, la gratuité des transports en commun, celle de la garde d’enfants, ou encore la création de magasins alimentaires gérés par la ville.
La victoire de Zohran Mamdani s’inscrit dans une série de succès démocrates. Dans la soirée, d’autres candidats de son bord politique ont remporté des postes clés sur la côte Est et au-delà. Les électeurs ont ainsi porté Abigail Spanberger à la gouvernance de Virginie et Mikie Sherrill à celle du New Jersey. En Californie, un référendum approuvé redessine les circonscriptions électorales, ce qui pourrait "coûter leurs sièges à cinq républicains " et améliorer les chances démocrates lors des élections de mi-mandat de 2026, note USA Today.
"Le Parti démocrate n’est pas vaincu"
Le quotidien national qualifie ainsi la soirée de "preuve de vie" donnée par le parti, soulignant que "même sans base de pouvoir national, sans candidat en tête pour la prochaine présidentielle, sans stratégie cohérente contre Trump et avec des classements historiquement bas auprès des électeurs, le Parti démocrate n’est pas vaincu".
Le Wall Street Journalvoit dans ces résultats un avertissement pour les républicains : "Les démocrates inversent la donne sur la question du pouvoir d’achat, surtout lorsqu’ils évitent les pièges culturels de l’aile gauche." Les candidats démocrates ont en effet centré leurs campagnes sur des préoccupations concrètes et quotidiennes : l’augmentation des coûts du logement, des soins de santé et de l’énergie, ainsi que l’accès aux services publics essentiels. Comme le souligne USA Today, c’est cette stratégie qui a permis à des candidats comme Abigail Spanberger et Mikie Sherrill de s’imposer dans leurs Etats respectifs.
Pas de garantie pour 2026
Les analystes du Wall Street Journal expliquent également ces victoires par la désaffection croissante envers l’actuel président : sa cote de popularité, à 44 % dans le New Jersey et 42 % en Virginie selon les sondages à la sortie des urnes, illustre le coût de ses positions politiques controversées, dont la récente fermeture partielle du gouvernement. CNN résume la situation : ces élections étaient "une première opportunité pour les électeurs de se prononcer sur Trump depuis l’élection présidentielle".
L’issue reste toutefois incertaine pour les élections de mi-mandat de 2026. Comme le note le Wall Street Journal, "les élections de Virginie et du New Jersey ont toujours été des courses difficiles (à remporter, NDLR) pour le parti au pouvoir à la Maison-Blanche". Une question posée par USA Today reste donc sur toutes les lèvres : "Les démocrates pourront-ils le refaire l’année prochaine ?". Pour le New York Times, il ne reste plus qu’à patienter pour connaître la réponse : "La question de savoir si les dirigeants démocrates sont prêts à faire de la place à un large éventail d’idéologies au sein du parti […] est une question ouverte sur laquelle les mi-mandats de 2026 feront la lumière."
Je n’y étais pas retourné depuis la guerre. Mais laquelle ? Pas la dernière, peut-être celle d’avant. J’ai essuyé toutes les après-guerres depuis la première fois, au début des années 1990, quand le centre-ville était encore en ruine, magnifiquement envahi par la végétation, décor de science-fiction catastrophe. A l’époque, tout le monde parlait français. Surtout les enfants des écoles où on me trimbalait pour leur parler de mes livres qu’ils avaient lus. Les Syriens étaient partout, check-point par-ci, check-point par là. Et ils étaient encore là quand j’y suis retourné, dix ans plus tard, avec Dora. Elle les détestait, comme il se doit d’un envahisseur qui prétend maintenir l’ordre. N’empêche que la vie me semblait douce, à part ça. Une vie d’après-guerre. Douce aux pacifistes. Comme si la paix, chaque jour, triomphait du folklore de la dictature. Illusion de visiteur, bien sûr. Mais il n’y avait presque plus de morts, ça compte.
J’ai bien aimé détester les Syriens au Liban. La vie sous l’occupation allemande, à Paris, devait avoir un peu ce charme coupable. Et la foi prémonitoire, présentimentale, qu’ils allaient partir, qu’ils n’avaient rien à faire là, et qu’on serait libre, enfin. Vieille histoire de la liberté jamais aussi bien comprise qu’en prison. J’ai bien aimé comment Abla, ma belle-mère, détestait Rafic Hariri, le Premier ministre vendu aux occupants syriens, et j’aimais bien le détester aussi, tout en ayant vaguement le pressentiment que c’était l’bon temps qu’il offrait au Liban. Celui du fric, de la débauche, des fêtes à l’ambassade de France. Assassiné, ils l’ont tous aimé. Moi aussi. Et pour la liberté que son assassinat a rendue possible, inévitable. Liberté de peurs, d’illusions funestes, nouvelles guerres, ahurissantes faillites, explosion apocalyptique du port.
Pays de malheurs
Donc j’y retourne. A l’arrivée à l’aéroport Rafic Hariri, une grande fresque propagandiste gouvernementale : Make Lebanon great again. Nausée trumpiste. Sinon, sur la route, admiration intacte pour les automobilistes libanais, ils sont tous excellents peut-être parce que les mauvais sont morts sur la route ; sélection naturelle, en quelque sorte. Je m’émerveillais jadis de l’absence de feux rouges. Puis ils en ont mis en place à une dizaine de carrefours, c’est là où il y a le plus d’accidents. Heureusement, il n’y en a plus que trois qui fonctionnent, les autres sont bloqués à l’orange clignotant.
A l’entrée d’Achrafieh, la montagne chrétienne de Beyrouth, on est accueilli par l’inévitable portrait géant, sur trois étages, de Béchir Gemayel, le jeune fondateur des Forces libanaises, assassiné en 1982, trois semaines après avoir été élu président de la République, à 34 ans. Sabyl me rappelle que son portrait a été récemment changé, il était en civil, en président, il est à présent en treillis, une kalachnikov entre les mains. Ça promet. Pour en finir avec la circulation, les drapeaux confessionnels qui fleurissaient partout dans la ville, délimitant les zones maronites, druzes, chiites, etc., ont disparu, interdits par le nouveau général au pouvoir. Mais cela crée un problème, m’explique Sabyl, comme un manque de repères politico-géographiques, dans une ville où les panneaux indicateurs sont rares. Ça le fait marrer. Il aime son pays de malheurs. Mais Paris, mais… Il y a beaucoup de restaurants libanais, à Paris, on y mange la même chose qu’à Beyrouth, taboulé, houmous, baba ganoush, mais ça n’a pas le même goût. Jamais. Ils ne peuvent pas lutter avec le persil cueilli dans le jardin de Naïla, à Deir-el-Qamar, dans le Chouf.
La tante de Sabyl me raconte : "Les drones israéliens survolent des jours entiers avec leur vrombissement à rendre dingue. Pourquoi ? Il n’y a pas de terroristes, ici !" C’est justement pour ça qu’ils le font : pour susciter des vocations. De quoi serait fait leur avenir, sinon ? Au restaurant, le soir, à chaque coupure de courant, toute la salle plongée dans le noir chante Happy Birthday. On rigole. La lumière revient.
Un coup non, un coup oui, le président américain a encore changé d’avis. Après plusieurs revirements, Donald Trump a annoncé mardi 4 novembre renommer le milliardaire Jared Isaacman, un proche d’Elon Musk, pour prendre la tête de la puissante agence spatiale américaine (Nasa), après l’avoir pourtant écarté en mai.
"La passion de Jared pour l’espace, son expérience d’astronaute et son dévouement à repousser les limites de l’exploration, à percer les mystères de l’univers et à faire progresser la nouvelle économie spatiale font de lui la personne idéale pour mener la Nasa vers une nouvelle ère pleine d’audace", a justifié le républicain sur son réseau Truth Social.
Fin mai, il avait retiré in extremis sa nomination pour prendre la tête de la Nasa, justifiant son revirement par un "examen approfondi" des "associations antérieures" de l’homme d’affaires, qui avait par le passé fait des dons à des élus démocrates.
Un apaisement relatif entre Donald Trump et Elon Musk
Cette marche arrière était survenue au moment même où les relations entre Donald Trump et le multimilliardaire Elon Musk se dégradaient, les tensions entre les deux hommes ayant fini par exploser spectaculairement début juin. Depuis, un apaisement relatif a semblé s’opérer entre les deux hommes, qui ont notamment été vus côte à côte lors d’un hommage en septembre à l’influenceur conservateur Charlie Kirk.
Donald Trump avait nommé une première fois Jared Isaacman en décembre dernier, un choix qui avait suscité des inquiétudes sur d’éventuels conflits d’intérêts. L’homme d’affaires de 42 ans est réputé très proche du patron de SpaceX Elon Musk, avec lequel il a des liens financiers étroits, mais est soutenu par de nombreux acteurs du secteur spatial qui le jugent compétent et passionné.
"Merci, Monsieur le Président", a réagi mardi Jared Isaacman sur la plateforme X d’Elon Musk en remerciant la "communauté des amoureux de l’espace". Elon Musk a quant à lui réagi en partageant sur son réseau trois émoticônes : un cœur, une fusée et le drapeau américain. La nomination de Jared Isaacman à la tête de la Nasa doit à présent être confirmée par le Sénat américain.
Le ministre des Transports opposé à cette nomination
Jared Isaacman a fait fortune dans les paiements en ligne à la tête de son entreprise Shift4 Payment et est par ailleurs le premier astronaute privé à avoir effectué une sortie extra-véhiculaire dans l’espace, lors d’une mission privée menée par… SpaceX.
Sa nouvelle nomination survient après de vives tensions entre Elon Musk et le ministre des Transports de Trump Sean Duffy chargé de la gestion par intérim de la Nasa. Le multimilliardaire s’en est récemment pris frontalement à Sean Duffy après que ce dernier a évoqué la possibilité de se passer de son entreprise pour retourner sur la Lune, en raison de retards pris par SpaceX. Des propos qui avaient irrité au plus haut point le multimilliardaire. Selon des informations de presse, Sean Duffy s’opposait à ce que Jared Isaacman soit nommé une deuxième fois et souhaitait garder la gestion de la Nasa.
Jared Isaacman, fondateur et directeur général de Shift4 Payments, devant le premier étage récupéré d'une fusée Falcon 9 chez SpaceX, le 2 février 2021 à Hawthorne, en Californie