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Guerre en Ukraine : Kiev frappée par une nouvelle attaque russe massive

L’hiver approche, et avec elle la bataille de l’énergie et de la chaleur. Kiev est une nouvelle fois victime de vastes bombardements, ce vendredi 14 novembre. Les frappes russes ont fait au moins quatre morts et ont réussi à priver certains quartiers de chauffage. Huit des dix districts de la capitale ont été touchés par les frappes, selon les secours, et la municipalité a averti que les transports en commun seraient affectés ce vendredi matin. L’Ukraine de son côté a lancé plus de 200 drones sur la Russie, avec pour but de mettre hors service une raffinerie pétrolière de la côte. Les négociations de paix entre Kiev et Moscou sont au point mort après le report d'un sommet à Budapest qui avait été évoqué entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Les infos à retenir

⇒ Kiev frappée par une attaque russe massive

⇒ L’Ukraine a visé une raffinerie en Russie

⇒ Emmanuel Macron recevra Volodymyr Zelensky lundi à Paris

Emmanuel Macron recevra Volodymyr Zelensky lundi à Paris

Emmanuel Macron recevra le président ukrainien Volodymyr Zelensky lundi à Paris, pour une visite visant à "réaffirmer l'engagement de la France aux côtés de l’Ukraine" et à "entretenir la dynamique du travail engagé sur la question des garanties de sécurité" de Kiev, selon l'Elysée.

Cette neuvième visite de Volodymyr Zelensky en France depuis le début de la guerre menée depuis 2022 par la Russie "permettra de réaffirmer l’engagement de la France aux côtés de l’Ukraine sur le long terme et d’entretenir la dynamique du travail engagé sur la question des garanties de sécurité" dans le cadre de la "coalition des (pays) volontaires" en soutien de Kiev, détaille la présidence. Elle permettra également "d’échanger sur les enjeux de coopération bilatérale, notamment dans les domaines énergétique, économique et de défense".

Kiev frappée par une attaque russe massive

La capitale ukrainienne a subi tôt ce vendredi une vaste attaque de missiles et de drones russes, qui a touché de nombreux districts et fait au moins quatre morts. De fortes explosions ont retenti. "Les Russes frappent des immeubles résidentiels ; de nombreux bâtiments hauts sont endommagés dans presque chaque district", a déclaré le chef de l’administration militaire de Kiev, Timour Tkatchenko. "Quatre personnes ont été tuées (...), environ 430 drones et 18 missiles ont été utilisés", a déclaré Volodymyr Zelensky, accusant la Russie d'une "attaque calculée pour causer un maximum de dommages à la population et de dégâts aux infrastructures civiles".

La police a précisé qu'une trentaine d'immeubles résidentiels avaient été endommagés dans les frappes nocturnes. Le maire de Kiev, qui avait appelé la population à se réfugier dans les abris, a indiqué que "les forces de défense aérienne opèrent à Kiev". Plusieurs incendies se sont déclarés. "Des sections des réseaux de chauffage ont été endommagées" privant temporairement certains bâtiments de chaleur, a-t-il précisé.

À Irpin, localité de la région de Kiev, le maire a décrit une "nuit difficile" marquée par le passage de multiples drones Shahed et missiles. Dans le sud du pays, deux personnes ont été tuées et sept autres blessées vendredi matin sur un marché près d'Odessa, selon le gouverneur régional. La Russie multiplie depuis des semaines les frappes contre les infrastructures civiles, énergétiques et ferroviaires ukrainiennes, alors que l’hiver approche. Moscou a déclaré ce vendredi, comme à son habitude, avoir visé "des installations du complexe militaro-industriel et énergétique" de l'Ukraine.

Plus de 200 drones ukrainiens interceptés en Russie

La Russie a annoncé vendredi avoir intercepté dans la nuit 216 drones ukrainiens. Cette attaque a notamment endommagé une raffinerie de pétrole dans la ville portuaire sur les bords de la mer Noire, Novorossiïsk, dans la région de Krasnodar. L’attaque a également endommagé un immeuble résidentiel de la ville, où des vitres ont été brisées et un homme a été blessé, selon la même source, ainsi qu’un bateau civil et blessé trois membres d’équipage. Kiev vise régulièrement les dépôts et raffineries de pétrole et d’autres installations en Russie, pour tenter d’affaiblir le Kremlin via des manques d’énergie.

Russie : des démineurs nord-coréens déployés dans la région de Koursk

Des démineurs nord-coréens ont été déployés dans la région russe de Koursk, qui avait été partiellement occupée par les forces ukrainiennes entre août 2024 et le printemps 2025, a indiqué vendredi le ministère russe de la Défense. Formés dans des centres russes pour ingénieurs militaires, les démineurs nord-coréens, dont le nombre n'est pas précisé, sont assistés par des robots dans cette région où des "centaines" de mines, obus ou engins explosifs restent encore après l'expulsion des forces ukrainiennes, selon la même source.

Fin juin, la Russie a annoncé que Pyongyang allait envoyer plusieurs milliers de démineurs militaires et des ouvriers de l'armée nord-coréenne pour aider à la reconstruction de la région de Koursk. Début novembre, la Corée du Sud a affirmé qu'environ 5 000 soldats nord-coréens avaient été envoyés en Russie depuis septembre à ces fins, en citant ses services de renseignement.

L’ex-président géorgien veut être inclus dans l’échange de prisonnier

L’ancien président géorgien emprisonné, Mikheïl Saakachvili, également citoyen ukrainien, a demandé jeudi à Volodymyr Zelensky d’être inclus dans un échange de prisonniers avec la Russie. Sur Facebook, il affirme être "illégalement détenu par le régime prorusse en Géorgie". La semaine dernière, le parquet géorgien l’a inculpé pour tentative de coup d’État, ce qui pourrait prolonger son incarcération. Dirigeant pro-occidental de la Géorgie de 2004 à 2013, Mikheïl Saakachvili a obtenu la nationalité ukrainienne en 2015, lorsqu’il était gouverneur de la région d’Odessa. Volodymyr Zelensky avait déjà demandé son transfert en Ukraine pour y recevoir des soins, une requête rejetée par Tbilissi.

© afp.com/Sergei SUPINSKY

La lumière des explosions est visible à Kiev au cours d'une attaque de missiles et de drones sur la capitale, le 14 novembre 2025
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Tensions autour de Taïwan : pourquoi les relations s’enveniment entre la Chine et le Japon

Le ton monte entre la Chine et le Japon. Pékin a indiqué vendredi 14 novembre avoir convoqué l’ambassadeur japonais après des déclarations jugées "extrêmement graves" de la nouvelle Première ministre Sanae Takaichi, qui a laissé entrevoir une possible intervention militaire pour défendre Taïwan, île vivement revendiquée par la Chine. Malgré la réaction virulente de Pékin, Tokyo a assuré que sa position sur Taïwan restait "inchangée" et a plaidé pour "la paix et la stabilité" dans le détroit, tout en favorisant le dialogue.

"Nous devons envisager le scénario du pire"

Sanae Takaichi, connue pour ses positions nationalistes radicales et ses critiques virulentes de Pékin, est à la tête du gouvernement nippon depuis le 21 octobre. Elle est aussi fervente partisane de Taïwan, qu’elle a visité à plusieurs reprises comme députée. Ses déclarations sur l’île ont immédiatement ravivé les tensions bilatérales, dans un contexte où le Japon et la Chine entretiennent des relations tumultueuses malgré des liens commerciaux importants.

Le 7 novembre, devant le Parlement japonais, elle a affirmé que des attaques armées contre Taïwan pourraient justifier l’envoi de troupes japonaises pour défendre l’île, au titre de la "légitime défense collective" prévue par la loi japonaise de 2015. Selon elle, une situation d’urgence à Taïwan "pourrait constituer une menace pour la survie du Japon" et justifierait "le déploiement de navires de guerre et le recours à la force". "La situation concernant Taïwan est devenue si grave que nous devons envisager le scénario du pire", a-t-elle ajouté.

Si elle n’a pas nommé la Chine, la référence est implicite : Pékin considère Taïwan comme une province à réunifier depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949 et n’exclut pas le recours à la force pour cela. Le porte-parole chinois des Affaires étrangères a rappelé que "Taïwan est le Taïwan de la Chine. Comment résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification est une affaire intérieure de la Chine qui ne tolère aucune ingérence étrangère".

Une réaction très virulente de Pékin

"Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Sun Weidong, a convoqué jeudi l’ambassadeur du Japon en Chine, Kenji Kanasugi, afin de protester fermement contre les propos et les agissements erronés de la Première ministre japonaise", a indiqué vendredi le ministère chinois des Affaires étrangères. Le vice-ministre a souligné lors de cette rencontre que "la nature et l’impact de ces déclarations sont extrêmement graves" et a dénoncé les propos "ouvertement provocateurs" que Sanae Takaichi a "refusé de retirer" malgré les protestations chinoises.

D’autres voix en Chine se sont faites plus virulentes encore que celles du gouvernement. En réponse aux déclarations de Sanae Takaichi, le consul général de Chine à Osaka, Xue Jian, a notamment menacé samedi sur la plateforme X de "couper cette sale tête sans la moindre hésitation", sans préciser qui il visait exactement.

Face à cette montée des tensions, la Première ministre japonaise a déclaré lundi au Parlement qu’elle n’avait pas l’intention de revenir sur ses propos, affirmant qu’ils étaient conformes à la position antérieure de Tokyo, tout en précisant qu’elle s’abstiendrait désormais de mentionner des scénarios précis. D’autres membres de son gouvernement ont tenté par la suite d’apaiser la montée en tension diplomatique. Le secrétaire général du gouvernement japonais, Minoru Kihara, a quant à lui rappelé vendredi que "c’est la position constante du gouvernement japonais que nous espérons une résolution pacifique des problèmes entourant Taïwan par le dialogue".

Le Japon renforce ses capacités militaires

La posture de Sanae Takaichi inquiète d’autant plus Pékin que la Première ministre souhaite renforcer les capacités militaires du Japon, avec un objectif de dépenses de défense à 2 % du PIB. Le Washington Post rappelle que le pays, méfiant face aux démonstrations de la puissance militaire chinoise, a aussi "pris ces dernières années des mesures notables pour renforcer sa défense, y compris en acquérant des capacités de contre-attaque, c’est-à-dire la possibilité de frapper des bases ennemies avec des missiles longue portée et de coordonner ces actions avec les États-Unis".

Yasuhiro Kawakami, expert en sécurité interrogé par le Washington Post, estime que "la Chine s’abstiendra probablement de nouvelles réactions. Étant donné les relations très tendues entre les États-Unis et la Chine, il existe un désir fondamental de la part des Chinois d’améliorer les relations Japon-Chine. Pousser le Japon trop dans le camp américain ne serait pas non plus dans l’intérêt de la Chine, et je crois que la Chine le reconnaîtra".

La question de Taïwan reste hautement sensible pour Pékin, qui y voit une question de souveraineté. Elle est encore plus délicate dans les relations avec Tokyo, le Japon ayant contrôlé l’île entre 1895 et 1945. Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères a rappelé à l’ambassadeur japonais : "Aujourd’hui, 80 ans plus tard, quiconque osera entraver la grande cause de l’unification de la Chine, sous quelque forme que ce soit, se heurtera à une riposte cinglante de la part de la Chine !".

© afp.com/Chalinee Thirasupa

Sanae Takaichi, connue pour ses positions nationalistes radicales et ses critiques virulentes de Pékin, est aussi fervente partisane de Taïwan.
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Taïwan : les Etats-Unis approuvent une vente d’armes, une première sous Donald Trump

Les Etats-Unis ont approuvé la première vente d’armes à Taïwan depuis le retour au pouvoir en janvier du président américain, Donald Trump, a annoncé vendredi 14 novembre le ministère taïwanais des Affaires étrangères, tandis que Pékin a exprimé sa "ferme" opposition.

"C’est la première fois que la nouvelle administration Trump annonce une vente d’armes à Taïwan", a déclaré le ministère, après l’approbation par le Département d’Etat américain d’une vente d’armes. Taïwan avait demandé "des composants, des pièces de rechange et des accessoires, ainsi qu’un soutien pour la réparation et le retour des avions F-16, C-130 et Indigenous Defense Fighter (IDF)" pour un montant de 330 millions de dollars, selon une déclaration publiée par l’Agence de coopération pour la sécurité de la défense des Etats-Unis.

Washington reste le soutien le plus puissant de Taïwan, dont la Chine revendique la souveraineté. Pékin affirme que l’île fait partie de son territoire et a menacé d’utiliser la force pour le ramener sous son contrôle. Taïwan dispose de sa propre industrie de défense, mais son armée serait largement dépassée en cas de conflit avec la Chine et reste fortement dépendante des armes américaines pour assurer sa défense.

Mécontentement chinois

Réagissant à cette annonce, la Chine a exprimé son fort mécontentement. "La question de Taïwan est au cœur des intérêts fondamentaux de la Chine et constitue une ligne rouge absolue dans les relations sino-américaines", a déclaré à des journalistes Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, ajoutant que Pékin s’opposait "fermement" à cette vente.

Si les Etats-Unis sont juridiquement tenus de fournir des armes à Taïwan, Washington a longtemps maintenu une "ambiguïté stratégique" quant à un éventuel déploiement de ses forces armées pour défendre l’île en cas d’attaque chinoise.

Le président taïwanais, Lai Ching-te, s’est engagé à augmenter les dépenses de défense à plus de 3 % du PIB l’année prochaine et à 5 % d’ici 2030 alors que la Chine maintient sa pression militaire autour de l’île. Il s’est également engagé à stimuler les investissements aux Etats-Unis alors que son gouvernement tente de réduire les droits de douane de 20 % imposés par l’administration Trump sur les exportations taïwanaises.

Mais les projets de son gouvernement visant à établir un budget spécial de défense doté de 32 milliards de dollars pourraient être contrecarrés par le principal parti d’opposition, le Kuomintang (KMT), qui contrôle le Parlement avec l’aide du Parti populaire taïwanais. La nouvelle présidente du KMT, Cheng Li-wun, favorable à Pékin, a récemment déclaré à l’AFP que Taïwan ne pouvait pas se permettre d’augmenter ses dépenses de défense au-delà de 3 % du PIB.

© Daniel Ceng / ANADOLU / Anadolu via AFP

Le président taïwanais Lai Ching-te prononce un discours à l’occasion de la fête nationale, devant le Palais présidentiel à Taipei, à Taïwan, le 10 octobre 2025.
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Obèse ou diabétique ? Obtenir un visa pour les Etats-Unis pourrait devenir plus difficile

Les étrangers cherchant à émigrer aux États-Unis pourraient désormais se voir refuser un visa en raison de leur état de santé — y compris s’ils souffrent d’obésité — selon une directive du département d’État qui s’inscrit dans le durcissement de la politique migratoire de l’administration de Donald Trump. Les nouvelles règles, nettement plus sévères que celles en vigueur jusqu’ici, ont été transmises dans une notice envoyée plus tôt ce mois-ci par le secrétaire d’État Marco Rubio aux ambassades et consulats américains du monde entier.

Avant d’accorder un visa, "vous devez tenir compte de l’état de santé du demandeur", précise cette notice révélée en premier lieu par KFF Health News et dont le contenu a été confirmé par l’AFP. Parmi les pathologies susceptibles de bloquer l’accès au territoire américain figurent l’obésité, le diabète ou le cancer… "Mais sans s’y limiter", souligne la notice, qui n’a, selon les sources du Washington Post "pas suivi les procédures habituelles de relecture par le personnel de carrière".

Ne pas peser sur le contribuable américain

L’explication mise en avant : ces pathologies peuvent nécessiter "des soins coûtant plusieurs centaines de milliers de dollars", précise le document. Selon le porte-parole adjoint du département d’État, Tommy Pigott, cette politique vise de fait à "accorder la priorité aux intérêts du peuple américain". "Cela inclut la mise en œuvre de politiques visant à garantir que notre système d’immigration ne soit pas un fardeau pour les contribuables américains", a-t-il ajouté dans un courriel.

Sur l’obésité spécifiquement, le ministère indique qu’elle peut provoquer "de l’apnée du sommeil, de l’hypertension artérielle et de la dépression clinique", des affections qui devraient ensuite être prises en charge. Dans la même logique, il est aussi demandé aux ambassades d’évaluer si les personnes à charge ont des "handicaps, des maladies chroniques ou d’autres besoins particuliers et nécessitent des soins".

Jusqu’ici, l’état de santé pouvait déjà motiver un refus de visa, les demandeurs de visas de longue durée devant déjà subir une visite médicale, mais la liste des contre-indications restait limitée aux maladies contagieuses. Désormais, cette nouvelle directive du Département d’État s’applique à la fois aux titulaires de visas temporaires, comme les détenteurs de visas H-1B, ainsi qu’aux immigrants cherchant la résidence permanente aux États-Unis pour des raisons professionnelles ou familiales.

Durcissement de la politique d’immigration

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président Donald Trump a fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité, tout en durcissant fortement les conditions d’entrée pour les migrants réguliers. Le département d’État a déjà révoqué des dizaines de milliers de visas, y compris pour des opinions jugées anti-américaines.

Au-delà d’une volonté de protéger le contribuable américain, cette nouvelle règle pourrait être une manière de réduire encore plus drastiquement l’immigration. Auprès du Washington Post, l’avocat américain spécialisé en immigration Vic Goel estime que "Cette directive donne aux agents consulaires une large marge de manœuvre pour refuser des visas d’immigration ou de non-immigration sur la base de problèmes de santé courants qui, en eux-mêmes, n’ont jamais été considérés comme disqualifiants".

© afp.com/Jim WATSON

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio à la Maison-Blanche le 22 octobre.
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Le Hamas va-t-il se venger en Europe après sa défaite à Gaza ?

Vaincu militairement par l’armée israélienne à Gaza, le Hamas s’apprête-t-il à prendre sa revanche en perpétrant des attentats au cœur de l’Europe ? Plusieurs incidents récents témoignent de préparatifs inquiétants d’un réseau créé par la formation islamiste palestinienne ayant des ramifications dans plusieurs pays européens : découverte d’une cache d’armes en Autriche, interpellation de plusieurs suspects en Allemagne et au Royaume-Uni, arrestation aux Pays-Bas d’un prétendu journaliste palestinien accusé d’être un financier du mouvement terroriste…

Le 6 novembre, le service autrichien de sécurité intérieure (Direktion Staatsschutz und Nachrichtendienst, DSN) a annoncé la saisie de cinq armes à feu et 10 chargeurs de munitions dans un entrepôt loué à Vienne. Selon un de ses porte-paroles, l’arsenal amassé par "des structures opératives du Hamas à l’étranger" était destiné à "préparer de possibles attentats terroristes en Europe, en particulier contre des institutions juives ou israéliennes".

Trois jours auparavant, un citoyen britannique d’origine palestinienne, suspecté d’avoir entreposé ces armes à Vienne, avait été appréhendé à Londres, à la demande du parquet antiterroriste allemand. D’après une enquête du quotidien allemand Die Welt, l’homme serait l’un des fils de Bassem Naim, un haut cadre du Hamas en exil au Qatar qui a échappé de peu à un bombardement israélien le 9 septembre à Doha.

En Allemagne, trois hommes opérant pour le compte du Hamas - un citoyen libanais et deux citoyens allemands, nés respectivement au Liban et en Syrie - avaient déjà été arrêtés le 1er octobre, veille de la fête juive du Kippour, en possession d’un fusil d’assaut AK-47, de plusieurs armes de poing et d’une "quantité importante" de munitions. Selon le ministre allemand de l’Intérieur Alexander Dobrindt, le trio préparait des attentats antijuifs "vraisemblablement dans la région de Berlin". Les trois suspects ont été inculpés des chefs d’appartenance à une organisation terroriste étrangère et de préparatifs d’actes violents portant atteinte à la sûreté de l’Etat.

Un quatrième suspect, identifié par le parquet fédéral comme Borhan K., a été interpellé le 11 novembre par la police à son arrivée en Allemagne depuis la République tchèque. Le même jour, des perquisitions liées à cette arrestation ont eu lieu à Copenhague et dans sa banlieue, au Danemark.

Parallèlement, un tribunal d’Amsterdam a autorisé le 11 novembre l’extradition vers l’Autriche d’un Palestinien originaire de Gaza, Mustafa Ayyash, accusé sur la base d’un mandat d’arrêt européen émis par Vienne d’être l’un des principaux financiers du Hamas en Europe. Ayyash, qui se présente comme journaliste palestinien et réside officiellement à Linz en Autriche, a été appréhendé le 21 septembre à son arrivée à l’aéroport d’Amsterdam. Il dirige l’organisation non gouvernementale Gaza Now, spécialisée dans la récolte de fonds par l’intermédiaire des réseaux sociaux (crowdfunding) en faveur d’actions humanitaires à Gaza - selon les services autrichiens, il s’agirait en fait d’une couverture pour le financement du Hamas. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont placé Gaza Now depuis 2024 sur la liste des organisations sanctionnées, l’accusant d’avoir "assisté matériellement, soutenu et financé" le groupe islamiste palestinien.

24 attentats en 2024

Mis bout à bout, ces événements récents prouvent le bon fonctionnement de la coopération policière et judiciaire contre le terrorisme au sein de l’Union européenne, dix ans après les attentats perpétrés par l’Etat islamique au Bataclan à Paris. Mais ils lèvent aussi le voile sur ce qu’ourdit le Hamas dans une région du monde où il dispose de solides relais depuis des années et où l’émotion soulevée par la guerre de Gaza lui a apporté de nouvelles sympathies dans une partie de la population.

Le mouvement qui a revendiqué les massacres du 7 octobre 2023 en Israël - événement déclencheur de la guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie de Gaza avant le cessez-le-feu du 10 octobre - n’a, à ce jour, jamais perpétré d’attentat important en dehors d’Israël et des territoires palestiniens. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé, selon les services israéliens qui affirment que plusieurs attaques ont été déjouées ces dernières années, en particulier depuis le 7 octobre 2023. Selon le dernier rapport annuel de l’Office européen de coopération policière (Europol), datant d’août dernier, le nombre de tentatives d’attentats terroristes d’inspiration islamiste radicale en Europe s’est élevé à 24 en 2024 (près de deux fois plus qu’en 2023 et quatre fois plus qu’en 2022), dont 18 ont été déjoués et six ont fait des victimes.

Maintenant que les capacités opérationnelles du Hamas à Gaza ont été sévèrement dégradées par l’armée israélienne, il est possible que les dirigeants encore en vie du mouvement cherchent à utiliser leur réseau international pour perpétrer des attentats à l’étranger, visant en particulier les communautés juives, pour tenter de prouver qu’ils ont encore les moyens de nuire. A ce sujet, un rapport du centre de lutte antiterroriste de l’Académie militaire américaine de West Point, publié le mois dernier, n’exclut pas que le regain d’activisme international du Hamas soit plus un phénomène passager consécutif à la guerre de Gaza qu’une véritable réorientation stratégique.

Toutefois, selon le même rapport, le fait que ces activités criminelles aient été orchestrées par des cadres de premier plan du mouvement palestinien, qu’elles aient été manifestement planifiées avant même le 7 octobre 2023, et qu’elles aient été poursuivies sans discontinuer alors que certaines d’entre elles avaient été déjouées, incite les autorités antiterroristes occidentales à prendre très au sérieux ces menaces. Si cela devait se confirmer, les découvertes des caches d’armes de Vienne et de Berlin et les arrestations qui y sont liées ne seraient pas un événement isolé, mais le premier signe de calamités à venir.

© afp.com/RALF HIRSCHBERGER

Manifestation demandant la fin de la guerre à Gaza, le 27 septembre 2025 à Berlin.
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Guerre à Gaza : un rapport pointe la "complicité" des pays ayant livré du pétrole à Israël

C’est un rapport inédit. Selon le document publié jeudi par l’ONG Oil Change International, en marge de la COP30 au Brésil, vingt-cinq pays ont approvisionné Israël en pétrole durant la guerre dans la bande de Gaza. Ce rapport, rendu public en marge de la COP30 au Brésil, montre que l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan ont fourni 70 % des livraisons de brut entre le 1er novembre 2023 et le 1er octobre 2025. La Russie, la Grèce et les États-Unis figurent en tête des exportateurs de produits pétroliers raffinés vers Israël, les États-Unis étant le seul pays à fournir du JP-8, un carburant pour avions militaires.

"Les États ayant approvisionné Israël en carburant pendant cette période l’ont fait en pleine connaissance de ses atrocités", affirme Oil Change International, qui milite pour l’abandon progressif des énergies fossiles. "Leur complicité est documentée ici pour les tenir responsables. Ces États doivent reconnaître leur rôle dans ce génocide et cesser leur complicité", ajoute-t-elle. L’ONG a mandaté le cabinet d’études Data Desk pour analyser les flux pétroliers, identifiant 323 expéditions durant la période étudiée, totalisant 21,2 millions de tonnes.

Accusations de complicité

Le conflit a débuté en octobre 2023 après une attaque du mouvement islamiste Hamas ayant coûté la vie à 1 221 personnes côté israélien, principalement des civils, selon un décompte de l’Agence France Presse établi à partir de données officielles. Depuis lors, plus de 69 000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, selon le ministère de la Santé de Gaza, dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU. La Cour internationale de Justice (CIJ) a statué sur l’illégalité des actions israéliennes, tandis qu’une commission de l'ONU a conclu à un "génocide" perpétré par Israël à Gaza.

Pour Irène Pietropaoli, chercheuse en droit de l’homme et affaires économiques à l’Institut britannique de droit international et droit comparé, les États sont tenus de respecter l’ordonnance provisoire de la CIJ leur enjoignant de "prévenir et punir le génocide". "Les États doivent considérer que leur assistance militaire ou autre à Israël pourrait les exposer à un risque de complicité de génocide au regard de la Convention sur le génocide", a-t-elle déclaré dans un communiqué accompagnant les chiffres.

© GIL COHEN-MAGEN / POOL / AFP

Benyamin Netanyahou, le 5 juin 2024.
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En Afghanistan, comment la CIA a mené une mission secrète pour saboter la production d’opium pendant dix ans

La guerre en Afghanistan entre les Etats-Unis et les talibans s’est jouée sur tous les fronts. Jusqu’aux champs de pavot. Selon des révélations du journal The Washington Post, en vingt ans de guerre d’usure en Afghanistan, les Etats-Unis ont largué depuis le ciel une multitude de projectiles, dont des armes, mais aussi des milliards de minuscules graines de pavot.

Pendant plus d’une décennie, la CIA a mené, de façon intermittente, un programme "audacieux et hautement confidentiel", raconte le quotidien américain, visant à manipuler secrètement la lucrative culture du pavot en Afghanistan. L’objectif : recouvrir les champs des agriculteurs afghans de semences spécialement modifiées pour faire germer des plantes ne contenant pratiquement aucun des produits chimiques raffinés en héroïne. Un programme clandestin, jusqu’alors inconnu, qui constitue un chapitre non négligeable de la guerre menée par les Etats-Unis en Afghanistan entre 2001 et 2021.

Programme secret

Pendant longtemps le pavot afghan, utilisé pour fabriquer l’héroïne a alimenté la corruption au sein du gouvernement de l’ancien président Hamid Karzaï et dans les provinces. Son trafic a permis pendant des décennies, et c’est encore le cas aujourd’hui, de financer l’armement et l’équipement des talibans. Le pavot afghan était et est à la source de la majeure partie de l’approvisionnement mondial en héroïne, dont la plus grande partie de la drogue est destinée à l’Europe. Alors, les alliés occidentaux et les agences gouvernementales américaines se sont vivement disputés sur les stratégies à adopter pour réduire les récoltes de pavot, rapporte The Washington Post.

Diplomates et responsables de la lutte antidrogue ont débattu de toutes les options, de l’épandage aérien d’herbicides à l’achat de la totalité de la récolte afghane et à son exportation pour transformation en médicaments, raconte le quotidien. Mais, à l’insu de la quasi-totalité d’entre eux, la CIA menait son propre programme secret d’éradication de l’héroïne, piloté par son Centre de lutte contre la criminalité et les stupéfiants, qui disposait de fonds importants pendant la guerre en Afghanistan. Les largages aériens de graines de pavot modifiées ont débuté à l’automne 2004, selon trois personnes au fait du programme. L’opération a été interrompue et s’est achevée vers 2015. Pour éviter d’être repérés, les largages ont été opérés de nuit par des agents clandestins, utilisant des avions britanniques C-130, dispersant des milliards de graines spécialement conçues sur de vastes étendues des champs de pavot afghans, selon des sources proches du dossier. Ces largages ont eu lieu au-dessus des provinces afghanes de Nangarhar et d’Helmand, centres importants de culture du pavot.

Une méthode répliquée ?

Selon les informations du journal américain, les graines de pavot larguées n’ont pas été modifiées génétiquement, ​​mais croisées au fil du temps afin d’obtenir une plante contenant moins d’alcaloïdes, soit les substances chimiques utilisées pour la fabrication de l’héroïne. Une fois les graines semées, l’objectif était que les plantes qui en germaient se croisent avec les plantes indigènes et deviennent, au fil du temps, la souche dominante, diminuant ainsi la puissance globale de la récolte.

De nombreux aspects du programme de la CIA demeurent classifiés, notamment son budget, le nombre de vols effectués et des indicateurs précis de son efficacité. Le secret était tel que certains hauts responsables du Pentagone et du Département d’Etat, impliqués dans la politique afghane sous les présidences de George W. Bush et de Barack Obama, ont déclaré n’en avoir jamais eu connaissance ou n’en avoir entendu parler que par rumeurs. Mais ce programme bien que tenu secret pendant longtemps pourrait inspirer d’autres politiques d’éradication de la drogue, dans un contexte de "guerre déclarée aux trafiquants" par Donald Trump. Fin 2015, des responsables américains auraient d’ailleurs déjà envisagé d’utiliser la même méthode non conventionnelle contre les champs de pavot à opium au Mexique, un autre grand producteur d’héroïne, selon deux personnes connaissant bien le programme, rapporte The Washington Post. Cependant le plan aurait été abandonné, notamment à cause de la topographie du Mexique, dont les terrains sont davantage vallonnés qu’en Afghanistan, rendant alors plus complexe les largages. En outre, la campagne antidrogue en Afghanistan a été un échec retentissant, de l’aveu même des responsables occidentaux, conclut l’article du journal.

© afp.com/NOOR MOHAMMAD

Un agriculteur afghan dans un champ d'opium dans la région du Helmand dans le sud de l'Afghanistan, le 11 avril 2017
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Donald Trump va-t-il envahir le Venezuela ? Les trois scénarios privilégiés par les spécialistes

Au large du Venezuela, la marine américaine est en surchauffe. Depuis août, une vingtaine d'embarcations suspectées de transporter de la drogue ont été pulvérisées par l'armée américaine. Bilan : plus de 75 morts à ce jour. L'USS Gerald Ford, le plus grand porte-avions du monde, vient également d'être déployé au large de l'Amérique latine, sur ordre de Donald Trump, marquant une montée en puissance considérable des moyens militaires mobilisés par Washington et accentuant les tensions avec le Venezuela qui a annoncé en réponse un déploiement "massif". Le président américain a aussi publiquement autorisé des actions clandestines de la CIA dans le pays.

Officiellement, Donald Trump accuse le président vénézuélien Nicolas Maduro d’être à la tête d’un régime "narcoterroriste", et maintient dans les Caraïbes une importante présence militaire avec notamment une demi-douzaine de navires de guerre. Le Venezuela accuse pour sa part Washington de prendre prétexte du narcotrafic "pour imposer un changement de régime" à Caracas et s'emparer de son pétrole. Donald Trump a en effet donné des indications contradictoires sur sa stratégie, évoquant par moments des frappes sur le sol vénézuélien et des jours comptés pour Nicolas Maduro, mais écartant aussi l'idée d'une guerre.

En réalité, les tensions entre les Etats-Unis et le pays latino-américain s’inscrivent dans un contexte historique beaucoup plus large. Depuis le XIXe siècle, la région est une préoccupation majeure de la politique étrangère américaine. La doctrine Monroe en fait d’ailleurs une zone réservée. Imaginée en 1823 par le président américain James Monroe, ce concept interdit toute intervention européenne sur le continent américain. A l’époque, il s’agissait surtout de soutenir les pays d’Amérique latine qui avaient gagné leur indépendance face à l’empire d’Espagne.

"Pendant la guerre froide, elle a servi à justifier l'intervention américaine pour endiguer la propagation du communisme au sud des Etats-Unis", explique Christopher Sabatini, chercheur et spécialiste de l’Amérique latine à l’institut britannique Chatham House. "Aujourd’hui, Donald Trump est en train de ressusciter la doctrine Monroe. Tout d'abord par crainte de l'influence grandissante de la Chine, qu'il considère comme une influence majeure. Mais il l'utilise également à des fins plus partisanes", poursuit le chercheur.

Il y a donc deux menaces auxquelles Donald Trump veut répondre : une menace sécuritaire, causée par le trafic de drogue et l’immigration ; et une menace politique, avec un régime vénézuélien, communiste et soutenu par la Russie, l’Iran et la Chine.

Quelles sont alors les options du président américain ? L’Express a passé en revue trois scénarios, à découvrir dans notre nouveau long format vidéo en tête de cet article, et sur tous nos réseaux sociaux.

© L'Express

Donald Trump : opération Maduro
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Terres rares : la Chine veut réglementer ses exportations, notamment à destination de l’armée américaine

C’est un projet à deux vitesses. Selon un article du quotidien économique The Wall Street Journal, la Chine prévoit de faciliter l’acheminement des terres rares vers les Etats-Unis en concevant un système qui exclura les entreprises ayant des liens avec l’armée américaine tout en accélérant les autorisations d’exportation pour les autres entreprises.

Ce système, appelé "système d’utilisateur final validé" (VEU), permettrait au chef d’Etat chinois Xi Jinping de tenir sa promesse faite au président américain Donald Trump de faciliter l’exportation de ces matériaux. Le tout, en veillant à ce qu’ils ne finissent pas entre les mains des fournisseurs militaires américains. Une préoccupation majeure pour la Chine, rappelle le quotidien américain, alors que ces matériaux sont essentiels pour la défense, mais aussi l’automobile ou l’électronique.

Des dommages pour les secteurs automobiles et aérospatiaux

Si la mesure venait à être appliquée à la lettre, elle pourrait toutefois compliquer l’importation de certains matériaux chinois pour les entreprises des secteurs de l’automobile et de l’aérospatial. Tous deux comptent des clients dans les secteurs civils et mais aussi dans la défense. Selon les sources du Wall Street Journal, le plan de Pékin est encore susceptible d’évoluer et son système de licences ne sera définitif qu’après sa mise en œuvre.

Principale source de préoccupation du côté de Washington : les aimants à base de terres rares dites lourdes. Ils sont largement utilisés dans les biens civils tels que les véhicules électriques et les avions de ligne, mais sont également nécessaires dans les avions de chasse, les sous-marins et les drones d’attaque. De façon assez pragmatique, le système de VEU que Pékin envisage de mettre en place est en réalité calqué sur les lois et procédures américaines, tout comme une grande partie de l’architecture de contrôle des exportations de Pékin. Il s’agirait ainsi pour Pékin de rendre la pareille à Washington, après des années de déséquilibre.

Mécanisme de réciprocité

Ainsi, selon le cadre de la version américaine du système VEU, en vigueur depuis 2007, certaines entreprises chinoises sont autorisées à acheter des biens sensibles dans le cadre d’une autorisation générale, au lieu de devoir justifier chaque achat par des licences individuelles. Selon le WSJ, cela faciliterait l’importation de biens contrôlés tels que des produits chimiques ou des équipements de fabrication de puces, mais obligerait les entreprises à se soumettre, entre autres, à des inspections de leurs installations par le gouvernement américain afin de vérifier leur conformité au programme. Néanmoins, aux Etats-Unis, il arrive que des entreprises chinoises autorisées à recevoir des achats dans le cadre du programme VEU se voient retirer cette autorisation, ce qui suscite l’inquiétude de Pékin.

Face à Donald Trump et ses droits de douane, souvent démesurés, Pékin a sorti la carte des restrictions sur les terres rares et particulièrement sur les aimants pour pouvoir peser dans les négociations avec Washington. Dimanche 9 novembre, la Chine avait confirmé suspendre une interdiction d’exportation vers les Etats-Unis de gallium, germanium et antimoine, des métaux rares cruciaux pour l’industrie moderne. Un signe d’apaisement entre Donald Trump et Xi Jinping. Mais avec le système VEU, Pékin semble vouloir maintenir un certain contrôle.

© afp.com/STR

De la terre contenant diverses terres rares en attente de chargement sur un navire dans un port à Lianyungang, dans la province du Jiangsu, à l'est de la Chine, le 5 septembre 2010
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Shein, Temu... Les Etats-membres autorisent la taxation des petits colis importés dans l'UE

Les ministres des Finances de l'Union européenne (UE) ont approuvé jeudi la suppression de l'exonération de droits de douane sur les colis importés en Europe d'une valeur inférieure à 150 euros. L'UE espère pouvoir mettre en oeuvre dès le 1er trimestre 2026 cette mesure réclamée notamment par la France, et qui vise à lutter contre l'afflux de produits chinois commandés sur des plateformes comme Temu ou Shein ne respectant pas les normes européennes.

La taxation s'accompagnera de frais de traitement

Cette mesure avait été proposée en février par la Commission européenne, et elle devait initialement entrer en vigueur à la mi-2028, en s'alignant sur la réforme de l'union douanière, un vaste projet d'harmonisation et de partage de données entre Etats membres. Mais les Etats et la Commission veulent aller beaucoup plus vite et la mettre en application dès le premier trimestre 2026, via un système transitoire qui devrait être adopté lors de la prochaine réunion des ministres, le 12 décembre.

"La France a pris l'initiative de réagir au phénomène des petits colis. Cela a payé aujourd'hui", s'est réjoui le ministre français de l'Economie Roland Lescure, dans une déclaration à l'AFP. "C'est une étape clef pour la protection des consommateurs européens et du marché intérieur en luttant plus efficacement contre les produits dangereux et non conformes à nos règlementations européennes. Nous avons franchi un grand pas pour la souveraineté économique de l'Union européenne", a-t-il ajouté.

Cette taxation des petits colis devrait en outre s'accompagner de l'instauration de frais de traitement sur chaque petit colis entrant dans l'UE, en majorité achetés via des plateformes d'origine chinoise comme Shein ou Temu. Le montant de ces frais de traitement n'a pas été encore fixé, mais Bruxelles a proposé en mai deux euros par paquet. L'UE espère pouvoir appliquer ces frais à partir de la fin 2026.

© afp.com/Jade Gao

L'ensemble des colis issus de Shein arrivés à l'aéroport de Roissy-CDG ont été contrôlés dans le cadre d'une opération intervenant au lendemain du lancement d'une procédure de suspension de la plateforme.
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En Allemagne, un service militaire volontaire introduit pour renforcer l’armée

Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont entendus jeudi 13 novembre, après des mois de tergiversations, sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues. Lors de ces longues négociations, il a été question un temps de réintroduire une forme de conscription obligatoire pour les hommes et par tirage au sort, mais finalement l'alliance de conservateurs et sociaux-démocrates se sont entendus dans la nuit sur une version non-coercitive.

D'après le nouveau texte, qui doit encore être présenté au Parlement, tous les hommes de 18 ans devront passer un examen médical et remplir un questionnaire sur leur disponibilité et leur volonté de servir dans l'armée.

Bâtir l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe

Cette mesure doit permettre d'augmenter le nombre de volontaires, alors que le chancelier Friedrich Merz a pour ambition de bâtir l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe, pour contrer la menace russe et compenser le désengagement américain.

Le projet de loi, porté par le ministre social-démocrate (SPD) de la Défense Boris Pistorius, exclut un recours au tirage au sort pour enrôler des Allemands si le nombre de volontaires ne suffisait pas. Mais l'idée d'une forme de service militaire obligatoire, portée par les conservateurs, peut encore revenir sur la table, selon Jens Spahn, chef du groupe parlementaire CDU/CSU. "Si le service volontaire ne suffit finalement pas, alors le service obligatoire sera aussi nécessaire", a jugé l'élu. Mais un nouveau texte de loi devra alors être adopté.

Le service obligatoire, "un dernier recours"

Matthias Miersch, chef du groupe parlementaire social-démocrate, a déclaré qu'il était "certain" que la Bundeswehr trouverait suffisamment de recrues. Le service obligatoire est "un dernier recours", a ajouté le ministre Boris Pistorius.

Le chancelier conservateur a érigé en priorité nationale le renforcement de l'armée allemande, mal équipée et en sous-effectif depuis des décennies. Il a déjà considérablement augmenté les dépenses militaires du pays et encore augmenté l'aide militaire à l'Ukraine. Les services allemands de renseignement mettent en garde contre une menace "de conflit militaire direct" avec l'Otan provoqué par la Russie, qui pourrait survenir avant 2029.

© INA FASSBENDER / AFP

Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont accordés sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues.
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En France aussi, les survols de drones suspects se multiplient

Le site de la société Eurenco, qui produit de la poudre à propulsion d’obus à Bergerac en Dordogne, a de nouveau été survolé par un drone non identifié mercredi, a-t-on appris jeudi 13 novembre auprès de la préfecture et du parquet. Cette unité pouvant produire jusqu’à 1 200 tonnes de poudre par an pour l’armée française avait déjà fait l’objet de deux survols illégaux lundi soir.

"De nouveaux faits de survol illicite du site de production d’Eurenco par un drone se sont produits hier (mercredi) ", a déclaré jeudi à l’AFP Anne-Cécile Dumonteil, procureure de la République à Bergerac, qui a ouvert une enquête de flagrance "du chef de survol volontaire par le pilote d’un aéronef d’une zone interdite", confiée au commissariat de Bergerac. "La société Eurenco a déposé une plainte contre X pour les premiers faits du 10 novembre. Un complément de plainte devrait intervenir demain (vendredi) pour les nouveaux faits du 12 novembre", a-t-elle ajouté.

"Malgré la mobilisation immédiate de la police nationale, les recherches pour retrouver le télé-pilote se sont avérées vaines", a déclaré à l’AFP un porte-parole de la préfecture.

Eurenco, créé en 2004, est le leader européen des poudres et explosifs avec deux sites en France (Bergerac et Sorgues dans le Vaucluse), un en Suède et un en Belgique. L’entreprise compte quelque 1 700 employés et a réalisé près de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 - il a doublé en cinq ans. Ses poudres, propulsives ou explosives, sont utilisées dans l’ensemble des munitions françaises et beaucoup de munitions européennes, bombes, têtes de missiles et de torpilles, obus ou munitions de moyen calibre. Son unité périgourdine de production de poudre a été inaugurée en mars, près de 20 ans après la délocalisation de cette production en Suède en 2007, faute de commandes, actant une relocalisation stratégique au moment où l’Europe souhaite se réarmer.

A Mulhouse, un vol de drone au-dessus d’un convoi de chars Leclerc

Des incidents impliquant des drones se sont multipliés ces dernières semaines, aussi bien en France qu’en Europe, où la main de la Russie a été évoquée malgré les démentis de Moscou. Mercredi, le parquet de Mulhouse a annoncé l’ouverture d’une enquête après le survol la veille d’un drone au-dessus du commissariat de cette ville du Haut-Rhin et d’une gare à proximité où se trouvait un convoi transportant des chars Leclerc.

Les investigations se concentrent actuellement sur l’identification du ou des pilotes de cet appareil, a souligné le parquet dans un communiqué. "En l’état, aucun élément ne permet d’indiquer s’il s’agit d’un survol délibéré de ces zones ou d’un simple passage inopiné de l’appareil à l’occasion d’un autre trajet", a-t-il ajouté.

Fin septembre, la base militaire de Mourmelon dans la Marne, où ont été formés des soldats ukrainiens, avait aussi fait l’objet de survols de drones.

© AFP

La société Eurenco est le leader européen des poudres et explosifs.
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Shutdown : pourquoi la "grande victoire" de Donald Trump pourrait finir par se retourner contre lui

Donald Trump a savouré sa victoire sur Fox News : selon lui, le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, "pensait pouvoir briser les républicains, et ce sont les républicains qui l’ont brisé". "Nous ne céderons jamais au chantage", a renchéri le président américain en signant mercredi 12 novembre la loi mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis, qui a bouleversé plusieurs pans de l’économie du pays. Deux jours plus tôt, il se félicitait déjà auprès de ses troupes : "C’est une très grande victoire", proclamait-il avec la fin en vue d’un shutdown de 43 jours, dont il a profité pour éreinter l’opposition démocrate et vanter une nouvelle fois sa politique économique.

Sur le papier, la droite de Donald Trump semble avoir obtenu ce qu’elle voulait. Fatigués du blocage qui paralysait le pays, huit sénateurs démocrates ont fini par voter avec les républicains lundi, approuvant une loi prolongeant le budget précédent jusqu’à fin janvier. Mercredi soir à la Chambre des représentants, six démocrates ont joint leur vote à ceux de la majorité présidentielle. Mais derrière les cris de victoire du locataire de la Maison-Blanche, la réalité est plus nuancée : la majorité des démocrates reste opposée à un accord jugé insuffisant. Pire, les sondeurs républicains rappellent que les subventions pour le programme d’assurance santé "Obamacare", sur lesquelles les républicains ont refusé tout compromis jusqu’au dernier jour du shutdown, sont populaires chez des millions d’électeurs de Donald Trump.

L’enjeu électoral de l’Obamacare

Les démocrates n’ont pas obtenu les mesures pour lesquelles ils se battaient, eux qui avaient refusé jusqu’ici de voter le budget (provoquant donc le shutdown) sans concession des républicains. Ils exigeaient en particulier la prolongation des subventions de santé de l’Affordable Care Act (ACA), aussi appelé Obamacare, qui expirent à la fin de l’année. Les élus ayant voté la fin du shutdown malgré l’absence de geste républicain sur la question se sont donc attiré les foudres de nombreux membres de leur propre parti, qui leur ont reproché cette reculade face au camp adverse. Mais l’inflexibilité de ce dernier pourrait bien, justement, le fragiliser, en lui coûtant des voix lors des élections de mi-mandat de 2026.

"Les démocrates perdent la bataille du shutdown - Donald Trump et les républicains risquent de perdre la guerre", titre ainsi le Washington Post. Celui-ci rappelle qu’en juillet, une note interne coécrite par Tony Fabrizio, principal conseiller de la campagne de Donald Trump, avertissait en effet que les candidats républicains au Congrès pourraient souffrir de la fin de l’ACA, et que refuser de prolonger les subventions de l’Obamacare serait un risque politique majeur. Instaurées pendant la pandémie, ces aides permettent à des millions d’Américains de payer leur assurance santé. D’après un sondage de KFF (un cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé), 74 % des citoyens soutiennent leur prolongation, et, en cas d’arrêt, "Trump ou les républicains du Congrès" seraient jugés responsables par la majorité d’entre eux.

Pour l’instant, le texte voté par le Congrès laisse cette question cruciale en suspens après le 31 décembre. Cité par le Washington Post, Patrick Sebastian, stratège républicain en Caroline du Nord, reconnaît que l’arrêt brutal des subventions ACA constituerait un défi politique et prédit que les républicains feront de leur mieux pour "assurer une transition en douceur pour le système de santé". Mais Donald Trump, lui, ne cache pas son intention de supprimer ce dispositif qu’il qualifie de "désastre" et de "cauchemar".

Donald Trump face à la baisse de sa popularité

En plus d’être un risque électoral pour les républicains, la conclusion de ce shutdown pourrait être un outil de campagne pour les démocrates. Pour le New York Times, "en résistant pendant des semaines alors que les républicains refusaient de prolonger les crédits d’impôt santé et que Trump allait en justice pour priver les Américains à faible revenu des aides alimentaires SNAP, les démocrates ont également affiné leur principal message pour 2026 : les républicains, qui contrôlent l’ensemble du gouvernement, n’ont rien fait pour répondre aux préoccupations des électeurs concernant le coût de la vie".

Par ailleurs, les sondages montrent que les Américains tiennent davantage Donald Trump et les républicains pour responsables de la paralysie budgétaire que les démocrates : 45 % blâment le président et son parti, contre 33 % pour les démocrates, selon le Washington Post. D’autres sondages corroborent ces chiffres.

À la Maison-Blanche, les proches du président interrogés par le journal américain minimisent les risques et se disent confiants : cette baisse de popularité serait passagère, liée à la lassitude des électeurs et aux élections locales défavorables. Mais la séquence laisse entrevoir un revers plus profond pour un parti qui s’affiche victorieux, tout en s’exposant à un dossier explosif — le coût de la santé — que ses propres électeurs ne veulent plus voir ignorer. Comme le résume le collaborateur républicain Patrick Sebastian à propos de l'Obamacare, "dès qu’on donne quelque chose à quelqu’un et qu’on le lui reprend totalement, c’est politiquement difficile". Une leçon que Donald Trump pourrait bientôt apprendre de force.

© AFP

Donald Trump après avoir signé le texte mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 12 novembre 2025
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Shutdown : la plus longue paralysie budgétaire aux Etats-Unis a pris fin après 43 jours

Donald Trump a promulgué mercredi 12 novembre la loi mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis, ce dont il a profité pour éreinter l’opposition démocrate et vanter une nouvelle fois sa politique économique. "Nous ne céderons jamais au chantage", a lancé le président américain en signant le texte adopté peu avant par le Congrès américain, après 43 jours qui ont bouleversé plusieurs pans de l’économie américaine.

Cherchant à sortir victorieux de cet interminable bras de fer, il a attaqué les "extrémistes de l’autre parti", les accusant d’avoir mis le gouvernement à l’arrêt pour "des raisons purement politiciennes". Donald Trump a lancé : "Le pays ne s’est jamais mieux porté", alors même que les sondages font état d’un mécontentement croissant des Américains sur l’économie.

Après l’adoption lundi par le Sénat, la Chambre des représentants a approuvé la proposition de loi budgétaire avec 222 voix pour et 209 contre. Seuls six élus démocrates ont rejoint la majorité présidentielle, tandis que deux républicains ont exprimé leur désaccord.

Maigres concessions à l’opposition

Après plus de 40 jours d’impasse budgétaire, une poignée de sénateurs démocrates avaient fini par rendre les armes lundi en approuvant avec leurs collègues républicains une nouvelle proposition de loi, qui étend le budget précédent jusqu’à fin janvier. Le texte laisse en revanche dans le flou la prolongation de subventions pour "Obamacare", l’assurance santé de ménages aux revenus modestes, au grand dam de la base et de nombreux élus démocrates.

Donald Trump n’a lui fait aucun mystère de ses intentions, qualifiant ce dispositif de "désastre" et de "cauchemar" qu’il faudrait supprimer. Il a jugé qu’au lieu de subventionner un système collectif, il faudrait redistribuer les financements "directement" aux Américains afin que ces derniers choisissent individuellement leurs assurances-santé.

Parmi les seules concessions à l’opposition, le texte prévoit la réintégration des fonctionnaires licenciés depuis le début du "shutdown". Il comprend également des fonds pour le programme d’aide alimentaire SNAP jusqu’en septembre, évitant ainsi que cette aide, dont bénéficient plus de 42 millions d’Américains, soit gelée en cas de nouvelle paralysie budgétaire fin janvier, comme ce fut le cas lors du blocage actuel.

En raison des règles de consensus politique du Sénat, que le président américain a une nouvelle fois appelé mercredi à abandonner, huit voix de l’opposition étaient nécessaires pour adopter le texte. Et les huit en question se sont attiré les foudres de nombreux membres du camp démocrate, qui dénoncent de maigres concessions et de fausses promesses républicaines. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, s’est lamenté sur X d’une "capitulation". De nombreux démocrates se sont aussi demandé pourquoi ces sénateurs ont cédé quelques jours seulement après de larges victoires de leur parti dans d’importantes élections à travers le pays, qui validaient selon eux leur stratégie au Congrès.

"Obamacare"

Le chef de la minorité démocrate, Hakeem Jeffries, a de nouveau appelé mercredi soir les républicains à tenir leur promesse d’organiser un vote bientôt sur "Obamacare". "Nous estimons que les Américains de la classe ouvrière, les Américains de la classe moyenne, et les Américains ordinaires méritent le même niveau de certitude que les républicains fournissent toujours aux riches, aux plus aisés, et aux donateurs au bras long", a-t-il déclaré dans un discours depuis l’hémicycle. "Il n’est pas trop tard" pour prolonger ces subventions, a ajouté le ténor démocrate.

La question de ces subventions est au cœur du différend qui a mené au "shutdown". Sans leur prolongation, les coûts de l’assurance santé devraient plus que doubler en 2026 pour 24 millions d’Américains qui utilisent "Obamacare", selon KFF, cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé.

Depuis le 1er octobre, plus d’un million de fonctionnaires n’étaient pas payés. Le versement de certaines aides a été fortement perturbé, et des dizaines de milliers de vols ont été annulées ces derniers jours en raison de pénuries de contrôleurs aériens, car certains avaient choisi de se faire porter pâle plutôt que de travailler sans salaire.

© afp.com/Brendan SMIALOWSKI

Le président américain Donald Trump signe le texte mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 12 novembre 2025
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Les drones de Vladimir Poutine révèlent les graves défauts de la dissuasion européenne

Dimanche 9 novembre, cinq drones ont été aperçus survolant la centrale nucléaire de Doel, près d’Anvers en Belgique. D’autres (ou les mêmes) engins ont été repérés depuis octobre, survolant tour à tour l’aéroport de Bruxelles, celui de Liège, la base militaire de l’Otan de Kleine-Brogel près de la frontière néerlandaise, où des armes nucléaires américaines sont stationnées, ou encore la base aérienne de Florennes, près de Namur.

Le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ont annoncé qu’ils allaient venir en aide à la Belgique à sa demande - une unité de la Bundeswehr est déjà arrivée. À ce jour cependant, aucun des drones n’a pu être intercepté et examiné. La preuve de leur origine n’a donc pas pu être établie formellement, même si les experts occidentaux pointent du doigt la Russie, accusée d’être derrière nombre de vols mystérieux ces deux derniers mois dans les espaces aériens de pays de l’Otan : outre la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Pologne, la Norvège, la Suède, la Finlande et les pays Baltes sont notamment concernés.

"Nous soupçonnons que ces engins soient, pour une part significative d’entre eux, contrôlés par la Russie", a accusé le chancelier allemand Friedrich Merz. De fait, un fil rouge relie tous les pays touchés : le rôle qu’ils jouent dans le soutien à l’Ukraine. La Belgique qui héberge la plupart des avoirs russes gelés par l’UE se trouve au cœur des débats en cours sur l’octroi d’un prêt de 140 milliards d’euros à Kiev gagé sur ces actifs russes. Même si Moscou dément toute implication et dénonce une "hystérie" occidentale, une tentative de déstabilisation orchestrée par le Kremlin n’aurait donc rien d’étonnant ces jours-ci.

L’Allemagne, de même, est le pays qui aide le plus l’Ukraine en valeur absolue depuis l’invasion russe de février 2022. Le Danemark est celui qui fournit l’aide la plus importante en proportion de la richesse nationale. La Pologne joue un rôle clé de base logistique pour tous les matériels militaires livrés par les pays occidentaux à Kiev. Et les autres pays frontaliers de la Russie, en Scandinavie ou dans la Baltique, sont ceux qui prennent le plus au sérieux la menace que pose le revanchisme poutinien.

Une réponse européenne médiocre

Le schéma que dessinent les survols de drones, depuis celui qui a touché la Pologne le 10 septembre (4 engins venus de Biélorussie, alliée de Moscou, furent abattus par des avions de l’Otan), est celui d’une tentative d’intimidation à grande échelle contre les partisans du soutien à l’Ukraine. L’objectif ? D’abord, susciter un sentiment de vulnérabilité et de crainte dans les opinions publiques des pays visés. Et aussi, les survols de drones peuvent aussi servir des buts d’espionnage et de récolte d’informations sur la manière dont les pays de l’Otan ripostent à ce genre d’intrusions.

"Nous assistons au début d’une guerre hybride contre l’Europe", a averti la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. L’usage de drones pour ce genre d’opérations est relativement facile et bon marché et permet de causer des dommages sérieux : à la suite de simples survols, les aéroports d’Amsterdam, Berlin, Munich, Brême, Hambourg, Copenhague, Alborg, Bruxelles, Liège, Göteborg, Stockholm et Oslo ont été chacun à leur tour contraints d’interrompre momentanément leur trafic ces dernières semaines.

Les drones peuvent être introduits clandestinement dans l’Union européenne et acheminés dans un simple véhicule à proximité de leur cible. Une puissance étatique peut charger des individus de les mettre en œuvre et brouiller les pistes qui permettraient de remonter jusqu’à elle, ce qui lui permet de nier en être responsable.

Face à une menace devenue évidente, la réponse apportée par les autorités européennes reste médiocre. Car malgré l’omniprésence des drones dans la guerre d’Ukraine (actuellement, les trois quarts des pertes en vies humaines sur le front seraient attribuables à ces engins), les États d’Europe occidentale apparaissent dans l’ensemble trop peu préparés à une telle agression. Dans l’urgence, l’Union européenne a mis en chantier l’édification d’un "mur antidrones" à sa frontière orientale. En réalité, il s’agira d’un ensemble de contre-mesures électroniques et physiques destinées à détecter, brouiller et éventuellement abattre des intrus. Mais il faudra du temps : d’après la haute représentante de l’UE, l’estonienne Kaja Kallas, le système ne sera pas pleinement opérationnel avant fin 2027 au plus tôt.

Intensification de la guerre hybride russe

Plusieurs experts ont souligné en outre qu’un tel "mur" antidrones à l’est de l’Europe pourra être contourné sans difficulté si les engins sont introduits clandestinement dans d’autres parties du continent et lancés depuis l’intérieur de l’UE. Le secrétaire général de l’Otan, le néerlandais Mark Rutte, a malgré tout jugé le projet "opportun et nécessaire". Il estime qu’il serait insoutenable à terme de faire abattre par des missiles antiaériens coûtant plus d’un million d’euros pièce des drones à la technologie rudimentaire qui n’en coûtent que quelques milliers à fabriquer.

En réalité, l’intensification de la guerre hybride russe contre les Etats européens de l’Otan révèle surtout la faiblesse de la dissuasion occidentale. Si le Kremlin se permet de tester les défenses de l’Otan et de jouer sur les nerfs des responsables de la sécurité des Etats membres, c’est qu’il ne craint guère une riposte. Le désintérêt du président américain Donald Trump pour les engagements de défense collective au sein de l’Alliance atlantique, les divisions entre Européens, le manque de consistance du pilier européen de l’Otan, contribuent à accentuer la vulnérabilité des pays alliés.

Depuis sa fondation en 1949, la dissuasion de l’Otan est fondée sur la crédibilité de la riposte, conventionnelle et le cas échéant nucléaire, qu’elle pourrait déclencher si l’un de ses membres était attaqué. C’est tout l’objet de la clause de défense collective contenue dans l’article 5 du traité de Washington : être capable de faire regretter son action à un agresseur, quel qu’il soit (mais c’est surtout l’URSS qui était visée à l’époque), afin de le dissuader de passer à l’acte. Les incursions de drones qui se multiplient témoignent que cette crédibilité a grandement perdu en efficacité. Pour la restaurer, il faudra bien plus qu’un simple "mur" antidrones.

© AFP

Un camion militaire russe transportant des drones kamikaze Geran-2 sur la place Rouge lors du défilé militaire du 9 mai 2025 à Moscou
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Royaume-Uni : le Premier ministre Keir Starmer sur la sellette ?

Les jours de Keir Starmer à la tête du 10 Downing Street sont-ils comptés ? Selon des rumeurs circulant au Parlement britannique, des ministres voudraient faire tomber le Premier ministre dans la foulée de la présentation du budget, fin novembre. Parmi les instigateurs de la fronde on trouverait, selon des sources à Downing Street "alliées" de Keir Starmer, les ministres de la Santé Wes Streeting, de l’Intérieur Shabana Mahmood et de l’Energie Ed Miliband, lorgnant sur sa succession.

Keir Starmer n’est en poste que depuis l’été 2024, mais le Premier ministre est déjà très impopulaire, critiqué aussi bien sur sa gestion de l’immigration irrégulière que sur l’économie, qui est à la peine. D’après un sondage YouGov du 3 novembre, 73 % des Britanniques ont une opinion défavorable du chef de gouvernement. D’autant que les médias britanniques ne cessent de spéculer sur les mesures impopulaires que la ministre des Finances Rachel Reeves pourrait annoncer le 26 novembre, lors de la présentation du budget, à commencer par de nouvelles taxes.

Gouvernement "uni"

Selon les règles du parti travailliste, pour renverser Keir Starmer, il faudrait que 20 % de ses députés soutiennent la démarche, soit actuellement 80 élus. Des velléités totalement démenties par le ministre de la Santé. "Je ne vais pas demander la démission du Premier ministre. Je soutiens le Premier ministre", a affirmé Wes Streeting, 42 ans, sur la chaîne de télévision Sky News. Ces échanges avec les médias sont "totalement contre-productifs […] Je ne comprends pas comment quelqu’un peut penser que cela aide le Premier ministre", a-t-il également déclaré.

Pour sa part, le Premier ministre a assuré aux députés, lors des questions au gouvernement, être à la tête d’une "équipe unie", ce qui a déclenché les rires de l’opposition conservatrice. "Le gouvernement est en pleine guerre civile !", a raillé la cheffe de l’opposition, la conservatrice Kemi Badenoch.

Le Premier ministre s’est aussi défendu d’avoir "autorisé des attaques" contre des membres de son gouvernement. Des sources à Downing Street ont affirmé mardi soir, lors d’échanges avec plusieurs médias britanniques, que Keir Starmer se défendrait en cas de tentative pour le renverser. Le chef du gouvernement "sait qu’il est engagé dans une bataille pour la direction du parti. Quand elle arrivera, il ne démissionnera pas. Il se battra", a ainsi déclaré un de ses proches au Times.

Crise du Labour

Des propos immédiatement démentis par le Premier ministre. "Toute attaque contre un membre de mon cabinet est totalement inacceptable", a dit Keir Starmer devant les députés, apportant son soutien à Wes Streeting. "Il fait un excellent travail", a-t-il ajouté.

Alors, pourquoi autant de contre-déclarations ? "Les observateurs notent qu’en voulant allumer des contre-feux, les proches de Starmer ont surtout gratté l’allumette. Ils donnent une fâcheuse impression de fragilité. Et des députés qui n’imaginaient pas un putsch possible à court terme pourraient être tentés de basculer…" analyse Le Figaro.

Finalement, c’est un Premier ministre "sous pression" que décrit le Guardian, et qui, pour ne pas exposer les failles de son parti, a dû prendre la défense inconditionnelle de celui accusé de le trahir. Tout en étant bien embêté quant à l’avenir de ce potentiel frondeur au sein de son groupe. Mais Keir Starmer - l’un des rares à avoir gagné des élections pour le Labour ces dernières années - le sait : "une course à la direction plongerait le parti dans le chaos qui a marqué les dernières années du précédent gouvernement conservateur", analyse la BBC.

Empêtré dans une crise politique, le travailliste de 63 ans n’en est pas au bout de ses peines. Il doit encore survivre au vote du budget le 26 novembre, qui comprendra certainement des nouvelles taxes, après des hausses d’impôts cet été, trahissant l’une de ses promesses de campagne. Puis, son parti affrontera les élections locales de mai 2026, contesté par la montée de l’extrême droite de "Reform UK", en tête des intentions de vote depuis plusieurs mois.

© afp.com/-

La photo fournie par le parlement britannique montre le premier ministre Keir Starmer qui pointe du doigt Kemi Badenoch, le chef des conservateurs, principal parti d'opposition
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"Volodymyr Zelensky est en train de perdre ce combat" : l’alerte d’une ONG ukrainienne anti-corruption

Un ami proche du président Volodymyr Zelensky, le ministre de la Justice et un ancien vice-Premier ministre : les trois principaux protagonistes du dernier scandale de corruption qui éclabousse l’Etat ukrainien ne sont pas du menu fretin. Ils seraient impliqués dans le détournement de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique. L’affaire, tentaculaire, tombe au pire moment pour l’Ukraine, en difficulté sur le front et à l’arrière, épuisée par le pilonnage russe des infrastructures énergétiques, qui prive la population de courant pendant des heures, parfois des journées entières.

Olena Halushka se bat depuis des années contre la corruption systémique dans son pays. Membre du conseil d’administration de l’Anticorruption Action Center (AntAC), l’une des plus grosses ONG actives dans ce combat, fondée en 2012, elle regrette le manque d’implication réelle du président Zelensky. Entretien.

L’Express : Quelle a été votre première réaction à l’annonce de cette nouvelle affaire de corruption ?

Olena Halushka : D’abord, je suis agréablement surprise que nous disposions d’institutions anticorruption capables de poursuivre les hauts responsables du gouvernement : non seulement le ministre de la Justice et ancien ministre de l’Energie Guerman Galouchtchenko, et l’ancien vice-Premier ministre Oleksiy Chernyshov, mais aussi des personnes comme Timur Mindich, allié personnel du président Zelensky, son ami et partenaire commercial de longue date, copropriétaire de leur société de production Kvartal. C’est une bonne nouvelle. N’oublions pas que nous, la société ukrainienne, avons protégé les deux institutions anticorruption menacées, en juillet dernier, par une loi visant à saper leur indépendance : le Bureau national anticorruption d’Ukraine (Nabu) et le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (Sapo). Les Ukrainiens sont descendus dans la rue avec des pancartes. Et les messages des capitales européennes étaient très clairs, de Paris, Bruxelles, Londres ou Berlin : ne touchez pas à l’indépendance de ces institutions. Cela a contribué à les sauver. Et aujourd’hui, nous voyons les résultats tangibles de leur travail. Cela étant dit, je suis évidemment très frustrée que de tels schémas de corruption continuent d’exister en Ukraine, alors que nous sommes sous le feu de l’ennemi depuis près de quatre ans. Les missiles russes tentent de détruire notre réseau électrique pour nous plonger dans le noir. Et voilà que l’une des principales entreprises énergétiques, censée protéger la production d’énergie nucléaire ukrainienne, trempe dans ce type de pratiques véreuses. Au lieu d’utiliser au mieux chaque hryvnia payée par les citoyens ukrainiens dans leurs factures d’électricité, elle se permet de s’octroyer d’horribles pots-de-vin de 10 à 15 % sur ses contrats. Pire : la société Energoatom a retardé la protection de ses installations en comptant sur des entreprises mieux-disantes en matière de pots-de-vin. C’est terrible !

Le secteur ukrainien de l’énergie nucléaire n’a pas réellement fait l’objet de réformes depuis la révolution de la dignité en 2013-2014. J’espère sincèrement que ce scandale sera le déclic pour nettoyer enfin la société Energoatom. Historiquement, les Russes ont toujours essayé de conserver leur influence sur le secteur stratégique de la production énergétique ukrainienne, et les réformes ont toujours été reportées. Le moment est venu de s’y atteler pour de bon.

Y a-t-il des liens établis avec la Russie, dans cette affaire Energoatom ?

L’enquête pointe effectivement des liens indirects avec la Russie : l’un des bureaux utilisés par cette entreprise pour ce blanchiment d’argent appartient à un ancien directeur d’Energoatom : Andrii Derkach a dirigé cette entreprise en 2006-2007. Il a été député au Parlement ukrainien sous la bannière du Parti des régions, un parti pro russe. Puis, il a fui l’Ukraine, a été sous le coup de sanctions américaines, puis déchu de sa nationalité ukrainienne. Il est aujourd’hui sénateur quelque part en Russie [NDLR : dans l’oblast d’Astrakhan, au sud-ouest de la Russie].

L’une des personnes faisant l’objet d’une enquête est un ami proche de Volodymyr Zelensky. Pensez-vous que le président veut réellement s’attaquer à ce fléau de la corruption ?

Jusqu’à présent, rien ne prouve que le président lui-même ait été impliqué dans ces affaires de corruption. Cependant, Volodymyr Zelensky a été élu en 2019 avec pour promesse phare la lutte contre la corruption. C’était la revendication du Maïdan. Son prédécesseur Petro Porochenko a échoué, et Zelensky a surfé, avec succès, sur cette frustration populaire pendant sa campagne électorale. A l’heure actuelle, il est en train de perdre ce combat. Cela a bien sûr des implications sur la confiance de la société ukrainienne envers le président, ce qui est éminemment dangereux car nous sommes confrontés à un ennemi existentiel qui veut détruire la nation ukrainienne.

Nous devons être unis et avoir confiance en notre commandant en chef. Nous ne pouvons pas être polarisés. Les prochaines actions du président Zelensky vont donc peser lourd. Il vient de demander la démission des ministres de la Justice et de l’Energie [NDLR : les deux se sont exécutés dans la foulée].

Les actions du président seront beaucoup plus éloquentes que ses paroles. Pour l’instant, il est important que les personnes corrompues soient immédiatement exclues du gouvernement. Ensuite, le Nabu et le Sapo doivent pouvoir poursuivre leur travail en toute indépendance sans intervention du bureau du procureur général, des services de sécurité ou du Bureau national des enquêtes. Cette pression doit cesser. Un détective du Nabu, Ruslan Mahamedrasulov, se trouve actuellement en détention. Or, Ruslan a joué un rôle important dans la collecte des preuves dans cette affaire. Notre organisation suit cette enquête de très près et nous considérons que le dossier contre lui est monté de toutes pièces, afin d’exercer une pression sur le Nabu.

Existe-t-il des cas avérés de corruption au sein des deux structures chargées de lutter contre la corruption ?

Il y a eu quelques problèmes mineurs et des scandales par le passé, mais ils concernaient, comme dans toute institution, quelques personnes mal intentionnées. Mais dans l’ensemble, ces institutions sont indépendantes et essaient de faire leur travail. Depuis leur création, elles ont été soumises à une pression énorme, tant sous la présidence de Porochenko que sous celle de Zelensky, ce qui signifie qu’elles font l’objet d’une surveillance très étroite.

Ce n’est pas le premier scandale de corruption sous la présidence de Zelensky. Comment l’expliquez-vous ?

Malheureusement, Zelensky et son entourage n’ont pas pris les mesures nécessaires. Bien sûr, ils sont sensibles à l’opinion publique. Ils constatent que le public est très en colère et frustré par des scandales comme celui-ci, ils réagissent au mécontentement de la société, mais malheureusement, il n’y a pas de politique proactive de tolérance zéro envers la corruption.

Avez-vous observé l’émergence de nouvelles méthodes de corruption depuis le début de l’invasion à grande échelle par la Russie ?

L’un des principaux objectifs de notre lutte contre la corruption entre 2014 et 2022 a été de divulguer autant d’informations possibles au grand public : les registres fonciers, de véhicules, les cadastres, les bénéficiaires effectifs des entités privées, les déclarations électroniques de patrimoine des fonctionnaires, etc.

Bien sûr, la loi martiale ne permet pas le même niveau de transparence. Et une grande partie des activités liées à la sécurité nationale sont dissimulées pour se protéger des intrusions de l’ennemi. Mais cela limite considérablement la capacité de la société ukrainienne à surveiller les acteurs politiques et les autorités ukrainiennes. Et cela a contribué à la mise en place de nouveaux mécanismes, car la corruption déteste la transparence.

Nous avons évoqué l’érosion de la confiance nationale à la suite de ces scandales. Quid de celle des partenaires internationaux et des bailleurs de fonds ?

Bien sûr, tout scandale de ce genre porte un sérieux coup à cette confiance. Le monde libre soutient l’Ukraine car il considère que ce pays est une petite démocratie qui se défend contre un grand État autocratique.

J’insiste toujours sur le fait que les premiers à défendre les institutions anticorruption et à exiger des réformes sont les Ukrainiens eux-mêmes. Il suffit de regarder les sondages : depuis 2014, la majorité des gens considère la lutte contre la corruption comme une priorité absolue. Avant 2022, elle était la première. Depuis 2022, elle vient en deuxième position après la guerre avec la Russie. Cet appétit de justice vient de la société ukrainienne, pas de Bruxelles ! Il est important d’expliquer à vos sociétés que nous, en tant que société ukrainienne, sommes votre meilleur allié et votre meilleure garantie pour veiller à ce que chaque dollar, chaque euro, mais aussi chaque hryvnia provenant des contribuables ukrainiens soient utilisés avec la plus grande efficacité. Il y va de notre survie.

Vous travaillez depuis des années sur les réformes anticorruption. Selon vous, quels sont les principaux obstacles structurels qui empêchent encore l’Ukraine d’avancer sur ce sujet ?

La priorité est la réforme du système judiciaire. Nous avons essayé à plusieurs reprises, mais les premières tentatives ont complètement échoué, car le système est très compliqué et les juges corrompus se protègent entre eux. Assainir les tribunaux prendra du temps. Mais le système judiciaire est la mère de tous les maux. Sans cette réforme, nous construisons des châteaux sur du sable, qui s’effondreront.

Là encore, pensez-vous qu’il y ait une volonté politique suffisante pour y parvenir ?

La société ukrainienne manifeste clairement une forte volonté et l’Union européenne dispose d’excellents outils pour traduire cette aspiration de la société ukrainienne en décisions politiques, dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE. Je pense en particulier aux groupes de travail sur les "fondamentaux". Il existe également des critères de référence que l’Ukraine doit mettre en œuvre. Ces outils sont des incitations extrêmement efficaces.

Par ailleurs, j’espère que l’Union européenne acceptera d’accorder un prêt de réparation à l’Ukraine et là, elle a un moyen de pression sur le gouvernement ukrainien : Bruxelles doit conditionner ce prêt à des réformes. Dans ce cas, l’Union européenne sera très utile pour susciter la volonté politique au niveau national nécessaire pour mener à bien ces réformes.

© afp.com/Handout

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky assistant à une cérémonie marquant la Journée des défenseurs, une fête rendant hommage aux anciens combattants et aux membres tombés au combat des Forces armées ukrainiennes, à Kiev, le 1er octobre 2025
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Ils vivent en Russie et résistent à Vladimir Poutine : leurs témoignages exceptionnels

Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec une association, bannie de Russie, qui lutte pour la mémoire des répressions soviétiques. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.

Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la répression est omniprésente en Russie. Sur les réseaux sociaux, la moindre publication critiquant "l’opération militaire spéciale" peut être signalée aux services spéciaux par un délateur anonyme et valoir des poursuites à son auteur. Entre 2022 et 2024, plus de 950 personnes (politiques, artistes, inconnus…) ont été visées par des enquêtes criminelles pour avoir protesté, d’une façon ou d’une autre, contre la guerre, selon le média en ligne russe Mediazona. Opposant de longue date, Ilya Yachine a été condamné à huit ans et demi de détention. Alexeï Gorinov, un député municipal à Moscou, à sept ans. Son crime : avoir suggéré, lors d’une session parlementaire, une minute de silence en mémoire des victimes civiles ukrainiennes. Respectivement dramaturge et metteuse en scène, Svetlana Petritchouk et Jenya Berkovitch ont écopé de six ans pour avoir écrit une pièce de théâtre jugée subversive. Parce que sa fille de 11 ans, Macha, a écrit "Non à la guerre" en classe, Alexeï Moskaliov a été emprisonné pendant deux ans et Macha placée en famille d’accueil. Et en février 2024, Alexeï Navalny, détenu depuis trois ans, est mort en prison, probablement assassiné.

En deux vagues successives, l’une au début de la guerre, l’autre durant la mobilisation, environ un million de Russes ont fui le pays. Ceux qui restent sont soumis à une propagande permanente qui voudrait faire croire que toute la Russie est unie derrière son président pour anéantir l’Ukraine et faire la guerre à l’Occident. C’est faux. Des signes – discrets - montrent le contraire. Ce sont des rubans verts, couleur du mouvement antiguerre, noués sur des bancs publics. Des juristes qui aident bénévolement les jeunes hommes à échapper au service militaire ou à la mobilisation. Des artistes qui montent dans des caves des spectacles interdits. Des fonctionnaires qui glissent, dans la programmation d’un festival de cinéma, des films au double sens pacifiste. Des historiens qui persistent à faire vivre des monuments et des cérémonies aux victimes des répressions soviétiques.

Combien sont-ils ? Difficile à dire. "Les sondages établissent qu’il y a entre 12 et 15 % de radicaux anti-Poutine et antiguerre, et autant de faucons à l’autre bout du spectre. Le reste, c’est le 'marais'", estime Alexeï Venediktov. Rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou, l’un des tout premiers médias indépendants de la Russie post-soviétique, Venediktov a longtemps fait office de trait d’union entre l’opposition et les cercles du pouvoir, avec lesquels il garde des contacts privilégiés. Depuis avril 2022, il est classé "agent de l’étranger". Echo de Moscou a cessé d’émettre, mais Venediktov n’a pas quitté la Russie. "Si l’on demande aux Russes s’ils sont pour que Poutine signe un cessez-le-feu sans conditions, 75 % disent oui, poursuit-il. Mais si on leur demande si le Donbass doit être russe, ils sont aussi 75 % à approuver." Sa conclusion : "Il y a en Russie une majorité fluide, qui soutient la politique de Poutine, quelle qu’elle soit."

Alors à quoi bon résister, dans une société majoritairement résignée ? Face à cette question, nos interlocuteurs, sans s’être concertés, sont peu ou prou unanimes. Ils agissent parce qu’il le faut, parce que quelqu’un doit bien s’y mettre et qu’ils ont l’impression que le sort les a désignés. Leur horizon est le même : un effondrement du régime de Poutine, un retrait militaire d’Ukraine. Et ensuite, une Russie démocratique, libérée du poids de son passé par un douloureux, mais nécessaire, examen de conscience historique. La verront-ils advenir ? Aucun d’entre eux ne semble y croire. Leur but est plus modeste : garder vivante l’idée d’une Russie meilleure.

Alors qu’en Russie, les opposants à la guerre, souvent confrontés à l’hostilité de leurs proches, en sont réduits à garder le silence et à rester isolés, ce genre d’action "peut donner de l’espoir, formule Alexeï Venediktov. Ces gens doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls, que beaucoup pensent comme eux. On ne peut pas laisser le peuple seul face à la propagande qui les empoisonne. On ne peut pas les guérir maintenant, mais on peut au moins enrayer la progression du poison. Et après la guerre, il faudra soigner les âmes."

Viktor, espion dans une base militaire

Pas de caméra, pas d’appel depuis son domicile mais depuis une chambre d’hôtel anonyme, au gré d’un déplacement… Viktor a les codes et les réflexes de la clandestinité. A l’été 2022, révulsé par les tueries de Boutcha, ce jeune homme, employé sur une base militaire russe, s’est mis à la disposition de la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes anti-Poutine engagés dans les forces armées ukrainiennes. Pour des raisons de sécurité, il ne donnera pas d’informations précises sur ses "actes de guerre", mais il nous confie son histoire. Et ses espoirs.

"Je vis dans une ville russe, près de la frontière avec l’Ukraine, où se trouve un aérodrome militaire. C’est là que je travaille. La guerre, je l’ai vue arriver avant tout le monde. Je voyais que l’on préparait les bombardiers, mais je n’y ai pas cru. Dans les premières semaines de combat, je n’ai pas du tout pensé aux Ukrainiens. Je suis russe, je suis patriote, je me disais qu’au fond, on était là-bas pour les aider… En avril 2022, j’ai découvert les photos de Boutcha. En voyant ces corps, cette photo de Zelensky en larmes, j’ai réalisé que je m’étais trompé. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. On n’entend pas la voix de ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui sont contre les décisions du pouvoir. On s’imagine que la population russe est entièrement pour la guerre, mais ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de gens qui pensent par eux-mêmes, des gens qui connaissent la vérité sur Boutcha et le reste. Seulement, ils sont terrifiés de parler, et si quelqu’un ose le faire, ça ne dure jamais très longtemps.

Après le 24 février, l’Etat a tout de suite resserré les boulons. J’étais au travail à cette époque-là, on ne nous a pas laissés rentrer chez nous pendant trois semaines. Ça grouillait d’agents du FSB. C’était terrifiant.

Je sais ce que je risque. Parler avec vous, c'est l'article 275 du Code pénal. Quinze ans de camp

J’ai d’abord cherché à foutre le camp. Je ne voulais plus vivre en Russie. Puis j’ai entendu parler de la légion 'Liberté de la Russie'. J’ai alors compris que je ne pouvais pas me contenter de ne pas être complice, que je devais me battre maintenant, pour ne pas me sentir étranger dans mon propre pays pour le restant de mes jours, pour que mes enfants n’aient pas à s’enfuir plus tard. Et j’ai décidé de rejoindre la lutte armée. J’ai pris le risque de contacter la légion. Pour moi, c’était la possibilité de partir, d’être entraîné, d’avoir une arme et de me battre avec des camarades. Il n’y avait que des avantages… à part le risque d’être tué, mais quand on travaille dans un aéroport militaire en Russie, ce risque existe aussi.

Mais César [NDLR : nom de guerre de Maximilian Andronnikov, chef de la légion "Liberté de la Russie"] m’a convaincu que je serais plus utile ici. Alors je suis resté. Je fais passer des informations à la légion. Parfois, je transmets un message, un colis… Oui, c’est risqué. Mais d’un autre côté, faire l’espion clandestin, ça me semblait moins dangereux que de sortir dans les rues pour crier que Poutine est un fils de p***. Avant l’invasion, on pouvait parler de politique dans sa cuisine ou au café. Depuis, tout a changé.

Aujourd’hui, tout le monde a peur de parler. Moi aussi, d’ailleurs. Je ne sais pas qui, parmi mes proches, soutient la démocratie, et qui a décidé que tout cela ne le regarde pas. Et je ne peux rien leur dire de mon activité, c’est la règle n°1 du partisan. Il ne faut jamais parler de ce que l’on fait, et surtout pas à ses amis ou à sa famille. Déjà, parce que si on m’arrête, tous ceux qui étaient au courant seront considérés comme des complices. Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis, viennent me tenir compagnie en prison. Ensuite, parce que je ne peux pas savoir ce qu’il y a dans la tête de mon interlocuteur.

C’est comme dans un film, on est toujours au bord de la catastrophe. Pendant la première année, j’ai cru que ça me rendrait fou, j’ai pensé à prendre des médicaments. Puis j’ai adopté deux méthodes qui m’aident et font que je me sens bien aujourd’hui. D’abord, j’ai trouvé dans la légion des gens à qui parler. Nous discutons souvent. Et pour être honnête, c’est souvent moi qui me plains, et les autres qui m’écoutent. Partager mes difficultés, ça m’aide. Et puis, l’autre méthode, c’est que… la peur, l’angoisse, c’est épuisant. Au bout d’un moment, c’est comme si l’organisme décidait qu’il en avait assez d’avoir peur, on devient insensible et on fait juste son travail. Je sais que l’on peut m’arrêter demain et je sais ce que je risque. Tout le monde connaît l’article 275 du Code pénal. Haute trahison. Et je peux vous dire ça : parler avec vous, c’est l’article 275. Avoir demandé à rejoindre la légion, c’est 275. Et ne parlons même pas des informations que je fais passer ! Même si je me trouve un bon avocat, c’est quinze ans de camp à régime sévère. Et plus probablement vingt ou vingt-cinq. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Pour quelqu’un qui, comme moi, a moins de 30 ans, c’est toute ma vie.

Mais de toute façon, les gens ne survivent pas jusqu’à la fin de leur sentence. Navalny a survécu combien ? Trois, quatre ans ? [NDLR : trente-sept mois] Je sais que si je suis arrêté, je ne sortirai jamais de prison. Vous connaissez les conditions de détention. On voit des vidéos dans lesquelles des détenus sont violés avec des manches à balai. Et pas juste le bout. C’est 30, 50 centimètres dans l’intestin, tous les organes sont détruits. Il y a même une vidéo dans laquelle des gardiens castrent un détenu. C’est horrifiant, mais c’est comme ça en Russie. Et je me bats pour que ça ne soit plus comme ça.

Il y a trois ans, on avait l’impression que la dynamique était bonne, qu’on y était presque et que le régime allait s’effondrer. Quand il y a eu la révolte de Prigojine [NDLR, l'ancien chef du groupe paramilitaire Wagner], qu’il a marché sur Moscou… Je détestais ce type, mais j’ai croisé les doigts, pas tant pour qu’il gagne, mais pour que Poutine perde. Ça n’a pas eu lieu. Et maintenant, je me dis que la victoire ne sera pas pour tout de suite. Un jour, j’ai lu cette phrase : 'Les idées les plus importantes, ce sont celles qui bénéficieront à nos petits-enfants.' Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer.

Pour moi, la victoire, ce serait rétablir l’équilibre territorial, tel qu’il a été défini à l’effondrement de l’URSS. Et pas seulement en Ukraine, mais aussi en Géorgie, en Tchétchénie… Je souhaite le pire à Poutine, mais il existe aussi un "Poutine collectif" - son entourage, les services de sécurité, tous ceux qui soutiennent l’autoritarisme… Mais croyez-moi, les empires finissent toujours par tomber. Je crois en la lutte armée. La victoire, pour moi, c’est prendre le Kremlin, y hisser notre drapeau, puis réfléchir à la façon de dénazifier notre propre société. Que nous arrêtions de mépriser les Biélorusses, les Ukrainiens, les Kazakhs, les juifs… Que la Russie apprenne à respecter les autres peuples, les autres pays. Ça, ça serait la victoire. J’y crois, parce que j’ai déjà vu des résultats concrets de mon travail. Ce qui viendra après, c’est le peuple russe qui en décidera.

Aujourd’hui, beaucoup de mes amis ont quitté le pays, mais d’autres… Je ne dirais pas qu’ils sont de mauvaises personnes, ce sont juste des gens qui ont pris un mauvais tournant, qui ont cru à ce paternalisme, à la propagande, au mythe du leader fort, au fait que la population civile ukrainienne est constituée de fascistes bandéristes néonazis [NDLR : en référence à Stepan Bandera, un nationaliste ukrainien qui collabora avec l'Allemagne nazie] …

Ces gens-là ne se taisent pas, ils se réjouissent de tout ce qui se passe. Pour eux, tuer des gens, piller une maison, c’est une preuve de courage. Je les connais depuis l’enfance, et c’est un dilemme pour moi. Je tiens à ces gens, nous sommes du même sang, nous avons les mêmes souvenirs. Mais je n’imagine pas d’autre façon d’agir. Je ne vois pas de scénario réaliste dans lequel je discuterais avec eux et où, au lieu de m’agresser, ils essaieraient de me comprendre. C’est une impasse. Et si le seul moyen de sortir de cette impasse, c’est qu’ils meurent ou qu’ils soient blessés, ce que je n’espère pas… eh bien, ce sera très dommage, mais ce sera comme ça."

Lena, combattante aux côtés des Ukrainiens

De longs cheveux blonds traversés d’une mèche teinte en violet, les traits creusés. "Zirka", son nom de guerre, signifie "étoile" en ukrainien. Mais elle est bel et bien russe, engagée comme aide-soignante dans la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes qui combat aux côtés des forces de Kiev. Parfaitement francophone, elle vivait à Paris quand la guerre a éclaté. Deux ans plus tard, après un long cheminement personnel et un recrutement exigeant, la voilà sur le front.

"J’ai fait mes études supérieures à Paris et j’y suis devenue brodeuse d’art. Je travaillais pour des maisons de haute couture et je voulais créer mon propre atelier. Souvent, je travaillais avec des collègues ukrainiens. Le matin du 24 février, j’ai vu les nouvelles, les messages des amis, de la famille éloignée en Ukraine, qui m’écrivaient 'C’est la guerre, on est bombardés'. Je n’y croyais pas. Qui va attaquer un pays moderne, européen, pour rien du tout ?

Je ne tire pas sur des Russes, mais sur des voleurs, des violeurs, des assassins

Mais le pire, c’était la réaction des Russes. Le rejet massif de la réalité, du fait que la Russie était en train d’attaquer l’Ukraine, tous ces gens qui disaient 'C’est faux, ce sont des vidéos truquées' ou qui disaient que les Ukrainiens étaient responsables de tout ce qui se passait. C’était dingue. Pour moi, c’était même plus choquant que de voir les villes ukrainiennes bombardées. Et cette vague de fascisme russe, de 'ruscisme', a commencé, du jour au lendemain, à engloutir la plupart de mes connaissances. J’étais bouleversée. Je parlais de la guerre à tout le monde, tout le temps. A l’époque, on croyait que c’était possible d’expliquer la situation aux Russes, qu’ils allaient se soulever et arrêter Poutine. Quand j’y repense, je trouve ça drôle et triste en même temps. J’ai montré sur les réseaux sociaux mon passeport russe, j’ai dit que j’avais visité l’Ukraine, que je n’avais jamais eu de problème, que les russophones ukrainiens n’étaient pas opprimés ou malheureux. Parmi toutes mes connaissances, une personne m’a écrit pour me soutenir. Une seule, sur les milliers de followers que j’avais. Par contre, j’ai reçu beaucoup d’insultes.

Très vite, j’ai eu envie de partir combattre en Ukraine. Je suis une personne qui préfère agir qu’attendre. J’ai zéro patience, je m’épanouis dans l’action. Mais en même temps, j’avais 38 ans. Je suis une femme, pas très sportive. Je n’avais aucune expérience militaire. Je pensais que je serais complètement inutile. Je me disais : il leur faut des tireurs, des électriciens, des médecins… mais pas moi, avec mon fil et mes aiguilles. Une collègue ukrainienne, qui habitait à Kiev, m’a alors confié ses enfants à Paris, une fille de 15 ans et deux petits de 6 et 8 ans, pendant que son mari était au front. Ça m’a apaisée, je me sentais utile. Et puis la guerre s’est installée et les gens, à Kiev, ont appris à vivre avec.

Les enfants sont rentrés chez eux. De nouveau, j’ai eu envie de partir. J’ai rédigé une liste recensant tout ce que je pouvais faire d’utile et, en février 2023, j’ai écrit à l’armée ukrainienne. Ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas intéressés par mon passeport russe, mais ils m’ont parlé de la légion "Liberté de la Russie". C’était en concordance avec ce que je veux, une Russie paisible, une Russie où les gens vivent bien, parce que les gens qui vivent bien n’attaquent pas d’autres pays. J’avais peur de ne pas être acceptée, alors j’ai décidé de me préparer.

J’ai pris six mois pour m’entraîner, j’ai appris les premiers secours avec les sapeurs-pompiers français, je suis partie aux Etats-Unis, j’ai appris à piloter des drones et, finalement, j’ai envoyé ma candidature. Six mois plus tard, j’ai rejoint la légion, en tant qu'aide-soignante militaire. C’est un processus très long pour éviter que la légion ne se fasse infiltrer par des agents du FSB. Nous sommes désignés comme une organisation terroriste en Russie. On nous considère comme des traîtres. Mais c’est notre pays qui nous a trahis.

Ça ne me dérange pas de tirer sur des Russes [NDLR : sur le front ukrainien, les aide-soignants peuvent être armés]. Ce n’est pas une question de nationalité, c’est une question de choix individuel. Si quelqu’un tire sur votre enfant, vous allez lui tirer dessus. Les voleurs, les tueurs, les malfaiteurs, on les met en prison. C’est la même chose. Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des voleurs, des assassins de gens sans défense, des violeurs d’enfants. Je discute souvent avec des prisonniers russes. Ils disent toujours 'on n’avait pas le choix'. Mais on a toujours le choix. Ils pouvaient s’enfuir du bus qui les emmenait à la caserne, personne ne les aurait rattrapés. Ils pouvaient partir à l’étranger, ils pouvaient refuser de servir, ils pouvaient choisir d’aller en prison. Ils sont restés dans leur bus comme des moutons, c’est leur choix. Et puis il y a l’argent. Les militaires russes sont très bien payés, ils sont très nombreux à n’être là que pour ça.

Les raids de la légion sur le territoire russe en 2023, ça donnait de l’espoir. L’espoir, il faut l’alimenter régulièrement, sinon on le perd. Quand je suis partie rejoindre la légion, c’était le moment où la motivation baissait, la victoire s’éloignait. Je me suis dit 'c’est le moment d’y aller, le moment le plus difficile'. Il faut des nouvelles personnes pour remplacer les pertes. C’était horrible pour ma mère. Moi, je me disais 'on verra'. De toute façon, après avoir gagné en Ukraine, il faudra gagner en Russie. La victoire de l’Ukraine sera un grand pas vers la libération de la Russie. Il faut la libérer de ce gouvernement fasciste. Chaque année de guerre enfonce la Russie dans un abîme de détresse économique et culturelle. Le dernier espoir que l’on a eu, c’est la contre-offensive de l’été 2023, qui a complètement échoué.

Aujourd’hui, on continue à se battre parce qu’il faut continuer. Mais quand on me demande quand ça finira, je réponds 'jamais'. Cette guerre ne finira jamais. Ou alors il faut des sanctions, que le monde entier s’oppose à la Russie. Le régime ne s’effondrera pas tout seul. Ou peut-être qu’il y aura un miracle : il va quand même crever un jour, ce Poutine ! Mais une révolte de l’intérieur, il n’y en aura que si son armée est vaincue. Les gens sont terrifiés, là-bas. Tous ceux qui avaient du courage sont en prison, morts ou partis à l’étranger.

Moi, je combattrai jusqu’à ce que je sois tuée. C’est tout à fait possible, je l’envisage assez calmement. Mourir un jour, ça fait partie de notre métier. Donc, ça se passera comme ça, sauf si un jour je sens que j’ai donné assez longtemps de ma vie à cette cause et qu’il est temps de passer à autre chose. J’ai décidé de servir au moins trois ans. Evidemment, le rêve, ce serait la victoire. J’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser. Que les soldats russes partent d’Ukraine, d’abord. Et ensuite, avoir la certitude que la Russie n’attaquera plus jamais personne. Plus de Poutine, la Russie reconnaît ses crimes, paie des réparations, démolit le mausolée de Lénine et construit à la place une stèle à la mémoire de tous ceux qui ont été tués, pour que la Russie se souvienne toujours de ce qu’elle a fait."

Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine

Elle a préféré ne pas allumer sa caméra, mais on devine son sourire quand elle parle de l’association consacrée à la mémoire des répressions soviétiques et à la défense des droits de l’homme qu’elle a rejointe en 2021. Peu de temps après, celle-ci était interdite en Russie et forcée à la clandestinité.

"J’ai grandi à l’époque des grandes manifestations contre Poutine [NDLR : entre les élections législatives contestées de 2011 et l’arrestation d’Alexeï Navalny en 2021]. Pour quelqu’un comme moi, c’était difficile de ne pas devenir activiste !

Si tout le monde s'en va, qui va agir ici ?

Et puis il y a eu le 24 février 2022. Je m’étais réveillée très tôt, à 6 heures. J’étais sortie dans la rue fumer une cigarette, et c’est la concierge qui me l’a dit : 'Ça y est, c’est la guerre.' Là, j’ai pleuré pendant deux heures, puis je suis allée manifester. J’ai collé des affiches antiguerre dans la ville, j’en ai mis une sur le tableau d’affichage de mon immeuble. Elle a tenu quatre jours. On l’a remis. Et comme ça 5-6 fois de suite. J’ai pensé à quitter le pays, puis je me suis dit : 'C'est important de continuer de protester depuis la Russie. Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?'

J’organise des envois de lettres aux prisonniers politiques, je cherche des personnes prêtes à travailler avec nous, et je fais de l’activisme mémoriel. Cela consiste à afficher la mémoire dans la rue : des projets comme 'Dernière adresse' [NDLR : des plaques apposées sur la dernière adresse connue des personnes déportées pendant les répressions staliniennes] ou 'Retour des noms' [des lectures publiques des noms des personnes fusillées]. C’est, aussi, porter des fleurs à la Pierre des Solovki [NDLR : un monument aux victimes des répressions, situé en face du quartier général du FSB, ex-KGB], restaurer un monument ou écrire des slogans à la craie dans la rue, coller des affiches… Bref, c’est concevoir la mémoire comme une résistance. Quand les autorités font retirer les plaques 'Dernière adresse' dans les villes de Russie et qu’ensuite, on les remet en place… ça dit quelque chose de la société civile.

Le passé est lié au présent, surtout de nos jours. Des répressions ont eu lieu dans le passé, elles existent toujours – certes, sous des formes différentes, nous ne vivons pas sous la Grande terreur, mais il y a un lien. Aujourd’hui, l’Etat voudrait que le passé soit invisible, que l’on oublie les millions de personnes qui ont été tuées. Ils voudraient dire que nous sommes le camp du bien, que ce qui se passe en Ukraine n’est pas une guerre, mais une opération militaire spéciale, tout comme les répressions n’étaient pas des répressions, mais juste des procès avec quelques excès… Mais ce passé ne s’en ira pas. On ne peut pas s’en détourner. C’est celui de mon pays, qui a fait des choses affreuses et continue d’en faire. Si l’on ne s’en souvient pas, on ne peut pas avancer. Les crimes de l’Etat n’ont pas de prescription. C’est à ça que sert l’activisme mémoriel.

"Non à la guerre"

Bien sûr, parfois j’ai peur. Je ne fais rien d’illégal, mais c’est tout de même compliqué [NDLR : plusieurs Russes ont été condamnés à des peines de prison pour avoir diffusé des messages antiguerres]. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Parce que j’ai peur, je devrais rester à ne rien faire ? Je ne veux pas. Je ne peux pas. Bien sûr, il y a un risque de se faire arrêter. C’est complètement aléatoire, ça peut tomber demain sur moi ou sur quelqu’un d’autre.

J’ai vécu toute ma vie sous Poutine. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur la fragilité du régime. Mais je crois que la valeur de cette résistance est dans sa constance. On ne peut pas se permettre de baisser les bras, de dire 'bon, on a essayé, ça n’a pas marché, tant pis, on laisse tomber'. Notre Etat tue tous les jours. Et s’il est peu probable qu’il s’effondre bientôt, il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire du tout. La protestation peut prendre beaucoup de formes, et chacune d’elles est importante, car elles composent un tableau d’ensemble. Je ne sais pas si ce que je fais servira un jour à quelque chose. Je ne peux qu’espérer et continuer. Dans ma famille, tout le monde sait ce que je fais. Ils ne soutiennent pas la guerre, mais ils ne sont pas non plus opposants. Ils se mettent en retrait, ne veulent rien faire. Dès qu’on en discute, on finit toujours par se disputer. Mais j’ai de la chance : j’ai des amis, un copain, tous sont dans le même bateau que moi. Sans ça, ce serait beaucoup plus difficile.

Je ne sais pas ce qui devrait se passer pour que j’arrête. Même si le régime s’effondrait demain, il resterait beaucoup à faire. Déjà, il faut bien comprendre qu’il ne peut pas y avoir de happy end. C’est déjà trop tard, il y a eu trop de morts et de destruction pour qu’un jour on puisse se dire 'tout ça s’est bien fini'.

Je n’ai que 24 ans, mais je sens que j’ai une part de responsabilité dans tout ça. Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse les crimes d’Etat et les crimes de guerre, et que tous les coupables jugés. J’espère qu’un jour, nous le mènerons à bien."

Pavel, le militant qui aide les réfugiés russes au nom de la paix

Le 6 août 2024, prenant les Russes par surprise, l’armée ukrainienne perce leurs maigres défenses et déferle sur les régions de Koursk et Belgorod, occupant plusieurs villes et jetant sur les routes des milliers de fuyards. Pour la première fois depuis le début du conflit, le territoire national russe est occupé. Les administrations locales s’avèrent incapables d’aider les réfugiés - comme le Kremlin. Ce sont des bénévoles locaux qui prennent le relais. Pour certains d’entre eux, c’est l’occasion de faire passer, dans les colis de nourriture, des messages antiguerre. Parmi eux, Pavel.

"J’ai toujours été actif en politique. Avant la guerre, j’avais un projet sur la mémoire des victimes des répressions. Je tenais aussi des blogs d’actualité et de politique. Quand l’invasion a commencé, j’ai réalisé que je devais faire absolument tout mon possible pour expliquer la réalité aux gens. Le 6 août 2024, je suis allé, avec quelques camarades, au point d’accueil qui avait été désigné pour les réfugiés. Il y avait des centaines de personnes, totalement démunies, les autorités locales étaient absentes. J’ai contacté des activistes de Moscou, nous avons trouvé un entrepôt, organisé des collectes et des livraisons… Nous avons aussi aidé des personnes à se reloger, d’autres à s’installer ailleurs. C’est en aidant les gens que l’on peut faire de la politique. S’il n’y a que Russie unie [NDLR : le parti de Vladimir Poutine] qui les aide, ils ne vont même pas se poser de questions. Nous, nous leur disons : 'Nous vous aidons parce que nous sommes pour la paix'. Ils voient qu’il existe une alternative à cette guerre qui vient de détruire leurs maisons.

Aujourd’hui, en Russie, on ne peut plus participer à la vie politique, mais on peut développer une société civile. Pourquoi l’ancien gouverneur de Koursk a-t-il perdu son poste ? Parce que les habitants, qui avaient perdu leurs maisons, leurs proches, leur vie d’avant, sont sortis manifester. Le pouvoir a dû réagir. C’est la force de la société civile. Maintenant, nous devons la faire évoluer, comme d’autres l’ont fait avant nous. C’est une course de relais. Si on ne le fait pas, personne le fera, et tout s’arrêtera. Bien sûr, il ne faut pas attendre de résultats immédiats, c’est un processus, il n’est jamais achevé, mais il donne des résultats, même dans une société aussi monolithique que la Russie. De fait, de plus en plus de gens voudraient la paix.

Si j’avais voulu quitter le pays après le début de l’invasion, j’aurais pu le faire. Certains de mes proches l’ont fait. Si l’on place sa sécurité et son confort personnel au premier plan, on peut toujours partir. Mais j’ai d’autres objectifs. Imaginez que vous voyez une petite fille qui va mourir si elle ne reçoit pas ses médicaments, que ferez-vous ? On peut rester bien au chaud ou les aider. J’ai choisi d’aider, ce qui m’amène à travailler avec des opposants. Car personne, à part eux, ne le fait. Il y a des 'agents de l’étranger' parmi nous, et alors ? [NDLR : La loi russe exige que quiconque reçoit un "soutien" ou est sous "l’influence" de l’extérieur de la Russie doit s’enregistrer comme "agent de l’étranger"].

C'est en aidant les gens que l'on peut faire de la politique

Si l’on ne pense qu’aux risques, on peut tout arrêter. Je ne fais rien d’incroyable, ce n’est que du bénévolat. S’il m’arrive de me décourager, je pense à ceux dont la situation est pire que la mienne. Des gens ont souffert, des gens sont morts, des gens se sont fait tirer dans le dos dans le centre-ville de Moscou. Si ça ne t’arrive pas, tu as déjà plus de chance qu’eux. Moi, je continuerai quoi qu’il arrive, je ne peux pas m’arrêter. Il faut continuer de distribuer de l’aide humanitaire, il faut que les réfugiés puissent rentrer chez eux, qu’ils soient indemnisés et, surtout, qu’ils comprennent une chose : pour que cette situation ne se reproduise plus jamais, ils doivent être des citoyens actifs, connaître leurs droits, savoir les défendre et exiger qu’on les respecte.

Même si tout s’effondre, il ne faut jamais renoncer à ses droits. Et même si tout semble sombre, il y a une raison objective d’espérer. En URSS, tout paraissait perdu jusqu’à ce que le régime s’effondre. Et puis, regardez l’autre camp, ceux qui soutiennent la guerre, les hauts fonctionnaires d’Etat. Vous voyez bien qu’ils ne vont pas mieux que nous. Comment peut-on faire une carrière de haut fonctionnaire et finir par se tirer une balle dans la tête dans sa voiture de luxe ? [NDLR : en juillet dernier, Roman Starovoït, ministre des Transports et ancien gouverneur de la région de Koursk, a été retrouvé mort, probablement suicidé, dans la banlieue de Moscou].

Le changement finit toujours par arriver, sinon nous vivrions toujours dans des cavernes… Notre objectif est d’y préparer la société, pour qu’elle soit capable, quand le moment viendra, de prendre son avenir en main. Rappelez-moi dans vingt ans et vous verrez, nous y serons. Je vous le garantis à 100 % !"

© AFP

Une femme portant un masque arborant le logo de l'organisation russe de défense des droits humains Memorial, photographiée devant le tribunal municipal de Moscou le 23 novembre 2021 (Photo d'illustration)
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Boualem Sansal : derrière la grâce de l'Algérie, la main de l'Allemagne

C’est la fin d’une année d’enfermement pour Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien actuellement emprisonné en Algérie. Mercredi 12 novembre, Alger a fait savoir que le président Abdelmadjid Tebboune avait accordé la grâce à Boualem Sansal pour des raisons de santé. L’écrivain va être transféré en Allemagne pour des soins médicaux - le résultat d’efforts diplomatiques coordonnés entre Paris et Berlin.

Cette demande de grâce, formulée par le président allemand Frank-Walter Steinmeier, "a retenu [l']attention [du président Tebboune] en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires", a ajouté la présidence algérienne, en précisant que "l’Etat allemand prendra en charge le transfert et le traitement" de l’écrivain de 81 ans, souffrant d’un cancer de la prostate.

S’exprimant à l’Assemblée, le premier ministre français Sébastien Lecornu a exprimé son "soulagement à l’annonce des autorités algériennes, d’avoir gracié Boualem Sansal", condamné à cinq ans de prison. Figure critique du régime, il était accusé par l’Algérie d'"atteinte à l’unité nationale". En cause, des propos tenus dans le média d’extrême droite français Frontières en octobre 2024, où il estimait que sous la colonisation française, l’Algérie avait hérité de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.

Brouille entre la France et l’Algérie

Son incarcération, le 16 novembre 2024 en Algérie, avait envenimé les tensions diplomatiques entre Paris et Alger, déclenchées par la reconnaissance par la France d’un plan d’autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental. Ce territoire, considéré comme "non autonome" par les Nations unies, est l’objet d’un conflit depuis 50 ans entre le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.

La France, dont les relations avec son ex-colonie sont au plus bas, réclamait depuis sa libération, en vain. L’Allemagne et l’Italie étaient, quant à elles, considérées comme des médiatrices qui travaillaient en coulisses en faveur de l’écrivain, de concert avec Paris. C’est finalement Berlin qui a eu gain de cause. Un reflet "des bonnes relations [entre l’Allemagne et l’Algérie]" et d’une "relation personnelle de longue date" entre Frank-Walter Steinmeier et Abdelmadjid Tebboune, a-t-elle rappelé dans sa requête. Ce dernier a été soigné en Allemagne lors de séjours d’un total de trois mois, après avoir contracté le Covid entre fin 2020 et début 2021.

Un acteur neutre

Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président algérien avait également évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne d’ici le début de l’année 2026 - une rencontre "qui ne saurait être assombrie par le cas Boualem Sansal", analysent nos confrères du Figaro. De même que la visite envisagée par le pape Léon XIV en Algérie, à laquelle la présidence travaille.

Finalement, le dossier devenait de plus en plus compromettant pour Alger, qui s’exposait au risque que ce dissident politique ne décède dans ses prisons, en raison de son état de santé. L’intervention d’un pays tiers, avec une position plus neutre, s’est révélée salutaire dans un conflit dans lequel sont embourbés Paris et Alger - sans parvenir à faire un pas l’un vers l’autre, en raison de la pression médiatique autour du dossier. "Pour Abdelmadjid Tebboune, cette voie diplomatique n’est plus le résultat d’un bras de fer avec Paris, mais d’une médiation venue de Berlin. Autrement dit, le chef de l’Etat n’a pas cédé à la pression française", note Le Figaro.

Un geste qui pourrait permettre de réchauffer les relations entre Paris et Alger. Lundi, Nicolas Lerner, le patron de la DGSE a affirmé sur France Inter avoir "des signaux qui viennent de la partie algérienne sur la volonté de la reprise du dialogue". Une visite du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez pourrait avoir lieu en Algérie d’ici la fin de l’année.

Tradition humanitaire

Pour sa part, ce n’est pas la première fois que Berlin réussit ce genre de coup humanitaire. L’Allemagne a une longue tradition d’accueil de dissidents, despotes et dirigeants malades dans son hôpital de la Charité, l’un des plus réputés d’Europe. Il y a cinq ans, il avait accueilli l’opposant russe Alexeï Navalny, victime d’un empoisonnement. Et avant lui, l’ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko y avait été soignée pour des douleurs dorsales.

En juillet 2018, le pays avait aussi reçu la poétesse chinoise Liu Xia, veuve du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, et placée sous résidence surveillée à Pékin. Et plus, trois opposants russes, Kara-Mourza, Ilia Iachine et Andreï Pivovarov, l’été dernier, dans le cadre d’un échange de prisonniers entre Moscou et l’Occident.

© afp.com/Joël SAGET

L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 8 septembre 2015 à Paris
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"Il savait à propos des filles" : de nouveaux emails relient Donald Trump à l’affaire Epstein

Des emails, attribués au délinquant sexuel Jeffrey Epstein, mort en prison la même année, et rendus publics mercredi 12 novembre par des parlementaires démocrates, montrent que Donald Trump était au courant des crimes sexuels du financier new-yorkais.

"Trump a dit qu’il voulait que je renonce" à la carte de membre de Mar-a-Lago, la résidence de Floride du président américain, affirme Jeffrey Epstein dans un email de 2019, qui précise n’en avoir jamais été membre. Il ajoute : "Bien sûr, il savait à propos des filles, comme il a demandé à Ghislaine d’arrêter".

Ghislaine Maxwell, complice et ancienne compagne de Jeffrey Epstein, purge actuellement une peine de 20 ans de prison pour exploitation sexuelle. Le financier new-yorkais avait lui été retrouvé mort en 2019 dans sa cellule, d’un suicide selon les autorités, avant son procès pour crimes sexuels. Le président américain a toujours démenti avoir connaissance du comportement criminel de celui avec qui il fut proche de nombreuses années avant de se brouiller dans les années 2000, affirmant que leur dispute avait eu lieu des années avant que ces crimes n’éclatent au grand jour.

Donald Trump "a passé plusieurs heures" avec une victime du financier

Dans un autre email, publié sur X par les membres démocrates d’une influente commission à la Chambre des représentants, Jeffrey Epstein affirme que Donald Trump "a passé plusieurs heures" avec une victime du financier au domicile de ce dernier. Ces emails, obtenus par le biais des légataires de Jeffrey Epstein, "soulèvent de graves questions sur Donald Trump et ce qu’il connaissait des crimes horribles d’Epstein", affirment les élus démocrates.

L’affaire Epstein enflamme les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau justifiant la publication de documents supplémentaires dans ce dossier.

Une lettre de Donald Trump aux tonalités lubriques

Sa mort par suicide a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes, Donald Trump tente aujourd’hui d’éteindre la polémique, qu’il a qualifiée à plusieurs reprises de "canular" monté par l’opposition démocrate.

Figure comme Jeffrey Epstein de la jet-set new-yorkaise des années 1990-2000, Donald Trump a été proche du financier jusqu’au milieu des années 2000. Une lettre attribuée au milliardaire républicain à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 avait été rendue publique début septembre par les mêmes parlementaires démocrates.

La lettre aux tonalités lubriques, montre une esquisse de buste féminin avec des déclarations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump. La signature du futur président américain figure au pied de la note, à la place du pubis de la femme dessinée. La Maison-Blanche avait démenti que Donald Trump en ait été l’auteur.

© afp.com/SAUL LOEB

Le président américain Donald Trump lors d'une rencontre avec le Premier ministre australien Anthony Albanese à la Maison Blanche, le 20 octobre 2025 à Washington
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"Un cheval de Troie du Kremlin" : ce voyage en Russie qui embarrasse l’extrême droite allemande

L’extrême droite allemande se serait certainement bien passée de la publication de ses projets de voyage en Russie, alors même qu’elle est accusée par ses adversaires politiques d’espionnage au profit du Kremlin. Le 5 novembre dernier, pendant que le parlement allemand discutait des menaces que font peser les liens entre l’AfD (Alternative für Deutschland) et la Russie sur la sécurité de l’Allemagne, la presse allemande révélait l’intention de plusieurs élus de se rendre à Sotchi, ville de la mer Noire.

Le déplacement en question alimente désormais les fortes critiques de la part de toute la classe politique… et fait grincer des dents jusque dans les hautes sphères du parti d’extrême droite, puisque sa dirigeante, Alice Weidel, a désavoué les plans de ses députés.

Une rencontre prévue avec Dmitri Medvedev

Selon les préparatifs ébruités, au moins deux députés AfD devaient aller en Russie en marge d’une conférence des pays des Brics à partir du 13 novembre prochain. Ils avaient même prévu d’y rencontrer l’ancien président russe Dmitri Medvedev, connu pour tenir des discours particulièrement virulents à l’égard de l’Occident. L’entrevue n’a finalement pas été validée par le groupe parlementaire, révèle Die Zeit. Reste que la faction "soutient" le voyage "sur le principe" et est même allée jusqu’à le financer, avance l’hebdomadaire.

D’après des propos rapportés par la chaîne allemande ARD, le parti souhaitait avant tout "intensifier les contacts avec la Russie" en parallèle des relations avec les Etats-Unis. Pour l’un des deux députés, Steffen Kotré, les "intérêts allemands" seraient en jeu, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en énergie. Il est connu pour ses liens étroits avec la Russie, tout comme son collègue Rainer Rothfuß, l’autre élu concerné par le voyage. Ce dernier avait déjà rencontré Dmitri Medvedev l’année passée en Russie. Il avait profité de son voyage pour publier une vidéo controversée sur les réseaux sociaux où il se montrait en peignoir dans un sauna, s’extasiant devant un pays "vraiment fantastique".

"Encore ? Vous êtes sérieux ?"

Bien que visiblement validé en interne par le parti, le projet n’est pas du tout au goût de sa dirigeante. "Encore ? Vous êtes sérieux ?", aurait réagi Alice Weidel lorsqu’elle a été informée du voyage, rapporte l’ARD. "Pour être tout à fait claire, je ne comprends pas ce qu’on est censé faire là-bas", a-t-elle ensuite déclaré lors d’un point presse au Bundestag, critiquant une décision du groupe de travail sur les affaires étrangères. Avant d’annoncer : "Monsieur Rothfuß va rester ici". Il pourrait même être interdit de voyage par sa faction. L’AfD devrait prochainement réexaminer ses procédures d’autorisation des voyages de ses représentants à l’étranger, a affirmé Alice Weidel : "Nous ne pouvons pas continuer ainsi".

La désapprobation de la cheffe de file de l’AfD intervient alors que son parti est sous le feu des critiques pour ses liens avec la Russie de Vladimir Poutine. En octobre dernier, le parti a été accusé d’utiliser son droit parlementaire à poser des questions dans le but d’espionner l’Allemagne pour la Russie. Et ce, alors qu’il rattrape dans plusieurs sondages la CDU du chancelier Friedrich Merz. Concrètement, les élus AfD poseraient des questions "problématiques" dans les hémicycles fédéral et régional pour obtenir des informations sensibles. La Russie reste, malgré ses dénégations, accusée d’être à l’origine d’une campagne de désinformation et de sabotages en Allemagne et plus largement en Europe.

Un "cheval de Troie" au service de Moscou

Le 5 novembre dernier, les députés allemands ont donc consacré un débat à la question, à l’initiative des chrétiens-démocrates de la CDU et des sociaux-démocrates du SPD, membres de la coalition gouvernementale. Au cours des débats, divers élus ont accusé l’AfD d’être un "cheval de Troie au service des intérêts du Kremlin", posant une menace pour la sécurité et la démocratie allemandes.

Les parlementaires ont en outre accusé l’extrême droite d’abriter une "cellule dormante pro russe", alors que les questions parlementaires de l’AfD ciblent précisément les livraisons d’armes vers l’Ukraine, les centrales électriques, la production de drones ou encore les bases de la Bundeswehr. L’AfD, elle, a dénoncé une "manœuvre électorale". "Si c’était vrai, vous nous auriez emprisonnés depuis longtemps", a rétorqué le vice-président de la fraction parlementaire, Markus Frohnmaier.

En attendant, le voyage en Russie aura bien lieu, mais avec des règles strictes, raconte l’ARD : pas de publications sur les réseaux sociaux, ni de photos avec les politiques russes, ni d’interview avec les chaînes de télévision locales.

© afp.com/Lilith von Borstel

Alice Weidel, dirigeante de la formation d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) au Bundestag, a critiqué la décision de son parti d'approuver le voyage en Russie de deux députés.
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Donald Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Benyamin Netanyahou

Reçu à Paris pour la première fois depuis la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France, Mahmoud Abbas a réaffirmé mardi 11 novembre aux côtés d’Emmanuel Macron sa volonté de tenir des élections à Gaza, "un an après le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu" avec Israël. Les deux dirigeants ont également annoncé la création d’un "comité conjoint" franco-palestinien qui doit élaborer une Constitution pour l’Etat palestinien. Le président français a par ailleurs adressé plusieurs avertissements à Israël, prévenant que les projets d’annexion "partielle ou totale" de la Cisjordanie, y compris "de facto" par la colonisation, "constituent une ligne rouge".

Les infos à retenir

⇒ Donald Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Benyamin Netanyahou

⇒ Israël annonce l’ouverture permanente d’un point de passage de l’aide vers Gaza

⇒ Israël : le négociateur sur Gaza démissionne de son poste de ministre

Donald Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Benyamin Netanyahou

Le président américain Donald Trump a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d’accorder une grâce au Premier ministre Benyamin Netanyahou, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué ce mercredi 12 novembre le bureau de la présidence.

Isaac Herzog a reçu "ce matin" une lettre "du président américain Donald Trump, l’invitant à envisager d’accorder une grâce" à Benyamin Netanyahou, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".

Benyamin Netanyahou est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d’au moins trois procédures judiciaires. Lors d’un discours au Parlement israélien le 13 octobre, Donald Trump avait déjà suggéré qu’une grâce lui soit accordée. "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de Benyamin Netanyahou.

Israël annonce l’ouverture permanente d’un point de passage de l’aide vers Gaza

Les autorités israéliennes ont annoncé mercredi l’ouverture permanente du point de passage de Zikim, au nord de la bande de Gaza, pour permettre l’entrée d’aide humanitaire internationale dans le territoire palestinien, ravagé par plus de deux ans de guerre. "Le point de passage de Zikim a été ouvert […] pour l’entrée de camions d’aide humanitaire" qui "sera acheminée par l'ONU et des organisations internationales après […] des inspections de sécurité approfondies", a écrit sur X le Cogat, l’organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens.

Interrogé par l’AFP, un porte-parole du Cogat a précisé que le passage de Zikim serait désormais ouvert "de manière permanente", comme celui de Kerem Shalom, au sud du territoire, par lequel la majeure partie de l’aide a été acheminée depuis le début de la guerre en octobre 2023.

Le poste de Zikim, situé à proximité de zones où la situation humanitaire est particulièrement critique en raison des opérations militaires qui y ont été conduites, avait auparavant été ouvert de manière ponctuelle, notamment pour acheminer l’aide du Programme alimentaire mondial (PAM). Il était fermé depuis le 12 septembre.

Israël : le négociateur sur Gaza démissionne de son poste de ministre

Le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, qui est aussi le principal négociateur dans les pourparlers de trêve à Gaza, a annoncé sa démission de ses fonctions ministérielles, après le retour de la plupart des otages retenus dans le territoire palestinien.

Ron Dermer, proche conseiller du Premier ministre Benyamin Netanyahou, a participé aux négociations de plusieurs mois ayant abouti à la trêve dans la bande de Gaza, en vigueur depuis le 10 octobre. Il n’a pas indiqué dans sa lettre de démission s’il continuerait à piloter les pourparlers qui se poursuivent en vue d’une deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu.

Benyamin Netanyahou a remercié Ron Dermer, qui détenait son portefeuille ministériel depuis 2022, pour sa "contribution exceptionnelle", l’assurant sur X qu’il a "encore beaucoup à apporter à l’avenir". Agé de 54 ans et né à Miami Beach, Ron Dermer avait été nommé en février par Benyamin Netanyahou pour diriger les pourparlers de trêve. Sa désignation avait suscité de vives critiques, en raison de son absence d’expérience militaire, et de sa maîtrise jugée limitée par certains de la langue et culture israéliennes.

Israël dit avoir arrêté des colons impliqués dans des violences en Cisjordanie

La police et l’armée israéliennes ont annoncé mardi que les forces de sécurité avaient arrêté plusieurs colons israéliens à la suite d’affrontements violents près de Tulkarem, en Cisjordanie occupée, au cours desquels des Palestiniens ont été blessés et des biens détruits.

L’armée a indiqué avoir envoyé des troupes après que "des civils israéliens masqués […] ont attaqué des Palestiniens et incendié des biens dans la région". Elle a ajouté que les forces de sécurité avaient dispersé les affrontements avec des moyens anti-émeutes et "appréhendé" plusieurs de ces "civils israéliens". Quatre Palestiniens blessés ont été évacués pour recevoir des soins, d’après la même source.

Hussein Hammadi, le maire du village de Beit Lid, a raconté à l’AFP qu’environ 200 colons israéliens étaient descendus des collines vers le village avant de se scinder en deux groupes, l’un ayant "attaqué" une communauté bédouine, l’autre s’étant dirigé vers une usine laitière. Le premier "a mis le feu à des véhicules, des enclos […], des maisons, et a tenté de voler des moutons avant de se diriger vers un autre campement bédouin", selon lui. Le second a "incendié cinq camions de l’entreprise et saccagé les installations".

© AFP

Donald Trump et Benyamin Netanyahou à la Knesset, le Parlement israélien, le 13 octobre 2025.
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Ukraine : une nouvelle affaire de corruption secoue jusqu’au sommet de l’Etat

C’est l’un des plus importants scandales de corruption au sein du pouvoir ukrainien depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Le ministre de la Justice et ex-ministre de l’Énergie ukrainien Guerman Galouchtchenko a été suspendu mercredi 12 novembre, a annoncé la Première ministre ukrainienne, deux jours après que les instances anticorruption ukrainiennes ont annoncé avoir démantelé un système de corruption portant sur 100 millions de dollars de fonds détournés.

Ce système aurait été orchestré par un proche du président, Timour Minditch, copropriétaire de la société de production audiovisuelle Kvartal 95, fondée par Volodymyr Zelensky, qui était un humoriste vedette avant de se lancer en politique. "Timour Minditch exerçait un contrôle sur l’accumulation, la distribution et la légalisation de fonds d’origine criminelle dans le secteur énergétique ukrainien", a déclaré mardi un procureur du Parquet spécialisé anticorruption (SAPO), devant la justice. Le suspect a profité de ses "relations privilégiées avec le président ukrainien" pour ses activités criminelles, a-t-il ajouté.

Le domicile du ministre de la Justice perquisitionné

Guerman Galouchtchenko, ministre de l’Energie pendant quatre ans, a lui été accusé par le SAPO d’avoir perçu des "avantages personnels" de Timour Minditch en échange de son contrôle sur les flux financiers du secteur énergétique. "Il a été décidé de suspendre Guerman Galouchtchenko de ses fonctions de ministre de la Justice", a donc annoncé la Première ministre ukrainienne Ioulia Svyrydenko sur les réseaux sociaux. Une vice-ministre de la Justice, Lioudmyla Sougak, assurera l’intérim, a-t-elle poursuivi. Guerman Galouchtchenko a réagi peu après en annonçant être "d’accord" avec sa suspension. C’est "un scénario civilisé et correct. Je me défendrai devant le tribunal", a écrit le ministre sur les réseaux sociaux.

Selon des médias ukrainiens la veille, le domicile du ministre a été perquisitionné, comme celui de Timour Minditch. D’après Oleksander Abakoumov, chef de l’équipe d’enquête de l’Agence nationale anticorruption (NABU), Timour Minditch avait quitté le pays peu avant.

Cinq personnes ont été interpellées et sept inculpées dans cette affaire. "Le travail accompli a permis d’obtenir des milliers d’heures d’enregistrements audio, qui constituent des preuves des activités d’une organisation criminelle de haut niveau opérant dans les secteurs de l’énergie et de la défense", avait expliqué lundi le NABU dans un communiqué.

L’opération "Midas", menée après 15 mois d’enquête en collaboration avec le SAPO, a abouti à "70 perquisitions" mettant au jour un système criminel qui extorquait des fonds à des sous-traitants de l’entreprise publique du nucléaire Energoatom. Celle-ci a confirmé avoir fait l’objet d’une perquisition et a dit coopérer à l’enquête, sans commenter les accusations de corruption.

Corruption endémique

Le gouvernement ukrainien a limogé mardi le conseil de surveillance d’Energoatom, considéré comme un élément central du système de corruption selon les enquêteurs. Cette décision, conjuguée à un audit d’urgence mené par l’Etat, a été qualifiée par la Première ministre Ioulia Svyrydenko de "premières mesures pour la relance d’Energoatom".

Ces accusations de détournement de fonds dans le secteur énergétique, qui subit par ailleurs des attaques incessantes de la Russie entraînant des coupures massives d’électricité, suscitent l’indignation de la population. Après les perquisitions de lundi, le président Zelensky avait déclaré que toutes les actions contre la corruption étaient "absolument nécessaires", encourageant les responsables à coopérer avec les organismes anticorruption. Mardi en fin de soirée, il n’avait pas encore commenté les accusations portées à l’encontre de Timour Minditch.

L’Ukraine souffre, comme la Russie et d’autres pays de l’ex-URSS, d’une corruption endémique et son éradication est l’une des principales conditions d’adhésion du pays à l’Union européenne. Cet été, Volodymyr Zelensky avait essuyé de vives critiques de son opinion publique et de Bruxelles quand il a tenté de placer le NABU et le SAPO, deux organismes indépendants du pouvoir, sous le contrôle du gouvernement.

© afp.com/JOE KLAMAR

Le ministre ukrainien de l'Énergie Guerman Galouchtchenko le 12 décembre 2024 à Vienne en Autriche
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