Boeing 747, couronne en or, médaille de la Fifa... Pour Donald Trump, c'était Noël tous les jours de l’année
A l’occasion d’un exercice de flagornerie qui aurait lui-même mérité une récompense, le président de la Fifa Gianni Infantino a décerné à Donald Trump, le 5 décembre à Washington, un très baroque et inédit "prix de la paix de la FIFA". Organisée au Kennedy Center de Washington lors du tirage au sort du Mondial de football (qui se déroulera l’été prochain aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada), la cérémonie a atteint, ce jour-là, un niveau d’irréalité orwellienne. Sur scène, Infantino annonce alors à Trump – les deux hommes se disent amis dans le privé – qu’il est le récipiendaire du tout premier prix de la paix de la fédération internationale sans, évidemment, mentionner qu’il a été inventé et taillé sur mesure pour le grand homme afin de flatter son ego.

"Voici la médaille que vous pourrez porter partout où vous le voulez !", déclare Infantino comme on annonce à un enfant de six ans qu’il a reçu un hochet pour Noël. Et voici Trump, le sourire jusqu’aux oreilles, qui se précipite comme un gosse sur sa décoration en or pour la passer aussitôt à son cou… sans comprendre qu’elle ne vaut guère davantage qu’une médaille en chocolat. "C’est triste de voir un monsieur de 80 ans courir de la sorte après des breloques, lâche l’historienne Françoise Coste, auteure d’une biographie de Ronald Reagan. Tout ça parce qu’il n’a pas reçu le vrai Prix Nobel de la paix, décerné à la Vénézuélienne María Corina Machado. Et qu’il fallait consoler le gamin…"
Une chose est sûre : pour Trump, qui en veut "toujours plus" – comme l’explique sa nièce Mary Trump dans son livre Trop et jamais assez, comment ma famille a créé l’homme le plus dangereux du monde (2020) – ces étrennes avant l’heure auront été le point d’orgue d’une année riche en cadeaux de toutes sortes en provenance des quatre coins du monde. Les généreux donateurs ? Des chefs d’Etat de tous les continents, mais aussi des dirigeants d’entreprises, comme le patron d’Apple, Tim Cook qui, peu inspiré, a offert le logo à la pomme gravé sur un disque de verre posé sur un socle en or 24 carats. Tous, évidemment, sont désireux de s’attirer les faveurs de l’homme le plus puissant du monde comme d’obtenir, si possible, des baisses de droits de douane. Marilyn Monroe n’étant plus là pour chanter Happy Birthday, Mister President !, comme elle le fit à l’occasion de l’anniversaire de John Kennedy, tous ont décidé que c’était Noël toute l’année !

En février, pour sa première visite à Trump, l’Ukrainien Volodymyr Zelensky offre à son homologue américain une des nombreuses ceintures gagnées par le champion du monde de boxe WBA ukrainien Oleksandr Usyk. Bien vu, parce que le président "Maga", amateur de sports de combat, fut lui-même un organisateur de matchs de catch et de boxe dans les années 1980. Hélas, cela ne suffira pas à amadouer Trump : l’affrontement du bureau Ovale tourne au pugilat, l’Ukrainien subit un "K.O. technique" et la rencontre est interrompue. Zelensky doit rentrer chez lui.
Ayant encore mieux étudié sa psychologie, Vladimir Poutine offre, en mars, un portrait du président Trump réalisé par une artiste russe. Le portrait glorifie son courage : Trump est représenté, le poing levé et du sang sur le visage, juste après la tentative d’assassinat qui faillit lui coûter la vie en 2024. "Le président a clairement été touché par cette attention", confiera l’envoyé spécial Steve Witkoff qui avait reçu le cadeau au Kremlin.

En juin, le chancelier Friedrich Merz en visite à la Maison-Blanche emporte dans ses bagages une copie de l’extrait de naissance (rédigé en écriture gothique) de Friedrich Trump, le grand-père de Donald, homme d’affaires né en Allemagne en 1869 et mort à New York. Mauvaise pioche : le président américain n’aime pas qu’on lui rappelle ses racines germaniques. Il prétendait même autrefois qu’il était d’origine suédoise. En octobre, lors d’une visite en Corée du Sud, le président, qui se comporte souvent en monarque, reçoit une réplique d’une volumineuse couronne royale coréenne, en or, datant du premier millénaire. "J’aimerais bien la porter dès maintenant", plaisante-t-il immédiatement.
Un lingot d’or et une horloge Rolex
Son goût pour le bling-bling n’aura échappé à personnes et surtout pas au patronat suisse. En novembre, une délégation de businessmen helvétiques lui apporte un lingot d’or valant 115 000 euros et une horloge de table Rolex, en or évidemment. Après quoi, la discussion sérieuse entre hommes d’affaires peut commencer. Peu après, les droits de douane sur les importations suisses tomberont miraculeusement de 39 % à 15 %. "En France, de tels cadeaux seraient considérés comme des pots-de-vin", remarque, choqué, Laurent Stefanini qui fut chef du protocole de la République française dans les années 2010. "Mais le pompon, c’est le Boeing 747 offert par le Qatar : avec cette affaire, on sort carrément des règles diplomatiques et des usages internationaux."

D’une valeur de 400 millions de dollars, le "palais volant" dont les Qataris ont gratifié Donald Trump permet à ce dernier de renouveler la flotte d’avions présidentiels Air Force One, qu’il trouve vieillissante. Problème : les Qataris n’ont pas accordé ce présent aux Etats-Unis, mais au président lui-même, lequel s’est empressé d’annoncer que cet Air Force One serait légué à la Fondation Trump (qui n’existe pas actuellement) à la fin de son mandat. Autrement dit : il servira à son usage privé.
Le quadriréacteur est en ce moment examiné par l’U.S. Air Force et mis aux normes sur une base aérienne du Texas afin de vérifier, notamment, que n’y ont pas été incorporés des dispositifs d’espionnage. Soit dit en passant, selon la loi, les présidents et fonctionnaires américains ne sont pas autorisés à recevoir des cadeaux excédant une valeur de 480 dollars chacun. Cela n’a pas empêché Trump, au cours de son premier mandat, d’omettre de déclarer 117 dons valant au total près de 300 000 dollars.

"Trump est incapable de saisir la notion des 'deux corps du roi' selon laquelle, en devenant président des Etats-Unis, un individu ne s’appartient plus mais représente sa fonction : entre Trump-l’homme et Trump-le-président, il ne fait aucune différence ! Il pense que l’Etat lui appartient", déplore l’historienne Françoise Coste. Voilà pourquoi, après son premier mandat, il avait emporté chez lui des documents classifiés propriétés de la Maison-Blanche en affirmant qu’ils étaient les siens.
Et voilà pourquoi, aussi, il s’est cru autorisé, en septembre, à piocher dans le fonds historique de la Fondation Eisenhower pour offrir au roi Charles III d’Angleterre une épée d’apparat ayant appartenu à l’ancien président républicain (1953-1961). Hélas, le directeur de ladite fondation s’y est refusé, rappelant que la chose était impossible en vertu des lois qui régissent les archives nationales. Donald Trump a dû se contenter d’une copie… et le malheureux directeur de la Bibliothèque présidentielle Eisenhower, au Kansas, s’est vu proposer un choix : démissionner ou se faire virer, après des décennies à servir l’Etat scrupuleusement.

La diplomatie du cadeau est un art difficile. Révélateur, aussi, de celui qui le pratique. En matière de mauvais goût, Donald Trump s’est vu dépasser par Benyamin Netanyahou. Lors de sa première visite à la Maison Blanche cette année, en février, le Premier ministre israélien a ainsi offert un bipeur plaqué or, identique à ceux, bourrés d’explosifs, qui ont permis de tuer des dizaines de membres du Hezbollah au Liban l’année dernière. Selon des membres de son entourage, le président américain aurait jugé le cadeau… "légèrement rebutant".

© AFP






















