Je n’y étais pas retourné depuis la guerre. Mais laquelle ? Pas la dernière, peut-être celle d’avant. J’ai essuyé toutes les après-guerres depuis la première fois, au début des années 1990, quand le centre-ville était encore en ruine, magnifiquement envahi par la végétation, décor de science-fiction catastrophe. A l’époque, tout le monde parlait français. Surtout les enfants des écoles où on me trimbalait pour leur parler de mes livres qu’ils avaient lus. Les Syriens étaient partout, check-point par-ci, check-point par là. Et ils étaient encore là quand j’y suis retourné, dix ans plus tard, avec Dora. Elle les détestait, comme il se doit d’un envahisseur qui prétend maintenir l’ordre. N’empêche que la vie me semblait douce, à part ça. Une vie d’après-guerre. Douce aux pacifistes. Comme si la paix, chaque jour, triomphait du folklore de la dictature. Illusion de visiteur, bien sûr. Mais il n’y avait presque plus de morts, ça compte.
J’ai bien aimé détester les Syriens au Liban. La vie sous l’occupation allemande, à Paris, devait avoir un peu ce charme coupable. Et la foi prémonitoire, présentimentale, qu’ils allaient partir, qu’ils n’avaient rien à faire là, et qu’on serait libre, enfin. Vieille histoire de la liberté jamais aussi bien comprise qu’en prison. J’ai bien aimé comment Abla, ma belle-mère, détestait Rafic Hariri, le Premier ministre vendu aux occupants syriens, et j’aimais bien le détester aussi, tout en ayant vaguement le pressentiment que c’était l’bon temps qu’il offrait au Liban. Celui du fric, de la débauche, des fêtes à l’ambassade de France. Assassiné, ils l’ont tous aimé. Moi aussi. Et pour la liberté que son assassinat a rendue possible, inévitable. Liberté de peurs, d’illusions funestes, nouvelles guerres, ahurissantes faillites, explosion apocalyptique du port.
Pays de malheurs
Donc j’y retourne. A l’arrivée à l’aéroport Rafic Hariri, une grande fresque propagandiste gouvernementale : Make Lebanon great again. Nausée trumpiste. Sinon, sur la route, admiration intacte pour les automobilistes libanais, ils sont tous excellents peut-être parce que les mauvais sont morts sur la route ; sélection naturelle, en quelque sorte. Je m’émerveillais jadis de l’absence de feux rouges. Puis ils en ont mis en place à une dizaine de carrefours, c’est là où il y a le plus d’accidents. Heureusement, il n’y en a plus que trois qui fonctionnent, les autres sont bloqués à l’orange clignotant.
A l’entrée d’Achrafieh, la montagne chrétienne de Beyrouth, on est accueilli par l’inévitable portrait géant, sur trois étages, de Béchir Gemayel, le jeune fondateur des Forces libanaises, assassiné en 1982, trois semaines après avoir été élu président de la République, à 34 ans. Sabyl me rappelle que son portrait a été récemment changé, il était en civil, en président, il est à présent en treillis, une kalachnikov entre les mains. Ça promet. Pour en finir avec la circulation, les drapeaux confessionnels qui fleurissaient partout dans la ville, délimitant les zones maronites, druzes, chiites, etc., ont disparu, interdits par le nouveau général au pouvoir. Mais cela crée un problème, m’explique Sabyl, comme un manque de repères politico-géographiques, dans une ville où les panneaux indicateurs sont rares. Ça le fait marrer. Il aime son pays de malheurs. Mais Paris, mais… Il y a beaucoup de restaurants libanais, à Paris, on y mange la même chose qu’à Beyrouth, taboulé, houmous, baba ganoush, mais ça n’a pas le même goût. Jamais. Ils ne peuvent pas lutter avec le persil cueilli dans le jardin de Naïla, à Deir-el-Qamar, dans le Chouf.
La tante de Sabyl me raconte : "Les drones israéliens survolent des jours entiers avec leur vrombissement à rendre dingue. Pourquoi ? Il n’y a pas de terroristes, ici !" C’est justement pour ça qu’ils le font : pour susciter des vocations. De quoi serait fait leur avenir, sinon ? Au restaurant, le soir, à chaque coupure de courant, toute la salle plongée dans le noir chante Happy Birthday. On rigole. La lumière revient.
Un coup non, un coup oui, le président américain a encore changé d’avis. Après plusieurs revirements, Donald Trump a annoncé mardi 4 novembre renommer le milliardaire Jared Isaacman, un proche d’Elon Musk, pour prendre la tête de la puissante agence spatiale américaine (Nasa), après l’avoir pourtant écarté en mai.
"La passion de Jared pour l’espace, son expérience d’astronaute et son dévouement à repousser les limites de l’exploration, à percer les mystères de l’univers et à faire progresser la nouvelle économie spatiale font de lui la personne idéale pour mener la Nasa vers une nouvelle ère pleine d’audace", a justifié le républicain sur son réseau Truth Social.
Fin mai, il avait retiré in extremis sa nomination pour prendre la tête de la Nasa, justifiant son revirement par un "examen approfondi" des "associations antérieures" de l’homme d’affaires, qui avait par le passé fait des dons à des élus démocrates.
Un apaisement relatif entre Donald Trump et Elon Musk
Cette marche arrière était survenue au moment même où les relations entre Donald Trump et le multimilliardaire Elon Musk se dégradaient, les tensions entre les deux hommes ayant fini par exploser spectaculairement début juin. Depuis, un apaisement relatif a semblé s’opérer entre les deux hommes, qui ont notamment été vus côte à côte lors d’un hommage en septembre à l’influenceur conservateur Charlie Kirk.
Donald Trump avait nommé une première fois Jared Isaacman en décembre dernier, un choix qui avait suscité des inquiétudes sur d’éventuels conflits d’intérêts. L’homme d’affaires de 42 ans est réputé très proche du patron de SpaceX Elon Musk, avec lequel il a des liens financiers étroits, mais est soutenu par de nombreux acteurs du secteur spatial qui le jugent compétent et passionné.
"Merci, Monsieur le Président", a réagi mardi Jared Isaacman sur la plateforme X d’Elon Musk en remerciant la "communauté des amoureux de l’espace". Elon Musk a quant à lui réagi en partageant sur son réseau trois émoticônes : un cœur, une fusée et le drapeau américain. La nomination de Jared Isaacman à la tête de la Nasa doit à présent être confirmée par le Sénat américain.
Le ministre des Transports opposé à cette nomination
Jared Isaacman a fait fortune dans les paiements en ligne à la tête de son entreprise Shift4 Payment et est par ailleurs le premier astronaute privé à avoir effectué une sortie extra-véhiculaire dans l’espace, lors d’une mission privée menée par… SpaceX.
Sa nouvelle nomination survient après de vives tensions entre Elon Musk et le ministre des Transports de Trump Sean Duffy chargé de la gestion par intérim de la Nasa. Le multimilliardaire s’en est récemment pris frontalement à Sean Duffy après que ce dernier a évoqué la possibilité de se passer de son entreprise pour retourner sur la Lune, en raison de retards pris par SpaceX. Des propos qui avaient irrité au plus haut point le multimilliardaire. Selon des informations de presse, Sean Duffy s’opposait à ce que Jared Isaacman soit nommé une deuxième fois et souhaitait garder la gestion de la Nasa.
Jared Isaacman, fondateur et directeur général de Shift4 Payments, devant le premier étage récupéré d'une fusée Falcon 9 chez SpaceX, le 2 février 2021 à Hawthorne, en Californie
La Chine a annoncé mercredi 5 novembre prolonger d’un an la suspension d’une partie des droits de douane imposés aux produits américains en pleine guerre commerciale, pour les maintenir à 10 % dans un nouveau signe d’apaisement entre les deux premières puissances économiques mondiales.
La Chine va aussi "cesser d’appliquer des droits de douane supplémentaires" imposés depuis mars sur le soja et un certain nombre d’autres produits agricoles américains, des mesures qui touchaient durement des milieux favorables au président Donald Trump.
Les droits de douane de 24 % suspendus, ceux de 10 % conservés
La Chine concrétise là des engagements pris par les présidents chinois et américain Xi Jinping et Donald Trump le 30 octobre en Corée du Sud au cours d’un sommet destiné à dissiper des mois de tensions qui ont crispé l’économie mondiale. Elle le fait le lendemain de la signature par Donald Trump d’un décret abaissant de 20 à 10 % une surtaxe douanière infligée à de nombreux produits chinois pour sanctionner ce que les Etats-Unis fustigent comme l’inaction de la Chine contre le trafic de fentanyl.
Cette révision prend effet le 10 novembre, comme les mesures annoncées mercredi par la Chine qui avait clairement indiqué après le sommet du 30 octobre qu’elle agirait en fonction de ce que feraient les Etats-Unis. "Les droits de douane de 24 % sur les biens américains restent suspendus, et des droits de douane de 10 % sur les marchandises américaines restent en vigueur", indique un communiqué publié sur le site du ministère des Finances.
La Chine avait annoncé en avril des droits de douane supplémentaires de 34 % sur les produits américains en représailles à de nouveaux droits de douane américains sur les exportations chinoises. Elle les avait abaissés à 10 % en mai. La Chine avait aussi décidé en mars d’appliquer des droits de douane de 10 % à des produits américains comme le soja, le porc ou le bœuf, et des droits supplémentaires de 15 % sur le poulet, le blé, le maïs ou le coton.
Elle réagissait là à des droits de douane décrétés quelques jours auparavant par Donald Trump à cause du fentanyl. La Chine est la principale source des précurseurs chimiques utilisés pour produire cet opioïde extrêmement puissant à l’origine d’une grave situation sanitaire aux Etats-Unis.
Une entente fragile
Donald Trump a soufflé sur les braises de la confrontation commerciale déjà engagée sous son premier mandat depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, invoquant le déséquilibre des échanges commerciaux, le vol de la propriété intellectuelle ou encore les risques pour la sécurité nationale. Les droits de douane américains sur les produits chinois ont atteint un taux moyen allant jusqu’à 164 % mi-avril, selon un rapport du Congrès.
La Chine a répliqué du tac au tac avec ses propres droits, mais aussi par des restrictions sur les terres rares. La Chine est le premier producteur mondial de terres rares, essentielles pour le numérique, l’automobile, l’énergie ou encore l’armement, et dispose là d’un levier primordial.
Les mesures annoncées mercredi à Pékin font suite "au consensus atteint au cours des consultations économiques et commerciales entre la Chine et les Etats-Unis", a dit le ministère chinois des Finances. Ces consultations ont ouvert la voie au sommet du 30 novembre qui a donné le signal d’une détente au moins temporaire.
La Chine a annoncé le même jour suspendre pour un an des restrictions renforcées instaurées peu auparavant sur les terres rares. Ces restrictions avaient provoqué la colère de Donald Trump mais aussi l’émoi de l’Union européenne ou encore du Japon, et aggravé la pression sur les chaînes d’approvisionnement. Les économistes mettent toutefois en garde contre la fragilité de la trêve commerciale scellée le 30 octobre.
Le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping se serrent la main avant des discussions à la base aérienne de Gimhae, en Corée du Sud, le 30 octobre 2025.
Une défaite de plus pour Donald Trump. Le socialiste Zohran Mamdani a remporté mardi 4 novembre la mairie de New York au terme d’une soirée d’élections locales dans lesquelles le président américain a essuyé plusieurs revers, un message de défiance à un an des élections de mi-mandat. "En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière", a lancé le vainqueur de 34 ans à ses partisans réunis dans une salle du centre de Brooklyn, ajoutant que la ville pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".
Victoire des démocrates au New Jersey et en Virginie
Et New York ne semble pas être la seule ville à vouloir porter ce message. Voisin de New York, l’Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l’homme d’affaires républicain Jack Ciattarelli. Cette ancienne pilote d’hélicoptère dans la marine américaine, âgée de 53 ans, est également classée parmi les modérés du Parti démocrate. Elle avait fait campagne sur le coût de la vie, et notamment la hausse des prix de l’électricité, tout en brocardant le soutien apporté par le président républicain à son adversaire, Jack Ciattarelli.
L’Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate puisqu’il a été dirigé depuis huit ans par un démocrate, le gouverneur Phil Murphy, et n’a jamais été remporté par Donald Trump lors d’une élection présidentielle. Mais le milliardaire républicain y avait considérablement réduit l’écart en 2024, notamment auprès des électeurs hispaniques.
Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears. Abigail Spanberger partait largement favorite des sondages pour devenir gouverneure de cet Etat dirigé par le républicain Glenn Youngkin ces quatre dernières années mais jamais remporté par Donald Trump lors d’une présidentielle. "La Virginie souffre à cause des politiques de Trump que Sears soutient", accusait ainsi ces derniers jours l’une des dernières publicités lancées par la campagne d’Abigail Spanberger.
"Le Parti démocrate est de retour"
Les Californiens ont eux aussi joué gros hier en approuvant un texte visant à redécouper leur carte électorale en faveur des démocrates. Le président américain veut conserver et consolider la courte majorité républicaine dont il dispose à la Chambre des représentants lors des élections législatives cruciales de mi-mandat, dans un an. Donald Trump a pour cela obtenu en août que le Texas, un Etat très républicain, redessine ses circonscriptions afin d’envoyer l’an prochain cinq élus républicains en plus au Congrès.
En réponse, le gouverneur de Californie Gavin Newsom et ses alliés ont soumis à référendum un texte destiné à donner cinq sièges supplémentaires aux démocrates dans cet Etat largement démocrate. En l’approuvant, les Californiens "ont envoyé un message fort" au "président le moins populaire de l’histoire", s’est félicité le gouverneur, qui s’affirme comme une figure nationale de l’opposition démocrate.
L’enjeu est de taille à l’échelle nationale, les majorités parlementaires se jouant à quelques sièges près. "Les démocrates fument Donald Trump et les républicains extrémistes à travers le pays", s’est de fait réjoui sur X le ténor démocrate Hakeem Jeffries. "Le Parti démocrate est de retour", a ajouté le chef de la minorité à la Chambre des représentants.
Mais pour Donald Trump, ces différentes défaites, un an presque jour pour jour après sa victoire à la présidentielle, ont deux explications : l’absence de son nom sur les bulletins de vote, et l’interminable blocage budgétaire aux Etats-Unis. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social. Ce mercredi 5 novembre, les Etats-Unis sont entrés mercredi dans leur 36e jour de paralysie budgétaire, battant ainsi le record du plus long "shutdown" de l’histoire du pays, établi en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump.
Le président américain Donald Trump écoute des membres des forces de l'ordre lors d'une table ronde à la Maison Blanche, à Washington, le 23 octobre 2025.
Les Etats-Unis sont entrés mercredi 5 novembre dans leur 36e jour de paralysie budgétaire, battant ainsi le record du plus long "shutdown" de l’histoire du pays, au moment où les conséquences néfastes pour des millions d’Américains s’étendent de jour en jour.
Depuis le 1er octobre, républicains et démocrates sont incapables de s’entendre pour adopter un nouveau budget et à minuit heure de Washington dans la nuit de mardi à mercredi, le "shutdown" a dépassé la précédente marque de 35 jours, établie en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump. "Je vais être honnête avec vous, je pense qu’aucun d’entre nous ne s’attendait à ce que cela traîne autant en longueur", avait confessé plus tôt mardi le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson.
Coïncidence du calendrier, ce record est survenu peu après l’annonce des résultats de plusieurs élections clés, où les démocrates ont signé de larges victoires. La Virginie, avec Abigail Spanberger, et le New Jersey, avec Mikie Sherrill, ont notamment élu des candidates démocrates comme nouvelles gouverneures tandis que New York a choisi le progressiste Zohran Mamdani pour maire. Les Californiens ont eux approuvé un texte visant à redécouper leur carte électorale, en réponse à un mouvement similaire des républicains au Texas.
Autant de scrutins servant de baromètre pour les neuf premiers mois du second mandat de Donald Trump, qui a pointé du doigt la paralysie budgétaire pour expliquer les revers électoraux de son parti. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a souligné le président républicain sur sa plateforme Truth Social.
Chômage technique ou travail sans salaire
L’opposition espère désormais pouvoir se servir de ces résultats électoraux comme levier pour faire bouger les lignes de la paralysie budgétaire. Car les effets du blocage se font de plus en plus sentir pour les Américains. Des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux ont été mis au chômage technique, avec un salaire différé, et des centaines de milliers d’autres sont forcés de continuer à travailler, sans paie non plus jusqu’à la fin de la crise. Les aides sociales sont également fortement perturbées.
Donald Trump a juré mardi que puisque le principal programme d’aide alimentaire était à court de fonds, le versement de cette assistance dont bénéficient 42 millions d’Américains serait gelé tant que les "démocrates de la gauche radicale" n’auront pas voté la fin du "shutdown".
La justice fédérale a pourtant ordonné à l’administration de maintenir cette aide et la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a assuré mardi que le gouvernement se conformerait aux décisions judiciaires. "Les bénéficiaires de l’aide SNAP doivent comprendre qu’il faudra du temps pour recevoir cet argent, parce que les démocrates ont mis l’administration dans une position intenable", a-t-elle ajouté devant la presse.
Positions inamovibles
Dans les aéroports, l’enlisement se fait aussi sentir avec des pénuries de contrôleurs aériens entraînant retards et annulations de vols. Et si la paralysie budgétaire se prolonge au-delà de cette semaine, l’espace aérien américain pourrait être partiellement fermé, a mis en garde mardi le ministre des Transports, Sean Duffy. "Vous verrez un chaos généralisé", a-t-il déclaré, mettant la pression sur l’opposition pour lever le blocage.
Au Congrès, les positions des deux camps ne bougent pas : les républicains proposent une prolongation du budget actuel, avec les mêmes niveaux de dépenses, et les démocrates réclament une prolongation de subventions pour des programmes d’assurance santé à destination de ménages à bas revenus. En raison des règles en vigueur au Sénat, plusieurs voix démocrates sont nécessaires pour adopter un budget même si les républicains y sont majoritaires. Mais Donald Trump rejette toute négociation avec l’opposition sur la santé sans "réouverture" de l’Etat fédéral comme préalable.
Mardi à la mi-journée, le Sénat a rejeté pour la 14e fois la proposition des républicains. Comme depuis le premier vote, seuls trois sénateurs de l’opposition ont voté en faveur.
"12 sur une échelle de 0 à 10". C’est la note dithyrambique attribuée par Donald Trump à sa négociation avec son homologue chinois Xi Jinping, le 30 octobre, en Corée du Sud, qui a permis une trêve commerciale entre les deux superpuissances. Peut-être aurait-il dû utiliser un boulier chinois pour aboutir à un calcul plus juste. Car non seulement l’apaisement pourrait être de courte durée, tant la rivalité sino-américaine est intense, mais Trump a fait nombre de concessions, sans obtenir d’avancée majeure.
Principal soulagement, Pékin a suspendu pour un an ses restrictions sur les exportations de terres rares, dont elle a le quasi-monopole et qui sont cruciales pour le secteur de la high-tech américaine. Dans la foulée, les Européens, eux aussi visés par cette mesure qui aurait paralysé leurs fabricants de moteurs électriques, d’éoliennes ou de missiles, ont également été épargnés. Alors que les 27 craignent d’être les victimes collatérales de la course entre Washington et Pékin pour le leadership mondial, jamais la dépendance à la Chine n’a paru aussi dangereuse.
Xi Jinping n’a cessé de consolider son pouvoir
Car l’empire du Milieu ne craint plus désormais de montrer sa force. "La montée en puissance de la Chine dans tous les domaines (économique, technologique, militaire et diplomatique) n’a fait qu’affermir sa confiance en elle", souligne Alice Ekman, directrice de la recherche de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne.
D’autant que Xi Jinping n’a cessé en parallèle de consolider son pouvoir – il est sorti encore renforcé d’un récent plénum du Parti communiste qui a fixé comme priorité "des améliorations substantielles en matière d’autonomie scientifique et technologique" sur la période 2026-2030. De fait, contrairement aux autres pays harcelés par des hausses de taxes douanières américaines depuis avril, la Chine ne s’est pas couchée. Mieux, en rendant coup pour coup, elle a prouvé qu’elle boxait dans la même catégorie et pouvait faire reculer le leader mondial en ciblant ses faiblesses.
L’ambition de plus en plus affirmée de la Chine, qui veut remodeler l’ordre international selon ses intérêts, a des répercussions sur l’Europe. Sa percée tous azimuts s’incarne à présent dans des marques connues, comme le prouvent l’installation controversée de la marque de fast fashion Shein dans le bâtiment amiral du BHV, à Paris, l’engouement pour les figurines en peluche Labubu ou la popularité du réseau social TikTok.
L’UE tente de se protéger
Redoutant de voir la Chine écouler ses surcapacités de production sur le Vieux Continent, l’Europe, dont le déficit commercial avec le géant asiatique se creuse, tente de se protéger en imposant des normes strictes ou en taxant certaines marques de voitures électriques chinoises, au grand dam de Pékin.
Ces tensions commerciales s’ajoutent à de graves divergences géopolitiques : le soutien diplomatique et économique de la Chine à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine a particulièrement refroidi les Européens. Ce qui n’empêche pas Pékin de chercher à éloigner l’UE des Etats-Unis, en arguant que l’Amérique n’est plus un partenaire fiable. "La Chine souhaite voir l’Europe adopter une approche plus pragmatique à son égard, compatible avec le nouvel équilibre des pouvoirs", résume Yun Sun, du Stimson Center, à Washington.
Pour l’heure, l’UE, trop divisée et en retard en matière d’innovation, se trouve en position de faiblesse, face à des "hommes forts" américain et chinois bien déterminés à "rendre leur grandeur" à leur pays. Il serait temps qu’elle se prépare elle aussi à un véritable rapport de force.
Nous sommes le 26 septembre 2019, à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Nayib Bukele, récemment élu président du Salvador, monte à la tribune et commence son discours.
Pour l’instant, rien d’anormal. Jusqu’à ce que le président glisse la main dans sa poche et en sorte son smartphone.
Les yeux rivés sur l’écran de son portable, Nayib Bukele laisse s’écouler quelques secondes de silence. Il tend ses bras, montre son plus beau sourire et immortalisele moment.Le président salvadorien vient de se prendre en photo à la tribune de l'ONU, sous les yeux médusés des diplomates. Sur le selfie, sa tête apparaît en contre-plongée avec au-dessus le logo des Nations unies : la carte du monde entourée de branches d’olivier.
Depuis le début de cette série, on imagine une application de rencontre fictive, qui mettrait en relation Donald Trump avec les dirigeants d’Amérique latine. On s’est dit que Nayib Bukele aurait forcément mis sur son profil ce selfie pris en plein discours à l'ONU. Et le goût pour la provocation, ce n’est pas le seul point commun entre les deux chefs d’Etat.
Le président américain Donald Trump serre la main du président du Salvador, Nayib Bukele, lors d'une réunion dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington le 14 avril 2025
Les sondages ne s’étaient pas trompés. Le socialiste Zohran Mamdani, 34 ans, a remporté mardi 4 novembre la mairie de New York, devançant l’ancien gouverneur de l’Etat, le centriste Andrew Cuomo, et le républicain Curtis Sliwa, selon les projections de plusieurs médias américains. Zohran Mamdani deviendra le 1er janvier le premier maire musulman de la plus grande ville des Etats-Unis. "En cette période d’obscurité politique, New York sera la lumière", a-t-il déclaré après sa victoire, affirmant que cette dernière était celle de "l’espoir sur la tyrannie" et pouvait "montrer à une nation trahie par Donald Trump comment le vaincre".
Le président américain, qui a fait de Zohran Mamdani l’une de ses nouvelles bêtes noires, a rapidement réagi. "Trump n’était pas sur les bulletins de vote, et la paralysie budgétaire, (sont) les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir, selon les sondeurs", a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.
Il avait plus tôt appelé les électeurs juifs à faire barrage au jeune candidat. "Toute personne juive qui vote pour Zohran Mamdani […] est une personne stupide !!!", avait écrit le milliardaire républicain, accusant ce dernier, militant de la cause palestinienne, de les "haïr". Tout au long de la campagne, l’élu du Queens à l’Assemblée de l’Etat de New York a été attaqué pour son opposition très vive à la politique israélienne. Il est toutefois resté ferme sur ses positions, multipliant dans le même temps les manifestations de soutien à la communauté juive.
"Changer la ville"
Vainqueur surprise de la primaire démocrate en juin, Zohran Mamdani n’a jamais, depuis, quitté la tête des sondages, même après le retrait de la course du maire sortant Eric Adams, qui a également appelé à le battre en ralliant Andrew Cuomo.
Né en Ouganda dans une famille d’intellectuels d’origine indienne, arrivé aux Etats-Unis à 7 ans et naturalisé en 2018, il a fait de la lutte contre la vie chère le cœur de sa campagne. Si Donald Trump l’a qualifié de "communiste", ses propositions - encadrement des loyers, bus et crèches gratuits - relèvent plutôt de la social-démocratie.
Très populaire auprès des jeunes, Zohran Mamdani a également ramené à lui de nombreuses personnes qui s’étaient éloignées de la politique, "des électeurs frustrés par le statu quo, en quête de nouvelles personnalités", selon le politologue Costas Panagopoulos.
Signe de l’engouement pour le scrutin, avant la fermeture des bureaux de vote à 21h00, plus de deux millions d’électeurs s’étaient rendus aux urnes, la plus importante participation depuis des décennies. "J’ai vraiment adhéré au message que Zohran Mamdani portait dans le cadre de sa campagne. Je pense sincèrement qu’il peut changer la ville pour le mieux," rapporte Alan Ismaiel, ingénieur informatique de 25 ans rencontré par l’AFP après avoir voté dans le Queens.
"Si Zohran Mamdani devient maire, Trump n’en fera qu’une bouchée", a prédit Andrew Cuomo, insistant, comme il l’a fait durant toute la campagne, sur l’inexpérience de son adversaire. Plusieurs fois, le président républicain a promis de mettre des bâtons dans les roues du jeune candidat démocrate s’il était élu, en s’opposant au besoin au versement de certaines subventions fédérales à la ville.
Au sein même de son parti, Zohran Mamdani ne fait pas l’unanimité. Plusieurs figures, notamment le chef des sénateurs démocrates Chuck Schumer, ne le soutiennent pas publiquement.
D'autres victoires démocrates
Voisin de New York, l’Etat du New Jersey a choisi la démocrate Mikie Sherrill contre l’homme d’affaires républicain Jack Ciattarelli. L’Etat a longtemps été considéré comme un bastion démocrate. Mais à la dernière présidentielle, Donald Trump y avait considérablement réduit l’écart. Plus au sud sur la côte est, la Virginie a élu la première femme à sa tête, la démocrate Abigail Spanberger, battant la républicaine Winsome Earle-Sears.
"L'avenir s'annonce un peu meilleur", a commenté Barack Obama, évoquant les différentes victoires démocrates de la soirée, qui sont autant de revers pour Donald Trump, un an presque jour pour jour après son élection. L'ancien président démocrate Bill Clinton, dont Andrew Cuomo a fait partie de l'administration, a lui souhaité à Zohran Mamdani de "transformer l'élan de (sa) campagne" pour construire "un New York meilleur, plus juste et plus abordable".
Le candidat démocrate à la mairie de New York Zohran Mamdani quelques heures avant sa victoire, alors qu'il vote à Astoria, dans le Queens, le 4 novembre 2025
Afin d’illustrer à quel point les pays nordiques sont complémentaires, les businessmen scandinaves ont coutume de dire : "Pour lancer un nouveau produit sur le marché, faites-le dessiner en Finlande (pays du design), fabriquez-le en Suède (pays d’ingénieurs), confiez-en la commercialisation aux Danois (des marchands dans l’âme) et laissez les Norvégiens (peuple de marins) gérer l’export." A l’heure où la menace russe s’étend de l’Ukraine jusqu’à la mer Baltique, et où Moscou mène une guerre hybride mêlant cyberattaques, sabotages, survols de drones et violation de l’espace aérien, les quatre pays septentrionaux, déjà unis par une culture, des langues et une histoire commune, ont décidé d’approfondir un peu plus encore leur coopération, mais sur le plan militaire cette fois.
Refueling d'un F-35 furtif sur la base aérienne de Lulea/ Kallax en Suède le 13 mars 2024 dans le cadre de l'exercice de l'Otan appelé Nordic Response 24. A l'arrière plan: un F-18 de l'aviation finlandaise.
Ça tombe bien : en matière de défense, les quatre Nordiques se complètent à merveille. La Finlande a des troupes au sol et la plus grande artillerie d’Europe. La Suède possède une industrie de défense qui produit tout - des sous-marins et des avions de chasse en passant par des bazookas et des véhicules blindés. Le Premier ministre Ulf Kristerson vient d’ailleurs de promettre à Volodymyr Zelensky la vente de 100 à 150 chasseurs bombardiers Gripen "made in Sweden". Le Danemark, lui, apporte des forces spéciales et du volontarisme à revendre, à travers la très ferme Première ministre Mette Frederiksen. La Norvège, enfin, déploie des capacités de surveillance aérienne et une longue expérience dans la région arctique. Tous ces pays savent que, comme au temps des Vikings (800-1050) ou de l’Union de Kalmar qui réunissait les royaumes de Suède, Danemark et Norvège (1397-1523), l’union fait la force.
Prise séparément, chacune de ces nations peut paraître négligeable. Aucune n’excède 6 millions d’habitants, sauf la Suède qui en compte 10,5 millions. Mais ensemble, elles représentent 28 millions d’âmes – et même 34 millions si l’on y ajoute les trois Etats baltes d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie. Leurs PIB combinés s’élèvent à environ 2 000 milliards d’euros et placent la région au 10e rang mondial. Et cela grâce à une économie diversifiée, innovante et high-tech qui procure aux Nordiques un niveau de bien-être parmi les plus élevés du monde. Enfin, cerise sur le gâteau, la Scandinavie possède des ressources naturelles importantes : minerais, énergie et même terres rares.
Militairement, les forces des quatre armées (l’Islande, qui est le cinquième pays nordique, n’en possède pas) sont loin d’être négligeables. Ainsi, l’addition des F-35 américains et des Saab JAS-Gripen suédois constitue une armada de 239 avions de chasse ultramodernes. Si l’on y ajoute les aviations britanniques et hollandaises (qui viendraient en renfort en cas de guerre), le chiffre est deux fois plus élevé. Certes, c’est moins que les 1 200 Soukhoï et MIG russes, mais la plupart sont vieux, moins performants et assignés à d'autres régions du monde. En mer, la flotte alliée compte 34 navires de guerre, soit autant que les 34 bâtiments russes. Mais elle compte aussi dix sous-marins, contre un seul submersible russe.
Une région hautement stratégique
Après plusieurs décennies – post-guerre froide – passées à démanteler leurs armées (seule la Finlande n’a pas commis cette erreur), les Nordiques se remettent en ordre de bataille. Dès l’invasion de l’Ukraine en février 2022, Helsinki et Stockholm ont abandonné leur neutralité historique pour rejoindre l’Otan en 2023 et 2024– un tournant qui a aussitôt fait de la Baltique un "lac otanien". "Neutres mais membres associés de l’Otan depuis les années 1990, ces deux pays travaillaient déjà depuis longtemps main dans la main, notamment en effectuant des exercices aériens conjoints aux Etats-Unis, précise le Suédo-finlandais Tomas Ries, expert à l’Ecole de guerre suédoise. Cette collaboration ancienne et éprouvée a grandement facilité leur intégration dans l’Alliance atlantique. Il leur a suffi de brancher la prise sur l’Otan et de commencer à jouer ; Plug and play (branche et joue), comme on dit dans le jargon otanien !"
Ces dernières années, les gouvernements nordiques ont aussi multiplié les accords bilatéraux qui permettent à l’US Air Force d’utiliser des bases aériennes partout en Scandinavie, que Washington regarde comme un 'porte-avions terrestre'. Dans le cas de la Finlande, dix-sept aéroports militaires sont concernés. Partout, les budgets de défense ont augmenté de manière significative. De moins de 2 % voilà peu, celui de la Suède, par exemple, passera à 3,5 % du PIB dès 2030. Et ce n’est qu’un début. Egalement significative est la création d’un espace aérien unique incluant le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande. Un commandement aérien unifié a, par ailleurs, été inauguré à Bodø, en Norvège, afin que les quatre aviations nordiques opèrent comme une seule. En för alla, alla för en! (un pour tous, tous pour un).
Des vedettes rapides suédoises de classe CB90 en action lors d'un l'exercice militaire, le 10 mars 2024, en mer près de Sorstraumen, en Norvège.
Du côté de l’armée de terre, plusieurs nouvelles brigades [NDLR : composée de 3 000 à 5 000 soldats, une brigade peut opérer comme une petite armée autonome] sont en cours de constitution, dont une en Finlande, la Forward Landing Forces (FLF). Elle opère sous l’égide de l’Otan et sous commandement suédois, en incorporant des combattants d’autres pays, dont des chasseurs alpins italiens. Située près de la frontière russe, cette "FLF" s’ajoute à d’autres forces déjà présentes au-delà du cercle polaire, notamment l’armée de terre norvégienne, habituée aux conditions extrêmes du Nord – grand froid, nuit polaire et, le printemps venu, sol détrempé. Peu peuplée, la région des trois frontières (Norvège-Suède-Finlande) n'en est pas moins hautement stratégique. Parce que son littoral s’ouvre sur l’Arctique et parce que la presqu’île de Kola, où la Russie possède l’essentiel de son arsenal nucléaire, n’est qu’à quelques dizaines de kilomètres.
Avec les Russes, les Européens du Nord savent depuis longtemps à quoi s’en tenir. A travers l’histoire, les Suédois ont mené une trentaine de guerres contre eux. Lors de leur ultime affrontement, en 1808-1809, ils ont été contraints de céder la Finlande au tsar. Devenus indépendants en 1917, les Finlandais ont ensuite résisté héroïquement à l’agression de l’Armée rouge de Staline (comme les Ukrainiens face à Poutine aujourd’hui) lors de la "guerre d’hiver" de 1939-1940 en infligeant à l’ennemi des pertes considérables : six fois plus de morts côté soviétique que du côté finlandais. "Nous connaissons parfaitement de quoi les Russes sont capables : viols, massacres, crimes de guerre", remarque l’expert militaire danois Sten Rynning, auteur de NATO, from Cold War to Ukraine, a History of the World’s Most Powerful Alliance (non traduit). "Personne ne peut se permettre de les laisser entrer chez lui. Il faut les bloquer à la frontière."
Chacun veut préserver l’Otan, mais tout le monde prépare le plan B
Ces jours-ci, les Scandinaves ne redoutent pas seulement la menace venue de l’Est. "Au reste, note le Suédo-finlandais Tomas Ries, 85 % des soldats stationnés derrière la frontière russo-finaldaiseavant 2022 ont été envoyés se battre en Ukraine ; les deux tiers sont morts, blessés ou capturés là-bas." Aussi, les états-majors, à Stockholm ou Copenhague, sont également alarmés par les intentions de Donald Trump. "Depuis qu’il a exprimé son désir d’acquérir le Groenland [NDLR : région autonome du royaume du Danemark], une réelle inquiétude hante nos dirigeants", reprend l’expert danois Sten Rynning. Tout le monde se demande si les Etats-Unis vont un jour abandonner l’Otan", explique-t-il, même si lui croit plutôt au scénario d’un retrait partiel. "Les Américains pourraient délaisser leur rôle central en Europe et une partie de leur leadership pour se concentrer uniquement sur leurs intérêts vitaux, en particulier au Groenland et dans l’Arctique", prédit celui qui est aussi un professeur d’université à Odense, la jolie ville de l’auteur de Lareine des neiges et du Vaillant soldat de plomb, le conteur Hans Christian Andersen.
De son côté, Peter Viggo Jakobsen, professeur à l’Ecole Royale de Défense du Danemark, estime que "la décision, en février, d’augmenter de 70 % les dépenses militaires pour les deux prochaines années traduit la panique au plus haut niveau à Copenhague". Ces dépenses visent la défense de la Baltique mais aussi du Groenland. "Bien sûr, chacun veut préserver l’Otan, poursuit Jakobsen, mais tout le monde prépare le plan B qui serait l’alliance étroite des pays nordiques renforcée par les pays baltes, la Pologne et l’Allemagne." Une mini-Otan, en somme. Voire une Otan dans l’Otan. "Mais pour cela, conclut-il, il faut d’abord que Berlin réussisse la modernisation et la réforme de la Bundeswehr et que Varsovie maîtrise la croissance exponentielle de son armée qui doit passer de 200 000 à 300 000 hommes d’ici à 2030."
Les Finlandais en première ligne
En attendant, les pays scandinaves peuvent compter, d’abord, sur les Finlandais. En première ligne avec leurs 1 300 kilomètres de frontière commune avec l’ours russe, ils connaissent parfaitement la mentalité de l’animal. A la fin de la guerre froide, ils sont les seuls à n’avoir pas baissé la garde ni cédé aux sornettes de "la fin de l’histoire". Sans bruit ni fanfare, ce peuple taiseux et madré a préservé tout son dispositif de défense. Outre son artillerie (la plus importante d’Europe avec 1 400 pièces) et une aviation dernier cri, Helsinki a maintenu les principes du service militaire et d’une armée de réservistes. Le pays peut compter sur une défense de 280 000 hommes et sur 800 000 réservistes mobilisables en quelques jours. "Notre pays dispose en outre d’un réseau de 50 000 abris anti-bombardements où près de 5 millions de personnes, soit 90 % de la population, peuvent se réfugier", se félicite le député Johannes Koskinen, qui préside la commission des Affaires étrangères.
Afin de préparer psychologiquement la population à toute éventualité, les pouvoirs publics ont distribué des consignes à tous les foyers sous la forme d’un prospectus. Il contient les consignes à appliquer en prévision d’une guerre ou d’une crise liée à une cyberattaque massive : chaque citoyen doit stocker de l’eau, de la nourriture, un réchaud à gaz, des piles, un transistor, etc., pour pouvoir tenir sept jours en autonomie. Après la Finlande, le dépliant a été distribué en Suède, puis au Danemark. Dans tous les pays nordiques, des ministères ou des agences de Défense civile ontété ressuscitées. "Pendant la guerre froide, toute la sécurité des pays du Nord reposait sur le principe de "Défense totale" avec l’idée que l’armée devait pouvoir s’appuyer sur la défense civile, c’est-à-dire une société civile robuste et résiliente où chacun connaît d’avance le rôle qui lui est assigné en cas de guerre", explique l’historien danois Rasmus Dahlberg, professeur à l’Université militaire royale de Copenhague. "Cette logique est aujourd’hui remise goût du jour." Les citoyens en éprouvent-ils de la peur ? "De la peur, non, répond, à Stockholm, Tomas Ries. Mais nous prenons au sérieux la capacité des Russes à devenir très brutaux." Alors, la "mini-Otan" du Grand Nord prend les devants.
Ces derniers jours, Donald Trump fait pression sur le ministère de la Justice. Selon The Washington Post, le président américain cherche à influencer l’institution pour qu’elle examine à nouveau les bulletins de vote de l’élection de 2020. Lors de récentes réunions privées, de déclarations publiques et de publications sur les réseaux sociaux, Donald Trump a réitéré ses exigences envers les membres de son administration, leur demandant de prouver l’existence de fraudes lors de sa défaite il y a cinq ans, rapporte le quotidien. Une défaite qu’il a toujours niée.
Le Colorado, le Missouri et la Géorgie visés
Obnubilé par cette question, le président américain a récemment embauché à la Maison-Blanche, Kurt Olsen, un avocat ayant travaillé sur la contestation des résultats de 2020. Tandis que, toujours selon le Washington Post, des responsables de son administration ont demandé à inspecter le matériel de vote au Colorado et au Missouri. D’autres cherchent par ailleurs à obtenir les bulletins de vote par correspondance d’Atlanta de 2020, année où Donald Trump est devenu le premier candidat républicain à la présidentielle à perdre la Géorgie depuis 1992. Donald Trump et certains de ses alliés, au sein et en dehors de son administration, persistent à dénoncer une fraude électorale massive en 2020, malgré les rejets répétés de leurs théories par les tribunaux. Ils affirment que la sécurité des élections futures ne pourra être garantie sans un bilan complet de celles de 2020.
Les enquêteurs ont innocenté le comté de Fulton (dont la capitale est Atlanta) de malveillance en 2020. Néanmoins, une majorité républicaine au conseil d’administration a voté pour rouvrir l’enquête l’année dernière, rappelle The Guardian. Cet été, le conseil d’administration a adopté une résolution demandant au ministère de la justice d’intervenir et de les aider à obtenir les documents, poursuit le journal britannique. Dans une lettre datée du jeudi 30 octobre, le procureur général adjoint du comté, Harmeet Dhillon, un allié de Donald Trump, a demandé une multitude de dossiers précédemment réclamés par la Commission électorale de l’Etat de Géorgie, les sommant de produire les dossiers dans les 15 jours, explique The Atlanta Journal Constitution. "La transparence semble avoir été frustrée à plusieurs reprises en Géorgie", a écrit Harmeet Dhillon, dans la lettre.
"Négationnistes électoraux"
Pour justifier sa demande, le ministère de la justice a cité une disposition de la loi sur les droits civils qui exige que les fonctionnaires électoraux conservent les dossiers électoraux et donne au procureur général le droit de les demander, indique The Guardian. Cette loi exige que les dossiers soient conservés pendant 22 mois après une élection fédérale… Une période largement écoulée depuis la course électorale de 2020.
Ces dernières semaines, les tensions se sont accrues entre l’administration Trump et les représentants de la justice. Les seconds estimant qu’il serait plus judicieux de consacrer leur temps à l’examen des listes électorales pour les élections futures, notamment de mi-mandat dans un an. Certains responsables souhaitent tourner la page de 2020 et éviter d’être qualifiés de "négationnistes électoraux", terme désignant ceux qui ont affirmé sans preuve que Donald Trump avait battu Joe Biden lors de l’élection de 2020, raconte The Washington Post.
En outre, selon plusieurs observateurs cités dans la presse américaine, ce regain d’intérêt pour 2020 intervient alors que Donald Trump commence à constater les effets de ses demandes de poursuites contre ses détracteurs, notamment l’ancien directeur du FBI, James B. Comey, et la procureure générale de New York, Letitia James. La semaine dernière, le ministère de la Justice a également suspendu deux procureurs qui avaient fait référence aux émeutes du 6 janvier 2021 perpétrées par une foule pro-Trump au Capitole, dans un document judiciaire relatif à la condamnation d’un participant gracié par Donald Trump et désormais poursuivi pour des infractions liées aux armes.
Les deux Français Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans et demi en Iran, accusés d'espionnage au profit des renseignements français et israélien et qui ont toujours clamé leur innocence, "sont sortis de la prison d'Evin et sont en route pour l'ambassade de France à Téhéran", a annoncé Emmanuel Macron sur X.
"Je me félicite de cette première étape. Le dialogue se poursuit pour permettre leur retour en France le plus rapidement possible. Nous y travaillons sans relâche et je tiens à remercier notre ambassade et tous les services de l’État pour leur mobilisation", indique encore le président évoquant un "soulagement immense".
Soulagement immense !
Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans en Iran, sont sortis de la prison d'Evin et sont en route pour l’Ambassade de France à Téhéran.
Je me félicite de cette première étape. Le dialogue se poursuit…
Condamnés mi-octobre à respectivement 20 et 17 ans d'emprisonnement, pour espionnage au profit des renseignements français et israélien, Cécile Kohler et Jacques Paris, ont toujours clamé leur innocence. Ils étaient les deux derniers Français officiellement détenus en Iran.
Ils sont désormais "en sécurité" à la résidence de l'ambassadeur de France, à Téhéran, "dans l'attente de leur libération définitive", a indiqué sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. "J’ai échangé avec leur famille et dépêché sur place une équipe qui les accompagnera personnellement, aux côtés des agents de l’ambassade, que je félicite pour leur mobilisation sans faille au service de nos deux compatriotes", a-t-il précisé.
Un "jour nouveau"
Les avocats des deux Français sortis de prison en Iran mardi ont salué un "jour nouveau" pour Cécile Kohler et Jacques Paris, "mettant fin à leur détention arbitraire qui a duré 1 277 jours".
"Nous veillerons à ce qu'un jour justice puisse être rendue" pour les deux Français "dont les droits ont été bafoués chaque jour depuis ce 7 mai 2022", ont déclaré maîtres Martin Pradel, Chirinne Ardakani, Emma Villard et Karine Rivoallan dans un communiqué transmis à l'AFP.
Plus de trois ans de détention
Professeure de lettres de 41 ans, et enseignant retraité de 72 ans, Cécile Kohler et Jacques Paris avaient été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d'un voyage touristique en Iran. Ils avaient été incarcérés dans la sinistre section 209, réservée aux prisonniers politiques, de la prison d'Evin de Téhéran, avant d'être transférés vers un autre centre de détention, en juin lors de la guerre des douze jours entre Israël et l'Iran. Mais leur nouvelle localisation n'avait jamais été rendue publique.
Lumière allumée 24 heures sur 24, 30 minutes de sortie deux ou trois fois par semaine, rares et courts appels sous haute surveillance à leurs proches, les deux Français, qui avaient été contraints à des "aveux forcés" diffusés sur la télévision d'Etat iranienne quelques mois après leur arrestation, n'ont reçu que quelques visites consulaires.
Le ministère français des Affaires étrangères n'avait eu de cesse de déplorer les conditions de détention "inhumaines", estimant qu'elles relevaient de "la torture" au point de déposer un recours contre la République islamique iranienne auprès de la Cour internationale de justice "pour violation du droit à la protection consulaire". Pendant plus de trois ans, le renseignement extérieur français (DGSE) a également oeuvré à leur libération.
Les arrestations de ressortissants français, une monnaie d'échange pour l'Iran
Depuis une dizaine d'années, l'Iran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux, notamment français, les accusant le plus souvent d'espionnage, afin de les utiliser comme monnaie d'échange pour relâcher des Iraniens emprisonnés dans des pays occidentaux ou afin d'obtenir des gages politiques. Au moins une vingtaine d'Occidentaux seraient encore détenus, selon des sources diplomatiques.
Dans le cas de Cécile Kohler et Jacques Paris, Téhéran avait rendu publique le 11 septembre la possibilité d'un accord de libération des deux Français en échange de Mahdieh Esfandiari, une Iranienne arrêtée en France en février pour avoir fait la promotion du terrorisme sur les réseaux sociaux. Celle-ci avait été libérée sous contrôle judiciaire dans l'attente de son procès prévu en janvier.
Depuis le depuis de la guerre, en avril 2023, octobre 2025 a été le mois le plus sanglant au Soudan, l’un des plus grands pays d’Afrique en superficie. Selon des données de l’ONG Acled, qui répertorie les victimes de conflits à travers le monde, près de 1 545 civils ont été tués en l’espace de quatre semaines. 3 000 en dénombrant les combattants de part et d’autre. Le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a exprimé, jeudi 30 octobre, sa "profonde inquiétude" sur l’"escalade"dans le pays, indiquant détenir des"informations crédibles d’exécutions de masse".
Ce conflit, qui a déjà fait plus de 150 000 morts depuis 2023 est également devenu la plus grave crise humanitaire du monde selon les Nations unies, alors que près de 13 millions de personnes ont été déplacées par les combats et que la moitié des 44 millions de Soudanais sont au bord de la famine, raconte le correspondant du journal Le Monde en Egypte dans un suivi quotidien de cette guerre oubliée.
Qui sont les belligérants ?
Depuis le 15 avril 2023, le Soudan, frontalier du Tchad et de l’Egypte, est déchiré par une guerre opposant l’armée, qui contrôle l’est et le nord du pays, et un groupe de paramilitaires, les Forces de soutien rapides (FSR), désormais maîtres de l’ensemble du Darfour, vaste région de l’ouest du pays, grande comme la France. Les deux factions militaires rivales, avec à leur tête le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, commandant de l’armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d’Etat de 2021, et le général Mohammed Hamdan Daglo, à la tête des FSR, se déchirent depuis 2023, "pour savoir qui dirigera le Soudan", explique dans une interview à l’Institut français de relations internationales Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri. Les FSR sont issues des milices arabes Janjawid, initialement créées pour combattre les groupes rebelles.
A ces deux principaux belligérants s’ajoutent de nombreuses milices. "Depuis le début du conflit, chaque camp mène une politique d’alliances avec des milices locales et a créé sa coalition guerrière afin de contrôler le maximum d’Etats", explique Thierry Vircoulon auprès de l’Ifri. Un phénomène qui contribue à fragmenter davantage le pays et exacerbe les tensions intercommunautaires.
Que s’est-il passé à El-Fasher ?
Après 18 mois de siège, les FSR ont pris le 26 octobre dernier la localité d’El-Fasher, dernière grande ville du Darfour qui échappait encore à leur contrôle. Depuis, c’est une situation apocalyptique qui est décrite par de rares images satellites et témoignages d’humanitaires. La ville a subi des dizaines de bombardements pendant plusieurs semaines. Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l’homme dit avoir reçu "des témoignages effroyables faisant état d’exécutions sommaires, de massacres, de viols, d’attaques contre des travailleurs humanitaires, de pillages, d’enlèvements et de déplacements forcés"perpétrés par les paramilitaires entrés dans la ville. Des habitants survivants ont également raconté à l’ONG Médecins Sans Frontières que les habitants d’El-Fasher avaient été séparés en fonction de leur âge, de leur sexe et de leur identité ethnique présumée, rapporte France 24. Quelques heures après la prise de la ville le 26 octobre, 460 personnes ont été tuées alors qu’elles avaient trouvé refuge dans une maternité de la ville, dont les patients, les médecins et infirmières, rapporte John Ochaibi, le coordinateur humanitaire de l’ONG Alima au Soudan, après du Monde. Lundi 3 novembre, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale a averti que les atrocités commises à El-Fasher"pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité".
A El-Fasher et les localités environnantes, l’ONG Acled recense 2 176 morts pour le seul mois d’octobre, dont 1 385 civils. L’ONG prévient que ce bilan pourrait évoluer dans les semaines à venir en raison des difficultés de communication liées à la situation. Selon d’autres sources liées au pouvoir pro armée, plus de 2 000 civils ont été tués dans la ville fin octobre. De son côté, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l’homme a alerté sur le "risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques" en rappelant le passé du Darfour, ensanglanté au début des années 2000 par les massacres et les viols des milices arabes Janjawid, dont sont issues les FSR, contre les tribus locales Massalit, Four ou Zaghawa.
Quelle implication des Emirats arabes unis ?
Très tôt dans le conflit, l’armée régulière du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane a accusé les Emirats arabes unisde soutenir les FSR avec l’envoi d’armes et de mercenaires via le Tchad, la Libye, le Kenya ou la Somalie, par voie terrestre ou aérienne. Abou Dhabi a toujours nié toute ingérence, néanmoins il existe des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes OSINT fondées sur l’analyse de données accessibles à tous en ligne. Selon plusieurs observateurs, ce soutien des Emiratis aux paramilitaires des FSR s’expliquerait en partie en raison de la production d’or qui se trouve dans la région du Darfour, où les FSR sont majoritaires. "Les FSR exploitent cet or, pour être ensuite exporté illégalement vers Dubaï, qui est un centre mondial de transformation de l’or, avant qu’il soit expédié", expliquait ainsi en avril dernier Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS, au laboratoire CITERS de l’Université de Tours auprès de France Culture.
Depuis la prise sanglante d’El-Fasher, les Emirats arabes unis se retrouvent pointés du doigt pour leur soutien aux FSR et des appels au boycott visant l’état du Golfe se multiplient sur les réseaux sociaux, note Radio France Internationale. Mardi 4 novembre, l’ambassadeur du gouvernement soudanais pro armé auprès de l'ONU a appelé la communauté internationale à faire pression sur les Emiratsarabes unis. Le fournisseur d’armes est "bien connu. Il s’agit des Emiratsarabes unis. Le Soudanappelle la communauté internationale à agir sans délai […] par une décision ferme et concrète". En outre, le silence de la communauté internationale et notamment des pays occidentaux est de plus en plus pointé du doigt. "Un silence gêné, alors même que des armes européennes ont été livrées par les Emiratis aux paramilitaires FSR", explique Le Monde. Selon Amnesty International, des équipements militaires français fabriqués par les groupes KNDS France et Lacroix, censés équiper des véhicules blindés émiratis sont actuellement utilisés au Soudan, ainsi que des armes de fabrication britannique, selonThe Guardian, canadiennes d’après The Globe and Mail et bulgares indique France 24.
Capture d'écran d'une vidéo diffusée le 26 octobre 2025 sur le compte Telegram des Forces de soutien rapide (FSR), montre des combattants des FSR célébrant dans une rue d'El-Facher, au Darfour, dans l'ouest du Soudan
Moins que d’être une technocratie, selon la thèse consacrée de Dan Wang, autrement dit un système où le pouvoir de décider est confié en priorité à des experts techniques, le trait principal de l’économie chinoise est d’être productiviste. Une économie productiviste est un système où l’objectif central est d’augmenter en permanence les volumes produits et le produit intérieur brut, en privilégiant la productivité, les économies d’échelle et la baisse des coûts unitaires par l’innovation.
Traverser la Chine côtière en train, en voiture ou la survoler en avion, c’est s’exposer à une succession continue de paysages urbains, bâtiments résidentiels de 20 étages, usines, entrepôts, routes, se répétant sur plusieurs milliers de kilomètres. Cette réalité physique traduit l’ampleur, tant du point de vue géographique que démographique, et la vitesse d’un décollage économique absolument inédit. Elever les masses : l’ambition idéologique marxiste revêt d’abord un caractère matériel.
La construction du barrage des Trois-Gorges a déplacé l’axe de rotation de la Terre de deux centimètres et ralenti son mouvement de 0,060 microseconde. Anecdotique, ce levier sur notre planète n’en est pas moins unique. La Chine produit 2 milliards de tonnes de ciment par an quand les Etats-Unis en ont consommé 4,5 milliards tout au long du XXe siècle. Elle fabrique 1 milliard de tonnes d’acier par an quand l’Europe en a sorti 15 milliards depuis la mise au point de la fonte au coke en 1709.
Une longue histoire
Ce décollage ne débute pas en 1978, avec la réforme économique engagée par Deng Xiaoping. Il est l’héritage des trois décennies précédentes. La Chine est un pays productiviste depuis longtemps. Si dans la phase maoïste, la lutte entre gardes rouges et experts a provoqué certains reculs de la technocratie au profit de l’idéologie, avec le Grand Bond en avant et la révolution culturelle, il serait absurde de négliger les hauts-fourneaux, les cimenteries, l’alphabétisation, les chemins de fer ou le réseau électrique qu’elle a laissés en héritage. Une étude du National Bureau of Economic Research de 2015 concluait que l’abolition du secteur privé en Chine et le retour à une économie dirigée entraîneraient un taux de croissance annuel moyen du PIB de 4 à 5 % d’ici 2050. Ce chiffre est seulement inférieur d’un point au taux de croissance moyen avec les réformes de marché.
Pourquoi cette société est-elle productiviste ? Parce qu’elle a connu la rareté et la privation. La prospérité actuelle ne doit pas faire oublier les affres de la misère durant les trois quarts du XXe siècle, où la faiblesse de la production se conjuguait à une population en forte augmentation. En 1990, la Chine présentait un PIB par habitant de 319 dollars contre 728 pour l’Afrique subsaharienne. Selon la FAO, l’agence des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 289 millions de personnes, soit un quart de la population, souffraient encore de malnutrition à l’époque. La fin des coupons de rationnement alimentaire n’est intervenue qu’en 1993, après quatre décennies d’usage.
La maîtrise des ressources
La Chine est profondément imprégnée des théories économiques marxistes : les instruments de travail - outils, usines, infrastructures… - et les sujets du travail - les ressources naturelles et les matériaux bruts - se conjuguent avec la main-d’œuvre à des fins de production.
Si la Chine est désormais le septième pays qui consomme le plus de protéines par jour et par habitant - 128 grammes contre 121 grammes aux Etats-Unis -, c’est grâce à une utilisation maximale des terres agricoles pour nourrir sa population. Entre 1949 et 2024, l’agriculture chinoise a connu une transformation spectaculaire. La production céréalière est passée de 113 millions de tonnes à 700 millions. Cette augmentation s’est réalisée alors que la superficie cultivable par habitant chutait de 0,18 hectare dans les années 1950 à moins de 0,1 hectare aujourd’hui. La Chine affiche désormais un taux d’autosuffisance alimentaire de 95 %, malgré une population qui représente 18,3 % de l’humanité sur seulement 8,5 % des terres arables mondiales.
Le pays a la conviction qu’il faut maîtriser les matières premières industrielles et les intrants. L’exemple le plus connu est celui des terres rares. Le monopole chinois en la matière, avec 71 % de l’extraction mondiale, 90 % du raffinage et 93 % du frittage des aimants - le traitement thermique -, est total. Beaucoup de commentateurs retiennent la formule de Deng Xiaoping qui, en visite à l’usine Volkswagen de Shanghai le 6 février 1991, confia : "Un ami américain m’a dit : Vous avez ce trésor, comme le Moyen-Orient a le pétrole." En réalité, la production a débuté dès 1957, dans la mine de fer de Bayan Obo en Mongolie intérieure, devenue la plus grande mine de terres rares au monde. Les autres matériaux, au-delà des terres rares, où la Chine a des positions dominantes sont le gallium (94 %), le magnésium (91 %), le tungstène (86 %), le germanium (83 %), le phosphore (79 %), le bismuth (70 %), le graphite (67 %), le vanadium (62 %), l’antimoine (56 %) et la fluorine (56 %). A l’exception du gallium et du tungstène, cette supériorité est principalement liée à l’efficacité de l’outil de raffinage et à l’acceptation de la pollution qu’il génère.
La Chine est en pointe sur la production et les réserves de terres rares dans le monde.
Cette attention aux intrants explique aussi la folle croissance de la production d’électricité. Et, parce que les ressources en pétrole et gaz sont limitées, avec seulement 1,5 % et 2,7 % des réserves mondiales, la folle croissance de l’extraction du charbon. La Chine produit actuellement 4,8 milliards de tonnes de charbon par an, soit 54 % de l’offre mondiale. Les Chinois sont parfaitement conscients des externalités négatives liées aux centrales à charbon, comme les émissions de gaz à effet de serre et de particules fines. Néanmoins, l’électrification du pays est prioritaire. La production électrique par habitant est de 7 100 kilowattheures (kWh) par an contre 6 000 dans l’Union européenne. L’électricité est considérée comme un intrant essentiel pour l’outil industriel, mais aussi pour les ménages qui paient l’équivalent de 7 centimes d’euros le kWh contre 29 centimes dans l’UE.
Les choses changent mais le charbon restera présent. L’an dernier, la Chine a ajouté un record de 429 gigawatts (GW) de nouvelle capacité nette à son réseau, dont les énergies éolienne et solaire combinées représentaient 83 %. La base totale des énergies renouvelables est de 1 966 GW, dont 1 482 GW d’éolien et de photovoltaïque, soit davantage que la base des centrales thermiques estimée à 1 451 GW. Le parc nucléaire croît mais il demeure minoritaire avec une capacité de 110 GW d’ici 2030.
L’autonomie stratégique
En 2023, la valeur des importations chinoises de matières premières a atteint 810 milliards de dollars, dont environ 45 % correspondaient à des achats de pétrole brut et de gaz naturel et un peu plus de 30 % à des métaux industriels. La diversification des importations a d’abord obéi à une logique économique. Ainsi, au milieu des années 2000, pour faire face à l’explosion des coûts du nickel de qualité venu de la Russie ou du Canada, les sidérurgistes chinois ont mis au point la fonte au nickel produit à partir de latérites pauvres importées d’Indonésie. Cette volonté de se prémunir des chocs d’offre explique la stratégie de stockage stratégique, dans tous les domaines. La réserve nationale de porc, par exemple, est déstockée dès que le ratio entre le prix de la viande et celui des céréales dépasse six.
Au fil des années, l’importance accordée aux ressources naturelles a pris une dimension de souveraineté. L’objectif est clairement de réduire la dépendance du pays à des importations essentielles dans les chaînes de valeur. L’hélium, le quartz et le néon sont emblématiques à cet égard. La Chine a réalisé une percée dans l’hélium ultra-pur à partir de gaz naturel, lui permettant d’être autosuffisante à plus de 50 % d’ici 2028, alors qu’elle dépendait des Etats-Unis. Sur le quartz, le seul gisement de très haute pureté connu jusqu’ici était situé en Caroline du Nord. Mais, en avril 2025, la Chine a découvert deux gisements domestiques. Enfin, alors qu’une pénurie de néon inquiétait l’industrie des semi-conducteurs après l’invasion de l’Ukraine, qui pesait la moitié du marché mondial, la Chine a augmenté sa production de 150 % en trois ans.
La politique américaine de contrôle des exportations dans la filière des semi-conducteurs a conduit à une remontée extrêmement rapide de la chaîne de valeur. La réaction de la Chine à la privation de puces a été extrêmement rapide, et presque viscérale. Les entreprises comme OpenAI louent des serveurs à des gestionnaires de data centers, Amazon ou Microsoft, qui achètent des puces conçues par Nvidia. Ces puces contiennent des cartes mémoires fournies par les sud-coréens Samsung Electronics et SK Hynix. Lesdites puces sont fabriquées par le fondeur taïwanais TSMC à l’aide de machines de lithographie dont le principal fournisseur est le néerlandais ASML.
Chacun de ces acteurs se trouvait jusqu’à maintenant dans une situation de monopole ou de duopole. Mais ChangXin Memory Technologies (CXMT), créé en 2016, est en passe de combler le retard que la Chine accusait sur les leaders de la carte mémoire. La puce Ascent de Huawei, sur laquelle Deepseek fait tourner ses modèles d’IA, est fabriquée par le fondeur SMIC en utilisant un processeur de 7 nanomètres. Shanghai Micro Electronics Equipment (SMEE) et Shenzhen Xinkailai Technology (SiCarrier), une filiale de Huawei, développent leur propre équipement lithographique.
L’extension des chaînes de valeur
Le mouvement traditionnel des économies développées est de remonter les chaînes de valeur, en relevant le positionnement de leurs gammes et en abandonnant certaines productions, délocalisées dans d’autres pays. Avec la Chine, les théories classiques de Ricardo sont devenues inopérantes : le pays produit encore 65 % des clous et 47 % des textiles mondiaux, tout en s’affirmant comme le champion des semi-conducteurs, des drones ou des véhicules électriques. Le meilleur indicateur de cette montée en puissance des chaînes locales est le recul du commerce dit de perfectionnement, qui permet d’importer des biens (matières premières, composants…), avec suspension ou exonération des droits de douane, pour les transformer, puis de réexporter les produits finis. Ce régime est tombé à 18 % des échanges en 2023, contre 53 % en 1998.
Jusqu’à la fin des années 2000, la Chine importait une large part du polysilicium en provenance des Etats-Unis et d’Europe, et se contentait d’assembler les modules de panneaux solaires dans lesquels il est utilisé, la valeur ajoutée restant limitée. A partir de 2006, la stratégie change du tout au tout. Des groupes locaux comme GCL investissent massivement pour intégrer l’amont de la chaîne et des droits de douane de 57 % sont imposés sur les importations de polysilicium américain. Résultat : alors qu’en 2004, la Chine pesait trois fois rien dans la production mondiale de ce composé chimique, les Etats-Unis dominant avec 54 %, elle en assure aujourd’hui 95 %, de même que 80 % des panneaux solaires et 98 % des plaquettes solaires.
Chez les industriels, une logique d’intégration verticale complète prévaut. BYD en est l’illustration la plus nette. Née en 1995 comme fabricant de batteries pour téléphones mobiles, l’entreprise rachète en 2003 le fabricant automobile Qinchuan et crée BYD Auto. En 2020, elle lance sa plateforme qui intègre un pack de batteries et un groupe motopropulseur bardé d’électronique. BYD internalise aussi les semi-conducteurs de puissance. En amont, le groupe sécurise ses approvisionnements de lithium avec des droits miniers au Brésil. Il a même fait construire des navires cargo pour exporter ses voitures dans le monde entier. Son concurrent Geely compte pas moins de 41 satellites en orbite basse, qui doivent permettre la fourniture de services de connectivité, de navigation et de loisirs.
Les effets d’échelle
Le cœur du productivisme repose sur les effets d’échelle qui permettent la baisse des coûts unitaires : la loi de Wright. L’effet d’échelle est d’abord fourni par la taille du marché national. A ce titre, la Chine montre ce qu’est un marché vraiment unifié, une leçon pour l’Union européenne mais aussi pour les Etats-Unis. Cette unification est considérée comme un acquis essentiel de la politique économique chinoise, comme l’a rappelé Xi Jinping lors de son discours du 1er juillet 2025 intitulé "Approfondir la construction d’un marché national unifié". Les cinq piliers de cette politique concernent les institutions fondamentales, notamment la protection des droits de propriété, la concurrence loyale et les normes de qualité ; les infrastructures de marché, au travers de la logistique, des flux de capitaux et d’information ; les capacités d’intervention des collectivités locales ; la régulation et l’application de la loi ; et les facteurs de production, au prisme de leur libre circulation et de leur allocation efficace.
Dans ce marché, tout est pensé pour la standardisation. L’organisme national de normalisation (SAC), rattaché à l’administration d’Etat pour la régulation des marchés (SAMR), programme, consulte puis publie le standard national, le GB, ou GuoBiao, l’équivalent de notre NF. L’objectif est simple et industriel : rendre compatibles les composants partout en Chine, fluidifier l’homologation et permettre des séries longues qui abaissent les coûts unitaires. C’est cette standardisation qui permet la production d’infrastructures à un coût très compétitif. Le réseau de train à grande vitesse obéit à ces principes. Le système est bâti à plus de 80 % sur des viaducs en béton, sans ballast. Les gares se ressemblent toutes parce que la norme nationale (TB 10100) et le guide de station-ville 2024 imposent la même grammaire : flux séparés avec entrée des voyageurs en haut, sortie en bas, en sous-sol, vers les connexions urbaines, et bâtiments modulaires réplicables.
Le modèle de développement économique de la Chine comporte beaucoup d’autres facettes. Une concurrence exacerbée entre les entreprises, les individus et les villes. Une myriade de sous-traitants manufacturiers ultra-flexibles. Un protectionnisme à géométrie variable. Une méfiance pour la finance. Un crédit et un investissement fléchés. Mais toutes ces caractéristiques ne sont orientées que vers un seul but : le productivisme.
En dépit des appels lancés à la Russie pour qu'elle mette fin à la guerre, et des sanctions occidentales, Moscou poursuit ses attaques terrestres sur le front et a relancé ces dernières semaines une campagne de bombardements ciblés sur le système énergétique ukrainien. En riposte, Kiev mène des frappes de drones en Russie, en visant en particulier les infrastructures pétrolières et gazières pour tenter d'affaiblir ce secteur qui finance l'effort de guerre du Kremlin. Pendant ce temps, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé mardi 4 novembre Viktor Orban à "ne pas bloquer" le processus d'adhésion de son pays à l'Union européenne, que Bruxelles considère en bonne voie, au contraire de la Géorgie, jugée désormais plus éloignée des 27.
Les infos à retenir
⇒ L'Ukraine appelle Viktor Orban à ne pas bloquer son adhésion à l'Union européenne
⇒ L'Allemagne prévoit d'augmenter de 3 milliards d'euros son aide à l'Ukraine en 2026
⇒ Vladimir Poutine autorise l'envoi de réservistes pour défendre les raffineries
Vladimir Poutine autorise l'envoi de réservistes pour défendre les raffineries
Le président Vladimir Poutine a promulgué mardi 4 novembre une loi autorisant le recours à des réservistes pour protéger les raffineries de pétrole et autres infrastructures énergétiques en Russie, sur fond de frappes ukrainiennes contre de telles installations quasiment chaque semaine.
Ces attaques de drones ukrainiennes provoquent régulièrement des dégâts dans des usines des secteurs pétrolier et gazier et sur des conduites destinées au transport des hydrocarbures, conduisant à une hausse des prix du carburant. Le texte promulgué mardi par Vladimir Poutine ouvre la possibilité d'envoyer des réservistes "pour assurer la protection d'installations essentielles" à la demande du gouvernement et en échange d'une compensation financière.
Les réservistes sont des personnes ayant servi par le passé dans l'armée ou dans d'autres structures chargées de la sécurité et qui ont conclu un contrat pour être ensuite incorporées dans la réserve. La Russie avait mobilisé en septembre 2022 environ 300 000 réservistes pour combattre en Ukraine, quelques mois après le début de son assaut contre ce pays et à un moment où ses troupes étaient en difficulté.
Aucune mobilisation générale n'a toutefois été décrétée depuis le début de la guerre, l'armée russe attirant des volontaires en leur promettant des rémunérations élevées et des avantages sociaux.
Ces derniers mois, les Ukrainiens ont multiplié les attaques sur les dépôts et les raffineries de pétrole russes pour tenter de tarir la rente des hydrocarbures qui finance l'effort de guerre du Kremlin. La Russie a de son côté procédé à plusieurs vagues de frappes sur les installations électriques et gazières en Ukraine, y causant des coupures de courant, à l'approche de l'hiver.
L'Europe doit muscler son rapport de force avec la Russie
Les Européens doivent poursuivre leur soutien à l'Ukraine et muscler le rapport de force avec Moscou en réduisant leurs vulnérabilités, recommande un long rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) publié mardi, qui voit en la Russie une "menace durable" ayant "choisi la guerre".
"Les pays européens disposent du potentiel nécessaire, c'est-à-dire des moyens économiques, des compétences militaires et du savoir-faire technologique pour faire face à la Russie d'ici 2030, à condition de faire preuve de volonté politique", souligne à l'AFP le directeur de l'IFRI, Thomas Gomart, qui a supervisé cette étude intitulée "Europe-Russie : évaluation des rapports de force".
L'Allemagne prévoit d'augmenter de 3 milliards d'euros son aide à l'Ukraine en 2026
L'Allemagne compte augmenter de 3 milliards d'euros son aide militaire à l'Ukraine en 2026, la portant à quelque 11,5 milliards, a appris mardi l'AFP auprès du ministère allemand des Finances, qui évoque notamment le "remplacement" de systèmes Patriot.
Le ministre des Finances, Lars Klingbeil, en accord avec son homologue de la Défense, Boris Pistorius "proposera dans le cadre du projet de loi de finances rectificative une aide supplémentaire de 3 milliards d'euros pour l'Ukraine" en 2026, a indiqué un porte-parole du ministère. Selon lui, l'assistance concernera "de l'artillerie, des drones, des véhicules blindés, ainsi que le remplacement de deux systèmes de défense aérienne Patriot".
Précédemment, le journal allemand Handelsblatt avait évoqué un tel projet, citant des sources gouvernementales non-identifiées. Cette rallonge porterait donc à 11,5 milliards d'euros le budget d'aide à l'Ukraine prévu l'an prochain. Berlin avait indiqué en août consacrer neuf milliards d'euros au soutien à Kiev en 2025, et prévoir de débloquer 8,5 milliards d'euros en 2026 et 2027.
L'Ukraine appelle Viktor Orban à ne pas bloquer son adhésion à l'UE
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé mardi le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban à ne "pas bloquer" l'adhésion de son pays à l'Union européenne (UE). "Nous aimerions vraiment que le Premier ministre hongrois nous soutienne ou du moins qu'il ne nous bloque pas", a-t-il déclaré au cours d'un forum sur l'élargissement de l'UE organisé par Euronews à Bruxelles.
Entamée tambour battant au lendemain de l'invasion russe, la procédure en vue de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne est à l'arrêt depuis plusieurs mois. Ce processus d'adhésion, long et complexe, exige l'unanimité des 27 Etats membres à chaque nouvelle étape. Or le chef du gouvernement hongrois a décidé de geler de facto le processus d'adhésion en usant de son droit de veto.
Viktor Orban, qui cultive sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine, affirme qu'une entrée de l'Ukraine dans l'UE "ruinerait" cette dernière. Sans feu vert du dirigeant hongrois, aucun progrès possible. "Je ne pense pas que j'aie quoi que ce soit à offrir à Viktor Orban", a affirmé Volodymyr Zelensky mardi, évoquant ce blocage. "Je pense que Viktor Orban a quelque chose à offrir à l'Ukraine, qui protège actuellement toute l'Europe de la Russie".
Viktor Orban n'a jamais caché son opposition à cette candidature, estimant, pour une multitude de raisons, que l'Ukraine — un pays frontalier du sien — n'était pas prête à rejoindre l'UE. Pendant plusieurs années, cette opposition est restée feutrée. Dans un numéro diplomatique désormais célèbre remontant à décembre 2023, il avait même accepté de s'éclipser du sommet des dirigeants des Vingt-Sept, le temps que ses homologues décident d'ouvrir les pourparlers avec Kiev.
Ces négociations ont officiellement débuté le 25 juin 2024. Mais, à quelques mois des élections législatives hongroises, le dossier ukrainien, déjà sensible, est devenu explosif. Et l'adhésion de l'Ukraine à l'UE patine.
Volodymyr Zelensky s'est rendu auprès des troupes dans la zone de Pokrovsk
Le président Volodymyr Zelensky a annoncé mardi s'être rendu auprès des troupes ukrainiennes combattant dans la zone de Pokrovsk, ville stratégique du Donbass en difficulté face aux attaques de l'armée russe. "J'ai rencontré nos soldats au poste de commandement du 1er corps de la Garde nationale d'Ukraine Azov (...), qui mène la défense dans la zone de Dobropillia", près de Pokrovsk, a indiqué Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux.
La Russie a fortement accru sa pression ces derniers jours sur le bastion de Pokrovsk, situé dans la région industrielle du Donbass que le Kremlin cherche à conquérir en priorité.
L'armée ukrainienne a affirmé samedi qu'une opération "complexe" impliquant des forces spéciales était en cours pour chasser les soldats russes infiltrés dans cette ville minière. "Merci pour la défense de l'Ukraine, de notre intégrité territoriale", a déclaré Volodymyr Zelensky en décorant des militaires, selon une vidéo publiée par la présidence. "Vous servez dans un secteur si important. C'est notre Etat, c'est notre Est", a-t-il poursuivi en souhaitant à ses soldats "la victoire sur l'ennemi chaque jour".
Volodymyr Zelensky a notamment rencontré le commandant du Corps Azov, Denys Prokopenko, figure emblématique en Ukraine, selon les images publiées par la présidence. Le colonel Prokopenko avait été l'un des commandants de la défense de l'aciérie Azovstal, symbole de la résistance ukrainienne dans la ville assiégée de Marioupol en 2022. Le président Zelensky, qui se rend assez régulièrement dans les zones de combat avec la Russie, était accompagné par son commandant en chef des armées Oleksandre Syrsky, selon les images de la présidence.
Des observateurs militaires craignent que l'agglomération de Pokrovsk-Myrnograd, qui comptait 100 000 habitants avant le début de l'invasion en 2022, ne soit prochainement encerclée et tombe sous le contrôle de la Russie. Une député ukrainienne, Mariana Bezougla, connue pour ses déclarations fracassantes sur les problèmes de l'armée, a décrit lundi la situation à Pokrovsk comme une "horreur", mettant en cause le général Syrsky.
Après des mois de campagne, c’est le D-Day à New York. Les électeurs de la "grosse pomme" sont appelés aux urnes ce 4 novembre pour élire leur prochain maire. Et c’est peu de dire que le grand favori du scrutin, le démocrate et autoproclamé socialiste Zohran Mamdani, détonne. Naturalisé américain en 2018 et qualifié de "communiste" par Donald Trump, l’homme de 34 ans, né en Ouganda dans une famille d’origine indienne, devance de 10 points dans les sondages son adversaire indépendant et ancien gouverneur de l’Etat Andrew Cuomo. "Sa communication innovante sur les réseaux sociaux lui a permis de s’adresser aux jeunes et de les enthousiasmer", résume Filippo Trevisan, professeur de communication à l’American University de Washington. Interview.
L’Express : Zohran Mamdani est le grand favori de l’élection à la mairie de New York ce mardi. Quelle est la recette de son succès ?
Filippo Trevisan : Il est vrai que jusqu’à peu, il était encore quasiment inconnu du grand public que ce soit à l’échelle nationale ou même à New York. Son expérience politique se limitait à son mandat d’élu de l’arrondissement du Queens au sein de l’Assemblée de l’État de New York. Se présenter à la mairie représentait donc un pari risqué. Mais il a finalement remporté haut la main les primaires démocrates. Les différents scandales qui ont entaché les mandats du maire sortant Eric Adams, ou de l’ancien gouverneur Andrew Cuomo l’ont d’ailleurs bien aidé en permettant à un nouveau nom d’émerger.
Mais c’est surtout un excellent orateur qui a fait preuve de sens politique. Dans une ville aussi chère que New York, son message axé sur l’accessibilité financière, le logement et le coût de la vie, a trouvé un écho auprès de nombreux électeurs. Et Mamdani s’est concentré là-dessus, sans dévier, tout au long de la campagne. Or c’est un point qui a échappé à beaucoup de campagnes démocrates ces dernières années : trouver un thème porteur et en faire le cœur de son projet. Si l’on regarde la présidentielle de 2024, le discours était confus et ne permettait pas aux électeurs d’identifier clairement les priorités du programme.
La communication adoptée par Mamdani est-elle aussi la clé de son succès auprès de la Gen Z ?
Bien sûr, c’est l’autre élément clé. Sa communication innovante sur les réseaux sociaux lui a permis de s’adresser aux jeunes et de les enthousiasmer. Il a notamment noué des partenariats avec des créateurs de contenu et des influenceurs, en tirant parti des atouts de chaque plateforme. En tant que personnalité relativement méconnue, c’était indispensable, car il ne jouissait pas d’un large accès aux médias traditionnels. Il a donc su créer son propre temps d’antenne par d’autres moyens. Et in fine, ses vidéos, parfois un peu décalées, lui ont permis de se présenter comme le candidat de la génération Z.
L’autre élément qui a fait le succès de sa campagne, c’est que le faible nombre d’élections cette année a beaucoup concentré l’attention sur New York - y compris à la Maison-Blanche. Or Mamdani a été très efficace pour utiliser Trump à son avantage. En l’attaquant frontalement, il s’est assuré que ce dernier le remarque et lui réponde. Ce qui, en définitive, lui a permis d’accroître sa visibilité et sa popularité, notamment auprès des jeunes qui sont à la recherche d’un tel opposant à l’actuel titulaire du bureau Ovale.
Quels seraient les grands enseignements d’une victoire de Mamdani pour le parti démocrate ?
Le parti démocrate traverse actuellement une période difficile et a du mal à définir une nouvelle vision. Or la grande leçon à retenir de la campagne de Mamdani est la nécessité d’avoir un message fort qui permet de vous situer idéologiquement. Les démocrates pourraient donc s’interroger sur la manière de proposer une alternative claire à Donald Trump, qui soit inspirante et mobilisatrice, sans effrayer les électeurs.
🇺🇸 Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump évoque souvent la possibilité d’effectuer un troisième mandat. Un cas de figure pourtant interdit par la Constitution américaine. Mais, l’idée fait son chemin dans la sphère MAGA. On vous explique. 👇 #usa#trump#politique#monde#news#newsattiktok#apprendreavectiktok#sinformersurtiktok
En cela, une victoire de Mamdani donnerait de la force aux jeunes politiciens démocrates, en les confortant dans l’idée que leur tour est venu et qu’il est temps de laisser place à des idées nouvelles. L’autre enseignement est la mobilisation des jeunes. Ce sont précisément ces électeurs que le parti démocrate doit courtiser s’il veut remporter une élection nationale. Il est essentiel de leur proposer un éventail clair d’options et de susciter leur enthousiasme le jour du scrutin. Ce sera absolument crucial lors des prochaines échéances.
Mamdani se définit lui-même comme socialiste. Cela n’est plus tabou aux Etats-Unis ?
Officiellement, il existe toujours une légère distinction puisqu’il fait partie des "socialistes démocrates". Mais il est certain que ce courant gagne du terrain au sein du paysage politique américain, notamment grâce à des personnalités comme Bernie Sanders ou Alexandria Ocasio-Cortez. A bien des égards, ce type de politique se prête à l’ère des réseaux sociaux, car cela suscite de l’engagement et donc de la visibilité. Politiquement, les démocrates ne doivent pas sous-estimer la fermeté qu’attendent leurs électeurs à l’égard de Donald Trump et son administration.
Or je ne suis pas certain que le parti ait su exprimer son opposition avec autant de force que ce que certains de ses électeurs ou nombre de ses sympathisants souhaiteraient. Cela crée donc un espace pour des personnalités comme Zohran Mamdani, Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders, qui peuvent ainsi se faire entendre. Cet effet est ensuite amplifié par la structure du système médiatique américain. En effet, les médias conservateurs apprécient ces voix radicales, car ils y voient une opportunité de susciter des inquiétudes dans leur propre camp afin de le mobiliser.
On sait que Donald Trump déteste Mamdani. Quelle pourrait être leur relation si ce dernier était élu ?
Je dirais plutôt que Trump adore détester Mamdani, car il peut en tirer parti politiquement. Lors des précédentes campagnes, il n’a eu de cesse de présenter Bernie Sanders comme le véritable architecte de la politique démocrate. A chaque fois qu’il a utilisé cette stratégie, c’était pour discréditer des démocrates modérés, comme Hillary Clinton ou Joe Biden. Il prétendait que derrière ces personnalités se cachaient en réalité les idées de Bernie Sanders et d’autres démocrates socialistes. Et c’est précisément le scénario auquel on assiste ici. Cela permet à Donald Trump de faire avancer son propre message. Il est donc ravi de voir émerger un nouveau venu qui a les mêmes idées et constitue une cible naturelle dont il va pouvoir se servir. Du reste, New York est la ville de Trump, et ils sont tous deux originaires du Queens - une coïncidence plutôt intéressante. Il est donc clair que cette élection l’intéresse.
Au sein du Parti démocrate, plusieurs figures importantes comme Chuck Schumer n’ont pas appelé à voter pour Mamdani. Faut-il y voir un signe de profondes divisions sur le plan idéologique ?
Il y a un important débat interne au sein du parti démocrate. La gauche a toujours tendance à être un peu plus fragmentée et divisée en son sein. C’est le cas du parti démocrate, comme cela peut l’être pour certaines alliances de gauche dans les pays européens. Dans ce cas précis, j’ajouterais qu’il existe aussi des raisons culturelles personnelles. Mamdani est très actif dans le mouvement pro-palestinien depuis plusieurs années, c’est pourquoi certains membres du Parti démocrate de New York craignaient que cela n’aliène une partie des électeurs de la communauté juive - dont Chuck Schumer fait lui-même partie. De plus, dans la mesure où il est une figure centrale du parti démocrate depuis des décennies, Chuck Schumer pourrait percevoir cet appel à un changement générationnel comme une attaque directe contre lui.
Ces tendances peuvent-elles vraiment coexister au sein du même parti ?
Si les démocrates veulent pouvoir battre Donald Trump et les républicains, ils n’auront pas le choix. L’un des aspects positifs de la politique américaine, c’est que les primaires sont là pour ça et constitueront un lieu de débat pour ce type de diversité idéologique. Cependant, même en cas de victoire, les modérés devront retenir qu’il sera essentiel pour eux de trouver un moyen de séduire l’électorat que Mamdani a su mobiliser. Dans le cas contraire, toute une partie de l’électorat ne se déplacera pas aux urnes, et ce sera un réel avantage pour le camp adverse.
Le candidat à la mairie, Zohran Mamdani, prend la parole lors de la conférence du National Action Network le 3 avril 2025 à New York. (Photo by John Lamparski/NurPhoto) (Photo by John Lamparski / NurPhoto via AFP)
Cinq chercheurs de l’Institut français des relations internationales mobilisés, une dizaine de contributeurs extérieurs et un comité éditorial européen… Six mois de travail ont été nécessaires pour évaluer les rapports de force entre l'Europe et la Russie. Et, à la fin, un constat rassurant : l'Europe a les moyens de dissuader la Russie, encore doit-il en avoir la volonté politique. Entretien avec Thomas Gomart, directeur de l'Ifri, qui a coordonné cette étude magistrale.
L'Express : L’Europe ne peut plus, dites-vous, ignorer la "question russe".
Thomas Gomart : Tout d’abord, il faut prendre conscience de deux choses : d’abord, du caractère transformateur, pour notre continent, de la guerre d’Ukraine et, ensuite, d’une réalité intangible : nous ne pouvons pas changer la géographie ! Face à une Russie qui a choisi la guerre, les pays européens ne sauraient, aujourd’hui, éluder ce sujet. La bonne nouvelle, c’est qu’ils disposent du potentiel nécessaire, c’est-à-dire des moyens économiques, des compétences militaires et du savoir-faire technologique pour lui faire face d’ici à 2030 – à condition, bien sûr, de faire preuve de volonté politique et de maintenir leur unité. Pourquoi 2030 ? Parce que ce sera l’année de la prochaine élection présidentielle russe.
C’est également l’horizon que fixe la Revue nationale stratégique publiée par la France en juillet dernier. D’ici là, alertent ses auteurs, la Russie constituera la principale menace pesant sur l’Europe, et ce danger pourrait se traduire par un engagement majeur au cœur de notre continent. Les pays européens doivent donc traiter la question russe sérieusement afin d’être dissuasifs, et le faire dans un contexte de "reconfiguration transatlantique". Nous avons vu, durant la campagne présidentielle américaine et, a fortiori, après l'investiture de Donald Trump, à quel point la politique américaine avait changé de pied, révélant même une convergence idéologique inédite entre la Maison-Blanche et le Kremlin – ce qui était inattendu pour de nombreuses capitales européennes.
L’Europe est donc de plus en plus seule…
Elle fait face à un grand paradoxe. L'avenir du continent, sa trajectoire, dépend en très grande partie de l'issue de la guerre en Ukraine. En même temps, ce conflit est vu comme un sujet périphérique par la plupart des pays du monde. Les Européens y allouent des ressources significatives, et les Russes, considérables, à une guerre qui les marginalise et les "rétrécissent" à l'échelle mondiale ! De son issue dépendront pourtant les rapports de force et les modèles politiques sur le continent.
Pour étudier les rapports de force russo-européens, vous avez défini quatre dimensions. D’abord, l’économie. Qui va l’emporter à moyen terme ?
La Russie a démontré une réelle capacité de résistance macroéconomique. Elle est parvenue à rester stable alors même qu’elle entrait de plain-pied en économie de guerre. Cela étant, elle est désormais en stagflation. L’actuel ralentissement se traduit par des déséquilibres croissants - inflation et déficit budgétaire en hausse. Fondamentalement, la Russie n'investit plus que pour la guerre. De leur côté, les Européens ont payé un coût très élevé, notamment social, pour se "découpler" de Moscou sur le plan énergétique.
Ce faisant, ils ont su utiliser cette crise pour pivoter en termes géoéconomiques en renforçant leur intégration. D’ici à 2030, avec le déploiement de renouvelables et le retour du nucléaire, l’Europe pourra accélérer son électrification mondiale et intensifier son action climatique. En outre, elle est complètement intégrée aux circuits financiers internationaux, à la différence de la Russie.
L’économie russe peut-elle s’écrouler ?
Nous ne le savons pas. Les Russes ont une capacité d'endurance et d'acceptation, qui est du même ordre que leur tolérance à l'attrition. Comment se fait-il que leurs 14 000 morts (officiels) en Afghanistan aient provoqué de telles réactions, notamment des mères de soldats, alors qu'un million de pertes en Ukraine (morts, blessés et disparus) ne suscitent pas les mêmes protestations ? C’est de l’ordre de l’insondable : la guerre est consubstantielle. Ce qui est certain, en revanche, c'est que les sacrifices actuels fragilisent le pays sur les plans économique et social. Mais rien ne permet de conclure, à ce stade, à un rapide écroulement.
À quoi tient cette acceptation sociétale, voire cette résignation ?
Historien en chef du pays,Vladimir Poutine raconte à son peuple qu'il continue la Grande guerre patriotique, en la menant cette fois contre "l’Occident collectif". Fort de ce discours, et en s’appuyant sur une vaste administration et un appareil répressif, il parvient à mobiliser chaque mois 30 000 hommes. Il y a, aussi, cette idée, poussée par sa propagande, d'un exceptionnalisme russe, qui justifie les sacrifices et ces immenses pertes. Enfin, Poutine véhicule un troisième message. Il y a, dit-il, trois pays qui peuvent s'affranchir du droit international : la Russie, les États-Unis et la Chine. Quant aux autres nations, incapables d'assurer seuls leur sécurité, à l’instar des Européens, il les considère comme des pays des vassaux de Washington, rongés par leurs difficultés intérieures.
Jusqu’où ce narratif crée-t-il une adhésion au discours poutinien ? Un système pluraliste "à l’européenne" et une adhésion à des valeurs communes ne constituent-ils pas un ciment plus solide ?
En Russie, la stabilité sociale est assurée par une propagande intense, une répression sévère et la mise en place d’une "économie de la mort", qui rémunère généreusement des soldats, provenant principalement de régions "périphériques", transformant ainsi la guerre en ascenseur social. Si 70 à 80 % de la population se dit favorable à "l’opération militaire spéciale", la lassitude gagne du terrain, en particulier chez les jeunes. Mais quelle est l’alternative ? Poutine mène une "politique d'éternité", c’est-à-dire qu'il n'y a pas d'autre choix que lui. Les Russes savent très bien que sa succession ne se passera pas sans heurts… En face, les Européens disposent d’un espace public, où le dissensus permet des ajustements. Grâce aux mécanismes démocratiques, la capacité d'adaptation des sociétés européennes est supérieure à celle de la société russe qui, elle, fait preuve d'endurance dans les situations de privation.
Vos chercheurs ont aussi passé au crible les capacités militaires des deux camps. Le verdict ?
Tout d’abord, il faut rappeler que la Russie est en guerre alors que l’Europe ne l’est pas. La Russie a un clair avantage dans le domaine terrestre, compte tenu de sa masse (quinze à vingt corps d’armée), de sa capacité de mobilisation, de sa puissance de feu et de ses stocks de munitions. Les Européens disposent sur le papier d’un avantage qualitatif. Dans les domaines aérien, naval et cyberespace, ils gardent l’avantage. La question centrale reste le degré de soutien américain dans la durée. Les Européens peuvent agir seuls, avec des risques évidemment plus élevés. Enfin, le facteur nucléaire reste au cœur de la stratégie d’escalade de Moscou.
Chaque fois que la Russie est en difficulté politique ou diplomatique, elle recourt à la rhétorique nucléaire pour inhiber les soutiens à l'Ukraine, et cela ne fonctionne pas si mal. Alors que la Russie a abaissé son seuil de recours à l’arme nucléaire et déployé des têtes nucléaires tactiques en Biélorussie, l’Europe reste dépendante de la dissuasion dite "élargie" des États-Unis, renforcée, il est vrai, par les forces nucléaires française et britannique. Pour garantir la crédibilité de la dissuasion, la question d’une augmentation de leurs arsenaux respectifs pourrait se poser, surtout si l’engagement des États-Unis était remis en cause.
Dernier critère, les alliances et le positionnement international. Qui l’emporte ?
D’un côté, la Russie est soutenue militairement par la Corée du Nord et par l'Iran. Elle bénéficie également de l'appui de la Chine. Parallèlement, Moscou développe un discours postcolonial qui trouve un large écho dans le Sud global. Elle marque donc des points diplomatiques, ce qui est d’autant plus paradoxal que sa contribution à l’aide publique au développement est ridicule par rapport aux Européens, premiers donateurs mondiaux ! Ceux-ci, de leur côté, bénéficient d’alliances solides. L’engagement des Etats-Unis via l’Otan et la résistance ukrainienne constituent les deux piliers de leur sécurité. Parallèlement, l’existence de différents formats - Triangle de Weimar (France, Allemagne, Pologne) ; NB8 (Nordic-Baltic Eight) ; E5, qui regroupe les cinq plus grandes économies européennes (France, Allemagne, Pologne, Italie, Royaume-Uni) et Communauté politique européenne - lui donne une grande flexibilité stratégique. À la fin, on voit "sur la photo" un système russe très monolithique dans sa prise de décision et, en face, un système européen plus plastique dans sa capacité d'adaptation, soit un réel avantage sur le moyen terme.
Dans ce tableau contrasté, comment l'Europe peut-elle renforcer ses positions ?
D'abord, en soutenant vigoureusement l'Ukraine qui, fondamentalement, est au cœur de son dispositif de sécurité. C’est important de le rappeler, car parfois, les Européens donnent l'impression de craindre davantage une escalade avec Moscou qu'une victoire russe sur l’Ukraine. Un tel scénario aggraverait pourtant profondément notre insécurité… Ensuite, les Européens doivent poursuivre leurs efforts d’investissement en matière de réarmement et, surtout, accélérer la cadence afin de renforcer leur dissuasion conventionnelle. Cela passe notamment par la constitution de stocks de munitions, par la sécurisation des chaînes logistiques et par des mesures de protection civile.
D’autant qu’il y a l’inconnue américaine…
Oui, le soutien américain nous semble acquis, mais qui pourrait affirmer que les États-Unis ne cesseront pas, un jour, de nous vendre des armes, voire deviendront hostiles ? Ces hypothèses posent la question, vertigineuse, de la profondeur stratégique de l’Europe. Pour l’instant, celle-ci est pensée à travers le bassin atlantique. Cela implique d’investir dans les domaines maritime et naval, car l’Europe est une économie ouverte.
Et si, demain, l’Europe se retrouve coincée entre la Russie et une Amérique belliqueuse ?
Bonne question, qui en entraîne une autre : quels sont les pays qui, aujourd’hui, sont les plus proches des positions européennes ? La Corée du Sud, qui fournit militairement la Pologne, et le Japon, qui soutient fortement l’Ukraine sur les plans diplomatique et financier. L’Europe conserve des atouts significatifs vis-à-vis de la grande majorité des pays qui souhaite un fonctionnement multilatéral et ne veut pas être tributaire des politiques américaine, russe et chinoise. En ce sens, elle doit tenir un discours de coopération, qui passe par le respect du droit et par une crédibilité militaire.
Homme de l'ombre, réputé pour sa considérable influence en coulisses, l'ancien vice-président américain, Dick Cheney, est mort à l'âge de 84 ans, a annoncé mardi 4 novembre sa famille aux médias américains.
Sa mort, survenue lundi 3 novembre, est due à des complications liées à une pneumonie ainsi qu'à des maladies cardiaques et vasculaires, selon une déclaration de sa famille. Affligé par des problèmes coronariens presque toute sa vie adulte, Dick Cheney a subi cinq crises cardiaques entre 1978 et 2010 et portait un dispositif pour réguler son rythme cardiaque depuis 2001.
L'un des vice-présidents les plus puissants de l'histoire américaine
L'ancien numéro deux de George W. Bush (2001-2009) s'était forgé une réputation telle qu'il fut considéré comme l'un des vice-présidents les plus puissants de l'histoire américaine. L'ex-président américain George W. Bush a salué mardi "l'intégrité" et "l'intelligence" de son ancien vice-président Dick Cheney. "L'histoire se souviendra de lui comme l'un des meilleurs serviteurs de l'Etat de sa génération, un patriote qui a fait preuve d'intégrité, d'intelligence et de sérieux dans toutes les fonctions qu'il a occupées", a déclaré le 43e président des Etats-Unis (2001-2009) dans un communiqué.
Il avait surpris les Américains lors de l'élection présidentielle de 2024 en annonçant qu'il voterait pour la démocrate Kamala Harris, dénonçant son adversaire républicain, Donald Trump, qu'il jugeait inapte à occuper le Bureau ovale. "Nous avons le devoir de placer le pays au-dessus des clivages partisans pour défendre notre Constitution", avait-il déclaré.
Le conseiller le plus influent de George W. Bush
Dick Cheney fut le colistier de George W. Bush lors de deux campagnes présidentielles victorieuses et son conseiller le plus influent à la Maison-Blanche dans une époque marquée par le terrorisme, la guerre et les changements économiques. Il restera connu comme l'un des faucons qui ont joué un rôle central et controversé dans l'invasion de l'Irak en 2003.
Entré à la Maison-Blanche sous le président républicain Gerald Ford, Dick Cheney remplace plus tard Donald Rumsfeld au poste de chef de cabinet puis dirige, sans succès, la campagne de réélection de Gerald Ford contre Jimmy Carter en 1976.
Républicain inconditionnel, Dick Cheney se lance peu après dans la course électorale pour décrocher en 1978, dans le Wyoming, un siège d'élu à la Chambre des représentants à Washington qu'il occupe pendant une décennie. Nommé ministre de la Défense sous George H.W. Bush en 1989, Dick Cheney est aux commandes du Pentagone pendant la guerre du Golfe de 1990-1991. Puis il part dans le secteur privé lorsque le démocrate Bill Clinton déloge Bush père de la Maison-Blanche.
Nommé PDG de Halliburton en 1995, il dirige le grand groupe de services pétroliers pendant cinq ans avant de retourner en politique, comme colistier de George W. Bush pour la présidentielle de 2000.
Derrière la décision d'envahir l'Afghanistan et l'Irak
Devenu vice-président, culmination de sa longue ascension politique, Dick Cheney insuffle son idéologie néo-conservatrice à la Maison-Blanche et joue un plus grand rôle à ce poste que la plupart de ses prédécesseurs. On le considère notamment comme l'une des forces motrices derrière la décision d'envahir l'Afghanistan moins d'un mois après le 11-Septembre. 17 mois plus tard les Etats-Unis envahissent l'Irak.
L'Irak n'avait pas de programmes actifs de production d'armes de destruction massive, et les analyses postérieures à la guerre n'ont trouvé aucun lien opérationnel entre le régime de Saddam Hussein et al-Qaïda. Saddam Hussein a été capturé, jugé et exécuté, mais la guerre en Irak a continué jusqu'en 2011, et les troupes américaines sont restées dans le pays pendant une autre décennie, cherchant à stabiliser le pays et à repousser les extrémistes de l'organisation Etat islamique. Près de 5 000 Américains ont été tués dans cette guerre.
Le conflit en Afghanistan a continué jusqu'en 2021, lorsque le président Joe Biden a retiré les dernières troupes américaines, mettant fin à une guerre dans laquelle plus de 2 300 membres des forces armées américaines sont morts et permettant aux talibans de reprendre le contrôle du pays.
Dick Cheney a par la suite assuré refuser de croire que Saddam Hussein n'était pas en train de développer un programme d'armes de destruction massive. Il fut aussi l'un des plus grands défenseurs des techniques américaines d'interrogatoire poussées, désormais largement considérées comme de la torture.
Une gifle aller, une gifle retour. En deux jours, le pouvoir algérien a subi une double humiliation de ses deux "ennemis" séculaires : Paris et Rabat. D’abord, cette résolution initiée par le Rassemblement national à l’Assemblée le 30 octobre pour dénoncer l’accord de 1968, qui assure un régime d’immigration favorable aux Algériens. Adoptée in extremis, du jamais-vu pour un texte émis par le RN.
Fâché avec presque tous ses voisins
Puis, le vote du Conseil de sécurité des Nations Unies entérinant le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental – territoire disputé depuis 50 ans avec les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par Alger. Un "brillant succès", a aussitôt salué Marine le Pen, adressant ses "plus vives félicitations" au roi Mohamed VI. Ces deux votes, séparés de 24 heures, témoignent du formidable isolement dans lequel le régime algérien, à bout de souffle, est reclus. Fâché avec tous ses voisins, à l’exception de la Tunisie, en proie à des guerres intestines de pouvoir au sein de son appareil sécuritaire, l’Etat n’a plus de boussole diplomatique, figé dans son vieux logiciel non-aligné des années 1960.
"L’Algérie refuse de sceller de véritables alliances, elle ne peut donc pas compter sur ces pays quand elle a besoin", résume le chercheur Riccardo Fabiani. La Russie, son ami historique et premier fournisseur d’armes, n’a d’ailleurs pas daigné apposer son veto au vote onusien. Le roi est nu. Il n’en est pas moins dangereux. Deux Français le paient cher : l’écrivain Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes, otages depuis des mois des geôles algériennes.
Quatre scrutins décisifs ont lieu ce mardi 4 novembre aux États-Unis. À New York, la capitale économique du pays choisit son nouveau maire ; en Virginie et dans le New Jersey, les électeurs élisent leurs gouverneurs ; en Californie, un référendum pourrait bouleverser la carte électorale. Des tests pour mesurer l’influence de Donald Trump, mais surtout un moment clé pour le Parti démocrate, qui tente de regagner du terrain après sa défaite de l’an dernier lors de l’élection présidentielle.
A New York, la gauche sous les projecteurs
À l’aube, les premiers électeurs new-yorkais glisseront leur bulletin dans l’urne. De 6 heures du matin à 21 heures (soit de 12 heures à 3 heures du matin en France), la mégalopole élit son 111e maire. Depuis des mois, un nom domine les sondages : Zohran Mamdani, 34 ans, musulman d’origine indienne et figure montante de la gauche du Parti démocrate. Farouche opposant à Donald Trump, il promet des loyers encadrés, des crèches gratuites et un réseau de bus public sans frais : un programme social-démocrate qui divise jusqu’au sein de son propre camp.
Face à lui, l’ancien gouverneur Andrew Cuomo, battu lors de la primaire démocrate et revenu en indépendant, joue sa survie politique. Donald Trump, lui, a pris un malin plaisir à s’inviter dans la bataille : "Entre un mauvais démocrate et un communiste, je choisis le mauvais démocrate", a-t-il lancé dimanche sur CBS, visant tour à tour Andrew Cuomo et Zohran Mamdani. "Si le candidat communiste Zohran Mamdani remporte l’élection pour devenir maire de New York, il est très peu probable que je contribue avec des fonds fédéraux, à l’exception du strict minimum requis", a-t-il aussi menacé lundi soir sur son réseau Truth Social.
Malgré ces attaques, Zohran Mamdani fait toujours la course en tête, tandis que la participation bat déjà des records : plus de 735 000 votes anticipés, quatre fois plus qu’en 2021. L’ancien président Barack Obama lui-même a salué sa campagne, tout en dénonçant les "attaques islamophobes" venues des partisans d’Andrew Cuomo. Dans un État longtemps acquis aux démocrates, mais où Donald Trump avait spectaculairement réduit l’écart à la dernière présidentielle, l’élection du jour vaut test : celle d’une gauche new-yorkaise capable, ou non, de tenir face à la marée conservatrice.
En Virginie et au New Jersey : deux scrutins tests pour Donald Trump
Un an après la réélection de Donald Trump, la Virginie et le New Jersey votent pour leurs gouverneurs. Des scrutins régionaux en théorie, mais en réalité, de véritables sondes politiques du second mandat du président républicain. En Virginie, une page d’histoire pourrait s’écrire : la démocrate Abigail Spanberger, ex-agente de la CIA, est donnée favorite pour devenir la première femme à diriger l’État. Son adversaire, la républicaine Winsome Earle-Sears, ancienne Marine, paie une campagne chaotique et un manque criant de fonds.
Dans le New Jersey, la partie s’annonce plus serrée. La démocrate Mikie Sherrill, ex-pilote d’hélicoptère de la marine, affronte l’homme d’affaires Jack Ciattarelli, 63 ans, soutenu par Donald Trump. Le soixantenaire joue à un jeu dangereux : mobiliser la base trumpiste sans effrayer les électeurs centristes. Il y a quatre ans, Joe Biden avait remporté ces deux États haut la main. Mais lors de la dernière présidentielle, Donald Trump a réduit l’écart face à Kamala Harris. Autant dire que le verdict de ce mardi pèsera lourd.
En Californie, la riposte démocrate
À l’autre bout du pays, la Californie s’apprête à contrer Donald Trump. Le "Golden State" vote sur la "Proposition 50", un référendum qui vise à modifier sa Constitution afin de permettre un redécoupage électoral. Une réponse directe à la manœuvre enclenchée cet été au Texas, où les alliés du président américain ont remodelé les circonscriptions pour faire élire cinq républicains supplémentaires.
Les redécoupages n’interviennent normalement que tous les dix ans aux États-Unis. Mais pour contrer la manœuvre inhabituelle des républicains au Texas, la Californie organise donc un référendum extraordinaire. Objectif : modifier sa Constitution pour pouvoir, elle aussi, modifier sa carte électorale au bénéfice du camp démocrate. Face à ce qu’ils jugent comme une offensive sans précédent du camp républicain, le gouverneur Gavin Newsom et son camp, soutenus par Barack Obama, ont choisi de riposter. Et le public suit : les sondages annoncent une victoire large du "oui", au point que le gouverneur a suspendu sa levée de fonds une semaine avant le vote.
En Ukraine, à Gaza, en Afrique du Nord, dans le Caucase… Le président turc Recep Tayyip Erdogan se mobilise sur tous les points chauds du moment. À chaque fois, il réussit à mettre un pied dans la porte. Ce rôle géopolitique unique explique son retour en grâce en Europe, alors même qu’il poursuit sans frein sa dérive antidémocratique. A l’exception de la Grèce et de Chypre, les dirigeants européens semblent s’accommoder désormais de son autoritarisme.
Tous se découvrent une nouvelle camaraderie avec le néosultan. "On est réconciliés, maintenant", s’est exclamé Emmanuel Macron en claquant la bise sur les deux joues de son homologue turc, lors du sommet sur Gaza à la mi-octobre en Egypte. Le chancelier Friedrich Merz a été un cran plus loin la semaine dernière à Ankara, où il a affiché son désir "de continuer à ouvrir la voie [de la Turquie] vers l’Europe". Il n’a pas exclu que le pays puisse se voir octroyer un accès à l’instrument financier Security action for Europe (Safe), mis en place par l’UE pour accélérer le réarmement européen. Le chef du gouvernement allemand a été précédé dans la capitale turque par son homologue britannique, Keir Starmer, qui a confirmé la vente de 20 avions de combat Eurofighter Typhoon.
Stratégiquement placé entre l’Union européenne et l’Asie, l’éternel candidat à l’adhésion à l’UE et membre éminent de l’Otan - le sommet annuel de l'organisation se tiendra en juillet prochain à Ankara - intéresse les Européens à plusieurs titres. L’immigration, d’abord. La Turquie garde la frontière sud-est du continent en échange d’une aide substantielle de Bruxelles et elle s’acquitte de sa tâche avec efficacité. Selon l’agence Frontex, les entrées irrégulières dans l’UE en provenance de Méditerranée orientale ont chuté de 22 % sur les neuf premiers mois de l’année.
La sécurité, ensuite. Le désintérêt croissant de l’Amérique pour le Vieux Continent, combiné à la guerre d’Ukraine, a remis au premier plan la nécessité d’une défense forte de l’Europe. Or l’armée turque, même si son budget de défense est inférieur à celui des principaux pays européens, est la deuxième de l’Otan par le nombre de soldats, après l’armée américaine. Et l’industrie de défense turque est performante. Elle est même en pointe dans la fabrication de drones de combat.
L’influence, aussi. Erdogan est l’un des rares à parler à la fois avec Poutine et Zelensky, ce qui le rend incontournable dans les discussions sur un règlement du conflit russo-ukrainien. Au Proche-Orient, sa proximité avec le Hamas palestinien lui a permis de peser dans l’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza. L’affaiblissement de l’Iran et l’installation d’un pouvoir islamiste à Damas l'an dernier ont renforcé sa main dans la région.
Erdogan sait se rendre indispensable
À ces facteurs, il faut ajouter la nombreuse diaspora turque en Europe occidentale, surtout en Allemagne mais aussi en France, aux Pays-Bas, en Belgique et en Autriche. Elle fournit un levier qu'Ankara n'hésite pas à actionner. Enfin, la Turquie est le cinquième plus grand partenaire commercial de l’Union européenne, avec des échanges d’un montant record de 210 milliards d’euros l’an dernier.
Erdogan sait se rendre indispensable. Résultat, les Européens ne critiquent plus qu’à voix basse la répression de son opposition, qu’il poursuit sans discontinuer. Son principal rival, le populaire maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, est embastillé depuis mars dernier pour des motifs fabriqués et une nouvelle inculpation "d’espionnage" vient d’y être ajoutée. L’objectif ? Empêcher Imamoglu de se présenter lors de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2028 mais qui pourrait être anticipée. Et Erdogan confirme par là même son intention de briguer un troisième mandat, alors que la Constitution turque en limite le nombre à deux.
En ces temps troublés, l’Europe a besoin de la Turquie et vice versa. Mais il ne faudrait pas que le rapprochement aboutisse à passer la démocratie turque par pertes et profits. Lors de sa visite à Ankara, le chancelier Merz a eu raison d’appeler au respect des "principes de Copenhague", c’est-à-dire des valeurs démocratiques de l’UE. Le Parti républicain du peuple (CHP), formation d’opposition laïque et sociale-démocrate, a emporté les élections locales l’an dernier avec 38 % des suffrages. Sa vitalité montre que malgré l'étouffoir imposé par Erdogan, le peuple turc aspire, avec courage, à un autre modèle que l’autocratie islamiste. Le rôle de l’Europe est de l’aider à y parvenir.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors d'une conférence de presse après le sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) à La Haye, le 25 juin 2025
Un président qui n’est pas reconduit pour un deuxième mandat et qui conteste les résultats des élections. Ses partisans qui se donnent rendez-vous sur les réseaux sociaux et s’introduisent violemment dans des lieux de pouvoir. Le tout, dans un grand pays du continent américain.
A ces mots, chers auditeurs, vous avez certainement les images des émeutes du Capitole en 2021 qui vous viennent à l‘esprit. Mais un scénario similaire s’est répété le 8 janvier 2023, après la défaite du président Jair Bolsonaro au Brésil et la victoire de son adversaire Lula.
Habillés en jaune et vert, aux couleurs du drapeau brésilien, les bolsonaristes forcent ce jour-là les barrières de sécurité pour atteindre la place des Trois pouvoirs. La Cour suprême, le congrès et même le Palais présidentiel. Ces trois hauts lieux de la politique brésilienne sont pris d’assaut.
Pendant trois heures, les manifestants cassent les vitres, aspergent les murs de peintures blanches et de slogans anti-Lula, saccagent le mobilier. Le congrès est même inondé après l’activation d’un système anti-incendie. Les émeutiers réclament l’aide de l’armée pour empêcher Lula de reprendre le pouvoir. Mais dans la soirée, le nouveau président parvient à reprendre le contrôle de la situation : les forces de l’ordre évacuent les lieux et plus de 300 personnes sont interpellées.
Le chef d’Etat américain de l’époque, Joe Biden apporte alors tout son soutien à Lula. Mais avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les relations de Washington avec ce dirigeant de gauche risquent d’être moins cordiales. Car les deux hommes semblent s’opposer sur tous les plans.
Le FBI est encore dans la tourmente. Selon plusieurs médias américains, dont BloombergLaw, l’agence fédérale a limogé un haut fonctionnaire. Son départ serait lié à la publication dans la presse des registres de vol d’un jet du FBI, que le directeur de l’agence, Kash Patel, a emprunté pour aller rendre visite à sa petite amie, la chanteuse de country Alexis Wilkins lors de l’une de ses prestations à un match de catch.
"Licenciement abusif"
Selon The Guardian, l’agent licencié s’appelle Steven Palmer. Il travaillait au FBI depuis 1998. Il dirigeait une unité chargée de gérer les grandes crises liées à la sécurité et de la gestion de la flotte aérienne du FBI. Son départ, officialisé vendredi, est le troisième d’un responsable de cette unité stratégique depuis la nomination de Kash Patel, en février dernier, souligne The Guardian. Wes Wheeler a été licencié en mars et Brian Driscoll en août. Ce dernier poursuit d’ailleurs l’administration de Donald Trump pour "licenciement abusif", affirmant qu’il a été ciblé pour avoir fait preuve d’un manque de loyauté envers le président.
Selon Bloomberg, qui a révélé l’affaire, le licenciement de Steven Palmer est intervenu alors que Kash Patel était furieux face au tollé médiatique sur ses déplacements personnels. "Peu de temps après, on a dit à Steven Palmer qu’il pouvait démissionner immédiatement ou être licencié", précise le journal économique citant trois sources anonymes. Mais comme le soulignent de nombreux journaux, les enregistrements de vol du FBI sont publics et montrent ce jour-là l’un de ses avions voyageant à destination et en retour du petit aéroport du State College, en Pennsylvanie, le 25 octobre. Un voyage qui correspond à la performance de sa petite amie Alexis Wilkins.
"Rumeurs infondées"
Ce déplacement a d’autant plus fait polémique que le directeur du FBI, un proche de Donald Trump, s’en était pris à son prédécesseur Chris Wray en 2023 pour ses déplacements personnels "aux frais du contribuable". Dans une déclaration, son porte-parole, Ben Williamson, a souligné que le directeur du FBI est tenu, en vertu des règles gouvernementales, de payer un remboursement pour son voyage en jet privé et a affirmé que Kash Patel avait "considérablement limité" les voyages personnels par rapport à ses prédécesseurs Chris Wray et James Comey. Comme l’a noté The Daily Beast, avant d’être directeur du FBI, Kash Patel était très critique à l’égard de l’utilisation par Chris Wray des jets du gouvernement à des fins personnels lorsque. En 2023, il avait même surnommé Chris Wray de manière cinglante "#GovernmentGangster".
"Nous ne nous laisserons pas distraire par des rumeurs infondées ou le bruit des anarchistes d’internet mal informés et des fausses informations, a réagi Kash Patel sur son compte X dimanche. J’ai toujours dit — critiquez-moi tant que vous voulez. Mais s’en prendre aux personnes qui font un excellent travail, à ma vie personnelle, ou à ceux qui m’entourent est une honte totale." Et d’ajouter : "Les attaques dégoûtantes et sans fondement contre Alexis — une vraie patriote et la femme que je suis fier d’appeler ma partenaire de vie — sont plus que pathétiques."
De son côté la chaîne MSNBC remarque que ce limogeage qui passe mal n’est que l’épilogue d’une semaine de bourdes cumulées pour le patron du FBI. Vendredi 31 octobre, jour d’Halloween aux Etats-Unis, il avait ainsi annoncé que ses équipes ont déjoué un "complot terroriste" imminent, avant même d’avoir des détails concrets sur l’arrestation de cinq jeunes dans le Michigan. Des responsables du ministère de la Justice "ont exprimé des préoccupations selon lesquelles Patel semblait avoir agi à la hâte sur l’enquête sans l’approbation du juge principal, dans le but apparent de demander un certain crédit pour le FBI, mais d’une manière qui pourrait interférer avec l’enquête". L’incident a rappelé un faux pas en septembre lorsque Kash Patel a publié de fausses informations sur les réseaux sociaux sur la mort par balle de l’activiste conservateur Charlie Kirk. Il avait notamment annoncé l’arrestation de son meurtrier présumé, alors qu’une traque de 33 heures débutait à peine, avait rapporté Fox News.
Le directeur du FBI, la police fédérale américaine, Kash Patel, lors d'une audition devant la commission judiciaire du Sénat, à Washington, le 16 septembre 2025
C’est l’histoire d’une base navale américaine implantée à Porto Rico, dénommé Roosevelt Roads et largement exploitée pendant la guerre froide. Fermés en 2004, il y a 21 ans, les 8 700 hectares du complexe militaire de Roosevelt Roads, qui fut l’un des plus grands au monde, s’apprêtent à être de nouveau opérationnels. "Depuis deux décennies, la base languissait dans les mauvaises herbes et la rouille. Puis les avions de chasse ont rugi", décrit le journal économique Bloomberg. Tandis que, selon des images aériennes capturées par l’agence de presse Reuters, dès le 17 septembre dernier, du personnel a commencé à défricher et à repaver les voies de circulation menant à la piste principale.
Selon les observateurs, la réactivation de cette base dans les Caraïbes, à moins de 800 kilomètres du Venezuela n’a rien d’anodin. Depuis plusieurs semaines, les relations entre Washington et Caracas sont très tendues, alors que Donald Trump a déclaré les Etats-Unis en "conflit armé" avec les narcotrafiquants, dont il accuse le Venezuela d’alimenter le trafic de drogue. Ces dernières semaines, quatorze frappes américaines sur des navires au large du Venezuela ont tué 61 personnes présentées comme des membres d’organisations criminelles sud-américaines.
Un "terrain d’étape"
"La base occupe un emplacement stratégique et offre une grande quantité d’espace pour la collecte d’équipement", a déclaré un responsable américain auprès de Reuters. Depuis septembre, la base de Roosevelt Roads de Porto Rico, est devenue un terrain d’étape pour les opérations militaires américaines dans la région, y compris les chasseurs furtifs F-35B et les avions-cargos C-17 Globemaster III, souligne Bloomberg. A Porto Rico, la tension militaire est désormais à son comble alors que le Pentagone a déployé près de 10 000 dans les bases militaires du petit territoire américain des Caraïbes, selon The New York Times.
En outre, des images satellites ont montré qu’au moins trois destroyers de missiles guidés, un groupe d’assaut amphibie et des navires de combat en eau peu profonde sont d’ores et déjà stationnés au large des côtes du Venezuela. Et le plus grand porte-avions de la marine américaine, l’USS Gerald R. Ford, est actuellement en route pour les Caraïbes. "Toutes ces choses sont, je pense, conçues pour effrayer le régime Maduro et les généraux qui l’entourent, dans l’espoir que cela créera des fissures", a déclaré à Reuters Christopher Hernandez-Roy, chercheur principal au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington.
Alors qu’une grande partie de l’accumulation militaire américaine s’est jusqu’à présent faite en haute mer, hors de la vue du public, ce qui se passe à Roosevelt Roads, mieux connue sous le nom de Rosy Roads, est plus visible. De quoi inquiéter les états de la Communauté des Caraïbes, dont 14 membres ont récemment rappelé que la région est une "zone de paix", où les questions de sécurité devraient être résolues "grâce à une coopération internationale continue et au sein du droit international".
Appel à l’aide à Moscou et Pékin
Alors que les Etats-Unis augmentent la pression, le Venezuela implore Moscou et Pékin pour obtenir de l’aide, rapporte un article du Washington Post. Selon des documents internes au gouvernement américain, dont certains médias comme le Washington Post ont eu accès, le président vénézuélien Nicolás Maduro aurait demandé de l’aide à la Chine, la Russie et l’Iran. Les demandes à Moscou ont été faites sous la forme d’une lettre destinée au président russe Vladimir Poutine. Le Kremlin a refusé de commenter la lettre, mais le ministère des Affaires étrangères a déclaré vendredi soir que Moscou soutenait le Venezuela "dans la défense de sa souveraineté nationale" et est "prêt à répondre de manière appropriée aux demandes de nos partenaires à la lumière des menaces émergentes". Dimanche, un Ilyushin Il-76 - l’un des avions russes sanctionnés en 2023 par les Etats-Unis pour avoir participé au commerce des armes et transporté des mercenaires - est arrivé à Caracas après une route détournée au-dessus de l’Afrique pour éviter l’espace aérien occidental, selon le site Flightradar24.
Le président vénézuélien aurait également adressé une lettre au président chinois Xi Jinping demandant une "coopération militaire élargie" entre leurs deux pays pour contrer "l’escalade entre les Etats-Unis et le Venezuela". Les mêmes documents, du gouvernement américain, indiquent en outre que le ministre des Transports Ramón Celestino Velásquez a également récemment coordonné une expédition d’équipement militaire et de drones en provenance d’Iran tout en y planifiant une visite. Selon le Washington Post, il aurait déclaré à un responsable iranien que le Venezuela avait besoin d'"équipement de détection passive", de "scramblers GPS" et "presque certainement des drones d’une portée de 1 000 kilomètres". L’accumulation militaire américaine dans les Caraïbes présente peut-être le plus grand défi pour Nicolás Maduro, le successeur d’Hugo Chávez, depuis son arrivée au pouvoir en 2013.
Le navire de guerre lance-missile américain USS Gravely arrive à Port d'Espagne, capitale de Trinité-et-Tobago, petit archipel situé à une dizaine de kilomètres du Venezuela, le 26 octobre 2025
L’ex-procureure générale de l’armée israélienne, Yifat Tomer-Yeroushalmi, a été arrêtée dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 novembre dans le cadre d’une enquête sur la fuite d’une vidéo suggérant des violences sur un détenu palestinien dans une prison israélienne près de Gaza. Cinq réservistes israéliens sont inculpés dans cette affaire hautement médiatisée, qui a suscité l’indignation à l’international.
La juriste la plus haut gradée de la hiérarchie militaire avait annoncé sa démission vendredi. Elle avait reconnu dans une lettre avoir autorisé ses services à diffuser les images auprès des médias. La magistrate avait ensuite brièvement disparu dimanche, soulevant des craintes quant à une possible tentative de suicide. Elle a ensuite été retrouvée vivante puis placée en garde à vue dans un centre de détention, a indiqué ce lundi sur Telegram le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. Il a souligné l’importance de "mener l’enquête de manière professionnelle afin de découvrir toute la vérité concernant l’affaire qui a conduit à une accusation" contre des soldats.
Plusieurs médias israéliens ont ensuite indiqué qu’un tribunal de Tel-Aviv avait décidé de prolonger la détention de Yifat Tomer-Yeroushalmi jusqu’à mercredi à la mi-journée. Selon la radio-télévision publique Kan, elle devra répondre de "fraude, abus de confiance, abus de fonction, entrave à la justice et divulgation d’informations par un fonctionnaire".
"Grande violence"
La démission puis l’arrestation de "l’avocate militaire en chef" de l’armée israélienne relancent les débats sur la poursuite judiciaire des soldats accusés d’apparaître dans la vidéo qui a fuité.
L’affaire remonte à l’été 2024, lors de la diffusion par la chaîne israélienne Channel 12 d’images issues d’une caméra de surveillance du centre de détention de Sdé Teiman, près de la bande de Gaza. Sans les montrer clairement, la vidéo suggérait de graves violences exercées par des soldats israéliens sur un détenu palestinien. Les images avaient éclaboussé l’armée israélienne en plein conflit dans l’enclave et avaient finalement conduit, en février 2025, à l’inculpation de cinq soldats israéliens pour mauvais traitements.
"Le procureur militaire a inculpé cinq soldats réservistes pour avoir commis des agressions dans des circonstances aggravantes et causé des blessures à un détenu" avait précisé l’armée dans un communiqué. Selon l’acte d’accusation, qui mentionne de nombreuses preuves dont des documents médicaux et des images de vidéosurveillance, les soldats ont "agi contre le détenu avec une grande violence". Ces brutalités "ont causé de graves blessures physiques au détenu, notamment des côtes fracturées, un poumon perforé et une déchirure rectale interne".
Appel à annuler le procès
Selon le New York Times, Yifat Tomer-Yeroushalmi a écrit dans sa lettre de démission qu’elle avait autorisé la publication des images "dans le but de contrer la fausse propagande dirigée contre les autorités militaires chargées de l’application de la loi" et pour protéger ses équipes d’une campagne de délégitimation menée par des Israéliens qui s’opposaient aux poursuites judiciaires de ces soldats.
La démission de la procureure générale donne justement du grain à moudre à ces opposants, qui utilisent les révélations sur la fuite volontaire de la vidéo pour remettre en cause les poursuites judiciaires. Le New York Times rapporte une conférence de presse de certains avocats des accusés demandant une annulation du procès de leurs clients. "Aujourd’hui, malheureusement, nous savons que nous avons été témoins d’un processus judiciaire défaillant, biaisé et entièrement fabriqué de toutes pièces", a déclaré l’un d’eux à la presse, précisant que tous les réservistes rejetaient les accusations qui pèsent contre eux. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a quant à lui demandé une enquête "indépendante et impartiale", précisant que l’affaire avait causé un "préjudice immense" à l’image de l’Etat d’Israël.
L'affaire remonte à l'été 2024, lors de la diffusion d'images issues d'une caméra de surveillance du centre de détention de Sdé Teiman, près de la bande de Gaza.