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Contrairement à la France, l’Italie de Giorgia Meloni veut créer un jour férié

De l’autre côté des Alpes, le débat concernant les jours fériés est tout autre. Contrairement à la France qui cherchait à en supprimer deux il y a encore quelques jours, jusqu’à ce que le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu ne recule, l’Italie s’apprête, elle, à débattre de la création d’un jour férié supplémentaire.

En l’honneur de Saint-François d’Assise

L’Italie propose en effet de créer un nouveau jour férié en l’honneur de saint François d’Assise et du pape argentin du même nom. Le pape François, décédé en avril à 88 ans, a été le premier à prendre le nom de saint François d’Assise, un religieux du XIIIe siècle qui a renoncé à ses richesses et consacré sa vie aux pauvres. Un jour férié en l’honneur du saint, fondateur de l’ordre des Franciscains, existait il y a plusieurs décennies mais avait été supprimé en 1977 dans le cadre de mesures d’austérité.

Ses partisans souhaitent rétablir la fête de saint François le 4 octobre à partir de 2026, pour le 800e anniversaire de la mort du saint, malgré les craintes d’un alourdissement des finances publiques. Le projet, qui prévoit de décréter le 4 octobre férié dès 2026, bénéficie du soutien de tous les partis de la coalition gouvernementale de la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Le vote devait avoir lieu ce jeudi 18 septembre à la chambre des députés, mais le débat a été reporté au début de la semaine prochaine.

"Appel à la paix"

Ce rétablissement "est un appel à la paix, à la cohésion, à la valeur de la nature et à sa leçon de foi et de spiritualité", a déclaré Maurizio Lupi, chef du parti Noi Moderati (centre) à l’origine du projet, dans un communiqué à l’AFP. Dans le même temps, certains législateurs italiens réclament un nouveau jour férié le 19 mars pour célébrer la Saint-Joseph, jour de la fête des pères, sans succès jusqu’ici. L’Italie compte déjà 12 jours fériés, contre 11 en France, en Grèce et en Suède. Le calendrier en comporte 15 à Chypre ou encore 14 en Croatie et en Espagne.

La mesure semble à contre-courant de ce qui avait été proposé en France cet été par Premier ministre récemment évincé, François Bayrou a suscité l’indignation en proposant de supprimer deux jours fériés pour renflouer les caisses de l’Etat de "plusieurs milliards d’euros".

© afp.com/Marco BERTORELLO

Des gondoles sur le Grand canal de Venise (Italie), le 25 juin 2026
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En Syrie, la nouvelle vie des djihadistes français : "Je suis ici pour délivrer le monde entier"

Entre deux hommes flanqués d’une kalachnikov, Mohammed* fait un salut de la main en entendant l'auteur de ces lignes parler français. Le quarantenaire, en tenue de combat, se tient au pied d’une rangée de tanks échoués sur la place des Omeyyades. Le foulard sur son visage peine à dissimuler son sourire. Cela fait bien longtemps qu’il n’a pas vu de visiteurs venus de son pays natal. Ce 9 décembre 2024, le soleil matinal rayonne dans l’air glacial qui enveloppe Damas. "Bonjour la France et vive la chute du régime", lâche d’un ton jovial cet homme qui vient pour la première fois d'entrer dans la capitale syrienne. La veille, à l’aube, des milliers de rebelles islamistes rassemblés sous la bannière du Hayyat Tahrir el-Cham (HTC) sont parvenus à faire chuter le régime de Bachar el-Assad, mettant un point final à cinq décennies de dictature. Parmi eux se trouvaient des combattants étrangers, dont quelques dizaines de Français.

Huit mois se sont écoulés depuis cette scène. Ahmed al-Charaa est devenu le président de facto d’un pays en ruine, qui se relève difficilement de treize années de guerre civile. Quant à Mohammed, il est depuis longtemps retourné dans la région d’Idlib, où il vit avec sa famille. C’est dans cette zone du nord-ouest du territoire, devenue pendant la guerre un bastion de l’opposition au régime de Bachar, que résident la plupart des 120 djihadistes français qui vivent encore librement en Syrie. Après la fuite du dictateur, notre interlocuteur dit avoir rangé sa tenue de combat au placard et trouvé un emploi qui lui permet de gagner un maigre salaire.

C’est en juillet 2017 qu’il rejoint le nord-ouest de la Syrie, pour "sauver la population" musulmane massacrée par le régime. Un motif régulièrement invoqué par les quelque 2 000 djihadistes français qui ont tenté (avec succès ou non) de rejoindre la zone irako-syrienne. Il prend part aux combats au sein de différentes factions dont certaines sont placées sur la liste des Nations unies des organisations liées à Al-Qaida et au groupe Etat islamique - sans qu’il n’ait activement été membre de Daech.

Des centaines de djihadistes français partis en Syrie

Très vite, il est gagné par la désillusion. "J’ai vu tellement de choses qui m’ont dégoûté dans le comportement des autres combattants". Le vol, le mensonge…: il dit retrouver en Syrie ce qu’il a fui en France. La guerre désormais terminée, Mohammed redouble de critiques envers son pays d’adoption. "Nous avons tout donné pour les Syriens, mais nous n’avons rien eu en retour. C’est un peuple de radins, mal éduqué", se plaint-il.

Le président syrien Ahmed al-Charaa.
Le président syrien Ahmed al-Charaa.

En décembre 2024, quelques jours après son arrivée au pouvoir, Ahmed al-Charaa annonce vouloir accorder la nationalité à tous les combattants étrangers qui ont participé à l’assaut contre le régime. Mohammed, qui n’a plus de documents valides, considère cette nationalité comme un "droit", mais affirme ne pas en vouloir. "S’ils nous la donnent, c’est lié à une pression de l’extérieur, notamment de la France, qui ne veut pas que l’on rentre", croit-il savoir. Plusieurs djihadistes étrangers, dont au moins un Français, ont soumis au ministère de l’Intérieur syrien une pétition réclamant leur naturalisation, selon l’agence Reuters.

Mohammed assure ne pas envisager de retour dans l’Hexagone, où il sait qu’il sera jugé. Depuis 2014, plusieurs centaines de Français partis en Syrie ont été condamnés pour des faits liés au djihadisme. Les peines encourues vont jusqu’à trente ans de rétention. En fin d’année dernière, Olivier Christen, procureur national antiterroriste, a affirmé dans une interview à France 2 que si les djihadistes français "venaient à sortir de la Syrie", des dispositifs permettraient de les appréhender.

Pour ne rien arranger, Mohammed est connu pour avoir été impliqué dans le financement de tentatives de libération de femmes de l’Etat islamique incarcérées dans les camps du nord-est syrien, selon une source sécuritaire française. "En tant que musulman, je préfère vivre dans un pays musulman. Le système français est contre les musulmans. Ils ne peuvent pas vivre comme ils veulent. Tu dis 'Allah Akbar' et ça y est, tu es un terroriste. Même les pédophiles prennent moins de prison que nous", veut croire le combattant vétéran, loin d’être déradicalisé.

Omar Omsen, considéré comme l’un des principaux recruteurs

Dans une impasse, il ne cache pas son amertume. "Nous sommes des clandestins, des 'clodos'. Je n’ai pas de papiers, pas de compte bancaire, pas de carte vitale. Voilà ma vie : je n’ai rien. Même les’clodos’ont une carte de séjour", se lamente Mohammed, avec une nette tendance à jouer les victimes. A Idlib, il côtoie d’autres djihadistes français, qui forment un groupe à part. Mais leurs positions divergent et les tensions sont nombreuses.

Un Français, en particulier, ne fait pas consensus : Omar Diaby. Plus connu sous le nom d’Omar "Omsen" - contraction d’Omar et de Sénégal, son pays d’origine qu’il a quitté pour la France à 7 ans. Il est à la tête de la Firqat al-Ghouraba ("Brigade des étrangers"), un groupe de plusieurs dizaines de combattants francophones, dans un camp situé dans la ville de Harim, à l’extrême nord-ouest de la Syrie, tout près de la Turquie. L’homme est considéré par les services de renseignement comme l’un des principaux recruteurs de djihadistes français. Il a fait de la cité de l’Ariane à Nice, dont il est originaire, l’une des principales plates-formes de départ vers la Syrie dans les années 2010.

Omar Diaby connu aussi sous le nom d'Omar Omsen, quelque part en Syrie
Omar Diaby connu aussi sous le nom d'Omar Omsen, quelque part en Syrie

Pour Omar Omsen, le départ de Bachar el-Assad ne signifie pas pour autant la fin de la lutte armée. "Quand nous sommes venus ici, nous avions en tête un projet islamique mondial, explique-t-il au téléphone à L’Express. Je ne suis pas là pour ne délivrer que la Syrie, mais le monde entier, dont la France, et je compte bien mourir pour ce projet". Toujours aussi extrémiste, le Niçois veut imposer le "vrai islam" afin de mettre un terme à l’expansion d’une "pourriture" promue par l’Occident. Il ne se déclare pas français mais de "nationalité musulmane". Charismatique et autoritaire, Omar Omsen, qui affirme s’être radicalisé après le 11 septembre, devient à l’époque une figure de la djihadosphère grâce à sa série de vidéos d’embrigadement intitulée 19HH, dont le titre fait référence à l’attentat des tours jumelles.

Toujours offensif, il confie préparer une nouvelle série de vidéos nommée Le Chemin des Justes. "Je repars du début pour qu’on puisse comprendre ce qu’est le djihad, pourquoi il a été instauré dans notre religion", détaille celui qui affirme toujours jouir d’une certaine aura en Europe. Il en veut pour preuve qu’au moins quatre Européens "francophones" ont selon lui rejoint son camp depuis la chute du régime. "Omar Omsen a retrouvé un pouvoir d’attraction et il recommence à faire du prosélytisme en France, note un observateur français. Son groupe a de nouveau attiré l’attention en fin d’année dernière car la moitié de ses membres ont participé à l’opération rebelle lancée vers Damas". "Nous avons participé à l’offensive à partir du 1er décembre et de la bataille de Hama, puis d’Homs, et nous sommes ensuite allés à Lattaquié", raconte le Niçois.

Omar Omsen ne cache pour autant pas son hostilité envers le nouveau maître de la Syrie. "Tout d’un coup, on a vu le dirigeant du bateau sauter sur un autre bateau et commencer à tirer sur le nôtre", fulmine-t-il. Durant la guerre civile, Ahmed al-Charaa a été à la tête de la branche syrienne du groupe Al-Qaida, avant de se distancier de l’organisation terroriste et de mettre en place en janvier 2017 un gouvernement dans la région d’Idlib, qu’il dirigeait. En parallèle, il a cherché à écarter tout groupe jugé trop radical, faisant taire toute voix dissidente - Omar Omsen a été emprisonné par le HTC entre août 2020 et janvier 2022.

"Ils restent des gens très dangereux"

Désormais, la priorité de l’ex-djihadiste à la tête du pays est de redorer son image aux yeux de la communauté internationale. La question des combattants étrangers est brûlante, car les chancelleries craignent qu’ils soient intégrés au nouvel appareil sécuritaire syrien. L’administration américaine a d’ailleurs fixé comme condition à la levée des sanctions leur mise hors d’état de nuire. Après avoir d’abord déclaré vouloir leur accorder la nationalité syrienne et les accepter dans l’armée, le président syrien par intérim est revenu sur sa position. "Les membres du groupe d’Omsen restent des gens très radicaux, considérés comme dangereux. Ils nous ont apporté plus de problèmes qu’autre chose et depuis 2020, ils sont sous surveillance permanente par la Sécurité générale", glisse à L’Express une source sécuritaire syrienne. Ce groupe bénéficie aujourd’hui d’une certaine autonomie, tout en étant dans les radars du nouveau pouvoir. Omar Omsen ne sort jamais de son camp, même s’il prétend en avoir le droit.

Comme d’autres djihadistes français en Syrie, il dénonce la politique d’ouverture du nouveau pouvoir promouvant les minorités, les femmes, et les libertés individuelles. "Joulani (NDLR : nom de guerre d’Ahmed al-Charaa) a fait une soupe, il a pensé qu’en mettant des légumes amers, sucrés, sans saveur, il allait faire un bon ragoût. Il s’est trompé. Il a mélangé les ennemis, les partisans et les victimes", tance Omar Omsen. Ce dernier cite comme premier "ennemi" la minorité alaouite - dont est issu Bachar el-Assad - et les Druzes. "Ce sont des traîtres, des poisons, on le voit bien aujourd’hui", assène-t-il. A la mi-juillet, la communauté druze - environ 3 % de la population - a été victime de massacres lors de violents combats avec des combattants sunnites dans la région de Soueïda, dans le sud du pays. Ces affrontements ont fait au moins 2014 morts en quelques jours, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

Lors de cet épisode, la Firqat al-Ghouraba s’est déployée sur le terrain. "Nous avons voulu intervenir mais le gouvernement a refusé, mes hommes se sont arrêtés à Hama", relate Omar Omsen. Le recruteur affirme aussi avoir envoyé ses hommes lors de la tuerie visant la minorité alaouite sur la côte syrienne, en mars dernier. Ils ont finalement été stoppés par les check-points du gouvernement. A l’avenir, le djihadiste n’exclut pas de jouer un rôle sécuritaire dans la nouvelle Syrie. "Si un ennemi se lève et que l’Etat peut régler le problème, alors il le règle lui-même. Mais si on voit qu’il n’y parvient pas, alors nous allons le faire clandestinement, prévient-il. C’est une obligation religieuse d’aller secourir ceux qui en ont besoin".

Le statut des djihadistes français, comme leur futur, reste flou. De leur côté, les autorités françaises restent discrètes sur cet épineux dossier politique. En plus de ces ex-combattants en liberté, 131 adultes du groupe Etat islamique et 130 enfants sont encore détenus dans les prisons et camps du nord-est syrien.

*Le prénom a été changé

© OMAR HAJ KADOUR / AFP

Un combattant du groupe HTS, en Syrie.
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Tech, nucléaire, pharmaceutique : Donald Trump et Keir Starmer signent des milliards d’investissements

Londres et Washington viennent de signer des milliards de dollars d’investissement de part et d’autre de l’Atlantique. En visite dans la capitale britannique, Donald Trump a tenu ce jeudi 18 septembre une conférence de presse conjointe avec son homologue britannique Keir Starmer. Les deux chefs d’Etat ont ainsi annoncé l’engagement de fonds et des promesses d’investissement sur plusieurs années.

Londres a d’ores et déjà évoqué un total de 150 milliards de livres (173 milliards d’euros). Des chiffres impressionnants pour le gouvernement britannique de Keir Starmer, fragilisé sur le plan économique et en pleine crise politique.

Un accord technologique

Donald Trump a signé jeudi avec le Premier ministre britannique un accord de coopération technologique. Cet accord permettra à "l’Amérique et nos alliés britanniques de dominer l’avenir de l’intelligence artificielle", a promis le président américain, soulignant le "lien indéfectible" de son pays avec le Royaume-Uni. La veille, le dirigeant américain a passé la journée à la résidence de campagne du Premier ministre à Chequers, à 70 kilomètres de Londres, entourés de représentants de géants de la tech Microsoft, Nvidia ou Alphabet (Google).

C’est à ce moment que Microsoft, le géant historique de l’informatique, a annoncé vouloir injecter 30 milliards de dollars (25 milliards d’euros) sur quatre ans au Royaume-Uni, dont la moitié dans le cloud (informatique à distance) et l’intelligence artificielle, ce qui inclut la construction du "plus grand supercalculateur du pays". Google a pour sa part annoncé cinq milliards de livres (5,8 milliards d’euros) sur deux ans, notamment dans un centre de données et pour sa recherche et développement dans le pays, dont Google DeepMind, son laboratoire d’IA. Autre annonce phare, celle d’un partenariat entre le britannique Nscale, le pionnier américain de l’IA générative OpenAI et son compatriote Nvidia, champion des semi-conducteurs, pour développer dans le nord-est de l’Angleterre des infrastructures et des capacités de grande envergure liées à l’IA. Le travailliste Keir Starmer s’est félicité du "plus grand programme d’investissement de ce type de toute l’histoire britannique".

30 milliards de dollars de GSK aux Etats-Unis

Principale annonce d’investissement d’une entreprise britannique vers les Etats-Unis, le laboratoire pharmaceutique GSK a promis 30 milliards de dollars (environ 25 milliards d’euros) sur cinq ans outre-Atlantique. Une annonce qui intervient au moment où les entreprises pharmaceutiques font face aux pressions du président américain, qui veut les pousser à investir et produire dans son pays. GSK rejoint ainsi les autres géants du secteur, dont son compatriote AstraZeneca, qui ont amorcé ces derniers mois un mouvement d’investissement et de relocalisation de la production aux Etats-Unis. Une dynamique qui nourrit aussi, en parallèle, les craintes d’une perte d’attractivité du Royaume-Uni.

Londres et Washington ont par ailleurs évoqué l’accélération des délais d’autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays et le renforcement des programmes expérimentaux sur la prometteuse technologie de la fusion. Sur les droits de douane, en revanche, Keir Starmer devrait rester sur sa faim. Il espérait conclure de longues négociations pour obtenir une exemption des 25 % appliqués sur l’acier britannique, promise début mai, mais cela ne devrait pas être le cas.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Le président américain Donald Trump et le Premier ministre britannique Keir Starmer lors de la signature de l'accord de coopération technologique à Chequers, en Angleterre, lors de la visite d'Etat de Trump le 18 septembre 2025
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Gazoduc géant Maroc - Nigeria : "Ce projet peut contribuer à la sécurité énergétique de l’Europe"

À la recherche d’un substitut à l’énergie russe, l’Europe se serait-elle trouvé un nouveau fournisseur de gaz ? Passé sous les radars de l’actualité de ce côté-ci de la Méditerranée, un projet pharaonique a été mis en route en Afrique cet été : la construction d’un gazoduc long de 6 000 kilomètres, reliant le Nigeria au Maroc en passant par onze pays du continent. Fort d’une capacité de transport de 30 milliards de mètres cubes de gaz par an, ce pipeline pourrait alimenter jusqu’à 400 millions de personnes en gaz d’ici à 2030, année qui devrait voir les premières livraisons de gaz nigérian sur le Vieux Continent.

Au-delà d’offrir à l’Afrique une opportunité de s’ouvrir sur un marché nouveau, ce gazoduc promet de muscler la sécurité énergétique du continent tout en renforçant la coopération entre les différentes nations africaines. Mais si le projet est le fruit d’une coopération transnationale, c’est bien le Maroc et son Roi, Mohammed VI, qui en furent les principaux instigateurs. Au Royaume, le pilotage du projet a été confié à l’Office national des hydrocarbures et des mines (Ohnym). L’Express a interrogé sa présidente, Amina Benkhadra, ancienne ministre de l’Energie du Maroc, qui interviendra aux rencontres géopolitiques de Trouville-sur-Mer organisées chaque année depuis dix ans par le géopolitologue Frédéric Encel.

L’Express : Vous pilotez la construction d’un chantier titanesque ; un gazoduc de 5 600 kilomètres reliant le Maroc au Nigeria, et traversant plus de dix pays. Où en est concrètement le chantier aujourd’hui ?

Amina Benkhadra : Le projet a déjà franchi des étapes clés sur le plan technique, environnemental, économique et de coopération régionale. Grâce à la collaboration d’experts mondiaux (Worley, Intecsea, Doris, ILF), diverses études de faisabilité et d’ingénierie détaillées ont été menées et achevées en 2024, confirmant la viabilité du projet qui est désormais prêt à lancer les appels à manifestation d’intérêt pour ses premières phases. La construction est prévue de manière progressive par phases autour de différents tronçons afin de répondre aux contraintes techniques et aux synergies avec des infrastructures existantes.

Ce projet est souvent présenté comme un levier d’intégration régionale. Peut-il vraiment transformer les relations entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb ? Quelles retombées économiques espérez-vous ?

L’Afrique est le continent le moins intégré économiquement et représente moins de 4 % des échanges mondiaux. Ce projet offre une opportunité de créer un corridor structurant au service du développement partagé. Sur le plan énergétique, le gazoduc permettra de sécuriser l’approvisionnement en gaz naturel, d’accompagner la transition énergétique et de répondre à la demande croissante en électricité dans la région. Sur les plans économique et social, il favorisera la mise en place de nouvelles chaînes de valeur, renforcera l’industrialisation locale et contribuera à la création d’emplois durables. Enfin, sur le plan politique et géostratégique, il incarne une dynamique de coopération Sud – Sud, rapprochant plusieurs pays africains autour d’un projet commun d’intégration et de souveraineté énergétique, favorisant une logique d’intégration Sud – Sud.

L’Europe cherche à diversifier ses approvisionnements en gaz depuis la guerre en Ukraine. Le gazoduc Nigeria Maroc peut-il répondre à cette demande et renforcer le rôle du Maroc comme hub énergétique ?

Effectivement ce projet peut contribuer à la sécurité énergétique de l’Europe en ce qu’il présente une solution économique avantageuse : c’est un moyen rentable d’apporter du gaz ouest-africain aux consommateurs européens, désireux de diversifier leurs sources d’approvisionnement en gaz. Par ailleurs, dans un contexte où l’Europe cherche à limiter son impact environnemental (Green Deal), ce projet offrirait une source supplémentaire de gaz naturel conventionnel, moins polluante.

Le Maroc est un partenaire idéal pour l’Union européenne de par sa position géographique unique, ses interconnexions électriques fortes (2 lignes électriques Maroc - Espagne - une interconnexion gazière via le gazoduc Maghreb Europe), une stratégie énergétique claire et une coopération Sud - Sud développée. Mais ce projet renforcera encore davantage le rôle du Maroc en tant que plaque tournante de l’énergie entre l’Afrique et l’Europe.

Certains observateurs pointent la compétition avec l’Algérie, déjà fournisseur de gaz à l’Europe. Ce projet ne risque-t-il pas, in fine, d’alimenter les tensions régionales ?

Il ne s’agit pas de substituer des partenariats existants, mais plutôt d’élargir les voies de coopération et de diversification des approvisionnements, dans un esprit de complémentarité. Ce type d’initiative peut favoriser l’émergence de nouveaux espaces de coopération, en créant des synergies autour des infrastructures, de la transition énergétique et du développement durable. Dans un contexte où la sécurité énergétique est un enjeu partagé, chaque projet contribue à renforcer la place de l’Afrique comme acteur clef des équilibres énergétiques mondiaux.

Ces dernières années, le Maroc est parvenu à attirer sur son sol de grands groupes internationaux, comme le coréen Posco, les français Engie, Renault ou encore le franco-italo-américain Stellantis. Quelle est sa recette secrète ?

Le Maroc dispose de plusieurs atouts. Tout d’abord, une position géostratégique unique, au carrefour de l’Europe, de l’Afrique subsaharienne, du Moyen-Orient et de l’Amérique. Peuvent être ensuite cités son cadre commercial attractif, renforcé par des accords de libre-échange avec les États-Unis et l’Union européenne, ainsi qu’un statut avancé avec cette dernière depuis 2008 ; un environnement favorable aux affaires, fondé sur une stabilité politique et macro-économique reconnue ; des interconnexions énergétiques solides, avec deux lignes électriques vers l’Espagne (une troisième en projet), une future connexion avec le Portugal, un projet d’interconnexion avec la Mauritanie, et le gazoduc Maghreb – Europe ; une coopération Sud - Sud affirmée, traduite par des partenariats diversifiés avec de nombreux pays africains dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture, de la banque et des infrastructures. Enfin, le royaume s’est doté d’une stratégie énergétique nationale ambitieuse, reposant sur des partenariats public-privé et faisant du pays un acteur reconnu en matière d’énergies renouvelables et de transition énergétique.

De façon plus générale, cet engouement reflète la transformation en profondeur qu’a connue le pays. Grâce à une stratégie volontariste d’investissements publics et privés, de vastes chantiers structurants ont été lancés dans des secteurs clés : les énergies renouvelables, la mobilisation des ressources en eau, l’agriculture à travers le Plan Maroc Vert, le tourisme, l’habitat, mais aussi l’industrie, avec l’implantation de géants comme Renault et Peugeot. Les infrastructures de transport – Tanger Med, le train à grande vitesse Al Boraq, ou encore le réseau autoroutier – illustrent cette dynamique d’ouverture et de modernisation. Sur le plan industriel, le Maroc s’est hissé au rang de plateforme compétitive, l’automobile devenant le premier secteur exportateur du pays, tandis que l’aéronautique s’intègre désormais aux chaînes mondiales de valeur. Cette diversification fait du Royaume un partenaire naturel et idéal pour l’UE.

L’Onhym travaillerait sur plusieurs projets d’exploitation de minerais stratégiques comme le lithium, essentiel pour les batteries électriques...

Nous misons sur les filières d’avenir liées à la transition énergétique, et l’électrique en constitue l’un des axes stratégiques. L’Onhym a considérablement renforcé ces dernières années ses activités sur un large éventail de substances stratégiques et critiques – terres rares, niobium, tantale, thorium, uranium, cuivre, cobalt, lithium ou encore manganèse – essentielles au développement des batteries, des énergies renouvelables et de la transformation numérique. S’agissant spécifiquement du lithium, les travaux d’exploration ont permis de mettre en évidence plusieurs cibles prometteuses.

Etant le premier producteur et exportateur de véhicules en Afrique, le royaume prépare activement l’intégration de la voiture électrique et de ses composantes dans son tissu industriel. Plusieurs projets d’usines de batteries et de gigafactories sont en cours de développement ou en cours de discussion avec des partenaires internationaux, afin de valoriser localement les minerais stratégiques comme le lithium et le cobalt et de créer une chaîne de valeur complète allant de l’extraction à l’assemblage. Cette dynamique s’inscrit dans une stratégie plus large visant à positionner le Maroc comme un hub de production et d’exportation de batteries électriques et de véhicules zéro émission vers l’Europe et l’Afrique, en capitalisant sur ses atouts logistiques, sa proximité géographique et ses accords commerciaux préférentiels.

© Anadolu via AFP

La directrice générale de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) du Maroc, Amina Benkhadra, s'exprime après la signature d'un protocole d'accord (MoU) pour la construction du gazoduc Maroc-Nigéria à Rabat, au Maroc, le 15 septembre 2022.
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Sergio Fabbrini : "Giorgia Meloni évolue vers un nouveau conservatisme"

A la tête du gouvernement italien depuis bientôt trois ans, avec une coalition allant du centre droit à l’extrême droite, Giorgia Meloni, issue d’une formation post-fasciste, est devenue une source d’inspiration pour des dirigeants plus ou moins proches de ses idées politiques. Jordan Bardella, le président du RN, la présente comme un modèle de réussite électorale ; Keir Starmer, le Premier ministre travailliste britannique est venu chercher auprès d’elle des conseils en matière de lutte contre l’immigration. Sa coopération avec l’Europe sur ce sujet ainsi que sa position pro-Ukraine l’ont, en outre, rapprochée d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Professeur émérite de science politique et de relations internationales à la prestigieuse université Luiss, à Rome, Sergio Fabbrini est l’un des plus fins connaisseurs des rouages du pouvoir en Italie et de ses relations avec l’UE et les Etats-Unis. Pour L’Express, il analyse la mue d’un animal politique lorgné par ses pairs.

L'Express : Comment Giorgia Meloni, est-elle devenue la figure emblématique d’une partie de la droite et de l’extrême droite européenne ?

Sergio Fabbrini : Je ne sais pas si elle représente un modèle, mais elle est au pouvoir et elle a franchi des étapes, si on la compare, par exemple, à Marine Le Pen, qui reste très critique envers l’Union européenne et surfe sur les faiblesses de cette institution pour augmenter sa popularité.

Giorgia Meloni reconnaît, quant à elle, que certaines politiques, comme l’immigration illégale, ne peuvent être gérées uniquement par les gouvernements nationaux. De fait, l’Italie n’a cessé de demander l’aide de la Commission dans ce domaine depuis qu’elle est au gouvernement. Dans le même temps, elle ne montre aucune ambiguïté à l’égard de Vladimir Poutine et de la Russie et affiche clairement une position pro-occidentale.

Le fait de diriger un gouvernement de droite dure, avec un passé et des racines d’extrême droite, tout en étant pleinement engagé dans une politique étrangère favorable à l’UE, à l’Occident et à l’Otan, est une nouveauté dans cette famille politique.

Des leaders comme le hongrois Viktor Orbán, le slovaque Robert Fico, l’allemande Alice Weidel (AfD), ou Marine Le Pen (qui juge que la Russie ne représente pas une vraie menace pour la France et s’oppose à la livraison d’armes à l’Ukraine) ont tous des relations ambiguës avec le président russe, voire sont carrément pro-Poutine. Et adoptent une position anti-UE et souvent anti-occidentale. Cela peut payer électoralement, mais on ne peut gouverner un pays comme l’Italie ou la France avec cette ligne. Meloni l'a bien compris et cela lui ouvre des espaces en Europe.

Comment a-t-elle évolué depuis qu’elle est au pouvoir ?

Meloni est issue de l'extrême droite post-fasciste italienne. Âgée de 48 ans, elle n'a pas connu le fascisme et n'éprouve pas de nostalgie pour cette période. Cependant, elle a grandi dans cette culture autoritaire et, lorsqu’elle était dans l’opposition, elle adoptait des positions assez radicales. Elle a d’abord eu une approche antieuropéenne, puis s’est montrée très critique à l’égard de l’avortement, opposée au mariage homosexuel et aux rave parties, et en faveur d’un renforcement des prérogatives de la police.

Une fois au gouvernement, bloquée à l’extrême droite par la Ligue de Matteo Salvini, son partenaire de coalition, elle s’est en partie assouplie pour étendre son assiette électorale. Surtout, elle a choisi de s'adapter à la réalité, en particulier en politique étrangère.

Pourquoi ?

Meloni ne voulait pas répéter la mésaventure du premier gouvernement de Giuseppe Conte (2018-2019) avec le Mouvement 5 étoiles et la Ligue. Ces deux partis considéraient l'UE comme une contrainte inacceptable. Ils ont découvert à leurs dépens qu'un pays aussi endetté que l'Italie ne pouvait pas ignorer Bruxelles et les marchés financiers, et ils se sont effondrés. Meloni ne voulait pas non plus connaître le sort de la leader conservatrice britannique Liz Truss, qui n'a tenu que quelques semaines au pouvoir en 2022 pour n'avoir pas pris au sérieux ces mêmes marchés financiers.

Elle a adopté une approche plus réaliste vis-à-vis de l'UE, sans pour autant adhérer pleinement à ses valeurs. Elle est dans une sorte d'ambiguïté et il est difficile de prévoir si, sur le plan politique, elle repartira vers la droite ou poursuivra son cheminement vers le centre. Pour l'heure, c'est une politicienne d’extrême droite qui évolue vers un nouveau conservatisme. Je ne sais pas si elle y parviendra. En Italie, c'est possible, car le parti conservateur, Forza Italia, fondé par Sergio Berlusconi, s'est beaucoup affaibli. Il y a donc un énorme vide à combler.

Meloni a réussi à maintenir depuis près de trois ans une coalition entre la droite et l'extrême droite. Quelle est sa recette ?

Elle y est parvenue grâce à ses résultats électoraux. Son parti représente environ 27 à 30 % de l'électorat. Ni la Ligue ni Forza Italia ne peuvent la défier. Et c’est une politicienne habile. Elle a notamment su mettre à profit sa réputation internationale grandissante pour garder le contrôle de sa coalition. Aujourd'hui, elle dispose toujours d'un bon capital sympathie. Elle se présente comme une femme simple, une politicienne normale, une "outsider", qui parle avec un accent populaire romain. L'opposé de son prédécesseur Mario Draghi, qui possède une éducation et une expérience internationales. Meloni n'a pas de diplôme, ce sont ses qualités personnelles et son tempérament, affirmé et direct, qui ont séduit le public italien.

En cela, elle s'inscrit dans une culture populiste bien ancrée en Italie, qui a conduit le Mouvement 5 étoiles à gouverner, à partir de 2018, en tant que premier parti du pays. Ici, le malaise populiste se traduit plus facilement politiquement, alors qu'en France, il se manifeste surtout dans la rue.

Comment définiriez-vous sa ligne politique ?

Sur le plan économique, elle est pro-business, libérale sur certains sujets (impôts, simplification), mais peut être aussi favorable à l'intervention de l'État, par exemple pour réguler le secteur bancaire. Pour les questions sociétales, elle est très conservatrice en ce qui concerne l'ordre, la distinction claire entre les hommes et les femmes, et son opposition à toute forme de wokisme.

Son attention à la politique étrangère induit aussi une attention stricte aux dépenses. Du point de vue budgétaire, l'Italie est l'un des pays les plus stables d'Europe, beaucoup plus que la France. Elle bénéficie certes du "sale boulot" fait par Mario Monti (à la tête du gouvernement entre 2011 et 2013), puis par Mario Draghi (2021-2022) pour assainir les finances publiques et réformer le pays. Mais l'actuel ministre des Finances, Giancarlo Giorgetti, essaie d'en préserver les acquis. Résultat, l'écart entre l'Italie et l'Allemagne en matière de financement de la dette publique (le spread) se réduit.

A noter que nous n’avons pas le type de réactions hostiles que l’on observe dans votre pays, mais aussi ailleurs en Europe, par rapport aux tentatives de réduire les dépenses publiques. Il faut dire que l'opposition italienne est actuellement extrêmement faible.

Diriez-vous que Meloni est l'anti-Macron ?

Dans une certaine mesure, ils évoluent tous deux dans la même direction sur la scène européenne. Ils sont favorables à la Coalition des volontaires pour soutenir l'Ukraine, même si la France joue un rôle prédominant, en tant que puissance nucléaire membre du Conseil de sécurité de l'ONU, et si l'Italie s'oppose à l'idée d'envoyer des troupes italiennes sur le terrain.

Il n’en demeure pas moins que leurs personnalités sont opposées. Macron est un intellectuel sophistiqué, avec un solide ego issu de son passé d'élite technocratique. Meloni est plus flexible, plus rusée, dans la tradition italienne.

Pensez-vous qu'elle pourrait réaliser à l'échelle européenne ce qu'elle a réalisé en Italie : rassembler la droite et l'extrême droite dans une grande coalition ?

La seule façon pour elle de devenir une leader européenne est de s'intégrer dans le courant dominant, sans en faire non plus complètement partie. Si elle rejoint le Parti populaire européen [NDLR : PPE, l’alliance de droite et de centre droit à l’échelle du continent], elle essaiera de le changer de l’intérieur. Or, il se trouve qu’elle entretient des relations très positives avec Manfred Weber, son président au Parlement européen. A mon sens, la droitisation récente du PPE est déjà due à l’effet Meloni.

Si elle remporte les prochaines élections législatives de 2027 en Italie, Meloni deviendra une femme politique très influente. Il sera alors inévitable qu’elle transforme le PPE d’une manière ou d’une autre. La question est de savoir comment réagira sa faction "Merkel", plus centriste, si ce grand parti continue de se déplacer vers la droite.

Comment évaluez-vous son bilan en matière d’immigration ?

En Italie comme en France, l’immigration a été un sujet porteur pour bon nombre de politiciens. Une chose est de dire "Nous ne voulons pas de migrants" quand on est dans l’opposition, mais une fois au gouvernement, elle s’est focalisée sur l’immigration illégale et a ouvert la porte à une immigration choisie, dans une approche moins centrée sur la sécurité. Ce changement sera-t-il durable ? Il est trop tôt pour le dire.

© Getty Images via AFP

La Première ministre italienne Giorgia Meloni.
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Guerre en Ukraine : Donald Trump dit que Vladimir Poutine l’a "vraiment laissé tomber"

Moscou poursuit depuis des mois des actions offensives et gagne du terrain dans certaines régions de l’Ukraine, sous le regard impuissant de l'Occident. Plus de 700 000 militaires russes sont déployés sur "la ligne de contact", a affirmé ce jeudi 18 septembre Vladimir Poutine, tandis que Donald Trump a estimé que le président russe l’avait "vraiment laissé tomber".

Les infos à retenir

⇒ Donald Trump dit que Vladimir Poutine l’a "vraiment laissé tomber"

⇒ Vladimir Poutine affirme que plus de 700 000 militaires russes sont déployés sur le front

⇒ Le président Zelensky revendique une contre-offensive réussie dans l'est

Donald Trump dit que Vladimir Poutine l’a "vraiment laissé tomber"

Donald Trump a estimé ce jeudi que le président russe Vladimir Poutine, qui poursuit sa guerre en Ukraine malgré les efforts du président américain pour tenter de mettre fin au conflit, l’avait "vraiment laissé tomber". Le conflit "que je pensais être le plus facile à résoudre était" la guerre en Ukraine, "en raison de mes relations avec le président Poutine, mais il m’a laissé tomber. Il m’a vraiment laissé tomber", a déclaré Donald Trump lors d’une conférence de presse avec le Premier ministre britannique Keir Starmer.

Donald Trump est arrivé à la Maison-Blanche en promettant de mettre fin à la guerre en une journée, rejetant la responsabilité de l’invasion russe sur son prédécesseur Joe Biden et fustigeant les milliards de dollars d’aide américaine à l’Ukraine.

Vladimir Poutine affirme que plus de 700 000 militaires russes sont déployés sur le front

Plus de 700 000 militaires russes sont déployés sur "la ligne de contact" en Ukraine, où Moscou poursuit depuis des mois des actions offensives et gagne du terrain dans certains secteurs, a affirmé ce jeudi le président Vladimir Poutine lors d’une réunion avec des responsables parlementaires.

Depuis le lancement de son offensive à grande échelle contre l’Ukraine, il y a plus de trois ans et demi, Moscou a mobilisé d’énormes moyens humains et matériels, tout en subissant de lourdes pertes militaires, selon les estimations de médias indépendants.

Le président Zelensky revendique une contre-offensive réussie dans l'est

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé ce jeudi avoir rendu visite à des soldats dans la région de Donetsk (est), épicentre des combats contre les troupes de la Russie. La Russie, qui a lancé en 2022 une invasion à grande échelle de l’Ukraine, cherche à occuper l’ensemble de la région de Donetsk où ses troupes ne cessent d’avancer lentement, au prix de lourdes pertes selon les estimations de médias indépendants.

"J’ai rencontré nos soldats participant à la contre-offensive de Dobropillia", zone d’une récente percée russe, a-t-il annoncé sur les réseaux sociaux en assurant que l’armée ukrainienne avait "libéré 160 km2" dans cette zone. L'armée russe avait réalisé en août une rare percée des défenses ukrainiennes en direction de cette ville qui comptait 28 000 habitants avant la guerre. L'Ukraine avait alors dépêché des renforts pour combler la brèche.

La police ukrainienne a de son côté indiqué que cinq civils ont été tués jeudi matin dans une frappe russe dans la ville de Kostiantynivka, située elle aussi dans la région de Donetsk, à une quarantaine de kilomètres à vol d’oiseau de Dobropillia. Selon la police, deux femmes et trois hommes, âgés de 62 à 74 ans, ont été tués par un bombardement ayant touché la zone résidentielle de Kostiantynivka, pilonnée quotidiennement.

L’Ukraine frappe une nouvelle raffinerie en profondeur

Des drones ukrainiens ont attaqué jeudi une importante raffinerie située en Russie à environ 1 400 km du front dans la région du Bachkorstastan, causant un incendie, ont rapporté les autorités des deux pays. Une vague d’attaques ukrainiennes contre des sites similaires cet été a affecté la capacité industrielle de plusieurs d’entre eux, dont certaines raffineries parmi les plus importantes du pays, et fait fortement grimper en Russie les prix du carburant à la pompe.

Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont affirmé que leurs drones avaient touché le "coeur" d’une raffinerie de pétrole au Bachkortastan appartenant au grand groupe russe Gazprom. Des images présumées de l’incident, publiées sur les réseaux sociaux et non-autenthifiées par l’AFP, montrent un incendie et de la fumée noire s’élevant au-dessus d’un site industriel. Le responsable de cette région russe, Radiï Khabirov, a confirmé sur son compte Telegram que "deux drones" ukrainiens avaient attaqué cette raffinerie et entraîné un incendie.

Kiev dit avoir récupéré 1 000 nouveaux corps venant de Russie

L’Ukraine a annoncé jeudi avoir récupéré 1 000 nouveaux corps remis par la Russie, qui les présente comme ceux de soldats ukrainiens tués au combat, après plusieurs autres échanges du même type ces derniers mois. "Un millier de corps, qui selon la partie russe appartiennent à des militaires ukrainiens, ont été rapatriés en Ukraine", a indiqué sur Telegram le Centre gouvernemental ukrainien pour les prisonniers de guerre. Les autorités ukrainiennes restent généralement prudentes sur l’identité des dépouilles rapatriées, avant leur identification formelle.

Selon le correspondant de guerre russe Alexandre Kots sur Telegram, la Russie a récupéré de son côté 24 corps de ses soldats tués remis par l’Ukraine.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska, le 15 août 2025
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France - Royaume-Uni : les débuts très poussifs de l’accord migratoire entre Paris et Londres

La mise en pratique du programme surnommé "one in, one out" (une entrée, une sortie) semble plus périlleuse que prévu. Depuis son entrée en vigueur en août dernier, l’accord migratoire entre la France et le Royaume-Uni, pour lutter contre les traversées de la Manche à bord de canots pneumatiques de fortune, est au point mort.

Concrètement, le texte prévoit le retour en France de migrants arrivés à bord de petites embarcations au Royaume-Uni, en échange de l’envoi outre-Manche de migrants se trouvant en France, et qui auraient déposé une demande en ligne pour s’installer au Royaume-Uni. Mais dans les faits, l’accord a du mal à se concrétiser.

"Sans succès"

Selon plusieurs médias britanniques, deux avions qui devaient acheminer des migrants vers la France, dont l’un partant de l’aéroport londonien de Heathrow mardi 16 septembre à 9 heures, ont décollé sans aucun migrant à leur bord. "Les premiers migrants identifiés ont reçu des avis d’expulsion du territoire la semaine dernière, assortis d’un préavis de cinq jours, rapporte The Daily Telegraph. Le ministère de l’Intérieur avait prévu le renvoi de ces personnes arrivées par la Manche sur des vols commerciaux de la compagnie Air France tous les jours de cette semaine, pour le moment sans succès", poursuit le journal.

Un premier migrant a toutefois fini par être expulsé du Royaume-Uni vers la France ce jeudi 18 septembre, dans le cadre de l’accord migratoire a annoncé le ministère britannique de l’Intérieur. L’homme, d’origine indienne selon une source gouvernementale française, est arrivé en France dans la matinée à bord d’un vol commercial. Il était entré au Royaume-Uni en août en traversant la Manche à bord d’un petit bateau.

Blocage de la Haute Cour de Londres

Selon un bilan de l’Agence France Presse réalisé à partir de chiffres officiels, près de 31 000 personnes sont arrivées sur les côtes britanniques après avoir traversé la Manche depuis début janvier, un chiffre record. En outre, depuis début août, le Royaume-Uni a commencé à placer en détention des migrants dans le cadre de l’accord avec la France, très critiqué par les ONG. Selon le journal The Guardian, 92 personnes sont détenues en attendant leur renvoi en France.

Le gouvernement britannique a assuré mercredi que l’accord permettant au Royaume-Uni de renvoyer des migrants vers la France irait "de l’avant", assurant que les premiers renvois interviendraient cette semaine. Le gouvernement britannique a par ailleurs annoncé son intention de faire appel d’une décision de justice bloquant l’expulsion d’un Erythréen. La Haute Cour de Londres a en effet temporairement bloqué mardi l’expulsion en France d’un migrant érythréen, qui devait être renvoyé en France par avion mercredi matin. Cet homme de 25 ans, victime selon son avocate de trafic d’êtres humains, est le premier à contester en justice son expulsion. "Cette décision est un coup dur pour le gouvernement, car de nombreuses personnes concernées par le programme pilote risquent d’être des victimes de trafic", observe The Gardian.

"Tentatives de dernière minute"

"Il va y avoir toutes sortes de recours pour mettre à l’épreuve le nouvel accord et ses fondements", a déclaré de son côté Pierre Makhlouf, de l’association Bail for Immigration Detainees (BID), à l’AFP. Et d’ajouter : "Il est sans doute prématuré de penser que les expulsions auront lieu cette semaine." The Daily Telegraph, journal conservateur, juge ainsi que les recours déposés en justice par les avocats des demandeurs d’asile provoquent des lenteurs dans la mise en œuvre du programme. "Ces procédures rappellent celles entreprises à l’époque du ‘plan Rwanda’ imaginé par la précédente majorité conservatrice, souligne le quotidien londonien. Mais cette fois-ci, les contestations portent sur des cas individuels plutôt que sur la politique dans son entièreté."

La ministre de l’Intérieur Shabana Mahmood a ainsi promis de lutter contre les "tentatives de dernière minute destinées à empêcher un renvoi", qu’elle a qualifiées d'"intolérables". Dans la matinée, la ministre de la Technologie, Liz Kendall, s’exprimant au nom du gouvernement, avait affirmé que la décision de la Haute Cour n’allait pas "compromettre les fondements de cet accord". Dans un contexte de montée du parti d’extrême droite Reform UK dans les sondages, le gouvernement travailliste de Keir Starmer est sous pression pour endiguer le phénomène migratoire. "Alors que 100 000 personnes ont défilé à Londres le 13 septembre (à l’appel de l’extrême droite), ce retard à l’allumage risque fort d’alimenter les tensions au sujet de l’immigration", prévient l’hebdomadaire The Spectator.

© afp.com/Sameer Al-DOUMY

Des migrants à bord d'un bateau de passeurs pour tenter de traverser la Manche jusqu'au Royaume-Uni, sur la plage de Gravelines, près de Dunkerque, dans le nord de la France, le 26 avril 2024
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Fermeture de la frontière polonaise : une menace sur le commerce entre l'UE et la Chine ?

Jusque-là relativement épargnée par les répercussions de la guerre en Ukraine, la Chine commence à sentir les effets du conflit. Mardi 9 septembre, Varsovie a annoncé la fermeture de sa frontière avec la Biélorussie, en réponse aux manœuvres militaires communes russo-bélarusses prévues du 12 au 16 septembre. Cette fermeture totale a interrompu tout trafic ferroviaire et routier, affectant directement une portion cruciale du fret chinois terrestre destiné à l’Union européenne (UE). Le grand nœud ferroviaire de Małaszewicze, à l’est de la Pologne, est notamment concerné.

Ce corridor représente 90 % du fret ferroviaire entre la Chine et l’UE, soit une valeur de 25 milliards d’euros par an. "Sur cette route, le volume de fret a augmenté de 10,6 % en 2024, tandis que la valeur des marchandises a bondi de près de 85 % pour atteindre 25,07 milliards d’euros", expliquent nos confrères de Politico. Ce passage stratégique est devenu un pilier pour les géants du e-commerce tels que Temu et Shein, tout en servant les intérêts des entreprises polonaises. Son avantage ? Les marchandises qui empruntent cette voie ferrée mettent environ deux semaines à rallier l’Europe depuis la Chine, contre plus d’un mois par voie maritime, rapportent Les Echos.

A noter que la compagnie publique PKP Cargo a assuré pouvoir absorber de courts retards, tout en avertissant qu’une fermeture prolongée obligerait à détourner le commerce vers le sud, via le Kazakhstan, la mer Caspienne et la mer Noire, avant de rallier l’Europe du Sud ou la Turquie. Une perspective d’autant plus embarrassante que la décision polonaise intervient à peine une semaine après le lancement très symbolique du premier train Varsovie-Chine, censé consacrer la Pologne comme plaque tournante du fret en Europe.

"La circulation sera rétablie une fois la frontière totalement sécurisée"

Mais cet élan a été brutalement stoppé. Car si les exercices militaires russo-bélarusses ont pris fin, Varsovie maintient sa frontière close, au nom de la sécurité nationale. "La circulation sera rétablie une fois la frontière totalement sécurisée", a prévenu Pawel Wronski, porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, tout en insistant : cette mesure n’a pas vocation à frapper les partenaires commerciaux.

"La partie chinoise a reçu toutes les informations à ce sujet", a indiqué, lundi 15 septembre, à la presse, le porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, à l’issue d’une rencontre des chefs de diplomatie chinois et polonais, Wang Yi et Radoslaw Sikorski. "Ce n’est pas une décision visant à frapper quiconque parmi les partenaires qui transportent des marchandises", mais "des manœuvres avec un scénario très agressif se déroulent actuellement au Bélarus", a renchéri le porte-parole polonais Pawel Wronski.

"Un projet phare"

De son côté, Pékin avait déjà rappelé, avant même la rencontre des ministres, que le train express Chine-Europe constituait un "projet phare" de sa coopération avec la Pologne et l’UE. A noter qu'une fermeture prolongée inquiète particulièrement les provinces occidentales et enclavées de Chine, très dépendantes des liaisons ferroviaires faute d’accès direct aux ports maritimes. "La fermeture est plus importante pour ces régions, mais la situation n’est pas critique pour autant", nuance toutefois Konrad Popławski, économiste au Centre d’études orientales de Varsovie, cité par Politico.

Mais la portée de cette décision dépasse largement le seul cadre sino-polonais. Elle s’inscrit aussi dans une rivalité stratégique plus vaste, où d’autres acteurs trouvent leur compte. "Il y a les Etats-Unis, qui, selon moi, se réjouissent au moins temporairement de cette fermeture, car elle accentue la pression sur la Chine en matière de commerce de pétrole et de gaz russes", analyse Piotr Krawczyk, ancien directeur de l’Agence polonaise de renseignement extérieur, cité également par Politico.

Reste à savoir ce que va faire Pékin sur la scène diplomatique. Jusqu’ici, la Chine s’est contentée d’appels au respect de l’intégrité territoriale et à l’ouverture de pourparlers de paix, sans jamais condamner Moscou, renforçant même ses liens économiques et militaires avec la Russie. Mais face à l’impact économique direct de la fermeture polonaise sur ses chaînes d’approvisionnement européennes, Pékin sera-t-il contraint d’adopter une position plus affirmée dans le conflit ukrainien ?

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

La fermeture de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie interrompt tout trafic ferroviaire et routier, affectant directement une portion cruciale du fret chinois terrestre destiné à l’Union européenne.
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Les gaz à effet de serre sont dangereux pour la santé, n'en déplaise à Donald Trump

Des scientifiques de renom tirent la sonnette d’alarme : les gaz à effet de serre ne sont plus une hypothèse, mais une menace avérée pour la santé humaine et le bien-être public. Mercredi 17 septembre, les Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine ont publié un rapport majeur, compilant les preuves les plus solides à ce jour sur les effets délétères du dioxyde de carbone, du méthane et d’autres gaz responsables du réchauffement climatique. Ce document de 136 pages, rédigé par une vingtaine d’experts, confirme que la constatation de danger initiale de 2009, connue sous le nom d’"Endangerment Finding", reste exacte et "a résisté à l’épreuve du temps".

Le rapport souligne que de multiples sources de données montrent désormais que les activités humaines, telles que la combustion de combustibles fossiles et la déforestation, produisent des gaz à effet de serre qui réchauffent la planète, et que le changement climatique exacerbe divers risques sanitaires, tels que les vagues de chaleur intenses et l'augmentation de la fumée des feux de forêt. "Nous espérons que les éléments résumés ici démontrent la solidité des données scientifiques disponibles pour éclairer une prise de décision éclairée", a déclaré dans un communiqué Shirley Tilghman, professeure émérite de biologie moléculaire et d'affaires publiques et ancienne présidente de l'Université de Princeton.

Mais cette publication intervient dans un contexte politique particulièrement tendu. Sous l’administration Trump,l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a été largement dépouillée. Sous les conseils d'Elon Musk et de sa commission pour l’efficacité gouvernementale (Doge), l’Etat a retiré plus de 20 milliards de dollars à l’agence. Plusieurs projets jugés trop "inclusifs", conçus pour protéger les populations les plus exposées aux effets du réchauffement climatique, ont été brutalement interrompus. Parmi eux, la National Nature Assessment, vaste évaluation de la biodiversité américaine lancée en 2022, a été stoppée sur ordre présidentiel, alors que plus de 180 chercheurs et une quinzaine d’agences y contribuaient.

"Raisonnements erronés"

Aujourd’hui présidée par Lee Zeldin, fidèle de la cause trumpiste, avocat de formation et ancien représentant républicain, l’EPA cherche à annuler la décision de 2009, arguant que les régulations sur les gaz à effet de serre freinent l’économie américaine et que les recherches ultérieures auraient "jeté un doute important" sur sa validité. Lee Zeldin l'affirme : ces normes reposeraient sur des "raisonnements erronés" et entraveraient le développement industriel.

Pourtant, depuis 2009, cette constatation de danger constitue le socle de nombreuses régulations fédérales, fixant des limites aux émissions des voitures, des centrales électriques et d’autres industries polluantes. Elle demeure un outil essentiel pour que les Etats-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial, puissent agir contre le dérèglement climatique. Pour les scientifiques, toute tentative de démanteler ces règles irait directement à l’encontre de la science et de l’intérêt public.

Plus de 1 000 scientifiques et experts ont riposté, mardi 16 septembre, dans une lettre publique, dénonçant une tentative flagrante de discréditer la science et d’affaiblir des régulations essentielles. "Nous pouvons attester des preuves scientifiques incontestables du changement climatique causé par l’homme, de ses effets néfastes sur la santé et le bien-être des populations, et des coûts dévastateurs qu’il engendre", écrivent-ils. Ils s’en prennent également à un rapport récent du ministère de l’Energie, qu’ils jugent "inexact et contradictoire", et qui viserait à justifier les actions de l’administration Trump.

Le débat se joue également au Congrès. Certains républicains, comme le représentant James Comer du Kentucky, critiquent le rapport des Académies nationales, accusant les scientifiques de partialité et de précipitation, et affirmant que la décision s’inscrit dans un "acte partisan flagrant visant à affaiblir l’administration Trump". A noter que les Académies nationales des sciences, de l'ingénierie et de la médecine (NASMC) sont un organisme non gouvernemental fondé en 1863 par Abraham Lincoln pour conseiller la nation sur les questions scientifiques et médicales. "Cet organisme influent publie environ 200 rapports par an sur des sujets variés, de la physique des particules à la neurobiologie, et ses membres sont élus chaque année", souligne le New York Times. En espérant que cela continue.

© afp.com/DAVID MCNEW

Mercredi 18 septembre, les Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine ont publié un rapport qui confirme es effets délétères du dioxyde de carbone, du méthane et d’autres gaz responsables du réchauffement climatique.
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Donald Trump désigne le mouvement "Antifa" comme organisation "terroriste"

Donald Trump a annoncé mercredi 17 septembre la désignation du mouvement "Antifa", un terme générique qui désigne des groupes d'extrême gauche se réclamant de l'antifascisme, comme organisation "terroriste", une semaine après l'assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

"J'ai le plaisir d'informer nos nombreux patriotes américains que je désigne 'ANTIFA', UNE CATASTROPHE DE LA GAUCHE RADICALE, MALADE ET DANGEREUSE, COMME ORGANISATION TERRORISTE", a déclaré le président américain sur son réseau Truth Social, usant de majuscules à son habitude. "Je recommanderai également avec force que les personnes finançant 'ANTIFA' fassent l'objet d'une enquête approfondie, conformément aux normes et pratiques juridiques les plus strictes", a également déclaré Donald Trump, qui se trouve actuellement au Royaume-Uni pour une visite d'Etat.

Une possibilité déjà évoquée en 2020

En 2020, au cours de son premier mandat, Donald Trump avait déjà évoqué la possibilité de désigner le mouvement comme organisation "terroriste". Les Etats-Unis étaient alors secoués par des manifestations parfois violentes, à la suite de la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé par un policier blanc à Minneapolis. La Maison-Blanche n'a pas immédiatement détaillé la mise en place de cette désignation. Les Etats-Unis n'ont à ce jour aucune liste d'"organisations terroristes nationales".

Le mouvement Antifa s'apparente davantage à une mouvance qu'à un groupe organisé. Dépourvu de dirigeants, comme d'une structure formelle, il désigne plutôt des groupes informels fonctionnant de façon indépendante, selon l'historien américain Mark Bray, auteur d'un livre de référence sur le sujet.

"Pas un groupe mais une idéologie", selon l'ancien directeur du FBI

Tout en reconnaissant que la mouvance représentait un sujet de préoccupation pour l'ordre public, l'ancien directeur du FBI, Chris Wray estimait en 2020 qu'elle n'était "pas un groupe ou une organisation, mais une idéologie".

Ses membres, souvent entièrement vêtus de noir, dénoncent le racisme, les valeurs d'extrême droite et ce qu'ils considèrent comme du fascisme, et estiment que des actions violentes sont parfois justifiées.

Le mouvement Antifa est apparu aux Etats-Unis après l'élection de Donald Trump en 2016, notamment après une manifestation d'extrême droite à Charlottesville (Virginie), en août 2017. Une voiture avait percuté un groupe de militants antiracistes venus tenir tête aux groupsucules d'extrême droite. Une personne avait été tuée et une vingtaine d'autres blessées.

Tyler Robinson présenté par une large partie de la droite comme un tueur d'"extrême gauche"

La Maison-Blanche avait annoncé en début de semaine son intention de réprimer ce qu'elle qualifie de "terrorisme intérieur" de gauche après l'assassinat de Charlie Kirk. Tyler Robinson, le suspect de cet assassinat, est présenté par une large partie de la droite comme un tueur d'"extrême gauche", car il avait dénoncé auprès de ses proches la "haine" véhiculée selon lui par Charlie Kirk et a utilisé des munitions gravées d'inscription à tonalité antifasciste. Il a été formellement inculpé mardi par les autorités qui ont requis la peine capitale contre lui.

Figure de la droite américaine âgée de 31 ans, Charlie Kirk utilisait ses millions d'abonnés sur les réseaux sociaux et ses interventions dans les universités pour défendre Donald Trump auprès de la jeunesse et diffuser ses idées nationalistes, chrétiennes et traditionalistes sur la famille.

© afp.com/Kevin Dietsch

Le président américain Donald Trump répond aux questions des journalistes dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 15 septembre 2025
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Etats-Unis : pourquoi la Fed a fini par baisser ses taux, comme le voulait Donald Trump

La Réserve fédérale américaine (Fed) a abaissé, mercredi 17 septembre, ses taux d’intérêt pour la première fois de l’année. La réduction, limitée à un quart de point de pourcentage, place les taux directeurs entre 4 % et 4,25 %. Un geste jugé trop timide par Stephan Miran, nouveau gouverneur de l’institution, nommé par Donald Trump. Une courte majorité des responsables de la Fed envisage néanmoins deux nouvelles baisses d’ici la fin de l’année.

Depuis plusieurs mois, la banque centrale subit la pression du président américain, qui réclame des taux plus bas afin de soutenir l’économie. Donald Trump reproche à la Fed d’avoir tardé à assouplir sa politique monétaire et a récemment placé l’un de ses fidèles au conseil des gouverneurs. Il tente par ailleurs de démettre une gouverneure, une procédure actuellement devant la justice. Face à ces attaques, le président de la Fed, Jerome Powell, s’est efforcé de recentrer le débat sur l’économie. "La Réserve fédérale a eu raison d’attendre", a-t-il martelé lors de sa conférence de presse, alors même que Donald Trump le surnomme désormais "Trop tard".

Le tournant est survenu en août, lors du symposium de Jackson Hole, dans le Wyoming où Jerome Powell avait évoqué un marché du travail en "étrange équilibre", annonçant implicitement une baisse à venir. Selon lui, une détérioration rapide de l’emploi pourrait provoquer une vague de licenciements et un rebond du chômage. Cette prise de position intervenait dans un climat tendu : Donald Trump avait publiquement envisagé de le révoquer et une gouverneur avait démissionné de façon inattendue. Mais Jerome Powell tente en apparence de rester hermétique à ces turbulences, préférant dérouler les raisons économiques plutôt que politiques lors de sa conférence de presse : "Les indicateurs récents suggèrent que la croissance de l’activité économique s’est modérée."

La Fed joue les équilibristes

En effet, plusieurs indicateurs ont jeté un voile noir sur l’économie américaine : en août dernier, le taux de chômage est remonté à 4,3 % sur fond de stagnation des embauches, tandis qu’une révision statistique a révélé que les créations d’emplois des derniers mois avaient été largement surestimées. Le marché immobilier, affaibli par des taux d’emprunt élevés, accentue encore la pression.

Cette baisse de taux illustre l’équilibre précaire que la Fed doit maintenir. Depuis 1977, son mandat est double : garantir la stabilité des prix et favoriser le plein-emploi. Or, les politiques commerciales et migratoires de l’administration Trump compliquent la donne. D’un côté, l’inflation reste élevée, alimentée par la flambée post-pandémie et les droits de douane imposés sur de nombreuses importations. De l’autre, le marché du travail s’affaiblit. "La Fed se retrouve dans une position délicate : réduire trop vite les taux risquerait de relancer l’inflation, mais ne rien faire pourrait aggraver le chômage", analyse Bloomberg.

Jerome Powell s’est gardé d’évoquer l’indépendance de la Fed, alors que Donald Trump n’a jamais caché sa volonté de contrôler l’institution. "Nous affirmons toujours que nous ne suivons pas une trajectoire prédéfinie, et nous le pensons vraiment", a insisté Jerome Powell. Une prudence stratégique, selon le New York Times, destinée à éviter un affrontement frontal avec un président coutumier des attaques publiques. "Il est difficile de remettre en question leur stratégie, car Donald Trump est un champion incontesté de la confrontation publique ouverte", a déclaré dans le quotidien américain Peter Conti-Brown, professeur à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie. Mais "nous sommes sur le fil du rasoir et beaucoup dépend de la pertinence de leur stratégie", a-t-il ajouté.

Une nouvelle détente à venir ?

Professeur d’économie à l’université Cornell, Ryan Chahrour trouve "surprenant" que la banque centrale ait baissé ses taux maintenant, tant l’inflation résiste. Il s’attendait à ce que des responsables préfèrent laisser les taux inchangés mais pense que l’unité affichée au bout du compte (à l’exception de Stephen Miran) envoie un message à l’extérieur. "Ils ne veulent pas rendre la situation encore plus confuse en paraissant divisés. Se montrer unis devrait leur permettre de moins sentir la pression politique à l’avenir", a-t-il estimé auprès de l’AFP. L’abaissement des taux de la Fed s’imposait "pour essayer d’éviter de nouveaux licenciements dans cette économie" en perte de vitesse, considère de son côté Heather Long, de la banque Navy Federal Credit Union.

"De nombreux Américains des classes moyennes et populaires attendent avec impatience de pouvoir emprunter moins cher", relève aussi l’économiste dans une note, citant les coûts liés aux cartes de crédit, aux prêts automobiles et immobiliers, mais aussi les prêts des petites entreprises. Selon la médiane des prévisions des responsables de la Fed, deux baisses de taux supplémentaires pourraient encore intervenir en 2025, ce qui impliquerait une nouvelle détente à chacune des réunions programmées d’ici la fin de l’année.

© afp.com/Jim WATSON

Le président de la Fed Jerome Powell affirme ne pas suivre "une trajectoire prédéfinie", sans évoquer les pressions du président américain.
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Gaza : Emmanuel Macron affirme qu’Israël est en train de "détruire totalement" sa "crédibilité"

A pied, à vélo où à bord de véhicules, les Palestiniens fuient en nombre la ville de Gaza, cible depuis mardi d’une offensive majeure de l’armée israélienne, dont les bombardements ont fait mercredi des dizaines de morts à travers le territoire. L’Etat hébreu a annoncé hier l’ouverture jusqu’à vendredi matin d’un nouveau passage pour permettre aux habitants de quitter la plus grande ville du territoire palestinien. Déterminé à éliminer ses ennemis où qu’ils se trouvent, Israël a aussi mené ces derniers jours des frappes aériennes contre le Hezbollah au Liban, les rebelles houthis au Yémen et des dirigeants du Hamas au Qatar. Mercredi toutefois, l’un des principaux chefs du mouvement palestinien, ciblé par la frappe israélienne à Doha, a refait surface pour un entretien en direct sur la chaîne qatarie Al Jazeera.

Les infos à retenir

⇒ L’armée israélienne bombarde le nord de Gaza, quatre soldats tués dans le sud

⇒ Emmanuel Macron affirme qu’Israël est en train de "détruire totalement" sa "crédibilité"

⇒ Les hôpitaux de Gaza sont "au bord de l’effondrement", alerte le chef de l’OMS

Gaza : l’armée israélienne bombarde le nord, quatre soldats tués dans le sud

Israël a mené jeudi d’intenses bombardements sur Gaza-ville, cible d’une offensive terrestre majeure, provoquant de nouveaux déplacements de la population vers le sud où sont morts quatre soldats israéliens selon l’armée. La route côtière longeant la bande de Gaza est saturée de personnes fuyant vers le sud, à pied, en voiture ou sur des charrettes tirées par des ânes, leurs affaires entassées à la hâte, rapportent des journalistes de l’AFP sur place.

Fort du soutien américain, Israël a annoncé le début mardi d’une campagne militaire terrestre et aérienne à Gaza-ville, dans le nord du territoire palestinien, pour y anéantir le Hamas, dont l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.

Emmanuel Macron affirme qu’Israël est en train de "détruire totalement" sa "crédibilité"

Emmanuel Macron a affirmé jeudi, dans une interview à une télévision israélienne, qu’Israël était en train de "détruire totalement" son "image et sa crédibilité" dans l’opinion publique mondiale, en raison des victimes civiles à Gaza. "Israël a obtenu des résultats uniques en termes de sécurité", "mais mener ce genre d’opérations à Gaza est totalement contreproductif et, je dois le dire, c’est un échec", a dit le président français à la chaîne 12.

Emmanuel Macron a également défendu sa décision de reconnaître un Etat palestinien, assurant qu’il s’agit de "la meilleure manière d’isoler le Hamas" dans le cadre du plan porté par la France à l'ONU. Interrogé par la chaîne 12, le président français a aussi reconnu qu’il avait voulu se rendre en Israël en amont de la réunion de la semaine prochaine à New York pour expliquer sa position, avant que les autorités israéliennes refusent sa venue. Il a ajouté vouloir continuer à "travailler" avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Gaza : l’armée israélienne recommande de suspendre l’aide en provenance de Jordanie après l’attaque d’Allenby

L’armée a recommandé jeudi soir aux autorités israéliennes de suspendre l’aide en provenance de Jordanie à destination de Gaza après l’attaque ayant fait deux morts dans l’après-midi au point de passage d’Allenby entre la Cisjordanie occupée et la Jordanie. "En raison de [cette] attaque […] le chef d’état-major […] a conseillé à l’échelon politique de suspendre l’entrée de l’aide humanitaire en provenance de Jordanie jusqu’à la fin de l’enquête sur l’incident et la mise en oeuvre de procédures de contrôle revues pour les chauffeurs jordaniens", indique un communiqué militaire.

Deux personnes ont été tuées par balles jeudi par un assaillant ayant ouvert le feu du côté du point de passage du pont Allenby tenu par Israël, selon les autorités israéliennes. La Jordanie a condamné l’attentat et indiqué que son auteur était un Jordanien conduisant un camion d’aide humanitaire pour la bande de Gaza.

Gaza : les hôpitaux sont "au bord de l’effondrement", alerte le chef de l’OMS

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alerté jeudi sur l’offensive majeure de l’armée israélienne dans le nord de Gaza, affirmant que les hôpitaux sont "au bord de l’effondrement". "Les blessés et les personnes handicapées ne peuvent se mettre en sécurité, ce qui met leur vie en grave danger. Les hôpitaux, déjà débordés, sont au bord de l’effondrement alors que l’escalade de la violence bloque l’accès et empêche l’OMS d’acheminer des fournitures vitales", a déploré Tedros Adhanom Ghebreyesus, sur le réseau social X.

Israël : un fourgon militaire caillassé par des ultra-orthodoxes après l’arrestation de déserteurs

Un fourgon militaire transportant des déserteurs juifs ultra-orthodoxes, arrêtés par l’armée israélienne pour être conduits en prison, a été pris pour cible par des manifestants ultra-orthodoxes dans la nuit, ont indiqué l’armée et la radio militaire. Des milliers d’appels à la conscription ont été envoyés ces derniers mois à des juifs ultra-orthodoxes, jusque-là largement exemptés de service militaire.

"Plusieurs insoumis ont été arrêtés, jugés dans le cadre d’une procédure disciplinaire et envoyés en détention", a indiqué l’armée dans un communiqué mercredi soir. "Alors qu’ils étaient en route vers la prison militaire […] plusieurs manifestants ont jeté des pierres et pulvérisé du gaz lacrymogène en direction du véhicule", a indiqué l’armée, précisant qu’un des détenus avait réussi à s’échapper.

Des discussions visant à modifier le texte de loi sur la conscription s’intensifient ces derniers mois, mettant le gouvernement sous pression. Les deux partis ultra-orthodoxes ont quitté le gouvernement et attendent qu’une loi pérennisant l’exemption soit votée par le gouvernement.

L’Espagne va enquêter sur des "violations des droits humains" à Gaza

L’Espagne va enquêter sur des "violations des droits humains à Gaza" pour coopérer avec la CPI, a annoncé jeudi le procureur général, plus haut magistrat du parquet dans le pays. "Le procureur général de l’Etat a publié un décret décidant la création d’une équipe de travail chargée d’enquêter sur les violations du droit international des droits humains à Gaza", a indiqué ce parquet dans un communiqué, afin de "recueillir des preuves et de les mettre à disposition de l’organe compétent, respectant ainsi les obligations de l’Espagne en matière de coopération internationale et de droits humains".

La Syrie et Israël vont conclure des accords avant la fin de l’année

La Syrie et Israël, techniquement en état de guerre, vont conclure "plusieurs accords" de sécurité d’ici la fin de l’année, a déclaré jeudi à l’AFP une source au ministère des Affaires étrangères à Damas. "Il y a des progrès dans les négociations avec Israël. Il y aura plusieurs accords avant la fin de l’année, en premier lieu des accords militaires et de sécurité", a précisé cette source qui a requis l’anonymat.

Depuis la prise du pouvoir en décembre par une coalition islamiste, les deux pays ont amorcé un dialogue et le président par intérim Ahmed al-Chareh a affirmé la semaine dernière que les négociations avaient pour but de parvenir à un accord de sécurité.

La source a précisé que les deux pays voulaient d’abord parvenir à "un accord qui mettrait un terme aux actions militaires en Syrie". Depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre 2024, Israël a mené des centaines de frappes contre des positions militaires en Syrie. L’armée israélienne a également pénétré dans la zone tampon démilitarisée du Golan, à la lisière de la partie du plateau syrien occupée par Israël, et ses forces effectuent régulièrement des incursions dans le sud de la Syrie où ses troupes occupent des positions.

L’un des principaux dirigeants du Hamas apparaît à la télévision après la frappe israélienne au Qatar

Ghazi Hamad, un des principaux dirigeants du Hamas, est apparu mercredi soir pour un entretien diffusé en direct sur la chaîne qatarie Al Jazeera, devenant le premier haut responsable du mouvement islamiste palestinien à refaire surface depuis l’attaque israélienne sur Doha le 9 septembre.

Dans cet entretien, Ghazi Hamad donne sa version de l’attaque à laquelle il a survécu. Ce jour-là, "nous étions en réunion, la délégation des négociateurs et quelques-uns de nos frères [du Hamas et] nous avions commencé à étudier la proposition […] américaine" de cessez-le-feu à Gaza, a-t-il dit. Moins d’une heure [plus tard] nous avons entendu le bruit d’un gros bombardement" [et] nous sommes partis rapidement parce que nous savions sans l’ombre d’un doute qu’il s’agissait d’une attaque ciblée israélienne". "Les roquettes se sont abattues successivement, sans pause : environ 12 missiles en moins d’une minute", a-t-il encore déclaré.

Selon des sources proches du Hamas, cinq autres dirigeants du mouvement se trouvaient avec Ghazi Hamad à Doha dans le bâtiment visé par Israël au moment de la frappe.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le président français Emmanuel Macron au palais de l'Elysée à Paris, le 14 juillet 2025
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Giorgia Meloni ou la rigueur discrète, par Eric Chol

Les mauvaises langues assurent qu’elle a eu de la chance. Que ses prédécesseurs avaient déjà largement entamé le travail d’assainissement des comptes publics. Que la présidente du conseil italien peut dire merci à l’Europe, qui octroie à son pays une manne financière non négligeable pour moderniser ses infrastructures. Qu’elle s’est jusqu’à présent bien gardée de s’attaquer aux réformes structurelles.

Tout ceci est sans doute vrai. Mais tous ces bémols ne retirent rien aux prouesses budgétaires de notre voisin italien, très longtemps considéré comme l’homme malade de l’Europe. Non seulement l’Italie est parvenue à se défaire de cette image - en refilant au passage le mistigri à la France, où le coût de l’emprunt à 10 ans dépasse désormais celui pratiqué à Rome - mais elle a également rétabli la confiance des investisseurs. Ce n’est pas un hasard si Giorgia Meloni, perçue hier comme l’incarnation du danger populiste, a été désignée en décembre 2024 comme "la personnalité la plus puissante de l’Europe" par Politico. Ou si son grand argentier, Giancarlo Giorgetti, un des piliers de la Ligue aux côtés de Matteo Salvini, a été élu "ministre des Finances de l’année" par la très sérieuse revue britannique The Banker.

Le déficit divisé par deux l’espace d’un an

Côté chiffres, le bilan du gouvernement Meloni étincelle, au point de susciter des jalousies hexagonales. Le déficit public ? Divisé par deux l’espace d’un an, il frôle presque la barre des 3 % du PIB, un objectif que la France ne cesse de reculer dans un avenir toujours plus lointain. La dette ? Elle reste certes dantesque – 135 % du PIB contre 114 % pour la France - mais elle a reculé de 20 points depuis l’arrivée de Meloni au Palais Chigi. Et ce n’est pas tout. L’Italie est le seul pays du G7 à avoir engrangé en 2024 un excédent primaire du budget (recettes supérieures aux dépenses, avant la prise en compte des charges d’intérêt), symbole d’une gestion rigoureuse des deniers publics. Au passage, la dette, en valeur absolue, n’occupe plus la première place du podium de l’Union européenne, laissée à la France avec son fardeau de 3 345 milliards d’euros de dette.

"Mais comment font-ils ?", peut se demander le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu, chargé de sortir la France de son impasse budgétaire. Ni recette magique, ni vidéo sur YouTube ou grande conférence de presse pour avertir les Italiens du précipice financier qui les guetterait, ni même une frénésie fiscale endiablée, comme celle à laquelle se livrent ces derniers jours les socialistes Français. Mais du pragmatisme, un peu d’humilité et surtout une bonne dose de rigueur discrète. "Giorgia Meloni, bien conseillée par Mario Draghi, a compris qu’elle ne dispose que de très peu de marge de manœuvre, relève Lorenzo Gazzoletti, directeur général à Paris de Richelieu Invest. Résultat, son gouvernement évite les erreurs économiques et la déstabilisation, ce qui procure de la confiance et permet aux consommateurs de consommer et aux entreprises d’investir". En clair, Meloni rassure, et l’Italie assure. Ça paraît simple, non ?

© Mercedes Debellard

Très longtemps considéré comme l’homme malade de l’Europe, l’Italie réalise de vraies prouesses budgétaires.
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Pourquoi le référendum de 2005 hante encore la politique française

Sur les marches de l’opéra Garnier, sur l’autoroute à Chalon-sur-Saône, ou encore au péage de l’A63 près de Biarritz. Ce 15 décembre 2018, les mêmes scènes se rejouent partout en France : des manifestants en colère, qui bravent le froid et la pluie, bloquent les routes, scandent des slogans, et portent tous le même vêtement devenu un symbole : le gilet jaune.

C’est l’acte 5 de ce mouvement social historique. 33 500 personnes ont manifesté ce jour-là selon le ministère de l’Intérieur. C’est un peu moins que les semaines précédentes, mais la colère, elle, ne retombe pas. Et les annonces d’Emmanuel Macron, cinq jours auparavant, n’ont rien apaisé, bien au contraire.

Des réclamations concrètes commencent à se faire entendre. Plus d’un mois après les premiers rassemblements, un nouveau mot apparaît sur les pancartes, un mot qu’on a déjà évoqué dans un précédent épisode cette semaine : le RIC.

Le besoin de démocratie directe éclate au grand jour. Et si les manifestants proposent de nouveaux outils pour participer au processus décisionnaire, c’est parce que le dernier référendum "classique" ne leur a pas laissé de très bons souvenirs.

J’ai d’ailleurs retrouvé dans les pages de L’Express une analyse intéressante à ce sujet. C’est une interview du politologue et sondeur Jérôme Sainte-Marie, qui date de novembre 2018. En pleine crise des gilets jaunes, il distingue trois caractéristiques aux sympathisants du mouvement : ce sont souvent des employés ou des ouvriers, qui viennent de petites communes. Et l’expert ajoute, je le cite : "Un troisième clivage se superpose. Il est politique. C’est celui qui opposait la France du oui et la France du non lors du référendum sur l’Europe de 2005".

Ceux qui ont voté "non" à la Constitution européenne en 2005 auraient donc 13 ans plus tard enfilé un gilet jaune. Et dans cet épisode, on va tenter de comprendre pourquoi l’ombre de ce référendum plane encore sur la politique française.

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Cet épisode a été présenté par Charlotte Baris, écrit par Solène Alifat, et réalisé par Jules Krot.

Crédits : Le Parisien, France Bleu, INA, Nouvel Obs, France 5

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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Pour aller plus loin :

Il y a 15 ans, le choc du non au référendum européen

Emmanuel Macron et le référendum : l’éternel serpent de mer

Sébastien Lecornu à Matignon : Emmanuel Macron et ses Premiers ministres, histoires secrètes

© AFP/Patrick Kovarik

Jacques Chirac répond à Patrick Poivre d'Arvor lors d'une émission télévisée en direct sur TF1, le 14 avril 2005 à Paris, dans le but de relancer la campagne en faveur du "oui" à la Constitution européenne.
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Au Qatar, "Mister Cohen" et la villa des négociations brisées : récit de l’attaque israélienne qui change tout

Il existe, au Moyen-Orient, un homme qui plaît autant aux Israéliens qu’aux membres du Hamas. Un diplomate du Qatar qui fait l’aller-retour entre les deux camps depuis plus de dix ans, surmontant l’impossible pour trouver des compromis et rapprocher les positions de ces deux ennemis mortels. Une perle rare. A force de passer du temps avec les Israéliens, ces derniers l’ont surnommé "Mister Cohen", un sobriquet que ses collègues de l’émirat gazier utilisent aussi avec affection désormais.

Le 9 septembre, Mister Cohen l’a échappé belle. Ce jour-là, comme le racontent plusieurs sources proches des négociations, il a rendez-vous à 16 heures au QG du Hamas à Doha, où certains membres en exil du mouvement palestinien se réunissent depuis 2012 pour échanger. Ils négocient, reçoivent des diplomates étrangers, des journalistes occidentaux, certains vivent même dans les lieux. En milieu d’après-midi, les négociateurs du Hamas doivent remettre à Mister Cohen leur conclusion sur la proposition américaine de cessez-le-feu qui leur a été adressée deux jours plus tôt. Une équipe qatarienne avait reçu le document à Paris, le 5 septembre, des mains de Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump au Moyen-Orient. Les médiateurs – Qatar, Etats-Unis et Egypte — espèrent alors une percée diplomatique, ponctuée d’une trêve dans la bande de Gaza.

Dans la soirée du 8 septembre, le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, avait quant à lui reçu les négociateurs du Hamas, les enjoignant d’accepter cet accord, qui porte le sceau du président Trump. Il est donc convenu de se revoir le lendemain pour conclure. Les Qatariens en informent les Américains puis les Israéliens, à l’aube du 9 septembre.

Vers 13 heures, les membres du Hamas se retrouvent dans leur villa de Doha, au beau milieu d’un quartier résidentiel, où se concentrent les ambassades et les écoles. La petite dizaine de diplomates palestiniens ne parvenant pas à s’entendre, ils décident à 15 heures d’en rester là et de faire une pause dans leurs discussions. Ils quittent le salon des négociations, mais certains membres de leur staff et de leurs familles restent dans la pièce. Mister Cohen est prévenu, son rendez-vous se voit reporté à 18 heures. Le diplomate qatarien en profite pour aller chez le barbier.

Un policier tué

À 15h46, tout le Qatar tremble. Littéralement. Pendant huit minutes, une dizaine de missiles israéliens s’abat sur le QG du Hamas, désintégrant le rez-de-chaussée de cette maison à deux étages. Absents, les négociateurs palestiniens en sortent indemnes. Mais cinq de leurs proches meurent dans les frappes, 23 autres sont blessés. Un policier qatarien, chargé de protéger la délégation, est tué. Un de ses collègues se trouverait dans un état grave à l’hôpital. "Tout ce que les Israéliens ont réussi avec ces frappes, c’est de commettre des atrocités et de tuer un officiel qatarien de 23 ans, ce qui a meurtri le cœur de chaque citoyen de notre pays", témoigne Khalid Al-Khulaifi, analyste au Center for International Policy Research. C’est la première fois qu’Israël tue un citoyen d’un pays du Golfe sur son sol. Un tournant tragique, aux lourdes conséquences géopolitiques.

"Jamais, dans l’Histoire, une partie d’un conflit n’a attaqué de telle sorte, délibérément, le pays médiateur et l’équipe de négociations de l’autre partie", fulmine une source de la région. Le Qatar, d’ordinaire si paisible, enrage. Le Premier ministre israélien est la cible de tous les reproches, lui qui aurait décidé, contre l’avis des services de renseignements israéliens et de son état-major, de bombarder l’équipe du Hamas à Doha. Les négociations partent en fumée, tout contact est rompu.

Surtout, malgré les remontrances des Etats-Unis, qui possèdent leur plus grande base militaire de la région au Qatar, Benyamin Netanyahou poursuit sa rhétorique agressive, assurant que les membres du Hamas "ne sont en sécurité nulle part" et qu’Israël est prêt à se transformer en "super Sparte", en référence à la cité militarisée de l’Antiquité. "En public, Netanyahou continue de menacer le Qatar en disant qu’ils tueront les membres du Hamas où qu’ils soient, et d’un autre côté les Etats-Unis nous demandent de continuer la médiation puisque nous sommes l’unique chemin pour espérer trouver la paix, constate un diplomate qatarien. Nous avons réussi à obtenir deux cessez-le-feu et à faire libérer plus de 130 otages depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza, Israël devrait nous envoyer des remerciements plutôt que des missiles."

Le Qatar n’écarte toutefois pas un retour à la table des négociations. "Cela prendra du temps, il faut reconstruire le lien de confiance pour que le Qatar reprenne son rôle de médiateur neutre, sans émotions négatives", souligne l’analyste qatarien Sultan Al-Khulaifi.

De la fumée s'élève après la destruction d'une tour par des frappes israéliennes dans la ville de Gaza, le 15 septembre 2025
De la fumée s'élève après la destruction d'une tour par des frappes israéliennes dans la ville de Gaza, le 15 septembre 2025

Mais le temps presse dans la bande de Gaza. Deux millions de Palestiniens de l’enclave continuent de survivre dans des conditions catastrophiques, et l’armée israélienne vient de lancer, le 16 septembre, son offensive terrestre sur Gaza-ville, laissant craindre un nouveau carnage. Une "campagne destructrice, qui n’a plus de logique militaire", a dénoncé la diplomatie française. "Les dirigeants politiques israéliens sont focalisés sur le très court terme et, dans ces conditions, la diplomatie passe au second plan, remarque l’ancienne députée israélienne de centre-gauche, Ksenia Svetlova. Un sentiment d’impunité flotte dans l’air, lié à la proximité du gouvernement israélien avec la Maison-Blanche, qui fait croire à Netanyahou que la diplomatie peut être reléguée à plus tard."

Dans ces conditions, seul Donald Trump semble pouvoir infléchir la position du Premier ministre israélien. Son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a fait le déplacement à Jérusalem puis à Doha, une semaine après les frappes israéliennes au Qatar. Il exhorte l’émirat à reprendre son rôle de médiateur, afin de boucler un accord de cessez-le-feu "dans le très court délai pendant lequel il est encore possible de le faire". "Il y a un accord sur la table de Netanyahou en ce moment même, nous confirme un proche du dossier. S’il le signe, tous les otages seront libérés et nous prendrons le chemin de la paix." Le travail est encore loin d’être achevé pour "Mister Cohen".

© afp.com/-

Images de la télévision du Qatar, où l'on voit l'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, aux funérailles des six personnes tuées la veille dans des frappes israéliennes, à Doha le 11 septembre 2025.
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Pourquoi l’Espagne est le premier avocat de la cause palestinienne en Europe

D’où vient ce fort sentiment pro-palestinien qui fait de l’Espagne un cas à part en Europe, alors que la guerre et la désolation se poursuivent sans relâche dans la bande de Gaza ? A l’arrivée de la Vuelta, équivalent hispanique du Tour de France cycliste, à Madrid, dimanche 14 septembre, des manifestants dénonçant l’horreur en cours au Proche-Orient ont provoqué des troubles tels que les coureurs cyclistes ont été empêchés d’achever leur épreuve sportive. Au même moment, depuis la ville andalouse de Malaga où il tenait meeting, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a apporté son soutien aux manifestants, exprimant sa "reconnaissance" et son "respect absolu" des sportifs, mais aussi son "admiration" pour le peuple espagnol "qui se mobilise pour des causes justes, comme celle de la Palestine".

De quoi déclencher une polémique que l’opposition n’a pas manqué d’attiser en affirmant, le lendemain, que le sabotage de la Vuelta avait été préparé par des militants indépendantistes basques et par des factions islamistes proches du Hamas. En taxant au passage le chef du gouvernement d’antisémitisme. Et en l’accusant d’entretenir, avec la complicité de "la gauche réactionnaire", un écran de fumée destiné à masquer les scandales de corruption qui éclaboussent depuis plusieurs mois le Parti socialiste espagnol, et à faire oublier l’incapacité de l’exécutif, depuis trois ans, à faire voter un budget au Parlement, en raison d’une majorité très précaire.

Etablir des ponts entre l’Europe et le Moyen-Orient

Rosa Meneses, sous-directrice du Centre d’études arabes contemporaines de Madrid, a une tout autre lecture du soutien espagnol à la cause palestinienne. "Notre pays est antimilitariste et farouchement attaché à la paix, à la justice et aux droits humains, car il garde un souvenir douloureux des souffrances occasionnées par la guerre civile (1936-1939) et les quarante ans de dictature franquiste qui ont suivi", souligne-t-elle. Et cette spécialiste d’approfondir : "Les générations de nos parents et de nos grands-parents ont encore à l’esprit la lutte pour la démocratie qui a permis à l’Espagne de revenir sur la scène internationale et d’établir des ponts entre l’Europe et le Proche-Orient, notamment en 1991 avec la conférence de Madrid engageant le processus de paix qui mena deux ans après aux accords d’Oslo. Cela fait aujourd’hui partie du corpus de valeurs des Espagnols et cela va bien au-delà de la question de la Palestine". A Barcelone par exemple, tout le monde garde en mémoire la manifestation monstre de 2003 contre l’invasion de l’Irak, qui avait fait descendre 1,3 million de gens dans la rue.

Selon le baromètre annuel de l’institut royal El Cano publié en juillet 2025, l’immense majorité de la population (82 % des personnes interrogées) qualifie de génocide ce qui se passe à Gaza. Pour autant, cette condamnation claire de l’action de l’État d’Israël "ne se traduit pas par une augmentation de l’antisémitisme en Espagne, lequel reste minoritaire", assure l’institut. D’après Rosa Meneses, les Espagnols sont "matures" et font autant la distinction entre "les Israéliens et le gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou qui massacre les Gazaouis" qu’entre "le peuple palestinien et les terroristes du Hamas".

D’où, sans doute, l’assentiment général exprimé dans l’opinion lorsque Pedro Sanchez a annoncé début septembre un nouveau paquet de sanctions contre Israël (fermeture de l’espace aérien et des ports espagnols aux avions et bateaux acheminant des armes en Israël, interdiction pour les entreprises israéliennes de répondre à des appels d’offres publics en Espagne…).

"Etre du bon côté de l’Histoire"

"Le soutien à la cause palestinienne relève d’une 'tradition diplomatique', note Moussa Bourekba, chercheur au Centre de recherche en relations internationales de Barcelone (Cidob) : "Après la Seconde Guerre mondiale, Madrid a été totalement exclu des débats sur la création de l’Etat d’Israël. Pour rompre cet isolement, Franco a développé des relations avec certains pays arabes, en échange de leur pétrole et de leur soutien à l’intégration de l’Espagne aux instances de l’ONU." En outre, souligne cet expert de la région, l’Espagne n’a pas "le même passif" que l’Allemagne et la France sur l’Holocauste, de sorte qu’"elle n’a pas la pudeur de ces deux pays européens à parler de génocide à Gaza et à critiquer avec virulence le gouvernement Netanyahou".

La question palestinienne transcende en tout état de cause le clivage gauche-droite. C’est sous le régime militaire de Franco que l’Espagne a commencé à soutenir la cause palestinienne tandis qu’à l’inverse, c’est le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez qui, en 1986, a reconnu l’Etat d’Israël, rappelle Moussa Bourekba. Quant à la reconnaissance de l’Etat palestinien annoncée en mai 2024 par Pedro Sanchez, elle avait fait l’objet d’un vote initial au Congrès des députés espagnols dix ans plus tôt… sous le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Enfin, à ceux qui établissent un lien entre le sentiment pro-palestinien actuel et les sept siècles de présence arabo-islamique dans la péninsule ibérique (711-1492), les historiens renvoient à l’Espagne séfarade, les quinze siècles pendant lesquels une culture juive arabe florissante s’y est développée. Aujourd’hui, Pedro Sanchez dit vouloir "être du bon côté de l’Histoire".

© Thomas COEX/AFP

Un manifestant pro palestinien brandit un drapeau palestinien après que les manifestants ont envahi la rue lors de la 21e et dernière étape de la Vuelta 2025, près de la gare d’Atocha à Madrid, le 14 septembre 2025. La dernière étape de la Vuelta a été définitivement arrêtée en raison des manifestations pro palestiniennes, rapporte l’AFP.
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Un trumpiste bientôt numéro 2 du FMI ? La Maison-Blanche avance ses pions

Il est le plus proche conseiller du secrétaire au Trésor des Etats-Unis. Dan Katz, l’actuel directeur de cabinet du ministre américain des Finances, serait sur le point de devenir numéro 2 du Fonds monétaire international (FMI), basé à Washington. Il devrait accéder au poste de directeur général adjoint de l’institution financière, en remplacement de Gita Gopinath, selon une source à l’AFP. Une victoire sur la scène internationale de la stratégie économique de "l’America First" de Donald Trump. La presse américaine a néanmoins averti "que le choix pouvait encore changer à la dernière minute", précise Bloomberg, l’annonce officielle devant être faite vendredi 19 septembre.

Le directeur de cabinet du secrétaire au Trésor épaulait jusqu’ici Scott Bessent, l’un des ministres clés du gouvernement de Donald Trump. Diplômé de l’université Yale, Dan Katz a travaillé par le passé comme banquier d’affaires chez Goldman Sachs. Il avait aussi eu des responsabilités au Trésor pendant le premier mandat du président Trump.

L'ADN du trumpisme

Il devrait être placé sous la tutelle de l’économiste bulgare Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international depuis 2019 et ex-commissaire européenne. L’approbation de cette nomination ne fait pas beaucoup de doute : le numéro deux du FMI est généralement désigné par les Etats-Unis et approuvé par le directeur général de l’organisation. Avant lui, le poste était occupé par Gita Gopinath, nommée par l’administration Biden, et qui a démissionné fin août pour reprendre l’enseignement à Harvard.

"Cette opportunité a donné à Trump l’occasion de nommer son remplaçant et d’imprimer sa marque sur l’organisme mondial de prêt d’urgence", analyse Bloomberg. Dan Katz "a joué un rôle clé dans la négociation de l’accord de partenariat économique entre les Etats-Unis et l’Ukraine et est considéré comme l’homme de confiance du secrétaire au Trésor pour les questions liées à la Chine", poursuit le New York Post.

Le camp Trump, aux postures généralement peu favorables aux institutions multilatérales, a récemment attaqué le Fonds monétaire international. En avril dernier, Scott Bessent avait cinglé l’institution et sa voisine à Washington, la Banque mondiale, les appelant à "se concentrer sur les besoins" des Etats membres. Il avait reproché au FMI d’employer "une part disproportionnée de son temps et de ses ressources à travailler sur le réchauffement climatique, le genre ou les questions sociales".

Ainsi, alors que Dan Katz n’a pas encore été officiellement nommé, l’agenda de l’organisation mondiale semble déjà chamboulé. La semaine dernière, des sources ont par exemple indiqué au New York Post "que les unités climat et genre du Fonds ne fonctionneraient plus comme des divisions autonomes au sein de l’organisme, mais seraient plutôt fusionnées dans son unité macroéconomique plus large".

Les Etats-Unis jouent un rôle clé au sein du Fonds, en tant que premier actionnaire. Le FMI dispose au total d’une réserve de prêts pouvant atteindre 1 000 milliards de dollars, mise à la disposition de près de 200 pays membres, lorsqu’ils sont confrontés à des crises de balance des paiements, et influençant considérablement la politique financière de ces derniers.

© afp.com/Olivier DOULIERY

Les Etats-Unis jouent un rôle clé au sein du Fonds, en tant que premier actionnaire.
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L’Italie, meilleure élève que la France ? Le vrai bilan économique de Giorgia Meloni

Bien qu’éphémère, le mouvement a dû faire sourire au Palais Chigi, le siège de l’exécutif à Rome. Dans la foulée du vote de confiance défavorable au gouvernement Bayrou le 8 septembre, le taux d’intérêt des obligations françaises à 10 ans est brièvement passé au-dessus de son équivalent transalpin. Preuve que les investisseurs accordent autant de crédit à la signature italienne qu’à celle de l’Etat français. Le symbole d’une Italie qui, sortie des sombres heures de la crise des dettes souveraines, a redoré son blason. Quand celui de la France se ternit de jour en jour. "Les rôles se sont inversés. L’Italie bénéficie désormais d’une prime de stabilité politique après une phase de forte errance parlementaire entre 2016 et 2021. Dès lors que la majorité est claire, les politiques sont mises en œuvre de façon fluide", note Mabrouk Chetouane, directeur de la stratégie marchés internationaux chez Natixis Investment Managers. Giorgia Meloni ne peut que s’en féliciter, elle qui tient les rênes du Conseil des ministres depuis près de trois ans.

Les exploits italiens ne s’arrêtent pas là. Un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat désormais équivalent à celui de la France. Une entrée dans le top 4 des exportateurs mondiaux. Un taux de chômage autour de 6 %, son plus bas niveau depuis 20 ans. Et surtout, une impressionnante opération d’assainissement des finances publiques, à rebours de l’enlisement français. Longtemps critiquée par Bruxelles sur son incapacité à maîtriser ses comptes, l’Italie a ramené son déficit public de 8,1 % du PIB en 2022 à 3,4 % en 2024. Une baisse spectaculaire de 85 milliards d’euros. De son côté, la France, avec un déficit de 5,6 % l’an dernier, pointe en queue de peloton de l’Union européenne. "La priorité numéro un du gouvernement Meloni est la stabilité budgétaire, avec l’engagement de respecter le nouveau cadre européen", explique l’économiste Fabrizio Pagani, associé de la banque d’investissement Vitale & Co et ancien conseiller ministériel.

La fin du "superbonus"

Cette prouesse s’explique, notamment, par une décision courageuse de la présidente du parti Fratelli d’Italia. Pour réduire les dépenses publiques, elle a revu de fond en comble le "Superbonus". Ce dispositif, créé dans le sillage de la pandémie de Covid-19 avec l’aide du plan de relance européen, permettait aux ménages italiens d’obtenir une prise en charge à 100 % des travaux de rénovation énergétique de leur logement, à laquelle s’ajoutait… une prime de 10 %. Pour la seule année 2023, les montants versés ont représenté 4 % du PIB. "Cette mesure était économiquement absurde et sans équivalent dans le monde, dénonce Tito Boeri, professeur et directeur du département d’économie à l’université Bocconi de Milan. On remboursait plus que le coût de l’ouvrage, c’était une incitation à dépenser sans raison. Il est incroyable qu’une telle idée ait vu le jour, et plus encore qu’on ne l’ait pas arrêtée. Mais une fois en place, aucun parti ne voulait s’y opposer, tant la propriété immobilière est populaire en Italie".

Côté recettes, l’absence d’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu a généré 22 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de l’Etat entre 2022 et 2024. "C’est une façon d’augmenter les impôts sans être impopulaire, puisque le taux ne change pas", observe Mario Pietrunti, macro-économiste chez BNP Paribas AM.

Alors que le Parti socialiste français n’entrevoit, dans son "contre-budget", un retour sous les 3 % de déficit qu’en 2032, l’Italie s’y engage… dès 2026. Jugée réaliste par les experts, cette perspective séduit les marchés. Elle rassure aussi les entreprises. "Le cadre est devenu plus prévisible pour les investisseurs et les acteurs économiques", souligne Edouard Neyrand, directeur d’Air Liquide Italie et président de la CCI France Italie.

Au-delà de cette discipline budgétaire, la politique Meloni est saluée par les patrons. Pour Luciano Di Fazio, associé du cabinet de conseil financier Emintad, la dirigeante a gagné des points dans le monde des affaires italien grâce à sa bonne relation nouée avec l’administration Trump. Le fait que le pays soit soumis aux mêmes taxes douanières que le reste de l’Europe n’entame pas ce sentiment d’être "protégé", selon lui.

Le bilan économique de Giogia Meloni
Le bilan économique de Giogia Meloni

Un bilan à nuancer

Pour autant, ce bilan flatteur mérite d’être nuancé. D’abord, parce que ces bonnes performances économiques ne sont pas toutes imputables à Giorgia Meloni. En matière de travail, notamment. "Même si le taux d’emploi féminin - en particulier dans le Sud - reste faible, le taux d’emploi global atteint un record : plus de 24 millions d’Italiens travaillent", constate Fabrizio Pagani. Une conséquence directe du Jobs Act de 2014, voté sous le gouvernement de centre gauche de Matteo Renzi. "Cette réforme a introduit davantage de flexibilité sur le marché du travail en instaurant des contrats à protection croissante [NDLR : les droits du salarié augmentent avec son ancienneté] et en simplifiant les règles d’embauche et de licenciement", ajoute cet ancien directeur de cabinet du ministre de l’économie de l’époque.

Ensuite, les hirondelles de l’emploi et du sérieux budgétaire ne font pas le printemps romain. En dépit de la résorption du déficit, la dette publique culminait encore à 135,3 % du PIB en 2024. "Ce ratio trop élevé constitue toujours le principal facteur de fragilité de l’Italie face aux risques financiers", juge Giorgio Di Giorgio, professeur de politique monétaire à l’université Luiss de Rome. Certes, cet endettement se stabilise, mais c’est en grande partie grâce au rebond d’activité post-Covid et au pic inflationniste.

Une fois passée cette reprise conjoncturelle, la croissance économique a d’ailleurs repris un rythme de sénateur. "Depuis le dernier trimestre 2022, le PIB italien n’a augmenté que de 1,4 %, presque deux fois moins qu’en France", chiffre Charles-Henri Colombier, économiste chez Rexecode. Pour cette année, BNP Paribas estime sa progression à 0,7 %, loin de la moyenne attendue en zone euro (+ 1,3 %).

Un plan de relance massif après la pandémie

Après la pandémie, le pays s’était pourtant taillé la part du lion du plan de relance et de résilience : près de 200 milliards d’euros répartis entre subventions et prêts de l’Union européenne. Problème : alors que ce programme arrive à échéance en juin 2026, les deux tiers de ce montant dormaient encore dans les coffres en juillet dernier. "Nous avons cru possible d’absorber un tel volume d’investissements publics en si peu de temps, mais c’était irréaliste, soupire Tito Boeri, de la Bocconi. A mon sens, le "Superbonus" lui-même est né de cette illusion : comme on pensait disposer de tout l’argent européen, on s’est cru libres d’essayer tout et n’importe quoi". Les résultats de cette prodigalité ne sont guère probants. Marcello Messori, économiste à l’Institut universitaire européen de Florence, parle même d’une "occasion manquée" : "Les ressources de l’UE n’ont pas été utilisées de manière optimale. Il est probable qu’une partie des projets ne sera pas achevée dans l’année à venir. L’Italie n’a donc pas profité de cette opportunité pour résoudre ses problèmes structurels. Un défi qui dépasse d’ailleurs ses frontières et concerne plusieurs économies européennes".

A plus longue échéance, la croissance de la botte reste surtout plombée par sa démographie. Son taux de natalité - le nombre de naissances d’une année rapportée à la population - est le plus faible d’Europe. La jeunesse diplômée, découragée par le niveau des salaires, va voir ailleurs si l’herbe est plus verte : en une décennie, 470 000 Italiens de 18 à 34 ans ont quitté le pays. Face à la pénurie de main-d’œuvre, Giorgia Meloni a dû amender son discours sur l’immigration légale. En 2024, son gouvernement a maintenu un dispositif fiscal visant à attirer aussi bien les travailleurs qualifiés étrangers que les Italiens expatriés. Dans un autre registre, la présidente du Conseil poursuit son opération séduction auprès des grandes fortunes. Depuis la suppression d’un régime dérogatoire en Grande-Bretagne, les riches britanniques ont commencé à migrer de Londres vers Milan. Un "dumping fiscal", avait fustigé François Bayrou lorsqu’il était encore aux affaires. En réponse, son homologue lui avait opposé les deux facteurs d’attractivité de l’Italie : crédibilité et stabilité. Des cartes que la France ne compte manifestement plus dans son jeu.

© Ludovic MARIN / AFP

Le président français Emmanuel Macron accueille la Première ministre italienne Giorgia Meloni à son arrivée au sommet de la "coalition des volontaires" au palais de l'Élysée, à Paris, le 27 mars 2025.
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Face aux drones russes, l’Otan et l’UE veulent s’inspirer de l’Ukraine

Il est environ 23 heures, mardi 9 septembre, quand des avions de chasse polonais se lancent dans la traque d’une vingtaine de drones russes ayant pénétré leur ciel, avant d’aller attaquer l’Ukraine. Après plusieurs heures de poursuite, le bilan est d’à peine trois engins abattus, tandis qu’un quatrième s’est écrasé sur une habitation, à 300 kilomètres de la frontière. Il s’agit de la pire violation de l’espace aérien de l’Otan depuis sa création, il y a plus de 75 ans. Trois jours plus tard, Moscou récidive, en faisant entrer en Roumanie un de ses drones "Géran", d’une portée de 2 000 kilomètres.

Devenue la norme dans le conflit en Ukraine, cette guerre des drones semble prendre de court l’Union européenne et l’Otan, à mesure que Moscou tâte les faiblesses de l’Europe. Consciente de cette impréparation, l’Alliance envisage ces derniers jours la mise en place d’un "mur de drones", à partir de technologies ukrainiennes rompues au terrain, tandis que la Pologne veut franchir un nouveau cap militaire : intervenir directement dans la protection du ciel ukrainien.

Des technologies en décalage

La réponse des alliés ne s’est pas fait attendre, la semaine passée : hélicoptères et avions de combat envoyés par Varsovie, déploiement d’avions Eurofighter supplémentaires par l’Allemagne dans l’espace aérien polonais, déploiement de trois Rafale français… Les Pays-Bas, eux, ont décidé d’accélérer la livraison de deux batteries de missiles Patriot à l’est de l’Europe, tandis que les Britanniques vont aussi engager des avions de combat.

Mark Rutte, secrétaire général de l’Otan, a rapidement salué "le succès de la réaction". Mais au-delà de sa rapidité, la riposte a-t-elle été appropriée ? Plusieurs spécialistes pointent une inadéquation entre les lourds moyens de défense de l’Europe, en réponse à des attaques menées par des aéronefs relativement bon marché. Le problème est que "nous faisons décoller des avions qui coûtent entre 20 000 et 40 000 euros l’heure de vol, en tirant des missiles qui coûtent 1,2 million d’euros chacun. On a donc une disproportion de forces pour intercepter des drones à 10 000 euros", résume sur TV5 Monde Xavier Tytelman, expert en défense.

"Même si les drones peuvent être suivis, leur interception à grande échelle avec des systèmes de défense aérienne conçus pour des cibles beaucoup plus imposantes, comme les avions à réaction, les missiles de croisière et les missiles balistiques, est souvent peu rentable", analyse pour sa part The Economist. Plusieurs projectiles ont ainsi déjà pénétré l’espace aérien de l’Otan ces derniers mois, en Roumanie en septembre 2023, en Lettonie en septembre 2024, tandis que des missiles ont traversé la Pologne en mars de l’année dernière.

Vendredi 12 septembre, l’Otan a ainsi annoncé le lancement de l’opération "sentinelle orientale", "destinée à renforcer la posture de l’Alliance le long de son flanc est", indique l’Otan. "Cette activité, qui débutera dans les jours qui viennent, mobilisera toute une série de moyens des Alliés, tant des capacités classiques que des technologies novatrices, dont des éléments permettant de faire face à l’utilisation de drones", poursuit le communiqué.

"Mur de drones" européen

De son côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a indiqué, peu de temps après la violation de l’espace aérien polonais, que l’Europe devait mettre en place "un mur de drones" à sa frontière est. Bruxelles va encourager les capitales européennes à utiliser les fonds européens, afin d’acquérir des systèmes de défense qui ont fait leurs preuves en Ukraine.

"Les membres de la frange orientale de l’Otan devraient recevoir près de 100 milliards d’euros de prêts liés à la défense, sur un total de 150 milliards d’euros levés sur le budget commun de l’Union européenne", avance le Financial Times. L’Union européenne va pour sa part lancer une "alliance sur les drones" avec Kiev, pour un montant de 6 milliards, afin de "transformer l’ingéniosité ukrainienne en avantage sur le champ de bataille et en industrialisation conjointe", a indiqué Ursula von der Leyen.

Avantage ukrainien

Car si l’Ukraine doit faire appel à ses alliés occidentaux pour ses systèmes antimissile, elle a, en plus de trois ans d’attaques de drones quasi quotidiennes sur son territoire, particulièrement innové dans la lutte contre ces engins. Les drones Shahed employés par la Russie, de petite taille et volants à basse altitude, sont en effet difficilement détectables par les radars classiques. C’est pourquoi les entreprises ukrainiennes ont mis au point une technologie capable de les identifier par leur signal sonore, afin qu’ils puissent ensuite être abattus par des équipes de combat mobiles.

La semaine passée, le président Volodymyr Zelensky a ainsi proposé de former la Pologne à la lutte contre les drones russes. Karolis Aleksa, vice-ministre lituanien de la Défense, a aussi déclaré au Financial Times "que le pays balte s’inspirait de la pratique ukrainienne" anti-drones, beaucoup plus économique, tandis que la Lettonie met sur pied une technologie similaire.

"Protéger l’Ukraine pour protéger l’Europe"

En plus de perfectionner les technologies européennes, certains Alliés comme la Pologne voudraient aussi voir évoluer la politique de l’Otan en matière de défense aérienne, au-delà de ses propres frontières. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski a en effet suggéré que les Etats de l’Otan devraient imposer "une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine" pour protéger leurs propres territoires des drones russes. "Nous, l’Otan et l’UE, pourrions être capables de le faire, mais ce n’est pas une décision que la Pologne peut prendre seule ; elle ne peut être prise qu’avec ses alliés", a-t-il déclaré au journal allemand Frankfurter Allgemeine.

Réclamée par l’Ukraine peu après l’invasion par la Russie, elle avait été rejetée par l’administration Biden en 2022, par crainte qu’une confrontation directe avec les avions de combat russes ne provoque une escalade dans le conflit. La proposition actuelle de la Pologne se limiterait pour l’instant à la défense contre les drones russes s’approchant des frontières de l’Ukraine avec les Etats membres de l’Otan. Selon les règles actuelles de l’Alliance, une telle riposte nécessiterait l’approbation unanime des 32 Etats membres, dont la Hongrie et la Slovaquie - peu probable, au vu de leur sympathie pour le régime de Vladimir Poutine.

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

La police et l'armée inspectent les dégâts causés à une maison détruite par les débris d'un drone russe abattu dans le village de Wyryki-Wola, dans l'est de la Pologne, le 10 septembre 2025
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Guerre à Gaza : comment la Commission européenne compte faire pression sur Israël

La Commission européenne a proposé, ce mercredi 17 septembre, de renchérir le coût de certaines importations en provenance d’Israël et de sanctionner deux ministres d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahou.

"Je veux être très claire, le but n’est pas de punir Israël. Le but est d’améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d’un point presse la cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas. Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l’UE, renchérir de quelque 227 millions d’euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d’origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l’UE. Bruxelles défend aussi le principe de sanctions contre les colons israéliens extrémistes, conformément à une autre proposition qu'elle a faite aux Etats membres il y a des mois.

"La guerre doit cesser"

L’exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d’accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l’unanimité des pays de l’UE. "Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Kaja Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès ce mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles. Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n’avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l’Italie.

Israël a déjà exhorté Bruxelles à ne pas aller de l'avant avec ses propositions. "Toute sanction recevra une "réponse appropriée", a promis mercredi son ministre des Affaires étrangères Gideon Saar. "La pression par des sanctions ne fonctionnera pas," avait-il déjà assuré, dans une lettre à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

Les 27 se sont montrés particulièrement divisés sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’Israël depuis le début de sa guerre à Gaza contre le Hamas, en réplique à l’attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 sur le sol israélien par ce mouvement islamiste palestinien. Plusieurs Etats membres, dont l’Allemagne, insistent sur le droit d’Israël à se défendre, dans le respect du droit international, tandis que d’autres, comme l’Espagne, dénoncent un "génocide" à l’encontre des Palestiniens de Gaza. Les exportations israéliennes vers l’UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l’an dernier 15,9 milliards d’euros. Seules 37 % de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.

© AFP

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononçait son discours annuel sur l’état de l’Union lors d’une session plénière au Parlement européen à Strasbourg, le 10 septembre 2025.
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La santé de Joe Biden, un secret d'Etat vertigineux : "Il aurait été incapable de discuter avec Poutine"

Quinze mois après le fatal débat Trump-Biden et un an après la déroute de Kamala Harris, les démocrates restent sonnés par le come-back historique de leur ennemi juré à la Maison-Blanche, le 20 janvier. Déboussolés, sidérés, K.-O. debout, les élus du parti n’ont toujours pas trouvé la riposte adéquate face à leur adversaire républicain qui, désormais, contrôle tout : Maison-Blanche, Sénat, Chambre des représentants, Cour suprême et 27 Etats sur 50.

Mais comment pourraient-ils avoir retrouvé leurs esprits alors qu’ils n’ont toujours pas effectué d’autocritique, ni analysé les raisons de la défaite et encore moins abordé le sujet qui fâche : l’âge du capitaine, son déclin cognitif et sa candidature vouée à l’échec (alors qu’il avait promis de ne faire qu’un seul mandat) ?

Kamala Harris et ses regrets bien tardifs

Dans 107 Days, à paraître le 23 septembre, Kamala Harris effleure le délicat sujet, à l’heure où Joe Biden est atteint d’un cancer agressif avec des métastases osseuses, diagnostiqué au printemps. Mais elle met surtout l’accent sur la courte durée de sa campagne éclair : 107 jours, c’est trop peu pour convaincre ; ah, si seulement elle avait eu le temps de déployer tout son talent… Dans cet exercice d’exorcisme, elle se plaint du manque de soutien de l’équipe Biden et laisse entendre que rien n’est de sa faute. Et voici relancées les spéculations sur une candidature Harris en 2028 ! "Ce scénario m’étonnerait fort, tempère la politologue Larry Sabato. Depuis le double échec d’Adlai Stevenson contre Eisenhower en 1952 et 1956, les démocrates évitent de choisir des perdants pour les représenter."

Kamala Harris (g) et Joe Biden à la Maison-Blanche à Washington, DC, le 9 janvier 2025
Kamala Harris (g) et Joe Biden à la Maison-Blanche à Washington, DC, le 9 janvier 2025

A ce jour, seuls Jake Tapper, présentateur sur CNN, et Alex Thompson, son confrère de Politico, ont dressé l’inventaire de la campagne Biden. Publié en mai, l’ouvrage Orignal Sin (Péché originel, non traduit) met les pieds dans le plat, comme en atteste son sous-titre : Le déclin du président Biden, sa dissimulation et la désastreuse décision de se représenter. Basé sur 200 interviews, ce livre enquête révèle que l’état de Joe Biden était pire que ce que l’on pouvait deviner.

Dès 2023, le papy président est incapable de gouverner plus de six heures par jour. Parfois, il se repose carrément des journées entières. Et vit reclus tel un grand-père semi-grabataire, entouré par son clan (une poignée de vieux conseillers et sa famille) qui veille sur lui avec affection. Avec une obsession en tête : cacher la vérité non seulement aux futurs électeurs compatriotes mais aussi aux ministres du cabinet Biden et au personnel de la Maison-Blanche !

Autour de "Joe", un cordon sanitaire

"Si Joe Biden avait tenu son engagement de ne faire qu’un seul mandat, nous serions dans une autre Amérique, se navre le politologue new-yorkais Andrew J. Polsky. Des primaires auraient été organisées. Un candidat plus jeune (probablement pas Kamala Harris) aurait émergé. Il aurait eu le temps de se faire connaître auprès des Américains. Et la campagne aurait été complètement différente. Un démocrate aurait pu l’emporter. Ce qui aurait signifié la fin de la carrière politique de Donald Trump, lequel n’aurait donc pas pu nuire aux institutions comme il le fait aujourd’hui." Surtout, le Parti démocrate, dont la popularité est au plus bas depuis le début des années 1990, ne serait pas à ramasser à la petite cuillère…

Car c’est bien la voie du mensonge qu’a empruntée la famille Biden, dont les piliers sont Jill (l’épouse de Joe), Hunter (son fils) et Valérie (sa fidèle sœur depuis l’enfance). Dès le départ, un cordon sanitaire est établi autour du président, réduisant au maximum ses interactions avec ses compatriotes. Dès lors, une étrange ambiance règne à la Maison-Blanche. Autant que possible, les huissiers sont tenus à l’écart. Les liftiers, eux, sont carrément déchargés de leur mission : personne ne doit voir le visage du président de près lorsqu’il emprunte l’ascenseur. "La plupart du temps, les domestiques des appartements privés restent assis à se tourner les pouces, révèlent Tapper et Thompson dans Original Sin. Souvent, ils sont renvoyés à la mi-journée et informés que leur service n’est pas nécessaire, l’explication officielle étant que les Biden n’aiment pas être traités au petit soin."

En fait, Joe Biden vit depuis l’épidémie de Covid (2019-2020) dans un cocon. Sa campagne présidentielle, il la mène depuis le studio télévisé de la cave de son manoir à Wilmington (Delaware). "Si le Covid-19 a été une chose affreuse pour le monde, ce fut en revanche une excellente nouvelle pour Joe Biden, tant il lui aurait été difficile de résister au rythme d’une présidentielle", explique un conseiller de Biden dans l’ouvrage de Tapper et Thompson. Loin du barnum politique et du road movie électoral, le candidat suit un programme "ultra-light" : après des matinées passées à se reposer, il n’attaque vraiment sa journée de travail que l’après-midi.

En 2022, le téléprompteur devient systématique

Vainqueur de Trump, il entre à la Maison-Blanche le 20 janvier 2021. La première année se passe presque normalement malgré sa chute de popularité due au retrait chaotique des troupes américaines d’Afghanistan. Mais dès le début de 2022, au commencement de la guerre en Ukraine, son affaiblissement devient plus visible et sa voix si faible que ses interlocuteurs peinent parfois à l’entendre. A certains moments, son regard se fixe et il semble absent. Régulièrement, il oublie le nom de conseillers qu’il voit pourtant quotidiennement. Et lorsqu’il perd le fil de sa pensée (souvent), il tente de donner le change en terminant ses phrases en queue de poisson par un "anyway…" ("bref…")

Ses conseillers limitent ses apparitions publiques. Après dix-huit mois à la Maison-Blanche, il n’a donné que 38 interviews à des journalistes, contre 116 pour Donald Trump durant le même laps de temps avant lui, et 198 pour Barack Obama. Afin de ménager leur monture, les speechwriters réduisent la longueur des discours, ce qui réduit son temps de présence sur les estrades. L’utilisation de téléprompteurs devient systématique en 2022. L’année suivant, il en utilise même un lors d’une réunion de donateurs en petit comité. Du jamais vu, qui perturbe et embarrasse les amis présents. Les services du protocole limitent aussi ses déplacements à l’étranger. En novembre 2022, lors d’un sommet du G20 en Indonésie, le président américain décommande à la dernière minute sa présence au dîner de gala, au prétexte qu’il a quelque chose d’urgent à régler. On ne saura jamais quoi. Faire dodo, peut-être.

Une présidence collective se met en place

L’ennui, c’est que le job de président exige d’être capable de travailler à 2 heures du matin en cas d’urgence et en toutes circonstances. "L’entourage de Biden a mis la sécurité du monde libre en danger", accuse l’éditorialiste conservateur Tom Basile qui, au passage, reproche au présentateur Jake Tapper de CNN d’avoir participé à l’omerta jusqu’à la publication de son livre Original Sin. "Joe Biden aurait été incapable de discuter en tête-à-tête avec Poutine ou Xi Jinping comme le fait Donald Trump, poursuit-il : "Je préfère mille fois ce dernier à n’importe quel vieillard." Le politologue Andrew J. Polsky, qui n’a rien d’un conservateur ni d’un trumpiste, complète : "Il est plus juste de parler d’une présidence collégiale autour de Biden que d’une présidence Biden".

Affirmer que ce dernier était dans l’incapacité totale de gouverner serait pourtant inexact. Le président avait des jours avec et des jours sans. Pour ajouter à la complexité, les élections de mi-mandat (midterms) en 2022 se déroulent mieux que prévu pour les démocrates malgré l’impopularité du président. Joe Biden tire aussitôt les marrons du feu. Ses communicants martèlent leur argument tautologique : Biden est le seul à avoir battu Trump ; il est donc le seul à pouvoir le battre à nouveau.

Emmanuel Macron ou François Mitterrand ?

L’annonce de sa nouvelle candidature est faite en avril 2023, précisément au moment où ses capacités cognitives semblent encore se dégrader. Ses journées de travail sont encore réduites. Le 23 octobre par exemple, son emploi du temps indique : rencontre avec des conseillers de 9 heures à midi. Ensuite : déjeuner de 12 h 15 à 13 h 15, puis "temps au bureau" jusqu’à 14 heures. Puis, "temps présidentiel" et enfin dîner à 16 h 30. Sa journée se termine à 17 h 15. A l’époque, les ministres qui le croisent – certains passent des mois entiers sans avoir accès à lui – notent une baisse alarmante de sa vivacité.

En février 2024, Biden décline la fameuse interview présidentielle lors du Super Bowl – une tradition depuis Barack Obama. Avec son audimat record, la finale de football américain est pourtant l’occasion de s’adresser à un maximum d’électeurs potentiels. Mais précisément, c’est le problème… Lors d’une conférence de presse, il confond Emmanuel Macron (vu quelques jours auparavant) et François Mitterrand (mort en 1996), Merkel et Kohl (mort en 2017) et assure que l’Égyptien al-Sissi est le président du Mexique.

En juillet, il s’accroche à son téléprompteur comme à une béquille : un jour, il lit tout le texte, y compris les instructions qu’il n’est pas censé prononcer ("répéter la dernière phrase"). La démarche du président est par ailleurs de plus en plus mal assurée. Ses conseillers évoquent l’idée (abandonnée jusqu’après l’élection) d’utiliser un fauteuil roulant, comme pour Franklin D. Roosevelt à la conférence de Yalta, où Staline a pu tirer profit de la faiblesse de l’Américain.

Steven Spielberg à la rescousse !

Afin d’améliorer l’image du candidat, son staff met en scène une rencontre "spontanée" avec des citoyens ordinaires, mais sans journalistes. La séquence, filmée, dure une heure et demie. Les communicants du président ont prévu d’en faire un montage qui fera croire à un échange du tac au tac avec des Américains. Mais en visionnant les rushes, il faut se rendre à l’évidence : les propos de Joe Biden n’ont aucune structure. Le matériel vidéo est inutilisable. Poubelle !

Lors d’un événement lié à une levée de fonds pour sa campagne, Joe Biden ne reconnaît pas George Clooney qui est pourtant l’un des visages les plus connus au monde et l’un des grands donateurs du parti démocrate – il l’a d’ailleurs rencontré plusieurs fois. Pour sauver le soldat Biden, le producteur de Hollywood Jeffrey Katzenberg appelle Steven Spielberg à la rescousse. Ensemble, ils travaillent sur l’éclairage et l’amplification de la voix (chuchotante) du candidat. Mais le réalisateur d’E.T. l’extraterrestre ne peut accomplir de miracles. Il est cependant sollicité à nouveau pour préparer le débat contre Trump. La raison ? Le metteur en scène multirécompensé (3 Oscars, 4 Golden Globes) est le seul dont le président accepte les remarques.

En arrivant à Camp David, où il s’est retiré pour la dernière ligne droite, le président est déjà "cuit". La première journée, il la passe entièrement à dormir. Lors d’un faux débat en forme de répétition générale, ses conseillers jouent le rôle des journalistes et de Trump. Sa performance laisse à désirer. Sa voix est faiblarde, ses propos décousus et il garde la bouche ouverte lorsque ce n’est pas lui qui parle.

Arrive le 27 juin, jour fatidique du débat sur CNN. Le président a l’air vieux, il bute sur les mots, n’arrive pas à formuler la moindre idée. Son déclin saute aux yeux du monde entier. En direct sur le plateau, après dix minutes d’émission, le coprésentateur Jake Tapper envoie discrètement un message à la régie grâce à l’iPad qui lui permet de communiquer avec la technique : "La vache…", écrit-il. Sa coprésentatrice Dana Bash glisse un papier à son confrère : "Il vient juste de perdre l’élection", écrit-elle après une tirade décousue du président.

Même le camp Trump n’en revient pas…

En coulisses, même le staff de Trump n’en croit pas ses yeux. Le communicant Chris LaCivita savait Joe Biden diminué, mais pas à ce point. "Oh fuck !", dit-il, "il ne tiendra pas jusqu’en novembre. C’est impossible." Le 10 juillet, George Clooney publie une supplique dans le New York Times : "J’aime Biden. Mais il nous faut un autre candidat." Onze jours plus tard, le vieux démocrate – qui avait naguère promis d’être "un président à mandat unique" – jette l’éponge. Il reste 107 jours à sa remplaçante pour mener campagne.

Comment en est-on arrivé là ? Une fois au sommet, l’orgueilleux septuagénaire s’est laissé happer par l’hubris du pouvoir. Affaibli, il s’en est remis à son entourage réduit à une peau de chagrin au fil des mois : d’anciens fidèles et sa famille proche. Dans ce contexte, les dysfonctionnements se multiplient. Un exemple : Anthony Bernal, le conseiller de la Première dame, exerce une influence disproportionnée à la Maison-Blanche, s’invitant dans des réunions sans y avoir été convié et se faisant détester par la plupart. "Jill ne va pas aimer ça", dit-il lorsqu’il veut bloquer une idée.

Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d'une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024
Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d'une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024

Le conseiller le plus sulfureux reste toutefois son fils Hunter. Suspecté de corruption en Ukraine, accro à la cocaïne, au crack et aux prostituées (il est aujourd’hui redevenu sobre), le fils cadet ne trouve rien de mieux que de coucher avec la veuve de son frère Beau à la mort de celui-ci, puis de l’initier à la drogue. Mais Joe pardonne tout à Hunter, son talon d’Achille. Ayant perdu sa fille d’un an dans un accident de voiture en 1972, puis son fils Beau, d’un cancer à l’âge de 45 ans en 2015, le président n’est pas prêt à abandonner son dernier rejeton, menacé de prison. Mis en examen pour détention illégale d’arme à feu, Hunter est évidemment le premier à avoir intérêt à la réélection de son père qui, d’ailleurs, l’amnistie à la fin de son mandat. Avec Jill Biden, il aura été le partisan le plus acharné d’une nouvelle candidature de Joe.

"Un vieil homme avec une mauvaise mémoire"

La question est : quelqu’un aurait-il pu arrêter à temps cette spirale ? Les élus du Parti démocrate ? La majorité d’entre eux ne voulaient pas s’opposer à la "machine" du parti, étant eux-mêmes en campagne pour leur réélection. Barack Obama ? Il n’a pas voulu contester son ex-vice-président, ayant des relations compliquées avec lui depuis son soutien à la candidature d’Hillary Clinton (plutôt qu’à Joe) en 2016. De son côté, la presse d’obédience démocrate (New York Times, Washington Post) s’efforce d’épargner le président. De rares éditorialistes sonnent pourtant l’alarme dès 2023 dans le New Yorker, The Atlantic ou le Wall Street Journal. Lucides, ils demandent au candidat septuagénaire de s’écarter au profit d’un plus jeune. Ils s’attirent immédiatement les foudres de la Maison-Blanche qui contre-attaque en mettant en cause l’intégrité professionnelle des auteurs, selon un procédé qui n’a rien à envier à Donald Trump.

La même tactique est employée contre le procureur spécial Robert Hur. En 2023, il a interrogé Joe Biden pendant cinq heures (sur deux jours) dans le cadre de l’affaire des documents classifiés illégalement entreposés dans le garage de la maison des Biden, dans le Delaware. S’efforçant d’épargner ce dernier, Hur, dans son rapport final publié en février 2024, édulcore son propos et décrit Joe Biden comme un "vieil homme bien intentionné, mais avec une mauvaise mémoire", note-t-il. Là encore, la contre-attaque de la Maison-Blanche est violente. Kamala Harris qualifie le rapport de "motivé par des considérations politiques", "gratuit", "inexact" et "inapproprié".

"Les Américains découvrent aujourd’hui, après coup, l’ampleur insoupçonnée du 'problème Biden'", constate l’américaniste Françoise Coste qui cite le cas du démocrate Jerry Nadler. Elu au Congrès depuis 1992, ce New-yorkais de 78 ans vient d’annoncer qu’il ne se représenterait pas en 2026 : "En observant ce qui est arrivé à Biden, j’ai vraiment compris la nécessité d’un changement générationnel au sein du parti", a-t-il déclaré. Peu à peu, mais trop tard, les langues se délient.

© afp.com/Jim WATSON

L'ex-président américain Joe Biden, le 10 décembre 2024 à l'Institut Brookings, à Washington
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Exercices militaires russes en Biélorussie : l'étonnante présence d'observateurs américains

L’information surprend, mais ne désarçonne pas : des officiers américains ont été invités à assister aux exercices stratégiques conjoints annuels entre la Russie et son plus proche allié, la Biélorussie… Organisés cette année à la frontière d’un pays de l’Otan, la Pologne. Le signal fort d’une "volonté de désescalade des tensions avec les Etats-Unis autour d’un processus de paix au point mort", pour le Wall Street journal (WSJ).

C’est le ministre de La Défense Biélorusse, Viktor Khrenin, qui a annoncé la nouvelle de cette invitation surprise, lundi 15 septembre sur sa chaîne Telegram, rapportent Les Echos. Dans une vidéo, on le voit serrer la main de l’attaché militaire américain Bryan Shoupe durant les exercices militaires nommés "Zapad 2025". "Merci pour l’invitation" salue l’Américain. "Les meilleures places pour observer seront mises à votre disposition. […] Nous vous montrerons tout ce qui vous intéresse", lui répond le ministre biélorusse.

Continuité de la politique de Donald Trump

Une grande étape franchie, mais une continuité cohérente, après le sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump en Alaska en août dernier. "Bien que ce soit officiellement la Biélorussie qui ait invité les Etats-Unis et d’autres alliés, certains observateurs ont vu la main de Moscou derrière cette mise en scène, comme une façon de maintenir l’élan dans les ouvertures du président russe Vladimir Poutine envers le président Trump", décrypte le WSJ.

La veille de ces exercices, qui ont pris fin mardi, la Biélorussie avait libéré en signe de bonne volonté 52 prisonniers politiques, en grande majorité des opposants au régime de Lukachenko, président qui dirige d’une main de fer le pays depuis la chute de l’Union soviétique. Ces derniers ont été accueillis par la Lituanie. En échange, Washington a pris une mesure très attendue par Minsk : la fin des sanctions sur la compagnie aérienne nationale Belavia. Arrivé sur le sol biélorusse, "l’envoyé spécial du président américain a aussi remis une lettre de Donald Trump au dirigeant biélorusse avec ces mots : "C’est un geste rare d’amitié", révèlent Les Échos. 25 prisonniers supplémentaires ont été graciés mardi.

Un appel vers l’Europe à normaliser la communication

Pas la même ambiance côté Otan et Europe de l’Est : la pression est encore montée d’un cran face aux exercices militaires russes et biélorusses. La Pologne, la Lettonie et la Lituanie, trois pays frontaliers, ont renforcé leurs mesures de sécurité. Les frontières ont été bouclées, et des exercices militaires ont été organisés en miroir, mobilisant leurs propres armées. Par le passé "Moscou a déjà utilisé des exercices militaires comme couverture pour franchir ses frontières", rappelle le WSJ. En février 2022, les exercices baptisés "Union Resolve" avaient permis à Moscou de déployer une partie de ses troupes en Biélorussie dans le cadre de manœuvres d’entraînement pour lancer l’invasion de l’Ukraine.

L’inquiétude a donc atteint des niveaux inhabituels sur le flanc est de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, surtout après l’incursion la semaine dernière d’un drone russe en territoire polonais. De leur côté, les Etats-Unis ont déjà écarté la théorie d’un acte intentionnel et belliqueux de la Russie.

Pourtant pour certains observateurs, avant même d’être une démonstration de force (les exercices annuels russes sont très scénarisés, et ne reflètent pas selon les observateurs la véritable force de frappe de l’armée du Kremlin), le message était plutôt le suivant : l’Occident a tout intérêt à normaliser la communication avec la Russie et ses alliés. "Nous n’avons rien à cacher" ont répété les autorités de Minsk à l’occasion des exercices.

Le déroulement de ces exercices aux portes de l’Otan signe tout de même un message clair : en cas de refus de communication, la confrontation militaire est bien toujours sur la table. Mardi, le ministère biélorusse de la Défense a indiqué publiquement que les exercices incluaient l’élaboration de plans d’utilisation du missile tactique Oreshnik, capable de porter une ogive nucléaire, que la Russie avait utilisée avec effet dévastateur en Ukraine l’an dernier. Depuis, Vladimir Poutine a promis de déployer ce missile en Biélorussie, plaçant ainsi cette arme hypersonique tactique aux portes de l’Otan.

© afp.com/Handout

Capture d'écran vidéo tirée d'un document distribué par le ministère russe de la Défense, le 12 septembre 2025, montrant les forces armées russes participant aux exercices militaires conjoints Zapad-2025 des forces armées russes et bélarusses dans un lieu non divulgué
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Mort d’Alexeï Navalny : la veuve de l’opposant russe affirme qu’il a été "empoisonné"

La veuve du principal opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison en février 2024 dans des conditions troubles, a affirmé mercredi 17 septembre que son mari avait été "empoisonné", disant se fonder sur des analyses effectuées par des laboratoires occidentaux.

Ioulia Navalnaya, qui a repris les rênes du mouvement de son mari défunt, a expliqué sur les réseaux sociaux que des échantillons biologiques de son époux avaient été collectés après sa mort à 47 ans dans une colonie pénitentiaire de Kharp, dans l'Arctique russe, et transmis à des laboratoires situés dans des pays occidentaux. "Deux laboratoires de deux pays différents sont arrivés, indépendamment l'un de l'autre, à la conclusion que Alexeï avait été empoisonné", a-t-elle déclaré sur Telegram et dans une vidéo explicative. Ioulia Navalnaya n'a pas rendu public ces analyses et a précisé ne pas pouvoir "obtenir les résultats officiels indiquant exactement quel poison avait été utilisé".

"Il a été tué de manière atroce"

Une proche collaboratrice de Navalny, Maria Pevtchikh, a pour sa part affirmé sur Telegram que l'opposant était, au moment de sa mort, "allongé par terre, vomissait et hurlait de douleur" mais qu'"au lieu de le sauver, les gardiens l'ont laissé là, ont fermé les barreaux et la porte" de sa cellule. Elle a publié des photographies d'une cellule, selon elle prises juste après le décès de l'opposant, sur lesquelles on voit du vomi et du sang sur le sol. 

L'ex-bras droit d'Alexeï Navalny, Leonid Volkov, a accusé sur Telegram le président russe, Vladimir Poutine, d'avoir "assassiné" l'opposant. "Il a été tué de manière atroce, empoisonné. Et même si les données ont été effacées des dossiers médicaux et les traces dissimulées, nous savons tout de son dernier jour et de la manière dont il a été assassiné", a-t-il indiqué.

Charismatique militant anticorruption et ennemi numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny est mort le 16 février 2024 dans des circonstances floues, alors qu'il purgeait une peine de 19 ans de prison pour des accusations qu'il dénonçait comme politiques. Il avait été empoisonné une première fois en 2020 en Sibérie à l'agent innervant Novitchok et était resté en convalescence pendant plusieurs mois en Allemagne. Il avait été arrêté dès son retour en Russie, en janvier 2021.

Après sa mort, les autorités avaient refusé pendant plusieurs jours de remettre son corps à ses proches, ce qui a éveillé les soupçons de ses partisans. Le Kremlin dément toute responsabilité dans sa mort.

© afp.com/-

Des fleurs déposées autour de portraits de l'opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison, le 23 février 2024 à Francfort, en Allemagne
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Mort de Charlie Kirk, affaire Epstein, purges… Kash Patel défend son action à la tête du FBI

"Vous promettez de publier le dossier Epstein, mais maintenant vous gardez le dossier Epstein secret. Vous annoncez l’arrestation d’un suspect dans un grave assassinat et oups ! Vous n’avez plus de suspect" : placé par Donald Trump à la tête du FBI en février dernier, Kash Patel a été bousculé lors d’une audition mardi 16 septembre par les démocrates du Sénat. Ces derniers mettent en cause son professionnalisme et l’accusent de partialité dans sa conduite de la police fédérale américaine. Plus tôt cette semaine, le patron du FBI avait annoncé prématurément l’arrestation d’un suspect dans l’enquête sur l’assassinat de l’influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

"Je ne vais nulle part !" a clamé Kash Patel dès le début de l’audition, donnant le ton avant plus de quatre heures d’attaques et de contre-attaques dans une salle de commission à moitié vide. Le fonctionnaire a rejeté à plusieurs reprises les questions des sénateurs démocrates, les qualifiant de "honteuses" ou "dégoûtantes" lors d’échanges qui ont viré deux fois à l’empoignade verbale, rapporte le Washington Post.

Devant le Sénat, Kash Patel s’est de nouveau justifié d’avoir claironné sur X, quelques heures à peine après l’assassinat de Charlie Kirk le 10 septembre, que l’auteur présumé de ce "meurtre atroce" était en détention, grillant la politesse aux autorités sur place, bien plus circonspectes. Il avait ensuite dû se dédire piteusement en annonçant que ce suspect, mis hors de cause, avait été relâché. Il a répété mardi qu’il aurait "pu s’exprimer plus prudemment" mais a nié avoir commis "une erreur".

Son autorité est d’autant plus entamée qu’une partie de la base du président Donald Trump lui reproche, ainsi qu’à la ministre de la Justice, Pam Bondi, sa gestion de l’affaire Jeffrey Epstein, délinquant sexuel mort en prison en août 2019 avant son procès pour exploitation sexuelle. Au Sénat néanmoins, les républicains du panel lui sont restés fidèles, "n’offrant tout au plus que de légers reproches qui masquaient les griefs sérieux de certains alliés de Trump contre Kash Patel depuis la mort de Charlie Kirk", note le New York Times.

Licenciements massifs

D’autres dossiers ont été ressortis par les sénateurs. En janvier, l’ancien procureur du ministère de la Justice avait défendu ses qualifications et promis qu’il n’utiliserait pas son rôle de directeur pour se venger des adversaires politiques de Trump. Les démocrates l’ont accusé ce mardi d’avoir rompu cette promesse, en soulignant les licenciements de dizaines d’agents vétérans ayant travaillé sur des enquêtes liées au président ou à l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole. "Vous ne savez rien des projets de limogeage d’agents du FBI et pourtant vous êtes directement impliqué dans ces plans", a accusé le sénateur Cory Booker.

Kash Patel a rejeté tout caractère partisan dans la vague de 36 000 licenciements qu’il a conduite, assurant se fonder uniquement sur des critères de compétence professionnelle. Dans une plainte la semaine dernière, trois responsables du FBI abruptement renvoyés en août disent pourtant avoir été sanctionnés pour leur opposition au limogeage d’agents dont le seul tort était d’être considérés comme insuffisamment alignés sur les priorités de la nouvelle administration.

"Attaquer l’attaquant"

Pour les démocrates, la conclusion de l’audience était claire. "Je ne pense pas que vous soyez à votre place au FBI. Mais voilà, Kash Patel, je ne pense pas que vous y soyez pour très longtemps encore", a lancé le sénateur démocrate Cory Booker, lui promettant que malgré son indéfectible allégeance, Donald Trump se "débarrasserait" de lui sans états d’âme.

Pour la presse américaine, aucun doute, Kash Patel était venu "jouer le rôle familier de pugiliste" lors de son audition, titre le New York Times. "Kash Patel, qui a adopté le style 'attack-the-attacker' du président Trump avec une verve tonitruante, n’avait aucune intention de se laisser piéger par les démocrates, ni de concéder de grandes erreurs, ni parfois même de fournir des réponses à leur demande d’information", décrit le journal américain.

Plus encore qu’une épreuve de défense ou de justification, Kash Patel était venu mener une démonstration, poursuit le New York Times. "Il était là pour se battre, tranche le média. Peut-être pour convaincre Donald Trump qu’il possède encore les attributs qui l’ont initialement rendu cher au cercle rapproché du président — ce mélange unique de défi public et de soumission personnelle exigé de ceux placés en position de pouvoir". Après avoir été questionné par la commission judiciaire du Sénat mardi, Kash Patel doit se présenter devant celle de la Chambre des représentants ce mercredi.

© afp.com/Jim WATSON

Le directeur du FBI, la police fédérale américaine, Kash Patel, lors d'une audition devant la commission judiciaire du Sénat, à Washington, le 16 septembre 2025
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