C’est un projet à deux vitesses. Selon un article du quotidien économiqueThe Wall Street Journal, la Chine prévoit de faciliter l’acheminement des terres rares vers les Etats-Unis en concevant un système qui exclura les entreprises ayant des liens avec l’armée américaine tout en accélérant les autorisations d’exportation pour les autres entreprises.
Ce système, appelé "système d’utilisateur final validé" (VEU), permettrait au chef d’Etat chinois Xi Jinping de tenir sa promesse faite au président américain Donald Trump de faciliter l’exportation de ces matériaux. Le tout, en veillant à ce qu’ils ne finissent pas entre les mains des fournisseurs militaires américains. Une préoccupation majeure pour la Chine, rappelle le quotidien américain, alors que ces matériaux sont essentiels pour la défense, mais aussi l’automobile ou l’électronique.
Des dommages pour les secteurs automobiles et aérospatiaux
Si la mesure venait à être appliquée à la lettre, elle pourrait toutefois compliquer l’importation de certains matériaux chinois pour les entreprises des secteurs de l’automobile et de l’aérospatial. Tous deux comptent des clients dans les secteurs civils et mais aussi dans la défense. Selon les sources du Wall Street Journal, le plan de Pékin est encore susceptible d’évoluer et son système de licences ne sera définitif qu’après sa mise en œuvre.
Principale source de préoccupation du côté de Washington : les aimants à base de terres rares dites lourdes. Ils sont largement utilisés dans les biens civils tels que les véhicules électriques et les avions de ligne, mais sont également nécessaires dans les avions de chasse, les sous-marins et les drones d’attaque. De façon assez pragmatique, le système de VEU que Pékin envisage de mettre en place est en réalité calqué sur les lois et procédures américaines, tout comme une grande partie de l’architecture de contrôle des exportations de Pékin. Il s’agirait ainsi pour Pékin de rendre la pareille à Washington, après des années de déséquilibre.
Mécanisme de réciprocité
Ainsi, selon le cadre de la version américaine du système VEU, en vigueur depuis 2007, certaines entreprises chinoises sont autorisées à acheter des biens sensibles dans le cadre d’une autorisation générale, au lieu de devoir justifier chaque achat par des licences individuelles. Selon le WSJ, cela faciliterait l’importation de biens contrôlés tels que des produits chimiques ou des équipements de fabrication de puces, mais obligerait les entreprises à se soumettre, entre autres, à des inspections de leurs installations par le gouvernement américain afin de vérifier leur conformité au programme. Néanmoins, aux Etats-Unis, il arrive que des entreprises chinoises autorisées à recevoir des achats dans le cadre du programme VEU se voient retirer cette autorisation, ce qui suscite l’inquiétude de Pékin.
Face à Donald Trump et ses droits de douane, souvent démesurés, Pékin a sorti la carte des restrictions sur les terres rares et particulièrement sur les aimants pour pouvoir peser dans les négociations avec Washington. Dimanche 9 novembre, la Chine avait confirmé suspendre une interdiction d’exportation vers les Etats-Unis de gallium, germanium et antimoine, des métaux rares cruciaux pour l’industrie moderne. Un signe d’apaisement entre Donald Trump et Xi Jinping. Mais avec le système VEU, Pékin semble vouloir maintenir un certain contrôle.
De la terre contenant diverses terres rares en attente de chargement sur un navire dans un port à Lianyungang, dans la province du Jiangsu, à l'est de la Chine, le 5 septembre 2010
Les ministres des Finances de l'Union européenne (UE) ont approuvé jeudi la suppression de l'exonération de droits de douane sur les colis importés en Europe d'une valeur inférieure à 150 euros. L'UE espère pouvoir mettre en oeuvre dès le 1er trimestre 2026 cette mesure réclamée notamment par la France, et qui vise à lutter contre l'afflux de produits chinois commandés sur des plateformes comme Temu ou Shein ne respectant pas les normes européennes.
La taxation s'accompagnera de frais de traitement
Cette mesure avait été proposée en février par la Commission européenne, et elle devait initialement entrer en vigueur à la mi-2028, en s'alignant sur la réforme de l'union douanière, un vaste projet d'harmonisation et de partage de données entre Etats membres. Mais les Etats et la Commission veulent aller beaucoup plus vite et la mettre en application dès le premier trimestre 2026, via un système transitoire qui devrait être adopté lors de la prochaine réunion des ministres, le 12 décembre.
"La France a pris l'initiative de réagir au phénomène des petits colis. Cela a payé aujourd'hui", s'est réjoui le ministre français de l'Economie Roland Lescure, dans une déclaration à l'AFP. "C'est une étape clef pour la protection des consommateurs européens et du marché intérieur en luttant plus efficacement contre les produits dangereux et non conformes à nos règlementations européennes. Nous avons franchi un grand pas pour la souveraineté économique de l'Union européenne", a-t-il ajouté.
Cette taxation des petits colis devrait en outre s'accompagner de l'instauration de frais de traitement sur chaque petit colis entrant dans l'UE, en majorité achetés via des plateformes d'origine chinoise comme Shein ou Temu. Le montant de ces frais de traitement n'a pas été encore fixé, mais Bruxelles a proposé en mai deux euros par paquet. L'UE espère pouvoir appliquer ces frais à partir de la fin 2026.
L'ensemble des colis issus de Shein arrivés à l'aéroport de Roissy-CDG ont été contrôlés dans le cadre d'une opération intervenant au lendemain du lancement d'une procédure de suspension de la plateforme.
Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont entendus jeudi 13 novembre, après des mois de tergiversations, sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues. Lors de ces longues négociations, il a été question un temps de réintroduire une forme de conscription obligatoire pour les hommes et par tirage au sort, mais finalement l'alliance de conservateurs et sociaux-démocrates se sont entendus dans la nuit sur une version non-coercitive.
D'après le nouveau texte, qui doit encore être présenté au Parlement, tous les hommes de 18 ans devront passer un examen médical et remplir un questionnaire sur leur disponibilité et leur volonté de servir dans l'armée.
Bâtir l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe
Cette mesure doit permettre d'augmenter le nombre de volontaires, alors que le chancelier Friedrich Merz a pour ambition de bâtir l'armée conventionnelle la plus puissante d'Europe, pour contrer la menace russe et compenser le désengagement américain.
Le projet de loi, porté par le ministre social-démocrate (SPD) de la Défense Boris Pistorius, exclut un recours au tirage au sort pour enrôler des Allemands si le nombre de volontaires ne suffisait pas. Mais l'idée d'une forme de service militaire obligatoire, portée par les conservateurs, peut encore revenir sur la table, selon Jens Spahn, chef du groupe parlementaire CDU/CSU. "Si le service volontaire ne suffit finalement pas, alors le service obligatoire sera aussi nécessaire", a jugé l'élu. Mais un nouveau texte de loi devra alors être adopté.
Le service obligatoire, "un dernier recours"
Matthias Miersch, chef du groupe parlementaire social-démocrate, a déclaré qu'il était "certain" que la Bundeswehr trouverait suffisamment de recrues. Le service obligatoire est "un dernier recours", a ajouté le ministre Boris Pistorius.
Le chancelier conservateur a érigé en priorité nationale le renforcement de l'armée allemande, mal équipée et en sous-effectif depuis des décennies. Il a déjà considérablement augmenté les dépenses militaires du pays et encore augmenté l'aide militaire à l'Ukraine. Les services allemands de renseignement mettent en garde contre une menace "de conflit militaire direct" avec l'Otan provoqué par la Russie, qui pourrait survenir avant 2029.
Les partis de la coalition au pouvoir en Allemagne se sont accordés sur un service militaire basé sur le volontariat, afin de renforcer une armée en manque de recrues.
Le site de la société Eurenco, qui produit de la poudre à propulsion d’obus à Bergerac en Dordogne, a de nouveau été survolé par un drone non identifié mercredi, a-t-on appris jeudi 13 novembre auprès de la préfecture et du parquet. Cette unité pouvant produire jusqu’à 1 200 tonnes de poudre par an pour l’armée française avait déjà fait l’objet de deux survols illégaux lundi soir.
"De nouveaux faits de survol illicite du site de production d’Eurenco par un drone se sont produits hier (mercredi) ", a déclaré jeudi à l’AFP Anne-Cécile Dumonteil, procureure de la République à Bergerac, qui a ouvert une enquête de flagrance "du chef de survol volontaire par le pilote d’un aéronef d’une zone interdite", confiée au commissariat de Bergerac. "La société Eurenco a déposé une plainte contre X pour les premiers faits du 10 novembre. Un complément de plainte devrait intervenir demain (vendredi) pour les nouveaux faits du 12 novembre", a-t-elle ajouté.
"Malgré la mobilisation immédiate de la police nationale, les recherches pour retrouver le télé-pilote se sont avérées vaines", a déclaré à l’AFP un porte-parole de la préfecture.
Eurenco, créé en 2004, est le leader européen des poudres et explosifs avec deux sites en France (Bergerac et Sorgues dans le Vaucluse), un en Suède et un en Belgique. L’entreprise compte quelque 1 700 employés et a réalisé près de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024 - il a doublé en cinq ans. Ses poudres, propulsives ou explosives, sont utilisées dans l’ensemble des munitions françaises et beaucoup de munitions européennes, bombes, têtes de missiles et de torpilles, obus ou munitions de moyen calibre. Son unité périgourdine de production de poudre a été inaugurée en mars, près de 20 ans après la délocalisation de cette production en Suède en 2007, faute de commandes, actant une relocalisation stratégique au moment où l’Europe souhaite se réarmer.
A Mulhouse, un vol de drone au-dessus d’un convoi de chars Leclerc
Des incidents impliquant des drones se sont multipliés ces dernières semaines, aussi bien en France qu’en Europe, où la main de la Russie a été évoquée malgré les démentis de Moscou. Mercredi, le parquet de Mulhouse a annoncé l’ouverture d’une enquête après le survol la veille d’un drone au-dessus du commissariat de cette ville du Haut-Rhin et d’une gare à proximité où se trouvait un convoi transportant des chars Leclerc.
Les investigations se concentrent actuellement sur l’identification du ou des pilotes de cet appareil, a souligné le parquet dans un communiqué. "En l’état, aucun élément ne permet d’indiquer s’il s’agit d’un survol délibéré de ces zones ou d’un simple passage inopiné de l’appareil à l’occasion d’un autre trajet", a-t-il ajouté.
Fin septembre, la base militaire de Mourmelon dans la Marne, où ont été formés des soldats ukrainiens, avait aussi fait l’objet de survols de drones.
Donald Trump a savouré sa victoire sur Fox News: selon lui, le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, "pensait pouvoir briser les républicains, et ce sont les républicains qui l’ont brisé". "Nous ne céderons jamais au chantage", a renchéri le président américain en signant mercredi 12 novembre la loi mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis, qui a bouleversé plusieurs pans de l’économie du pays. Deux jours plus tôt, il se félicitait déjà auprès de ses troupes : "C’est une très grande victoire", proclamait-il avec la fin en vue d’un shutdown de 43 jours, dont il a profité pour éreinter l’opposition démocrate et vanter une nouvelle fois sa politique économique.
Sur le papier, la droite de Donald Trump semble avoir obtenu ce qu’elle voulait. Fatigués du blocage qui paralysait le pays, huit sénateurs démocrates ont fini par voter avec les républicains lundi, approuvant une loi prolongeant le budget précédent jusqu’à fin janvier. Mercredi soir à la Chambre des représentants, six démocrates ont joint leur vote à ceux de la majorité présidentielle. Mais derrière les cris de victoire du locataire de la Maison-Blanche, la réalité est plus nuancée : la majorité des démocrates reste opposée à un accord jugé insuffisant. Pire, les sondeurs républicains rappellent que les subventions pour le programme d’assurance santé "Obamacare", sur lesquelles les républicains ont refusé tout compromis jusqu’au dernier jour du shutdown, sont populaires chez des millions d’électeurs de Donald Trump.
L’enjeu électoral de l’Obamacare
Les démocrates n’ont pas obtenu les mesures pour lesquelles ils se battaient, eux qui avaient refusé jusqu’ici de voter le budget (provoquant donc le shutdown) sans concession des Républicains. Ils exigeaient en particulier la prolongation des subventions de santé de l’Affordable Care Act (ACA), aussi appelé Obamacare, qui expirent à la fin de l’année. Les élus ayant voté la fin du shutdown malgré l’absence de geste républicain sur la question se sont donc attiré les foudres de nombreux membres de leur propre parti, qui leur ont reproché d’offrir une victoire au camp adverse. Mais l’inflexibilité de ce dernier pourrait bien, justement, le fragiliser, en lui coûtant des voix lors des élections de mi-mandat de 2026.
"Les démocrates perdent la bataille du shutdown - Donald Trump et les républicains risquent de perdre la guerre", titre ainsi le Washington Post. Celui-ci rappelle qu’en juillet, une note interne coécrite par Tony Fabrizio, principal conseiller de la campagne de Donald Trump, avertissait en effet que les candidats républicains au Congrès pourraient souffrir de la fin de l’ACA, et que refuser de prolonger les subventions de l’Obamacare serait un risque politique majeur. Instaurées pendant la pandémie, ces aides permettent à des millions d’Américains de payer leur assurance santé. D’après un sondage de KFF (un cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé), 74 % des citoyens soutiennent leur prolongation, et, en cas d’arrêt, "Trump ou les républicains du Congrès" seraient jugés responsables par la majorité d’entre eux.
Pour l’instant, le texte voté par le Congrès laisse cette question cruciale en suspens après le 31 décembre. Cité par le Washington Post, Patrick Sebastian, stratège républicain en Caroline du Nord, reconnaît que l’arrêt brutal des subventions ACA constituerait un défi politique et prédit que les républicains feront de leur mieux pour "assurer une transition en douceur pour le système de santé". Mais Donald Trump, lui, ne cache pas son intention de supprimer ce dispositif qu’il qualifie de "désastre" et de "cauchemar".
Donald Trump face à la baisse de sa popularité
En plus d’être un risque électoral pour les républicains, la conclusion de ce shutdown pourrait être un outil de campagne pour les démocrates. Pour le New York Times, "en résistant pendant des semaines alors que les républicains refusaient de prolonger les crédits d’impôt santé et que Trump allait en justice pour priver les Américains à faible revenu des aides alimentaires SNAP, les démocrates ont également affiné leur principal message pour 2026 : les républicains, qui contrôlent l’ensemble du gouvernement, n’ont rien fait pour répondre aux préoccupations des électeurs concernant le coût de la vie".
Par ailleurs, les sondages montrent que les Américains tiennent davantage Donald Trump et les républicains pour responsables de la paralysie budgétaire que les démocrates : 45 % blâment le président et son parti, contre 33 % pour les démocrates, selon le Washington Post. D’autres sondages corroborent ces chiffres.
À la Maison-Blanche, les proches du président interrogés par le journal américain minimisent les risques et se disent confiants : cette baisse de popularité serait passagère, liée à la lassitude des électeurs et aux élections locales défavorables. Mais la séquence laisse entrevoir un revers plus profond pour un parti qui s’affiche victorieux, tout en s’exposant à un dossier explosif — la santé — que ses propres électeurs ne veulent plus voir remis en cause. Comme le résume le collaborateur républicain Patrick Sebastian, "dès qu’on donne quelque chose à quelqu’un et qu’on le lui reprend totalement, c’est politiquement difficile". Une leçon que Donald Trump pourrait bientôt apprendre de force.
Donald Trump après avoir signé le texte mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 12 novembre 2025
Cherchant à sortir victorieux de cet interminable bras de fer, il a attaqué les "extrémistes de l’autre parti", les accusant d’avoir mis le gouvernement à l’arrêt pour "des raisons purement politiciennes". Donald Trump a lancé : "Le pays ne s’est jamais mieux porté", alors même que les sondages font état d’un mécontentement croissant des Américains sur l’économie.
Après l’adoption lundi par le Sénat, la Chambre des représentants a approuvé la proposition de loi budgétaire avec 222 voix pour et 209 contre. Seuls six élus démocrates ont rejoint la majorité présidentielle, tandis que deux républicains ont exprimé leur désaccord.
Maigres concessions à l’opposition
Après plus de 40 jours d’impasse budgétaire, une poignée de sénateurs démocrates avaient fini par rendre les armes lundi en approuvant avec leurs collègues républicains une nouvelle proposition de loi, qui étend le budget précédent jusqu’à fin janvier. Le texte laisse en revanche dans le flou la prolongation de subventions pour "Obamacare", l’assurance santé de ménages aux revenus modestes, au grand dam de la base et de nombreux élus démocrates.
Donald Trump n’a lui fait aucun mystère de ses intentions, qualifiant ce dispositif de "désastre" et de "cauchemar" qu’il faudrait supprimer. Il a jugé qu’au lieu de subventionner un système collectif, il faudrait redistribuer les financements "directement" aux Américains afin que ces derniers choisissent individuellement leurs assurances-santé.
Parmi les seules concessions à l’opposition, le texte prévoit la réintégration des fonctionnaires licenciés depuis le début du "shutdown". Il comprend également des fonds pour le programme d’aide alimentaire SNAP jusqu’en septembre, évitant ainsi que cette aide, dont bénéficient plus de 42 millions d’Américains, soit gelée en cas de nouvelle paralysie budgétaire fin janvier, comme ce fut le cas lors du blocage actuel.
En raison des règles de consensus politique du Sénat, que le président américain a une nouvelle fois appelé mercredi à abandonner, huit voix de l’opposition étaient nécessaires pour adopter le texte. Et les huit en question se sont attiré les foudres de nombreux membres du camp démocrate, qui dénoncent de maigres concessions et de fausses promesses républicaines. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, s’est lamenté sur X d’une "capitulation". De nombreux démocrates se sont aussi demandé pourquoi ces sénateurs ont cédé quelques jours seulement après de larges victoires de leur parti dans d’importantes élections à travers le pays, qui validaient selon eux leur stratégie au Congrès.
"Obamacare"
Le chef de la minorité démocrate, Hakeem Jeffries, a de nouveau appelé mercredi soir les républicains à tenir leur promesse d’organiser un vote bientôt sur "Obamacare". "Nous estimons que les Américains de la classe ouvrière, les Américains de la classe moyenne, et les Américains ordinaires méritent le même niveau de certitude que les républicains fournissent toujours aux riches, aux plus aisés, et aux donateurs au bras long", a-t-il déclaré dans un discours depuis l’hémicycle. "Il n’est pas trop tard" pour prolonger ces subventions, a ajouté le ténor démocrate.
La question de ces subventions est au cœur du différend qui a mené au "shutdown". Sans leur prolongation, les coûts de l’assurance santé devraient plus que doubler en 2026 pour 24 millions d’Américains qui utilisent "Obamacare", selon KFF, cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé.
Depuis le 1er octobre, plus d’un million de fonctionnaires n’étaient pas payés. Le versement de certaines aides a été fortement perturbé, et des dizaines de milliers de vols ont été annulées ces derniers jours en raison de pénuries de contrôleurs aériens, car certains avaient choisi de se faire porter pâle plutôt que de travailler sans salaire.
Le président américain Donald Trump signe le texte mettant fin à la plus longue paralysie budgétaire des Etats-Unis dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 12 novembre 2025
Dimanche 9 novembre, cinq drones ont été aperçus survolant la centrale nucléaire de Doel, près d’Anvers en Belgique. D’autres (ou les mêmes) engins ont été repérés depuis octobre, survolant tour à tour l’aéroport de Bruxelles, celui de Liège, la base militaire de l’Otan de Kleine-Brogel près de la frontière néerlandaise, où des armes nucléaires américaines sont stationnées, ou encore la base aérienne de Florennes, près de Namur.
Le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ont annoncé qu’ils allaient venir en aide à la Belgique à sa demande - une unité de la Bundeswehr est déjà arrivée. À ce jour cependant, aucun des drones n’a pu être intercepté et examiné. La preuve de leur origine n’a donc pas pu être établie formellement, même si les experts occidentaux pointent du doigt la Russie, accusée d’être derrière nombre de vols mystérieux ces deux derniers mois dans les espaces aériens de pays de l’Otan : outre la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Pologne, la Norvège, la Suède, la Finlande et les pays Baltes sont notamment concernés.
"Nous soupçonnons que ces engins soient, pour une part significative d’entre eux, contrôlés par la Russie", a accusé le chancelier allemand Friedrich Merz. De fait, un fil rouge relie tous les pays touchés : le rôle qu’ils jouent dans le soutien à l’Ukraine. La Belgique qui héberge la plupart des avoirs russes gelés par l’UE se trouve au cœur des débats en cours sur l’octroi d’un prêt de 140 milliards d’euros à Kiev gagé sur ces actifs russes. Même si Moscou dément toute implication et dénonce une "hystérie" occidentale, une tentative de déstabilisation orchestrée par le Kremlin n’aurait donc rien d’étonnant ces jours-ci.
L’Allemagne, de même, est le pays qui aide le plus l’Ukraine en valeur absolue depuis l’invasion russe de février 2022. Le Danemark est celui qui fournit l’aide la plus importante en proportion de la richesse nationale. La Pologne joue un rôle clé de base logistique pour tous les matériels militaires livrés par les pays occidentaux à Kiev. Et les autres pays frontaliers de la Russie, en Scandinavie ou dans la Baltique, sont ceux qui prennent le plus au sérieux la menace que pose le revanchisme poutinien.
Une réponse européenne médiocre
Le schéma que dessinent les survols de drones, depuis celui qui a touché la Pologne le 10 septembre (4 engins venus de Biélorussie, alliée de Moscou, furent abattus par des avions de l’Otan), est celui d’une tentative d’intimidation à grande échelle contre les partisans du soutien à l’Ukraine. L’objectif ? D’abord, susciter un sentiment de vulnérabilité et de crainte dans les opinions publiques des pays visés. Et aussi, les survols de drones peuvent aussi servir des buts d’espionnage et de récolte d’informations sur la manière dont les pays de l’Otan ripostent à ce genre d’intrusions.
"Nous assistons au début d’une guerre hybride contre l’Europe", a averti la Première ministre danoise, Mette Frederiksen. L’usage de drones pour ce genre d’opérations est relativement facile et bon marché et permet de causer des dommages sérieux : à la suite de simples survols, les aéroports d’Amsterdam, Berlin, Munich, Brême, Hambourg, Copenhague, Alborg, Bruxelles, Liège, Göteborg, Stockholm et Oslo ont été chacun à leur tour contraints d’interrompre momentanément leur trafic ces dernières semaines.
Les drones peuvent être introduits clandestinement dans l’Union européenne et acheminés dans un simple véhicule à proximité de leur cible. Une puissance étatique peut charger des individus de les mettre en œuvre et brouiller les pistes qui permettraient de remonter jusqu’à elle, ce qui lui permet de nier en être responsable.
Face à une menace devenue évidente, la réponse apportée par les autorités européennes reste médiocre. Car malgré l’omniprésence des drones dans la guerre d’Ukraine (actuellement, les trois quarts des pertes en vies humaines sur le front seraient attribuables à ces engins), les États d’Europe occidentale apparaissent dans l’ensemble trop peu préparés à une telle agression. Dans l’urgence, l’Union européenne a mis en chantier l’édification d’un "mur antidrones" à sa frontière orientale. En réalité, il s’agira d’un ensemble de contre-mesures électroniques et physiques destinées à détecter, brouiller et éventuellement abattre des intrus. Mais il faudra du temps : d’après la haute représentante de l’UE, l’estonienne Kaja Kallas, le système ne sera pas pleinement opérationnel avant fin 2027 au plus tôt.
Intensification de la guerre hybride russe
Plusieurs experts ont souligné en outre qu’un tel "mur" antidrones à l’est de l’Europe pourra être contourné sans difficulté si les engins sont introduits clandestinement dans d’autres parties du continent et lancés depuis l’intérieur de l’UE. Le secrétaire général de l’Otan, le néerlandais Mark Rutte, a malgré tout jugé le projet "opportun et nécessaire". Il estime qu’il serait insoutenable à terme de faire abattre par des missiles antiaériens coûtant plus d’un million d’euros pièce des drones à la technologie rudimentaire qui n’en coûtent que quelques milliers à fabriquer.
En réalité, l’intensification de la guerre hybride russe contre les Etats européens de l’Otan révèle surtout la faiblesse de la dissuasion occidentale. Si le Kremlin se permet de tester les défenses de l’Otan et de jouer sur les nerfs des responsables de la sécurité des Etats membres, c’est qu’il ne craint guère une riposte. Le désintérêt du président américain Donald Trump pour les engagements de défense collective au sein de l’Alliance atlantique, les divisions entre Européens, le manque de consistance du pilier européen de l’Otan, contribuent à accentuer la vulnérabilité des pays alliés.
Depuis sa fondation en 1949, la dissuasion de l’Otan est fondée sur la crédibilité de la riposte, conventionnelle et le cas échéant nucléaire, qu’elle pourrait déclencher si l’un de ses membres était attaqué. C’est tout l’objet de la clause de défense collective contenue dans l’article 5 du traité de Washington : être capable de faire regretter son action à un agresseur, quel qu’il soit (mais c’est surtout l’URSS qui était visée à l’époque), afin de le dissuader de passer à l’acte. Les incursions de drones qui se multiplient témoignent que cette crédibilité a grandement perdu en efficacité. Pour la restaurer, il faudra bien plus qu’un simple "mur" antidrones.
Les jours de Keir Starmer à la tête du 10 Downing Street sont-ils comptés ? Selon des rumeurs circulant au Parlement britannique, des ministres voudraient faire tomber le Premier ministre dans la foulée de la présentation du budget, fin novembre. Parmi les instigateurs de la fronde on trouverait, selon des sources à Downing Street "alliées" de Keir Starmer, les ministres de la Santé Wes Streeting, de l’Intérieur Shabana Mahmood et de l’Energie Ed Miliband, lorgnant sur sa succession.
Keir Starmer n’est en poste que depuis l’été 2024, mais le Premier ministre est déjà très impopulaire, critiqué aussi bien sur sa gestion de l’immigration irrégulière que sur l’économie, qui est à la peine. D’après un sondage YouGov du 3 novembre, 73 % des Britanniques ont une opinion défavorable du chef de gouvernement. D’autant que les médias britanniques ne cessent de spéculer sur les mesures impopulaires que la ministre des Finances Rachel Reeves pourrait annoncer le 26 novembre, lors de la présentation du budget, à commencer par de nouvelles taxes.
Gouvernement "uni"
Selon les règles du parti travailliste, pour renverser Keir Starmer, il faudrait que 20 % de ses députés soutiennent la démarche, soit actuellement 80 élus. Des velléités totalement démenties par le ministre de la Santé. "Je ne vais pas demander la démission du Premier ministre. Je soutiens le Premier ministre", a affirmé Wes Streeting, 42 ans, sur la chaîne de télévision Sky News. Ces échanges avec les médias sont "totalement contre-productifs […] Je ne comprends pas comment quelqu’un peut penser que cela aide le Premier ministre", a-t-il également déclaré.
Pour sa part, le Premier ministre a assuré aux députés, lors des questions au gouvernement, être à la tête d’une "équipe unie", ce qui a déclenché les rires de l’opposition conservatrice. "Le gouvernement est en pleine guerre civile !", a raillé la cheffe de l’opposition, la conservatrice Kemi Badenoch.
Le Premier ministre s’est aussi défendu d’avoir "autorisé des attaques" contre des membres de son gouvernement. Des sources à Downing Street ont affirmé mardi soir, lors d’échanges avec plusieurs médias britanniques, que Keir Starmer se défendrait en cas de tentative pour le renverser. Le chef du gouvernement "sait qu’il est engagé dans une bataille pour la direction du parti. Quand elle arrivera, il ne démissionnera pas. Il se battra", a ainsi déclaré un de ses proches au Times.
Crise du Labour
Des propos immédiatement démentis par le Premier ministre. "Toute attaque contre un membre de mon cabinet est totalement inacceptable", a dit Keir Starmer devant les députés, apportant son soutien à Wes Streeting. "Il fait un excellent travail", a-t-il ajouté.
Alors, pourquoi autant de contre-déclarations ? "Les observateurs notent qu’en voulant allumer des contre-feux, les proches de Starmer ont surtout gratté l’allumette. Ils donnent une fâcheuse impression de fragilité. Et des députés qui n’imaginaient pas un putsch possible à court terme pourraient être tentés de basculer…" analyse Le Figaro.
Finalement, c’est un Premier ministre "sous pression" que décrit le Guardian, et qui, pour ne pas exposer les failles de son parti, a dû prendre la défense inconditionnelle de celui accusé de le trahir. Tout en étant bien embêté quant à l’avenir de ce potentiel frondeur au sein de son groupe. Mais Keir Starmer - l’un des rares à avoir gagné des élections pour le Labour ces dernières années - le sait :"une course à la direction plongerait le parti dans le chaos qui a marqué les dernières années du précédent gouvernement conservateur", analyse la BBC.
Empêtré dans une crise politique, le travailliste de 63 ans n’en est pas au bout de ses peines. Il doit encore survivre au vote du budget le 26 novembre, qui comprendra certainement des nouvelles taxes, après des hausses d’impôts cet été, trahissant l’une de ses promesses de campagne. Puis, son parti affrontera les élections locales de mai 2026, contesté par la montée de l’extrême droite de "Reform UK", en tête des intentions de vote depuis plusieurs mois.
La photo fournie par le parlement britannique montre le premier ministre Keir Starmer qui pointe du doigt Kemi Badenoch, le chef des conservateurs, principal parti d'opposition
Un ami proche du président Volodymyr Zelensky, le ministre de la Justice et un ancien vice-Premier ministre : les trois principaux protagonistes du dernier scandale de corruption qui éclabousse l’Etat ukrainien ne sont pas du menu fretin. Ils seraient impliqués dans le détournement de 100 millions de dollars dans le secteur énergétique. L’affaire, tentaculaire, tombe au pire moment pour l’Ukraine, en difficulté sur le front et à l’arrière, épuisée par le pilonnage russe des infrastructures énergétiques, qui prive la population de courant pendant des heures, parfois des journées entières.
Olena Halushka se bat depuis des années contre la corruption systémique dans son pays. Membre du conseil d’administration de l’Anticorruption Action Center (AntAC), l’une des plus grosses ONG actives dans ce combat, fondée en 2012, elle regrette le manque d’implication réelle du président Zelensky. Entretien.
L’Express : Quelle a été votre première réaction à l’annonce de cette nouvelle affaire de corruption ?
Olena Halushka : D’abord, je suis agréablement surprise que nous disposions d’institutions anticorruption capables de poursuivre les hauts responsables du gouvernement : non seulement le ministre de la Justice et ancien ministre de l’Energie Guerman Galouchtchenko, et l’ancien vice-Premier ministre Oleksiy Chernyshov, mais aussi des personnes comme Timur Mindich, allié personnel du président Zelensky, son ami et partenaire commercial de longue date, copropriétaire de leur société de production Kvartal. C’est une bonne nouvelle. N’oublions pas que nous, la société ukrainienne, avons protégé les deux institutions anticorruption menacées, en juillet dernier, par une loi visant à saper leur indépendance : le Bureau national anticorruption d’Ukraine (Nabu) et le Bureaudu procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (Sapo). Les Ukrainiens sont descendus dans la rue avec des pancartes. Et les messages des capitales européennes étaient très clairs, de Paris, Bruxelles, Londres ou Berlin : ne touchez pas à l’indépendance de ces institutions. Cela a contribué à les sauver. Et aujourd’hui, nous voyons les résultats tangibles de leur travail. Cela étant dit, je suis évidemment très frustrée que de tels schémas de corruption continuent d’exister en Ukraine, alors que nous sommes sous le feu de l’ennemi depuis près de quatre ans. Les missiles russes tentent de détruire notre réseau électrique pour nous plonger dans le noir. Et voilà que l’une des principales entreprises énergétiques, censée protéger la production d’énergie nucléaire ukrainienne, trempe dans ce type de pratiques véreuses. Au lieu d’utiliser au mieux chaque hryvnia payée par les citoyens ukrainiens dans leurs factures d’électricité, elle se permet de s’octroyer d’horribles pots-de-vin de 10 à 15 % sur ses contrats. Pire : la société Energoatom a retardé la protection de ses installations en comptant sur des entreprises mieux-disantes en matière de pots-de-vin. C’est terrible !
Le secteur ukrainien de l’énergie nucléaire n’a pas réellement fait l’objet de réformes depuis la révolution de la dignité en 2013-2014. J’espère sincèrement que ce scandale sera le déclic pour nettoyer enfin la société Energoatom. Historiquement, les Russes ont toujours essayé de conserver leur influence sur le secteur stratégique de la production énergétique ukrainienne, et les réformes ont toujours été reportées. Le moment est venu de s’y atteler pour de bon.
Y a-t-il des liens établis avec la Russie, dans cette affaire Energoatom ?
L’enquête pointe effectivement des liens indirects avec la Russie : l’un des bureaux utilisés par cette entreprise pour ce blanchiment d’argent appartient à un ancien directeur d’Energoatom : Andrii Derkach a dirigé cette entreprise en 2006-2007. Il a été député au Parlement ukrainien sous la bannière du Parti des régions, un parti pro russe. Puis, il a fui l’Ukraine, a été sous le coup de sanctions américaines, puis déchu de sa nationalité ukrainienne. Il est aujourd’hui sénateur quelque part en Russie [NDLR : dans l’oblast d’Astrakhan, au sud-ouest de la Russie].
L’une des personnes faisant l’objet d’une enquête est un ami proche de Volodymyr Zelensky. Pensez-vous que le président veut réellement s’attaquer à ce fléau de la corruption ?
Jusqu’à présent, rien ne prouve que le président lui-même ait été impliqué dans ces affaires de corruption. Cependant, Volodymyr Zelensky a été élu en 2019 avec pour promesse phare la lutte contre la corruption. C’était la revendication du Maïdan. Son prédécesseur Petro Porochenko a échoué, et Zelensky a surfé, avec succès, sur cette frustration populaire pendant sa campagne électorale. A l’heure actuelle, il est en train de perdre ce combat. Cela a bien sûr des implications sur la confiance de la société ukrainienne envers le président, ce qui est éminemment dangereux car nous sommes confrontés à un ennemi existentiel qui veut détruire la nation ukrainienne.
Nous devons être unis et avoir confiance en notre commandant en chef. Nous ne pouvons pas être polarisés. Les prochaines actions du président Zelensky vont donc peser lourd. Il vient de demander la démission des ministres de la Justice et de l’Energie [NDLR : les deux se sont exécutés dans la foulée].
Les actions du président seront beaucoup plus éloquentes que ses paroles. Pour l’instant, il est important que les personnes corrompues soient immédiatement exclues du gouvernement. Ensuite, le Nabu et le Sapo doivent pouvoir poursuivre leur travail en toute indépendance sans intervention du bureau du procureur général, des services de sécurité ou du Bureau national des enquêtes. Cette pression doit cesser. Un détective du Nabu, Ruslan Mahamedrasulov, se trouve actuellement en détention. Or, Ruslan a joué un rôle important dans la collecte des preuves dans cette affaire. Notre organisation suit cette enquête de très près et nous considérons que le dossier contre lui est monté de toutes pièces, afin d’exercer une pression sur le Nabu.
Existe-t-il des cas avérés de corruption au sein des deux structures chargées de lutter contre la corruption ?
Il y a eu quelques problèmes mineurs et des scandales par le passé, mais ils concernaient, comme dans toute institution, quelques personnes mal intentionnées. Mais dans l’ensemble, ces institutions sont indépendantes et essaient de faire leur travail. Depuis leur création, elles ont été soumises à une pression énorme, tant sous la présidence de Porochenko que sous celle de Zelensky, ce qui signifie qu’elles font l’objet d’une surveillance très étroite.
Ce n’est pas le premier scandale de corruption sous la présidence de Zelensky. Comment l’expliquez-vous ?
Malheureusement, Zelensky et son entourage n’ont pas pris les mesures nécessaires. Bien sûr, ils sont sensibles à l’opinion publique. Ils constatent que le public est très en colère et frustré par des scandales comme celui-ci, ils réagissent au mécontentement de la société, mais malheureusement, il n’y a pas de politique proactive de tolérance zéro envers la corruption.
Avez-vous observé l’émergence de nouvelles méthodes de corruption depuis le début de l’invasion à grande échelle par la Russie ?
L’un des principaux objectifs de notre lutte contre la corruption entre 2014 et 2022 a été de divulguer autant d’informations possibles au grand public : les registres fonciers, de véhicules, les cadastres, les bénéficiaires effectifs des entités privées, les déclarations électroniques de patrimoine des fonctionnaires, etc.
Bien sûr, la loi martiale ne permet pas le même niveau de transparence. Et une grande partie des activités liées à la sécurité nationale sont dissimulées pour se protéger des intrusions de l’ennemi. Mais cela limite considérablement la capacité de la société ukrainienne à surveiller les acteurs politiques et les autorités ukrainiennes. Et cela a contribué à la mise en place de nouveaux mécanismes, car la corruption déteste la transparence.
Nous avons évoqué l’érosion de la confiance nationale à la suite de ces scandales. Quid de celle des partenaires internationaux et des bailleurs de fonds ?
Bien sûr, tout scandale de ce genre porte un sérieux coup à cette confiance. Le monde libre soutient l’Ukraine car il considère que ce pays est une petite démocratie qui se défend contre un grand État autocratique.
J’insiste toujours sur le fait que les premiers à défendre les institutions anticorruption et à exiger des réformes sont les Ukrainiens eux-mêmes. Il suffit de regarder les sondages : depuis 2014, la majorité des gens considère la lutte contre la corruption comme une priorité absolue. Avant 2022, elle était la première. Depuis 2022, elle vient en deuxième position après la guerre avec la Russie. Cet appétit de justice vient de la société ukrainienne, pas de Bruxelles ! Il est important d’expliquer à vos sociétés que nous, en tant que société ukrainienne, sommes votre meilleur allié et votre meilleure garantie pour veiller à ce que chaque dollar, chaque euro, mais aussi chaque hryvnia provenant des contribuables ukrainiens soient utilisés avec la plus grande efficacité. Il y va de notre survie.
Vous travaillez depuis des années sur les réformes anticorruption. Selon vous, quels sont les principaux obstacles structurels qui empêchent encore l’Ukraine d’avancer sur ce sujet ?
La priorité est la réforme du système judiciaire. Nous avons essayé à plusieurs reprises, mais les premières tentatives ont complètement échoué, car le système est très compliqué et les juges corrompus se protègent entre eux. Assainir les tribunaux prendra du temps. Mais le système judiciaire est la mère de tous les maux. Sans cette réforme, nous construisons des châteaux sur du sable, qui s’effondreront.
Là encore, pensez-vous qu’il y ait une volonté politique suffisante pour y parvenir ?
La société ukrainienne manifeste clairement une forte volonté et l’Union européenne dispose d’excellents outils pour traduire cette aspiration de la société ukrainienne en décisions politiques, dans le cadre du processus d’adhésion à l’UE. Je pense en particulier aux groupes de travail sur les "fondamentaux". Il existe également des critères de référence que l’Ukraine doit mettre en œuvre. Ces outils sont des incitations extrêmement efficaces.
Par ailleurs, j’espère que l’Union européenne acceptera d’accorder un prêt de réparation à l’Ukraine et là, elle a un moyen de pression sur le gouvernement ukrainien : Bruxelles doit conditionner ce prêt à des réformes. Dans ce cas, l’Union européenne sera très utile pour susciter la volonté politique au niveau national nécessaire pour mener à bien ces réformes.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky assistant à une cérémonie marquant la Journée des défenseurs, une fête rendant hommage aux anciens combattants et aux membres tombés au combat des Forces armées ukrainiennes, à Kiev, le 1er octobre 2025
Ils s’appellent Sofia, Viktor, Lena et Pavel. Ou plutôt, nous les appellerons ainsi. Sofia travaille avec une association, bannie de Russie, qui lutte pour la mémoire des répressions soviétiques. Viktor, employé sur une base militaire, fait passer des informations à l’armée ukrainienne. Lena combat dans les rangs d’une unité de volontaires russes intégrée aux forces armées de Kiev. Pavel aide les réfugiés des régions russes touchées par la guerre, et en profite pour distiller des messages pacifistes.
Les contacter nous a pris plusieurs mois. Les conversations ont eu lieu par la messagerie cryptée Signal, plutôt que Telegram, soupçonnée d’être infiltrée par le FSB. Deux d’entre eux ont préféré garder éteinte leur caméra au moment de témoigner. Tous ont relu, avant publication, leurs interviews, pour s’assurer qu’il n’y restait aucune information risquant de les identifier formellement. Le risque qu’ils ont pris, en nous parlant, est considérable.
Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la répression est omniprésenteen Russie. Sur les réseaux sociaux, la moindre publication critiquant "l’opération militaire spéciale" peut être signalée aux services spéciaux par un délateur anonyme et valoir des poursuites à son auteur. Entre 2022 et 2024, plus de 950 personnes (politiques, artistes, inconnus…) ont été visées par des enquêtes criminelles pour avoir protesté, d’une façon ou d’une autre, contre la guerre, selon le média en ligne russe Mediazona. Opposant de longue date, Ilya Yachine a été condamné à huit ans et demi de détention. Alexeï Gorinov, un député municipal à Moscou, à sept ans. Son crime : avoir suggéré, lors d’une session parlementaire, une minute de silence en mémoire des victimes civiles ukrainiennes. Respectivement dramaturge et metteuse en scène, Svetlana Petritchouk et Jenya Berkovitch ont écopé de six ans pour avoir écrit une pièce de théâtre jugée subversive. Parce que sa fille de 11 ans, Macha, a écrit "Non à la guerre" en classe, Alexeï Moskaliov a été emprisonné pendant deux ans et Macha placée en famille d’accueil. Et en février 2024, Alexeï Navalny, détenu depuis trois ans, est mort en prison, probablement assassiné.
En deux vagues successives, l’une au début de la guerre, l’autre durant la mobilisation, environ un million de Russes ont fui le pays. Ceux qui restent sont soumis à une propagande permanente qui voudrait faire croire que toute la Russie est unie derrière son président pour anéantir l’Ukraine et faire la guerre à l’Occident. C’est faux. Des signes – discrets - montrent le contraire. Ce sont des rubans verts, couleur du mouvement antiguerre, noués sur des bancs publics. Des juristes qui aident bénévolement les jeunes hommes à échapper au service militaire ou à la mobilisation. Des artistes qui montent dans des caves des spectacles interdits. Des fonctionnaires qui glissent, dans la programmation d’un festival de cinéma, des films au double sens pacifiste. Des historiens qui persistent à faire vivre des monuments et des cérémonies aux victimes des répressions soviétiques.
Combien sont-ils ? Difficile à dire. "Les sondages établissent qu’il y a entre 12 et 15 % de radicaux anti-Poutine et antiguerre, et autant de faucons à l’autre bout du spectre. Le reste, c’est le 'marais'", estime Alexeï Venediktov. Rédacteur en chef de la radio Echo de Moscou,l’un des tout premiers médias indépendants de la Russie post-soviétique, Venediktov a longtemps fait office de trait d’union entre l’opposition et les cercles du pouvoir, avec lesquels il garde des contacts privilégiés. Depuis avril 2022, il est classé "agent de l’étranger". Echo de Moscou a cessé d’émettre, mais Venediktov n’a pas quitté la Russie. "Si l’on demande aux Russes s’ils sont pour que Poutine signe un cessez-le-feu sans conditions, 75 % disent oui, poursuit-il. Mais si on leur demande si le Donbass doit être russe, ils sont aussi 75 % à approuver." Sa conclusion : "Il y a en Russie une majorité fluide, qui soutient la politique de Poutine, quelle qu’elle soit."
Alors à quoi bon résister, dans une société majoritairement résignée ? Face à cette question, nos interlocuteurs, sans s’être concertés, sont peu ou prou unanimes. Ils agissent parce qu’il le faut, parce que quelqu’un doit bien s’y mettre et qu’ils ont l’impression que le sort les a désignés. Leur horizon est le même : un effondrement du régime de Poutine, un retrait militaire d’Ukraine. Et ensuite, une Russie démocratique, libérée du poids de son passé par un douloureux, mais nécessaire, examen de conscience historique. La verront-ils advenir ? Aucun d’entre eux ne semble y croire. Leur but est plus modeste : garder vivante l’idée d’une Russie meilleure.
Alors qu’en Russie, les opposants à la guerre, souvent confrontés à l’hostilité de leurs proches, en sont réduits à garder le silence et à rester isolés, ce genre d’action "peut donner de l’espoir, formule Alexeï Venediktov. Ces gens doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls, que beaucoup pensent comme eux. On ne peut pas laisser le peuple seul face à la propagande qui les empoisonne. On ne peut pas les guérir maintenant, mais on peut au moins enrayer la progression du poison. Et après la guerre, il faudra soigner les âmes."
Viktor, espion dans une base militaire
Pas de caméra, pas d’appel depuis son domicile mais depuis une chambre d’hôtel anonyme, au gré d’un déplacement… Viktor a les codes et les réflexes de la clandestinité. A l’été 2022, révulsé par les tueries de Boutcha, ce jeune homme, employé sur une base militaire russe, s’est mis à la disposition de la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes anti-Poutine engagés dans les forces armées ukrainiennes. Pour des raisons de sécurité, il ne donnera pas d’informations précises sur ses "actes de guerre", mais il nous confie son histoire. Et ses espoirs.
"Je vis dans une ville russe, près de la frontière avec l’Ukraine, où se trouve un aérodrome militaire. C’est là que je travaille. La guerre, je l’ai vue arriver avant tout le monde. Je voyais que l’on préparait les bombardiers, mais je n’y ai pas cru. Dans les premières semaines de combat, je n’ai pas du tout pensé aux Ukrainiens. Je suis russe, je suis patriote, je me disais qu’au fond, on était là-bas pour les aider… En avril 2022, j’ai découvert les photos de Boutcha. En voyant ces corps, cette photo de Zelensky en larmes, j’ai réalisé que je m’étais trompé. Et je ne suis pas le seul dans ce cas. On n’entend pas la voix de ceux qui ne sont pas d’accord, ceux qui sont contre les décisions du pouvoir. On s’imagine que la population russe est entièrement pour la guerre, mais ce n’est pas vrai, il y a beaucoup de gens qui pensent par eux-mêmes, des gens qui connaissent la vérité sur Boutcha et le reste. Seulement, ils sont terrifiés de parler, et si quelqu’un ose le faire, ça ne dure jamais très longtemps.
Après le 24 février, l’Etat a tout de suite resserré les boulons. J’étais au travail à cette époque-là, on ne nous a pas laissés rentrer chez nous pendant trois semaines. Ça grouillait d’agents du FSB. C’était terrifiant.
Je sais ce que je risque. Parler avec vous, c'est l'article 275 du Code pénal. Quinze ans de camp
J’ai d’abord cherché à foutre le camp. Je ne voulais plus vivre en Russie. Puis j’ai entendu parler de la légion 'Liberté de la Russie'. J’ai alors compris que je ne pouvais pas me contenter de ne pas être complice, que je devais me battre maintenant, pour ne pas me sentir étranger dans mon propre pays pour le restant de mes jours, pour que mes enfants n’aient pas à s’enfuir plus tard. Et j’ai décidé de rejoindre la lutte armée. J’ai pris le risque de contacter la légion. Pour moi, c’était la possibilité de partir, d’être entraîné, d’avoir une arme et de me battre avec des camarades. Il n’y avait que des avantages… à part le risque d’être tué, mais quand on travaille dans un aéroport militaire en Russie, ce risque existe aussi.
Mais César [NDLR : nom de guerre de Maximilian Andronnikov, chef de la légion "Liberté de la Russie"]m’a convaincu que je serais plus utile ici. Alors je suis resté. Je fais passer des informations à la légion. Parfois, je transmets un message, un colis… Oui, c’est risqué. Mais d’un autre côté, faire l’espion clandestin, ça me semblait moins dangereux que de sortir dans les rues pour crier que Poutine est un fils de p***. Avant l’invasion, on pouvait parler de politique dans sa cuisine ou au café. Depuis, tout a changé.
Aujourd’hui, tout le monde a peur de parler. Moi aussi, d’ailleurs. Je ne sais pas qui, parmi mes proches, soutient la démocratie, et qui a décidé que tout cela ne le regarde pas. Et je ne peux rien leur dire de mon activité, c’est la règle n°1 du partisan. Il ne faut jamais parler de ce que l’on fait, et surtout pas à ses amis ou à sa famille. Déjà, parce que si on m’arrête, tous ceux qui étaient au courant seront considérés comme des complices. Je ne voudrais pas que mes parents, mes amis, viennent me tenir compagnie en prison. Ensuite, parce que je ne peux pas savoir ce qu’il y a dans la tête de mon interlocuteur.
C’est comme dans un film, on est toujours au bord de la catastrophe. Pendant la première année, j’ai cru que ça me rendrait fou, j’ai pensé à prendre des médicaments. Puis j’ai adopté deux méthodes qui m’aident et font que je me sens bien aujourd’hui. D’abord, j’ai trouvé dans la légion des gens à qui parler. Nous discutons souvent. Et pour être honnête, c’est souvent moi qui me plains, et les autres qui m’écoutent. Partager mes difficultés, ça m’aide. Et puis, l’autre méthode, c’est que… la peur, l’angoisse, c’est épuisant. Au bout d’un moment, c’est comme si l’organisme décidait qu’il en avait assez d’avoir peur, on devient insensible et on fait juste son travail. Je sais que l’on peut m’arrêter demain et je sais ce que je risque. Tout le monde connaît l’article 275 du Code pénal. Haute trahison. Et je peux vous dire ça : parler avec vous, c’est l’article 275. Avoir demandé à rejoindre la légion, c’est 275. Et ne parlons même pas des informations que je fais passer ! Même si je me trouve un bon avocat, c’est quinze ans de camp à régime sévère. Et plus probablement vingt ou vingt-cinq. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Pour quelqu’un qui, comme moi, a moins de 30 ans, c’est toute ma vie.
Mais de toute façon, les gens ne survivent pas jusqu’à la fin de leur sentence. Navalny a survécu combien ? Trois, quatre ans ? [NDLR : trente-sept mois] Je sais que si je suis arrêté, je ne sortirai jamais de prison. Vous connaissez les conditions de détention. On voit des vidéos dans lesquelles des détenus sont violés avec des manches à balai. Et pas juste le bout. C’est 30, 50 centimètres dans l’intestin, tous les organes sont détruits. Il y a même une vidéo dans laquelle des gardiens castrent un détenu. C’est horrifiant, mais c’est comme ça en Russie. Et je me bats pour que ça ne soit plus comme ça.
Il y a trois ans, on avait l’impression que la dynamique était bonne, qu’on y était presque et que le régime allait s’effondrer. Quand il y a eu la révolte de Prigojine [NDLR, l'ancien chef du groupe paramilitaire Wagner], qu’il a marché sur Moscou… Je détestais ce type, mais j’ai croisé les doigts, pas tant pour qu’il gagne, mais pour que Poutine perde. Ça n’a pas eu lieu. Et maintenant, je me dis que la victoire ne sera pas pour tout de suite. Un jour, j’ai lu cette phrase : 'Les idées les plus importantes, ce sont celles qui bénéficieront à nos petits-enfants.' Je ne sais pas comment finira cette guerre, mais je sais que je dois y participer.
Pour moi, la victoire, ce serait rétablir l’équilibre territorial, tel qu’il a été défini à l’effondrement de l’URSS. Et pas seulement en Ukraine, mais aussi en Géorgie, en Tchétchénie… Je souhaite le pire à Poutine, mais il existe aussi un "Poutine collectif" - son entourage, les services de sécurité, tous ceux qui soutiennent l’autoritarisme… Mais croyez-moi, les empires finissent toujours par tomber. Je crois en la lutte armée. La victoire, pour moi, c’est prendre le Kremlin, y hisser notre drapeau, puis réfléchir à la façon de dénazifier notre propre société. Que nous arrêtions de mépriser les Biélorusses, les Ukrainiens, les Kazakhs, les juifs… Que la Russie apprenne à respecter les autres peuples, les autres pays. Ça, ça serait la victoire. J’y crois, parce que j’ai déjà vu des résultats concrets de mon travail. Ce qui viendra après, c’est le peuple russe qui en décidera.
Aujourd’hui, beaucoup de mes amis ont quitté le pays, mais d’autres… Je ne dirais pas qu’ils sont de mauvaises personnes, ce sont juste des gens qui ont pris un mauvais tournant, qui ont cru à ce paternalisme, à la propagande, au mythe du leader fort, au fait que la population civile ukrainienne est constituée de fascistes bandéristes néonazis [NDLR : en référence à Stepan Bandera, un nationaliste ukrainien qui collabora avec l'Allemagne nazie] …
Ces gens-là ne se taisent pas, ils se réjouissent de tout ce qui se passe. Pour eux, tuer des gens, piller une maison, c’est une preuve de courage. Je les connais depuis l’enfance, et c’est un dilemme pour moi. Je tiens à ces gens, nous sommes du même sang, nous avons les mêmes souvenirs. Mais je n’imagine pas d’autre façon d’agir. Je ne vois pas de scénario réaliste dans lequel je discuterais avec eux et où, au lieu de m’agresser, ils essaieraient de me comprendre. C’est une impasse. Et si le seul moyen de sortir de cette impasse, c’est qu’ils meurent ou qu’ils soient blessés, ce que je n’espère pas… eh bien, ce sera très dommage, mais ce sera comme ça."
Lena, combattante aux côtés des Ukrainiens
De longs cheveux blonds traversés d’une mèche teinte en violet, les traits creusés. "Zirka", son nom de guerre, signifie "étoile" en ukrainien. Mais elle est bel et bien russe, engagée comme aide-soignante dans la légion "Liberté de la Russie", une unité formée de volontaires russes qui combat aux côtés des forces de Kiev. Parfaitement francophone, elle vivait à Paris quand la guerre a éclaté. Deux ans plus tard, après un long cheminement personnel et un recrutement exigeant, la voilà sur le front.
"J’ai fait mes études supérieures à Paris et j’y suis devenue brodeuse d’art. Je travaillais pour des maisons de haute couture et je voulais créer mon propre atelier. Souvent, je travaillais avec des collègues ukrainiens. Le matin du 24 février, j’ai vu les nouvelles, les messages des amis, de la famille éloignée en Ukraine, qui m’écrivaient 'C’est la guerre, on est bombardés'. Je n’y croyais pas. Qui va attaquer un pays moderne, européen, pour rien du tout ?
Je ne tire pas sur des Russes, mais sur des voleurs, des violeurs, des assassins
Mais le pire, c’était la réaction des Russes. Le rejet massif de la réalité, du fait que la Russie était en train d’attaquer l’Ukraine, tous ces gens qui disaient 'C’est faux, ce sont des vidéos truquées' ou qui disaient que les Ukrainiens étaient responsables de tout ce qui se passait. C’était dingue. Pour moi, c’était même plus choquant que de voir les villes ukrainiennes bombardées. Et cette vague de fascisme russe, de 'ruscisme', a commencé, du jour au lendemain, à engloutir la plupart de mes connaissances. J’étais bouleversée. Je parlais de la guerre à tout le monde, tout le temps. A l’époque, on croyait que c’était possible d’expliquer la situation aux Russes, qu’ils allaient se soulever et arrêter Poutine. Quand j’y repense, je trouve ça drôle et triste en même temps. J’ai montré sur les réseaux sociaux mon passeport russe, j’ai dit que j’avais visité l’Ukraine, que je n’avais jamais eu de problème, que les russophones ukrainiens n’étaient pas opprimés ou malheureux. Parmi toutes mes connaissances, une personne m’a écrit pour me soutenir. Une seule, sur les milliers de followers que j’avais. Par contre, j’ai reçu beaucoup d’insultes.
Très vite, j’ai eu envie de partir combattre en Ukraine. Je suis une personne qui préfère agir qu’attendre. J’ai zéro patience, je m’épanouis dans l’action. Mais en même temps, j’avais 38 ans. Je suis une femme, pas très sportive. Je n’avais aucune expérience militaire. Je pensais que je serais complètement inutile. Je me disais : il leur faut des tireurs, des électriciens, des médecins… mais pas moi, avec mon fil et mes aiguilles. Une collègue ukrainienne, qui habitait à Kiev, m’a alors confié ses enfants à Paris, une fille de 15 ans et deux petits de 6 et 8 ans, pendant que son mari était au front. Ça m’a apaisée, je me sentais utile. Et puis la guerre s’est installée et les gens, à Kiev, ont appris à vivre avec.
Les enfants sont rentrés chez eux. De nouveau, j’ai eu envie de partir. J’ai rédigé une liste recensant tout ce que je pouvais faire d’utile et, en février 2023, j’ai écrit à l’armée ukrainienne. Ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas intéressés par mon passeport russe, mais ils m’ont parlé de la légion "Liberté de la Russie". C’était en concordance avec ce que je veux, une Russie paisible, une Russie où les gens vivent bien, parce que les gens qui vivent bien n’attaquent pas d’autres pays. J’avais peur de ne pas être acceptée, alors j’ai décidé de me préparer.
J’ai pris six mois pour m’entraîner, j’ai appris les premiers secours avec les sapeurs-pompiers français, je suis partie aux Etats-Unis, j’ai appris à piloter des drones et, finalement, j’ai envoyé ma candidature. Six mois plus tard, j’ai rejoint la légion, en tant qu'aide-soignante militaire. C’est un processus très long pour éviter que la légion ne se fasse infiltrer par des agents du FSB. Nous sommes désignés comme une organisation terroriste en Russie. On nous considère comme des traîtres. Mais c’est notre pays qui nous a trahis.
Ça ne me dérange pas de tirer sur des Russes [NDLR : sur le front ukrainien, les aide-soignants peuvent être armés]. Ce n’est pas une question de nationalité, c’est une question de choix individuel. Si quelqu’un tire sur votre enfant, vous allez lui tirer dessus. Les voleurs, les tueurs, les malfaiteurs, on les met en prison. C’est la même chose. Je ne tire pas sur des compatriotes, mais sur des voleurs, des assassins de gens sans défense, des violeurs d’enfants. Je discute souvent avec des prisonniers russes. Ils disent toujours 'on n’avait pas le choix'. Mais on a toujours le choix. Ils pouvaient s’enfuir du bus qui les emmenait à la caserne, personne ne les aurait rattrapés. Ils pouvaient partir à l’étranger, ils pouvaient refuser de servir, ils pouvaient choisir d’aller en prison. Ils sont restés dans leur bus comme des moutons, c’est leur choix. Et puis il y a l’argent. Les militaires russes sont très bien payés, ils sont très nombreux à n’être là que pour ça.
Les raids de la légion sur le territoire russe en 2023, ça donnait de l’espoir. L’espoir, il faut l’alimenter régulièrement, sinon on le perd. Quand je suis partie rejoindre la légion, c’était le moment où la motivation baissait, la victoire s’éloignait. Je me suis dit 'c’est le moment d’y aller, le moment le plus difficile'. Il faut des nouvelles personnes pour remplacer les pertes. C’était horrible pour ma mère. Moi, je me disais 'on verra'. De toute façon, après avoir gagné en Ukraine, il faudra gagner en Russie. La victoire de l’Ukraine sera un grand pas vers la libération de la Russie. Il faut la libérer de ce gouvernement fasciste. Chaque année de guerre enfonce la Russie dans un abîme de détresse économique et culturelle. Le dernier espoir que l’on a eu, c’est la contre-offensive de l’été 2023, qui a complètement échoué.
Aujourd’hui, on continue à se battre parce qu’il faut continuer. Mais quand on me demande quand ça finira, je réponds 'jamais'. Cette guerre ne finira jamais. Ou alors il faut des sanctions, que le monde entier s’oppose à la Russie. Le régime ne s’effondrera pas tout seul. Ou peut-être qu’il y aura un miracle : il va quand même crever un jour, ce Poutine ! Mais une révolte de l’intérieur, il n’y en aura que si son armée est vaincue. Les gens sont terrifiés, là-bas. Tous ceux qui avaient du courage sont en prison, morts ou partis à l’étranger.
Moi, je combattrai jusqu’à ce que je sois tuée. C’est tout à fait possible, je l’envisage assez calmement. Mourir un jour, ça fait partie de notre métier. Donc, ça se passera comme ça, sauf si un jour je sens que j’ai donné assez longtemps de ma vie à cette cause et qu’il est temps de passer à autre chose. J’ai décidé de servir au moins trois ans. Evidemment, le rêve, ce serait la victoire. J’en ai les larmes aux yeux rien que d’y penser. Que les soldats russes partent d’Ukraine, d’abord. Et ensuite, avoir la certitude que la Russie n’attaquera plus jamais personne. Plus de Poutine, la Russie reconnaît ses crimes, paie des réparations, démolit le mausolée de Lénine et construit à la place une stèle à la mémoire de tous ceux qui ont été tués, pour que la Russie se souvienne toujours de ce qu’elle a fait."
Sofia, opposante clandestine à Vladimir Poutine
Elle a préféré ne pas allumer sa caméra, mais on devine son sourire quand elle parle de l’association consacrée à la mémoire des répressions soviétiques et à la défense des droits de l’homme qu’elle a rejointe en 2021. Peu de temps après, celle-ci était interdite en Russie et forcée à la clandestinité.
"J’ai grandi à l’époque des grandes manifestations contre Poutine [NDLR : entre les élections législatives contestées de 2011 et l’arrestation d’Alexeï Navalny en 2021]. Pour quelqu’un comme moi, c’était difficile de ne pas devenir activiste !
Si tout le monde s'en va, qui va agir ici ?
Et puis il y a eu le 24 février 2022. Je m’étais réveillée très tôt, à 6 heures. J’étais sortie dans la rue fumer une cigarette, et c’est la concierge qui me l’a dit : 'Ça y est, c’est la guerre.' Là, j’ai pleuré pendant deux heures, puis je suis allée manifester. J’ai collé des affiches antiguerre dans la ville, j’en ai mis une sur le tableau d’affichage de mon immeuble. Elle a tenu quatre jours. On l’a remis. Et comme ça 5-6 fois de suite. J’ai pensé à quitter le pays, puis je me suis dit : 'C'est important de continuer de protester depuis la Russie. Si tout le monde s’en va, qui va agir ici ?'
J’organise des envois de lettres aux prisonniers politiques, je cherche des personnes prêtes à travailler avec nous, et je fais de l’activisme mémoriel. Cela consiste à afficher la mémoire dans la rue : des projets comme 'Dernière adresse' [NDLR : des plaques apposées sur la dernière adresse connue des personnes déportées pendant les répressions staliniennes] ou 'Retour des noms' [des lectures publiques des noms des personnes fusillées]. C’est, aussi, porter des fleurs à la Pierre des Solovki [NDLR : un monument aux victimes des répressions, situé en face du quartier général du FSB, ex-KGB], restaurer un monument ou écrire des slogans à la craie dans la rue, coller des affiches… Bref, c’est concevoir la mémoire comme une résistance. Quand les autorités font retirer les plaques 'Dernière adresse' dans les villes de Russie et qu’ensuite, on les remet en place… ça dit quelque chose de la société civile.
Le passé est lié au présent, surtout de nos jours. Des répressions ont eu lieu dans le passé, elles existent toujours – certes, sous des formes différentes, nous ne vivons pas sous la Grande terreur, mais il y a un lien. Aujourd’hui, l’Etat voudrait que le passé soit invisible, que l’on oublie les millions de personnes qui ont été tuées. Ils voudraient dire que nous sommes le camp du bien, que ce qui se passe en Ukraine n’est pas une guerre, mais une opération militaire spéciale, tout comme les répressions n’étaient pas des répressions, mais juste des procès avec quelques excès… Mais ce passé ne s’en ira pas. On ne peut pas s’en détourner. C’est celui de mon pays, qui a fait des choses affreuses et continue d’en faire. Si l’on ne s’en souvient pas, on ne peut pas avancer. Les crimes de l’Etat n’ont pas de prescription. C’est à ça que sert l’activisme mémoriel.
"Non à la guerre"
Bien sûr, parfois j’ai peur. Je ne fais rien d’illégal, mais c’est tout de même compliqué [NDLR : plusieurs Russes ont été condamnés à des peines de prison pour avoir diffusé des messages antiguerres]. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? Parce que j’ai peur, je devrais rester à ne rien faire ? Je ne veux pas. Je ne peux pas. Bien sûr, il y a un risque de se faire arrêter. C’est complètement aléatoire, ça peut tomber demain sur moi ou sur quelqu’un d’autre.
J’ai vécu toute ma vie sous Poutine. Je ne me suis jamais fait d’illusions sur la fragilité du régime. Mais je crois que la valeur de cette résistance est dans sa constance. On ne peut pas se permettre de baisser les bras, de dire 'bon, on a essayé, ça n’a pas marché, tant pis, on laisse tomber'. Notre Etat tue tous les jours. Et s’il est peu probable qu’il s’effondre bientôt, il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire du tout. La protestation peut prendre beaucoup de formes, et chacune d’elles est importante, car elles composent un tableau d’ensemble. Je ne sais pas si ce que je fais servira un jour à quelque chose. Je ne peux qu’espérer et continuer. Dans ma famille, tout le monde sait ce que je fais. Ils ne soutiennent pas la guerre, mais ils ne sont pas non plus opposants. Ils se mettent en retrait, ne veulent rien faire. Dès qu’on en discute, on finit toujours par se disputer. Mais j’ai de la chance : j’ai des amis, un copain, tous sont dans le même bateau que moi. Sans ça, ce serait beaucoup plus difficile.
Je ne sais pas ce qui devrait se passer pour que j’arrête. Même si le régime s’effondrait demain, il resterait beaucoup à faire. Déjà, il faut bien comprendre qu’il ne peut pas y avoir de happy end. C’est déjà trop tard, il y a eu trop de morts et de destruction pour qu’un jour on puisse se dire 'tout ça s’est bien fini'.
Je n’ai que 24 ans, mais je sens que j’ai une part de responsabilité dans tout ça. Ce sera un processus très long pour que la Russie reconnaisse les crimes d’Etat et les crimes de guerre, et que tous les coupables jugés. J’espère qu’un jour, nous le mènerons à bien."
Pavel, le militant qui aide les réfugiés russes au nom de la paix
Le 6 août 2024, prenant les Russes par surprise, l’armée ukrainienne perce leurs maigres défenses et déferle sur les régions de Koursk et Belgorod, occupant plusieurs villes et jetant sur les routes des milliers de fuyards. Pour la première fois depuis le début du conflit, le territoire national russe est occupé. Les administrations locales s’avèrent incapables d’aider les réfugiés - comme le Kremlin. Ce sont des bénévoles locaux qui prennent le relais. Pour certains d’entre eux, c’est l’occasion de faire passer, dans les colis de nourriture, des messages antiguerre. Parmi eux, Pavel.
"J’ai toujours été actif en politique. Avant la guerre, j’avais un projet sur la mémoire des victimes des répressions. Je tenais aussi des blogs d’actualité et de politique. Quand l’invasion a commencé, j’ai réalisé que je devais faire absolument tout mon possible pour expliquer la réalité aux gens. Le 6 août 2024, je suis allé, avec quelques camarades, au point d’accueil qui avait été désigné pour les réfugiés. Il y avait des centaines de personnes, totalement démunies, les autorités locales étaient absentes. J’ai contacté des activistes de Moscou, nous avons trouvé un entrepôt, organisé des collectes et des livraisons… Nous avons aussi aidé des personnes à se reloger, d’autres à s’installer ailleurs. C’est en aidant les gens que l’on peut faire de la politique. S’il n’y a que Russie unie [NDLR : le parti de Vladimir Poutine] qui les aide, ils ne vont même pas se poser de questions. Nous, nous leur disons : 'Nous vous aidons parce que nous sommes pour la paix'. Ils voient qu’il existe une alternative à cette guerre qui vient de détruire leurs maisons.
Aujourd’hui, en Russie, on ne peut plus participer à la vie politique, mais on peut développer une société civile. Pourquoi l’ancien gouverneur de Koursk a-t-il perdu son poste ? Parce que les habitants, qui avaient perdu leurs maisons, leurs proches, leur vie d’avant, sont sortis manifester. Le pouvoir a dû réagir. C’est la force de la société civile. Maintenant, nous devons la faire évoluer, comme d’autres l’ont fait avant nous. C’est une course de relais. Si on ne le fait pas, personne le fera, et tout s’arrêtera. Bien sûr, il ne faut pas attendre de résultats immédiats, c’est un processus, il n’est jamais achevé, mais il donne des résultats, même dans une société aussi monolithique que la Russie. De fait, de plus en plus de gens voudraient la paix.
Si j’avais voulu quitter le pays après le début de l’invasion, j’aurais pu le faire. Certains de mes proches l’ont fait. Si l’on place sa sécurité et son confort personnel au premier plan, on peut toujours partir. Mais j’ai d’autres objectifs. Imaginez que vous voyez une petite fille qui va mourir si elle ne reçoit pas ses médicaments, que ferez-vous ? On peut rester bien au chaud ou les aider. J’ai choisi d’aider, ce qui m’amène à travailler avec des opposants. Car personne, à part eux, ne le fait. Il y a des 'agents de l’étranger' parmi nous, et alors ? [NDLR : La loi russe exige que quiconque reçoit un "soutien" ou est sous "l’influence" de l’extérieur de la Russie doit s’enregistrer comme "agent de l’étranger"].
C'est en aidant les gens que l'on peut faire de la politique
Si l’on ne pense qu’aux risques, on peut tout arrêter. Je ne fais rien d’incroyable, ce n’est que du bénévolat. S’il m’arrive de me décourager, je pense à ceux dont la situation est pire que la mienne. Des gens ont souffert, des gens sont morts, des gens se sont fait tirer dans le dos dans le centre-ville de Moscou. Si ça ne t’arrive pas, tu as déjà plus de chance qu’eux. Moi, je continuerai quoi qu’il arrive, je ne peux pas m’arrêter. Il faut continuer de distribuer de l’aide humanitaire, il faut que les réfugiés puissent rentrer chez eux, qu’ils soient indemnisés et, surtout, qu’ils comprennent une chose : pour que cette situation ne se reproduise plus jamais, ils doivent être des citoyens actifs, connaître leurs droits, savoir les défendre et exiger qu’on les respecte.
Même si tout s’effondre, il ne faut jamais renoncer à ses droits. Et même si tout semble sombre, il y a une raison objective d’espérer. En URSS, tout paraissait perdu jusqu’à ce que le régime s’effondre. Et puis, regardez l’autre camp, ceux qui soutiennent la guerre, les hauts fonctionnaires d’Etat. Vous voyez bien qu’ils ne vont pas mieux que nous. Comment peut-on faire une carrière de haut fonctionnaire et finir par se tirer une balle dans la tête dans sa voiture de luxe ? [NDLR : en juillet dernier, Roman Starovoït, ministre des Transports et ancien gouverneur de la région de Koursk, a été retrouvé mort, probablement suicidé, dans la banlieue de Moscou].
Le changement finit toujours par arriver, sinon nous vivrions toujours dans des cavernes… Notre objectif est d’y préparer la société, pour qu’elle soit capable, quand le moment viendra, de prendre son avenir en main. Rappelez-moi dans vingt ans et vous verrez, nous y serons. Je vous le garantis à 100 % !"
Une femme portant un masque arborant le logo de l'organisation russe de défense des droits humains Memorial, photographiée devant le tribunal municipal de Moscou le 23 novembre 2021 (Photo d'illustration)
C’est la fin d’une année d’enfermement pour Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien actuellement emprisonné en Algérie. Mercredi 12 novembre, Alger a fait savoir que le président Abdelmadjid Tebboune avait accordé la grâce à Boualem Sansal pour des raisons de santé. L’écrivain va être transféré en Allemagne pour des soins médicaux - le résultat d’efforts diplomatiques coordonnés entre Paris et Berlin.
Cette demande de grâce, formulée par le président allemand Frank-Walter Steinmeier, "a retenu [l']attention [du président Tebboune] en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires", a ajouté la présidence algérienne, en précisant que "l’Etat allemand prendra en charge le transfert et le traitement" de l’écrivain de 81 ans, souffrant d’un cancer de la prostate.
S’exprimant à l’Assemblée, le premier ministre français Sébastien Lecornu a exprimé son "soulagement à l’annonce des autorités algériennes, d’avoir gracié Boualem Sansal", condamné à cinq ans de prison. Figure critique du régime, il était accusé par l’Algérie d'"atteinte à l’unité nationale". En cause, des propos tenus dans le média d’extrême droite français Frontières en octobre 2024, où il estimait que sous la colonisation française, l’Algérie avait hérité de régions appartenant précédemment, selon lui, au Maroc.
Brouille entre la France et l’Algérie
Son incarcération, le 16 novembre 2024 en Algérie, avait envenimé les tensions diplomatiques entre Paris et Alger, déclenchées par la reconnaissance par la France d’un plan d’autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental. Ce territoire, considéré comme "non autonome" par les Nations unies, est l’objet d’un conflit depuis 50 ans entre le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
La France, dont les relations avec son ex-colonie sont au plus bas, réclamait depuis sa libération, en vain. L’Allemagne et l’Italie étaient, quant à elles, considérées comme des médiatrices qui travaillaient en coulisses en faveur de l’écrivain, de concert avec Paris. C’est finalement Berlin qui a eu gain de cause. Un reflet "des bonnes relations [entre l’Allemagne et l’Algérie]" et d’une "relation personnelle de longue date" entre Frank-Walter Steinmeier et Abdelmadjid Tebboune, a-t-elle rappelé dans sa requête. Ce dernier a été soigné en Allemagne lors de séjours d’un total de trois mois, après avoir contracté le Covid entre fin 2020 et début 2021.
Un acteur neutre
Dans une longue interview accordée en septembre dernier, le président algérien avait également évoqué la possibilité de se rendre en Allemagne d’ici le début de l’année 2026 - une rencontre "qui ne saurait être assombrie par le cas Boualem Sansal", analysent nos confrères du Figaro. De même que la visite envisagée par le pape Léon XIV en Algérie, à laquelle la présidence travaille.
Finalement, le dossier devenait de plus en plus compromettant pour Alger, qui s’exposait au risque que ce dissident politique ne décède dans ses prisons, en raison de son état de santé. L’intervention d’un pays tiers, avec une position plus neutre, s’est révélée salutaire dans un conflit dans lequel sont embourbés Paris et Alger - sans parvenir à faire un pas l’un vers l’autre, en raison de la pression médiatique autour du dossier. "Pour Abdelmadjid Tebboune, cette voie diplomatique n’est plus le résultat d’un bras de fer avec Paris, mais d’une médiation venue de Berlin. Autrement dit, le chef de l’Etat n’a pas cédé à la pression française", note Le Figaro.
Un geste qui pourrait permettre de réchauffer les relations entre Paris et Alger. Lundi, Nicolas Lerner, le patron de la DGSE a affirmé sur France Inter avoir "des signaux qui viennent de la partie algérienne sur la volonté de la reprise du dialogue". Une visite du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez pourrait avoir lieu en Algérie d’ici la fin de l’année.
Tradition humanitaire
Pour sa part, ce n’est pas la première fois que Berlin réussit ce genre de coup humanitaire. L’Allemagne a une longue tradition d’accueil de dissidents, despotes et dirigeants malades dans son hôpital de la Charité, l’un des plus réputés d’Europe. Il y a cinq ans, il avait accueilli l’opposant russe Alexeï Navalny, victime d’un empoisonnement. Et avant lui, l’ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko y avait été soignée pour des douleurs dorsales.
En juillet 2018, le pays avait aussi reçu la poétesse chinoise Liu Xia, veuve du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, et placée sous résidence surveillée à Pékin. Et plus, trois opposants russes, Kara-Mourza, Ilia Iachine et Andreï Pivovarov, l’été dernier, dans le cadre d’un échange de prisonniers entre Moscou et l’Occident.
Des emails, attribués au délinquant sexuel Jeffrey Epstein, mort en prison la même année, et rendus publics mercredi 12 novembre par des parlementaires démocrates, montrent que Donald Trump était au courant des crimes sexuels du financier new-yorkais.
"Trump a dit qu’il voulait que je renonce" à la carte de membre de Mar-a-Lago, la résidence de Floride du président américain, affirme Jeffrey Epstein dans un email de 2019, qui précise n’en avoir jamais été membre. Il ajoute : "Bien sûr, il savait à propos des filles, comme il a demandé à Ghislaine d’arrêter".
Ghislaine Maxwell, complice et ancienne compagne de Jeffrey Epstein, purge actuellement une peine de 20 ans de prison pour exploitation sexuelle. Le financier new-yorkais avait lui été retrouvé mort en 2019 dans sa cellule, d’un suicide selon les autorités, avant son procès pour crimes sexuels. Le président américain a toujours démenti avoir connaissance du comportement criminel de celui avec qui il fut proche de nombreuses années avant de se brouiller dans les années 2000, affirmant que leur dispute avait eu lieu des années avant que ces crimes n’éclatent au grand jour.
Donald Trump "a passé plusieurs heures" avec une victime du financier
Dans un autre email, publié sur X par les membres démocrates d’une influente commission à la Chambre des représentants, Jeffrey Epstein affirme que Donald Trump "a passé plusieurs heures" avec une victime du financier au domicile de ce dernier. Ces emails, obtenus par le biais des légataires de Jeffrey Epstein, "soulèvent de graves questions sur Donald Trump et ce qu’il connaissait des crimes horribles d’Epstein", affirment les élus démocrates.
L’affaire Epstein enflamme les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau justifiant la publication de documents supplémentaires dans ce dossier.
Une lettre de Donald Trump aux tonalités lubriques
Sa mort par suicide a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes, Donald Trump tente aujourd’hui d’éteindre la polémique, qu’il a qualifiée à plusieurs reprises de "canular" monté par l’opposition démocrate.
Figure comme Jeffrey Epstein de la jet-set new-yorkaise des années 1990-2000, Donald Trump a été proche du financier jusqu’au milieu des années 2000. Une lettre attribuée au milliardaire républicain à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 avait été rendue publique début septembre par les mêmes parlementaires démocrates.
La lettre aux tonalités lubriques, montre une esquisse de buste féminin avec des déclarations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump. La signature du futur président américain figure au pied de la note, à la place du pubis de la femme dessinée. La Maison-Blanche avait démenti que Donald Trump en ait été l’auteur.
Le président américain Donald Trump lors d'une rencontre avec le Premier ministre australien Anthony Albanese à la Maison Blanche, le 20 octobre 2025 à Washington
L’extrême droite allemande se serait certainement bien passée de la publication de ses projets de voyage en Russie, alors même qu’elle est accusée par ses adversaires politiques d’espionnage au profit du Kremlin. Le 5 novembre dernier, pendant que le parlement allemand discutait des menaces que font peser les liens entre l’AfD (Alternative für Deutschland) et la Russie sur la sécurité de l’Allemagne, la presse allemande révélait l’intention de plusieurs élus de se rendre à Sotchi, ville de la mer Noire.
Le déplacement en question alimente désormais les fortes critiques de la part de toute la classe politique… et fait grincer des dents jusque dans les hautes sphères du parti d’extrême droite, puisque sa dirigeante, Alice Weidel, a désavoué les plans de ses députés.
Une rencontre prévue avec Dmitri Medvedev
Selon les préparatifs ébruités, au moins deux députés AfD devaient aller en Russie en marge d’une conférence des pays des Brics à partir du 13 novembre prochain. Ils avaient même prévu d’y rencontrer l’ancien président russe Dmitri Medvedev, connu pour tenir des discours particulièrement virulents à l’égard de l’Occident. L’entrevue n’a finalement pas été validée par le groupe parlementaire, révèle Die Zeit. Reste que la faction "soutient" le voyage "sur le principe" et est même allée jusqu’à le financer, avance l’hebdomadaire.
D’après des propos rapportés par la chaîne allemande ARD, le parti souhaitait avant tout "intensifier les contacts avec la Russie" en parallèle des relations avec les Etats-Unis. Pour l’un des deux députés, Steffen Kotré, les "intérêts allemands" seraient en jeu, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en énergie. Il est connu pour ses liens étroits avec la Russie, tout comme son collègue Rainer Rothfuß, l’autre élu concerné par le voyage. Ce dernier avait déjà rencontré Dmitri Medvedev l’année passée en Russie. Il avait profité de son voyage pour publier une vidéo controversée sur les réseaux sociaux où il se montrait en peignoir dans un sauna, s’extasiant devant un pays "vraiment fantastique".
"Encore ? Vous êtes sérieux ?"
Bien que visiblement validé en interne par le parti, le projet n’est pas du tout au goût de sa dirigeante. "Encore ? Vous êtes sérieux ?", aurait réagi Alice Weidel lorsqu’elle a été informée du voyage, rapporte l’ARD. "Pour être tout à fait claire, je ne comprends pas ce qu’on est censé faire là-bas", a-t-elle ensuite déclaré lors d’un point presse au Bundestag, critiquant une décision du groupe de travail sur les affaires étrangères. Avant d’annoncer : "Monsieur Rothfuß va rester ici". Il pourrait même être interdit de voyage par sa faction. L’AfD devrait prochainement réexaminer ses procédures d’autorisation des voyages de ses représentants à l’étranger, a affirmé Alice Weidel : "Nous ne pouvons pas continuer ainsi".
La désapprobation de la cheffe de file de l’AfD intervient alors que son parti est sous le feu des critiques pour ses liens avec la Russie de Vladimir Poutine. En octobre dernier, le parti a été accusé d’utiliser son droit parlementaire à poser des questions dans le but d’espionner l’Allemagne pour la Russie. Et ce, alors qu’il rattrape dans plusieurs sondages la CDU du chancelier Friedrich Merz. Concrètement, les élus AfD poseraient des questions "problématiques" dans les hémicycles fédéral et régional pour obtenir des informations sensibles. La Russie reste, malgré ses dénégations, accusée d’être à l’origine d’une campagne de désinformation et de sabotages en Allemagne et plus largement en Europe.
Un "cheval de Troie" au service de Moscou
Le 5 novembre dernier, les députés allemands ont donc consacré un débat à la question, à l’initiative des chrétiens-démocrates de la CDU et des sociaux-démocrates du SPD, membres de la coalition gouvernementale. Au cours des débats, divers élus ont accusé l’AfD d’être un "cheval de Troie au service des intérêts du Kremlin", posant une menace pour la sécurité et la démocratie allemandes.
Les parlementaires ont en outre accusé l’extrême droite d’abriter une "cellule dormante pro russe", alors que les questions parlementaires de l’AfD ciblent précisément les livraisons d’armes vers l’Ukraine, les centrales électriques, la production de drones ou encore les bases de la Bundeswehr. L’AfD, elle, a dénoncé une "manœuvre électorale". "Si c’était vrai, vous nous auriez emprisonnés depuis longtemps", a rétorqué le vice-président de la fraction parlementaire, Markus Frohnmaier.
En attendant, le voyage en Russie aura bien lieu, mais avec des règles strictes, raconte l’ARD : pas de publications sur les réseaux sociaux, ni de photos avec les politiques russes, ni d’interview avec les chaînes de télévision locales.
Alice Weidel, dirigeante de la formation d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) au Bundestag, a critiqué la décision de son parti d'approuver le voyage en Russie de deux députés.
Reçu à Paris pour la première fois depuis la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France, Mahmoud Abbas a réaffirmé mardi 11 novembre aux côtés d’Emmanuel Macron sa volonté de tenir des élections à Gaza, "un an après le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu" avec Israël. Les deux dirigeants ont également annoncé la création d’un "comité conjoint" franco-palestinien qui doit élaborer une Constitution pour l’Etat palestinien. Le président français a par ailleurs adressé plusieurs avertissements à Israël, prévenant que les projets d’annexion "partielle ou totale" de la Cisjordanie, y compris "de facto" par la colonisation, "constituent une ligne rouge".
Les infos à retenir
⇒ Donald Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Benyamin Netanyahou
⇒ Israël annonce l’ouverture permanente d’un point de passage de l’aide vers Gaza
⇒ Israël : le négociateur sur Gaza démissionne de son poste de ministre
Donald Trump a écrit au président israélien pour lui demander de gracier Benyamin Netanyahou
Le président américain Donald Trump a écrit à son homologue israélien, Isaac Herzog, pour lui demander d’accorder une grâce au Premier ministre Benyamin Netanyahou, poursuivi dans son pays pour corruption, a indiqué ce mercredi 12 novembre le bureau de la présidence.
Isaac Herzog a reçu "ce matin" une lettre "du président américain Donald Trump, l’invitant à envisager d’accorder une grâce" à Benyamin Netanyahou, détaille un communiqué du bureau présidentiel, qui précise que "toute personne souhaitant obtenir une grâce présidentielle doit présenter une demande officielle".
Benyamin Netanyahou est poursuivi dans son pays pour corruption et est régulièrement entendu dans le cadre d’au moins trois procédures judiciaires. Lors d’un discours au Parlement israélien le 13 octobre, Donald Trump avait déjà suggéré qu’une grâce lui soit accordée. "Monsieur le Président Herzog, écoutez le Président Trump", a écrit sur X le ministre d'extrême droite Itamar Ben Gvir, tout en accusant la justice israélienne d'être biaisée à l'égard de Benyamin Netanyahou.
Israël annonce l’ouverture permanente d’un point de passage de l’aide vers Gaza
Les autorités israéliennes ont annoncé mercredi l’ouverture permanente du point de passage de Zikim, au nord de la bande de Gaza, pour permettre l’entrée d’aide humanitaire internationale dans le territoire palestinien, ravagé par plus de deux ans de guerre. "Le point de passage de Zikim a été ouvert […] pour l’entrée de camions d’aide humanitaire" qui "sera acheminée par l'ONU et des organisations internationales après […] des inspections de sécurité approfondies", a écrit sur X le Cogat, l’organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens.
Interrogé par l’AFP, un porte-parole du Cogat a précisé que le passage de Zikim serait désormais ouvert "de manière permanente", comme celui de Kerem Shalom, au sud du territoire, par lequel la majeure partie de l’aide a été acheminée depuis le début de la guerre en octobre 2023.
Le poste de Zikim, situé à proximité de zones où la situation humanitaire est particulièrement critique en raison des opérations militaires qui y ont été conduites, avait auparavant été ouvert de manière ponctuelle, notamment pour acheminer l’aide du Programme alimentaire mondial (PAM). Il était fermé depuis le 12 septembre.
Israël : le négociateur sur Gaza démissionne de son poste de ministre
Le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, qui est aussi le principal négociateur dans les pourparlers de trêve à Gaza, a annoncé sa démission de ses fonctions ministérielles, après le retour de la plupart des otages retenus dans le territoire palestinien.
Ron Dermer, proche conseiller du Premier ministre Benyamin Netanyahou, a participé aux négociations de plusieurs mois ayant abouti à la trêve dans la bande de Gaza, en vigueur depuis le 10 octobre. Il n’a pas indiqué dans sa lettre de démission s’il continuerait à piloter les pourparlers qui se poursuivent en vue d’une deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu.
Benyamin Netanyahou a remercié Ron Dermer, qui détenait son portefeuille ministériel depuis 2022, pour sa "contribution exceptionnelle", l’assurant sur X qu’il a "encore beaucoup à apporter à l’avenir". Agé de 54 ans et né à Miami Beach, Ron Dermer avait été nommé en février par Benyamin Netanyahou pour diriger les pourparlers de trêve. Sa désignation avait suscité de vives critiques, en raison de son absence d’expérience militaire, et de sa maîtrise jugée limitée par certains de la langue et culture israéliennes.
Israël dit avoir arrêté des colons impliqués dans des violences en Cisjordanie
La police et l’armée israéliennes ont annoncé mardi que les forces de sécurité avaient arrêté plusieurs colons israéliens à la suite d’affrontements violents près de Tulkarem, en Cisjordanie occupée, au cours desquels des Palestiniens ont été blessés et des biens détruits.
L’armée a indiqué avoir envoyé des troupes après que "des civils israéliens masqués […] ont attaqué des Palestiniens et incendié des biens dans la région". Elle a ajouté que les forces de sécurité avaient dispersé les affrontements avec des moyens anti-émeutes et "appréhendé" plusieurs de ces "civils israéliens". Quatre Palestiniens blessés ont été évacués pour recevoir des soins, d’après la même source.
Hussein Hammadi, le maire du village de Beit Lid, a raconté à l’AFP qu’environ 200 colons israéliens étaient descendus des collines vers le village avant de se scinder en deux groupes, l’un ayant "attaqué" une communauté bédouine, l’autre s’étant dirigé vers une usine laitière. Le premier "a mis le feu à des véhicules, des enclos […], des maisons, et a tenté de voler des moutons avant de se diriger vers un autre campement bédouin", selon lui. Le second a "incendié cinq camions de l’entreprise et saccagé les installations".
C’est l’un des plus importants scandales de corruption au sein du pouvoir ukrainien depuis le début de l’invasion russe en février 2022. Le ministre de la Justice et ex-ministre de l’Énergie ukrainien Guerman Galouchtchenko a été suspendu mercredi 12 novembre, a annoncé la Première ministre ukrainienne, deux jours après que les instances anticorruption ukrainiennes ont annoncé avoir démantelé un système de corruption portant sur 100 millions de dollars de fonds détournés.
Ce système aurait été orchestré par un proche du président, Timour Minditch, copropriétaire de la société de production audiovisuelle Kvartal 95, fondée par Volodymyr Zelensky, qui était un humoriste vedette avant de se lancer en politique. "Timour Minditch exerçait un contrôle sur l’accumulation, la distribution et la légalisation de fonds d’origine criminelle dans le secteur énergétique ukrainien", a déclaré mardi un procureur du Parquet spécialisé anticorruption (SAPO), devant la justice. Le suspect a profité de ses "relations privilégiées avec le président ukrainien" pour ses activités criminelles, a-t-il ajouté.
Le domicile du ministre de la Justice perquisitionné
Guerman Galouchtchenko, ministre de l’Energie pendant quatre ans, a lui été accusé par le SAPO d’avoir perçu des "avantages personnels" de Timour Minditch en échange de son contrôle sur les flux financiers du secteur énergétique. "Il a été décidé de suspendre Guerman Galouchtchenko de ses fonctions de ministre de la Justice", a donc annoncé la Première ministre ukrainienne Ioulia Svyrydenko sur les réseaux sociaux. Une vice-ministre de la Justice, Lioudmyla Sougak, assurera l’intérim, a-t-elle poursuivi. Guerman Galouchtchenko a réagi peu après en annonçant être "d’accord" avec sa suspension. C’est "un scénario civilisé et correct. Je me défendrai devant le tribunal", a écrit le ministre sur les réseaux sociaux.
Selon des médias ukrainiens la veille, le domicile du ministre a été perquisitionné, comme celui de Timour Minditch. D’après Oleksander Abakoumov, chef de l’équipe d’enquête de l’Agence nationale anticorruption (NABU), Timour Minditch avait quitté le pays peu avant.
Cinq personnes ont été interpellées et sept inculpées dans cette affaire. "Le travail accompli a permis d’obtenir des milliers d’heures d’enregistrements audio, qui constituent des preuves des activités d’une organisation criminelle de haut niveau opérant dans les secteurs de l’énergie et de la défense", avait expliqué lundi le NABU dans un communiqué.
L’opération "Midas", menée après 15 mois d’enquête en collaboration avec le SAPO, a abouti à "70 perquisitions" mettant au jour un système criminel qui extorquait des fonds à des sous-traitants de l’entreprise publique du nucléaire Energoatom. Celle-ci a confirmé avoir fait l’objet d’une perquisition et a dit coopérer à l’enquête, sans commenter les accusations de corruption.
Corruption endémique
Le gouvernement ukrainien a limogé mardi le conseil de surveillance d’Energoatom, considéré comme un élément central du système de corruption selon les enquêteurs. Cette décision, conjuguée à un audit d’urgence mené par l’Etat, a été qualifiée par la Première ministre Ioulia Svyrydenko de "premières mesures pour la relance d’Energoatom".
Ces accusations de détournement de fonds dans le secteur énergétique, qui subit par ailleurs des attaques incessantes de la Russie entraînant des coupures massives d’électricité, suscitent l’indignation de la population. Après les perquisitions de lundi, le président Zelensky avait déclaré que toutes les actions contre la corruption étaient "absolument nécessaires", encourageant les responsables à coopérer avec les organismes anticorruption. Mardi en fin de soirée, il n’avait pas encore commenté les accusations portées à l’encontre de Timour Minditch.
L’Ukraine souffre, comme la Russie et d’autres pays de l’ex-URSS, d’une corruption endémique et son éradication est l’une des principales conditions d’adhésion du pays à l’Union européenne. Cet été, Volodymyr Zelensky avait essuyé de vives critiques de son opinion publique et de Bruxelles quand il a tenté de placer le NABU et le SAPO, deux organismes indépendants du pouvoir, sous le contrôle du gouvernement.
Guerre hybride menée par la Russie, désengagement des Etats-Unis, menace terroriste… Les nombreux défis qui pèsent sur le Vieux Continent poussent l’Union européenne à renforcer sa sécurité. C’est dans cette optique que la Commission européenne a posé les bases d’une unité de renseignement sous la coupe de sa présidente Ursula von der Leyen.
Selon des informations du Financial Times confirmées mardi 11 novembre par deux porte-parole de la Commission, l’institution "étudie" la création d’une "cellule" de renseignement au sein du secrétariat général, le service central de l’institution. Son rôle serait de rassembler les informations collectées par les Etats membres. L’idée "en est encore à un stade précoce", a concédé la Commission face aux journalistes. L’institution a justifié ses plans par les défis géopolitiques et économiques auxquels l’UE fait face, sans entrer dans le détail : "Le monde change et nous devons garder cela à l’esprit", a rappelé l’un des porte-parole.
Luttes de pouvoir internes
Concrètement, cette "petite" unité devra compléter et coordonner le travail de plusieurs structures existantes. Elle viendrait d’abord appuyer les missions de la direction de la sécurité de la Commission européenne, qui veille à la sécurité des bâtiments, des salariés et du réseau informatique de l’institution.
La cellule de renseignement devra surtout travailler en collaboration étroite avec le Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Ce dernier gère les relations diplomatiques de l’UE et mène la politique de sécurité de Bruxelles. Et c’est là que le bât blesse pour plusieurs diplomates européens. Selon le Financial Times, certains salariés du SEAE estiment que la création d’une cellule au sein de la Commission ferait doublon avec leur travail, voire le menacerait. Surtout, en coulisses, les fonctionnaires européens craignent que ce projet ne cristallise les luttes de pouvoir internes, notamment entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et la cheffe de la diplomatie Kaja Kallas, à la tête du SEAE.
L’opposition attendue des Vingt-Sept
Pour la Commission, il s’agit surtout de renforcer les moyens de l’UE dans le domaine du renseignement et de la sécurité, rapporte l’Agence de presse allemande (Dpa). Après tout, le renseignement repose sur des échanges de connaissances, et la Commission dispose de beaucoup d’informations pertinentes, argumente celle-ci.
Le projet pourrait surtout rencontrer l’opposition des Etats membres, dont le renseignement est chasse gardée. La Commission européenne s’attend même à ce qu’ils s’opposent au projet, révèle le Financial Times : le renseignement a toujours été un sujet sensible et certains pays qui disposent de moyens importants, comme la France, sont réticents à partager leurs informations. L’émergence de gouvernements proches de la Russie, comme la Hongrie de Viktor Orban, accentue leurs réserves. Mais les inquiétudes autour d’une diminution de l’aide américaine en termes d’espionnage devraient pousser les Etats membres à communiquer davantage.
Un porte-avions américain est arrivé mardi 11 novembre au large de l’Amérique latine, marquant une montée en puissance considérable des moyens militaires mobilisés par Washington dans la région et accentuant les tensions avec le Venezuela qui a annoncé en réponse un déploiement "massif".
L’arrivée du Gerald R. Ford, le plus grand porte-avions du monde, pour renforcer ce que Washington assure être une opération anti-drogue, coïncide avec des exercices militaires vénézuéliens de défense et intervient alors que la Russie, alliée de Caracas, a condamné les frappes aériennes américaines contre les embarcations de narcotrafiquants présumés.
"Le groupe aéronaval Gerald R. Ford […] est entré le 11 novembre dans la zone" de Southcom, le commandement américain pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a annoncé ce dernier dans un communiqué. Ce déploiement, annoncé par Washington le 24 octobre, a pour but de "soutenir l’ordre du président (Donald Trump) de démanteler les organisations criminelles transnationales et de contrer le narcoterrorisme", ajoute Southcom.
Le porte-avions, le plus avancé de l’armée américaine, transporte entre autres quatre escadrilles d’avions de combat et est accompagné notamment de trois destroyers lance-missiles.
Donald Trump maintient le flou sur ses objectifs
Depuis août, Washington maintient dans les Caraïbes une importante présence militaire avec notamment une demi-douzaine de navires de guerre, officiellement pour lutter contre le trafic de drogue à destination des Etats-Unis. Le Venezuela accuse Washington de prendre prétexte du narcotrafic "pour imposer un changement de régime" à Caracas et s’emparer de son pétrole.
Donald Trump, qui a autorisé des opérations clandestines de la CIA au Venezuela, a donné des indications contradictoires sur sa stratégie, évoquant par moments des frappes sur le sol vénézuélien et des jours comptés pour Nicolas Maduro, mais écartant aussi l’idée d’une guerre.
"Si nous devions, en tant que République, en tant que peuple, aller à la lutte armée pour défendre l’héritage sacré des libérateurs et des libératrices, nous serions prêts à gagner", a réagi le président vénézuélien. Ce dernier a promulgué une loi créant des "Commandos de défense intégrale", assurant lundi que cette structure avait "la force et le pouvoir" de faire face aux États-Unis.
Parallèlement aux déclarations du Pentagone, l’armée vénézuélienne a annoncé un déploiement "massif" dans tout le pays, contre "l’impérialisme" américain. Le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez a évoqué des "moyens terrestres, aériens, navals, fluviaux et de missiles, systèmes d’armes, unités militaires, milice bolivarienne", dans un communiqué. Selon lui, quelque 200 000 soldats ont participé à l’exercice, bien qu’aucun mouvement militaire n’ait été observé dans des villes comme Caracas. Le gouvernement a annoncé à maintes reprises des manœuvres militaires dans le pays. Elles sont fortement médiatisées par le pouvoir sans être toujours visibles sur le terrain.
La Colombie suspend les échanges de renseignements avec les Etats-Unis
Ces dernières semaines, les États-Unis ont mené une vingtaine de frappes aériennes dans les Caraïbes et le Pacifique contre des embarcations qu’ils accusent - sans présenter de preuves - de transporter de la drogue, faisant au total 76 victimes. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Volker Türk, a exhorté lundi Washington à enquêter sur la légalité de ses frappes, évoquant de "solides indices" selon lesquels elles constituent des exécutions extrajudiciaires.
Et mardi, le ministre russe des Affaires étrangères a qualifié ces opérations d'"inacceptables". "C’est ainsi, en général, qu’agissent les pays […] qui se considèrent au-dessus des lois", a lancé Sergueï Lavrov lors d’une rencontre avec des médias russes, retransmise sur les chaînes d’État. Nicolas Maduro, fidèle allié de Vladimir Poutine, avait annoncé en mai un nouveau rapprochement entre Moscou et Caracas avec la signature d’un traité de coopération.
Le déploiement militaire américain dans les Caraïbes a généré des inquiétudes du Brésil de Lula, mais aussi de la Colombie de Gustavo Petro qui a indiqué mardi suspendre les échanges de renseignements de Bogota avec Washington "tant que les attaques par missile contre des bateaux se (poursuivraient)".
Même le Royaume-Uni, pourtant proche allié des États-Unis, a renoncé il y a plus d’un mois à partager ses renseignements avec Washington concernant les navires soupçonnés de trafic de drogue dans les Caraïbes, ne souhaitant pas être complice des frappes américaines, a affirmé mardi la chaîne de télévision américaine CNN, citant des sources proches du dossier. Contacté par l’AFP, Downing Street a indiqué ne pas souhaiter commenter sur les questions de sécurité ou de renseignement.
Emmanuel Macron a reçu mardi 11 novembre Mahmoud Abbas à Paris pour la première fois depuis la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France. Celui qui est désormais désigné comme "président de l’Etat de Palestine" dans les documents officiels français a réaffirmé à cette occasion sa volonté de tenir des élections d’ici environ un an.
"Nous renouvelons notre engagement ici devant vous quant aux réformes" de l’Autorité palestinienne, a déclaré Mahmoud Abbas à l’issue de sa rencontre avec le président français au Palais de l’Elysée.
Celles-ci passent par "l’organisation d’élections présidentielle et législatives", a assuré le dirigeant palestinien, Emmanuel Macron précisant qu’elles auraient lieu "un an après le passage à la deuxième phase du cessez-le-feu" à Gaza, celle qui comprend le désarmement du Hamas.
Israël et le Hamas se trouvent encore dans la première phase de l’accord de cessez-le-feu conclu le 9 octobre sous l’égide du président américain Donald Trump, celle qui doit voir le retour en Israël des dépouilles de tous les otages morts après la libération de ceux qui étaient en vie.
"La priorité va à l’organisation d'(une) élection présidentielle et d’élections générales libres, transparentes et démocratiques dans l’ensemble des territoires palestiniens, y compris à Jérusalem-Est", a dit de son côté Emmanuel Macron qui, comme son homologue palestinien, s’exprimait devant la presse.
Un "comité conjoint" pour rédiger la Constitution de l’Etat de Palestine
Les deux dirigeants ont également annoncé la création d’un "comité conjoint" franco-palestinien qui doit élaborer une Constitution pour l’Etat palestinien que la France a reconnu au moins de septembre lors de l’Assemblée générale de l'ONU à New York.
Le président français a par ailleurs adressé plusieurs avertissements à Israël. Les projets d’annexion "partielle ou totale" de la Cisjordanie par Israël, y compris "de facto" par la colonisation, "constituent une ligne rouge à laquelle nous réagirons fortement avec nos partenaires européens s’ils sont mis en œuvre", a-t-il mis en garde.
Sur le plan financier, "Israël doit de toute urgence transférer les revenus douaniers dus à la Palestine et rétablir les correspondances bancaires entre institutions israéliennes et palestiniennes", a-t-il déclaré. "Nul ne peut comprendre une politique qui fragilise le seul partenaire à même de coopérer au plan sécuritaire et de s’ériger contre l’explosion de violence qui résulterait immanquablement de son effondrement", a ajouté Emmanuel Macron.
Engagements palestiniens envers Israël
Le président palestinien a également réitéré son engagement à retirer les discours de haine anti-Israël contenus dans les manuels scolaires utilisés dans les écoles palestiniennes et à mettre fin concrètement à la pratique consistant à payer les prisonniers ayant commis des violences en Israël.
Dans un communiqué, l’ambassade d’Israël en France s’est insurgée contre l’accueil réservé au président palestinien. Elle a estimé que l’Autorité palestinienne avait eu de "nombreuses occasions de promouvoir la paix et a choisi de rejeter toutes les opportunités offertes par Israël et les Etats-Unis pour mettre fin au conflit".
Sur le plan bilatéral, Mahmoud Abbas a promis une extradition rapide d’un Palestinien, Hicham Harb, arrêté en septembre en Cisjordanie et soupçonné d’avoir supervisé le commando de l’attentat antisémite de la rue des Rosiers qui avait fait six morts à Paris en 1982. "Les procédures juridiques relatives à l’extradition sont arrivées à leur phase finale. Il ne reste que quelques détails techniques, qui sont pris en charge par les autorités compétentes des deux pays", a-t-il déclaré au Figaro quelques heures avant sa rencontre avec Emmanuel Macron.
[Mise à jour : L'Algérie a accepté, ce mercredi 12 novembre, une demande de l'Allemagne de gracier et transférer Boualem Sansal dans ce pays pour qu'il puisse y être soigné, a indiqué un communiqué de la présidence algérienne.]
L’espoir, cette petite lueur qui ne demande qu’un mot favorable pour rayonner. Depuis quelques jours, parmi les amis fidèles de Boualem Sansal, dans ces discussions d’antichambre où l’origine de l’information se fait plus incertaine à mesure qu’elle se propage, on voulait croire le romancier prochainement relâché. "Est-ce qu’il va être libéré le 16 ?", c’est-à-dire un an pile après son interpellation en Algérie, "je ne sais pas, je l’espère", glisse l’écrivain Kamel Daoud sur Radio Classique, ce mercredi 5 novembre. La veille, un message précieux, de ceux auxquels on se raccroche ; un émissaire élyséen a prévenu le jury Goncourt, sur le point d’arborer un badge "Je suis Boualem Sansal", lors de la remise du prix au restaurant Drouant : des discussions fructueuses ont lieu.
Chacun a lu, comme on déchiffrait jadis la Pravda pour s’enquérir des disgrâces au Kremlin, les mots nouvellement agréables de la presse algérienne aux ordres vers le gouvernement français. Sébastien Lecornu porte "l’apaisement", Laurent Nunez le "pragmatisme", dixit le quotidien L’Express, le 6 novembre. Même le vote, à l’Assemblée nationale, d’une résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968 érode à peine l’enthousiasme des éditorialistes autorisés.
Le message de félicitations, le lendemain, comme tous les ans, d’Emmanuel Macron à son homologue, Abdelmadjid Tebboune, commémoration des débuts de la guerre d’indépendance contre la France, s’analyse comme l'ouverture "d’un nouveau chapitre", prémices "d’un prochain rapprochement" avec Alger. Le président algérien, que des sources diplomatiques disent accro à CNews, branché tous les jours sur les débats souvent virulents contre l’Algérie de L’Heure des pros, l’émission de Pascal Praud, se ferait cette fois magnanime.
Déjà, le ministre de l’Intérieur a été invité à Alger, un voyage qu’il prépare pour fin novembre ou début décembre. Certains ont imaginé qu'il puisse ramener l’écrivain de 81 ans, de plus en plus mal en point. Ultime signe positif de décisions imminentes, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a réclamé officiellement, ce 10 novembre, le transfert de l'homme de lettres dans son pays. Une requête relayée par l'agence Algérie Presse Service, soumise au pouvoir. Et ce mercredi 12 novembre, le soulagement définitif, la nouvelle attendue depuis si longtemps, l'annonce officielle de la grâce par la présidence algérienne, puis du transfert en Allemagne.
L’histoire n’a jamais été racontée pleinement, mais depuis ce samedi 16 novembre 2024, quand Boualem Sansal a cessé de répondre aux SMS de ses amis pour devenir l’otage d’Alger, le romancier atteint d’un cancer a été "presque libéré" plusieurs fois.
Dans les coulisses de ces douze derniers mois de tractations secrètes, les Algériens louvoient, proclament des casus belli et semblent souvent jouer avec les nerfs de leurs interlocuteurs ; les Français actionnent tous les canaux, DGSE, DGSI, pays étrangers, mais rien n’y a longtemps fait. Ils s’écharpent surtout sur la posture à adopter. Au bout du casse-tête, l’Elysée et le quai d’Orsay ont opté pour une stratégie inconfortable : ne surtout pas braquer l’Algérie. Une patience finalement payante.
16 novembre, le rapt
Ce vendredi 15 novembre, Boualem Sansal dîne au café Lapérouse, place de la Concorde à Paris, avec Xavier Driencourt, ex-ambassadeur de France en Algérie, devenu une des bêtes noires du régime. Il s’apprête à repartir, le lendemain, pour sa maison de Boumerdès, une station balnéaire à 45 kilomètres d’Alger. Il doit y passer quelques jours, avant probablement d’espacer ses voyages, puisqu’il doit s’installer avec son épouse en France, lui qui vient d’obtenir sa naturalisation.
Pour l’heure, il a pu faire l’aller-retour facilement à au moins trois reprises depuis le 3 octobre 2024, lorsqu’il a livré cet entretien passé inaperçu au média d’extrême droite Frontières. "La France a rattaché tout l’Est du Maroc à l’Algérie", pendant la colonisation, y déclare l’auteur de 2084. Personne ne l’a relevée en France, mais la déclaration est bien parvenue jusqu’aux oreilles susceptibles d’Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, lui-même natif de la wilaya de Naâma, une région frontalière du Maroc, un temps revendiquée par Rabat.
Ne t’inquiète pas, ils me prennent pour un vieux fou
Boualem Sansal
Ses amis s’inquiètent davantage de la fureur d’Alger contre ses romanciers critiques du pouvoir. Le soir même du 15 novembre, la télévision algérienne diffuse un sujet entièrement dirigé contre Kamel Daoud et son roman Houris, lauréat du prix Goncourt. Ce récit au cœur de la décennie noire algérienne est interdit au salon international du livre d’Alger, depuis le 6 novembre. L’acrimonie du régime semble décuplée par le choix d’Emmanuel Macron, le 27 juillet, de reconnaître la marocanité du Sahara occidental. Abdelmadjid Tebboune a vécu comme une humiliation la visite pompeuse du président français à Rabat, du 28 au 30 octobre.
"Ne t’inquiète pas, ils me prennent pour un vieux fou", plaisante encore Boualem Sansal auprès de l’universitaire Arnaud Benedetti, quelques heures avant son départ. Comme d’habitude, l’écrivain doit envoyer des SMS à ses amis lorsqu’il est bien arrivé. Il ne pourra jamais les transmettre. La rumeur a voulu que l’initiative soit celle d’un douanier zélé, mais c’est bien la DGSI, réplique algérienne du service de renseignement français, qui l’intercepte à l’aéroport d’Alger. L’ambassade de France est laissée sans réponse jusqu’au mardi 19 novembre, quand une source algéroise confirme ce qui était redouté : Boualem Sansal a été embastillé.
La justification parvient via Algérie Presse Service, l’agence d’Etat dévouée à la présidence. Le 22 novembre, un communiqué venimeux conspue "la France macronito-sioniste", et Boualem Sansal, "pantin utile" et "révisionniste" de l’extrême droite française. Abdelmadjid Tebboune tient son otage.
30 janvier, la zizanie
A la manière de Tullius Détritus, le stratège romain envoyé au village gaulois dans un album mythique d’Astérix, l’emprisonnement de Boualem Sansal sème la zizanie dans la société française, en rouvrant des plaies pas suffisamment cicatrisées. Le 25 novembre 2024, le professeur d’histoire-géographie Nedjib Sidi Moussa, invité de C Politique sur France 5, veut "rétablir les faits", au nom "du malaise de beaucoup de gens qui connaissent l’Algérie". Boualem Sansal "alimente un discours d’extrême droite fait d’hostilité à l’égard des immigrés et des musulmans", dit-il, en citant l’entretien à Frontières.
Au gouvernement, Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, hausse le ton, tempête contre les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ignorées par Alger, comme dans le cas de l’influenceur Doualemn, refoulé à l’aéroport algérien le 9 janvier. En décembre, il a directement proposé à Emmanuel Macron de faire de Boualem Sansal un ambassadeur à la francophonie, mais le président n’a pas donné suite, soucieux de ne pas provoquer frontalement l’Algérie.
Abdelmadjid Tebboune joue de ces passions. Dans un entretien à L’Opinion, le 30 janvier, il oppose les sages aux extrémistes, livre sa liste noire des officiels infréquentables. "Tout ce qui est Retailleau est douteux", cingle-t-il. Concernant Boualem Sansal, il le dépeint en instrument d’un complot de la droite anti-algérienne : "C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie. Boualem Sansal est allé dîner chez Xavier Driencourt, juste avant son départ à Alger. Ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau". Comprendre : il faut écarter Retailleau et Driencourt pour commencer à négocier.
12 avril, l’espoir déçu
"Boualem, c’était presque fait." En petit comité, ce 2 avril 2025, le Premier ministre François Bayrou se désole. Le président Tebboune avait donné son accord pour une grâce de Boualem Sansal… à condition qu’il ne fasse pas appel de sa condamnation du 27 mars, à cinq ans de prison, pour atteinte à l’unité nationale algérienne. Las, l’écrivain n’a pas eu la consigne de son avocat, qui n’a jamais pu pénétrer sur le territoire algérien, et il a bien demandé à être rejugé.
Cinq mois après son arrestation, son état de santé s’est dégradé. Soigné pour son cancer de la prostate, l’auteur du Village de l’Allemand alterne les séjours à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger et les retours en cellule, à la prison de Koléa. A Paris, le sort de l’otage et les tensions diplomatiques s’entremêlent. François Bayrou a lancé un ultimatum, le 26 février : si l’Algérie continue son obstruction aux OQTF, les accords de 1968 seront dénoncés sous "six semaines".
La menace semble cette fois produire quelque effet. Anne-Claire Legendre, la conseillère d’Emmanuel Macron chargée de l’Afrique du Nord, se rend trois fois à Alger au premier trimestre, la dernière avec Emmanuel Bonne, le conseiller diplomatique en chef du président. Les échanges menés avec Abdelmadjid Tebboune aboutissent au communiqué conjoint des deux chefs d’Etat, le 31 mars. Il y est question de "reprise sans délai de la coopération sécuritaire", mais aussi du romancier. "Le Président de la République a réitéré sa confiance dans la clairvoyance du président Tebboune et appelé à un geste de clémence et d’humanité à l’égard de M. Boualem Sansal, à raison de l’âge et de l’état de santé de l’écrivain", est-il écrit, dans ce texte où chaque mot est pesé.
Le 6 avril, Jean-Noël Barrot, le ministre des Affaires étrangères, négocie avec Abdelmadjid Tebboune à Alger ; l’appel de Sansal n’empêche pas sa libération pour raisons de santé. Mais le 11 avril, des policiers de la DGSI interpellent un agent du consulat algérien de Créteil. Cette fois, Bruno Retailleau n’y est pour rien : la décision émane d’un juge d’instruction, chargé de l’enquête sur le kidnapping de l’influenceur Amir DZ, une des têtes de Turc de Tebboune, le 29 avril 2024. Selon nos informations, l’agent consulaire est non seulement soupçonné d’avoir participé au rapt, mais aussi de projeter, en ce mois d’avril 2025… une nouvelle action violente contre le blogueur. Furieux, le ministère des Affaires étrangères algérien fustige "l’inconsistance de l’argumentaire vermoulu et farfelu invoqué par les services de sécurité du ministère de l’Intérieur français" qui interviendrait "à des fins de torpillage du processus de relance des relations bilatérales". Le 14 avril, douze fonctionnaires français sont expulsés d’Algérie. Boualem Sansal reste en prison.
29 juin, l’autre otage
Le 29 juin, la France découvre éberluée l’existence d’un deuxième Français otage de l’Algérie. Christophe Gleizes, journaliste sportif pour So Foot, vient d’être condamné à sept ans de prison pour apologie du terrorisme, comme le mentionne Reporters sans frontières dans un communiqué. Même Bruno Retailleau apprend ainsi les faits, connus depuis plus d’un an à l’Elysée et au quai d’Orsay. Pendant treize mois, son entourage s’est efforcé de ne pas solliciter les médias, sur les conseils du ministère des Affaires étrangères, afin de ne pas politiser l’affaire. Sans succès.
Le 15 mai 2024, Christophe Gleizes atterrit en Algérie. Il veut raconter l’histoire de la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK), club de football légendaire de Tizi Ouzou, à la fibre indépendantiste et contestataire. Quelques jours après son arrivée, le journaliste pense rejoindre un de ses contacts lié à la JSK. Il est en réalité attendu par des policiers. Le 28 mai, au commissariat de Tizi Ouzou, les policiers lui confisquent son matériel et son passeport avant de le relâcher.
Gleizes se rend à l’ambassade de France à Alger, où il dort quelques jours. Les diplomates se montrent optimistes : le dossier est pour le moins léger, le reporter a utilisé un visa touristique au lieu de se présenter comme journaliste, il devrait être expulsé du territoire, ni plus, ni moins.
Sauf que le 9 juin, ses parents apprennent qu’il est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire algérien. Les autorités ont fouillé son téléphone et son ordinateur. Ils ont trouvé les contacts de deux dirigeants du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation classée terroriste par Alger en 2021. Réfugiés en France, ils faisaient partie des interlocuteurs "que Christophe avait interrogés pour comprendre le contexte dans lequel évolue la JSK, explique Javier Prieto Santos, rédacteur en chef de So Foot. Il n’y avait aucune intention politique derrière".
Dès lors, le quai d’Orsay suggère fermement le silence. Même Reporters sans frontières, à contre-emploi, se range activement à cette stratégie de l’effacement. Jusqu’à quand ? Le procès en appel doit avoir lieu le 3 décembre et d’ici là, les diplomates français conseillent à tous… la plus grande réserve.
16 septembre, le clash
Les soutiens de Boualem Sansal se déchirent. Jordan Bardella en est la cause, ou le prétexte. Le 9 septembre, le groupe Les Patriotes au Parlement européen, présidé par l’élu du Rassemblement national, propose le Franco-Algérien au prix Sakharov, créé pour honorer les défenseurs des libertés. "Boualem Sansal, par la voix de son épouse, a fait savoir qu’il considérait comme irrecevable cette démarche insidieusement partisane", réplique Antoine Gallimard, le 15 septembre. Surtout, l’éditeur ajoute que "s’il advenait que cette "candidature" forcée était retenue, ce prix Sakharov serait refusé par les représentants de l’écrivain en France".
Boualem était membre du comité éditorial de Frontières, vous croyez vraiment qu’être proposé par le Rassemblement national allait le déranger ?
L’ex-ministre Noëlle Lenoir, présidente du comité de soutien, rétorque, le lendemain, que "nul ne peut aujourd’hui se prévaloir de parler au nom de Boualem Sansal". Certains membres du comité accusent Gallimard de vouloir grimer Sansal en romancier politiquement correct, ce qu’il n’était pas : "Boualem était membre du comité éditorial de Frontières, vous croyez vraiment qu’être proposé par le Rassemblement national allait le déranger ?"
Entre Gallimard et le comité de soutien, les tensions couvaient depuis des mois. La maison d’édition, précautionneuse, a cherché à ne jamais politiser l’affaire, à l’unisson du Quai d’Orsay. L’avocat qu’elle a choisi, François Zimeray, récusé depuis en raison de sa judéité, est un ex-ambassadeur, resté très lié à son ministère. Quant au comité de soutien, fondé par Arnaud Benedetti, il se veut une "avant-garde", un commando volontiers vindicatif contre le régime algérien. Relégué au second plan d’une soirée de soutien à Sansal à l’Institut du monde arabe, le 19 février, Benedetti s’entoure de Noëlle Lenoir et de Xavier Driencourt, marqués plus à droite.
Lorsqu’Arnaud Benedetti négocie avec Anne Hidalgo pour que Boualem Sansal puisse être nommé citoyen d’honneur de la ville de Paris, au printemps 2025, François Zimeray prévient que la démarche pourrait hérisser l’Algérie. Contacté, l'avocat nous a transmis le message suivant : "Il y a le risque du silence et aussi celui de la parole. Je suis parvenu à la conclusion que, pour ce qui me concerne, seule la retenue peut donner sa chance à une issue humanitaire".
Et quand Jean-Christophe Rufin échoue à faire élire Boualem Sansal à l’Académie française, le comité suspecte Gallimard, éditeur de nombreux immortels, de ne pas le soutenir. La maison d'édition s'est en revanche démenée pour obtenir à son auteur le prix Del-Duca, doté de 200 000 euros, ou le Renaudot de poche pour Vivre : le compte à rebours, ce 4 novembre. Comme elle multiplie, depuis un an, les conférences sur l'oeuvre littéraire du Franco-Algérien. "Ce qui nous importe est uniquement l'intérêt de Boualem. Depuis un an, Gallimard encourage toutes les manifestations littéraires en son honneur, en évitant les actions inconséquentes qui pourraient lui nuire", nous déclare Karina Hocine, la secrétaire générale de Gallimard.
A l'Académie française, de toute façon, nul ne peut être élu sans candidature, a fait savoir Amin Maalouf, le secrétaire perpétuel. En 1960, pourtant, Henry de Montherlant avait été dispensé de campagne. Quant à la limite d’âge de 75 ans, invoquée par l’Académie des sciences morales et politiques, elle a été écartée par l’Académie française en 2021, afin d’accueillir Mario Vargas Llosa, 85 ans, prix Nobel de littérature. "Il y en a, en 1940, ils auraient été brillants", plaisante ironiquement Arnaud Benedetti en privé, au sujet de l'embarras général dans le monde des lettres.
21 octobre, Boualem destitué
Il a été l’homme le plus craint d’Algérie, probablement responsable de la mort de milliers d’hommes ; il apparaîtrait presque, aujourd’hui, comme le meilleur espoir de la France à Alger. Le 15 septembre, Abdelmadjid Tebboune nomme un nouveau gouvernement. Au poste de ministre de la Santé, il choisit Mohamed Seddik Aït Messaoudène, cardiologue à l’hôpital Mustapha-Pacha. Il s’agit surtout du gendre du général Mohamed Médiène, dit Toufik, 84 ans, tout-puissant directeur du renseignement algérien de 1990 à 2015. Le 29 mai, déjà, le général Hassan, très proche de Toufik, a été nommé directeur de la DGSI, après cinq ans passés… en prison, comme de nombreux gradés, victimes de purges.
Cette décision montre un affaiblissement du président
Une source diplomatique française
Le retour en grâce des réseaux Toufik ne peut qu’être accueilli positivement en France, où il a laissé l’excellent souvenir d’un allié contre le terrorisme. Le 21 octobre, le président Tebboune a par ailleurs retiré la moitié de ses attributions à son directeur de cabinet Boualem Boualem, réputé francophobe. "Cette décision montre un affaiblissement du président", analyse une source diplomatique française. Comme si, confronté à des revers internationaux à répétition, le dernier à l'ONU, le 31 octobre, avec ce vote en faveur de la souveraineté marocaine au Sahara occidental, Tebboune commençait à lâcher du lest.
1er novembre, l’adversaire commun
Dimanche 5 octobre, jour de remaniement. Emmanuel Macron appelle Bruno Retailleau. La nomination de Bruno Le Maire s’apprête à faire exploser le gouvernement mais le président n’en parle pas à son ministre de l’Intérieur. Il évoque en revanche… l’Algérie. "On va piloter les visas ensemble, en conseil de défense", propose le chef de l’Etat à propos des visas étudiants, en hausse de 13 %, s’est félicité le quai d’Orsay, quelques jours plus tôt.
Un énième va-et-vient diplomatique, comme l’été en a été témoin. L’Elysée a d’abord cru mordicus à la grâce de Boualem Sansal le 5 juillet 2025, jour de l’indépendance algérienne. Le scénario était ficelé, rapportent deux officiels français : l’écrivain français devait être transféré en Allemagne, là où Abdelmadjid Tebboune entretient les meilleures relations depuis qu’il s’y est fait soigner du Covid, en 2020.
Au préalable, l’entourage présidentiel a demandé aux uns et aux autres de se faire discrets. A Bruno Retailleau, mais aussi à Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, deux députés macronistes auteurs d’un rapport explosif sur les avantages algériens liés aux accords de 1968. Reçus en juin à l’Elysée, il leur a été suggéré de reporter la publication de leur document à la rentrée. Mêmes pressions envers Eric Ciotti (Union des droites), lequel devait présenter, le 26 juin à l’Assemblée nationale, une résolution pour dénoncer ces accords de 1968. Mais, le jour venu, le député renonce à son texte, à la surprise générale. "C’est une décision qu’Eric Ciotti a prise après avoir été fortement enjoint par le quai d’Orsay, qui estimait qu’il ne fallait pas jeter de l’huile sur le feu", relate le député Charles Alloncle, membre de son groupe.
Puis, le 6 août, devant l’absence de grâce, Emmanuel Macron durcit sa position. Un peu. Dans une lettre à François Bayrou, il acte la fin de l’exemption de visas pour les dignitaires algériens. Mais il a refusé une partie de l’arsenal que lui proposait son ministre de l’Intérieur : gel des avoirs, signalements à la justice sur des biens mal acquis et expulsions ciblées de proches de certains officiels. Au point d’en ulcérer jusqu’à Nicolas Sarkozy. En septembre, l’ex-président reçoit dans ses bureaux Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la Grande mosquée de Paris, et lui propose d’intercéder en sa faveur afin… qu’il se rende en Algérie, pour négocier directement la libération de Boualem Sansal avec Abdelmadjid Tebboune. "Il a plus intérêt à me faire plaisir qu’à Macron", ajoute-t-il, selon l'un de ses interlocuteurs à qui il a confié ce projet. Sa condamnation ruine ce plan.
On n’obtient rien en braquant les Algériens
Emmanuel Macron à Pascal Bruckner
Depuis la sortie de Bruno Retailleau du gouvernement, de toute façon, la fermeté n’est plus autant mise en avant. "On n’obtient rien en braquant les Algériens", a expliqué en substance Emmanuel Macron à l’écrivain Pascal Bruckner, lors d’un dîner réunissant des personnalités à l’Elysée, le 11 septembre, avant son discours sur la Palestine à la tribune de l'ONU. Mi-octobre, lors d’une réunion sur le rapport Rodwell au palais présidentiel, son conseiller Emmanuel Bonne a moqué "ceux qui paniquent pour mille étudiants supplémentaires". "Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas", explicite Laurent Nunez, successeur de Bruno Retailleau, le 1er novembre, auprès du Parisien.
"Le gouvernement tente de nouer une nouvelle alliance avec l’Algérie contre Retailleau", révèle une source diplomatique française. L’exécutif français avance l’idée d’un pacte gagnant-gagnant : en libérant Boualem Sansal sur la base d’un adoucissement français, le régime algérien décrédibiliserait les positions radicales de la droite, tout en se libérant d’un prisonnier encombrant. Ce mercredi 12 novembre, le président Tebboune tope. Le genre d’accord dont on s’égosillera chez Pascal Praud.
Il n’y a pas qu’en France que la gauche réclame une taxation sur les grandes fortunes. En plein débat budgétaire, les Italiens se posent, eux aussi, la question d’une contribution spéciale demandée aux hauts patrimoines. La mesure est portée par la CGIL, le premier syndicat transalpin, représenté par Maurizio Landini. A la clé : 26 milliards d’euros par an, de quoi renflouer les caisses de l’Etat et éviter un budget marqué par le sceau de l’austérité. Mais la proposition n’est pas du goût de tout le monde, la Première ministre italienne Giorgia Meloni y étant farouchement opposée.
Cette "contribution solidaire" concernerait les "1 % les plus riches", ceux qui possèdent "plus de 2 millions d’euros", au profit des "99 % restants" détaille Maurizio Landini, cité par le Corriere della Sera. La CGIL prône une taxation d’1,3 %. En tout, ce sont 500 000 contribuables qui seraient concernés, pour un gain de 26 milliards d’euros par an pour les recettes de l’Etat.
C’est un peu plus que ce que rapporterait, en France, la taxe proposée par l’économiste Gabriel Zucman, rejetée par l'Assemblée le 31 octobre dernier, et qui consistait à faire payer les patrimoines au-delà de 100 millions d’euros, à hauteur de 2 % de leur fortune. Selon ces calculs, 1 800 personnes auraient été concernées par cette mesure, qui aurait rapportée 20 milliards d’euros par an.
"Justice fiscale"
"Ce sont des ressources essentielles pour financer et investir dans la santé, l’éducation, les soins de longue durée, le logement, les politiques sociales et les transports publics", assure le représentant syndical. "La justice fiscale est le levier décisif pour soutenir un programme économique et social radicalement différent du programme d’austérité rigide et de réarmement actuellement mis en œuvre", peut-on lire dans un autre article du même quotidien.
D’autant que le système d’imposition en Italie est particulièrement inégalitaire, révèle une étude de la Banque Centrale Européenne. "Le système fiscal italien est parmi les plus régressifs, avec des taux plus faibles concentrés sur les 7 % les plus riches. Les revenus du capital sont ainsi moins imposés que les revenus du travail ; ceux qui font déjà partie de ce groupe restreint voient leur patrimoine croître plus rapidement que les autres, sans pour autant payer plus d’impôts", détaille le Corriere. Les 0,1 % des contribuables les plus aisés sont soumis, dans les faits, à un taux d’imposition de 32 % inférieur à celui appliqué aux revenus compris entre 28 000 et 50 000 euros.
Sur la base de ce constat, cette même étude de la BCE (portée par Matteo Dalle Luche, Demetrio Guzzardi, Elisa Palagi, Andrea Roventini et Alessandro Santoro) recommande une taxation des 0,1 % les plus riches, jusqu’à 60 %, pour réduire les inégalités et accroître les recettes publiques. "L’instauration d’un impôt progressif sur la fortune, appliqué aux 7 % les plus riches […] représenterait environ 30 milliards d’euros" par an. Plus que le budget actuellement à l’étude par le gouvernement, qui exigera, selon les mots du ministre de l’Economie Giancarlo Giorgetti, des "sacrifices pour tous".
Giorgia Meloni opposée
Si la proposition d’introduire plus de justice fiscale au système italien rencontre le soutien d’économistes reconnus, la question ne se pose même pas, pour le gouvernement italien, actuellement en négociations avec les partenaires sociaux. Giorgia Meloni a affirmé qu’avec elle "au gouvernement, il n’y aura jamais de taxe sur le patrimoine", alors que la gauche ressort "cette solution de façon cyclique".
Une position qui lui vaut d’être taxée de servir les plus riches. D’autant que selon l’Institut national italien de la statistique (Istat), "la baisse d’impôt sur le revenu prévue dans le budget profiterait principalement aux familles les plus aisées", a indiqué son président, Francesco Maria Chelli, lors d’une audition devant les commissions des finances du Sénat et de la Chambre des députés, rapporte la chaîne Sky Tg24.
"En classant les familles selon leur revenu et en les divisant en cinq groupes, on constate que plus de 85 % des bénéfices vont revenir aux familles appartenant aux quintiles les plus riches", détaille Francesco Maria Chelli. Une logique à rebours de celle de ces adversaires politiques.
Une banderole géante "Tax the Rich" (taxez les riches) déployée par des militants d'Attac depuis le haut de la façade du futur hôtel Vuitton sur les Champs-Elysées, à Paris, le 24 février 2024
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a promis mardi 11 novembre une extradition rapide d'un Palestinien, Hicham Harb, arrêté en septembre en Cisjordanie et soupçonné d'avoir supervisé le commando de l'attentat antisémite rue des Rosiers qui avait fait six morts en 1982 à Paris.
"Les procédures juridiques relatives à l'extradition sont arrivées à leur phase finale. Il ne reste que quelques détails techniques, qui sont pris en charge par les autorités compétentes des deux pays", a déclaré le dirigeant palestinien dans une interview au Figaro, publiée quelques heures avant une rencontre avec le président Emmanuel Macron à Paris.
Le suspect arrêté le 19 septembre
Mahmoud Abbas a réaffirmé que l'Autorité palestinienne était disposée à "extrader l'individu recherché, la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la France ayant créé un cadre approprié pour cette demande française".
L'arrestation de Hicham Harb avait été annoncée le 19 septembre, quelques jours avant la formalisation par la France de sa reconnaissance de l'Etat de Palestine lors de l'Assemblée générale de l'ONU. Le suspect âgé de 70 ans, visé par un mandat d'arrêt international émis il y a dix ans, est l'un des six hommes renvoyés fin juillet devant la cour d'assises spéciale de Paris pour cette attaque perpétrée dans le restaurant Jo Goldenberg et dans le quartier alentour.
L'Elysée a précisé lundi qu'"il n'y a pas de problème juridique" pour cette extradition mais "une question de faisabilité" et ajouté que Paris continuait à travailler avec l'Autorité palestinienne pour qu'elle puisse avoir lieu.
Mahmoud Abbas se dit prêt à tenir des élections
Dans cet entretien au Figaro, le président palestinien réitère par ailleurs plusieurs des engagements qu'il a pris ces derniers mois dans le cadre des efforts internationaux pour restaurer la paix à Gaza et consolider le fragile cessez-le-feu entre Israël et le Hamas intervenu le 9 octobre sous l'égide du président américain Donald Trump.
Mahmoud Abbas réaffirme ainsi que "le Hamas n'aura aucun rôle de gouvernement à Gaza". Il ajoute que les forces palestiniennes sont prêtes à s'y déployer en coordination avec une force multinationale prévue par le plan de paix américain. Il assure également être prêt à tenir "des élections générales, présidentielle et législatives dans l'année qui suivra la fin de la guerre", sans confirmer explicitement qu'elles se tiendraient en 2026.
Le moment aurait été "autrefois impensable" pour son pays, la Syrie, et représente "une nouvelle étape improbable dans le parcours personnel de l’ancien militant" Ahmed al-Charaa, écrit le Washington Post, à propos de la rencontre entre le président syrien et Donald Trump, à la Maison-Blanche, lundi 10 novembre. Une entrevue historique (jamais depuis l’indépendance de la Syrie en 1946, un président n’avait été reçu dans le bureau Ovale), qui marque un tournant dans les relations syro-américaines.
La réunion "n’a pas bénéficié du traitement de faveur habituellement réservé aux dirigeants étrangers", note le New York Times : pas de poignée de main sur le perron de la Maison-Blanche, ni de conférence de presse devant les journalistes. Et ce, probablement en raison du passé polémique d’Ahmed al-Charaa, autrefois connu sous le nom "d’al-Joulani", ancien commandant d’Al-Qaïda en Irak et en Syrie, passé par les geôles américaines, avant de fonder plus tard Hayat Tahrir al-Cham (HTC), le mouvement qui a défait Bachar al-Assad, fin 2024.
Mais le soutien de Donald Trump à Ahmed al-Charaa n’en est pas moins important, les Etats-Unis ayant tout intérêt à rétablir la stabilité en Syrie, pays considéré comme stratégique dans la région. La rencontre a été l’occasion de confirmer plusieurs annonces : l’intégration de Damas à la coalition internationale contre l’Etat islamique (dans lequel a combattu al-Joulani jusqu’en 2013), la suspension des sanctions américaines contre la Syrie et un possible accord de normalisation avec Israël. S’adressant aux journalistes dans le bureau Ovale, Donald Trump a déclaré qu’il souhaitait voir la Syrie devenir "un pays très prospère", ajoutant : "Je pense que ce dirigeant en est capable", rapporte le journal saoudienAl Arabiya.
Tournant dans les relations syro-américaines
La présidence syrienne a affirmé dans un communiqué que les discussions avaient porté sur les relations bilatérales entre Washington et Damas et les façons de les développer. Donald Trump a en effet prolongé la suspension du Caesar Act, une série de sanctions qu’il a lui-même imposé à l’ex-gouvernement syrien en 2020, avant de le geler après sa rencontre avec al-Charaa, en Arabie saoudite, en mai dernier. Une mesure cruciale pour la Syrie, qui tente de se reconstruire après près de quinze ans de guerre civile - un effort estimé à 216 milliards de dollars par la Banque mondiale. Le réchauffement de ses relations avec les Etats-Unis lui permettrait également de se rapprocher des financements des pétromonarchies du Golfe.
Le gouvernement d’Ahmed al-Charaa, de son côté, a officiellement intégré la coalition internationale contre l’Etat islamique, ce à quoi les Etats-Unis "ont tout intérêt, afin de permettre le retrait des troupes américaines encore stationnées en Syrie", analyse le Washington Post. Les efforts du gouvernement américain pour stabiliser la situation politique en interne ne s’arrêtent pas là : en mars, un accord a été signé pour intégrer les Forces Démocratiques Syriennes - groupe de résistance kurde qui a combattu l’Etat islamique avec le soutien des Etats-Unis - aux forces du gouvernement de Damas.
Mais surtout, le principal chantier de l’administration Trump pourrait se trouver dans l’élaboration d’un accord entre la Syrie et Israël. Ce dernier a envahi le sud du pays et y a établi des bases militaires au moment de la chute de Bachar al-Assad, prétextant des motifs sécuritaires. Reste à savoir quels en seraient les contours : "al-Charaa a déclaré qu’il privilégiait un accord qui restitue les territoires syriens saisis depuis décembre, mais pas le type d’accord de normalisation plus large avec Israël que l’administration Trump a incité d’autres gouvernements régionaux à signer", explique le Washington Post.
De djihadiste à invité de la Maison-Blanche
L’enjeu géopolitique est de taille dans la région. Suffisamment pour effacer le parcours de l’ancien dirigeant djihadiste, dont le mandat de capture par les Etats-Unis s’élevait autrefois à 10 millions de dollars. "Les gens disent qu’il a un passé rude […] Nous avons tous eu un passé difficile et, franchement, si vous n’aviez pas eu un passé difficile, vous n’auriez aucune chance", a défendu Donald Trump.
Vendredi, le département d’Etat a également déclaré le retrait du nom d’al-Charaa et de son ministre de l’Intérieur, Anas Khattab, de la liste internationale des personnes considérées comme terroristes, "en reconnaissance des progrès accomplis par les dirigeants syriens après le départ de Bachar al-Assad". Mais le règne d’Ahmed al-Charaa à la tête de la Syrie est loin d’être tout rose, marqué par des massacres de membres de la minorité alaouite par des factions armées soutenant son gouvernement ; ainsi que par des violences entre de combattants bédouins sur des Druzes. Le dirigeant syrien par intérim est également critiqué pour avoir concentré le pouvoir entre ses mains et celles d’un cercle restreint de fidèles.
Le Sénat américain a adopté tard lundi 10 novembre un texte qui, une fois approuvé par la Chambre des représentants, lèverait la paralysie budgétaire après plus de 40 jours de "shutdown", mais qui est source de dissensions dans le camp démocrate.
La proposition de loi adoptée à 60 voix pour et 40 contre étend le budget actuel jusque fin janvier. Le texte doit désormais être débattu et adopté à partir de mercredi à la Chambre des représentants, avant d'atterrir sur le bureau de Donald Trump pour une promulgation qui mettrait officiellement fin à la paralysie d'une partie de l'Etat fédéral.
"Nourrissez tout le monde. Payez nos militaires, nos fonctionnaires et la police du Capitole. Mettez fin au chaos dans les aéroports. Le pays avant le parti", a clamé lundi sur X le sénateur démocrate John Fetterman, qui a voté en faveur de la mesure républicaine. Le chef de la majorité républicaine au Sénat, John Thune, a écrit sur le même réseau social être heureux de soutenir "la voie vers la fin de ce 'shutdown' inutile, d'une manière responsable qui permette de payer rapidement les fonctionnaires et de rouvrir le gouvernement fédéral".
Plus d'un million de fonctionnaires non payés
Avant le vote, le président américain s'était réjoui d'avoir obtenu suffisamment de voix démocrates au Sénat pour sortir de l'impasse. "C'est dommage qu'il ait été fermé, mais on va rouvrir notre pays très rapidement", a déclaré Donald Trump devant la presse à la Maison-Blanche.
Le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, avait aussi exprimé son optimisme lundi concernant une sortie de la paralysie "cette semaine". "Notre long cauchemar national touche enfin à sa fin", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
Depuis le 1er octobre et le début du blocage, plus d'un million de fonctionnaires ne sont pas payés, le versement de certaines aides est fortement perturbé, tout comme le trafic aérien, avec maintenant des centaines d'annulations de vols chaque jour. Au coeur du différend entre républicains et démocrates depuis plus de 40 jours : la question des coûts de santé.
Le parti de Donald Trump, majoritaire au Congrès, proposait une simple extension du budget actuel, tandis que l'opposition réclamait une extension de subventions pour le programme d'assurance santé "Obamacare", à destination principalement des ménages à bas revenus. Ces subventions doivent expirer à la fin de l'année, et les coûts de l'assurance santé devraient ainsi plus que doubler en 2026 pour 24 millions d'Américains qui utilisent "Obamacare", selon KFF, un cercle de réflexion spécialisé sur les questions de santé.
En raison des règles en vigueur au Sénat, plusieurs voix démocrates étaient nécessaires pour adopter un budget même si les républicains y sont majoritaires. Au total, huit démocrates ont finalement voté pour un nouveau texte. "Des semaines de négociations avec les républicains ont montré clairement qu'ils ne discuteraient pas des questions de santé" pour mettre fin à la paralysie, a assuré dans un communiqué l'une d'entre eux, la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen. "Attendre plus longtemps ne fera que prolonger les souffrances que les Américains ressentent à cause du 'shutdown'", a-t-elle ajouté.
Chuck Schumer, le premier visé
Connus pour la plupart comme centristes, ces huit élus de l'opposition ont obtenu l'annulation du licenciement de milliers de fonctionnaires fédéraux par l'administration Trump depuis le début de la paralysie. Ils sont en revanche repartis les mains presque vides sur les questions de santé, n'arrachant pas une extension des subventions dans le texte final, mais seulement une promesse du chef républicain du Sénat quant à la tenue d'un vote prochain sur cette question. Une promesse creuse, ont dénoncé de nombreux élus démocrates, car le chef de la Chambre, Mike Johnson, a lui refusé de s'engager à prévoir un même vote à la chambre basse.
De nombreux élus et sympathisants démocrates appellent désormais à ce que des têtes tombent. Le premier visé : Chuck Schumer, chef de la minorité au Sénat. S'il a voté non dimanche soir, il est soupçonné par de nombreux élus et sympathisants démocrates d'avoir poussé en coulisses pour que ces élus modérés parviennent à un accord avec les républicains.
Le chef de la majorité au Sénat américain, John Thune, s’adresse aux journalistes devant la salle du Sénat, le 10 novembre 2025, au Capitole, à Washington.