De quoi casser le cercle vicieux ?
Elisabeth Borne veut que toutes « les jeunes filles prennent toute leur place dans les métiers de l’ingénieur et du numérique ». Elle dévoile pour cela un « Plan Filles et Maths » avec huit mesures. On y retrouve notamment des rôles modèles, dont les bénéfices sont déjà démontrés par la chercheuse Magalie Ochs que nous avions rencontrés.
Ce n’est pas un secret. Dans les sciences, les stéréotypes de genre sont « une réalité alarmante ». C’était la conclusion d’un rapport demandé par l’association Elles Bougent et l’occasion de rappeler que, « en France, seulement un quart des ingénieurs en activité sont des femmes, et parmi les étudiants en sciences, seulement 30 % sont des femmes ».
Aujourd’hui encore, « les stéréotypes de genre continuent d’influencer négativement l’orientation des filles et des femmes », qui sont « découragées de faire des études scientifiques ». « Les biais et les stéréotypes ne reculent pas voire se renforcent. Les filles ont moins confiance en elles », affirme Elisabeth Borne sur France Inter, comme le rapporte le Café pédagogique.
Former et sensibiliser les personnels
Cette semaine, Élisabeth Borne a lancé « un plan d’actions pour mobiliser la communauté éducative et les parents afin d’inciter les jeunes filles à se former aux sciences de l’ingénieur et du numérique ». Trois axes sont mis en avant, tous en place à partir de la rentrée 2025 : former et sensibiliser les personnels, renforcer la place des filles dans les enseignements qui ouvrent vers les filières d’ingénieur et du numérique, et enfin ouvrir les horizons des jeunes filles afin de susciter des vocations.
Dans le premier cas, cela passera notamment par « une sensibilisation aux biais de genre » de 2 h pour l’ensemble des professeurs de l’éducation nationale. « Elle sera animée par le directeur d’école, le chef d’établissement ou le référent égalité filles-garçons, qui auront bénéficié eux-mêmes d’une formation dispensée par le ministère ». Pas de précision sur qui sera chargé de former les formateurs du ministère.
« Les référent.es égalité-filles garçons existent déjà dans les collèges et les lycées […] Ces référent.es sont souvent bénévoles dans leur action et peuvent se sentir seul.es », rappelle le Café Pédagogique. Nos confrères se font aussi l’écho d’une enseignante impliquée dans ce travail depuis trois ans : « Tout le monde est convaincu de l’utilité de la chose mais les coups de main donnés par les collègues sont rares ».
Ensuite, « un plan de formation pluriannuel permettra de former tous les professeurs des écoles et les professeurs de mathématiques du second degré ». Le but ? Faire « prendre conscience des risques de reproduction involontaire qui apparaissent par exemple dans la gestion des prises de parole en classe ou dans les appréciations portées sur les bulletins scolaires ».
Des classes à horaires aménagés
Pour le second axe, « le plan « Filles et Maths » a pour objectif que 30 000 filles de plus en 2030 choisissent l’enseignement de spécialité de mathématiques en classe de première et le conservent en terminale, soit 5 000 filles de plus par an à compter de la rentrée 2025 ».
La ministre veut des « classes à horaires aménagés en 4e et en 3e en mathématiques et en sciences », avec au moins 50 % de filles. Des expérimentations seront lancées dans plusieurs académies avec une dizaine de classes, avec l’objectif de passer à une classe par département à la rentrée 2026. Mais qu’en est-il alors de la répartition des filles restantes dans les autres classes ? Ce n’est pas précisé.
Pour les études supérieures, « en 2030, chaque classe préparatoire scientifique devra compter au moins 30 % de filles dans son effectif, et pas moins de 20 % de filles dès la rentrée 2026 ». Ces écoles devront en plus proposer une « représentation équilibrée entre les femmes et les hommes professeurs en classe préparatoire scientifique ».
Des rôles modèles pour « améliorer les performances des filles en math »…
Enfin pour le troisième point, la ministre veut mettre « en place des rencontres systématiques avec des rôles modèles de la 3e à la terminale ».
Assez peu de détails sont donnés, si ce n’est que cela passera par « un réseau d’associations, d’étudiants ou de branches professionnelles » pour que des femmes, « rôles modèles, puissent présenter leur parcours à des jeunes filles ».
Un « programme d’éducation à l’orientation » sera présenté par Élisabeth Borne à la fin du mois. Des académies volontaires pourront se lancer à la rentrée 2025, puis une généralisation est prévue en 2026.
Les rôles modèles sont des femmes ou jeunes filles qui ont réussi en maths, comme nous l’expliquait Magali Ochs, à l’occasion d’une présentation intitulée « Comment l’IA peut être utilisée pour lutter contre les inégalités, pour plus d’inclusion et en particulier pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ».
… qui peuvent aussi passer par des personnages virtuels
C’est la théorie, mais en pratique, « c’est assez difficile d’avoir des rôles modèles à disposition dans les classes à présenter aux jeunes filles. Donc, on a créé des personnages virtuels qui pourraient représenter des rôles modèles et, de fait, de pouvoir réduire cette menace de stéréotypes et donc d’améliorer les performances des filles en maths », ajoutait la chercheuse.
Elle affirmait que cela marchait : « On a pu montrer que ces personnages virtuels étaient réellement perçus comme des modèles et l’expérimentation à grande échelle faite auprès de neuf collèges (soit au final 326 élèves), a montré qu’effectivement ces rôles modèles féminins permettaient d’améliorer les performances des filles en math ».