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Danemark : les recettes de Mette Frederiksen, la Première ministre de gauche qui dit stop à l'immigration

Mieux que La Petite Sirène ou La Reine des neiges, deux contes du Danois H.C. Andersen, voici la saga d’un petit royaume où l’économie se porte bien, où les habitants ont le sourire et où un optimisme général plane dans l’air. Bienvenue au Danemark (6 millions d’âmes) dont l’enquête planétaire World Happiness Report 2025 confirme année après année que ses habitants sont les gens "les plus heureux du monde", juste après les Finlandais. Ce bonheur général, il se mesure à la mine épanouie des enfants qui courent dans les allées de Legoland (parc thématique dédié aux Lego) comme aux éclats de rire sur les terrasses de café du port de Copenhague. Dans les entreprises règne aussi une forme de bien-être : patrons, syndicats et employés y entretiennent un dialogue social constructif fondé sur l’écoute et le respect mutuel. Résultat, là-bas, tout le monde est d’accord pour reporter l’âge de départ à la retraite de 67 à 68 ans d’ici à 2030 et jusqu’à 70 ans à partir de 2040.

C’est à peine croyable, mais même l’ambiance des maisons de retraite est sympa ! Dans ce pays où les seniors sont rois, les équivalents de nos Ehpad sont parmi les plus agréables à vivre au monde. Voici donc un pays en bonne santé qui, en outre, affiche des statistiques insolentes : + 3,5 % de croissance l’année dernière, chômage stable à 6 % et endettement public minimal à 30,5 % (contre 114 % en France). Cerise sur le gâteau, l’excédent budgétaire de l’Etat permet de financer à peu près n’importe quel nouveau projet.

Si tout va si bien, c’est donc qu’il n’y a aucune raison de s’intéresser au Danemark… Ne dit-on pas que les gens heureux n’ont pas d’histoire ? Sauf que depuis peu, ce pays en forme d’index pointé vers le nord de l’Europe se trouve au carrefour de l’actualité mondiale. En janvier, le président Donald Trump a déclaré que l’acquisition du Groenland (un territoire autonome danois) était une nécessité absolue. Parallèlement, la menace russe va en augmentant : Vladimir Poutine mène une guerre hybride incessante contre le Lilliput danois – et contre l’ensemble des pays scandinaves et baltes. Début octobre, plusieurs drones ont été repérés dans le ciel danois, obligeant le gouvernement à fermer six aéroports pendant plusieurs heures durant un sommet de chefs d’Etat de l’Union européenne.

Sur le Vieux Continent, le pays suscite, là encore, un intérêt inédit. Ce n’est pas tellement que Copenhague assume jusqu’au 31 décembre prochain la présidence tournante du Conseil de l’UE. C’est plutôt que le royaume est dirigé depuis six ans par une Première ministre qui détonne. Elue par la gauche, la sociale-démocrate Mette Frederiksen, 48 ans, mène une politique anti-immigration applaudie par la droite. Hyperrestrictive, elle vise particulièrement les demandeurs d’asile venus du "Menapt"', selon l’acronyme qui désigne, en anglais, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, le Pakistan et la Turquie (Middle East, North Africa, Pakistan, Turkey). Autrement dit : des pays majoritairement musulmans.

Et cela, au nom de la préservation du sacro-saint "modèle scandinave" qu’une majorité des Danois juge incompatible avec une immigration de masse. Le raisonnement est le suivant : pour fonctionner, l’Etat-providence doit reposer sur la solidarité collective – un peu comme une mutuelle – où non seulement tout le monde contribue au financement du système mais où, de plus, tout le monde adhère aux mêmes valeurs. Parmi celles-ci : l’égalité homme-femme, le respect des droits des homosexuels et la totale liberté d’expression qui fut, ne l’oublions pas, à l’origine de la crise des caricatures de Mahomet, née au Danemark en 2005 et suivie de menaces de mort contre des dessinateurs, d’attaques contre des ambassades danoises au Moyen-Orient et de deux attentats par fusillade à Copenhague en 2015 (un mois après le massacre de Charlie Hebdo en France).

Nous sommes passés d’une situation où il fallait protéger les minorités à une situation où nous devons protéger la majorité

Mette Frederiksen

Ceci explique pourquoi, depuis deux décennies, les gouvernements de droite comme de gauche renforcent continuellement les critères d’entrée dans le pays, au point de décourager les demandes d’asile. Les statuts de réfugié et les permis de séjour sont délivrés au compte-gouttes (avec des critères encore plus durs pour les représentants religieux). Et le regroupement familial repose sur des règles strictes : les deux membres du couple doivent avoir au moins 24 ans (ceci, afin de lutter contre les mariages arrangés avec des femmes trop jeunes) ; les intéressés doivent fournir un caution d’environ 7 000 euros ; ils doivent prouver l’existence de revenus réguliers depuis des années et disposer d’un logement avec un nombre de mètres carrés minimal par habitant. Quant aux naturalisations, elles reposent sur des tests de langue, sur l’adhésion aux "valeurs danoises" et sur "l’épreuve de la poignée de main", qui vise à éliminer les musulmans conservateurs : le demandeur doit serrer la main d’un officier municipal du sexe opposé. Enfin, le fait d’avoir commis une infraction ou avoir reçu une amende de plus de 400 euros entraîne l’inéligibilité à la naturalisation.

"Je ne crois pas que les gens fuient leur pays pour le plaisir et ceux qui sont persécutés doivent être protégés, expliquait, très cash, la Première ministre, Mette Frederiksen, au magazine Der Spiegel, en mai dernier. Mais je suis convaincue que nous ne pouvons pas accueillir et protéger tout le monde. L’Allemagne a fait une grosse erreur en 2015 [NDLR : en accueillant 1 million de migrants]. Les conséquences sont tellement énormes que nous ne pouvons tout simplement pas continuer comme avant. Nous sommes passés d’une situation où il fallait protéger les minorités à une situation où nous devons protéger la majorité", dit la dirigeante qui a hérité du surnom de Dame de fer. Et de conclure : "Les gens doivent se sentir en sécurité lorsqu’ils prennent un bus de nuit, lorsqu’ils vont au travail au petit matin ou à l’école."

Avec ce genre de discours – auquel peu de Danois trouvent à redire – la présidente du Parti social-démocrate est non seulement parvenue à se hisser au sommet du pouvoir, mais aussi à y rester. Elue une première fois en 2019 avec 26 % des suffrages, elle a été réélue en 2022 avec 27,5 % des voix. Miraculeusement, elle a dans le même temps marginalisé l’extrême droite qui arbitrait la vie politique depuis deux décennies jusqu’à devenir la deuxième force du pays. En 2015, le Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti, DFP) atteignait 21 %. Quatre ans plus tard, lors de la victoire de Frederiksen, il dégringolait à 9 % et en 2022, à moins de 3 % !

Avec Malte, la Lituanie et l’Espagne, le Danemark est aujourd’hui un des rares pays de l’UE à être gouvernés par la gauche. Rien d’étonnant dès lors, si la réussite de Frederiksen fait école. En Suède, le Parti social-démocrate (actuellement dans l’opposition) vient de faire son aggiornamento sur les questions d’immigration dans l’espoir de remporter les législatives dans un an. Et au Royaume-Uni, le gouvernement du travailliste de Keir Starmer a, lui aussi, durci sa politique d’immigration en annonçant l’allongement du délai d’obtention d’une résidence permanente et la suppression de l’aide au logement et des allocations sociales pour les demandeurs d’asile qui refusent un travail ou enfreignent la loi.

Mais qui est vraiment Mette Frederiksen, ovni politique sorti tout droit de la série télévisée Borgen ? Pour le savoir, il faut remonter à son adolescence, passée à Aalborg, ce bastion social-démocrate du nord du Jutland où sa famille vote à gauche depuis cinq générations. "Malgré son jeune âge, la quadragénaire a déjà plus de trois décennies d’expérience derrière elle", observe Thomas Larsen, auteur de Mette Frederiksen. Un portrait politique (2019, non traduit) qui la dépeint en animal politique doué et redoutable. A l’âge de 15 ans, Mette rejoint la Jeunesse sociale-démocrate sous les encouragements de son père, typographe, et de sa mère, enseignante. Là, elle se fait remarquer par son caractère et ses engagements.

La fibre écolo, elle refuse par exemple d’utiliser des cosmétiques testés sur des animaux, milite pour la défense des baleines et se passionne pour Nelson Mandela et son parti, l’ANC. A 18 ans, elle part seule au Kenya pendant un an. Titulaire d’un bachelor en sciences sociales, elle obtient ensuite un master en études africaines à l’université de Copenhague. A 24 ans, la voici déjà députée avant de devenir ministre de l’Emploi à 34 ans en 2011 puis de la Justice en 2014. L’année suivante, elle prend la tête du parti La Sociale démocratie. Et devient quatre ans plus tard la plus jeune Première ministre de l’histoire danoise à 41 ans – et la deuxième femme à occuper ce poste, après une autre sociale-démocrate, Helle Thorning-Schmidt (2011-2015).

"D’une ambition dévorante et dotée d’un instinct politique incontestable, elle se définit aussi par une souplesse idéologique qui lui permet d’opérer des virages à 180 degrés sur de nombreux sujets", dépeint le journaliste Bent Winther, coauteur de la biographie politique Mette F. (2019, non-traduit). "D’abord très à gauche, elle a viré au vert, puis elle a participé en tant que ministre à une coalition de centre gauche avant de diriger, depuis 2022, un gouvernement de coalition avec la droite. Tout cela en devenant de plus en plus conservatrice sur l’immigration." Autrefois eurosceptique, cette proche de Volodymyr Zelensky est aujourd’hui une fervente européenne et l’un des soutiens à l’Ukraine les plus déterminés. "Il faut reconnaître qu’à chaque fois qu’elle change d’avis, elle trouve les bons arguments pour convaincre", remarque Bent Winther, à propos de celle qui a soudé le parti derrière elle.

Cette proche de Volodymyr Zelensky est passée d'eurosceptique à fervente européenne.
Cette proche de Volodymyr Zelensky est passée d'eurosceptique à fervente européenne.

Mette Frederiksen serait-elle, tout simplement, une adepte des retournements de veste ? "Les choses sont plus compliquées que cela", plaide le biographe Thomas Larsen, qui suit sa trajectoire depuis trois décennies. Dans un pays qui compte une quinzaine de partis politiques, les alliances et les compromis font en effet partie du jeu. "Mais surtout, elle s’est montrée visionnaire en repositionnant idéologiquement la social-démocratie qui, à ses yeux, avait été poussée trop à gauche sur les questions d’immigration par ses alliés de la gauche radicale", décrypte Thomas Larsen. Voilà dix ans, lorsqu’elle prend les commandes du parti, elle annonce la rupture avec la gauche de la gauche afin de mieux reconquérir le pouvoir. Victorieuse dans les urnes, elle tient parole : pendant trois ans, les sociaux-démocrates gouvernent seuls. Ce n’est pas tout. Frederiksen reprend aussi à son compte la politique anti-immigration de ses prédécesseurs de droite, en annonçant, pendant la campagne, qu’elle ne reviendrait pas dessus.

"Elle est partie du principe que si les partis traditionnels se déconnectaient des préoccupations des électeurs, ces derniers se déplaceraient naturellement vers les extrêmes, entraînant la polarisation du pays", explique encore Thomas Larsen. Autre choix stratégique : Frederiksen décide de porter son effort sur les provinces et les régions rurales plutôt que sur les "bobos" des grandes villes parce que, selon elle, la social-démocratie danoise plonge ses racines dans l’électorat populaire. La question est : ce Machiavel scandinave est-elle encore de gauche ? "A sa façon de mettre l’accent sur les 'valeurs danoises' et à parler de 'réarmement idéologique' face aux défis de l’intégration, elle est clairement de droite, du moins sur le sujet de l’immigration", répond le Franco-Danois Pierre Collignon, rédacteur en chef du quotidien libéral Berlingske, qui la juge toutefois trop étatiste. Signe de l’évolution de la Première ministre : elle a récemment nommé un nouveau ministre de l’Immigration (social-démocrate) encore plus dur que ses prédécesseurs. Et pour fêter ses dix ans à la tête de SD, en juin, les militants agitaient des petits drapeaux danois au lieu de roses, l’emblème du parti.

Mette Frederiksen affiche aussi sans complexe sa proximité avec la présidente du Conseil des ministres Giorgia Meloni, dont elle partage les vues sur le droit d’asile. Avec sept autres dirigeants d’Europe centrale, les deux cheffes de gouvernement militent pour réformer l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, trop contraignant selon elles, notamment sur la question du regroupement familial. Et peu importe si le Danemark bénéficie depuis 1992 de dérogations (opt-out dans le jargon de Bruxelles) qui lui permettent de s’affranchir des règles européennes en la matière. "Pour Mette Frederiksen, l’important est de rassurer les électeurs en leur faisant savoir qu’elle ne lâche pas le morceau", reprend le journaliste et biographe Bent Winther. Elle n’oublie pas qu’au Danemark, le thème de l’immigration a déterminé le résultat de toutes les élections depuis un quart de siècle.

La dirigeante s'affiche avec Giorgia Meloni, partageant ses vues sur le droit d'asile.
La dirigeante s'affiche avec Giorgia Meloni, partageant ses vues sur le droit d'asile.

Ce qu’il faut savoir, aussi, c’est que les compatriotes de l’acteur Mads Mikkelsen (Casino Royale, Hannibal, Drunk, etc.) se voient un peu comme les habitants d’un village d’irréductibles Vikings, obligés de "résister encore et toujours à l’envahisseur", selon la formule des albums d’Astérix. A l’instar de la Hongrie, nostalgique de son empire disparu, le petit Danemark reste marqué par la perte de la Norvège en 1814 (au profit de la Suède) et du Schleswig-Holstein en 1864 (au profit de la Prusse). Et à la différence de la Suède, dont l’identité repose sur son espace et ses richesses naturelles (minerais, bois), celle du Danemark est fait d’un sentiment de fragilité et de l’idée qu’il lui faut préserver ses deux principaux atouts : la cohésion nationale et son modèle social, garant de sa prospérité.

"Autre particularisme, notre conception de l’Etat-providence est fortement imprégnée de l’éthique protestante du travail où la responsabilité individuelle est centrale, précise le politologue Mikkel Vedby Rasmussen, installé au café Europa, sur Støget, l’artère piétonne de Copenhague. "L’idée, c’est que chacun travaille dur et respecte les règles pour financer la sécurité sociale, tout en évitant d’abuser du système." Or les Danois ont sous les yeux l’exemple de la Suède, à vingt minutes de Copenhague par le pont reliant les deux pays. Principal pays d’accueil des réfugiés (avec l’Allemagne) lors de la vague de migrants en 2015, le voisin scandinave est aujourd’hui gangrené par le narcotrafic et déstabilisé par une guerre des gangs.

Dans son propre pays, Mette Frederiksen semble, pour sa part, atteinte par l’usure du pouvoir. Le score de son parti aux européennes, l’année dernière, a été décevant. Et voilà trois semaines, en novembre, les sociaux-démocrates ont pris une gifle aux municipales, notamment à Copenhague, perdue pour la première fois depuis un siècle au profit d’une coalition de gauche. L’omniprésente Première ministre – elle sature l’espace médiatique – commence peut-être à lasser. "Elle est devenue la caricature d’elle-même, grince le commentateur Noa Redington. Elle voit tout en noir et blanc, semble dévorée par sa soif de pouvoir et supporte de plus en plus mal les critiques, affirme celui qui fut le conseiller de l’ex-Première ministre Helle Thorning-Schmidt, elle aussi sociale-démocrate. Pour son dixième anniversaire à la tête du parti, en juin, j’ai lu les messages des comptes X de son entourage : ils étaient si laudatifs qu’on aurait dit la Corée du Nord. Grotesque…"

Une certitude : pour Frederiksen, les élections générales (prévues au plus tard dans dix mois) se joueront à quitte ou double. Concurrencée sur sa gauche, elle devra aussi composer avec l’extrême droite, qui remonte dans les sondages, à environ 8 %. "Mais elle n’a pas dit son dernier mot, prédit son biographe Thomas Larsen, qui ne cache pas sa fascination pour cette bête politique. Elle demeure une débatteuse redoutable, avec une capacité de travail effrayante et une résistance à la pression hors du commun." La preuve ? A l’heure où la Russie poursuit sa guerre hybride contre les pays d’Europe du Nord, elle trouve des accents churchilliens pour y répondre : son pays achètera des armes de précision à longue portée – missiles et drones – capables de frapper des cibles en "territoire ennemi", déclare-t-elle en juin. Et lorsque Washington convoite le Groenland, elle ne perd pas davantage son sang-froid. Inébranlable face à Trump et Poutine, la Dame de fer de Copenhague se laissera-t-elle, finalement, déstabiliser par ses joyeux compatriotes ? Réponse dans les urnes, dans quelques mois.

© Ida Marie Odgaard Ritzau/Scanpix/AFP

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Guerre Israël-Hamas

La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par l'attaque sanglante sans précédent du mouvement terroriste palestinien le 7 octobre 2023 sur le sol israélien à partir de la bande de Gaza. D’après les autorités israéliennes, plus de 1.400 personnes, en majorité des civils, sont mortes - fauchées par balles, brûlées vives ou mortes de mutilations. Selon leur dernier bilan, au moins 239 otages ont par ailleurs été enlevés par les terroristes et seraient retenus dans la bande de Gaza. En représailles, l'armée israélienne bombarde sans relâche la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas depuis 2007, et assiège ce territoire palestinien exigu où s'entassent quelque 2,4 millions de Palestiniens. Le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant a affirmé le 29 octobre 2023 que la guerre contre le Hamas était "entrée dans une nouvelle phase". Tsahal conduit désormais également des opérations terrestres dans la bande de Gaza. Au pouvoir depuis 2007 dans l’enclave palestinienne, les terroristes du Hamas affirment que plus de 8.000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans les bombardements israéliens. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'est alarmé le 29 octobre 2023 d'une situation "de plus en plus désespérée" dans la bande de Gaza, déplorant qu'Israël y ait "intensifié ses opérations militaires". Il a réclamé un "cessez-le-feu humanitaire immédiat" et "l'acheminement d'une aide humanitaire soutenue à une échelle qui réponde aux besoins de la population" du territoire palestinien.

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Au Yémen, la guerre risque de reprendre sur plusieurs fronts

Alors que les rebelles houthistes semblent tentés par une nouvelle fuite en avant militaire, y compris contre l’Arabie saoudite, les tensions se multiplient également dans la région de l’Hadramaout, entre des factions prosaoudiennes et proémiraties.

© PHOTO MOHAMMED HUWAIS/AFP

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Donald Trump a gracié l’ex-président du Honduras Juan Orlando Hernandez, qui est sorti de prison

L’ancien président purgeait une peine de quarante-cinq ans de prison aux Etats-Unis pour trafic de drogue. Sa libération, annoncée par sa femme sur les réseaux sociaux, survient alors que deux candidats de droite sont au coude-à-coude dans le pays dans une élection présidentielle mouvementée.

© ORLANDO SIERRA/AFP

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Des drapeaux kurdes dans l’escorte d’un leader irakien font scandale en Turquie

La présence du drapeau kurde sur l’uniforme des gardes du corps accompagnant la visite en Turquie du leader kurde irakien Massoud Barzani a provoqué une polémique. Celle-ci rappelle, malgré des avancées, la grande fragilité du processus de paix entre l’État turc et la guérilla du PKK.

© PHOTO SHOWAN SULAIMAN ALI/Middle East Images/AFP

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Service militaire volontaire ou obligatoire : les lignes bougent en Europe

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreux pays de l’Union européenne ont remis en place une forme de service militaire ces trois dernières années, ou ont l’intention de le faire. Avec de grandes différences selon la zone géographique concernée.

© SOURCES : « POLITICO », TOUTE L’EUROPE, CIA WORLD FACTBOOK.

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Ces pays reçoivent des millions de dollars pour accueillir des expulsés américains

En échange de quelques millions de dollars, Donald Trump et son administration se sont arrogés le droit d’expulser des milliers d’immigrés en situation irrégulière. Selon le ministère de la sécurité Intérieure (DHS), près de 527 000 étrangers illégaux ont été expulsés depuis l’investiture du président américain en janvier dernier. A ceux-là, s’ajoutent près de 1,6 million d’individus qui se seraient "volontairement déportés", selon les mots du même ministère.

Dans le cas des expulsions forcées, le gouvernement américain a signé des contrats avec plusieurs pays tiers, en Amérique du Sud et en Afrique, pour que ces derniers acceptent de recevoir et gérer ces déportés, quand bien même ils n’en sont pas originaires, en échange d’importantes sommes d’argent, et sans obligation de redevabilité.

5 millions de dollars contre 160 personnes

Le 17 novembre dernier, le gouvernement d’Eswatini, petit pays enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, a confirmé pour la première fois avoir reçu 5,1 millions de dollars (4,3 millions d’euros) des Etats-Unis en échange de l’accueil d’un total, à terme, de 160 personnes jugées "indésirables" par l’administration américaine. Le petit royaume d’Afrique australe a depuis mi-juillet reçu et incarcéré 15 hommes expulsés par Washington, au même titre qu’au moins cinq autres pays africains. L’un d’entre eux a depuis été renvoyé vers son pays d’origine la Jamaïque, tandis que les 14 autres, parmi lesquels un Cubain, un Yéménite, un Laotien, au moins quatre Vietnamiens, un Philippin et un Cambodgien, sont détenus dans le centre correctionnel de Matsapha, près de la capitale Mbabane, connu pour détenir les prisonniers politiques.

Selon un article du Washington Post, dont l’auteur a eu accès aux contrats signés par les Etats-Unis avec ces fameux pays tiers, la Guinée équatoriale, tout petit Etat d’Afrique centrale, aurait pour sa part reçu 7,5 millions de dollars en échange de déportations. A titre d’exemple, ce montant dépasse l’aide étrangère américaine fournie au pays au cours des huit dernières années combinées, déplore la sénatrice démocrate du New Hampshire Jeanne Shaheen. Elle est notamment l’auteure d’une lettre adressée au secrétaire d’Etat Marco Rubio début novembre, questionnant ces expulsions vers des pays tiers régulièrement pointés du doigt pour traite d’êtres humains mais aussi pour leur corruption au plus haut sommet de l’Etat.

Inquiétudes quant aux contours des accords

Toujours selon le Washington Post, les Etats-Unis ont envoyé plus de 250 migrants vénézuéliens dans une prison de haute sécurité au Salvador dès le mois de mars 2025. Ce mois-là, l’attachée de presse de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, avait alors déclaré que les Etats-Unis ont versé "environ 6 millions de dollars" au pays pour détenir les migrants. Tous les détenus ont finalement été renvoyés du Salvador au Venezuela en juillet dans le cadre d’un accord négocié entre Washington, Caracas et San Salvador. En échange, 10 citoyens américains et résidents permanents américains emprisonnés au Venezuela ont été libérés. Autre pays signataire de ces accords : le Rwanda. D’après une copie de l’accord signée le 3 juin dernier, Kigali a accepté de recevoir jusqu’à 250 expulsés en échange d’un "déboursement initial" de 7,5 millions de dollars du gouvernement américain. Ce n’est pas la première fois que l’administration Trump paie le Rwanda pour accepter les déportés, note le quotidien de Washington. En avril, les Etats-Unis avaient effectué un paiement unique de 100 000 dollars en échange de la déportation d’un immigré irakien.

Autant de pays que les Etats-Unis, à travers des rapports du département d’Etat, a accusé de traite des êtres humains, dont ils demandent à ces ressortissants de les éviter. Outre-Atlantique, des défenseurs des droits de l’homme ont par ailleurs soulevé des inquiétudes quant aux contours des accords, y compris si Washington sera en mesure de surveiller correctement les fonds alloués. Car les pays n’ont aucune obligation de redevabilité concernant l’argent reçu de la part des Etats-Unis. "Nous n’avons aucune idée de la manière dont l’argent pourra être utilisé. Il semble que les Etats-Unis ne mettent aucune directive ou restriction", a déclaré Nicole Widdersheim, directrice adjointe de Washington chez Human Rights Watch, s’inquiétant de l’utilisation de cet argent pour l’achat d’arme ou la contribution à des systèmes de corruption.

De façon moins directe qu'une contribution financière, le Ghana, a de son côté accepté de détenir au moins 40 migrants d'Afrique de l'Ouest envoyés par les Etats-Unis, en échange de tarifs douaniers assouplis et de restrictions abaissées pour les voyageurs ghanéens vers les Etats-Unis.

© AFP

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"L’économie est en chute libre" : en Allemagne, les industriels sonnent l’alarme

L’économie allemande traverse "sa crise la plus profonde" de l’après-guerre, a averti mardi 2 décembre la première fédération industrielle du pays, reprochant au gouvernement son inaction malgré une quatrième année consécutive de production industrielle en chute.

Le produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne devrait au mieux connaître une année de stagnation en 2025, après deux ans de récession, tandis que le chancelier Friedrich Merz semble peiner à trouver la recette pour mener des réformes et donner confiance aux entreprises.

"L’économie allemande est en chute libre et pourtant le gouvernement ne réagit pas avec la détermination nécessaire", a dénoncé dans un communiqué Peter Leibinger, président de la Fédération des industries allemandes (BDI). Le secteur secondaire est en cette fin 2025 "à un plus bas dramatique", a-t-il alerté.

Le communiqué de cette organisation patronale est pour le moins alarmiste et critique du chancelier Merz, un conservateur allié aux sociaux-démocrates au sein d’une coalition gouvernementale assez impopulaire, arrivée au pouvoir au printemps, après des élections législatives marquées par l’essor de l’extrême droite.

Un "décrochage structurel"

"Nous attendons cette année une chute de la production de 2 %, la production industrielle sera donc en recul pour la 4e année consécutive. Ce n’est pas un trou d’air conjoncturel, mais un décrochage structurel", martèle le BDI, appelant les autorités à un "tournant dans la politique économique, avec des priorités claires pour la compétitivité et la croissance". "Au troisième trimestre, la production a de nouveau reculé de 0,9 % par rapport au trimestre précédent et de 1,2 % sur un an", a relevé cette fédération.

Longtemps une exception dans une Europe désindustrialisée, l’Allemagne a profité d’une insolente bonne santé économique dans les années 2010, grâce à un modèle fondé sur l’exportation de produits à haute valeur ajoutée sortant d’usines tournant à plein régime à l’aide du gaz russe bon marché.

Mais la pandémie de Covid-19, l’envolée du coût de l’énergie après l’invasion russe de l’Ukraine, un manque d’innovation, la concurrence chinoise et désormais les taxes douanières américaines sont venus éroder ses fondations, transformant peu à peu la première économie européenne en homme malade du continent.

Pression sur l’emploi

Le chancelier Merz a promis cet automne une série de réformes et un toilettage bureaucratique en Allemagne comme en Europe, répondant à une revendication des entreprises qui jugent les réglementations trop complexes, y voyant un frein à l’innovation et un moteur de coûts. La semaine dernière au Parlement, il a défendu son action, énumérant les réformes adoptées comme la baisse de la fiscalité des entreprises ou la tarification de l’électricité.

Mais pour les industriels, ça ne va pas assez vite. "Chaque mois sans réformes structurelles résolues coûtera encore des emplois", juge le BDI. La transformation de l’industrie allemande met l’emploi sous pression : l’automobile a perdu 6,3 % de ses effectifs en un an, soit 48 700 postes, la métallurgie 2,6 % depuis un an et plus de 11 % depuis 2019, détaille le BDI dans un rapport publié mardi. Dans l’automobile, Volkswagen prévoit ainsi la suppression de 35 000 emplois d’ici 2030, soit 29 % de ses effectifs en Allemagne. Quelques jours plus tôt, la fédération de l’industrie chimique et pharmaceutique alertait sur un niveau de production au plus bas depuis 30 ans dans la chimie.

A l’inverse, l’industrie de l’armement, portée par des centaines de milliards d’investissements, fait figure de bouée de sauvetage pour le gouvernement, qui a appelé mardi à davantage de coopération entre les secteurs. "Nous avons besoin d’un réseau plus fort entre l’industrie civile et l’industrie de la sécurité et de la défense", a déclaré en conférence de presse le ministre de la Défense Boris Pistorius. A ses côtés, la ministre de l’Economie Katherina Reiche a évoqué les "chevauchements technologiques" possibles avec l’automobile, "qui dispose de compétences actuellement nécessaires de toute urgence" dans la défense.

© afp.com/Tobias SCHWARZ

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