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Le président russe Vladimir Poutine a annoncé dimanche un essai final réussi de son missile de croisière à propulsion nucléaire, Bourevestnik, une arme "unique", en pleine offensive en Ukraine et incertitude sur une nouvelle rencontre entre Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump.
"Les tests décisifs sont désormais achevés", a déclaré Vladimir Poutine, dans une vidéo diffusée par le Kremlin, lors d'une réunion avec des responsables militaires, en ordonnant de commencer à "préparer les infrastructures pour mettre en service cet armement dans les forces armées" russes. "C'est une création unique que personne d'autre dans le monde ne possède", a assuré le maître du Kremlin, selon lequel le Bourevestnik ("oiseau de tempête en russe) a une "portée illimitée".
Lors du dernier essai le 21 octobre, le missile Bourevestnik a passé dans l'air "environ 15 heures", en survolant 14.000 km, a précisé pour sa part le chef de l'Etat-major russe, Valéri Guérassimov, en ajoutant que "ce n'est pas une limite" pour cet armement. "Les caractéristiques techniques du Bourevestnik permettent de l'utiliser avec une précision garantie contre des sites hautement protégés situés à n'importe quelle distance", a-t-il affirmé.
Vladimir Poutine avait annoncé le développement par l'armée russe de ces missiles, capables de surmonter selon lui quasiment tous les systèmes d'interception, en 2018.

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Ce 16 octobre, au Kyiv International Economic Forum, grand raout rassemblant la crème des entrepreneurs et industriels de défense ukrainiens, tous se pressent pour assister à la prise de parole d’un "invité surprise". Au bout de quelques minutes d’attente, le suspense prend fin : apparaît sur scène Kyrylo Budanov, chef du renseignement militaire ukrainien et architecte de ses opérations de plus haute volée, la moue imperturbable, comme à son habitude. L’accueil est digne d’une rock star.
A l’issue d’une petite demi-heure consacrée aux derniers développements du conflit, le maître espion, véritable bête noire des Russes, y va de son avertissement quant à l’avenir de l’économie ukrainienne après la guerre. "En 1991, nous avions hérité d’un énorme complexe de défense […]. Mais en 2014, quand la guerre a commencé, il n’existait plus, glisse le haut gradé. Nous ne devons pas refaire cette erreur." À la chute de l’URSS, l’Ukraine avait en effet hérité de 30 % de la gigantesque industrie d’armement soviétique. Deux ans plus tard, une bonne partie de ces actifs avait disparu - sur fond de fin de la guerre froide et de réorientation des ressources vers le secteur civil.
A l’approche du quatrième anniversaire de l’invasion de la Russie, cette leçon reste gravée dans toutes les têtes. Et le mastodonte de la défense qu’est redevenue l’Ukraine au fil du conflit entend bien, cette fois, le rester. Début octobre, le président ukrainien a annoncé la couleur. Il veut, dit-il, porter à "au moins 50 %" la part des armes d’origine ukrainienne utilisées sur le front - contre 40 % actuellement. Le secteur, qui ne comptait avant la guerre qu’une poignée d’entreprises majoritairement détenues par l’Etat, en recense aujourd’hui plus de 900. "Grâce à notre expérience du front, le matériel ukrainien est aujourd’hui mieux adapté à la guerre moderne que celui des Occidentaux, martèle, treillis sur le dos, Serhii Pozniak, commandant d’une unité de sniper au sein de la Garde nationale ukrainienne. Contrairement à nous, peu de pays ont la possibilité de tester leur équipement en conditions réelles."
Le matériel mis au point par l’Ukraine a eu l’occasion de faire ses preuves. Dernier coup d’éclat en date, la vaste campagne de frappes contre les raffineries russes entamée au mois d’août, qui a entraîné des pénuries de carburant dans plusieurs régions russes, comme la Crimée, et une hausse des prix de l’essence de plus de 10 % - soit la hausse la plus importante des 15 dernières années. Au total, jusqu’à 40 % des capacités de raffinage ont été endommagées. Significatif, quand on sait que plus de 20 % du budget fédéral dépend des revenus tirés de sa manne pétro-gazière.
A la manœuvre derrière la plupart de ces frappes, le drone à longue portée ukrainien FP-1, capable de transporter une charge d’une soixantaine de kilos d’explosifs jusqu’à 1 600 kilomètres. Envoyés par vague de plusieurs dizaines d’aéronefs, ces engins plongent vers leur cible à la manière des Shahed utilisés en masse par Moscou. Produits à partir de 2024 par la société ukrainienne Fire Point, née après l’invasion russe, ces nouveaux engins répondent directement au besoin des Ukrainiens pour des armes à longue portée - que les Occidentaux rechignent à leur fournir par crainte d’une escalade avec Moscou. "C’est notre production nationale qui nous permet d’utiliser nos forces et nos moyens comme bon nous semble, affirme Kyrylo Boudanov. Et cela donne des résultats."
Pour frapper en profondeur, les Ukrainiens ont d’autres atouts. Fire Point a dévoilé cette année son premier missile de croisière à longue portée FP-5, plus connu sous le nom de "Flamingo", pour la couleur rose qu’arboraient ses tout premiers prototypes. Bien qu’il doive encore faire ses preuves sur le terrain, l’engin aurait une portée de 3 000 kilomètres et la capacité de transporter une charge explosive de plus d’une tonne. Mieux, à environ 500 000 dollars l’unité, il est quatre fois moins cher que son homologue américain Tomahawk, que Donald Trump se refuse pour l’heure de livrer à Kiev. "Si notre industrie a la possibilité d’en produire suffisamment, ce sera un avantage décisif pour gagner la guerre", s’enthousiasme le commandant Pozniak. A ce stade, Fire Point en produirait une cinquantaine par mois, avec pour ambition de monter à 200 d’ici à l’an prochain.
A lui seul, le pays entend produire cette année plus de 4,5 millions de drones - soit un demi-million de plus qu’en 2024. "Ils sont très populaires parce qu’ils sont très efficaces, résume Stanislav Gryshyn, cofondateur de General Cherry, l’un des principaux fabricants ukrainiens de drones. C’est l’arme la plus adaptée à la protection de la ligne de front." En pleine croissance, son entreprise a annoncé le 20 octobre la production en série de son tout nouvel engin : le drone intercepteur Bullet. Avec ses 300 kilomètres-heure au compteur, ce petit aéronef profilé a été conçu spécifiquement pour détruire les Shahed envoyés par Moscou. Le tout, à un prix bien inférieur aux précieux missiles antiaériens fournis à Kiev par les Occidentaux.
Quelle sera la prochaine étape ? "Nous travaillons sur un système d’intelligence artificielle totalement autonome permettant aux drones de détruire leur cible sans opérateur, explique, à Kiev, Oleksandr Yakovenko, le fondateur de TAF industries, l’un des poids lourds du secteur. Mais il nous faudra encore au moins deux ans pour le mettre en œuvre." Son entreprise, qui avait commencé en 2022 comme fondation caritative avec pour mission d’aider l’armée, compte aujourd’hui plus de 800 salariés. D’ici à la fin de l’année, l’entrepreneur prévoit d’en embaucher 200 de plus et d’atteindre une production d’un demi-million de drones.

Au-delà de ces seuls engins, l’Ukraine a considérablement musclé son industrie terrestre. Début octobre, Volodymyr Zelensky a claironné que la production nationale de canons automoteurs Bohdana (l’équivalent ukrainien du Caesar français) avait atteint 40 unités par mois - soit près de sept fois plus qu’en 2023. En parallèle, les Ukrainiens sont parvenus à fabriquer, dès 2024, plus de 2,4 millions d’obus d’artillerie et de mortier de différents calibres. "Aujourd’hui, l’industrie de défense ukrainienne est indéniablement la plus puissante d’Europe, se félicite, à Lviv, Yuri Lomikovskyi, cofondateur d’Iron, un réseau regroupant plus de 80 entreprises de défense. Sur certains segments comme les drones, nous produisons désormais beaucoup plus que l’ensemble des pays d’Europe réunis."
L’aide de ses alliés n’en reste pas moins cruciale pour l’Ukraine. "Son industrie de défense s’est vraiment spécialisée dans le low cost, pointe Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense. Mais sur d’autres segments, comme les hautes technologies, l’Ukraine accuse encore un retard." En témoigne l’absence de moyens propres pour lutter contre les missiles balistiques envoyés par Moscou. Pour y faire face, Volodymyr Zelensky a indiqué le 19 octobre vouloir finaliser un accord pour l’achat aux Etats-Unis de 25 systèmes de défense antiaérienne Patriot, à un milliard de dollars pièce.
"Nous manquons aussi cruellement de capital financier", ajoute Yuri Lomikovskyi. Selon les professionnels du secteur, l’industrie de défense ukrainienne n’a fonctionné l’an dernier qu’à 30 à 40 % de ses capacités de production totale, faute de carnets de commandes suffisamment remplis. En cause, les finances limitées de l’Etat ukrainien qui, malgré les 63 % de son budget consacré à la défense en 2025 (pour un total de 70,8 milliards de dollars), peine à suivre la cadence. A cet égard, le "modèle danois" fait l’unanimité dans le pays. En 2024, après avoir épuisé son stock d’armes livrables à Kiev, Copenhague avait été la première capitale à investir dans la production d’armes directement en Ukraine.
Prochaine étape, attirer dans le pays les industriels étrangers. Pour profiter de l’expérience du pays dans la guerre moderne, certains ont d’ores et déjà sauté le pas et commencé à y ouvrir des succursales. Ainsi de Quantum Systems, l’entreprise allemande spécialisée dans les drones, qui, cette année, a annoncé doubler sa capacité de production en Ukraine. "C’est une excellente chose que des entreprises ouvrent des installations, des bureaux ou des équipes de recherche et développement ici, car c’est la seule façon pour elles d’apprendre du conflit", glisse Yuri Lomikovskyi. En somme, un échange donnant-donnant. "Nous pouvons vous faire bénéficier de notre expertise et de nos technologies dans les drones, et vous pouvez partager avec nous des technologies plus sophistiquées", abonde Yehor Cherniev, député et vice-président de la commission de la sécurité nationale au Parlement ukrainien. A l’heure où les drones russes ont multiplié les survols de pays européens, le savoir-faire acquis par les Ukrainiens pour les intercepter est indéniablement une carte à jouer.

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