"Aucun compromis n'a encore été trouvé": Volodymyr Zelensky affirme n'avoir pas le droit "légal" ni "moral" de céder des territoires à Moscou

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"Le calendrier vaccinal américain est devenu excessif", a lancé Donald Trump vendredi 5 décembre dans un message sur Truth Social. Selon lui, les nourrissons en parfaite santé se voient imposer 72 doses, un nombre bien plus élevé que dans n’importe quel autre pays. "C’est ridicule !" a-t-il ajouté, soulignant que parents et scientifiques avaient depuis longtemps soulevé des doutes sur l’efficacité de ce calendrier. Le républicain n’a pas précisé comment il comptait ces injections, mais il semble avoir inclus chaque dose des vaccins combinés ainsi que les vaccins saisonniers effectués tout au long de l’enfance. Aux Etats-Unis, la vaccination couvre 17 maladies, nettement plus que dans la plupart des autres pays développés.
Pour y remédier, le président a annoncé la création d’un nouveau calendrier vaccinal après qu'une partie des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), dirigé par Robert F. Kennedy Jr., ait souligné les divergences entre les calendriers de différents pays. Cette décision suit la levée de la recommandation du CDC concernant le vaccin contre l’hépatite B à la naissance : vendredi, ces experts ont décidé de cesser de recommander le vaccin contre l'hépatite B aux nouveau-nés. Une réunion du comité avait notamment mis en lumière le calendrier danois, où l’hépatite B n’est administrée qu’aux nourrissons à risque.
Ce n'est pas la première fois que le Danemark est cité par Washington comme un exemple sur le sujet des vaccinations. La Maison-Blanche y avait déjà fait référence dans une note d'information rédigée, sous la directive du chantre du MAGA, qui visait à comparer les approches adoptées dans des "pays développés comparables". Au Danemark, les femmes enceintes sont systématiquement testées pour l’hépatite B. Seuls les bébés exposés reçoivent le vaccin et une injection d’immunoglobuline pour protéger immédiatement leur système immunitaire. Des rappels sont programmés à 1, 2 et 12 mois. Au total, le calendrier danois couvre 10 maladies. Les vaccins contre la varicelle, la grippe ou le VRS ne sont pas systématiques. Résultat : seulement 108 cas d’hépatite B en 2023.
Mais comme l'explique Flor Muñoz, spécialiste en maladies infectieuses, au Washington Post, "il est inutile de calquer le modèle danois sur les Etats-Unis". Et pour cause, contrairement au Danemark, outre-Atlantique, environ une femme enceinte sur cinq n'est pas testée pour le virus selon un rapport du Vaccine Integrity Project.
En Australie, le calendrier couvre 16 maladies pour les enfants et les adolescents. Le vaccin contre le VRS n’est administré qu’une seule fois aux futures mères, entre la 28e et la 36e semaine de grossesse, tandis que les nourrissons reçoivent le vaccin contre l’hépatite B dans les sept jours suivant leur naissance.
Le Royaume-Uni adopte une approche similaire : 15 maladies couvertes, avec un calendrier progressif. Les bébés reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 à 2 mois, puis des rappels à 3 et 4 mois. Celui contre l’hépatite B n’est donné à la naissance qu’aux nourrissons dont la mère est infectée. Sinon, la vaccination est réservée aux enfants exposés à un risque élevé. Le vaccin contre le VRS n’est proposé aux femmes enceintes qu’après 28 semaines, et la vaccination contre l’hépatite A est ciblée en fonction du foyer.
Au Canada, les nourrissons reçoivent le vaccin combiné 6-en-1 ou le vaccin monovalent contre l’hépatite B à 2, 4 et 6 mois, avec des rappels entre 12 et 23 mois. Les enfants à risque ou prématurés peuvent recevoir des doses supplémentaires, jusqu’à quatre injections pour certains cas. Selon les populations, le calendrier couvre 16 ou 17 maladies.
Ce n'est pas la première fois que l'administration Trump s'attaque ouvertement à la vaccination. Robert F. Kennedy Jr. se plaît régulièrement à dénoncer un "calendrier vaccinal explosif", qu’il lie à l’augmentation de maladies chroniques, d’autisme et d’allergies alimentaires. Une position qui va à l’encontre du consensus scientifique. Le comité du CDC a déjà révisé ses recommandations sur le vaccin contre le Covid et la combinaison RORV (rougeole, oreillon, rubéole, varicelle, NDLR), décalant son administration à 4 ans.

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A l’est de Rafah, les soldats israéliens progressent mètre après mètre dans un labyrinthe souterrain. L’armée poursuit un travail méthodique : repérer, ouvrir et détruire les tunnels où les hommes du Hamas sont retranchés depuis le début du cessez-le-feu. Des foreuses géantes creusent le sol, les tunnels sont minés, parfois inondés par les troupes israéliennes pour pousser les combattants à sortir. Selon Israël, ses soldats se rapprochent peu à peu des derniers groupes, et plus de quarante d’entre eux auraient été tués ces derniers jours.
Ces opérations se déroulent alors qu’une trêve tient péniblement à la surface, perturbée par des échanges de tirs presque quotidiens. Le cessez-le-feu négocié par Washington en octobre avait laissé ces combattants du Hamas du mauvais côté de la ligne de séparation, enfermés dans un réseau souterrain où les affrontements continuent sans interruption.
Alors que sous terre la situation n’évolue pas, Benyamin Netanyahou a affirmé dimanche 7 décembre vouloir passer "très bientôt" à la deuxième phase de l’accord et prépare une nouvelle rencontre avec Donald Trump en décembre.
Dans les tunnels, la situation humanitaire est de plus en plus critique. L’eau et la nourriture s’amenuisent selon des responsables des services de renseignement arabes et de l’armée israélienne, cités par le Wall Street Journal. Au début de la trêve, Israël estimait qu’entre 100 et 200 combattants du Hamas étaient encore retranchés sous Rafah. Le Hamas affirme aujourd’hui qu’il en resterait entre 60 et 80.
Ces hommes sont désormais face à un dilemme : rester dans les tunnels, où ils sont susceptibles d’être tués par l’armée israélienne, ou tenter de fuir en direction du territoire contrôlé par le Hamas, au risque d’être repérés avant d’y parvenir. Ces dernières semaines, plus de 40 d’entre eux ont été tués par les troupes israéliennes. Quelques-uns ont été arrêtés vivants.
Mais les opérations sont dangereuses pour les soldats israéliens eux-mêmes : des combattants peuvent surgir par surprise des tunnels. Ce mercredi 3 décembre, quatre militaires israéliens ont été blessés lorsque plusieurs hommes du Hamas sont soudainement sortis d’un passage et ont tiré sur un véhicule blindé.
Depuis le mois de mai, Israël a donc décidé de resserrer l’étau. L’objectif : détruire complètement le réseau souterrain utilisé par le Hamas depuis le début de la guerre. Des responsables militaires expliquent au Wall Street Journal que la stratégie consiste à isoler les tunnels les uns des autres. Cela empêche ainsi les combattants de se déplacer et réduit leur capacité à s’organiser.
Le sort des combattants coincés sous Rafah est désormais au centre des discussions diplomatiques sur la suite du cessez-le-feu. Le Hamas tente d’obtenir un accord qui permettrait à ses hommes de rejoindre son territoire sans être tués. Une demande à laquelle a répondu Israël en promettant que si les soldats se rendaient, ceux-ci ne seraient pas abattus. Mais le Hamas s’oppose fermement à cette idée. Un haut responsable du mouvement, Hossam Badran, a déclaré dans un communiqué que les hommes ne poseront jamais leurs armes et ne se rendront pas "à l’occupation".
L’accord de trêve lui-même exigeait du Hamas qu’il se désarme et renonce à tout rôle dans la gouvernance de Gaza. Des lignes rouges que le mouvement refuse d’accepter. Mercredi 3 décembre, Donald Trump a annoncé qu’une nouvelle phase du processus de paix se profilait, incluant la création d’institutions civiles et sécuritaires pour remplacer le Hamas et préparer la reconstruction. Washington espérait que la gestion du sort des combattants piégés à Rafah offrirait un modèle de désarmement progressif. Mais l’inverse se produit : l’impasse actuelle refroidit les capitales arabes et occidentales, peu disposées à financer la reconstruction ou déployer des forces alors que les combats persistent et que le Hamas refuse toute concession.
Les discussions avaient pourtant commencé dès les premiers jours du cessez-le-feu. Les Etats-Unis avaient même suggéré de laisser sortir les combattants par l’intermédiaire de la Croix-Rouge. Israël s’était montré ouvert à cette proposition, mais exigeait qu’ils abandonnent leurs armes et conditionnait cette évacuation à la restitution d’autres dépouilles d’otages. Une position immédiatement critiquée par des élus israéliens, poussant Benyamin Netanyahou à durcir on ne peut plus son discours : désormais, martèle-t-il, ces hommes devront se rendre ou être tués.

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La diplomatie européenne ne sait plus où donner de la tête. Trois jours après la publication par Washington de sa "stratégie de sécurité nationale", dans laquelle la Maison-Blanche prononce son divorce avec l'Europe, les dirigeants français, britannique, allemand et ukrainien ont tenté, ce lundi 8 décembre à Londres, de coordonner leur position dans les négociations de paix en cours. En marge de ces tractations, ils ont pu évoquer un autre dossier clé qui ne leur donne pas moins de maux de tête : celui des avoirs russes gelés.
Retour en arrière. Le 3 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a dévoilé son grand plan visant à assurer le financement de l’Ukraine pendant les deux prochaines années. Problème, parmi les deux options retenues, celle d’un "prêt de réparation" de quelque 137 milliards d’euros à Kiev, garanti par les avoirs russes gelés, se heurte à l’opposition farouche de la Belgique, où dort la majeure partie de ces fonds (la société belge Euroclear détient 210 milliards d’euros, dont 185 mobilisables). Sa crainte ? Devoir faire face seule à des représailles russes et un éventuel remboursement.
Dans une ultime tentative de sauver ce plan, le chancelier allemand Friedrich Merz s'est rendu en urgence en Belgique dans la soirée du vendredi 5 décembre pour un dîner avec son Premier ministre Bart De Wever. L'objectif : tenter de le convaincre de ne plus freiner des quatre fers.
Depuis, l’affaire tourne à l’épreuve de force. Qui en sortira vainqueur ? Réponse lors du prochain Conseil européen, les 18 et 19 décembre prochains. Faute de parvenir à s’entendre, ce qui devait être une démonstration de force des Européens pourrait se transformer en terrible débâcle.
Le risque est bien réel. Lors du dernier sommet à Bruxelles en octobre dernier, les Vingt-Sept avaient déjà échoué à parvenir à un accord sur fond des mêmes réticences belges. Toute l’ingénierie juridique et financière déployée par la Commission, comme les garanties proposées à la Belgique depuis lors n’y ont rien changé. La proposition "ne répond pas à nos inquiétudes", a martelé mercredi son chef de la diplomatie Maxime Prévot.
Pendant ce temps, l’Ukraine - qui réclame à cor et à cri une utilisation des avoirs russes gelés depuis 2022 - continue de brûler. Et les options de secours sont minces. La seconde proposition, moins ambitieuse, proposée par la Commission consiste en un emprunt commun au profit de Kiev. Mais il sera difficile d'avoir l'unanimité dans un contexte de rigueur budgétaire, certains Etats membres comme la Hongrie de Viktor Orban s'opposant même frontalement à toute aide supplémentaire à l'Ukraine.
Pourtant, il y a urgence. Les dépenses de l'Etat ukrainien ne sont couvertes que jusqu'en mars 2026. Ensuite "si l’Europe échoue à fournir ce soutien financier, ce sera un immense signal de faiblesse envoyé à la Russie, ajoute Nigel Gould-Davies, ancien ambassadeur britannique en Biélorussie aujourd’hui chercheur à l’International Institute for Strategic Studies. In fine, elle pourrait n’en devenir que plus agressive." A l’inverse, doter l’Ukraine d’un financement stable et pérenne enverrait un solide message de détermination au Kremlin, tout en éloignant le spectre d’une victoire rapide pour les Russes.
L'occasion aussi pour les Européens de reprendre la main dans ces pourparlers dont ils ont été largement exclus jusqu’à présent. Le sujet est d’autant plus prioritaire que l’administration américaine lorgne elle aussi sur les actifs russes. Dans son plan en 28 points négocié avec Moscou, Washington envisage de capter 100 milliards de dollars d’avoirs gelés pour participer à la reconstruction de l’Ukraine.
A trop tergiverser, les Vingt-Sept prennent le risque que le match continue de se jouer sans eux. "C’est un moment crucial et décisif pour l’Europe, résume l’ancien ambassadeur Nigel Gould-Davies. Une défaite de l'Ukraine serait infiniment plus coûteuse pour les Européens que les efforts qui leur sont actuellement demandés." Pour les Européens, il est impératif de changer de logiciel.

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"Bydgoszcz". Pour beaucoup, ce nom de ville à seulement deux voyelles peut sembler bien exotique. Voire faire sourire. Mais les initiés aux enjeux de sécurité euroatlantique le savent : cette métropole située au centre de la Pologne est l’un des cœurs discrets mais stratégiques de la transformation de l’Otan.
A première vue, rien ne le laisse deviner. Emmitouflées dans des manteaux épais et coiffées de bonnets, les familles flânent paisiblement le long des artères rectilignes du centre-ville, héritage de l’occupation prussienne des siècles passés. Ici et là, des bâtisses en brique rouge et des clochers aux contours dorés donnent du relief à la trame urbaine, entre les immeubles néorenaissance et art nouveau, en passant par les constructions brutalistes des quartiers périphériques.
"Nous sommes une ville industrielle, longtemps perçue comme grise et quelconque. Aujourd’hui, nous sommes devenus un lieu où il fait bon vivre", se targue Rafal Bruski, le maire, observant du coin de l'œil, par la fenêtre, l’installation du marché de Noël sur le parvis de l’hôtel de ville. Chargé d’administrer plus de 300 000 habitants, l’édile est en poste depuis quinze ans. Et il admet d’emblée : au-delà des fonds européens, la ville doit son développement à son rôle névralgique pour l’Alliance Atlantique. "La présence de forces otaniennes sur place façonne Bydgoszcz depuis plus de 20 ans, relate le maire. Cela explique les investissements accrus dans les routes, les hôpitaux et l’infrastructure aéroportuaire".
A moins de deux kilomètres de l’hôtel de ville, sur le côté d’une large route de bitume empruntée par des centaines d’automobilistes chaque jour, la ville héberge depuis 2004 le seul centre d’entraînement de l’Otan en Europe centrale et orientale : le Joint Forces Training Center (JFTC). D’extérieur, le site paraît banal. Des immeubles d’habitation à proximité immédiate, un arrêt de bus qui dessert les riverains, et un hypermarché de l’autre côté de la chaussée. Mais les grillages surmontés de barbelés, les caméras de surveillance, et le garde en uniforme ne laissent aucun doute : c’est bien ici que se trouve l’un des points cardinaux de la préparation opérationnelle de l’Otan.
Une fois passés les contrôles de sécurité, le complexe, composé de plusieurs bâtiments bas aux couleurs pâles, est égayé par les drapeaux des 32 pays membres de l’Otan qui surplombent la cour centrale. Les soldats en treillis déambulent, badge national flanqué sur leurs épaules. Aucun appareil électronique n’est évidemment autorisé lorsque l’on pénètre dans le bureau du général Rycerski, qui dirige le centre. "Sur le plan tactique, nous sommes prêts à faire face à n’importe quel type de conflit, assure le gradé. Installé dans son fauteuil en cuir, il explique que sa structure forme le commandement des membres de l’Alliance à la guerre de demain : "Nous sommes une plateforme d’expérimentation pour nos nouveaux concepts et nos technologies disruptives".
Avec environ 170 soldats issus d’une vingtaine de pays en période creuse, l’enceinte accueille jusqu’à 3 000 militaires lors de ses entraînements les plus importants. Appelés "CWIX", ils réunissent pendant plusieurs semaines des participants venus d’une quarantaine de nations différentes, rivés aux écrans d’ordinateur dans les salles à disposition et même au-delà : d’immenses tentes pouvant contenir 500 personnes chacune sont installées temporairement pour pouvoir accueillir tout le contingent pendant la période. "L’objectif est de tester nos standards en matière d’interopérabilité digitale" énonce le général. Autrement dit, il s’agit de vérifier le niveau d’intégration entre les différents systèmes utilisés par les membres de l’Otan.
Autre levier important dans la formation des chaînes de commandement de l’Alliance : la conduite de "wargames", durant lesquels deux équipes s’affrontent virtuellement. Sans surprise, la Russie est la menace inspirant la grande majorité des scénarios en place. "Les données venant du front ukrainien, de notre déploiement terrestre le long du flanc oriental, des missions de police de l’air et liées aux menaces hybrides sont utilisées", liste le général Rycerski. "Nous vérifions la capacité des soldats à prendre les bonnes décisions suivant différentes dynamiques de conflit, en introduisant des contraintes temporelles et des dilemmes complexes". Dans les prochains mois, l’intelligence artificielle est censée venir enrichir ces scénarios et augmenter les capacités de décision des soldats.
Quelques mètres plus bas, à un autre étage de l’édifice, le Battle Lab abrite une dizaine d’écrans géants et une trentaine d’ordinateurs. C’est entre ces quatre murs que les logiciels de simulation sont enrichis. "Nous ajoutons des difficultés logistiques de manière plus réaliste, notamment la nécessité de réapprovisionner les ressources après une attaque contre un convoi ou la gestion de véhicules immobilisés" révèle Tomasz Rogula, chef de la section Développement de concepts et Expérimentation. "A partir de l’année prochaine, les soldats exploiteront des vues de drones de manière bien plus systématique" ajoute-t-il avec gravité.
Si le JFTC est l’épicentre de l’activité otanienne à Bydgoszcz, cette dernière est la pièce maîtresse d’un puzzle plus vaste : la ville comporte cinq autres unités de l’Alliance. L’une d’elles, le 3rd NATO Signal Battalion, contribue à ce que les communications des forces soient sûres et fiables. "Si les systèmes de communication et d’information ne fonctionnent pas, vous n’êtes plus en mesure de contrôler vos forces" rappelle le lieutenant-colonel Pavel Matuszek, en charge du commandement de cette unité de 500 personnes. Ses hommes sont notamment mobilisés pour sécuriser les communications entre l’Otan et l’Ukraine, dont certaines sont menées depuis la base de Wiesbaden, en Allemagne, et le centre logistique de Rzeszow, en Pologne. "Nous contribuons aussi, 24h/24 et 7 j/7, à la lutte contre les cyberattaques pouvant perturber les systèmes" complète-t-il."Alors que les enseignements tirés du théâtre ukrainien infusent déjà les états-majors de l’Alliance, l’enjeu est désormais qu’ils soient adaptés plus rapidement.
En février dernier, un tournant a été franchi :" la première structure de coopération civile et militaire liant l’Otan à l’Ukraine a été inaugurée ici, venant densifier l’écosystème stratégique de Bydgoszcz. L’une des missions principales de ce nouveau centre, le Joint Analysis, Training and Education Centre (Jatec), est de transmettre les leçons du front ukrainien au commandement de l’Otan pour transformer durablement l’organisation. "La guerre qui se déroule à nos portes […] nous oblige à apprendre chaque jour, à nous adapter sans relâche", déclarait lors du lancement de JATEC l’amiral Pierre Vandier, chargé, en tant que Commandant Suprême Allié pour la Transformation de l’Otan, d’anticiper la préparation de l’Alliance à horizon vingt ans.
Neuf mois se sont écoulés depuis l’ouverture de Jatec. Et l’urgence d’agir vite, collectivement, se fait ressentir. "Sommes-nous prêts à nous battre si la guerre éclate demain ?", interroge Piotr Wojtas, le porte-parole du centre, tout en montant les marches de l’édifice au trot. "Il ne s’agit plus de tenir une ligne de front autour de tranchées, mais d’épargner de véritable 'zone de destruction' large de plusieurs kilomètres, dans lesquelles les drones s’infiltrent." pointe-t-il. "Pour y faire face, l’Ukraine raisonne bottom-up : dès qu’une solution prouve son efficacité sur le terrain, elle est déployée à grande échelle en six semaines", poursuit-il avec admiration. Jatec entend s’inspirer de cette approche via le NATO Innovation Challenge, dont le principe est simple : un besoin identifié sur le front ukrainien est présenté aux start-up issues des pays de l’Alliance, qui sont invitées à y répondre, et les projets les plus prometteurs sont ensuite présentés aux militaires, qu’il s’agisse de technologies antidrones ou de solutions d’évacuation médicale.
"Mes équipes et moi avons ardemment milité pour obtenir l’ouverture de Jatec en Pologne", confie Tomasz Szatkowski, ambassadeur polonais auprès de l’Otan de 2019 à 2024. Un succès politique qu’il est nécessaire d’exploiter davantage, estime cet ancien diplomate, aujourd’hui affilié au Centre for Security, Diplomacy and Strategy, un think tank bruxellois. Le contexte est propice : l’incursion récente de drones russes dans l’espace aérien allié, dont celui de la Pologne, suscite de vifs débats dans la région, tant l’utilisation de chasseurs ultramodernes, tels que les F-35, pour neutraliser une vingtaine d’engins sans pilote peu onéreux, semble intenable. "Les recommandations de Jatec doivent désormais se traduire par un impact structurel au sein de l’Otan, et a fortiori du ministère de la Défense polonais", exhorte l’expert.
Une chose est sûre : la présence militaire de l’Otan ne passe pas inaperçue à Bydgoszcz. "Les hôtels sont pleins à craquer avec un an d’avance au mois de juin, pendant les jours de formation les plus importants", sourit une employée du kiosque de la gare. Tout au long de l’année, par ailleurs, quelques centaines de soldats sont installés à Bydgoszcz pour des contrats trisannuels, souvent accompagnés de leur famille. Leurs enfants bénéficient d’une place à l’Ecole Internationale de Bydgoszcz, un établissement anglophone allant du primaire au Baccalauréat international. Dans ses couloirs aux couleurs vives, 370 élèves se croisent chaque jour. "Plus d’un tiers sont des enfants du personnel de l’Otan", précise la directrice, Imislawa Bugeja, en guidant la visite.
L’heure des cours est passée, mais l’établissement bruisse encore d’activité : les plus grands s’affairent dans la salle de biologie en blouses blanches, d’autres suivent un cours de français, certains s’entraînent au judo dans un gymnase flambant neuf, tandis que les plus jeunes se regroupent devant un dessin animé. Les élèves travaillent selon des méthodes adaptées à leur profil - visuel, écrit, auditif - et la relation avec les enseignants est personnalisée. "Les exercices d’évacuation incendie peuvent être éprouvants pour certains élèves, notamment les enfants ukrainiens qui ont connu la guerre", dit-elle. Par mesure de sécurité, le site est surveillé en permanence, tandis que le personnel enseignant est constamment formé aux procédures de confinement en cas d’attaque.
Car la lumière apporte toujours son lot d’ombres. En juin, l’Agence de sécurité intérieure a arrêté dans la ville un espion de nationalité polonaise qui travaillait pour le compte de la Russie. Loin d’être une première. "Au vu des informations qui circulent ici, Bydgoszcz est une cible de choix pour les services de renseignement étrangers", confirme Kamila Sierzputowska, professeure en sécurité internationale à l’Université Kazimierz Wielki. Le maire, lui, préfère positiver : "Plus notre ville est jugée stratégique, plus le niveau de sûreté est élevé", veut croire Rafal Bruski.
Pour ce dernier, il est hors de question de se laisser déstabiliser par le spectre de Moscou. Tandis que la guerre fait toujours rage aux portes de la Pologne, la confiance des Polonais dans l’Alliance a progressé par rapport à l’an dernier, atteignant 75,7 %. Ce sentiment est particulièrement palpable ici. "Notre pique-nique annuel présentant le matériel militaire et les différents régiments a rassemblé 15 000 visiteurs sur une seule journée, se réjouit le maire, Rafal Bruski. Et ce n’est pas près de s’arrêter !"
Et pour cause : le site du JFTC doit accueillir dans les prochaines années un nouvel édifice capable d’accueillir 30O soldats supplémentaires, tandis que Jatec, l’institution Otan-Ukraine, devrait elle aussi voir ses effectifs consolidés d’ici l’été 2026. Bref, Bydgoszcz, la "capitale polonaise de l’Otan" semble promise à faire parler d’elle bien au-delà des frontières nationales. Il n’est pas trop tard pour apprendre à épeler son nom.

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