En repoussant à une période indéterminée de 2026 l'arrivée de son tout nouveau Siri, Apple donne à penser que la démonstration faite l'été dernier n'était en réalité que du vent.
Le 10 juin dernier, lors de la confĂ©rence d'ouverture de la WWDC, Craig Federighi et une autre responsable consacrent une partie du propos sur Apple Intelligence Ă la dĂ©monstration du futur Siri et plus spĂ©cifiquement ses fonctions personnelles les plus avancĂ©es. L'assistant va ĂȘtre refait de pied en cap, dopĂ© Ă l'intelligence artificielle et capable d'exploiter vos donnĂ©es personnelles et les informations affichĂ©es sur votre Ă©cran. 10 mois plus tard, cette partie majeure d'Apple Intelligence et ce volet de Siri sont toujours aux abonnĂ©s absents, mĂȘme sous la forme d'une bĂȘta qui aurait pu ĂȘtre rĂ©servĂ©e d'abord aux testeurs amĂ©ricains.
Craig Federighi Ă la WWDC24. Source Apple.
Dans un billet rageur sur Daring Fireball, John Gruber, habituellement accommodant avec Apple, tire Ă boulets rouges sur la cascade de dĂ©cisions qui ont conduit Ă prĂ©senter cette fonction comme s'il s'agissait d'un dĂ©veloppement bien entamĂ© puis Ă l'inclure quelques mois plus tard dans le marketing entourant les nouveaux iPhone 16, Ă en faire un thĂšme publicitaire pour Apple Intelligence puis annoncer, entre deux portes , que ce Siri n'arrivera que l'annĂ©e prochaine. Sans plus de prĂ©cisions. Cela pouvant ĂȘtre dans les premiers mois de 2026 comme bien aprĂšs la sortie d'iOS 20.
Apple fait le ménage dans les références à un Siri plus intelligent
Avec le recul, il y avait pourtant des signes annonciateurs, explique Gruber, qui se flagelle de ne pas l'avoir compris plus tĂŽt. Lors de la WWDC, devant des mĂ©dias invitĂ©s, Apple avait fait la prĂ©sentation de quelques-unes des fonctions d'IA dĂ©voilĂ©es lors du keynote. Mais du nouveau Siri, il ne fut aucunement question. Pas mĂȘme dans le cadre d'une dĂ©monstration assurĂ©e par le reprĂ©sentant d'Apple. Par comparaison, Ă l'annonce du Vision Pro, les journalistes avaient pu enfiler le casque mĂȘme si leur dĂ©monstration Ă©tait trĂšs flĂ©chĂ©e. Le produit avait une rĂ©alitĂ© tangible.
MĂȘme chose lorsque les iPhone 16 sont mis entre les mains des mĂ©dias sur place et alors qu'Apple Intelligence entoure Ă nouveau le lancement des nouveaux tĂ©lĂ©phones. Apple ne montre toujours rien du nouveau Siri alors que 4 mois se sont Ă©coulĂ©s et qu'elle diffuse une pub mettant en scĂšne certaines possibilitĂ©s de l'assistant. On ne peut qu'en dĂ©duire que la prĂ©sentation faite en juin ne reposait sur rien de concret, ce n'Ă©tait que du vent, l'illustration complĂštement fabriquĂ©e d'une intention :
Ce qu'Apple a présenté à la WWDC à propos de son futur « Siri personnalisé » n'était pas une démo. C'était une vidéo conceptuelle. Les vidéos conceptuelles sont du n'importe quoi et témoignent d'une entreprise en pleine déroute, voire en crise.
Depuis quelques semaines, Apple Intelligence a Ă©tĂ© dĂ©ployĂ© en version bĂȘta dans une premiĂšre vague de nouveaux pays, mais l'histoire se rĂ©pĂšte, le Siri des 10 prochaines annĂ©es reste en cale sĂšche et bien cachĂ© chez Apple. Il est arrivĂ© par le passĂ© qu'Apple admette avoir fait une erreur de jugement et conviĂ© la presse pour une mise au point. Ce fut le cas avec l'Ă©chec du Mac Pro de 2013 et les inquiĂ©tudes quant Ă la stratĂ©gie pour les Mac des professionnels.
Phil Schiller : « Nous allons complÚtement repenser le Mac Pro »
Il est également arrivé qu'Apple se presse d'annoncer un produit dont il s'avÚrera qu'il était impossible à réaliser. Gruber rappelle le précédent de l'AirPower. Toutefois une entreprise comme Apple peut se remettre aisément d'un écueil de cet ordre. Le tapis de recharge était, dans tous les sens du terme, un accessoire.
Dans le cas de Siri on passe à une tout autre échelle. L'avenir des IA est en train de s'écrire et les difficultés d'Apple peuvent peser bien davantage. La Pomme a pu pécher par orgueil. Prise de court par l'explosion soudaine de cette nouvelle forme d'IA, elle aura pu vouloir marquer sa différence et promettre au-delà de ce qu'elle était capable dans les conditions de fonctionnement et les délais qu'elle s'était imposés :
Le fiasco ici n'est pas qu'Apple soit en retard sur l'IA. Ce n'est pas non plus qu'ils aient dĂ» annoncer la semaine derniĂšre un retard gĂȘnant sur des fonctionnalitĂ©s promises. Ce sont des problĂšmes, pas des fiascos, et les problĂšmes sont monnaie courante. Ils sont inĂ©vitables. Les dirigeants prouvent leur courage et bĂątissent leur hĂ©ritage non pas par leur façon de gĂ©rer les succĂšs, mais par leur façon de gĂ©rer â d'identifier, de comprendre, de s'adapter et de rĂ©soudre â les problĂšmes. Le fiasco, c'est qu'Apple a prĂ©sentĂ© une histoire qui Ă©tait fausse, une histoire que certains au sein de l'entreprise ont certainement acceptĂ©e comme telle, et sur cette base qu'ils ont Ă©tabli leur stratĂ©gie.
Ce qui amÚne à la question de la responsabilité et des dégùts occasionnés. Sur le second point, Apple, qui aime à se présenter comme une entreprise réglée au millimÚtre, a terni sa crédibilité. Dorénavant et pour longtemps, toute annonce d'une fonction ambitieuse sera entourée de méfiance si aucune preuve rapide de son existence réelle n'est fournie.
Quant au premier point, il faut d'abord remarquer qu'Apple a martelĂ© son message sur l'arrivĂ©e de ce nouveau Siri pendant plusieurs mois alors que de toute Ă©vidence, l'ingĂ©nierie accusait un sĂ©rieux dĂ©calage avec le marketing. Il en est allĂ© de mĂȘme avec une fonction destinĂ©e aux dĂ©veloppeurs, lĂ encore imprĂ©gnĂ©e d'IA et pour laquelle aussi on pourrait Ă©mettre un avis de recherche (lire Apple semble avoir oubliĂ© Swift Assist, son outil dopĂ© Ă lâIA pour crĂ©er des apps ).
Le futur Siri en action, en juin 2024. Source Apple.
Au sommet de la pyramide dĂ©cisionnelle, il y a inĂ©vitablement Tim Cook que l'on suppose avoir validĂ© chacune de ces Ă©tapes de communication. Est-ce que le patron d'Apple a donnĂ© trop de crĂ©dit Ă des informations trop optimistes ? Cela rappelle un autre fiasco, celui de MobileMe (lire aussi MobileMe : les dessous d'un lancement ratĂ© ). Steve Jobs, surpris par la catastrophe, avait poussĂ© un coup de gueule et congĂ©diĂ© les responsables. S'agissant de Siri, on ne sait encore s'il y a eu une reprise en main vigoureuse au sein des Ă©quipes en charge de ce Siri â placĂ©es sous la tutelle de John Giannandrea et non de Craig Federighi â et si les responsabilitĂ©s ont Ă©tĂ© Ă©tablies.