Donald Trump s’est dit, ce mercredi 3 septembre, prêt à augmenter le nombre de militaires américains déployés en Pologne, à l’occasion de la visite à la Maison-Blanche du nouveau président nationaliste Karol Nawrocki. "Nous n’avons même jamais pensé retirer des militaires de Pologne (...) Nous aiderons la Pologne à se protéger", a encore dit le président américain, assis aux côtés de son invité dans le bureau Ovale.
"Aujourd’hui, nous avons 10 000 soldats (américains) et cela signale au monde et aussi à la Russie que nous sommes ensemble", a dit Karol Nawrocki. "Il a souligné que la Pologne n’était pas un "passager clandestin" dans l’Otan, en mettant en avant le niveau de dépenses militaires du pays, dont il a promis qu’elles atteindraient 5 % du Produit intérieur brut. Il s’agit du seuil fixé par le président américain pour le budget de défense des membres de l alliance de défense transatlantique.
Varsovie souhaite depuis plusieurs mois que les Etats-Unis maintiennent une présence militaire forte en Pologne, qui a par ailleurs été un solide soutien de l’Ukraine depuis l’invasion par la Russie, en février 2022.
Lors de cette même rencontre, le président américain a dit qu’il "se passerait quelque chose" si le président russe Vladimir Poutine ne répondait pas à ses attentes sur l’Ukraine. "Il sait quelle est ma position. (…) Selon la décision qu’il prendra, je serai soit content soit mécontent et si nous ne sommes pas contents, il se passera quelque chose", a encore déclaré Donald Trump, dont les efforts de médiation entre l’Ukraine et la Russie sont jusqu’ici sans effet.
Un échange à venir avec Volodymyr Zelensky
Donald Trump s'entretiendra ce jeudi avec Volodymyr Zelensky, a indiqué mercredi une haute responsable américaine. Le président ukrainien doit de son côté retrouver jeudi à Paris ses principaux alliés, à savoir la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte et les dirigeants allemand, français et britannique.
Cette réunion sera notamment consacrée aux garanties de sécurité que les Occidentaux prévoient d'offrir à l'Ukraine après la conclusion d'une paix. Kiev espère obtenir le déploiement d'un contingent militaire européen pour dissuader Moscou de toute nouvelle attaque ou des garanties de type Otan, si son adhésion à l'Alliance est écartée.
Dans ce contexte, Vladimir Poutine, qui s'est rendu cette semaine en Chine pour un sommet régional et un défilé militaire, a estimé que Moscou "devra résoudre ses problèmes militairement" en Ukraine si les pourparlers avec Kiev n'aboutissent pas.
"Voyons comment se développera la situation", a ajouté mercredi le dirigeant russe, tout en se félicitant que ses troupes soient "à l'offensive" sur tous les secteurs du front, alors que l'armée ukrainienne n'a, selon lui, pas les moyens de mener "de grandes opérations offensives". Vladimir Poutine a une nouvelle fois mis en cause la légitimité de son homologue ukrainien, tout en assurant être prêt à le rencontrer à condition que ce soit dans la capitale russe. "Si Zelensky est prêt, qu'il vienne à Moscou", a-t-il lancé.
Au sommet de l’Etat hébreu, le ton a viré à l’affrontement. En quelques jours, la querelle latente entre l’état-major et le pouvoir politique est devenue un véritable bras de fer. Selon des sources israéliennes citées par CNN, le chef de l’armée a, lors d’une réunion tendue, pris à partie Benyamin Netanyahou au sujet d’un projet d’extension de la guerre à Gaza.
Dans la rue comme dans les casernes, la colère monte aussi : un collectif de réservistes, rassemblés sous la bannière "Soldats pour les otages", a annoncé à Tel-Aviv qu’il refuserait toute convocation liée à une prise de Gaza-Ville, invoquant la sécurité des captifs israéliens et le coût humain de la guerre. Dans une lettre adressée à l’avocat général militaire, ces soldats demandent de stopper l’offensive envisagée, qu’ils estiment contraire aux principes de droit et de morale.
Un risque encouru pour les 48 otages restants
Sur le terrain, des dizaines de milliers de réservistes se présentent, rassemblent leur équipement et attendent les ordres. Dans les réunions au sommet, pourtant, les certitudes vacillent. Eyal Zamir, chef d’état-major des Forces de défense d’Israël, a multiplié les mises en garde. Prendre Gaza-Ville après près de deux années d’affrontements, n’est pas une simple étape de plus : c’est un risque encouru par les 48 otages toujours détenus dans l’enclave, dont le sort pourrait se compliquer à chaque incursion, a-t-il insisté selon cette même source. Le chef d’état-major a également averti que cela engendrerait le déplacement forcé potentiel de centaines de milliers de Palestiniens supplémentaires, avec des conséquences humanitaires et politiques difficilement réversibles.
Dimanche soir, lors de la plus récente réunion, Eyal Zamir a défendu une alternative : examiner sans tarder l’ultime proposition de cessez-le-feu portée par l’Egypte et le Qatar. Une proposition que le Hamas dit accepter. Une seule ombre au tableau : le Premier ministre n’a pas souhaité inscrire ce point à l’ordre du jour, ni ouvrir de débat. Benyamin Netanyahou persiste : il exige la libération d’un seul tenant de tous les otages et une trêve qui remplisse les conditions d’Israël.
Toutefois une partie des ministres, y compris au Likoud (parti de Benyamin Netanyahou, NDLR), a soutenu le chef d’état-major, bien que la majorité se soit rangée derrière le Premier ministre israélien.
Remplacement des figures de la sécurité
Cette division entre l’armée israélienne et le gouvernement ne date pas d’hier. Depuis la mise en place du cabinet en 2023, les querelles entre le pouvoir civil et l’institution militaire sont récurrentes. A chaque crise majeure comme à Gaza ou en Cisjordanie, les avis des généraux ont régulièrement été écartés, souvent vilipendés par les alliés d’extrême droite de la coalition. Après le 7 octobre 2023, Benyamin Netanyahou a tenté à plusieurs reprises d’imputer l’ampleur des défaillances aux services, alimentant une défiance. En neuf mois, toutes les principales figures de la sécurité en place le jour des attaques ont été remplacées.
Paradoxe de la situation : si aujourd’hui des tensions subsistent entre le Premier ministre et le chef d’état-major, ce dernier a bel et bien été choisi à ce moment-là par Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense Israël Katz. Ancien secrétaire militaire du Premier ministre, Eyal Zamir avait reçu, au moment de sa nomination, l’appui enthousiaste de la majorité. Six mois plus tard, l’homme est devenu la cible favorite d’une frange radicale de la coalition, qui exige sa démission.
Un début de fronde au sein des autorités de santé américaines. Ce mercredi 3 septembre, une nouvelle lettre ouverte, signée par plus de 1 000 actuels et anciens employés du ministère américain de la Santé, appelle l’actuel secrétaire en poste, Robert Kennedy Jr., à démissionner. Dans ce message, ils estiment que ce dernier "continue de mettre en danger la santé de la nation". En cause ? Des mesures de plus en plus radicales prises par cette figure antivax, placée à la tête du Department of Health and Human Services (HHS) par Donald Trump depuis le début de son second mandat à la Maison-Blanche.
Départ controversé
Adepte des théories farfelues et des propos à l’emporte-pièce, Robert Kennedy Jr. a particulièrement été pointé du doigt après le limogeage la semaine dernière de Susan Monarez, la directrice des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), la principale agence fédérale en matière de santé aux Etats-Unis. Cette scientifique a été débarquée de la tête de ces structures, notamment chargées de la prévention des pathologies et de la surveillance épidémiologique. Un départ confirmé par le HHS dans un message lapidaire, publié sur X le 27 août. "Susan Monarez n’est plus directrice des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies", a indiqué le ministère. "Nous la remercions pour son service dévoué envers le peuple américain."
Selon CNN, Susan Monarez aurait quitté son poste en désaccord avec les prises de positions controversées de Robert Kennedy Jr. Selon la chaîne américaine, qui cite des sources proches du dossier, la responsable, en poste depuis moins d’un mois, aurait payé son refus de soutenir publiquement certaines des décisions prises par le secrétaire à la Santé, comme l’annulation d’autorisations jusque-là décernées pour des vaccins contre le Covid-19. Dans un article consacré à cet épisode, le Washington Post précise par ailleurs que l’experte aurait subi "toute la semaine" la "pression de Robert Kennedy Jr." sur ce dossier. Quatre autres hauts responsables ont quitté dans le même temps leurs postes au sein des CDC.
Vaccins contre le Covid-19 dans le collimateur
Déterminé à remodeler l’ensemble des priorités américaines en matière de santé, Robert Kennedy Jr. prône la philosophie "MAHA", pour "Make America Healthy Again" – un dérivé de la formule "MAGA" popularisée par Donald Trump. Au cœur de ses principes : la remise en cause des vaccins, en particulier ceux contre le Covid-19, qu’il a décrié au plus fort de la pandémie. En juin 2020, l’organisation "Children’s Health Defense", qu’il présidait alors, avait assuré qu'"au moins deux des principaux vaccins contre le Covid cont [enaient] du tissu fœtal". Un exemple de contrevérité parmi la masse de fausses informations diffusées par cet organe, par la suite banni de Facebook et Instagram.
Début août, Robert Kennedy Jr. a annulé une vingtaine de contrats signés pour développer de nouveaux produits utilisant la technologie ARN messager afin de prévenir de nouvelles menaces virales. "C’est peut-être le jugement de santé publique le plus dangereux que j’aie vu en 50 ans de carrière", avait à l’époque déploré Michael Osterholm, directeur du Centre de recherche et de politique sur les maladies infectieuses de l’Université du Minnesota, cité par NPR, la radio publique américaine. Fin mai, le ministre avait ordonné l’arrêt d’un contrat de développement d’un autre vaccin à ARN messager, conçu par le laboratoire Moderna contre les souches de grippes à potentiel pandémique. Un partenariat à 766 milliards retoqué, et ce, en pleine épidémie de grippe aviaire…
Toutes ces décisions s’ajoutent à des plans de licenciements massifs au sein des administrations de santé, mettant au chômage des milliers de fonctionnaires. Forcément, face à ces mesures polémiques, certaines voix s’élèvent dorénavant outre-Atlantique pour critiquer le plan promu par "RFK Jr.". Lundi, neuf ex-dirigeants des CDC ont publié une tribune dans le New York Times pour dénoncer une politique de santé qui mettrait en danger les plus jeunes et pourrait créer des conditions favorables à une nouvelle pandémie. "C’est inacceptable et cela devrait alarmer tous les Américains, quelles que soient leurs convictions politiques", critiquent ces anciens responsables.
"Contexte de défiance croissante" contre les agences de santé
Plus tôt dans l’été, une autre affaire avait placé Robert Kennedy Jr. dans une position délicate. Le 8 août, un homme a ouvert le feu sur le siège des CDC, à Atlanta (Géorgie), tuant un policier. Selon plusieurs médias américains, l’assaillant, mort dans l’attaque, s’affichait comme opposé au vaccin contre le Covid-19, qu’il accusait comme le responsable de sa maladie. Ce fait divers avait conduit à une précédente lettre ouverte d’employés ou ex-employés du ministère de la Santé, pointant du doigt le rôle de "RFK Jr." dans le manque de confiance de la population vis-à-vis des CDC.
"L’attaque s’inscrit dans un contexte de défiance croissante envers les institutions publiques, alimentée par une rhétorique politisée qui a transformé les professionnels de la santé publique, auparavant experts de confiance, en cibles de diabolisation – et maintenant, de violence" affirmaient les plus de 750 signataires du texte. Selon eux, le ministre américain de la Santé "est complice du démantèlement de l’infrastructure de santé publique américaine et met en danger la santé de la nation en diffusant à plusieurs reprises des informations sanitaires inexactes".
Face à toutes ces critiques, Robert Kennedy Jr. tente de défendre son point de vue. Mardi, il a simplement dit souhaiter "restaurer la confiance" des Américains dans l’action des CDC, rappelant leur ambition de "protéger" la population des maladies infectieuses. Or, d’après lui, "au fil des décennies, l’inertie bureaucratique, la politisation de la science et la dérive de la mission ont érodé cet objectif et miné la confiance du public". Pour remplacer Susan Monarez, un profil bien différent a été choisi par l’administration Trump à la tête de l’agence fédérale : Jim O’Neill, un financier dans le secteur technologique, qui a déjà assuré des fonctions au ministère de la Santé sous George W. Bush.
Plusieurs membres du Congrès démocrates, tout comme le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders, ont à leur tour demandé la démission de Robert Kennedy Jr. de la tête du HHS. Donald Trump, lui, continue d’entretenir un certain doute sur la fiabilité des vaccins contre le Covid-19. "Il est crucial que les laboratoires pharmaceutiques justifient le succès de leurs différents médicaments contre le Covid", a exhorté le président américain, lundi, sur son réseau Truth Social. "Nombreux sont ceux qui pensent qu’ils représentent un miracle ayant sauvé des millions de vies. D’autres ne sont pas d’accord ! Alors que les CDC sont déchirés sur cette question, je veux la réponse, et je la veux MAINTENANT."
Pour la parade militaire des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Chine, il y avait du beau monde sur la tribune érigée au niveau de la porte de la Cité interdite, juste au-dessus du portrait de Mao Zedong, place Tiananmen. A droite du président chinois Xi Jinping se trouvait Vladimir Poutine. Et à sa gauche, Kim Jong Un, venu spécialement en train blindé. Et non loin, les présidents d’Indonésie, d’Iran, de plusieurs républiques d’Asie centrale et du Caucase, et de quelques autres pays amis, comme Cuba ou le Zimbabwe.
Face à une foule entonnant des chants patriotiques et remuant de petits drapeaux chinois, tous ces dirigeants - pour la plupart des autocrates - ont pu admirer pendant plus d’une heure le défilé millimétré, et préparé de longue date, de l’Armée populaire de libération, en plein cœur de Pékin. Plus qu’une commémoration et qu’un grand raout diplomatique, il s’agissait d’une démonstration de force. La Chine a profité de cet événement pour dévoiler un grand nombre de nouveaux systèmes d’armement, avec l’objectif de nourrir l’idée que la modernisation en cours la rendait "inarrêtable", comme l’a déclaré Xi Jinping dans son discours.
Cet étalage de capacités intervient dans un contexte de tensions grandissantes entre Pékin et l’île de Taïwan, dont elle revendique la pleine souveraineté. Washington, soutien affirmé de l’autonomie taïwanaise, est prévenu : le régime communiste dispose de plus en plus de moyens pour reprendre le contrôle de ce territoire qui lui échappe. "Le message aux Etats-Unis et leurs alliés réside dans le choix des équipements présentés, pas dans la parole, souligne Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne. Dans le cadre de la compétition sino-américaine en cours, chaque système est une réponse à des forces adverses ou des vulnérabilités perçues."
Alors que les Etats-Unis sont engagés dans une vaste modernisation de leur arsenal nucléaire, la Chine a ouvert son cortège du 3 septembre avec des armes atomiques susceptibles d’être tirées depuis les airs, les mers ou le sol. Placé dans des silos, le DF-5C, dont les trois étages ont été répartis sur différents camions, est susceptible d’atteindre n’importe quelle partie du globe, selon la propagande. S’y ajoutent de nouveaux vecteurs, remarqués par certains spécialistes, comme le DF-61, tracté, et le missile aéroporté JL-1. Et pour que la panoplie de la "triade" soit complète, le JL-3, tiré depuis un sous-marin, a été également montré.
Lasers et missiles antimissile
Tous ces missiles doivent permettre d’accueillir les ogives atomiques produites en masse ces dernières années. Car cette modernisation s’accompagne aussi d’une augmentation du nombre de têtes. La Chine en posséderait plus de 600, soit 100 de plus qu’en 2024, selon les estimations de la Fédération des scientifiques américains, une ONG indépendante. Le ministère de la Défense américain estime, pour sa part, qu’elle pourrait en détenir 1 500 en 2035, ce qui la rapprocherait de la Russie et des Etats-Unis en nombre de têtes déployées (en excluant, donc, les ogives conservées en réserve par ces pays).
Comme elle l’a déjà fait, la Chine a présenté des missiles (DF-17, DF-26D), dont certains sont capables de neutraliser les défenses américaines jusqu’à l’île de Guam, à 4 000 kilomètres des côtes. Cette fois-ci, elle a particulièrement mis l’accent sur des moyens dédiés à la destruction de navires avec le YJ-17 (planeur hypersonique), le YJ-19 (missile de croisière hypersonique), tous deux manœuvrables, le YJ-1 a (missile de croisière supersonique) et le YJ-20 (missile balistique). "Les Chinois sont dans la grande continuité de la priorité donnée, dès le milieu des années 1990, à des moyens empêchant les capacités navales américaines de s’approcher de son territoire", constate Mathieu Duchâtel.
En ce qui concerne l’antiaérien, la Chine a présenté des armes laser et d’autres à micro-onde. Alors que la guerre en Ukraine démontre chaque jour la nécessité de contrer les menaces venues du ciel, elle a aussi présenté lors de cette grande parade son dernier système de missiles antimissile, avec le HQ-29. Ces deux vecteurs montés sur un long camion sont susceptibles d’arrêter des missiles balistiques en haute altitude, comme le font des moyens américains, mais également de détruire des satellites en orbite basse.
Mystérieuses capacités
Le défilé a aussi été l’occasion de présenter de nouveaux blindés, des avions de combat de cinquième génération et différents types de drones aériens, dont des ailes volantes accompagnant des chasseurs habités. Elle a aussi permis d’exhiber deux grands drones sous-marins d’une vingtaine de mètres de longueur, l’AJX-002 et le HSU100. Si leurs capacités restent encore un mystère, elles permettent à la Chine d’affirmer qu’elle a progressé dans la lutte sous-marine, considérée comme l’une de ses faiblesses depuis des années.
Mais on aurait tort de penser que les Etats-Unis sont forcément dépassés par cette profusion de moyens et d’indéniables progrès. De leur côté, ils développent également des moyens susceptibles de bloquer toute invasion de Taïwan – l’île elle-même met l’accent sur la production de drones et missiles antinavire souverains. Au Washington Post, il y a un an, l’amiral Samuel Paparo expliquait vouloir "transformer le détroit de Taïwan en un enfer dronisé en utilisant un certain nombre de capacités classifiées, afin de leur rendre la vie impossible pendant un mois." De quoi gagner du temps pour faire venir des renforts. Un défilé, tout impressionnant qu’il soit, ne signifie pas que la partie est gagnée.
L’image a été soigneusement mise en scène pour frapper les esprits. Depuis le balcon de la porte de la Paix Céleste, à l’entrée de la Cité interdite, Xi Jinping, vêtu d’un costume gris de style Mao et flanqué de Vladimir Poutine, à sa droite, et de Kim Jong-un à sa gauche, assiste à une gigantesque parade militaire sur la place Tiananmen, à l’occasion des 80 ans de la fin de la Seconde guerre mondiale.
En affichant sa proximité avec les dirigeants russe et nord-coréen - deux autocrates soumis à de lourdes sanctions internationales et dotés de l’arme nucléaire -, tout en regardant défiler chars, missiles et drones de dernière génération, le président chinois adresse un clair message de défi à l’Amérique et ses alliés occidentaux. Donald Trump ne s’y est d’ailleurs pas trompé : "Veuillez transmettre mes salutations à Vladimir Poutine et Kim Jong-un pendant que vous complotez contre les États-Unis", a réagi le président américain sur sa plateforme Truth socialen s’adressant àXi Jinping.
Quelques jours plus tôt, lors d’un sommet régional, celui de l’Organisation de coopération de Shanghai, à Tianjin, Poutine et Xi s’en étaient pris, plus ou moins directement, au clan occidental. Le président russe a notamment imputé la responsabilité de la guerre en Ukraine "aux tentatives constantes de l’Occident d’entraîner l’Ukraine dans l’Otan". Quant à Xi, sans nommer les Etats-Unis ni l’organisation transatlantique, il a dénoncé une logique de "harcèlement" et de "confrontation par blocs", ainsi qu’une "mentalité de guerre froide".
Pas de contraintes
Si la Chine cherche à mettre fin à la domination mondiale des Etats-Unis, y compris sur le plan militaire, elle revendique toutefois une logique différente de celle appliquée depuis 1945 par son rival pour imposer son leadership. Côté occidental, l’article 5 de l’Otan stipule que si un pays membre est attaqué, les autres le défendront. Pour sa part, la Chine a certes signé, en 1961, un traité de défense avec la Corée du Nord incluant une "assistance militaire" en cas d’attaque contre l’une des deux parties.
Mais cet héritage historique constitue sa seule alliance formelle avec un autre pays. Et il n’est en outre pas certain que Pékin interviendrait directement en cas de conflit impliquant son turbulent voisin. Car désormais, la Chine rejette catégoriquement la perspective d’être liée à quiconque par une alliance. "Dès le mandat de Hu Jintao (2002-2012), les Chinois, qui réfléchissaient déjà à la façon de restructurer la gouvernance mondiale, ont écarté l’idée de créer un "Otan bis" à la sauce chinoise. Ils ont jugé que ce serait trop contraignant, trop coûteux, mais aussi contreproductif, car nombre de pays souhaitant garder un équilibre dans leurs relations internationales, comme l’Inde, risquaient de s’y opposer", résume Alice Ekman, directrice de la recherche de l’Institut des études de sécurité de l’Union européenne (EUISS) et spécialiste de la Chine.
Face au système d’alliance rigide liant les Etats-Unis à nombre de pays occidentaux, Pékin propose une coalition beaucoup plus flexible : à la carte, en quelque sorte. "La Chine cherche à "agrandir son cercle d’amis", comme dit Xi Jinping, par un système de partenariat qui se concrétise par de la coopération diplomatique, technologique et militaire, mais sans obligation de défense mutuelle", poursuit la sinologue.
Tonalité clairement antioccidentale
Ainsi, Pékin offre un soutien économique et diplomatique précieux à la Russie dans le cadre de sa guerre contre l’Ukraine, et participe à des exercices militaires communs, sans aller jusqu’à lui fournir d’armes létales (même si les composants russes à usage dual sont indispensables à l’industrie de défense russe). Par ailleurs, si la Chine n’a pas défendu l’Iran contre les bombardements américains sur des sites nucléaires, elle les a fermement condamnées au nom du droit international.
"L’idée est de créer une coalition à géométrie variable, avec un nombre de pays et de thématiques toujours plus étendus, dans laquelle chaque Etat peut s’impliquer à des niveaux différents, sachant que la tonalité est clairement antioccidentale et que Pékin s’oppose systématiquement aux dynamiques de changement de régime, quelles qu’elles soient", complète Alice Ekman. Cela passe par des groupes comme l’Organisation de coopération de Shanghai (Chine, Russie, Inde, Pakistan, Iran, Biélorussie, et quatre pays d’Asie centrale) ou les Brics + (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Iran, Egypte, Emirats arabes unis, Indonésie et Ethiopie).
La Chine risque d’autant plus d’accélérer cette logique de coalition informelle que les tensions provoquées par Donald Trump avec ses alliés (via les hausses de taxes douanières) constituent à ses yeux une opportunité unique à saisir pour marginaliser l’Occident.
Visiblement, Xi Jinping, qui s’est octroyé le droit constitutionnel de rester président à vie, pense avoir le temps devant lui pour accomplir son dessein géopolitique. "Avant, les gens atteignaient rarement 70 ans, mais de nos jours, à 70 ans, vous êtes encore un enfant", a glissé le leader chinois de 72 ans à un Poutine enthousiaste parlant même "d’immortalité", en se dirigeant vers la tribune de la porte de la Paix Céleste. Et l’autocrate communiste de renchérir : "D’après les prédictions, au cours de ce siècle, il y a une chance de vivre jusqu’à 150 ans".
Le président chinois Xi Jinping, le dirigeant de Corée du Nord Kim Jong Un , et le président russe Vladimir Poutine, arrivent pour une réception dans le Grand Palais du Peuple, après un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, à Pékin le 3 septembre 2025
Augmentation du nombre de phénomènes météorologiques extrêmes, hausse des températures enregistrées aux Etats-Unis, conséquences délétères des émissions de CO2… A en croire l’administration Trump, ces constats n’ont plus lieu d’être. Dans un document publié le 23 juillet, le ministère de l’Energie du président américain remet en cause ces consensus scientifiques, déclenchant l’ire de la communauté scientifique.
"Une parodie de science"
"Ce rapport est une parodie de science", fustige Andrew Dessler, professeur en sciences de l’atmosphère à l’université Texas A & M, dans un communiqué. Dans un document de plus de 400 pages publié mardi 2 septembre, le professeur et plus de 80 autres scientifiques dissèquent la méthode et le contenu de ce rapport d’environ 150 pages dont ils rejettent les conclusions.
A travers leur analyse, les experts mettent en évidence le recours, par les auteurs mandatés par le gouvernement, à des "tactiques similaires à celles employées par l’industrie du tabac" pour minimiser les effets délétères du tabagisme sur la santé.
Le rapport "repose sur des idées rejetées depuis longtemps, étayées par des interprétations erronées des connaissances scientifiques, des omissions de faits importants […] et des biais de confirmation", accuse Andrew Dessler.
Les cinq scientifiques responsables du rapport ministériel y remettent également en cause l’impact de l’homme sur le réchauffement climatique. Connus pour leurs prises de position minimisant le phénomène, ils blâment plutôt le soleil, dont ils estiment que le rôle a été "sous-estimé".
Si ces émissions polluantes peuvent contribuer à augmenter les rendements agricoles en stimulant la photosynthèse, plusieurs effets du changement climatique comme la hausse des températures et les changements de précipitations ont des effets délétères sur les cultures et contribuent à des pertes plus importantes, expliquent-ils ainsi.
Aussi, le rapport du ministère soutien que l’acidification des océans ne poserait pas véritablement problème, la vie ayant évolué dans des eaux acides il y a des milliards d’années. Selon les scientifiques, cette justification n’est "pas pertinente", l’époque citée précédant l’apparition de formes de vie complexe.
Un retour en arrière pour le climat
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a enclenché une marche arrière en matière de lutte contre le changement climatique. Pour la deuxième fois, il a sorti son pays, de l’Accord de Paris sur le climat, sapant les agences scientifiques et détricotant de nombreuses mesures environnementales.
Fin juillet, son administration a ouvert la voie à l’annulation d’une décision clef dans la régulation des émissions de gaz à effet de serre aux Etats-Unis, deuxième émetteur de CO2 dans le monde.
Pour justifier une telle mesure, le ministère américain de l’Energie a publié ce rapport décrié. L’institution a également annoncé qu’elle allait réévaluer des études scientifiques de référence sur le climat. "Nous plantons un pieu dans le cœur de la religion du changement climatique", s’est félicité Lee Zeldin, nommé par Donald Trump à la tête de l’Agence de protection de l’environnement des Etats-Unis.
Alors qu’une nouvelle attaque massive de drones et de missiles russes a eu lieu dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 septembre dans l’ouest de l’Ukraine, poussant la Pologne à mettre ses capacités de défense aérienne en alerte, les Européens vont acter jeudi qu’ils sont "prêts" en vue de l’octroi de garanties de sécurité à l’Ukraine. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, et les dirigeants allemand, français et britannique se réuniront au cours d’une réunion d’alliés de Kiev à Paris, en présence de Volodymyr Zelensky.
Les infos à retenir
⇒ Volodymyr Zelensky échangera avec Donald Trump jeudi
⇒ Vladimir Poutine estime que la Russie reste prête à réaliser "militairement" ses objectifs sans accord avec Kiev
⇒ La Russie a lancé une nouvelle attaque massive dans l’ouest de l’Ukraine
"La question, c'est de savoir la sincérité de la Russie", souligne Emmanuel Macron
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est arrivé ce mercredi à Paris. Il va s'entretenir puis dîner avec Emmanuel Macron ce soir, avant un sommet de la "coalition des volontaires" jeudi. "L'Europe est au rendez-vous, pour la première fois avec ce niveau d'engagement et d'intensité", a déclaré le président français aux côtés de Volodymyr Zelensky, devant la presse au palais de l'Élysée.
Les Européens sont "prêts" à "apporter les garanties de sécurité à l'Ukraine et aux Ukrainiens, le jour où une paix est signée", à l'issue d'un long travail préparatoire qui est "achevé", a par ailleurs relevé Emmanuel Macron, appelant à "une paix robuste, durable". "La question maintenant, c’est de savoir la sincérité de la Russie et de ses engagements successifs lorsqu’elle a proposé la paix aux Etats-Unis d’Amérique", a-t-il ajouté.
Donald Trump s'entretiendra avec Volodymyr Zelensky jeudi
La Maison-Blanche a confirmé mercredi l'échange prévu jeudi entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Un peu plus tôt dans la journée, lors d'une rencontre du président américain avec son homologue polonais Karol Nawrocki. "Je vais lui parler très rapidement et je saurai plus ou moins ce que nous allons faire", avait-il indiqué. "Le président Trump parlait de Zelensky. Ils se parleront demain", a précisé une haute responsable de la Maison-Blanche.
Lors de cette même rencontre, Donald Trump a aussi averti qu'il attendait un geste de la part de Vladimir Poutine envers la paix. "Il sait quelle est ma position. (...) Selon la décision qu'il prendra, je serai soit content, soit mécontent, et si nous ne sommes pas contents, il se passera quelque chose", a lancé le milliardaire républicain, dont les efforts de médiation entre l'Ukraine et la Russie sont jusqu'ici sans effet.
Volodymyr Zelensky espère évoquer avec Donald Trump des sanctions contre la Russie jeudi
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky entend discuter jeudi avec le président américain Donald Trump de sanctions supplémentaires contre la Russie, a-t-il déclaré mercredi, lors d'un déplacement à Copenhague (Danemark). "Demain, nous essaierons de joindre le président Trump et nous en parlerons", a affirmé le dirigeant, qui sera à Paris jeudi pour une réunion de la "Coalition des volontaires", un ensemble de pays soutenant militairement l'Ukraine.
L'Élysée a indiqué ce mercredi qu'Emmanuel Macron, le président ukrainien et d'autres dirigeants européens s'entretiendront par téléphone avec le locataire de la Maison-Blanche à cette occasion. Lors de son déplacement à Washington le 18 août dernier, Volodymyr Zelensky a demandé à Donald Trump d'imposer des sanctions et faire pression sur Vladimir Poutine si celui-ci ne se rendait pas à la table des négociations.
Sans accord avec l'Ukraine, la Russie compte atteindre ses objectifs "militairement"
Toujours en visite à Pékin, en Chine, le président russe Vladimir Poutine a indiqué que Moscou ne renoncera pas à ses objectifs militaires s'il ne trouve pas d'accord avec Kiev pour mettre fin au conflit. "Voyons comment se développera la situation. Sinon [si les pourparlers n'aboutissent pas, ndlr], nous devrons résoudre nos problèmes militairement", a-t-il déclaré, plus de deux semaines après le sommet bilatéral avec Donald Trump en Alaska, aux États-Unis.
"Tous les groupements des forces armées russes sont à l'offensive" dans tous les secteurs du front, a-t-il ajouté. Vladimir Poutine estime que les troupes de Kiev n'avaient pas les moyens de mener "de grandes opérations offensives" et tâchaient seulement de tenir leurs positions. Si elles sont bien réelles, les avancées russes sur le champ de bataille seraient toutefois à nuancer par rapport aux déclarations des officiels du Kremlin.
Neuf morts dans des attaques russes dans l'est de l'Ukraine
Des attaques russes ont tué au moins neuf personnes et blessé sept autres à Kostiantynivka, ville de l'est de l'Ukraine située près du front, a indiqué mercredi le gouverneur de la région de Donetsk.
"Neuf personnes ont été tuées et sept ont été blessées", a affirmé Vadym Filachkine sur Telegram, expliquant que sur les neuf morts, huit ont été victimes de bombardements à l'artillerie et la dernière d'une attaque de drone.
Volodymyr Zelensky estime que Vladimir Poutine affiche son "impunité" après une nouvelle attaque russe massive
Plus de 500 drones, et une vingtaine de missiles. Dans la nuit de mardi à mercredi, la Russie a lancé une vaste attaque dans l’ouest de l’Ukraine, faisant plusieurs blessés et des dégâts à des habitations et des infrastructures civiles, a déclaré l’armée de l’air ukrainienne. Dans le même message, cette dernière affirme avoir détruit 451 cibles aériennes, dont 430 drones et 21 missiles.
"Ces frappes sont clairement une démonstration russe. Poutine montre son impunité. Et cela exige sans aucun doute une réponse de la part du monde", a réagi Volodymyr Zelensky, en appelant ses alliés à faire pression sur "l’économie de guerre" de Moscou, avant de s’entretenir avec des responsables des pays baltes et nordiques au Danemark.
Dans la région de Tcherniguiv (nord), 30 000 personnes étaient privées d’électricité ce mercredi matin après un bombardement sur des "infrastructures civiles", a déclaré le chef de l’administration militaire, Viatcheslav Tchaus.
Après ces nouveaux bombardements, la Pologne, voisine de l’Ukraine, a mis ses capacités de défense aérienne en alerte, a fait savoir le commandement opérationnel des forces armées polonaises sur X. "Des avions polonais et alliés opèrent intensivement dans notre espace aérien, et les systèmes terrestres de défense aérienne et de reconnaissance radar ont atteint leur niveau de préparation maximal", a précisé l’armée.
A Pékin, Vladimir Poutine remercie Kim Jong-un pour l’aide des soldats nord-coréens à la Russie
"J’aimerais vous remercier de la part du peuple russe, parce que nos pays ont participé ensemble à la lutte contre le nazisme, le fascisme et le militarisme", a déclaré Poutine au début de cette rencontre, en remerciant les "unités spéciales" nord-coréennes d’avoir "participé à la libération de l’oblast de Koursk", qui fut le théâtre pendant quelques mois d’une incursion ukrainienne d’ampleur. "Au nom de tout le peuple russe, je tiens à vous remercier de cette participation à la lutte commune avec le néonazisme contemporain", a-t-il encore ajouté.
De son côté, le dirigeant nord-coréen s’est réjoui que, "depuis la conclusion du traité interétatique en juin 2024, les relations entre les deux pays se développent dans tous les domaines". "S’il y a quelque chose que nous pouvons faire pour aider la Russie, nous le ferons sans hésiter, et nous considérerons cela comme un devoir fraternel", a-t-il indiqué.
"Macron tente d’intervenir de l’extérieur dans un conflit auquel il n’est pas partie, d’une manière complètement déconnectée de la réalité sur le terrain après le 7 octobre" 2023, date de l’attaque du Hamas sur Israël ayant déclenché la guerre en cours à Gaza, a écrit le chef de la diplomatie israélienne Gideon Saar dans un message sur X publié mardi soir. "Macron sape la stabilité de la région avec ses actions", ajoute Gideon Saar, pour qui "ses actions sont dangereuses [et] n’apporteront ni la paix ni la sécurité".
Une conférence sur la "solution à deux Etats" le 22 septembre
"Aucune offensive, tentative d’annexion et de déplacement des populations n’enrayera la dynamique que nous avons créée avec le Prince héritier [saoudien et dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane] et à laquelle de nombreux partenaires se sont déjà joints", avait déclaré un peu plus tôt le président français sur X.
Je viens de m’entretenir avec le Prince héritier d’Arabie Saoudite. Ensemble, nous co-présiderons la Conférence sur la solution à deux États à New-York le 22 septembre.
La décision américaine de ne pas octroyer de visas aux responsables palestiniens n’est pas acceptable.…
Dans ce message, Emmanuel Macron rappelle qu’il coprésidera le 22 septembre avec le prince saoudien une conférence au siège de l'ONU à New York sur la "solution à deux Etats" au cours de laquelle Paris doit formaliser, de concert avec plusieurs autres pays comme l’Australie, la Belgique ou le Canada, sa reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Accorder une "récompense au Hamas"
Selon plusieurs médias israéliens, le gouvernement israélien a débattu récemment de l’opportunité d’annexer des territoires en Cisjordanie (territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967) en réponse à cette initiative. Israël considère que reconnaître un Etat palestinien revient à accorder "une récompense au Hamas", après les massacres du 7 octobre 2023 commis par le mouvement islamiste palestinien, quand Emmanuel Macron affiche l’objectif de "rassembler la plus large contribution internationale à la solution à deux Etats, seule à même de répondre aux aspirations légitimes des Israéliens et des Palestiniens".
Le mouvement de reconnaissance d’un Etat palestinien suscite aussi le mécontentement des Etats-Unis. Dans une conversation avec son homologue français Jean-Noël Barrot, le secrétaire d’Etat Marco Rubio a redit la "forte opposition" américaine "à toute reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien", selon le département d’Etat.
C’est une image historique. Ce mercredi 3 septembre, le président chinois Xi Jinping, son homologue russe Vladimir Poutine et le leader nord-coréen Kim Jong-un se sont réunis ensemble à Pékin pour assister à un gigantesque défilé, officiellement pour célébrer la fin de la Seconde guerre mondiale il y a 80 ans, officieusement pour démontrer la force militaire et diplomatique de la Chine, dans un contexte de tensions avec les Etats-Unis.
Les trois dirigeants, Xi Jinping au centre, ont suivi côte à côte assis au balcon de Tiananmen la parade grandiose de soldats marchant au pas sous les drapeaux, un défilé de missiles capables de transporter des ogives nucléaires, de drones et de chars, et les évolutions de dizaines d’avions et hélicoptères dessinant le chiffre 80 ans dans un ciel légèrement voilé.
La télévision d’Etat chinoise a montré l’arrivée tour à tour de Kim Jong-un, Vladimir Poutine et la vingtaine de dirigeants étrangers conviés. Xi Jinping, qui les a chaleureusement accueillis, a par la suite descendu l’avenue de la Paix éternelle avec une voiture à toit ouvrant, en répondant au salut martial des soldats chinois, présents par milliers.
"La renaissance de la nation chinoise est inarrêtable et la noble cause de la paix et du développement de l’humanité triomphera assurément", a-t-il proclamé dans un discours. Avant d’affirmer que "l’humanité fait de nouveau face à un choix entre la paix ou la guerre, le dialogue ou la confrontation", sans référence explicite aux Etats-Unis ou aux sujets de discorde comme Taïwan ou les droits de douane.
"Vous conspirez contre les Etats-Unis"
Car Donald Trump a récemment menacé la Chine d’augmenter les droits de douane sur les produits chinois entrant aux Etats-Unis, si Pékin n’accélérait pas ses exportations d’aimants en terres rares. "Ils doivent nous donner des aimants. S’ils ne nous en donnent pas, alors nous leur imposerons des droits de douane autour de 200 %", avait notamment déclaré le président américain.
De son côté, Vladimir Poutine n’a montré aucun signe lors des jours qui ont précédé le défilé de céder aux pressions de Donald Trump pour un arrêt des combats en Ukraine, malgré la rencontre entre les deux présidents le 15 août en Alaska. "Veuillez transmettre mes salutations les plus chaleureuses à Vladimir Poutine et Kim Jong-un pendant que vous conspirez contre les Etats-Unis d’Amérique", a alors déclaré Donald Trump ce mercredi, sur son réseau Truth Social.
La venue de Kim Jong-un en Chine a aussi suscité l’évènement : jamais, depuis son accession au pouvoir fin 2011, le dirigeant nord-coréen ne s’était montré dans une telle réunion de dirigeants étrangers. Ce dernier limite en effet les sorties hors de son pays reclus, soumis à de lourdes sanctions occidentales. "Xi Jinping montre au reste du monde que Kim Jong-un le rencontre volontiers alors qu’il est réticent à rencontrer à nouveau le président Trump et le président sud-coréen Lee Jae Myung", relève auprès de l’AFP Lam Peng Er, chercheur à la National University de Singapour. D’autant que les trois rencontres que Donald Trump avait eues avec Kim Jong-un en 2018 et 2019, au cours de son premier mandat, pour enrayer la menace nucléaire nord-coréenne, étaient restées sans lendemain.
Cette photo distribuée par l'agence d'État russe Sputnik, montre le président russe Vladimir Poutine marchant avec le président chinois Xi Jinping, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif avant un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la victoire sur le Japon et la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la place Tiananmen à Pékin le 3 septembre 2025
Peut-on imaginer à quoi ressemblerait l’Europe aujourd’hui si Marine Le Pen était installée à l’Elysée, Nigel Farage, le champion des ultranationalistes anglais, au 10, Downing Street et Alice Weidel, la patronne de l’extrême droite allemande, à la chancellerie fédérale à Berlin ? Le scénario relève de la politique-fiction et pourtant, il a cessé d’être invraisemblable. Car ces jours-ci, la droite populiste est placée en tête des intentions de vote au Royaume-Uni comme en Allemagne et en France.
Une telle configuration politique, simultanément dans les trois plus grands pays d’Europe de l’Ouest, est unique dans l’histoire contemporaine. Et bien qu’elle ne risque guère de déboucher sur une prise de pouvoir dans l’immédiat, puisque aucune élection nationale n’est programmée à l’heure actuelle dans les trois pays, elle pèse d’ores et déjà lourdement sur la vie politique européenne.
Dans ce trio, c’est au Royaume-Uni que les bouleversements sont les plus récents. Au début de l’an dernier, Nigel Farage, l’inspirateur du Brexit, avait déjà un pied en dehors de la vie politique insulaire. Il expliquait à qui voulait l’entendre qu’il ne serait pas candidat aux législatives britanniques du 4 juillet 2024 car il était trop occupé à aider son ami Donald Trump à se faire réélire en Amérique. Il s’est ravisé et a non seulement été élu mais son parti, Reform UK, est crédité aujourd’hui de plus de 30 % des intentions de vote, loin devant le Parti travailliste au pouvoir (environ 20 %) et éclipsant le Parti conservateur (18 %).
Le Premier ministre, Keir Starmer, a jugé au début de l’été que Farage, qui se targue d’avoir à lui seul plus de followers sur TikTok que l’ensemble des 649 autres députés britanniques réunis, devait désormais être considéré comme le chef de la "vraie opposition". Loin d’affaiblir le trublion, cette reconnaissance officielle l’a encore renforcé, alors que Reform UK tient les 5 et 6 septembre à Birmingham un congrès qui s’annonce triomphal pour le leader nationaliste.
La question centrale de l’immigration
Reform UK, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) ou le Rassemblement national ont chacun leurs caractéristiques propres. Mais ils partagent aussi beaucoup de traits communs. Ils utilisent les mêmes recettes populistes, prospèrent en particulier dans les classes défavorisées et exploitent tous les trois les mêmes tendances de fond dans l’opinion : le rejet de l’immigration de masse, le ressentiment contre les élites traditionnelles, la nostalgie d’un passé largement fantasmé, le scepticisme climatique. Tous les trois ont une inclination pour Vladimir Poutine (moins marquée chez Farage cependant) et cherchent à s’inspirer des succès électoraux de Donald Trump.
L’échec de Keir Starmer à endiguer l’immigration illégale contribue à expliquer la percée de Farage. Le travailliste avait promis de juguler les traversées clandestines de la Manche. Or, celles-ci ont approché les 30 000 pendant les huit premiers mois de l’année, un record depuis 2018. Les arrivées légales, contrairement à la promesse du Brexit, ont elles aussi explosé sous le gouvernement conservateur précédent : de 2021 à 2024, quelque 4,5 millions de personnes (venues notamment d’Inde, du Nigeria ou encore de Chine) sont venues s’installer au Royaume-Uni. Une personne sur 25 vivant aujourd’hui dans le pays est arrivée durant ces quatre années !
Le schéma est similaire en Allemagne. La décision prise il y a dix ans par la chancelière Angela Merkel d’accueillir une arrivée massive des réfugiés fuyant la guerre civile en Syrie a puissamment alimenté le vote en faveur de l’AfD. A la faveur des élections fédérales de février dernier, le parti d’extrême droite a obtenu le plus grand nombre de députés au Bundestag, avec 152 sièges sur 630 (69 sièges de plus qu’en 2021). L’Allemagne a ainsi rejoint la France, où le Rassemblement national est depuis 2024 le premier parti représenté à l’Assemblée nationale, avec 123 députés (y compris 3 apparentés) sur 577. Des sondages placent aujourd’hui l’AfD très légèrement devant la CDU de Friedrich Merz (26 % contre 25 % selon le sondage Forsa pour RTL publié fin août).
Percée populiste
Même confinés à l’opposition, ces partis pèsent déjà lourdement sur la vie politique nationale. Au Royaume-Uni, le Parti conservateur continue à céder du terrain bien que sa nouvelle cheffe, Kemi Badenoch, ait largement repris à son compte les thèmes anti-immigration. En Allemagne, le poids de l’AfD au Bundestag oblige les partis traditionnels à s’allier entre eux, ce qui tend à paralyser la politique nationale. Quant à la France, elle est devenue quasiment ingouvernable depuis que les électeurs ont placé le RN en tête de leurs suffrages après la dissolution de 2024.
Au niveau européen, la percée populiste affaiblit le duo franco-allemand, entrave les réformes nécessaires à la croissance économique, nourrit la méfiance entre les pays européens et hypothèque le projet de bâtir une Europe puissance face au chantage de Donald Trump et aux appétits revanchards de la Russie. Il est loin le temps où l’extrême droite était confinée à l’Europe centrale.
Nigel Farage (c), leader du parti Reform UK, célèbre la victoire de Sarah Pochin, candidate du parti, à l'élection partielle dans la circonscription de Runcorn & Helsby à Widnes, dans le nord-ouest de l'Angleterre, le 2 mai 2025
Donald Trump a rejeté mardi 2 septembre les rumeurs sur son état de santé qui ont agité une partie des réseaux sociaux aux Etats-Unis depuis plusieurs jours, les qualifiant de "fausses informations", lors d’un échange avec la presse à la Maison-Blanche. Certains étaient même allés jusqu’à affirmer qu’il était mort, partageant par exemple une image du drapeau de la Maison-Blanche en berne, un geste traditionnel utilisé pour honorer la mort d’un responsable de premier plan.
"Je n’ai pas vu ça", a déclaré le président américain lorsqu’un journaliste l’a interrogé sur ces on-dit qui ont circulé sur les plateformes X et Bluesky. Selon ces rumeurs, la santé du dirigeant de 79 ans était défaillante, alors qu’il n’a pas fait d’apparition devant les médias pendant plusieurs jours. "Ce sont des fausses informations", a déclaré le républicain, qui se vante fréquemment de posséder une santé de fer.
Le milliardaire septuagénaire s’est ensuite plaint qu’après avoir mené plusieurs conférences de presse en début de semaine dernière, certains aient dit "Il doit y avoir quelque chose qui cloche avec lui", parce qu’il n’avait pas tenu d’événements publics pendant deux jours. "C’est tellement faux", a-t-il ajouté, disant avoir été "très actif au cours du week-end".
Après avoir tenu un long conseil des ministres mercredi dernier devant la presse, Donald Trump n’a pas eu d’événement public jusqu’à son apparition dans le bureau Ovale mardi. Mais il avait été aperçu se déplaçant pour des parties de golf lors du week-end.
Le président élu le plus âgé de l’histoire
En novembre, Donald Trump est devenu la personne la plus âgée à être élue à la présidence des Etats-Unis. La Maison-Blanche a affirmé en juillet que les hématomes visibles sur la main droite du président étaient dus à "des serrages de main fréquents" et à sa prise d’aspirine comme traitement cardiovasculaire standard. L’exécutif américain a également révélé que Donald Trump souffrait d’insuffisance veineuse chronique, une affection répandue et bénigne. Le médecin présidentiel Sean Barbabella avait alors écrit que Donald Trump demeurait "en excellent état de santé". Comme à de nombreuses occasions récemment, la main du président américain semblait mardi avoir été lourdement fardée.
La santé des locataires de la Maison-Blanche est un sujet de discussion fréquent et largement observé aux Etats-Unis, mais l’élection de Joe Biden en 2020 et celle de Donald Trump en 2024, à presque 80 ans chacun, ont donné une nouvelle dimension à la question. Donald Trump a fréquemment accusé les proches de son prédécesseur Joe Biden d’avoir caché son déclin cognitif et physique durant la fin de son mandat. Après un débat calamiteux face à son rival républicain en juin 2024, l’ex-président démocrate avait été forcé de jeter l’éponge et de ne pas se présenter à sa réélection.
En pleine escalade des tensions entre Washington et Caracas, les forces armées américaines ont frappé un "bateau transportant de la drogue" qui venait de quitter le Venezuela, tuant 11 "narcoterroristes, a affirmé mardi 2 septembre Donald Trump. Les Etats-Unis ont récemment déployé sept bâtiments de guerre dans les Caraïbes au motif de lutter contre le narcotrafic international, le président américain accusant son homologue vénézuélien Nicolas Maduro de diriger un réseau de trafic de drogue.
"Sur mes ordres, les forces militaires américaines ont mené un bombardement cinétique contre des narcoterroristes clairement identifiés du Tren de Aragua", a affirmé Donald Trump sur son réseau Truth Social, en référence à un important gang originaire du Venezuela. La frappe a eu lieu alors que le bateau se trouvait "dans les eaux internationales, transportant des stupéfiants illégaux, à destination des Etats-Unis", a-t-il ajouté. "La frappe a tué 11 terroristes" et le bateau transportait "beaucoup de drogue", a-t-il précisé. Le président américain a accompagné son message d’une vidéo montrant une petite embarcation frappée par une forte explosion.
🇺🇸 ON VIDEO: U.S. Military Forces conducted a strike against Tren de Aragua Narcoterrorists. The strike occurred while the terrorists were at sea in International waters transporting illegal narcotics, heading to the U.S. The strike resulted in 11 terrorists killed in action. pic.twitter.com/iszHE0ttxQ
Le Tren de Aragua est une organisation criminelle vénézuélienne présente dans plusieurs pays. Donald Trump l’a désignée en février, ainsi que d’autres groupes liés au narcotrafic, comme organisation terroriste.
"Le temps où l’on pouvait agir en toute impunité est révolu"
De son côté, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a précisé sur X que cette opération avait été effectuée "dans le sud des Caraïbes" et avait visé un navire "qui avait quitté le Venezuela".
Sept bâtiments américains, dont trois navires amphibies d’assaut, sont présents dans les Caraïbes, et un autre dans le Pacifique, dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, a précisé une responsable militaire américaine. Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, a estimé mardi soir que ce déploiement américain était en réalité destiné "à intimider les gens et à tenter de renverser des gouvernements".
A Miami, avant de partir pour le Mexique, Marco Rubio a fait part à des journalistes de la détermination de Donald Trump à utiliser "toute la puissance" des Etats-Unis pour "éradiquer" les cartels de la drogue. "Le temps où l’on pouvait agir en toute impunité et se contenter de détruire un appareil ou de saisir un peu de drogue sur un bateau est révolu", a insisté ce fervent détracteur de Nicolas Maduro, et plus généralement des dirigeants de gauche d’Amérique latine.
Le secrétaire d’Etat s’est toutefois abstenu de menacer le président vénézuélien, dont Washington a mis la tête à prix, de nouvelles mesures le visant directement. Interrogé par les journalistes sur une éventuelle opération contre Nicolas Maduro sur le sol vénézuélien, Marco Rubio s’est contenté de répondre : "Il s’agit d’une opération de lutte contre le trafic de drogue".
Le Venezuela prêt à "la lutte armée"
Côté vénézuélien, le ministre de la Communication et de l’Information s’en est pris à la vidéo diffusée par Donald Trump, créée selon lui de toutes pièces. "Rubio continue de mentir à son président […] il lui donne maintenant comme'preuve 'une vidéo générée par l’IA (intelligence artificielle, ndlr)", il "doit cesser d’encourager la guerre", a lancé Freddy Ñañez sur son compte Telegram.
Nicolas Maduro avait dénoncé lundi la "menace" de "huit navires" et d’un sous-marin américains qui "visent le Venezuela". Il a même fait planer la menace d’un débarquement américain et d’une volonté de "changement de régime". Le Venezuela est prêt à la "lutte armée pour la défense du territoire national", avait-il assuré, bien que les Etats-Unis n’aient jamais menacé publiquement d’envahir son pays.
Le gouvernement Trump présente la lutte contre le trafic de drogue comme l’un de ses grands chevaux de bataille, accusant le pouvoir vénézuélien de diriger un grand réseau. Récemment, les autorités américaines ont même porté à 50 millions de dollars la prime pour tout élément permettant d’aboutir à l’arrestation de Nicolas Maduro.
Depuis son arrivée à la Maison-Blanche en 2016, Donald Trump a souvent été comparé à l’un de ses prédécesseurs : Ronald Reagan. Deux personnalités, venues de la société civile, moquées pour leur manque d’expérience politique.
Baisser les impôts, réduire la dépense publique sauf dans la défense... Certains points de leur programme se ressemblent. L’actuel locataire du bureau Ovale semble même s’inspirer directement de Reagan. D’abord, le fameux slogan Make america great again est emprunté au président républicain de 1981 à 1989.
Mais c’est surtout sur le plan international que le parallèle peut être fait. Dans les années 1980, Reagan lance l’IDS, l’initiative de défense stratégique. L’idée : créer une sorte de bouclier pour protéger les Etats-Unis d’une attaque nucléaire venue de l’URSS. Un projet que Donald Trump souhaite remettre au goût du jour en construisant un "Dôme d’or". Le président américain citant lui même son prédécesseur : "Nous disposerons alors du meilleur système jamais construit. Nous allons achever le travail commencé par le président Reagan il y a 40 ans". Lors de l’annonce, un portrait de Reagan trônait d’ailleurs derrière le président Trump.
En réalité, les deux hommes ont des idées très différentes sur l’immigration, sur les relations avec le Mexique et le Canada, ou encore les droits de douane. Mais concernant la Russie de Vladimir Poutine, Donald Trump pourrait aussi s’inspirer de Ronald Reagan. Car le duo qu’il a formé avec Mikhail Gorbatchev a marqué la fin de la guerre froide.
Dans cette série, La Loupe brosse le portrait de quatre binômes et de leur influence, avec Andrei Kozovoï, professeur à l’Université de Lille, spécialiste des relations internationales, auteur de Les services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier). Episode 3 : Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan.
Le président américain Ronald Reagan (d) et le secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le 21 novembre 1985 à Genève.
"La pire et la plus dangereuse ville du monde, de loin." Après Los Angeles et Washington, Donald Trump a trouvé ces derniers jours une nouvelle cible : Chicago. Comme pour les deux métropoles, le président américain menace de déployer la Garde nationale dans la ville de la région des Grands lacs américains. L’objectif, selon lui ? Lutter contre une criminalité galopante, dans une mégapole qu’il qualifie sur son réseau Truth Social de "capitale mondiale du meurtre". "Je vais régler le problème de la criminalité, comme je l’ai fait à Washington", assure ainsi le milliardaire républicain.
Des localités démocrates visées
En juin, le déploiement de 4000 soldats de la Garde nationale et de 700 Marines à Los Angeles, après des heurts lors d’une manifestation contre la politique migratoire mise en œuvre par Donald Trump, paraît avoir ouvert la voie à d’autres actions de ce type. À cet instant, la décision, prise par Donald Trump, d’envoyer des troupes fédérales dans la ville sans l’accord du gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, constitue une première depuis 1965. Mi-août, l’envoi de plusieurs centaines de soldats à Washington était plus facile à justifier d’un point de vue légal, compte tenu du statut spécial de la capitale fédérale.
Il n’empêche que cette seconde opération semble donner envie à Donald Trump de réitérer le déploiement de troupes dans d’autres villes américaines. Le locataire de la Maison-Blanche se félicite d’avoir transformé en quelques semaines Washington en "une zone sans crimes". "Ne serait-il pas agréable de pouvoir en dire autant de Chicago, Los Angeles, New York, voire de Baltimore, cette ville gangrenée par la criminalité ?", a demandé Donald Trump, toujours sur Truth Social. Point commun de toutes ces localités : il s’agit à chaque fois de grandes métropoles dirigées par des maires démocrates, à l’idéologie opposée à l’action du président américain.
Un plan préparé depuis plusieurs semaines
Des soldats fédéraux s’apprêteraient donc à débarquer à Chicago dans les prochains jours. D’après le Washington Post, un plan à ce sujet serait étudié depuis plusieurs semaines par la Maison-Blanche. "Nous menons déjà des opérations en cours avec l’ICE (la police de l’immigration, NDLR) à Chicago… Mais nous avons l’intention d’ajouter davantage de ressources à ces opérations", a lancé sur CBS News la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, dimanche 31 août, sans davantage de précisions. La responsable, très en vue dans le camp trumpiste, a par ailleurs justifié les précédents ordres donnés par Donald Trump à Los Angeles et Washington. "De nombreuses villes sont actuellement confrontées à la criminalité et à la violence. Nous n’avons donc écarté aucune option."
À Chicago, les responsables démocrates font part de leurs craintes de voir la menace de la Maison-Blanche se matérialiser. Le gouverneur de l’Illinois, JB Pritzker, multiplie les passes d’armes par médias et réseaux interposés contre Donald Trump, qu’il a déjà qualifié de "dictateur" par le passé. Toujours sur CBS News, cette figure du Parti démocrate met en garde contre une potentielle "invasion" de soldats fédéraux. JB Pritzker – jugé "faible", "pathétique" et "fou" par Donald Trump – estime que le président américain tente de déstabiliser l’organisation habituelle des midterms, prévues à l’automne prochain.
Un arrêté pris par le maire pour compliquer l’envoi de troupes
Le maire de Chicago, Brandon Johnson, ne compte pas non plus laisser le milliardaire républicain agir sans montrer sa désapprobation. "Pas de troupes fédérales à Chicago ! […] Nous allons défendre notre démocratie dans la ville de Chicago !" a lancé l’édile lundi 1ᵉʳ septembre, lors d’une manifestation. Surtout, le responsable a pris un arrêté en vue du probable déploiement de militaires fédéraux dans la ville. Ce document, consulté par Politico, est censé compliquer la coopération entre forces fédérales et autorités locales. La police métropolitaine "ne collaborera pas avec les agents fédéraux lors de patrouilles conjointes d’application de la loi, d’opérations d’arrestation ou d’autres tâches d’application de la loi, y compris l’application des lois sur l’immigration civile", précise ainsi l’arrêté.
Une perspective crédible sur le terrain ? L’Ordre fraternel de la police de Chicago, antenne du principal syndicat de policiers aux Etats-Unis, ne se montre pas opposé à la volonté de Donald Trump. "En attendant que nous ayons plus de policiers, une aide fédérale est la bienvenue", a indiqué la structure dans un message, lundi. Les chiffres récents de la criminalité à Chicago montrent en tout cas plutôt une baisse de la criminalité dans la ville. En effet, selon les données de la police métropolitaine, le nombre de "crimes violents" ont diminué de 23 % en août par rapport à la même période l’an passé.
Les Etats-Unis et le Venezuela sont à couteaux tirés. De retour à la Maison-Blanche, Donald Trump multiplie les offensives à l’encontre de son homologue vénézuélien, l’accusant de narcotrafic. Résultat, les relations diplomatiques qui s’étaient déjà rompues en 2019 ne sont toujours pas au beau fixe.
Pourquoi une telle escalade ? Pour lutter contre le trafic de drogue, selon le 47e président des Etats-Unis. Washington accuse le président vénézuélien d’être le "chef fugitif" du Cartel des Soleils, qualifié par le gouvernement américain d’organisation "terroriste". Au nom de cette lutte, Donald Trump a mis à prix la tête de Nicolás Maduro. Toute personne qui aidera à son arrestation se verra récompenser de 15 millions de dollars. Une prime rehaussée à 50 millions de dollars le 8 août.
Le président vénézuélien fustige ces accusations, qualifiant la prime placée sur sa tête de "pathétique" et de "grossière opération de propagande politique".
Une réélection illégitime ?
Le 9 août, l’Assemblée nationale vénézuélienne a apporté, dans un acte solennel, son soutien au président. La chambre parlementaire a qualifié l’augmentation de la récompense américaine pour la capture de Nicolás Maduro d'"agression". Malgré ce geste symbolique, le président est loin de faire l’unanimité dans son pays.
En 2024, sa réélection est décrite comme une "fraude" par l’opposition vénézuélienne. Washington ne la reconnaît pas non plus. 28 personnes sont décédées et 2 400 ont été arrêtées dans les manifestations qui ont suivi sa victoire.
Huit navires et 1 200 missiles visent le Venezuela
Avant de promettre les 50 millions de dollars, Donald Trump avait déjà resserré l’étau sur son homologue vénézuélien. En 2019, à la suite de l’élection contestée de Nicolás Maduro, les Etats-Unis ont instauré un embargo sur le pétrole vénézuélien, interdisant à toute entreprise américaine de s’en procurer.
Mais depuis près d’un mois, le ton est monté entre Donald Trump et Nicolás Maduro. Le président américain a désormais déployé huit navires de guerre au large des côtes du Venezuela. Dans le lot, le sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire USS Newport.
Plusieurs médias américains indiquent que le Pentagone prévoit également d’envoyer 4 000 Marines dans les Caraïbes, près des côtes vénézuéliennes.
Le 1er septembre, Nicolás Maduro a dénoncé le déploiement de nouveaux navires aux abords de son pays : "Le Venezuela est confronté à la plus grande menace que notre continent ait connue au cours des 100 dernières années : huit navires avec 1 200 missiles et un sous-marin visent le Venezuela. Il s’agit d’une menace injustifiable, immorale, absolument criminelle et sanglante".
En réponse, le chef d’Etat a annoncé le déploiement de 4,5 millions de miliciens "pour garantir la couverture de tout le territoire", et a encouragé ses nationaux à rejoindre la réserve. Le 1er septembre, Nicolás Maduro a réévalué la taille de sa milice à "8,2 millions" d’hommes. La Marine et des drones de surveillance ont également été déployés dans les eaux territoriales.
Caracas fait planer sur ses citoyens la perspective d’un débarquement américain, avertissant d’une tentative de "changement de régime". Le président affirme que le Venezuela est prêt à la "lutte armée pour la défense du territoire national". Les Etats-Unis n’ont néanmoins jamais menacé publiquement d’envahir le Venezuela.
Qu’en pensent les voisins du Venezuela ?
Le 20 août, à l’occasion d’un sommet virtuel extraordinaire, les pays membres de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (Alba) ont condamné l’opération américaine. "Le déploiement militaire américain dans les eaux des Caraïbes, sous couvert d’opérations antidrogue, représente une menace pour la paix et la stabilité de la région", ont-ils affirmé dans une déclaration commune.
Cette organisation, positionnée à gauche, a été fondée par Fidel Castro et Hugo Chavez, le prédécesseur de Nicolás Maduro.
Une posture qui ne fait pas l’unanimité en Amérique latine. Le Guyana, qui a dénoncé, ce 31 août, des coups de feu tiré depuis le Venezuelasur un de ses bateaux transportant du matériel électoral vers l’Essequibo - région disputée avec le Venezuela -, a apporté son soutien au déploiement militaire Américain."Nous soutiendrons tout ce qui permettra d’éliminer toute menace à notre sécurité […], nous devons tous nous unir pour combattre la criminalité transnationale, lutter contre le trafic de drogue", a déclaré le président guyanien Irfaan Ali. Le chef d’Etat a ajouté soutenir "tous les efforts visant à garantir que cette région reste une zone de paix".
Côté Venezuela, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, dément toute responsabilité dans l’attaque supposée du bateau guyanien qu’il qualifie de "fake". Et le ministre de renchérir que le gouvernement du Guyana cherche à encourager un "front de guerre".
Un rapprochement de plus entre Pékin et Moscou. Tandis que la Russie fait face à d’importantes sanctions des puissances occidentales sur ses exportations énergétiques depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, le Kremlin s’efforce de trouver de nouveaux clients pour ses ressources gazières et pétrolières. Dans cette optique, il vient d’avancer grandement avec la Chine pour la construction d’un immense pipeline pour alimenter le pays en gaz. Selon le patron du géant russe Gazprom, Alexeï Miller, les deux nations viennent ainsi de signer un "mémorandum juridiquement contraignant" sur la construction du gazoduc "Force de Sibérie 2".
Des discussions qui traînent en longueur
Ce projet, en discussion depuis des années, pourrait donc enfin voir le jour. L’installation, longue de plusieurs milliers de kilomètres, permettrait de faire transiter du gaz depuis des gisements russes, initialement utilisés pour fournir l’Europe, jusqu’au nord-est de la Chine, en traversant la Mongolie. "Ce projet permettra de transporter 50 milliards de mètres cubes de gaz par an depuis la Russie via la Mongolie", a déclaré Alexeï Miller, cité par les agences de presse russes. L’homme d’affaires accompagne le président russe Vladimir Poutine dans le cadre de sa visite à Pékin, où il doit assister mercredi 3 septembre à une parade militaire XXL.
La Chine se fournit déjà en gaz russe via un autre gazoduc, "Force de Sibérie 1". Selon les médias russes, un accord aurait également été trouvé entre Pékin et Moscou pour augmenter les quantités de gaz importées par la puissance asiatique par le biais de cette installation déjà existante. Toutefois, le pouvoir de Xi Jinping n’a apporté aucune indication sur la signature d’un mémorandum sur Force de Sibérie 2, pas plus que sur une possible hausse de son approvisionnement. L’agence d’Etat Xinhua News a simplement précisé qu’une vingtaine d’accords de coopérations avaient été conclus ces derniers jours entre les deux pays, y compris dans le domaine énergétique.
Côté russe, le flou demeure par ailleurs sur certains aspects pratiques du projet, notamment la date de construction de ce pipeline. "Un mémorandum juridiquement contraignant sans prix ni calendrier n’est pas un accord définitif", rappelle Alexander Gabuev, directeur du Carnegie Russia Eurasia Center à Berlin et cité par le Financial Times. Ce spécialiste de la Chine souligne qu’avec ce document, les autorités chinoises montrent qu’elles sont "intéressées" par ce gazoduc, tout en affichant leur souhait de négocier encore les "conditions" d’un tel plan et le "prix" du gaz acheté.
Alternative aux exportations vers l’Europe
Dans tous les cas, la perspective de la construction de cette nouvelle infrastructure titanesque a de quoi satisfaire Vladimir Poutine. L’envoi accru de gaz russe en Chine pourrait permettre au secteur énergétique du pays de reprendre quelques couleurs, tandis que les livraisons vers l’UE ont drastiquement diminué depuis le début de la guerre en Ukraine. Celles-ci représentaient en 2021 45 % du gaz approvisionné en Europe, contre seulement 19 % en 2024. Un chiffre certes à nuancer, car une partie du gaz qui transite en Europe est désormais fournie sous la forme de gaz naturel liquéfié (GNL), parfois directement venu… de Russie.
En juin, Bruxelles a même annoncé vouloir mettre totalement fin aux importations de gaz russe en Europe d’ici à la fin de l’année de 2027. "La Russie a tenté à plusieurs reprises de nous faire chanter en instrumentalisant ses approvisionnements énergétiques. Nous avons pris des mesures claires pour mettre un terme à l’ère des combustibles fossiles russes en Europe", a ainsi assené la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Selon le patron de Gazprom, le gaz qui serait fourni à la Chine via "Force de Sibérie 2" serait particulièrement bon marché, à un prix inférieur à celui fixé pour ses clients européens.
Le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping et d'autres participants à la réunion au format BRICS Plus posent pour une photo de groupe lors du sommet des BRICS à Kazan, le 24 octobre 2024. (Photo by MAXIM SHIPENKOV / POOL / AFP)
Sur Telegram, le commandant de la brigade ukrainienne des "Madyar Birds" publie chaque jour le tableau des scores de ses hommes : nombre de chars endommagés, nombre de soldats ennemis tués… A la clef : des points bonus pour la brigade, qui pourra ainsi acheter de nouveaux équipements sur une boutique virtuelle. L’interface, imaginée par l’armée ukrainienne, est directement inspirée des franchises les plus connues : Call of Duty, League of Legends ou encore Fortnite.
Sur le front ukrainien, la révolution des drones a conduit à ce que les experts appellent désormais la "gamification" du conflit. Sur le champ de bataille, de plus en plus déshumanisé, règnent en maîtres les pilotes de drone, manettes aux mains, et casque immersif vissé sur la tête. "Nous avons fait du recrutement de gamers à partir de la fin de 2022, c’est vrai. Ce sont des profils très recherchés", assure depuis Kiev le directeur de la Dronarium Academy, Ruslan Beliaev.
Dans une nouvelle enquête vidéo, L’Express explore cette nouvelle zone grise militaire, à cheval entre réalité et monde virtuel. C’est à retrouver sur notre site et sur tous nos réseaux sociaux.
Une capitale chinoise sous haute sécurité. Depuis plusieurs jours, Pékin se prépare à l’organisation d’un défilé militaire géant, prévu ce mercredi 3 septembre. Rues vidées, contrôles renforcés, quotidien perturbé : les habitants de la ville vivent désormais au rythme imposé par les préparatifs de cette parade, qui s’inscrit dans le cadre de commémorations du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la capitulation japonaise. Un événement crucial pour le président chinois Xi Jinping, à la volonté affichée de remodeler l’ordre mondial, en particulier à l’égard des Etats-Unis et de leur dirigeant Donald Trump.
Qui sera invité pour ce défilé ?
La démonstration de puissance dans les rues de Pékin est prévue comme l’apothéose d’une intense séquence diplomatique, ouverte dimanche 31 août à Tianjin, à quelques centaines de kilomètres de la capitale. De nombreux dirigeants internationaux ont été accueillis par Xi Jinping dans cette cité portuaire à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Un rendez-vous marqué par le réchauffement notable des relations entre le dirigeant chinois et le Premier ministre indien Narendra Modi, échaudé par les récents droits de douane imposés par Washington à son économie.
Si ce dernier ne sera pas présent au défilé militaire de mercredi, la plupart des autres participants au sommet de l’OCS y participeront. Le président russe Vladimir Poutine, qui avait lui-même invité Xi Jinping à Moscou le 9 mai dernier pour assister à une parade de ses troupes, sera par exemple bien là, tout comme son allié biélorusse Alexandre Loukachenko et de nombreux dirigeants de nations de l’ex-Union soviétique. Plus étonnant : le leader nord-coréen Kim Jong-un est également attendu à Pékin. Il s’agira d’une de ses rares apparitions hors des frontières de son pays.
Le président iranien Massoud Pezeshkian, le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif et le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing prendront aussi part aux commémorations. Côté européen, deux responsables devraient faire le déplacement dans la capitale chinoise : le Premier ministre serbe, Aleksandar Vučić, à la proximité affichée avec le Kremlin ; mais aussi le populiste président slovaque Robert Fico, qui entretient pareillement des liens étroits avec Moscou. Au total, 26 chefs d’Etat et de gouvernement seront accueillis par le pouvoir chinois.
Quelles seront les armes exposées ?
La parade militaire se déroulera autour de la place Tian’anmen, à Pékin. Un immense portrait de Mao Zedong y a déjà été installé. 50 000 personnes pourront assister aux commémorations, installées sur des chaises colorées en rouge, en vert et en doré, trois teintes représentant le sang versé par les Chinois durant la guerre, la terre et la paix, a détaillé la télévision d’Etat chinoise, CCTV. Des centaines de soldats défileront dans les rues de Pékin, accompagnés de nombreux équipements militaires.
D’après les responsables chinois, une centaine d’avions sera mise en avant durant cette parade XXL. Drones autonomes ou sous-marins, armements terrestres, blindés… La Chine profitera de l’événement pour afficher sa force de frappe militaire, elle qui compte la plus grande armée du monde en termes d’effectifs, avec deux millions de militaires dans ses rangs.
À cet égard, la présentation de nouveaux missiles, notamment hypersoniques, devrait probablement être mise en scène par Pékin lors de ce défilé. Une façon de montrer les muscles, en particulier envers Washington. Ces munitions "représentent une menace importante pour les navires de guerre américains", souligne, auprès de NBC News, Shinji Yamaguchi, chercheur spécialiste de la Chine à l’Institut national d’études de défense du gouvernement japonais.
Quels enjeux stratégiques pour Pékin ?
D’abord, l’organisation d’un tel défilé peut constituer une sorte de réponse à la parade militaire américaine qui s’est déroulée à Washington, aux Etats-Unis, le jour de l’anniversaire de Donald Trump, le 14 juin dernier. De manière moins anecdotique, Xi Jinping pourrait surtout profiter de l’occasion pour réitérer ses menaces envers Taïwan, dont la Chine ne cache pas ses ambitions d’en prendre un jour le contrôle.
Toute allusion, implicite ou explicite, aux velléités militaires chinoises sur l’île lors du discours de Xi Jinping durant les commémorations, serait lourde de sens. Juste après le passage en revue des troupes et de l’arsenal militaire chinois, le tout devant une kyrielle de dirigeants étrangers, une telle déclaration interviendrait comme une façon de mettre une nouvelle fois la pression sur Taïwan. Mais aussi sur Donald Trump, dont une part de l’électorat reste farouchement anti-interventionniste.
Enfin, la parade militaire s’inscrit dans un mouvement plus large de remise au centre de l’Histoire du rôle de la Chine dans l’obtention de la paix mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Contrairement au consensus des historiens sur la question, le pouvoir de Xi Jinping vante le rôle du Parti communiste chinois (PCC), qui contrôle aujourd’hui le pays, comme l’un des principaux acteurs de la capitulation japonaise lors du dernier conflit planétaire. "La Chine et la Russie ont été les théâtres principaux de la Seconde Guerre mondiale en Asie et en Europe", avait ainsi déclaré le président chinois, début mai, lors de son déplacement en Russie pour assister à la parade moscovite.
La grâce présidentielle offerte par Donald Trump dès le début de son mandat, et le licenciement de nombreux agents et procureurs fédéraux qui cherchaient à les traduire en justice, ne leur suffisent pas. Selon le New York Times, les assaillants du Capitole, qui s’étaient opposés le 6 janvier 2021 à la validation du scrutin actant la victoire de Joe Biden, font désormais pression sur l’administration de Trump pour qu’elle leur verse des dommages et intérêts. En cause : des poursuites qu’ils jugent "injustes", certains estimant que ces décisions revêtent un caractère "politique".
Le quotidien américain rapporte que l’un de leurs avocats, Mark McCloskey, a déclaré jeudi sur les réseaux sociaux avoir récemment rencontré de hauts responsables du ministère de la Justice pour leur présenter un projet de création d’une commission spéciale chargée d’indemniser les émeutiers, à l’image de celle qui avait accordé des dommages et intérêts aux victimes des attentats du 11 septembre 2001. Cette structure, qualifiée de "comité de résolution volontaire non judiciaire" par l’avocat, examinerait les dossiers des émeutiers individuellement, avant de leur attribuer des sommes en fonction des préjudices qu’ils auraient subis aux mains du gouvernement fédéral, a-t-il précisé.
Des espoirs tempérés
En mai déjà, de nombreux émeutiers s’étaient réjouis lorsque le ministère de la Justice avait accepté de verser près de 5 millions de dollars pour régler une plainte pour homicide involontaire, intentée sous l’administration Biden par la famille d’Ashli Babbitt, une vétérane de l’armée de l’air abattue par la police alors qu’elle se trouvait au milieu d’une foule tentant de pénétrer dans l’hémicycle de la Chambre des représentants le 6 janvier.
Ce règlement avait suscité l’espoir que le ministère pourrait accueillir favorablement d’autres plaintes déposées par les émeutiers eux-mêmes, mais l’opposition formelle des avocats du ministère à une autre plainte déposée en juin par cinq membres des Proud Boys, accusés de sédition en lien avec les événements du 6 janvier, a tempéré leur engouement. Dans cette plainte, l’organisation d’extrême droite affirmait que des fonctionnaires fédéraux les avaient soumis à une "persécution politique" en tant qu'"alliés du président Trump".
Une réécriture de l’histoire
Si pour l’heure le ministère de la Justice américain n’a pas commenté le projet d’une commission d’indemnisations, il représenterait néanmoins une sérieuse escalade dans la tentative de réécriture de l’histoire du 6 janvier. Dans le cas où une telle structure existait, "elle désignerait de fait les membres de la foule, dont l’intrusion au Capitole a perturbé le transfert légal du pouvoir présidentiel, comme victimes du gouvernement méritant réparation", indique le New York Times.
De son côté, Mark McCloskey a assuré aux émeutiers qu’ils avaient des alliés au sein du ministère de la Justice de Donald Trump. Parmi eux figurerait Ed Martin, le dirigeant du groupe de travail sur l’instrumentalisation de la justice, un organisme créé pour enquêter sur les personnes ayant mené les investigations sur les événements du 6 janvier et sur des personnalités que le président américain perçoit comme ses ennemis. "Il est à 100 % de notre côté", a assuré Mark McCloskey, ouvrant la voie à une probable bataille pour la reconnaissance de leur statut de "victimes" ces prochains jours.
Des exagérations, en vue de faire pression sur les décisions occidentales. D’influents observateurs de guerre russes, connus sous le nom de "milibloggers", ont critiqué le ministère de la Défense russe, Andreï Belousov, et le chef d’état-major des armées, le général Valery Gerasimov, pour avoir amplifié l’avancée des combats en Ukraine, selon l’Institut d’étude de la guerre (ISW), comme le rapporte The Guardiance mardi 2 septembre.
Si Gerasimov a affirmé le 30 août que les forces russes s’étaient emparées de 3 500 km2 de territoire et de 149 localités depuis mars 2025, "l’ISW a observé des éléments permettant d’évaluer que les forces russes n’avaient gagné qu’environ 2 346 km2 de territoire ukrainien et s’étaient emparées de 130 localités" durant cette période, a nuancé le groupe de réflexion américain.
La veille, Andreï Belousov a également déclaré que les troupes russes capturaient 600 à 700 kilomètres carrés de territoire chaque mois. L’ISW a toutefois évalué que les avancées mensuelles moyennes allaient de 440 à 500 kilomètres carrés en juin, juillet et août, soulignant que ces chiffres illustrent des progrès lents plutôt que des percées décisives.
Des contre-offensives ukrainiennes
Pour l’ISW, les "gains territoriaux de la Russie restent disproportionnellement limités et lents par rapport aux lourdes pertes subies", car les Ukrainiens ont effectué avec succès plusieurs contre-offensives ces dernières semaines, avec environ 30 km² repris à chaque fois selon les données de l’ISW. Mi-août, les soldats de Volodymyr Zelensky ont notamment fait reculer l’armée russe à l’est de Dobropillia dans la région de Donetsk (est), annulant une partie des prises russes du 12 août à cet endroit.
Face à ce constat, le Kremlin intensifie sa campagne de propagande pour influencer les politiques occidentales, en accusant par exemple les Etats européens de vouloir prolonger la guerre, en brandissant la menace nucléaire ou encore en assurant que sa victoire en Ukraine est proche. "La présentation par le Kremlin de statistiques gonflées, sans contexte critique, vise probablement à manipuler l’image de la force russe et à renforcer son discours de longue date d’une victoire inévitable. Or, ce n’est pas le cas", précisent les experts de l’ISW.
La progression des militaires russes a notamment connu un petit palier au mois d’août après quatre mois d’accélération. En un mois, les forces de Moscou ont pris 594 km2 aux Ukrainiens, contre 634 km2 en juillet, soit la plus forte avancée après novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022, quand la ligne de front était très mobile. Cette superficie des terres conquises comprend les zones totalement ou partiellement contrôlées par la Russie, comme la région de Donetsk, principal théâtre des affrontements. Fin août, elle exerçait un contrôle total ou partiel sur 19 % du territoire ukrainien.
Alors que la Russie s’est engagée dans une épreuve de force avec l’Occident et les Etats-Unis pour une résolution du conflit en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a assuré mardi 2 septembre à son homologue chinois Xi Jinping que les relations entre leurs pays se trouvaient actuellement à un "niveau sans précédent", au lendemain d’un sommet régional à Tianjin (nord), en Chine. Le président chinois, lui, a salué la "collaboration stratégique complète" entre Pékin et Moscou, et a affirmé la volonté de coopérer à la "construction d’un système de gouvernance globale plus juste et plus raisonnable", selon des propos diffusés au début de leurs entretiens dans la capitale chinoise.
Avec le sommet de Tianjin et le grand défilé militaire célébrant les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale ce mercredi 3 septembre, Pékin se voit en effet comme le héraut d’une nouvelle gouvernance globale face à un hégémonisme occidental facteur d’instabilité et d’injustice. Xi Jinping a dénoncé lundi les "actes d’intimidation" et "une mentalité de guerre froide et de confrontation de blocs" à l’œuvre selon lui. "Notre communication étroite reflète le caractère stratégique des liens russo-chinois qui sont actuellement à un niveau sans précédent", a affirmé Poutine le lendemain. Assister au défilé de mercredi, "c’est rendre hommage aux exploits de nos peuples, peuple russe et peuple chinois, c’est confirmer le rôle crucial de nos pays dans la victoire sur les axes européen et asiatique", a-t-il encore déclaré.
"Les relations entre la Chine et la Russie ont résisté à l’épreuve des changements internationaux, ce sont des relations de bon voisinage, de collaboration stratégique complète et de coopération mutuellement bénéfique pour des résultats gagnant-gagnant entre grandes puissances", a aussi souligné Xi Jinping.
Une relation "amicale" avec l’Inde
A Tianjin, le président russe, malgré sa rencontre avec Donald Trump en Alaska le 15 août, n’a donné aucun signe de vouloir céder aux pressions du président américain pour une résolution du conflit en Ukraine. La Chine et les Etats-Unis se sont de leur côté livrés début 2025 à une surenchère de droits de douane réciproques avant de convenir d’une trêve. Les relations des Russes et des Chinois sont également tendus avec les Européens, les alliés de l’Ukraine soupçonnant Pékin de soutenir Moscou dans la guerre, ce que la Chine nie, invoquant sa neutralité et reprochant aux Occidentaux de prolonger le conflit en armant Kiev.
Lundi, Vladimir Poutine a également été aperçu en train de discuter tout sourire avec son homologue indien Narendra Modi, et ce alors que les Etats-Unis ont imposé d’importants droits de douane aux produits indiens en représailles aux achats de pétrole russe par New Delhi. "J’ai eu une excellente rencontre avec le président Poutine en marge du sommet à Tianjin. Nous avons discuté des moyens d’approfondir la coopération bilatérale dans tous les domaines", a écrit Narendra Modi sur X. Le président russe a lui vanté dans un discours la relation "spéciale, amicale et de confiance" entre la Russie et l’Inde, qui "se développe activement".
"La Palestine sera reconnue par la Belgique lors de la session de l'ONU !" : se joignant à d’autres pays comme la France ou le Canada, la Belgique va reconnaître l’Etat de Palestine à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, a annoncé mardi 2 septembre le ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévot. "Et des sanctions fermes sont prises à l’égard du gouvernement israélien", a écrit le chef de la diplomatie belge sur le réseau social X.
Fin juillet, le président Emmanuel Macron a annoncé que la France allait reconnaître l’Etat de Palestine à l’Assemblée générale de l'ONU, qui se tiendra du 9 au 23 septembre à New York. Dans la foulée, plus d’une dizaine de gouvernements occidentaux ont appelé d’autres pays du monde à faire de même.
Conditions et sanctions
"La Belgique se joindra aux pays signataires de la Déclaration de New York traçant la route vers une solution à deux Etats et reconnaissant donc ceux-ci", a détaillé le ministre. Mais cette reconnaissance d’un Etat palestinien reste soumise à conditions : elle ne sera officiellement formalisée que lorsque "le dernier otage aura été libéré et que le Hamas n’assumera plus quelconque gestion de la Palestine", a précisé Maxime Prévot sur X.
Le ministre a également annoncé 12 sanctions contre Israël. Parmi elles, "l’interdiction d’importation des produits issus des colonies" israéliennes, mais aussi "des poursuites judiciaires éventuelles, des interdictions de survol et de transit, la mise sur la liste des 'persona non gratae' notre pays de deux ministres israéliens extrémistes, de plusieurs colons violents et de leaders du Hamas".
Cette décision est loin d’avoir fait l’unanimité au sein du gouvernement belge, les membres issus des partis de droite N-VA et MR se montrant particulièrement réticents. Mais "au vu du drame humanitaire se jouant en Palestine et singulièrement à Gaza, et face aux violences perpétrées par Israël en violation du droit international […] la Belgique se devait de prendre des décisions fortes pour accentuer la pression sur le gouvernement israélien et les terroristes du Hamas", a appuyé le ministre des Affaires étrangères.
"Perspective d’avenir"
La question est cruciale pour les représentants palestiniens. "La reconnaissance de l’Etat palestinien nous donne une perspective d’avenir", a souligné lundi la ministre déléguée aux Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Varsen Aghabekian Shahin, à Rome. "Elle envoie également un message clair : la seule solution consiste à reconnaître un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés de l’Etat d’Israël", a-t-elle insisté.
Le Canada et l’Australie ont déjà fait part de leurs intentions en faveur d’un Etat de Palestine. Le Royaume-Uni a aussi annoncé qu’il le reconnaîtrait, sauf si Israël prenait une série d’engagements, dont celui d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Au total, les trois quarts des Etats membres de l'ONU reconnaissent cet Etat proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988.
Chacun a en tête une image du fameux téléphone rouge. Une ligne installée dans les toilettes de la Maison-Blanche comme dans Forest Gump, ou un appareil pour lequel il faut de la monnaie pour passer un appel vers Moscou, à l’image du Docteur Folamour de Stanley Kubrick. Si l’imaginaire autour de la "hotline" entre l’URSS et les Etats-Unis est riche, c’est notamment parce que cette liaison s’est avérée régulièrement décisive.
Installé, comme nous l’avons expliqué dans le premier épisode de cette série, en 1963 après la crise des missiles de Cuba, ce téléscripteur sera un outil important durant la guerre froide. Et notamment entre le président Lyndon Johnson, qui a succédé à Kennedy, et Alexeï Kossyguine, président du conseil des ministres de l'Union soviétique, l’un des hommes au pouvoir.
En juin 1967, la guerre des Six Jours est déclenchée entre Israël et des Etats arabes menés par l’Egypte. En marge de ce conflit, l'USS Liberty, un navire américain, est attaqué le 8 juin, dans les eaux internationales au large de la péninsule du Sinaï. 34 Américains sont tués, et plus de 170 blessés. Alors que le moindre incident entre l’URSS et les Etats-Unis pourrait dégénérer en affrontement nucléaire, le téléphone rouge est utilisé pour confirmer qu’il s’agit d’une attaque israélienne et non soviétique.
Dans cette série, La Loupe brosse le portrait de quatre binômes de présidents russes et américains et de leur influence, avec Andrei Kozovoï, professeur à l’Université de Lille, spécialiste des relations internationales, auteur de Les services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier). Episode 2 : Léonid Brejnev et Richard Nixon.
Un "durcissement de la menace russe". Dans un entretien accordé au Parisien ce dimanche 31 août, Sébastien Lecornu insiste à nouveau sur les "menaces hybrides" de Moscou contre l’Europe. Le ministre des Armées précise un objectif particulièrement inquiétant : celui des infrastructures critiques "d’eau, de transport et surtout d’énergie en Europe, pouvant même aller jusqu’au sabotage". Ce ciblage inquiète depuis longtemps les autorités. En mai, L’Express révélait d’ailleurs un document confidentiel de la DGSI et de la DGSE dénombrant les agressions multiples de la Russie contre la France. "En 2024, le GRU a cherché à compromettre des équipements industriels d’entités françaises du secteur hydroélectrique", écrivaient les services de renseignement.
Ils faisaient notamment référence au moulin de Courlandon, piraté par des hackeurs russes en avril 2024. Les agents suivent aussi de près la gigantesque coupure de courant du 28 avril en Espagne et au Portugal, ainsi que dans une partie des Pyrénées-Orientales et Pyrénées-Atlantiques.
Partout en Europe, les soupçons d’attaques se multiplient. Ce 31 août, l’avion d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a été victime d’un brouillage GPS, le contraignant à atterrir à l’aide de cartes papiers en Bulgarie. D’après le Financial Times, une attaque russe pourrait être à l’origine de l’interférence. Kevin Limonier, professeur des universités à l’Institut Français de géopolitique, a participé à l’élaboration d’une carte recensant les actions "hybrides" conduites par la Russie sur le continent européen aux côtés du cabinet de conseil en géopolitique Cassini, en lien avec le laboratoire Géode et l’Institut Français de géopolitique. Entretien.
L’Express : L’avion de la présidente de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, a été victime d’un brouillage GPS alors qu’il s’apprêtait à atterrir en Bulgarie ce 31 août. Les autorités soupçonnent fortement la Russie. Est-ce crédible ?
Kevin Limonier : Les brouillages GPS font partie de la panoplie classique des méthodes de perturbation de la Russie, notamment dans les zones transfrontalières de l’espace aérien russe. C’est le cas dans la zone baltique, en Finlande, mais aussi sur la mer Noire. En avril 2024, une compagnie finlandaise avait même annoncé l’arrêt des vols entre Helsinki et l’aéroport estonien de Tartu pour cette raison. L’existence de cette menace n’est pas nouvelle. Sa cible, à savoir l’avion de la présidente de la Commission, est beaucoup plus surprenante. S’il s’avère qu’il était bel et bien visé par la Russie, il s’agit d’une augmentation significative du degré d’hostilité. Il est toutefois probable que les acteurs russes soupçonnés disent que cet avion n’était pas visé, qu’il s’agit simplement des brouillages GPS classiques dans la zone.
Le ministre des Armées alerte sur une intensification des menaces russes, y compris de sabotage, sur le territoire européen. Est-ce récent ?
Il faut se réjouir que le ministre parle bien de "sabotage". On met des mots concrets sur des phénomènes concrets. Des choses identifiables pour le grand public, beaucoup plus tangibles que des expressions un peu floues et vagues comme celui de "guerre hybride" qui a beaucoup été utilisée ces dernières années. La menace d’hybridité convainc difficilement : c’est quelque chose de flou, de compliqué, qui a l’air intangible et de se produire loin du citoyen. Cette alerte est d’autant plus nécessaire qu’on observe une augmentation très nette des tentatives de sabotage ces dernières années, notamment depuis 2024.
Plusieurs raisons viennent l’expliquer. D’abord parce qu’au début de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, la posture russe était très différente. Moscou pensait remporter cette guerre assez rapidement. Ce conflit ne nécessitait donc pas d’élaborer massivement d’autres attaques en Europe. Les mois passant, le Kremlin a compris qu’il allait durer beaucoup plus longtemps que prévu. Ils ont décidé de saper la détermination des alliés à aider l’Ukraine, d’éroder la confiance des citoyens européens dans leurs propres gouvernements. Comment ? En perturbant au maximum la circulation de tout ce qui peut permettre à nos sociétés de fonctionner : l’énergie, l’eau, les trains, mais aussi les colis postaux, ou même l’information et les données numériques.
Ensuite, cette intensification peut aussi avoir une autre raison, moindre mais notable. Les gouvernements, notamment d’Europe occidentale, ont pris conscience de la menace. Ils relient davantage les attaques et dysfonctionnements dont ils sont victimes à des intentions russes. A la marge, cette augmentation peut aussi être perçue comme une question de température : nous avons amélioré le thermomètre, et sommes désormais plus en mesure de les dénombrer.
La nature des menaces a donc évolué ?
Par le passé, la Russie était surtout soupçonnée de cyberattaques et de manœuvres informationnelles. Désormais, on parle d’incendies, ou de tentative d’assassinat, comme celle qui aurait été déjouée contre le patron de Rheinmetall, qui produit des obus pour l’armée ukrainienne. Des actions qui étaient auparavant cantonnées à la sphère numérique - et donc à une certaine immatérialité - ont aujourd’hui lieu dans le champ matériel. Elles sont dans ce que les militaires appellent le champ cinétique. La stratégie des Russes n’a pas changé de nature, mais ils ont élargi leur spectre de sabotage. En juillet, vous avez eu une série d’incendies en Pologne. Il y a de fortes présomptions qu’ils soient liés à la Russie. En Bulgarie ou à Londres, des dépôts d’armes et de munitions destinées à l’Ukraine ont aussi été ciblés. Mais il y a aussi eu des tentatives de sabotage ratées. En juin 2024, un Russo-Ukrainien s’est blessé alors qu’il fabriquait un engin explosif dans sa chambre d’hôtel à Roissy-en-France. Cet exemple montre que les opérations commanditées sont la plupart du temps extrêmement basiques.
Longtemps, tout a été fait de manière assez artisanale. Cela continue, car Moscou n’a pas forcément les effectifs pour multiplier les attaques sur l’ensemble du continent. On observe d’ailleurs une évolution des stratégies russes. Pour toucher l’Europe de manière massive et coordonnée, les services de renseignement essaient de recruter des tiers via Internet et les messageries instantanées comme Telegram. Les personnes ciblées sont souvent des adolescents, chargés d’effectuer des tâches dont ils ignorent parfois jusqu’au commanditaire, pour quelques centaines d’euros. C’est arrivé cette année au Royaume-Uni. Ce changement de tactique est très préoccupant : il démultiplie le nombre de personnes potentiellement capables de mener des opérations simples pour des sommes très faibles. Leur recrutement est difficile à anticiper et est grandement facilité par les réseaux sociaux.
Sébastien Lecornu évoque des attaques contre les infrastructures électriques. Difficile de ne pas penser à la gigantesque panne qui a touché le nord de l’Espagne et le Portugal en avril…
Aucune attribution russe n’a été confirmée formellement pour cet événement. A priori, la piste d’un problème de surtension et d’un manque de synchronisation du réseau électrique ibérique est privilégiée. Ce qui nous amène à un point d’attention important : ces opérations ne doivent pas laisser oublier que les accidents arrivent. Les erreurs humaines aussi. Les dysfonctionnements ne sont pas les seuls faits des Russes. Il y a quelques années, les cyberattaques qui visaient le continent étaient quasiment automatiquement attribuées à Moscou, ce qui conduisait à une inflation de la menace, et donc à une représentation exagérée de la capacité de nuisance de la Russie.
Aujourd’hui, ce même risque existe de grossir artificiellement leur capacité de nuisance. De montrer le Kremlin plus fort qu’il n’est. Accentuer la paranoïa de nos sociétés sert aussi le régime russe. Quelle que soit l’affaire, il faut attendre les conclusions des enquêtes, toujours vérifier les attributions. C’est une ligne fine : ne surtout pas nier l’ampleur des attaques, sans les exagérer.
Lorsque l’on compile les tentatives d’attaques russes ayant eu lieu sur le continent européen depuis 2022, la France semble particulièrement touchée. Le Royaume-Uni également. Comment l’expliquer ?
Ces attaques ciblent d’abord les pays dont les armées ou le budget militaire sont les plus importants du continent. Parmi eux, on compte la France, le Royaume-Uni, la Pologne, mais aussi désormais l’Allemagne, qui a voté un budget de défense important et est surtout visé par les Russes en raison de la capacité productive de son industrie d’armement. Deux types de pays sont particulièrement la cible des sabotages : d’un côté les pays à proximité directe de la Russie, dans lesquels le Kremlin a intérêt à une certaine déstabilisation pour sécuriser ses frontières ou étendre sa zone d’influence, de l’autre les grandes puissances militaires européennes.
La carte de votre laboratoire est saisissante à cet égard : une quarantaine d’attaques en deux ans, dont la moitié directement orchestrée par le GRU, les services de renseignement russes. La France est le seul pays européen dans ce cas. Pourquoi ?
La France fait partie des cibles les plus importantes. C’est d’ailleurs la grande nouveauté de ces dernières années. Avant la guerre en Ukraine, la France n’était pas une priorité, mais l’est devenu depuis. Pourquoi ? Tout simplement car Paris est une des seules puissances militaires véritablement crédibles de l’Union européenne, sa seule puissance nucléaire, et que nous avons aujourd’hui une diplomatie extrêmement offensive à l’égard de la Russie.
Les pays plus proches de la Russie sont aussi évidemment concernés par l’action de leurs services secrets. Mais ils ont affaire à d’autres unités. L’ancienne URSS est la zone d’action traditionnelle du FSB, et non pas uniquement du GRU. A contrario, la France présente depuis longtemps un intérêt pour ce service. Le GRU a par exemple longtemps eu une base arrière clandestine en Haute-Savoie, active au moins jusqu’à la fin des années 2010.
Les opérations d’ampleur ont pourtant été documentées, notamment en mer Baltique.
En début d’année, plusieurs câbles sous-marins de télécommunication ont été sectionnés entre la Suède et la Lettonie et entre la Finlande et l’Estonie. Les enquêtes sont toujours en cours, mais de forts soupçons relient les Russes à ces événements. Ces câbles font partie des points de vulnérabilité de notre continent. En France, le port de Marseille est en train de devenir un hub mondial des câbles sous-marins. Mais il ne s’agit pas du seul point de vulnérabilité. On peut notamment citer le cas moins médiatisé des data centers, et notamment des IXP, des Internet Exchange Points, des infrastructures où les câbles et les opérateurs viennent s’interconnecter. Ce sont les points névralgiques du réseau.
Quand un câble est sectionné, une seule connexion entre un point A et un point B est interrompue. Si, à l’inverse, vous détruisez ou sabotez l’une des deux extrémités (le point A ou le point B, en l’occurrence), vous avez potentiellement un effet sur une dizaine de câbles et au moins autant d’opérateurs de télécommunication. Vous augmentez donc le risque de perturber significativement la connectivité de la zone. Les Russes le savent parfaitement. Lorsqu’ils ont envahi la Crimée, en 2014, l’une de leurs premières actions a été de couper l’IXP de Simferopol pour déconnecter le réseau du territoire du reste de l’Ukraine. Moscou intègre clairement ces points sensibles dans sa stratégie. Paris est également concerné par ces questions. La Seine-Saint-Denis est aussi une zone extrêmement sensible, car elle concentre une bonne partie des IXP français.
Fin juillet, l’entreprise de construction militaire Naval Group a été visée par un cybercriminel. Il affirmait posséder des données sensibles sur le groupe. Pensez-vous que cela puisse être lié à Moscou ?
Plus qu’un vol de secret, il s’agirait en réalité d’une attaque réputationnelle, ayant pour but de démontrer que le groupe avait des cyberdéfenses faibles. Mais j’ignore s’il s’agit d’une attaque russe, ou d’un tout autre acteur. On retombe sur la question du risque d’attribution trop automatique au Kremlin…