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Etats-Unis - Venezuela : tout comprendre à l’escalade des tensions entre les deux pays

Les Etats-Unis et le Venezuela sont à couteaux tirés. De retour à la Maison-Blanche, Donald Trump multiplie les offensives à l’encontre de son homologue vénézuélien, l’accusant de narcotrafic. Résultat, les relations diplomatiques qui s’étaient déjà rompues en 2019 ne sont toujours pas au beau fixe.

Pourquoi une telle escalade ? Pour lutter contre le trafic de drogue, selon le 47e président des Etats-Unis. Washington accuse le président vénézuélien d’être le "chef fugitif" du Cartel des Soleils, qualifié par le gouvernement américain d’organisation "terroriste". Au nom de cette lutte, Donald Trump a mis à prix la tête de Nicolás Maduro. Toute personne qui aidera à son arrestation se verra récompenser de 15 millions de dollars. Une prime rehaussée à 50 millions de dollars le 8 août.

Le président vénézuélien fustige ces accusations, qualifiant la prime placée sur sa tête de "pathétique" et de "grossière opération de propagande politique".

Une réélection illégitime ?

Le 9 août, l’Assemblée nationale vénézuélienne a apporté, dans un acte solennel, son soutien au président. La chambre parlementaire a qualifié l’augmentation de la récompense américaine pour la capture de Nicolás Maduro d'"agression". Malgré ce geste symbolique, le président est loin de faire l’unanimité dans son pays.

En 2024, sa réélection est décrite comme une "fraude" par l’opposition vénézuélienne. Washington ne la reconnaît pas non plus. 28 personnes sont décédées et 2 400 ont été arrêtées dans les manifestations qui ont suivi sa victoire.

Huit navires et 1 200 missiles visent le Venezuela

Avant de promettre les 50 millions de dollars, Donald Trump avait déjà resserré l’étau sur son homologue vénézuélien. En 2019, à la suite de l’élection contestée de Nicolás Maduro, les Etats-Unis ont instauré un embargo sur le pétrole vénézuélien, interdisant à toute entreprise américaine de s’en procurer.

Mais depuis près d’un mois, le ton est monté entre Donald Trump et Nicolás Maduro. Le président américain a désormais déployé huit navires de guerre au large des côtes du Venezuela. Dans le lot, le sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire USS Newport.

Plusieurs médias américains indiquent que le Pentagone prévoit également d’envoyer 4 000 Marines dans les Caraïbes, près des côtes vénézuéliennes.

Le 1er septembre, Nicolás Maduro a dénoncé le déploiement de nouveaux navires aux abords de son pays : "Le Venezuela est confronté à la plus grande menace que notre continent ait connue au cours des 100 dernières années : huit navires avec 1 200 missiles et un sous-marin visent le Venezuela. Il s’agit d’une menace injustifiable, immorale, absolument criminelle et sanglante".

En réponse, le chef d’Etat a annoncé le déploiement de 4,5 millions de miliciens "pour garantir la couverture de tout le territoire", et a encouragé ses nationaux à rejoindre la réserve. Le 1er septembre, Nicolás Maduro a réévalué la taille de sa milice à "8,2 millions" d’hommes. La Marine et des drones de surveillance ont également été déployés dans les eaux territoriales.

Caracas fait planer sur ses citoyens la perspective d’un débarquement américain, avertissant d’une tentative de "changement de régime". Le président affirme que le Venezuela est prêt à la "lutte armée pour la défense du territoire national". Les Etats-Unis n’ont néanmoins jamais menacé publiquement d’envahir le Venezuela.

Qu’en pensent les voisins du Venezuela ?

Le 20 août, à l’occasion d’un sommet virtuel extraordinaire, les pays membres de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (Alba) ont condamné l’opération américaine. "Le déploiement militaire américain dans les eaux des Caraïbes, sous couvert d’opérations antidrogue, représente une menace pour la paix et la stabilité de la région", ont-ils affirmé dans une déclaration commune.

Cette organisation, positionnée à gauche, a été fondée par Fidel Castro et Hugo Chavez, le prédécesseur de Nicolás Maduro.

Une posture qui ne fait pas l’unanimité en Amérique latine. Le Guyana, qui a dénoncé, ce 31 août, des coups de feu tiré depuis le Venezuela sur un de ses bateaux transportant du matériel électoral vers l’Essequibo - région disputée avec le Venezuela -, a apporté son soutien au déploiement militaire Américain."Nous soutiendrons tout ce qui permettra d’éliminer toute menace à notre sécurité […], nous devons tous nous unir pour combattre la criminalité transnationale, lutter contre le trafic de drogue", a déclaré le président guyanien Irfaan Ali. Le chef d’Etat a ajouté soutenir "tous les efforts visant à garantir que cette région reste une zone de paix".

Côté Venezuela, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, dément toute responsabilité dans l’attaque supposée du bateau guyanien qu’il qualifie de "fake". Et le ministre de renchérir que le gouvernement du Guyana cherche à encourager un "front de guerre".

© AFP

Donald Trump a déployé huit navires aux abords du Venezuela.
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Russie - Chine : ce projet de gazoduc qui ferait les affaires de Vladimir Poutine

Un rapprochement de plus entre Pékin et Moscou. Tandis que la Russie fait face à d’importantes sanctions des puissances occidentales sur ses exportations énergétiques depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022, le Kremlin s’efforce de trouver de nouveaux clients pour ses ressources gazières et pétrolières. Dans cette optique, il vient d’avancer grandement avec la Chine pour la construction d’un immense pipeline pour alimenter le pays en gaz. Selon le patron du géant russe Gazprom, Alexeï Miller, les deux nations viennent ainsi de signer un "mémorandum juridiquement contraignant" sur la construction du gazoduc "Force de Sibérie 2".

Des discussions qui traînent en longueur

Ce projet, en discussion depuis des années, pourrait donc enfin voir le jour. L’installation, longue de plusieurs milliers de kilomètres, permettrait de faire transiter du gaz depuis des gisements russes, initialement utilisés pour fournir l’Europe, jusqu’au nord-est de la Chine, en traversant la Mongolie. "Ce projet permettra de transporter 50 milliards de mètres cubes de gaz par an depuis la Russie via la Mongolie", a déclaré Alexeï Miller, cité par les agences de presse russes. L’homme d’affaires accompagne le président russe Vladimir Poutine dans le cadre de sa visite à Pékin, où il doit assister mercredi 3 septembre à une parade militaire XXL.

La Chine se fournit déjà en gaz russe via un autre gazoduc, "Force de Sibérie 1". Selon les médias russes, un accord aurait également été trouvé entre Pékin et Moscou pour augmenter les quantités de gaz importées par la puissance asiatique par le biais de cette installation déjà existante. Toutefois, le pouvoir de Xi Jinping n’a apporté aucune indication sur la signature d’un mémorandum sur Force de Sibérie 2, pas plus que sur une possible hausse de son approvisionnement. L’agence d’Etat Xinhua News a simplement précisé qu’une vingtaine d’accords de coopérations avaient été conclus ces derniers jours entre les deux pays, y compris dans le domaine énergétique.

Côté russe, le flou demeure par ailleurs sur certains aspects pratiques du projet, notamment la date de construction de ce pipeline. "Un mémorandum juridiquement contraignant sans prix ni calendrier n’est pas un accord définitif", rappelle Alexander Gabuev, directeur du Carnegie Russia Eurasia Center à Berlin et cité par le Financial Times. Ce spécialiste de la Chine souligne qu’avec ce document, les autorités chinoises montrent qu’elles sont "intéressées" par ce gazoduc, tout en affichant leur souhait de négocier encore les "conditions" d’un tel plan et le "prix" du gaz acheté.

Alternative aux exportations vers l’Europe

Dans tous les cas, la perspective de la construction de cette nouvelle infrastructure titanesque a de quoi satisfaire Vladimir Poutine. L’envoi accru de gaz russe en Chine pourrait permettre au secteur énergétique du pays de reprendre quelques couleurs, tandis que les livraisons vers l’UE ont drastiquement diminué depuis le début de la guerre en Ukraine. Celles-ci représentaient en 2021 45 % du gaz approvisionné en Europe, contre seulement 19 % en 2024. Un chiffre certes à nuancer, car une partie du gaz qui transite en Europe est désormais fournie sous la forme de gaz naturel liquéfié (GNL), parfois directement venu… de Russie.

En juin, Bruxelles a même annoncé vouloir mettre totalement fin aux importations de gaz russe en Europe d’ici à la fin de l’année de 2027. "La Russie a tenté à plusieurs reprises de nous faire chanter en instrumentalisant ses approvisionnements énergétiques. Nous avons pris des mesures claires pour mettre un terme à l’ère des combustibles fossiles russes en Europe", a ainsi assené la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Selon le patron de Gazprom, le gaz qui serait fourni à la Chine via "Force de Sibérie 2" serait particulièrement bon marché, à un prix inférieur à celui fixé pour ses clients européens.

© AFP

Le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping et d'autres participants à la réunion au format BRICS Plus posent pour une photo de groupe lors du sommet des BRICS à Kazan, le 24 octobre 2024. (Photo by MAXIM SHIPENKOV / POOL / AFP)
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Guerre en Ukraine : l’armée confrontée à la "mentalité Playstation"

Sur Telegram, le commandant de la brigade ukrainienne des "Madyar Birds" publie chaque jour le tableau des scores de ses hommes : nombre de chars endommagés, nombre de soldats ennemis tués… A la clef : des points bonus pour la brigade, qui pourra ainsi acheter de nouveaux équipements sur une boutique virtuelle. L’interface, imaginée par l’armée ukrainienne, est directement inspirée des franchises les plus connues : Call of Duty, League of Legends ou encore Fortnite.

Sur le front ukrainien, la révolution des drones a conduit à ce que les experts appellent désormais la "gamification" du conflit. Sur le champ de bataille, de plus en plus déshumanisé, règnent en maîtres les pilotes de drone, manettes aux mains, et casque immersif vissé sur la tête. "Nous avons fait du recrutement de gamers à partir de la fin de 2022, c’est vrai. Ce sont des profils très recherchés", assure depuis Kiev le directeur de la Dronarium Academy, Ruslan Beliaev.

Dans une nouvelle enquête vidéo, L’Express explore cette nouvelle zone grise militaire, à cheval entre réalité et monde virtuel. C’est à retrouver sur notre site et sur tous nos réseaux sociaux.

© L'Express

Ukraine : quand la guerre se transforme en jeu vidéo
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Vladimir Poutine, démonstration de force… La Chine prépare une parade militaire XXL

Une capitale chinoise sous haute sécurité. Depuis plusieurs jours, Pékin se prépare à l’organisation d’un défilé militaire géant, prévu ce mercredi 3 septembre. Rues vidées, contrôles renforcés, quotidien perturbé : les habitants de la ville vivent désormais au rythme imposé par les préparatifs de cette parade, qui s’inscrit dans le cadre de commémorations du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la capitulation japonaise. Un événement crucial pour le président chinois Xi Jinping, à la volonté affichée de remodeler l’ordre mondial, en particulier à l’égard des Etats-Unis et de leur dirigeant Donald Trump.

Qui sera invité pour ce défilé ?

La démonstration de puissance dans les rues de Pékin est prévue comme l’apothéose d’une intense séquence diplomatique, ouverte dimanche 31 août à Tianjin, à quelques centaines de kilomètres de la capitale. De nombreux dirigeants internationaux ont été accueillis par Xi Jinping dans cette cité portuaire à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Un rendez-vous marqué par le réchauffement notable des relations entre le dirigeant chinois et le Premier ministre indien Narendra Modi, échaudé par les récents droits de douane imposés par Washington à son économie.

Si ce dernier ne sera pas présent au défilé militaire de mercredi, la plupart des autres participants au sommet de l’OCS y participeront. Le président russe Vladimir Poutine, qui avait lui-même invité Xi Jinping à Moscou le 9 mai dernier pour assister à une parade de ses troupes, sera par exemple bien là, tout comme son allié biélorusse Alexandre Loukachenko et de nombreux dirigeants de nations de l’ex-Union soviétique. Plus étonnant : le leader nord-coréen Kim Jong-un est également attendu à Pékin. Il s’agira d’une de ses rares apparitions hors des frontières de son pays.

Le président iranien Massoud Pezeshkian, le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif et le chef de la junte birmane Min Aung Hlaing prendront aussi part aux commémorations. Côté européen, deux responsables devraient faire le déplacement dans la capitale chinoise : le Premier ministre serbe, Aleksandar Vučić, à la proximité affichée avec le Kremlin ; mais aussi le populiste président slovaque Robert Fico, qui entretient pareillement des liens étroits avec Moscou. Au total, 26 chefs d’Etat et de gouvernement seront accueillis par le pouvoir chinois.

Quelles seront les armes exposées ?

La parade militaire se déroulera autour de la place Tian’anmen, à Pékin. Un immense portrait de Mao Zedong y a déjà été installé. 50 000 personnes pourront assister aux commémorations, installées sur des chaises colorées en rouge, en vert et en doré, trois teintes représentant le sang versé par les Chinois durant la guerre, la terre et la paix, a détaillé la télévision d’Etat chinoise, CCTV. Des centaines de soldats défileront dans les rues de Pékin, accompagnés de nombreux équipements militaires.

D’après les responsables chinois, une centaine d’avions sera mise en avant durant cette parade XXL. Drones autonomes ou sous-marins, armements terrestres, blindés… La Chine profitera de l’événement pour afficher sa force de frappe militaire, elle qui compte la plus grande armée du monde en termes d’effectifs, avec deux millions de militaires dans ses rangs.

À cet égard, la présentation de nouveaux missiles, notamment hypersoniques, devrait probablement être mise en scène par Pékin lors de ce défilé. Une façon de montrer les muscles, en particulier envers Washington. Ces munitions "représentent une menace importante pour les navires de guerre américains", souligne, auprès de NBC News, Shinji Yamaguchi, chercheur spécialiste de la Chine à l’Institut national d’études de défense du gouvernement japonais.

Quels enjeux stratégiques pour Pékin ?

D’abord, l’organisation d’un tel défilé peut constituer une sorte de réponse à la parade militaire américaine qui s’est déroulée à Washington, aux Etats-Unis, le jour de l’anniversaire de Donald Trump, le 14 juin dernier. De manière moins anecdotique, Xi Jinping pourrait surtout profiter de l’occasion pour réitérer ses menaces envers Taïwan, dont la Chine ne cache pas ses ambitions d’en prendre un jour le contrôle.

Toute allusion, implicite ou explicite, aux velléités militaires chinoises sur l’île lors du discours de Xi Jinping durant les commémorations, serait lourde de sens. Juste après le passage en revue des troupes et de l’arsenal militaire chinois, le tout devant une kyrielle de dirigeants étrangers, une telle déclaration interviendrait comme une façon de mettre une nouvelle fois la pression sur Taïwan. Mais aussi sur Donald Trump, dont une part de l’électorat reste farouchement anti-interventionniste.

Enfin, la parade militaire s’inscrit dans un mouvement plus large de remise au centre de l’Histoire du rôle de la Chine dans l’obtention de la paix mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Contrairement au consensus des historiens sur la question, le pouvoir de Xi Jinping vante le rôle du Parti communiste chinois (PCC), qui contrôle aujourd’hui le pays, comme l’un des principaux acteurs de la capitulation japonaise lors du dernier conflit planétaire. "La Chine et la Russie ont été les théâtres principaux de la Seconde Guerre mondiale en Asie et en Europe", avait ainsi déclaré le président chinois, début mai, lors de son déplacement en Russie pour assister à la parade moscovite.

© Getty Images via AFP

Le président chinois Xi Jinping lors d'une précédente parade militaire à Pékin (Chine), le 1er octobre 2019.
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Après leur avoir offert son pardon, Donald Trump va-t-il indemniser les émeutiers du Capitole ?

La grâce présidentielle offerte par Donald Trump dès le début de son mandat, et le licenciement de nombreux agents et procureurs fédéraux qui cherchaient à les traduire en justice, ne leur suffisent pas. Selon le New York Times, les assaillants du Capitole, qui s’étaient opposés le 6 janvier 2021 à la validation du scrutin actant la victoire de Joe Biden, font désormais pression sur l’administration de Trump pour qu’elle leur verse des dommages et intérêts. En cause : des poursuites qu’ils jugent "injustes", certains estimant que ces décisions revêtent un caractère "politique".

Le quotidien américain rapporte que l’un de leurs avocats, Mark McCloskey, a déclaré jeudi sur les réseaux sociaux avoir récemment rencontré de hauts responsables du ministère de la Justice pour leur présenter un projet de création d’une commission spéciale chargée d’indemniser les émeutiers, à l’image de celle qui avait accordé des dommages et intérêts aux victimes des attentats du 11 septembre 2001. Cette structure, qualifiée de "comité de résolution volontaire non judiciaire" par l’avocat, examinerait les dossiers des émeutiers individuellement, avant de leur attribuer des sommes en fonction des préjudices qu’ils auraient subis aux mains du gouvernement fédéral, a-t-il précisé.

Des espoirs tempérés

En mai déjà, de nombreux émeutiers s’étaient réjouis lorsque le ministère de la Justice avait accepté de verser près de 5 millions de dollars pour régler une plainte pour homicide involontaire, intentée sous l’administration Biden par la famille d’Ashli ​​Babbitt, une vétérane de l’armée de l’air abattue par la police alors qu’elle se trouvait au milieu d’une foule tentant de pénétrer dans l’hémicycle de la Chambre des représentants le 6 janvier.

Ce règlement avait suscité l’espoir que le ministère pourrait accueillir favorablement d’autres plaintes déposées par les émeutiers eux-mêmes, mais l’opposition formelle des avocats du ministère à une autre plainte déposée en juin par cinq membres des Proud Boys, accusés de sédition en lien avec les événements du 6 janvier, a tempéré leur engouement. Dans cette plainte, l’organisation d’extrême droite affirmait que des fonctionnaires fédéraux les avaient soumis à une "persécution politique" en tant qu'"alliés du président Trump".

Une réécriture de l’histoire

Si pour l’heure le ministère de la Justice américain n’a pas commenté le projet d’une commission d’indemnisations, il représenterait néanmoins une sérieuse escalade dans la tentative de réécriture de l’histoire du 6 janvier. Dans le cas où une telle structure existait, "elle désignerait de fait les membres de la foule, dont l’intrusion au Capitole a perturbé le transfert légal du pouvoir présidentiel, comme victimes du gouvernement méritant réparation", indique le New York Times.

De son côté, Mark McCloskey a assuré aux émeutiers qu’ils avaient des alliés au sein du ministère de la Justice de Donald Trump. Parmi eux figurerait Ed Martin, le dirigeant du groupe de travail sur l’instrumentalisation de la justice, un organisme créé pour enquêter sur les personnes ayant mené les investigations sur les événements du 6 janvier et sur des personnalités que le président américain perçoit comme ses ennemis. "Il est à 100 % de notre côté", a assuré Mark McCloskey, ouvrant la voie à une probable bataille pour la reconnaissance de leur statut de "victimes" ces prochains jours.

© afp.com/Samuel Corum

L'assaut contre le Capitole par des partisans de l'ex-président Donald Trump le 6 janvier 2021
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Guerre en Ukraine : les troupes de Vladimir Poutine ne progressent pas aussi vite qu’elles le disent

Des exagérations, en vue de faire pression sur les décisions occidentales. D’influents observateurs de guerre russes, connus sous le nom de "milibloggers", ont critiqué le ministère de la Défense russe, Andreï Belousov, et le chef d’état-major des armées, le général Valery Gerasimov, pour avoir amplifié l’avancée des combats en Ukraine, selon l’Institut d’étude de la guerre (ISW), comme le rapporte The Guardian ce mardi 2 septembre.

Si Gerasimov a affirmé le 30 août que les forces russes s’étaient emparées de 3 500 km2 de territoire et de 149 localités depuis mars 2025, "l’ISW a observé des éléments permettant d’évaluer que les forces russes n’avaient gagné qu’environ 2 346 km2 de territoire ukrainien et s’étaient emparées de 130 localités" durant cette période, a nuancé le groupe de réflexion américain.

La veille, Andreï Belousov a également déclaré que les troupes russes capturaient 600 à 700 kilomètres carrés de territoire chaque mois. L’ISW a toutefois évalué que les avancées mensuelles moyennes allaient de 440 à 500 kilomètres carrés en juin, juillet et août, soulignant que ces chiffres illustrent des progrès lents plutôt que des percées décisives.

Des contre-offensives ukrainiennes

Pour l’ISW, les "gains territoriaux de la Russie restent disproportionnellement limités et lents par rapport aux lourdes pertes subies", car les Ukrainiens ont effectué avec succès plusieurs contre-offensives ces dernières semaines, avec environ 30 km² repris à chaque fois selon les données de l’ISW. Mi-août, les soldats de Volodymyr Zelensky ont notamment fait reculer l’armée russe à l’est de Dobropillia dans la région de Donetsk (est), annulant une partie des prises russes du 12 août à cet endroit.

Face à ce constat, le Kremlin intensifie sa campagne de propagande pour influencer les politiques occidentales, en accusant par exemple les Etats européens de vouloir prolonger la guerre, en brandissant la menace nucléaire ou encore en assurant que sa victoire en Ukraine est proche. "La présentation par le Kremlin de statistiques gonflées, sans contexte critique, vise probablement à manipuler l’image de la force russe et à renforcer son discours de longue date d’une victoire inévitable. Or, ce n’est pas le cas", précisent les experts de l’ISW.

La progression des militaires russes a notamment connu un petit palier au mois d’août après quatre mois d’accélération. En un mois, les forces de Moscou ont pris 594 km2 aux Ukrainiens, contre 634 km2 en juillet, soit la plus forte avancée après novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022, quand la ligne de front était très mobile. Cette superficie des terres conquises comprend les zones totalement ou partiellement contrôlées par la Russie, comme la région de Donetsk, principal théâtre des affrontements. Fin août, elle exerçait un contrôle total ou partiel sur 19 % du territoire ukrainien.

© afp.com/TATYANA MAKEYEVA

Des soldats russes devant le cadavre d'un militaire ukrainien, dans le village de Kazatchïa Loknïa (région de Koursk, Russie) le 19 mars 2025
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A Pékin, Vladimir Poutine et Xi Jinping affichent leur bonne entente

Alors que la Russie s’est engagée dans une épreuve de force avec l’Occident et les Etats-Unis pour une résolution du conflit en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a assuré mardi 2 septembre à son homologue chinois Xi Jinping que les relations entre leurs pays se trouvaient actuellement à un "niveau sans précédent", au lendemain d’un sommet régional à Tianjin (nord), en Chine. Le président chinois, lui, a salué la "collaboration stratégique complète" entre Pékin et Moscou, et a affirmé la volonté de coopérer à la "construction d’un système de gouvernance globale plus juste et plus raisonnable", selon des propos diffusés au début de leurs entretiens dans la capitale chinoise.

Avec le sommet de Tianjin et le grand défilé militaire célébrant les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale ce mercredi 3 septembre, Pékin se voit en effet comme le héraut d’une nouvelle gouvernance globale face à un hégémonisme occidental facteur d’instabilité et d’injustice. Xi Jinping a dénoncé lundi les "actes d’intimidation" et "une mentalité de guerre froide et de confrontation de blocs" à l’œuvre selon lui. "Notre communication étroite reflète le caractère stratégique des liens russo-chinois qui sont actuellement à un niveau sans précédent", a affirmé Poutine le lendemain. Assister au défilé de mercredi, "c’est rendre hommage aux exploits de nos peuples, peuple russe et peuple chinois, c’est confirmer le rôle crucial de nos pays dans la victoire sur les axes européen et asiatique", a-t-il encore déclaré.

"Les relations entre la Chine et la Russie ont résisté à l’épreuve des changements internationaux, ce sont des relations de bon voisinage, de collaboration stratégique complète et de coopération mutuellement bénéfique pour des résultats gagnant-gagnant entre grandes puissances", a aussi souligné Xi Jinping.

Une relation "amicale" avec l’Inde

A Tianjin, le président russe, malgré sa rencontre avec Donald Trump en Alaska le 15 août, n’a donné aucun signe de vouloir céder aux pressions du président américain pour une résolution du conflit en Ukraine. La Chine et les Etats-Unis se sont de leur côté livrés début 2025 à une surenchère de droits de douane réciproques avant de convenir d’une trêve. Les relations des Russes et des Chinois sont également tendus avec les Européens, les alliés de l’Ukraine soupçonnant Pékin de soutenir Moscou dans la guerre, ce que la Chine nie, invoquant sa neutralité et reprochant aux Occidentaux de prolonger le conflit en armant Kiev.

Lundi, Vladimir Poutine a également été aperçu en train de discuter tout sourire avec son homologue indien Narendra Modi, et ce alors que les Etats-Unis ont imposé d’importants droits de douane aux produits indiens en représailles aux achats de pétrole russe par New Delhi. "J’ai eu une excellente rencontre avec le président Poutine en marge du sommet à Tianjin. Nous avons discuté des moyens d’approfondir la coopération bilatérale dans tous les domaines", a écrit Narendra Modi sur X. Le président russe a lui vanté dans un discours la relation "spéciale, amicale et de confiance" entre la Russie et l’Inde, qui "se développe activement".

© via REUTERS

Vladimir Poutine et Xi Jinping à Pékin, le 2 septembre 2025.
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La Belgique va elle aussi reconnaître l’Etat de Palestine lors de l’AG de l'ONU

"La Palestine sera reconnue par la Belgique lors de la session de l'ONU !" : se joignant à d’autres pays comme la France ou le Canada, la Belgique va reconnaître l’Etat de Palestine à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, a annoncé mardi 2 septembre le ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévot. "Et des sanctions fermes sont prises à l’égard du gouvernement israélien", a écrit le chef de la diplomatie belge sur le réseau social X.

Fin juillet, le président Emmanuel Macron a annoncé que la France allait reconnaître l’Etat de Palestine à l’Assemblée générale de l'ONU, qui se tiendra du 9 au 23 septembre à New York. Dans la foulée, plus d’une dizaine de gouvernements occidentaux ont appelé d’autres pays du monde à faire de même.

Conditions et sanctions

"La Belgique se joindra aux pays signataires de la Déclaration de New York traçant la route vers une solution à deux Etats et reconnaissant donc ceux-ci", a détaillé le ministre. Mais cette reconnaissance d’un Etat palestinien reste soumise à conditions : elle ne sera officiellement formalisée que lorsque "le dernier otage aura été libéré et que le Hamas n’assumera plus quelconque gestion de la Palestine", a précisé Maxime Prévot sur X.

Le ministre a également annoncé 12 sanctions contre Israël. Parmi elles, "l’interdiction d’importation des produits issus des colonies" israéliennes, mais aussi "des poursuites judiciaires éventuelles, des interdictions de survol et de transit, la mise sur la liste des 'persona non gratae' notre pays de deux ministres israéliens extrémistes, de plusieurs colons violents et de leaders du Hamas".

Cette décision est loin d’avoir fait l’unanimité au sein du gouvernement belge, les membres issus des partis de droite N-VA et MR se montrant particulièrement réticents. Mais "au vu du drame humanitaire se jouant en Palestine et singulièrement à Gaza, et face aux violences perpétrées par Israël en violation du droit international […] la Belgique se devait de prendre des décisions fortes pour accentuer la pression sur le gouvernement israélien et les terroristes du Hamas", a appuyé le ministre des Affaires étrangères.

"Perspective d’avenir"

La question est cruciale pour les représentants palestiniens. "La reconnaissance de l’Etat palestinien nous donne une perspective d’avenir", a souligné lundi la ministre déléguée aux Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Varsen Aghabekian Shahin, à Rome. "Elle envoie également un message clair : la seule solution consiste à reconnaître un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés de l’Etat d’Israël", a-t-elle insisté.

Le Canada et l’Australie ont déjà fait part de leurs intentions en faveur d’un Etat de Palestine. Le Royaume-Uni a aussi annoncé qu’il le reconnaîtrait, sauf si Israël prenait une série d’engagements, dont celui d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Au total, les trois quarts des Etats membres de l'ONU reconnaissent cet Etat proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988.

© afp.com/JULIEN DE ROSA

Un drapeau palestinien lors d'un rassemblement à Paris, le 7 mai 2024
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Brejnev-Nixon : quand les relations entre Russie et Etats-Unis se réchauffaient en pleine guerre froide

Chacun a en tête une image du fameux téléphone rouge. Une ligne installée dans les toilettes de la Maison-Blanche comme dans Forest Gump, ou un appareil pour lequel il faut de la monnaie pour passer un appel vers Moscou, à l’image du Docteur Folamour de Stanley Kubrick. Si l’imaginaire autour de la "hotline" entre l’URSS et les Etats-Unis est riche, c’est notamment parce que cette liaison s’est avérée régulièrement décisive.

Installé, comme nous l’avons expliqué dans le premier épisode de cette série, en 1963 après la crise des missiles de Cuba, ce téléscripteur sera un outil important durant la guerre froide. Et notamment entre le président Lyndon Johnson, qui a succédé à Kennedy, et Alexeï Kossyguine, président du conseil des ministres de l'Union soviétique, l’un des hommes au pouvoir.

En juin 1967, la guerre des Six Jours est déclenchée entre Israël et des Etats arabes menés par l’Egypte. En marge de ce conflit, l'USS Liberty, un navire américain, est attaqué le 8 juin, dans les eaux internationales au large de la péninsule du Sinaï. 34 Américains sont tués, et plus de 170 blessés. Alors que le moindre incident entre l’URSS et les Etats-Unis pourrait dégénérer en affrontement nucléaire, le téléphone rouge est utilisé pour confirmer qu’il s’agit d’une attaque israélienne et non soviétique.

Et alors que les discussions entre les Etats-Unis et l’URSS sont rares, 19 messages seront échangés durant la guerre des Six Jours via la fameuse "hotline".

Dans cette série, La Loupe brosse le portrait de quatre binômes de présidents russes et américains et de leur influence, avec Andrei Kozovoï, professeur à l’Université de Lille, spécialiste des relations internationales, auteur de Les services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier). Episode 2 : Léonid Brejnev et Richard Nixon.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Charlotte Baris et réalisé par Jules Krot.

Crédit : INA, Radio Canada Archives

Musique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio Torrent

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Pour aller plus loin :

Eloigner la Russie de la Chine : pourquoi Donald Trump ne réussira pas une "Nixon à l’envers"

L'ogre à nos portes : l'appel de l'ambassadeur d'Ukraine en France

Françoise Thom : "Dans sa façon de négocier, Vladimir Poutine a tout pris des Bolcheviks"

© afp.com/-

Le président américain Richard Nixon (d) et le leader soviétique Léonid Brejnev à la Maison-Blanche, le 18 juin 1973 à Washington
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Sabotages russes : "Le port de Marseille et la Seine-Saint-Denis sont des points de vulnérabilité"

Un "durcissement de la menace russe". Dans un entretien accordé au Parisien ce dimanche 31 août, Sébastien Lecornu insiste à nouveau sur les "menaces hybrides" de Moscou contre l’Europe. Le ministre des Armées précise un objectif particulièrement inquiétant : celui des infrastructures critiques "d’eau, de transport et surtout d’énergie en Europe, pouvant même aller jusqu’au sabotage". Ce ciblage inquiète depuis longtemps les autorités. En mai, L’Express révélait d’ailleurs un document confidentiel de la DGSI et de la DGSE dénombrant les agressions multiples de la Russie contre la France. "En 2024, le GRU a cherché à compromettre des équipements industriels d’entités françaises du secteur hydroélectrique", écrivaient les services de renseignement.

Ils faisaient notamment référence au moulin de Courlandon, piraté par des hackeurs russes en avril 2024. Les agents suivent aussi de près la gigantesque coupure de courant du 28 avril en Espagne et au Portugal, ainsi que dans une partie des Pyrénées-Orientales et Pyrénées-Atlantiques.

Partout en Europe, les soupçons d’attaques se multiplient. Ce 31 août, l’avion d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a été victime d’un brouillage GPS, le contraignant à atterrir à l’aide de cartes papiers en Bulgarie. D’après le Financial Times, une attaque russe pourrait être à l’origine de l’interférence. Kevin Limonier, maître de conférences en études slaves à l’Institut français de géopolitique, a participé à l’élaboration d’une carte recensant les actions "hybrides" conduites par la Russie sur le continent européen aux côtés du cabinet de conseil en géopolitique Cassini, en lien avec le laboratoire Géode et l’Institut Français de géopolitique. Entretien.

L’Express : L’avion de la présidente de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, a été victime d’un brouillage GPS alors qu’il s’apprêtait à atterrir en Bulgarie ce 31 août. Les autorités soupçonnent fortement la Russie. Est-ce crédible ?

Kevin Limonier : Les brouillages GPS font partie de la panoplie classique des méthodes de perturbation de la Russie, notamment dans les zones transfrontalières de l’espace aérien russe. C’est le cas dans la zone baltique, en Finlande, mais aussi sur la mer Noire. En avril 2024, une compagnie finlandaise avait même annoncé l’arrêt des vols entre Helsinki et l’aéroport estonien de Tartu pour cette raison. L’existence de cette menace n’est pas nouvelle. Sa cible, à savoir l’avion de la présidente de la Commission, est beaucoup plus surprenante. S’il s’avère qu’il était bel et bien visé par la Russie, il s’agit d’une augmentation significative du degré d’hostilité. Il est toutefois probable que les acteurs russes soupçonnés disent que cet avion n’était pas visé, qu’il s’agit simplement des brouillages GPS classiques dans la zone.

Le ministre des Armées alerte sur une intensification des menaces russes, y compris de sabotage, sur le territoire européen. Est-ce récent ?

Il faut se réjouir que le ministre parle bien de "sabotage". On met des mots concrets sur des phénomènes concrets. Des choses identifiables pour le grand public, beaucoup plus tangibles que des expressions un peu floues et vagues comme celui de "guerre hybride" qui a beaucoup été utilisée ces dernières années. La menace d’hybridité convainc difficilement : c’est quelque chose de flou, de compliqué, qui a l’air intangible et de se produire loin du citoyen. Cette alerte est d’autant plus nécessaire qu’on observe une augmentation très nette des tentatives de sabotage ces dernières années, notamment depuis 2024.

Plusieurs raisons viennent l’expliquer. D’abord parce qu’au début de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, la posture russe était très différente. Moscou pensait remporter cette guerre assez rapidement. Ce conflit ne nécessitait donc pas d’élaborer massivement d’autres attaques en Europe. Les mois passant, le Kremlin a compris qu’il allait durer beaucoup plus longtemps que prévu. Ils ont décidé de saper la détermination des alliés à aider l’Ukraine, d’éroder la confiance des citoyens européens dans leurs propres gouvernements. Comment ? En perturbant au maximum la circulation de tout ce qui peut permettre à nos sociétés de fonctionner : l’énergie, l’eau, les trains, mais aussi les colis postaux, ou même l’information et les données numériques.

Ensuite, cette intensification peut aussi avoir une autre raison, moindre mais notable. Les gouvernements, notamment d’Europe occidentale, ont pris conscience de la menace. Ils relient davantage les attaques et dysfonctionnements dont ils sont victimes à des intentions russes. A la marge, cette augmentation peut aussi être perçue comme une question de température : nous avons amélioré le thermomètre, et sommes désormais plus en mesure de les dénombrer.

La nature des menaces a donc évolué ?

Par le passé, la Russie était surtout soupçonnée de cyberattaques et de manœuvres informationnelles. Désormais, on parle d’incendies, ou de tentative d’assassinat, comme celle qui aurait été déjouée contre le patron de Rheinmetall, qui produit des obus pour l’armée ukrainienne. Des actions qui étaient auparavant cantonnées à la sphère numérique - et donc à une certaine immatérialité - ont aujourd’hui lieu dans le champ matériel. Elles sont dans ce que les militaires appellent le champ cinétique. La stratégie des Russes n’a pas changé de nature, mais ils ont élargi leur spectre de sabotage. En juillet, vous avez eu une série d’incendies en Pologne. Il y a de fortes présomptions qu’ils soient liés à la Russie. En Bulgarie ou à Londres, des dépôts d’armes et de munitions destinées à l’Ukraine ont aussi été ciblés. Mais il y a aussi eu des tentatives de sabotage ratées. En juin 2024, un Russo-Ukrainien s’est blessé alors qu’il fabriquait un engin explosif dans sa chambre d’hôtel à Roissy-en-France. Cet exemple montre que les opérations commanditées sont la plupart du temps extrêmement basiques.

Longtemps, tout a été fait de manière assez artisanale. Cela continue, car Moscou n’a pas forcément les effectifs pour multiplier les attaques sur l’ensemble du continent. On observe d’ailleurs une évolution des stratégies russes. Pour toucher l’Europe de manière massive et coordonnée, les services de renseignement essaient de recruter des tiers via Internet et les messageries instantanées comme Telegram. Les personnes ciblées sont souvent des adolescents, chargés d’effectuer des tâches dont ils ignorent parfois jusqu’au commanditaire, pour quelques centaines d’euros. C’est arrivé cette année au Royaume-Uni. Ce changement de tactique est très préoccupant : il démultiplie le nombre de personnes potentiellement capables de mener des opérations simples pour des sommes très faibles. Leur recrutement est difficile à anticiper et est grandement facilité par les réseaux sociaux.

Sébastien Lecornu évoque des attaques contre les infrastructures électriques. Difficile de ne pas penser à la gigantesque panne qui a touché le nord de l’Espagne et le Portugal en avril…

Aucune attribution russe n’a été confirmée formellement pour cet événement. A priori, la piste d’un problème de surtension et d’un manque de synchronisation du réseau électrique ibérique est privilégiée. Ce qui nous amène à un point d’attention important : ces opérations ne doivent pas laisser oublier que les accidents arrivent. Les erreurs humaines aussi. Les dysfonctionnements ne sont pas les seuls faits des Russes. Il y a quelques années, les cyberattaques qui visaient le continent étaient quasiment automatiquement attribuées à Moscou, ce qui conduisait à une inflation de la menace, et donc à une représentation exagérée de la capacité de nuisance de la Russie.

Aujourd’hui, ce même risque existe de grossir artificiellement leur capacité de nuisance. De montrer le Kremlin plus fort qu’il n’est. Accentuer la paranoïa de nos sociétés sert aussi le régime russe. Quelle que soit l’affaire, il faut attendre les conclusions des enquêtes, toujours vérifier les attributions. C’est une ligne fine : ne surtout pas nier l’ampleur des attaques, sans les exagérer.

Lorsque l’on compile les tentatives d’attaques russes ayant eu lieu sur le continent européen depuis 2022, la France semble particulièrement touchée. Le Royaume-Uni également. Comment l’expliquer ?

Ces attaques ciblent d’abord les pays dont les armées ou le budget militaire sont les plus importants du continent. Parmi eux, on compte la France, le Royaume-Uni, la Pologne, mais aussi désormais l’Allemagne, qui a voté un budget de défense important et est surtout visé par les Russes en raison de la capacité productive de son industrie d’armement. Deux types de pays sont particulièrement la cible des sabotages : d’un côté les pays à proximité directe de la Russie, dans lesquels le Kremlin a intérêt à une certaine déstabilisation pour sécuriser ses frontières ou étendre sa zone d’influence, de l’autre les grandes puissances militaires européennes.

La carte de votre laboratoire est saisissante à cet égard : une quarantaine d’attaques en deux ans, dont la moitié directement orchestrée par le GRU, les services de renseignement russes. La France est le seul pays européen dans ce cas. Pourquoi ?

La France fait partie des cibles les plus importantes. C’est d’ailleurs la grande nouveauté de ces dernières années. Avant la guerre en Ukraine, la France n’était pas une priorité, mais l’est devenu depuis. Pourquoi ? Tout simplement car Paris est une des seules puissances militaires véritablement crédibles de l’Union européenne, sa seule puissance nucléaire, et que nous avons aujourd’hui une diplomatie extrêmement offensive à l’égard de la Russie.

Les pays plus proches de la Russie sont aussi évidemment concernés par l’action de leurs services secrets. Mais ils ont affaire à d’autres unités. L’ancienne URSS est la zone d’action traditionnelle du FSB, et non pas uniquement du GRU. A contrario, la France présente depuis longtemps un intérêt pour ce service. Le GRU a par exemple longtemps eu une base arrière clandestine en Haute-Savoie, active au moins jusqu’à la fin des années 2010.

Les opérations d’ampleur ont pourtant été documentées, notamment en mer Baltique.

En début d’année, plusieurs câbles sous-marins de télécommunication ont été sectionnés entre la Suède et la Lettonie et entre la Finlande et l’Estonie. Les enquêtes sont toujours en cours, mais de forts soupçons relient les Russes à ces événements. Ces câbles font partie des points de vulnérabilité de notre continent. En France, le port de Marseille est en train de devenir un hub mondial des câbles sous-marins. Mais il ne s’agit pas du seul point de vulnérabilité. On peut notamment citer le cas moins médiatisé des data centers, et notamment des IXP, des Internet Exchange Points, des infrastructures où les câbles et les opérateurs viennent s’interconnecter. Ce sont les points névralgiques du réseau.

Quand un câble est sectionné, une seule connexion entre un point A et un point B est interrompue. Si, à l’inverse, vous détruisez ou sabotez l’une des deux extrémités (le point A ou le point B, en l’occurrence), vous avez potentiellement un effet sur une dizaine de câbles et au moins autant d’opérateurs de télécommunication. Vous augmentez donc le risque de perturber significativement la connectivité de la zone. Les Russes le savent parfaitement. Lorsqu’ils ont envahi la Crimée, en 2014, l’une de leurs premières actions a été de couper l’IXP de Simferopol pour déconnecter le réseau du territoire du reste de l’Ukraine. Moscou intègre clairement ces points sensibles dans sa stratégie. Paris est également concerné par ces questions. La Seine-Saint-Denis est aussi une zone extrêmement sensible, car elle concentre une bonne partie des IXP français.

Fin juillet, l’entreprise de construction militaire Naval Group a été visée par un cybercriminel. Il affirmait posséder des données sensibles sur le groupe. Pensez-vous que cela puisse être lié à Moscou ?

Plus qu’un vol de secret, il s’agirait en réalité d’une attaque réputationnelle, ayant pour but de démontrer que le groupe avait des cyberdéfenses faibles. Mais j’ignore s’il s’agit d’une attaque russe, ou d’un tout autre acteur. On retombe sur la question du risque d’attribution trop automatique au Kremlin…

© via REUTERS

Le président russe Vladimir Poutine au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à Tianjin, en Chine.
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Santé de Donald Trump : les folles spéculations qui agitent l’Amérique

Samedi 30 août. Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux s’emballent. Les requêtes liées à la santé du président américain grimpent en tête de Google. La phrase "Where is Donald Trump" (Où est Donald Trump) se hisse dans les tendances de X. A 7 h 48, on comptait quelque 158 000 posts contenant "Trump is dead" (Trump est mort) et 42 000 "Trump died" (Trump mort). Une question prend peu à peu de l’ampleur : et si le président américain allait réellement mal ? Pire, et s’il était vraiment décédé ?

Depuis plusieurs jours, les spéculations se multiplient : l’absence d’apparitions publiques depuis mercredi dernier et son agenda vierge de tout évènement ce week-end alimentent les rumeurs. Pour y mettre fin, Donald Trump a fini par prendre la parole ce dimanche 31 août : "JE NE ME SUIS JAMAIS SENTI AUSSI BIEN DE MA VIE", a-t-il écrit sur son réseau Truth social.

Les rapports médicaux douteux de la Maison-Blanche

Malgré son message sur Truth social, certains internautes demeurent persuadés que la santé de Donald Trump est fragile. En cause : une liste d’éléments concordants. De récentes photos ont notamment montré des ecchymoses prononcées sur la main droite de Donald Trump, puis sur la gauche. Les clichés, pris, entre autres, lors d’un entretien avec le dirigeant sud-coréen, ont réveillé les soupçons sur la santé fragile du président américain. La Maison-Blanche a alors tenté de mettre fin aux rumeurs en déclarant que la prise régulière d’aspirine "dans le cadre d’un régime préventif cardiovasculaire standard" causait ces ecchymoses. Une note du médecin de la Maison-Blanche a également évoqué une insuffisance veineuse chronique en juillet et conclut que le président demeurait en "excellente santé".

L’insuffisance veineuse chronique, rappelle la Maison-Blanche, est fréquente après 70 ans et sans caractère grave lorsqu’elle est suivie. Rien d’extraordinaire, donc, pour un chef d’Etat de 79 ans. Reste que la communication médicale de Donald Trump traîne un passif : en 2015, son médecin personnel écrivait dans une note qu’il était "l’homme ayant la meilleure santé jamais élu président". Le praticien admettra plus tard avoir rédigé ce texte sous la dictée de Donald Trump. De quoi nourrir le scepticisme de ces derniers jours.

J.D. Vance prêt à prendre la tête de la présidence

Jeudi 28 août, une interview a, on ne peut plus, ravivé les braises. Le vice-président J.D. Vance a déclaré à USA Today qu’il était prêt à assumer la présidence si une "terrible tragédie" arrivait. Il assure dans la foulée que Donald Trump a "une énergie incroyable" et est en "excellente santé". Ses mots, censés rassurer, se sont montrés contre-productifs et sont finalement venus appuyer les rumeurs.

Et ce, ajouté au fait que le président n’avait pas été vu publiquement depuis mercredi dernier et que son agenda officiel est vierge. Deux faits qui sont devenus matière à hypothèse. Au cœur de ces rumeurs, une théorie folklorique refait surface : le "Pentagon Pizza Index". Elle stipule que l’augmentation des livraisons de pizza autour du Pentagone annoncerait une crise majeure selon le raisonnement suivant : les employés travaillent plus tard dans le bâtiment et commandent donc des pizzas pour le dîner.

Samedi matin, le président américain réapparaît finalement. Polo blanc, pantalon noir, casquette rouge MAGA, il file vers son parcours de golf en Virginie aux côtés de sa fille Kai. La rumeur retombe d’elle-même.

© afp.com/ANDREW CABALLERO-REYNOLDS

Donald Trump quitte Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025.
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"Kennedy Jr. met en danger tous les Américains" : l'alerte de scientifiques contre le ministre trumpiste

Voilà le dernier épisode de la crise entre les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), organisme national de santé publique, et Robert Kennedy Jr., qui a culminé la semaine dernière avec le limogeage de la directrice de l’agence sanitaire, Susan Monarez par le ministre de la Santé de Donald Trump, moins d’un mois après sa prise de poste.

Dimanche 31 août, deux anciens responsables de cette agence se sont alarmés d’un risque de "destruction" de la santé publique et d’une "idéologisation" des politiques sanitaires. Le sénateur de gauche Bernie Sanders a appelé à la "démission" du ministre.

"Nous avons dirigé les CDC : Kennedy Jr. met en danger la santé de tous les Américains", avertissent neuf ex-cheffes et patrons de l’agence dans une lettre ouverte publiée par le New York Times. Ces responsables, le plus souvent des médecins, ont servi entre 1977 et 2025, du président démocrate Jimmy Carter au républicain Donald Trump. "Le ministre Kennedy a limogé des milliers d’employés fédéraux dans la santé publique, énormément réduit des programmes censés protéger les Américains du cancer, des pathologies cardiaques, des AVC, de la pollution au plomb, des blessures et des violences", écrivent-ils.

"Ce qu’il a fait aux CDC et au système de santé national - surtout en décidant de remercier Susan Monarez de son poste de directrice - ne ressemble à rien de ce que nous avons vu à l’agence et à rien de ce que notre pays a traversé", tonnent encore les experts. "C’est inacceptable et cela devrait alerter tous les Américains, quelles que soient leurs orientations politiques", préviennent les signataires de la lettre, parmi lesquels Tom Frieden qui a servi sous les deux mandats de Barack Obama (2009-2017) et Anne Schuchat, qui avait dirigé les CDC en 2017 et 2018, au début du premier mandat de Donald Trump.

"Des directives non scientifiques et dangereuses"

Cette situation est une première pour l’agence sanitaire. "Lorsque nous étions respectivement en fonction, nous n’étions pas toujours d’accord avec nos dirigeants, mais ils ne nous ont jamais donné une raison de douter du fait qu’ils appuyaient leurs connaissances sur des données scientifiques, ou qu’ils soutenaient le personnel soignant", assurent les signataires. Et les scientifiques de renchérir : "La direction actuelle du ministère suit des règles drastiquement différentes. Le 31 juillet, lorsque le ministre a rencontré le Dr. Monarez, il l’a qualifié 'd’experte de la santé publique aux qualifications incontestables'. Lorsqu’elle a refusé de soutenir ses positions dangereuses et infondées sur les vaccins, le ministre a jugé qu’elle était remplaçable".

Selon ses avocats, Susan Monarez avait refusé "de valider des directives non scientifiques et dangereuses" souhaitées par le ministre Kennedy qui l’avait pourtant choisie un mois plus tôt. Pour remplacer la scientifique, la Maison-Blanche va nommer Jim O’Neill, bras droit de Robert Kennedy Jr. et ex-financier de la tech, comme directeur par intérim, selon le Washington Post.

Susan Monarez bénéficie du soutien plein et entier des anciens directeurs de l’agence sanitaire, qui assurent que les directives formulées par Kennedy Jr. ne sont pas "normales, venant d’un ministre à un directeur de la CDC", et assurent "qu’aucun d’entre eux ne les aurait acceptées".

Dans leur tribune du New York Times, les neuf anciens directeurs des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies rappellent que lorsque l’agence a été créée en 1946, "l’espérance de vie moyenne aux Etats-Unis était de 66 ans". Aujourd’hui, elle se situe autour de 78 ans.

© afp.com/CHIP SOMODEVILLA

Le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr. s'exprime lors d'une réunion à la Maison-Blanche, à Washington DC, le 26 août 2025
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François Bayrou accuse l'Italie de "dumping fiscal", Giorgia Meloni réplique sèchement

Tout est parti d’un simple sujet évoqué ce dimanche 31 août lors d’une interview du Premier ministre accordée à franceinfo, CNews, LCI et BFMTV : la mise en place d’une taxe façon Zucman pour faire davantage contribuer les patrimoines les plus élevés. Un projet soutenu par la gauche, auquel s’oppose fermement François Bayrou. Ce dimanche encore, le chef du gouvernement est resté ferme sur ses positions : selon son raisonnement, notre époque favorise les mouvements de capitaux et de personnes, et les plus fortunés n’hésitent plus à changer de domiciliation pour optimiser leur facture fiscale. Une pensée que le Premier ministre a développé à l’antenne, avant de citer un exemple qui a fait mouche : l’Italie.

François Bayrou vs Giorgia Meloni et Matteo Renzi

"L’Italie mène actuellement une politique de dumping fiscal", a déclaré François Bayrou. La réaction de Giorgia Meloni est quasiment instantanée. Sur le réseau social X, la présidente du Conseil contre l’argumentation française, jugeant ces affirmations "totalement infondées" et "stupéfiantes". Elle martèle que l’attractivité italienne s’explique d’abord par la stabilité politique retrouvée et la crédibilité budgétaire, avant de rappeler que son gouvernement a récemment relevé le ticket d’entrée du régime réservé aux nouveaux arrivants fortunés : ce qui était un forfait annuel de 100 000 euros est désormais porté à 200 000 euros pour les entrants à compter de l’été.

La passe d’armes a continué avec Matteo Renzi, ancien chef démocrate du gouvernement italien : "Celles que Bayrou appelle des politiques de dumping fiscal sont des choix faits par mon gouvernement en 2016. Mon ami François semble ne pas être informé, a-t-il écrit sur le réseau social X. Ce n’est pas l’Italie qui pratique le dumping. Il serait souhaitable que le gouvernement français sache distinguer les alliés des ennemis."

3 600 nouveaux millionnaires en Italie d’ici la fin de l’année

Au cœur de cette querelle : la loi de finances italienne de 2017 qui a introduit un régime destiné aux "nouveaux résidents". Entre autres, l’article 24-bis permet de substituer aux impôts dus sur les revenus de source étrangère un prélèvement forfaitaire unique : 100 000 euros par an pendant quinze ans. Le mécanisme s’étend aux proches qui suivent, moyennant 25 000 euros chacun. S’y ajoute une particularité patrimoniale décisive : tant que l’option est en cours, les droits de succession et de donation ne s’appliquent qu’aux actifs situés en Italie. Autrement dit, la base fiscale mondiale est neutralisée pour ce qui est perçu hors d’Italie. Cet été, Rome a durci ce dispositif à la marge. Le décret du 7 août a doublé à 200 000 euros le forfait annuel pour les nouveaux entrants.

Les données disponibles montrent que des conséquences ont suivi la mise en place de cette loi budgétaire. Depuis 2017, un peu plus d’un millier de contribuables à très hauts revenus ont déplacé leur résidence fiscale vers l’Italie en activant ce forfait. Parmi eux, des dirigeants d’entreprises et des figures de la finance. En plus, le Henley Private Wealth Report 2025 anticipe une nouvelle salve d’arrivées : l’Italie pourrait accueillir 3 600 nouveaux millionnaires d’ici la fin de l’année. De quoi alimenter les craintes du gouvernement français.

Les relations étaient déjà tendues entre les deux pays. Le 21 août, le Quai d’Orsay a convoqué l’ambassadrice d’Italie à Paris après des invectives de Matteo Salvini contre Emmanuel Macron. Le leader de la Lega avait notamment affirmé que, si des soldats européens devaient un jour être déployés en Ukraine après un cessez-le-feu, le chef de l’Etat français n’avait qu’à "s’y rendre lui-même", casque et fusil en main. Matteo Salvini a depuis ironisé sur la "susceptibilité" du président français.

L’épisode s’ajoute à une série d’attaques de l’Italien, hostile à l’immigration et proche de Marine Le Pen, qui dès mars, avait dépeint le président français en fauteur d’escalade avec la Russie. Giorgia Meloni, elle, n’a pas souhaité commenter ces propos. Un silence qui en dit long sur la position de l’Italie.

© afp.com/Alberto PIZZOLI

La Première ministre italienne Giorgia Meloni, le 3 juin 2025 à Rome.
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Records de chaleur au Japon et en Corée du Sud : l’Asie face à la réalité du changement climatique

Cet été, la canicule a frappé la France à deux reprises. Cette vague de chaleur n’a pas épargné l’Asie. Au Japon, entre juin et août la température moyenne, "a été supérieure de 2,36 °C à la valeur moyenne, ce qui en fait l’été le plus chaud depuis le début des relevés en 1898", selon l’Agence météorologique japonaise (JMA). "C’était le troisième été consécutif avec des températures record", a ajouté la JMA.

Au cours de la même période, en Corée du Sud, la température moyenne était de 25,7 °C, "la plus élevée depuis le début de la collecte des données, en 1973", a déclaré l’Administration météorologique coréenne dans un communiqué publié ce lundi 1er septembre. Le précédent record pour la même période y était de 25,6 °C, établi l’année dernière.

Au Japon, la chaleur torride a conduit à l’hospitalisation de quelque 84 521 personnes dans tout le pays entre le 1er mai et le 24 août dernier. Une légère augmentation par rapport aux 83 414 personnes hospitalisées pendant la même période en 2024, selon l’Agence de gestion des incendies et des catastrophes.

"Tout cela est dû à l’homme"

A Tokyo, Masao Nakano, un adepte du jogging de 80 ans, a déclaré à l’AFP qu’il regrettait le bon vieux temps où il pouvait simplement "sortir, arroser la rue et sentir l’air frais". Nakano affirme avoir survécu à cet été caniculaire en s’entraînant dans une salle de sport et en faisant du jogging pour se préparer à un marathon."C’est fou ! Tout cela est dû à l’homme, n’est-ce pas ? Toutes ces climatisations et cette production d’électricité", s’est interrogé l’octogénaire.

En raison des températures plus chaudes, les cerisiers japonais, emblématiques de l’archipel, fleurissent désormais plus tôt au printemps, voire ne fleurissent pas complètement, les automnes et les hivers n’étant pas assez froids pour déclencher la floraison.

Aussi, l’emblématique calotte neigeuse du mont Fuji n’est apparue l’an dernier que début novembre, contre début octobre en moyenne. Le réchauffement climatique est l’un des nombreux facteurs à l’origine de la lenteur de l’enneigement.

Sécheresse en Corée du Sud

De son côté, la Corée du Sud fait face à une sécheresse prolongée qui a frappé la ville côtière de Gangneung, dans le nord-ouest du pays. Un état de catastrophe nationale a été déclaré dans cette ville de 200 000 habitants après des semaines sans précipitations tandis que les autorités ont imposé des restrictions drastiques à l’utilisation de l’eau par les particuliers.

Selon les scientifiques, les vagues de chaleur sont de plus en plus intenses et fréquentes dans le monde entier en raison du changement climatique causé par l’homme. Mais la vitesse de l’augmentation des températures n’est pas uniforme à travers le monde. Selon les données mondiales de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), l’Europe est le continent qui a connu le réchauffement le plus rapide par décennie depuis 1990, suivi par l’Asie.

Le mois dernier, les Nations unies ont averti que la hausse des températures mondiales avait un impact de plus en plus néfaste sur la santé des travailleurs et qu’elle affectait également la productivité, qui diminuerait ainsi de 2 à 3 % pour chaque degré au-dessus de 20 °C.

© Philip Fong/AFP

Une femme se protège du soleil à l'aide d'une ombrelle, Tokyo, le 1er septembre 2025.
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Des soldats de la paix chinois en Ukraine ? Cette idée de la Russie reprise par Donald Trump

Alors que Donald Trump se démène depuis plusieurs mois pour trouver une issue au conflit entre la Russie et l’Ukraine, le président américain aurait proposé de déployer des troupes chinoises comme Casques bleus dans l’Ukraine d’après-guerre, soutenant ainsi une idée initialement avancée par Vladimir Poutine, affirme le Financial Times.

D’après le média britannique, le locataire de la Maison-Blanche a évoqué cette piste lors d’une réunion avec les dirigeants européens et le président ukrainien le 18 août dernier, à Washington. Ces troupes chinoises auraient alors pour mission de surveiller une zone neutre le long des 1 300 kilomètres de front ukrainien dans le cadre d’un accord de paix avec la Russie, selon quatre sources informées des discussions. "C’est faux", a contesté un haut responsable de l’administration Trump, ajoutant qu’il n’y avait eu "aucune discussion sur les Casques bleus chinois".

Cette idée, déjà évoquée par le passé, a été rejetée par les capitales européennes et par Volodymyr Zelensky, du fait du soutien crucial que Pékin apporte à l’effort de guerre russe. "Pourquoi la Chine n’est-elle pas incluse dans les garanties ? Premièrement, elle ne nous a pas aidés à mettre fin à cette guerre dès le début. Deuxièmement, elle a aidé la Russie en ouvrant le marché des drones, et n’a rien fait lors de l’occupation de la Crimée", a déclaré ce mois-ci le dirigeant ukrainien, ajoutant : "Nous n’avons pas besoin de garants qui n’aident pas l’Ukraine".

La Chine veut jouer un "rôle constructif"

Au printemps 2022, les représentants russes avaient été les premiers à évoquer l’idée de soldats de la paix chinois, lors des premières négociations entre la Russie et l’Ukraine à Istanbul. Leur proposition de l’époque stipulait que les "États garants" signataires d’un futur traité de paix – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie – prendraient la défense de l’Ukraine en cas de nouvelle attaque contre le pays. Mais cet arrangement était vu d’un mauvais œil par l’Ukraine, car la Russie proposait que tous les États garants valident ensemble les réponses apportées, ce qui aurait permis à Vladimir Poutine d’exercer un droit de veto sur toute intervention militaire. Volodymyr Zelensky, dans tous les cas, a abandonné ces négociations après que ses troupes ont repoussé les Russes hors de la région de Kiev et découvert des preuves de crimes de guerre dans des villes au nord de la capitale.

La Chine, de son côté, s’est déclarée ouverte à jouer un "rôle constructif" dans la résolution du conflit, alors que la Russie a récemment suggéré, de nouveau, que Pékin pourrait être l’un des garants de la sécurité ukrainienne dans le cadre d’un accord de paix. Le ministère chinois des Affaires étrangères a toutefois déclaré cette semaine que les informations des médias selon lesquelles Pékin aurait proposé de participer à une force de maintien de la paix pour l’Ukraine étaient "fausses".

La question des garanties de sécurité pour l’Ukraine en cas d’accord de cessez-le-feu, et notamment l’envoi de soldats destinés à garantir la paix, fait actuellement l’objet de discussions intenses entre les États-Unis, l’Ukraine et les soutiens européens de Kiev. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé ce dimanche dans une interview au Financial Times qu’il existait une "feuille de route claire" pour d’éventuels déploiements, "les garanties de sécurité [étant] primordiales et absolument cruciales".

© REUTERS

Des soldats des forces chinoises de maintien de la paix participent à un entraînement avant le défilé militaire organisé à Pékin, en Chine, le 20 août 2025, pour marquer le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.
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La Russie soupçonnée d’être derrière le brouillage GPS de l’avion d’Ursula von der Leyen

L'avion à bord duquel voyageait la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a été victime d'un "brouillage GPS", fréquents dans cette partie d'Europe de l'Est, à son arrivée en Bulgarie dimanche a annoncé son équipe, affirmant que la Russie était soupçonnée d'être derrière cet acte. "Nous pouvons confirmer qu'il y a eu brouillage GPS", a déclaré lundi 1er septembre une porte-parole de la cheffe de l'exécutif européen, Arianna Podesta. "Les autorités bulgares nous ont informés qu'elles soupçonnaient que cela était dû à une ingérence flagrante de la Russie", a-t-elle ajouté. L'avion a atterri "sans difficulté" en Bulgarie.

"Nous sommes bien sûr conscients, et habitués d'une certaine manière, aux menaces et intimidations qui font partie intégrante du comportement hostile de la Russie", a affirmé Arianna Podesta. Et l'exécutif européen de rappeler que ce type d'incident était récurrent en Europe de l'Est.

La présidente de la Commission a entamé vendredi une tournée des pays de l'UE frontaliers ou situés non loin du Bélarus et de la Russie pour faire part de la "pleine solidarité" de l'UE à leur égard. Son déplacement en Bulgarie a eu lieu dimanche, après des étapes en Lettonie, en Finlande, en Estonie et en Pologne.

"Le signal GPS a disparu"

"Lors de l'approche pour l'atterrissage à l'aéroport de Plovdiv, le signal GPS a disparu", a indiqué le gouvernement bulgare. "Afin d'assurer la sécurité du vol, les services de contrôle aérien ont immédiatement proposé une approche alternative pour l'atterrissage à l'aide de moyens de navigation terrestres", a-t-il précisé.

En Bulgarie, Ursula von der Leyen a visité une usine de munitions destinées à l'Ukraine et à renforcer la sécurité du continent européen. Elle est ce lundi en Lituanie.

Les Européens cherchent par tous les moyens à peser dans les discussions sur la sécurité de l'Ukraine et du Vieux continent. D'intenses tractations sont en cours parmi les alliés de Kiev pour déterminer quel type de garanties de sécurité lui offrir en cas d'accord de paix avec Moscou afin de prévenir toute nouvelle attaque russe sur ce pays.

Celles-ci se sont nettement accélérées depuis le sommet du 15 août entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska. Qui a été suivi d'une réunion à la Maison-Blanche entre le président américain, son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et sept dirigeants européens.

La semaine dernière, des bureaux de l'Union européenne à Kiev avaient été endommagés par des frappes russes. La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas avait annoncé convoquer l'ambassadeur russe dans la foulée.

© afp.com/Nicolas TUCAT

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 7 avril 2025 à Bruxelles
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Ukraine : après le meurtre de l’ex-président du Parlement, les soupçons se portent sur la Russie

C’était une figure importante de la révolution pro-européenne du Maïdan en 2014. Alors que l’ancien président du Parlement ukrainien, Andrïï Paroubiy, a été tué par balle samedi 30 août dans l’ouest du pays, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé ce lundi l’arrestation de l’auteur présumé de l’assassinat. Ce dernier a été interpellé dans la région de Khmelnytsky, entre Lviv et Kiev, à l’issue d’une opération qui a mobilisé "des dizaines" de membres des forces de sécurité, a précisé le ministre de l’Intérieur, Igor Klymenko.

Ce responsable a souligné que l’assassinat avait été "minutieusement préparé" et indiqué que davantage de détails seraient livrés par la police ultérieurement. "Nous savons que ce crime n’est pas accidentel. La Russie est impliquée. Chacun devra répondre de ses actes devant la loi", a d’ores et déjà annoncé le chef de la police, Ivan Vyhovskyi, sur sa page Facebook. Volodymyr Zelensky, lui, a assuré sur les réseaux sociaux que les investigations se poursuivaient et a remercié les enquêteurs pour leur "travail rapide et coordonné".

Un tireur à vélo électrique

Samedi, vers midi, la police "a reçu un signalement concernant une fusillade" dans le quartier de Frankivsk, dans le sud de Lviv, grande ville de l’ouest de l’Ukraine, peut-on lire sur le fil Telegram de la police nationale ukrainienne. La victime, "décédée sur le coup", a été identifiée quelques heures après : Andrïï Paroubiy a reçu huit balles dans le corps, par un homme habillé en livreur et qui conduisait un vélo électrique, selon le média audiovisuel public ukrainien Suspilné. Le tireur s’est par la suite enfui, avant d’être retrouvé lundi, donc.

Historien de formation, Andrïï Paroubiy avait cofondé dans les années 1990 le parti d’extrême droite Svoboda, avant de rejoindre la droite pro-européenne et d’être élu pour la première fois au Parlement en 2007. Il était notamment connu pour son rôle dans les grands mouvements pro-européens en Ukraine, d’abord la "révolution orange" de 2004, puis celle du Maïdan en 2014, où il avait été "commandant" des groupes d’auto-défense lors des manifestations réprimées dans le sang. Ce mouvement avait forcé le président prorusse Viktor Ianoukovitch à quitter le pouvoir pour fuir vers la Russie, en 2014.

Tentative d’assassinat en 2019

La même année, Andriï Paroubiy avait survécu à une tentative d’assassinat perpétrée à l’aide d’une grenade de combat, selon les médias ukrainiens. Celui qui était devenu président du Parlement européen de 2016 à 2019, puis député, était depuis placé sur la liste des personnes recherchées par les autorités russes.

L’annonce de sa mort a suscité une pluie d’hommages de responsables ukrainiens. La Première ministre Ioulia Svyrydenko a salué la mémoire d'"un patriote" qui a "apporté une grande contribution à la formation de notre État". Une autre figure du Maïdan, Moustafa Naïem, a salué auprès de l’AFP "l’humanisme" d’un responsable qui s’est battu pour "des questions importantes". L’ancien président Petro Porochenko a lui affirmé que le décès d’Andriï Paroubiy était un "tir en plein cœur de l’Ukraine", dénonçant "un acte de terreur".

© afp.com/Sergei SUPINSKY

Photo d'archives du 22 mai 2019 montrant Andriï Paroubiy, alors président du parlement ukrainien, qui s'exprime devant ses collègues à Kiev
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Population déplacée et "villes IA" : ce que prévoit le plan américain pour l’après-guerre à Gaza

La proposition semblait folle, mais elle serait toujours d’actualité. Alors qu’en février dernier Donald Trump avait imaginé que la bande de Gaza pourrait devenir la "Côte d'Azur du Moyen-Orient", suscitant de vives critiques y compris parmi ses alliés, son projet circulerait encore au sein de son administration, en témoigne un rapport de 38 pages révélé par le Washington Post.

Selon le document, les Etats-Unis prendraient le contrôle de l’enclave, sous la forme d’une curatelle, pour au moins dix ans, le temps d’atteindre l’objectif de faire naître une Riviera de luxe et de constituer une "entité palestinienne réformée et déradicalisée", est-il précisé. Les deux millions d’habitants de Gaza, eux, seraient incités à partir vers d’autres pays ou dans des zones sécurisées à l’intérieur du territoire dévasté par près de deux ans de guerre, le temps de sa reconstruction.

Des jetons numériques

Pour les "motiver", les Etats-Unis prévoient d’offrir à chaque Palestinien choisissant de quitter le pays une indemnité de 5 000 dollars et des subventions pour couvrir quatre années de loyer ailleurs, ainsi qu’une année de nourriture. De leur côté, les propriétaires fonciers bénéficieraient de "jetons numériques" en échange du droit de réaménager leur propriété, servant à financer une nouvelle vie ailleurs ou, à terme, à acheter un appartement dans l’une des six à huit nouvelles "villes intelligentes alimentées par l’IA" qui seront construites à Gaza, indique le document. Des usines de voitures électriques, des centres de données ou des hôtels y seraient également financés par des investissements publics et privés.

D’après ce plan, baptisé "Great Trust", chaque départ individuel de Gaza permettrait d’économiser 23 000 dollars, comparé au coût des logements temporaires et des services de "maintien en vie" dans les zones sécurisées pour ceux qui restent. Ce projet a été élaboré par certains des mêmes Israéliens qui ont créé et mis en place la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), une organisation soutenue par les États-Unis et Israël qui distribue aujourd’hui de la nourriture dans l’enclave, accusée par plusieurs ONG de violer le droit humanitaire en servant les objectifs de Tsahal.

Un "plan très complet"

Mercredi 27 août, Donald Trump a tenu une réunion à la Maison-Blanche pour discuter des solutions pour mettre fin à la guerre, qui approche maintenant de ses deux ans. Parmi les participants figuraient le secrétaire d’État Marco Rubio et l’envoyé spécial du président, Steve Witkoff ; l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, dont l’administration a sollicité les vues sur l’avenir de Gaza, ou encore le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, qui a piloté une grande partie des initiatives du président au Moyen-Orient durant son premier mandat et possède d’importants intérêts privés dans la région. Aucun compte rendu de la réunion ni aucune décision politique n’ont été annoncés, mais Steve Witkoff avait déclaré la veille que l’administration disposait d’un "plan très complet".

Si le Washington Post précise qu’il n’est pas possible, pour l’heure, de déterminer si la proposition détaillée et exhaustive du "Great Trust" correspond bien à ce que Donald Trump a en tête, deux personnes au courant du dossier ont affirmé au média américain que les principaux éléments du projet ont été spécifiquement conçus pour concrétiser la vision du président d’une "Riviera du Moyen-Orient".

© afp.com/Eyad BABA

Des Palestiniens fuyant la ville de Gaza vers le sud du territoire palestinien à Nousseirat (centre), le 28 août 2025
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Guerre en Ukraine : Vladimir Poutine défend son offensive et blâme l'Occident

Deux semaines après une réunion à la Maison-Blanche entre Donald Trump et plusieurs dirigeants européens, dont Volodymyr Zelensky, à l'issue de laquelle le président américain avait annoncé un futur sommet entre le président ukrainien et Vladimir Poutine, une telle rencontre semble de moins en moins probable. Washington assure toutefois continuer à travailler pour "arrêter la guerre". Selon le président russe, celle-ci a été déclenché par "un coup d'Etat en Ukraine, qui a été soutenu et provoqué par l'Occident" : s'exprimant ce lundi 1er septembre lors d'un sommet régional en Chine, le maître du Kremlin a défendu son offensive, rejetant toute responsabilité pour dénoncer plutôt "les tentatives constantes de l'Occident pour attirer l'Ukraine dans l'Otan".

Les infos à retenir

⇒ Vladimir Poutine défend l'offensive en l'Ukraine et blâme l'Occident

⇒ Un suspect arrêté après le meurtre de l'ex-président du Parlement ukrainien

⇒ La Russie et l'Ukraine poursuivent leurs attaques

Vladimir Poutine défend l'offensive en l'Ukraine et blâme l'Occident

Le président russe a défendu lundi son offensive en Ukraine, accusant une nouvelle fois l'Occident d'avoir déclenché le conflit, lors d'un sommet organisé par Pékin à Tianjin, en Chine. "Cette crise n'a pas été déclenchée par l'attaque de la Russie en Ukraine, elle est le résultat d'un coup d'Etat en Ukraine, qui a été soutenu et provoqué par l'Occident", a déclaré Vladimir Poutine lors d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Cette déclaration fait référence aux mouvements pro-européens du Maïdan en Ukraine, qui ont forcé le président prorusse du pays à quitter le pouvoir en 2014.

"Pour que le règlement de la crise ukrainienne soit durable et à long terme, il faut s'attaquer aux causes profondes de la crise", a-t-il ajouté, répétant qu'une partie de l'origine du conflit "réside dans les tentatives continues de l'Occident d'intégrer l'Ukraine dans l'Otan".

Deux semaines après avoir rencontré Donald Trump en Alaska, Vladimir Poutine a par ailleurs déclaré que les "accords" conclus avec le président américain avaient ouvert la voie à la paix en Ukraine, sujet qu'il aborderait avec les dirigeants participant au sommet régional en Chine. Il a indiqué avoir déjà détaillé dimanche au président chinois Xi Jinping les résultats de ses discussions avec Donald Trump et le travail "déjà en cours" pour résoudre le conflit, et précisé qu'il fournirait plus de détails lors de réunions bilatérales avec le dirigeant chinois et d'autres dirigeants. "Nous apprécions grandement les efforts et les propositions de la Chine et de l'Inde visant à faciliter la résolution de la crise ukrainienne", a encore déclaré le président russe.

Les attaques de drones russes sur l'Ukraine ont diminué en août

Les frappes russes sur l'Ukraine de drones à longue portée ont baissé d'un tiers en août par rapport à juillet, selon une analyse de l'AFP réalisée ce lundi, sur fond d'intenses efforts diplomatiques pour mettre fin à l'invasion russe qui restent néanmoins infructueux.

Selon l'analyse par l'AFP des rapports quotidiens de l'armée de l'air ukrainienne, la Russie a tiré un total de 4 132 drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine en août, une baisse de 34 % par rapport à juillet. Malgré cette diminution, les bombardements russes restent meurtriers, causant de nombreuses victimes parmi les civils. Ces rapports militaires restent cependant "indicatifs" et n'incluent le plus souvent que les attaques nocturnes, a indiqué à l'AFP l'armée de l'air, selon laquelle le nombre global de drones à longue portée utilisés par l'armée russe est sans doute un peu plus élevé.

Une rencontre entre Zelensky et des "dirigeants européens" prévue à Paris jeudi

Une rencontre entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et plusieurs "dirigeants européens" est prévue jeudi à Paris, a annoncé lundi à l'AFP une source politique européenne alors que les efforts de Washington pour mettre fin à l'invasion russe de l'Ukraine semblent bloqués. "Une telle rencontre est prévue" pour discuter des garanties de sécurité pour l'Ukraine "et pour faire avancer la diplomatie parce que les Russes" font traîner les choses "à nouveau", a indiqué à l'AFP cette source sous le couvert de l'anonymat.

Un suspect arrêté après le meurtre de l'ex-président du Parlement ukrainien

Le président ukrainien a annoncé lundi l'arrestation de l'auteur présumé de l'assassinat de l'ex-président du Parlement Andriï Paroubiy, survenu samedi dans l'ouest du pays. Le suspect a été interpellé dans la région de Khmelnytsky, entre Lviv et Kiev, à l'issue d'une opération qui a mobilisé "des dizaines" de membres des forces de sécurité, a précisé le ministre de l'Intérieur, Igor Klymenko. Volodymyr Zelensky a assuré sur les réseaux sociaux que les investigations se poursuivaient et a remercié les enquêteurs pour leur "travail rapide et coordonné".

Andriï Paroubiy, 54 ans, était une figure de la révolution pro-européenne du Maïdan et avait été président du Parlement ukrainien, la Rada, de 2016 à 2019. Il a été tué par balle samedi à Lviv, un assassinat que le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a imputé à demi-mot à la Russie.

Andriï Paroubiy est notamment connu pour son rôle dans les grands mouvements pro-européens en Ukraine, d'abord la "révolution orange" de 2004, puis celle du Maïdan en 2014. Il avait été "commandant" des groupes d'auto-défense lors des manifestations du Maïdan, réprimées dans le sang. Ce mouvement avait forcé le président prorusse Viktor Ianoukovitch à quitter le pouvoir pour fuir vers la Russie en 2014.

Ukraine : un couple meurt dans une frappe russe sur sa maison

Un couple a trouvé la mort dans une frappe russe sur sa maison dans la région de Zaporijjia, a annoncé l'administration militaire locale tôt lundi. "Les Russes ont attaqué le village d'Omelnyk avec des bombes guidées. Des maisons ont été détruites. Dans l'une d'elles, un couple a trouvé la mort", a indiqué le responsable de la région militaire de Zaporijia, Ivan Fedorov, précisant que l'homme avait 64 ans. L'Ukraine est quotidiennement la cible de frappes nocturnes russes. Celles-ci avaient fait 25 morts dont quatre enfants dans la nuit de mercredi à jeudi à Kiev.

En parallèle, plusieurs régions du sud et du sud-ouest de la Russie ont été placées en alerte aérienne pendant plusieurs heures au cours de la nuit, selon les informations publiées sur les chaînes Telegram officielles des régions en question. La chute de débris provenant d'un drone ukrainien détruit a provoqué un incendie dans une sous-station électrique de la ville de Kropotkin, qui a été rapidement éteint, a déclaré lundi l'administration de la région de Krasnodar, dans le sud de la Russie.

© via REUTERS

Le président russe Vladimir Poutine au sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à Tianjin, en Chine.
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Fabien Mandon, nouveau chef d’état-major des armées : ces défis brûlants qui l'attendent

Les derniers jours d’août, il a multiplié les allers-retours entre l’Elysée et le siège des armées, afin d’être parfaitement au point au moment de prendre ses fonctions de chef d’état-major des armées (CEMA), ce lundi 1er septembre. Tout en assurant jusqu’au bout ses responsabilités de chef d’état-major particulier du président, le général Fabien Mandon a pris la mesure des responsabilités qui l’attendent en tant que premier militaire de France, auprès de celui qu’il va remplacer, Thierry Burkhard. Ce dernier lui a détaillé les sujets en cours et les décisions qu’il y aura prochainement à prendre.

Les premiers déplacements du nouveau CEMA devraient être consacrés aux troupes qu’il dirige, comme le veut l’usage – la France compte 200 000 militaires et 40 000 réservistes. En plus d’une visite aux soldats de l’opération Sentinelle, il devrait se rendre auprès d’unités à l’étranger. Passé cette première séquence, il va devoir faire avancer les nombreux dossiers empilés sur son bureau. Avec un avantage : il les connaît déjà très bien, pour avoir officié comme premier collaborateur militaire d’Emmanuel Macron les deux dernières années.

Sur le plan international, il va continuer à mener, avec son homologue britannique, les consultations régulières de la "coalition des volontaires" regroupant une trentaine de pays alliés de l’Ukraine. Si la France est prête à engager des troupes sur le terrain pour apporter des garanties de sécurité à l’Ukraine, d’autres se montrent frileux, ou n’envisagent qu’une aide à distance. Ces derniers jours, au siège de Balard, dans le XVe arrondissement de Paris, on se satisfaisait d’une bonne nouvelle : Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis, tout en refusant d’envoyer des soldats, pourraient fournir un soutien, notamment aérien, à Kiev, en cas de cessez-le-feu et de présence militaire occidentale au sol. Pour certains alliés, c’est un préalable à toute participation.

Sur le plan national, ce n’est pas moins compliqué. Le CEMA risque de voir la question budgétaire se corser avec la chute possible du gouvernement, le 8 septembre – le Premier ministre, François Bayrou, a appelé un vote de confiance ce jour-là à l’Assemblée nationale. Lors de son discours aux armées du 13 juillet, Emmanuel Macron, en insistant sur le fait que "jamais, depuis 1945, la liberté n’avait été si menacée", a appelé à un effort financier supplémentaire de 3,5 milliards d’euros en 2026 au profit de la défense et de 3 milliards en 2027. L’instabilité politique pourrait remettre en cause cette exigence présidentielle à laquelle Matignon a souscrit.

"Le respect intégral de la loi de programmation militaire 2024-2030 et des augmentations annoncées par le président sont impératives pour passer les contrats avec les industriels et tenir ensuite les engagements annoncés, explique le général (2S) Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale. Il en va de notre propre sécurité, les menaces ne cessent de croître, la guerre hybride menée par la Russie est une réalité et continue de s’amplifier." Ces augmentations doivent permettre d’accélérer la modernisation des outils militaires et de tenir la promesse collective, à l’Otan, d’une hausse de la part de PIB consacré à la défense à 3,5 % d’ici 2035.

Si le prochain projet de loi de finances passe sans encombre, le CEMA pourra plus aisément mettre en place un nouveau format d’engagement : le service militaire volontaire (SMV). Le président y tient particulièrement et devrait donner "[ses] orientations et [ses] réflexions en ce sens à l’automne", comme il l’a indiqué lors de son discours de juillet. "On ne peut plus se reposer sur le modèle décidé à la fin des années 1990, quand Jacques Chirac a mis un terme à la conscription au profit d’une armée de professionnels, estime Jérôme Pellistrandi. Plus largement, il y a un travail à mener autour du recrutement sous toutes ses formes."

Sur ce sujet, le défi consiste à trouver la meilleure utilisation possible des réservistes – l’objectif est de 80 000 en 2030 contre moins de 50 000 actuellement – et de ces volontaires qui s’engageraient pour une année. Selon nos informations, les forces terrestres envisagent l’accueil de 10 000 jeunes faisant leur SMV par an. Cette armée plus "mixte", dont le modèle reste à trouver, pourrait être l’un des legs importants du mandat qui s’ouvre pour le général Mandon.

© afp.com/Ludovic MARIN

Le général Fabien Mandon succède comme chef d'état-major des armées au le général Thierry Burkhard (à droite), ici à la sortie du Conseil des ministres à l'Élysée, le 3 juillet 2024 à Paris.
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Etats-Unis - Russie : avant Trump et Poutine, le réchauffement fragile entre Kennedy et Khrouchtchev

L’image est désormais l’une des plus connues de l’histoire. Winston Churchill, le Premier ministre britannique, Franklin Roosevelt, le président des Etats-Unis, et Joseph Staline, à la tête de l’URSS, assis côte à côte. Ce 4 février 1945, les trois dirigeants sont réunis pour décider d’une stratégie pour mettre fin à la Seconde guerre mondiale.

Mais au-delà de ce qui sera décidé lors de la conférence de Yalta, c’est la proximité entre l’Américain et le Russe qui est remarquable. Qui aurait pu imaginer voir collaborer ces chefs de deux Etats que tout oppose ? La relation entre les deux hommes a été clé dans la résolution de la guerre, et reste dans les livres d’histoire l’exemple des liens qui ont pu exister entre la Russie et les Etats Unis.

Les tandems de dirigeants qui vont leur succéder seront désormais toujours comparés à Staline et Roosevelt, alors que les relations russo-américaines sont cruciales pour la diplomatie internationale.

Dans cette série, La Loupe brosse ainsi les portraits de quatre binômes et de leur influence, avec Andrei Kozovoï, professeur à l’Université de Lille, spécialiste des relations internationales, auteur de Les services secrets russes, des tsars à Poutine (Tallandier). Episode 1 : Nikita Khrouchtchev et John F. Kennedy.

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Cet épisode a été écrit et présenté par Charlotte Baris et réalisé par Jules Krot.

Crédit : INA, JFK Library, C-Span

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Pour aller plus loin :

Nina Khrouchtcheva : "Mon grand-père aurait dit à Poutine de négocier avec les Américains"

Kennedy et Sinatra : une bromance épique, une rupture fracassante

1962 : le téléphone rouge, par Jean-Jacques Servan-Schreiber

© afp.com/-

Le leader de l'Union soviétique Nikita Khrouchtchev rencontre le président américain John Fitzgeral Kennedy devant l'ambassade des Etats-Unis à Vienne, en Autriche, le 3 juin 1961.
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"A ce stade, on ne peut pas faire face" : comment l'industrie de défense russe menace l’Europe

En ce début août, en pleines discussions diplomatiques autour d’un éventuel accord de paix en Ukraine, le char T-72 trace sa route sur le terrain d’entraînement du célèbre fabricant russe Uralvagonzavod, à Nijni Taguil, dans l’Oural. Dans une vidéo publiée par son constructeur, l’engin, fraîchement sorti d’usine, enchaîne les manœuvres au son d’un rock survolté : tir en roulant, traversée d’un bassin d’eau, demi-tour dans le sable… A ceci près qu’il s’agit-là d’une version dépoussiérée de ce blindé datant de l’ère soviétique, dotée de toute une panoplie d’améliorations comprenant un nouveau canon, un blindage renforcé, ou des filets anti-drones. "Le T-72 possède un potentiel de modernisation véritablement inépuisable et continue à être perfectionné en tenant compte de son utilisation au combat dans le cadre de l’opération militaire spéciale" en Ukraine, vante son constructeur sur sa chaîne Telegram. Plus d’un demi-siècle après sa mise en service, ce tank figure toujours en bonne place sur les chaînes de montage russes. Rien qu’en 2024, environ 200 modèles auraient, selon les estimations, été remis à neuf pour alimenter l’effort de guerre.

La même année, les Russes auraient en outre produit entre 250 et 300 nouveaux chars T-90, un modèle lancé après la chute de l’URSS et, lui aussi, grandement mis à contribution sur le champ de bataille. C’est quatre à cinq fois plus que la soixantaine d’unités sorties d’usine deux ans plus tôt, lors de la première année du conflit. "A la différence des Etats européens qui en ont parlé sans réellement le faire, la Russie est passée en économie de guerre, résume Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, aujourd’hui chercheur à l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Son outil industriel a été pleinement mobilisé ces dernières années, et il tourne aujourd’hui à plein régime pour soutenir l’offensive en Ukraine." Et la tendance ne semble pas près de s’inverser. Dans un document déclassifié daté d’avril, le général Christopher Cavoli, alors commandant suprême des forces alliées en Europe, avait estimé que la Russie pourrait cette année atteindre une production astronomique de 1 500 chars – contre autour de 135 pour les Etats-Unis – auxquels s’ajouteraient 3 000 véhicules blindés.

Moscou a donné un sérieux coup de fouet donné à son complexe militaro-industriel en ouvrant en grand les cordons de la Bourse. Depuis le début de son invasion de l’Ukraine, son budget de défense a quasiment doublé, se hissant de 86,4 milliards de dollars en 2022 à plus de 160 en 2025. Soit, avec 7,2 % du PIB, un montant supérieur aux dépenses combinées de l’éducation, la santé, la politique sociale et le soutien à l’économie nationale. Après être passées en trois-huit, sept jours sur sept, dès la première année de guerre, nombre d’usines ont agrandi leurs installations ou créé de nouveaux sites de production. Et recruté à tour de bras pour faire tourner cette machine infernale. Deux ans et demi après le début du conflit, le gouvernement avait revendiqué la création de 700 000 postes dans l’industrie de défense, faisant de ce secteur l’un des plus gros employeurs du pays, avec plus de 3,8 millions de travailleurs.

"L’Europe n’est pas prête à faire face"

Dans les capitales européennes, on regarde cette montée en puissance d’un œil plus qu’inquiet. "Un pays qui investit 40 % de son budget dans de tels équipements, qui a mobilisé une armée de plus de 1,3 million d’hommes, ne reviendra pas à un état de paix et un système démocratique ouvert du jour au lendemain", a diagnostiqué cet été Emmanuel Macron sur LCI, l’air sombre, en marge d’une réunion entre les Européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump à la Maison-Blanche. "L’ogre" russe, qui s’est doté en quelques années d’un arsenal impressionnant, constitue plus que jamais une menace pour le Vieux Continent. "Lorsque la guerre prendra fin, la Russie sera lourdement armée, avec une production accrue, une économie militarisée, et des forces ayant tiré les leçons de l’invasion de l’Ukraine, insiste Kateryna Bondar, chercheuse au Center for Strategic and International Studies (CSIS). A ce stade, l’Europe n’est absolument pas prête à faire face."

Des troupes russes et biélorusses participant à l'exercice militaire Zapad-2021 dans la région de Brest en Biélorussie le 14 septembre 2021
Des troupes russes et biélorusses participant à l'exercice militaire Zapad-2021 dans la région de Brest en Biélorussie le 14 septembre 2021

Quelques jours avant le dernier sommet de l’Alliance Atlantique en juin – où ses membres ont accepté de porter leurs dépenses de défense et de sécurité à 5 % du PIB d’ici 2035 – son secrétaire général, Mark Rutte, avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme. "En matière de munitions, la Russie produit en trois mois ce que l’ensemble de l’Otan produit en un an", avait lancé l’ex-Premier ministre néerlandais, ajoutant que Moscou pourrait être prête à recourir à la force militaire contre l’Alliance "d’ici cinq ans". Un scénario qui donne des sueurs froides aux chancelleries européennes, à l’heure où elles doutent de l’engagement américain à les défendre en cas d'attaque.

En attendant, Moscou fourbit ses armes. Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie relancera mi-septembre en Biélorussie son exercice militaire Zapad ("Ouest" en russe). Lors de sa dernière édition, en 2021, cet entraînement grandeur nature avait rassemblé plus de 200 000 soldats, plusieurs dizaines d’avions et près de 300 chars – une opération souvent considérée comme une répétition générale avant l’invasion de l’Ukraine un an plus tard. Si le ministère biélorusse de la Défense a officiellement annoncé "plus de 13 000 participants" lors de ce nouveau volet, l’état-major de la Lettonie voisine estime qu’il pourrait en réalité impliquer jusqu’à 150 000 militaires.

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Des dépenses militaires qui explosent

La préparation d’une future agression ? "Les objectifs politiques du Kremlin restent inchangés. Un éventuel arrêt des combats en Ukraine pourrait n’être qu’un interlude avant un nouveau cycle de conflit, souligne Michael Gjerstad, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS). Il ne faut pas sous-estimer la menace que la Russie continuera de représenter pour l’Europe dans les années à venir." Car Moscou compte inscrire son effort de réarmement dans la durée. En juillet, le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, a indiqué que le régime russe prévoyait de dépenser au moins 1 100 milliards de dollars dans sa défense d’ici à 2036, ce qui constituerait "le programme d’armement le plus vaste de la Fédération de Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique". "A moyen terme, la Russie pourrait être en mesure de stabiliser le front en Ukraine tout en réaffectant des ressources vers d’autres pays de son voisinage, pointe Michael Gjerstad. L’hypothèse d’une action simultanée sur plusieurs théâtres d’opérations ne doit pas être exclue."

A ce jour, la Russie produirait à elle seule 250 000 obus par mois, ce qui pourrait, selon l’Otan, lui permettre de constituer un stock trois fois plus important que celui des Etats-Unis et de l’Europe réunis. Les industries russes seraient par ailleurs en mesure de produire environ 170 drones kamikazes Geran-2 par jour (la version russe des modèles iraniens Shahed), des engins capables d’atteindre une cible à plus de 1 700 kilomètres avec une charge d’une cinquantaine de kilos d’explosifs. Ce chiffre pourrait même grimper à 190 drones par jour d’ici la fin de l’année, d’après le renseignement militaire ukrainien. Dans le pays, le pilonnage des villes a déjà atteint un niveau inédit. Loin des quelques centaines d’engins envoyés par mois il y a deux ans, un nouveau record a été franchi en juillet avec pas moins de 6 297 drones lancés par la Russie.

Les restes d'un drone explosif Shahed russe abattu par la défense aérienne ukrainienne, le 30 avril 2025 à Kharkiv.
Les restes d'un drone explosif Shahed russe abattu par la défense aérienne ukrainienne, le 30 avril 2025 à Kharkiv.

Moscou a vu les choses en grand. Sur la zone économique spéciale d’Alabuga, au cœur de la République du Tatarstan, la principale usine russe chargée de fabriquer ces engins a doublé de taille au cours des deux dernières années. En parallèle, une autre installation a ouvert ses portes dans la ville industrielle d’Ijevsk, à une centaine de kilomètres de là. D’ici à l’automne prochain, la Russie pourrait ainsi être capable de faire décoller 2 000 drones en une seule nuit, a alerté mi-juillet le général allemand Christian Freuding, qui supervise le soutien à Kiev au sein de la Bundeswehr. Un signal alarmant, et pas seulement pour l’Ukraine. "Le potentiel de saturation d’une telle attaque représenterait un immense défi pour les défenses antiaériennes de n’importe quel pays européen, avertit Olevs Nikers, président de la Baltic Security Foundation et conseiller du gouvernement letton. Actuellement, aucun d’entre eux ne semble en mesure d’arrêter autant de drones simultanément."

Mais le danger ne s’arrête pas là. Selon des informations des services de renseignement ukrainiens, Moscou assemblerait aujourd’hui au moins 195 missiles de différents types par mois, comprenant 60 missiles balistiques Iskander-M, le même nombre de missiles de croisière Kh-101 et jusqu’à 15 missiles hypersoniques Kinjal – une hausse de la production de 10 à 20 % en un an selon les modèles. Résultat, Moscou est non seulement capable d’alimenter le déluge de feu qui s’abat quotidiennement sur l’Ukraine, mais aussi de reconstituer ses réserves, profondément entamées au début de la guerre. Selon Kiev, elles dépasseraient désormais les 1 950 missiles. "Cela représente une menace directe pour l’Ukraine, mais aussi pour nous, reprend Olevs Nikers, à Riga. Toutes ces munitions pourraient constituer un stock en vue d’un éventuel conflit majeur en Europe."

Une Russie dépendante de ses alliés

Pour l’appuyer dans son effort de guerre, Moscou peut aussi compter sur l’aide de ses alliés. Au premier rang desquels la Corée du Nord, dont les livraisons dépasseraient les 12 millions d’obus depuis 2023, selon Séoul. A cela s’ajoute le soutien discret mais non moins essentiel de Pékin. "Les sanctions ont privé les Russes de leurs fournisseurs occidentaux traditionnels en matière de composants électroniques à double usage, c’est-à-dire civil ou militaire, retrace Nicolas Fenton, directeur associé du programme Europe, Russie et Eurasie du CSIS à Washington. Et la Chine joue un rôle clé en leur procurant ces éléments essentiels à la fabrication de l’ensemble de leurs équipements militaires."

Aussi cruciale que soit cette aide, elle illustre aussi l’un des talons d’Achille de Moscou. "Son industrie de défense ne maîtrise pas 100 % de sa chaîne technologique, note Camille Grand, de l’ECFR. Ce qui la place en situation de dépendance vis-à-vis de fournisseurs tiers sur de nombreux segments." D’après Berlin, 80 % des biens à double usage (comme les puces électroniques) utilisés par la Russie proviendraient de Chine – offrant à Pékin une mainmise considérable dans l’écosystème de défense russe. Ce qui entraîne d’autres effets pervers : "Le remplacement de certains composants européens ou américains par des alternatives chinoises s’est fait au détriment de la qualité, note Tomas Malmlöf, chercheur principal à la Swedish Defence Research Agency (FOI). Aujourd’hui, la menace porte davantage sur le volume des matériels produits que sur leur sophistication."

Autre limite, selon une étude de la Kyiv School of Economics publiée en juillet, les vastes stocks d’armes hérités de l’ère soviétique – massivement utilisés par les forces russes en Ukraine – commencent à sérieusement se réduire. "La remise à neuf de ces vieux équipements représentait jusqu’à présent une large part de la production de blindés, pointe Tomas Malmlöf, du FOI. L’épuisement progressif de cette ressource pourrait à terme se traduire par un ralentissement des cadences de fabrication."

Le secteur pourrait aussi être freiné par la pénurie chronique de main-d’œuvre. Entre les effets combinés de la mobilisation partielle, des pertes sur le champ de bataille, de la fuite d’un demi-million de jeunes russes à l’étranger et du déclin démographique, l’économie russe manque cruellement de bras. Avec des effets délétères en cascade. "L’industrie de défense offre des salaires très compétitifs pour attirer les rares recrues disponibles et cela pousse les entreprises civiles à s’aligner, explique Nicolas Fenton, du CSIS. Cela se traduit par une surchauffe de l’économie et contribue à aggraver la spirale inflationniste." Tout en accroissant le coût de la guerre, comme le déficit budgétaire. Au premier semestre de 2025, celui-ci a déjà atteint 46 milliards de dollars, soit près de quatre fois plus que sur la même période en 2024. De quoi freiner la machine de guerre de Poutine ? "Malgré tous les problèmes qu’elle rencontre, l’économie russe s’est montrée structurellement assez adaptable aux besoins de la guerre, précise Nicolas Fenton. Au niveau actuel de sanctions et d’intensité sur le champ de bataille, elle peut probablement poursuivre son effort de guerre pendant au moins trois ans." Les usines russes ont encore le temps de tourner.

© AFP

Sur cette photo diffusée par l'agence d'État russe Sputnik, Vladimir Poutine visite Uralvagonzavod, la principale usine de chars du pays située dans l'Oural, à Nijni Taguil, le 15 février 2024
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Wagner : le piteux bilan du groupe paramilitaire russe au Mali

Contrairement aux affirmations de la société de "sécurité privée" russe Wagner, la situation sécuritaire au Mali ne s’améliore pas depuis leur venue. Au contraire, selon un rapport de l’organisation américaine The Sentry, le bilan des actions du groupe paramilitaire présent entre janvier 2022 et juin 2025 pour appuyer les autorités de transition est plutôt celui d’un échec, en trois temps.

D’abord un échec militaire. "Les forces de Wagner ont été incapables de prendre le contrôle des zones du nord et du centre du pays", expose le rapport. Il souligne ensuite une augmentation "significative" des attaques contre les civils depuis leur arrivée.

Wagner a semé la zizanie au sein de l’armée malienne

Plus encore, "les combattants de Wagner ont semé le chaos et la peur au sein de la hiérarchie militaire", écrit The Sentry, soulignant que désormais "le manque d’ordre et de communications au sein de la chaîne de commandement" pousse les dirigeants maliens à se regarder "avec soupçon". Les "méthodes brutales" de Wagner auraient ainsi prononcé de fortes tensions au sein de l’armée qui "ont éclaté au grand jour le 11 août, lorsque des dizaines de soldats, dont des généraux qui avaient critiqué Wagner, ont été purgés", rappelle le journal britannique The Economist.

C’est un échec pour le Mali, mais aussi pour l’organisation paramilitaire elle-même. "Contrairement à d’autres pays africains où ils ont opéré, comme le Soudan et la République centrafricaine (RCA), les Russes n’ont pas réussi à s’enrichir en exploitant des minerais" dans ce pays du Sahel, pointe The Economist.

En arrivant à la tête d’un Mali excédé par la violence des djihadistes et des séparatistes, Assimi Goïta, le président par intérim - qui a depuis prolongé son mandat jusqu’à 2030 au moins - avait d’abord été salué. Il avait alors promis de réaffirmer la souveraineté du Mali après des décennies d’influence Française. Le tout en s’associant avec les Russes, qu’il espérait plus enclins à combattre que les soldats de Barkhane "et plus disposé à obéir aux ordres maliens", analyse The Economist. Peine perdue. Selon The Sentry, le groupe est raciste envers les Maliens, s’empare du matériel militaire et défie régulièrement les ordres maliens. Un responsable militaire a ainsi déclaré à l’organisation américaine que Wagner "est pire que les Français. Ils pensent que mes hommes sont plus stupides qu’eux. Nous sommes passés de la poêle à frire au feu".

Plus d’exactions contre les civils que de lutte anti-djihadiste

S’ils ont d’abord remporté des victoires — en aidant dès 2023 l’armée malienne à reprendre le contrôle de la ville septentrionale de Kidal — les échecs se sont par la suite rapidement enchaînés. "Les soldats de Wagner refusent d’agir sans être payés, et refusent catégoriquement de prendre des risques dans certains cas" précisait aussi Justyna Gudzowska, directrice exécutive de The Sentry.

Chiffre illustrateur, selon l’organisme de surveillance Armed Conflict Location & Event Data Group (Acled), le nombre de morts liées aux djihadistes dans le pays s’est élevé en moyenne à 3 135 par an de 2022 à 2024, contre 736 au cours de la décennie précédente. Près de 2 000 personnes ont déjà été tuées cette année, ce qui suggère une tendance à la hausse. Ces derniers mois, des pôles économiques comme Kayes ont été attaqués.

Avec 2 000 soldats russes sur le territoire (contre 5 000 soldats français au plus fort de la mission antiterroristes dirigée par Paris), "le mode opératoire de Wagner est inadapté à la lutte antiterroriste. Les exactions contre la population malienne ordinaire n’ont pas participé à la popularité russe : l’année dernière, 80 % des morts civiles ont été imputées à des soldats maliens ou à Wagner, plutôt qu’au Jnim, note l’Acled. Selon le témoignage d’un soldat malien auprès de The Sentry, "Ils tuent simplement les gens qu’ils soupçonnent sans vérification préalable". Ce dernier affirme également Wagner crée l’équivalent de "prisons à ciel ouvert" en assiégeant des villes qu’il soupçonne d’abriter des djihadistes.

"Africa Corps" prend le relais, les Etats-Unis aux aguets

Après trois ans de présence au Mali, les mercenaires russes du groupe Wagner ont finalement plié bagage. En juin, ils ont passé le relais à Africa Corps, un autre groupe paramilitaire tenu plus fermement par le Kremlin. Sa mission ? Prolonger l’influence russe au Sahel, tout en reprenant le contrôle direct sur les opérations, après la mort d’Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, en août 2023, et sa rébellion avortée contre le Kremlin.

Pour certains spécialistes, Assimi Goïta souhaiterait aussi diversifier ses partenariats en éloignant le monopole d’influence russe. Les Etats-Unis, plus que jamais de toutes les batailles, pourraient saisir l’opportunité d’étendre leur zone d’influence diplomatique. Selon The Economist, l’administration Trump a déjà envoyé des responsables à Bamako et dans d’autres capitales régionales pour discuter d’une éventuelle aide à la sécurité… En échange de contrats miniers, à l’image de ceux récemment mis sur la table par Donald Trump des négociations avec la République démocratique du Congo pour l’aider à régler sa guerre.

© afp.com/FLORENT VERGNES

Accueilli en sauveur en 2022, le groupe Wagner a depuis dressé un bilan catastrophique de ses actions violentes au Mali.
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Andreï Soldatov : "Il est fou de penser que Poutine pourrait accorder un rendez-vous à Zelensky"

C’est un Les Copains d'abord dans l’ère post-Soviétique, ou Les Illusions perdues à la sauce Vladimir Poutine. Dans le poignant Our Dear Friends in Moscow (Public Affairs), paru cet été en anglais, Irina Borogan et Andreï Soldatov racontent comment leur génération a été brisée par le tournant autoritaire et les ambitions impérialistes du régime. En 2000, les deux rejoignent le grand journal Izvestia. Se forme alors une joyeuse bande d’amis, une élite intellectuelle libérale qui regarde l’avenir avec optimisme. Mais alors que le terrorisme frappe la Russie, Irina Borogan et Andreï Soldatov comprennent vite que le nouveau président Vladimir Poutine reste avant tout un homme du KGB. En 2008, c’est le virage impérialiste avec la conquête de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie qui suscite l’enthousiasme de Russes urbains, pourtant éduqués et tournés vers l’Europe.

Fondateurs du site Agentura.ru, Irina Borogan et Andreï Soldatov sont devenus les meilleurs experts des services secrets russes. Ils ont fui leur pays en 2020 et vivent désormais en exil à Londres. Leurs anciens camarades sont eux devenus propagandistes ou agents du régime, et même ministre de la Culture. Comment ces journalistes et intellectuels brillants peuvent-ils cautionner l’invasion de l’Ukraine ? Irina Borogan et Andreï Soldatov les ont recontactés et montrent, dans cette histoire intime des années Poutine, à quel point une dictature corrompt tout, jusqu’aux vieilles amitiés.

Pour L’Express, Andreï Soldatov revient sur ses "chers amis de Moscou", évoque l’évolution du régime et assure qu’il est parfaitement illusoire de penser que Vladimir Poutine pourrait accepter de rencontrer Volodymyr Zelensky en tête-à-tête, et encore moins de se résigner à une paix durable avec l’Ukraine…

L’Express : Pourquoi avez-vous voulu raconter, de manière très intime, comment Vladimir Poutine et l’impérialisme russe ont brisé de vieilles amitiés ?

Andreï Soldatov : Quand, en 2022, l’offensive russe contre l’Ukraine a commencé, nous avons été choqués par le niveau de soutien à cette guerre au sein de la société russe. Pourquoi les esprits les plus brillants et intelligents ont-ils décidé de se ranger du côté du Kremlin ? Avec Irina, nous avons décidé de faire du journalisme. Ce livre, c’est l’histoire d’une génération. On s’est dit qu’on pouvait trouver des réponses chez des personnes qu’on pensait bien connaître. Nous avons échangé avec quelques-uns de nos anciens amis. On voulait écouter et comprendre les raisons de leur soutien à Poutine.

Vous révélez qu’en 2000, alors que vous étiez jeunes journalistes à Izvestia, ce journal a tu les vraies raisons de l’absence de Vladimir Poutine au moment du naufrage du sous-marin Koursk, pourtant une catastrophe nationale…

Nous avions décidé de travailler pour Izvestia, car c’était un vieux titre soviétique, créé en 1917. Ce journal avait toujours un accès au Kremlin, et nous pensions pouvoir ainsi développer nos contacts dans les services spéciaux russes. Au moment de la catastrophe du Koursk, Sveta Babayeva, notre consœur du service politique, était à Sotchi avec Vladimir Poutine, qui bronzait au bord de la Mer Noire. A son retour, elle a révélé que Poutine avait fait une greffe de cheveux, raison pour laquelle il n’avait pas fait d’apparition publique pendant un certain temps. Pourtant, le journal a décidé de ne pas publier cette information. Le président russe a fait de la chirurgie esthétique en pleine crise nationale, mais Izvestia a jugé que cela ne valait pas le coup de partager cela à ses lecteurs. On a donc décidé de rapidement quitter le journal.

Sveta Babayeva, journaliste politique très tôt séduite par Poutine, est la figure tragique de votre livre, car elle a été tuée par balle en Crimée en 2022…

Babayeva est la victime d’un système construit par Poutine. Son accès au Kremlin était la chose la plus importante de sa vie. Mais elle a fini par en être privée, car son protecteur Sergueï Ivanov, un temps considéré pour prendre la suite de Poutine en 2008, a été disgracié. Cela a profondément déprimé Babayeva. En 2014, quand tout le monde se réjouissait de l’annexion de la Crimée, elle était aussi réticente, car elle avait travaillé à Washington et à Londres, ce qui a changé son regard. En manque d’adrénaline et de but dans sa vie, elle s’est mise à fréquenter les services spéciaux. Pour faire du zèle en 2022, après l’invasion de l’Ukraine, elle a entamé un entraînement dans les forces spéciales en Crimée, et voulait participer au conflit non pas en tant que journaliste, mais militaire. Elle a été tuée par accident dans un stand de tir. Sergueï Lavrov ou Dmitri Peskov ont envoyé leurs condoléances. C’est une histoire tragique. D’autant que comme le prouve son parcours sinueux, tous les gens qui travaillent aujourd’hui pour Poutine ou le Kremlin auraient pu agir de manière différente.

Vous avez aussi très bien connu Olga Lioubimova, l’actuelle ministre de la Culture…

Lioubimova a grandi dans une famille qui avait une position très élevée dans l’Union soviétique. Tout le monde connaissait son grand-père, le légendaire acteur Vasily Kachalov. Le poète Sergueï Kesenin avait même écrit un poème, "Le chien de Kachalov", connu par tous les écoliers russes. Lioubimova est orthodoxe, mais à l’époque, elle était aussi bon vivante et libérale. Elle est convaincue que la Russie ne peut être dirigée que par un dictateur. Lutter contre un autocrate est donc illusoire. A l’époque des manifestations à Moscou en 2011, avant l’élection présidentielle de 2012, Loubimova a publié sur Internet un manifeste pour nous demander ce que nous espérions atteindre à travers ces manifestations, et expliquer qu’on ne peut rien faire pour changer le système, que résister est parfaitement illusoire. Ce texte est très important pour comprendre l’attitude de cette génération. Pour moi, il est triste que quelqu’un qui a toujours fait partie de l’élite russe pense qu’on ne peut rien faire contre un dictateur.

Aujourd’hui qu’elle est au gouvernement, Loubimova a bien sûr un discours bien plus agressif, et a attaqué les artistes russes qui ont quitté le pays. Elle s’est rangée du côté du Kremlin car elle a estimé qu’il n’y avait pas d’autre choix pour notre génération si on avait des ambitions. C’est désormais une criminelle, qui a participé au programme de rééducation des enfants ukrainiens.

Il faut aussi savoir que Lioubimova a eu pour protecteur le cinéaste ultraconservateur Nikita Mikhalkov. Le père de Mikhalkov est l’auteur des paroles de l’hymne soviétique sous Staline, comme de celles du nouvel hymne russe sous Poutine. Nikita Mikhalkov a hérité des instincts politiques de son père. Dans les années 1990, sous Boris Eltsine, il a réalisé un film anti-stalinien, Soleil trompeur, qui a remporté un oscar, mais c’est le même homme qui a mené une campagne en 2017 pour faire interdire La Mort de Staline, au prétexte que cette comédie noire salirait notre histoire nationale. Un long-métrage qui a finalement été censuré par Lioubimova…

Medvedev est un personnage à la fois comique et tragique, à la Dostoïevski

Au-delà des ambitions personnelles, comme l’impérialisme de Poutine a-t-il réussi à séduire cette élite pourtant ouverte sur l’Occident ?

L’idée que la Russie doit être une superpuissance, un pays unique qui représente à lui seul une civilisation est très ancrée. Notre église orthodoxe est profondément nationaliste, ce qui est très différent des autres pays européens. Quand l’Union soviétique s’est effondrée, cela a été un événement traumatique pour beaucoup de nos compatriotes, et pour Poutine lui-même qui l’a qualifié de "plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle", oubliant un peu vite la Première Guerre mondiale comme le nazisme. Mais pour beaucoup de Russes, c’est une question émotionnelle. Poutine a découvert ce levier, un peu par chance, en 2008 quand il a lancé la guerre en Géorgie. A ce moment, beaucoup de nos amis, pourtant libéraux et parlant des langues étrangères, se sont enthousiasmés pour ces conquêtes. Du jour au lendemain, ils se sont montrés très fiers de l’armée russe, ce qui nous semblait bizarre à nous. Les hommes d’affaires à Moscou ont commencé à parler du rétablissement de la réputation de notre armée. Poutine a pris conscience de la puissance politique de ce sentiment, et l’a exploité.

Vous racontez aussi comment les élites libérales ont cru à Dmitri Medvedev, qui a remplacé Poutine à la présidence en 2008. Le même homme qui brandit aujourd’hui la menace nucléaire contre Donald Trump…

Les élites libérales et intellectuelles portent une grande responsabilité. Personne n’a voulu construire de vraies institutions démocratiques. Les intellectuels publics à Moscou pensaient qu’il était plus facile de s’appuyer sur quelqu’un en position de pouvoir, comme c’était le cas de Medvedev, afin de promouvoir des réformes libérales et démocratiques. C’était une illusion.

A l’époque, beaucoup pensaient que Medvedev était influençable, d’autant plus qu’il n’avait jamais servi au KGB. Mais c’est une histoire très russe, à la Dostoïevski. Medvedev avait bien quelques idées de réformes pour le pays. Mais il a été complètement détruit par Poutine. Au niveau personnel, il est devenu fou. C’est un personnage à la fois comique et tragique, devenu très agressif. Il a complètement changé de personnalité.

Qu’avez-vous appris en échangeant avec vos anciens amis de Moscou ?

C’était très difficile sur le plan émotionnel, car nous avons parlé de choses très personnelles. C’est l’histoire de notre vie. On a senti de la sympathie, nous avons revécu notre amitié passée et les moments heureux. C’était parfois beau, mais le plus souvent tragique. Ces mêmes personnes nous ont dit qu’il était parfaitement normal de tuer des Ukrainiens, parce qu’historiquement, c’est important pour notre pays…

Nous avons compris que notre amitié s’était achevée vers les années 2008-2009, et que c’était sans doute inévitable. Ces gens ne sont pas victimes de la propagande du régime. Ils sont pleinement responsables, et comprennent parfaitement la situation. Mais ils partagent plusieurs choses. D’abord, il y a une nostalgie pour l’Union soviétique, non pas à cause du communisme, mais en raison de ce sentiment d’avoir grandi dans une grande puissance qui comptait, au moins la deuxième au monde, voire la première. Ensuite, toutes ces personnes sont extrêmement ambitieuses. A l’image de Lioubimova, elles partagent cette conviction qu’une dictature est inévitable en Russie, et qu’il n’y a donc qu’un seul choix : travailler avec le régime ou quitter le pays.

Il est fou de penser que Poutine pourrait accorder un rendez-vous à Zelensky !

Vous montrez à quel point cette élite s’est éloignée de l’Europe, ce qui arrange parfaitement Poutine…

C’est une tragédie personnelle pour ces gens. Quand le pape François est mort, la ministre Olga Lioubimova voulait absolument être présente à Rome pour ses funérailles. Car pour elle, c’était son unique chance de visiter l’Italie ! Elle a d’ailleurs demandé à revenir pour le nouveau pape Léon XIV, mais cela lui a été refusé. Les liens culturels entre la Russie et l’Europe sont importants pour cette élite. Eux-mêmes se sentent très européens.

En revanche, comme vous le soulignez, Poutine a parfaitement compris que pour protéger le régime, il est important d’isoler le pays. Le Kremlin n’a plus besoin ni envie de visas Schengen pour les touristes russes, les professeurs américains et européens enseignant à des étudiants russes ou les enfants des élites étudiant à Harvard et Oxford. Poutine sait que des liens étroits avec l’Occident exposent les Russes à des idées libérales dangereuses.

Ce n’est pas la première fois qu’un régime russe choisit l’isolement. Lorsque le tsar Nicolas Ier, terrifié par les changements politiques et profondément traumatisé par la révolte des décembristes, a pris connaissance de la révolution de juillet 1830 à Paris, il a immédiatement rappelé tous les citoyens russes de France en Russie, y compris les aristocrates, afin d’empêcher le virus de la Révolution française de se propager à ses compatriotes. Il a ainsi paralysé le pays et mit un terme à l’innovation, mais assuré la pérennité de son régime. Aujourd’hui, Poutine cherche à faire la même chose.

A quel point Vladimir Poutine pense-t-il au long terme, là où Donald Trump ne semble préoccupé que par les "deals" rapides ?

Déjà, il est fou de penser que Poutine pourrait accorder un rendez-vous à Volodymyr Zelensky ! C’est impossible, car ce serait à ses yeux accorder une trop grande reconnaissance de l’Ukraine. Pour Poutine, il s’agit d’une guerre existentielle contre l’Occident, et le régime russe n’a jamais considéré un accord de paix durable comme étant une option viable. Nous devons comprendre que ces gens sont traumatisés par l’histoire russe du XXe siècle. Ils sont persuadés qu’il y a eu deux grandes catastrophes géopolitiques durant le XXe siècle. A leurs yeux, l’Occident est toujours en guerre contre la Russie. Mais, à l’inverse de la guerre froide, ils pensent que la Russie peut cette fois-ci l’emporter. Poutine et ses amis se souviennent parfaitement qu’en 1991, ce n’est pas seulement le régime soviétique qui a été détruit, mais aussi les services secrets. Tous ces gens ont perdu leur première carrière au sein des services spéciaux.

Ce qui est également tragique dans ces négociations personnelles avec Donald Trump, c’est que Poutine et ses amis ont toujours pensé que les institutions démocratiques en Europe ne comptent pas, et que seules les personnalités importent. C’est pour ça qu’en Russie, les figures de Churchill, Roosevelt ou de Gaulle sont plus importantes que les institutions qu’ils ont représentées. C’est facile à comprendre : nous n’avons aucune institution démocratique. Le dialogue personnel entre Trump, Poutine et Zelensky ne fait donc que donner raison à Poutine, qui est persuadé que les démocraties européennes sont faibles et inefficaces.

Vous avez écrit qu’il y a aujourd’hui un fort sentiment de dépression dans les grandes villes russes. Vraiment ?

C’est très palpable dans les grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg. L’élection de Trump a été bien perçue, mais aujourd’hui, pour les populations urbaines, il est très clair que Poutine ne veut pas la paix en Ukraine. Par ailleurs, il est désormais impossible d’ignorer les attaques de drones. Cela se passe sur le territoire russe, jusque dans la capitale. C’est un vrai problème pour la population active. Je connais beaucoup d’hommes d’affaires mécontents, car il est devenu plus compliqué de voyager, avec des problèmes quotidiens dans les aéroports du fait des drones. Le Kremlin peut contrôler les discours publics sur une guerre qui se passe en Ukraine. Mais il lui est bien plus difficile de contrôler les conversations qui ont lieu dans les villes russes.

© afp.com/Viacheslav PROKOFIEV

Le président russe Vladimir Poutine à Moscou, le 18 août 2025
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