↩ Accueil

Vue lecture

Pourquoi l’Espagne est le premier avocat de la cause palestinienne en Europe

D’où vient ce fort sentiment pro-palestinien qui fait de l’Espagne un cas à part en Europe, alors que la guerre et la désolation se poursuivent sans relâche dans la bande de Gaza ? A l’arrivée de la Vuelta, équivalent hispanique du Tour de France cycliste, à Madrid, dimanche 14 septembre, des manifestants dénonçant l’horreur en cours au Proche-Orient ont provoqué des troubles tels que les coureurs cyclistes ont été empêchés d’achever leur épreuve sportive. Au même moment, depuis la ville andalouse de Malaga où il tenait meeting, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a apporté son soutien aux manifestants, exprimant sa "reconnaissance" et son "respect absolu" des sportifs, mais aussi son "admiration" pour le peuple espagnol "qui se mobilise pour des causes justes, comme celle de la Palestine".

De quoi déclencher une polémique que l’opposition n’a pas manqué d’attiser en affirmant, le lendemain, que le sabotage de la Vuelta avait été préparé par des militants indépendantistes basques et par des factions islamistes proches du Hamas. En taxant au passage le chef du gouvernement d’antisémitisme. Et en l’accusant d’entretenir, avec la complicité de "la gauche réactionnaire", un écran de fumée destiné à masquer les scandales de corruption qui éclaboussent depuis plusieurs mois le Parti socialiste espagnol, et à faire oublier l’incapacité de l’exécutif, depuis trois ans, à faire voter un budget au Parlement, en raison d’une majorité très précaire.

Etablir des ponts entre l’Europe et le Moyen-Orient

Rosa Meneses, sous-directrice du Centre d’études arabes contemporaines de Madrid, a une tout autre lecture du soutien espagnol à la cause palestinienne. "Notre pays est antimilitariste et farouchement attaché à la paix, à la justice et aux droits humains, car il garde un souvenir douloureux des souffrances occasionnées par la guerre civile (1936-1939) et les quarante ans de dictature franquiste qui ont suivi", souligne-t-elle. Et cette spécialiste d’approfondir : "Les générations de nos parents et de nos grands-parents ont encore à l’esprit la lutte pour la démocratie qui a permis à l’Espagne de revenir sur la scène internationale et d’établir des ponts entre l’Europe et le Proche-Orient, notamment en 1991 avec la conférence de Madrid engageant le processus de paix qui mena deux ans après aux accords d’Oslo. Cela fait aujourd’hui partie du corpus de valeurs des Espagnols et cela va bien au-delà de la question de la Palestine". A Barcelone par exemple, tout le monde garde en mémoire la manifestation monstre de 2003 contre l’invasion de l’Irak, qui avait fait descendre 1,3 million de gens dans la rue.

Selon le baromètre annuel de l’institut royal El Cano publié en juillet 2025, l’immense majorité de la population (82 % des personnes interrogées) qualifie de génocide ce qui se passe à Gaza. Pour autant, cette condamnation claire de l’action de l’État d’Israël "ne se traduit pas par une augmentation de l’antisémitisme en Espagne, lequel reste minoritaire", assure l’institut. D’après Rosa Meneses, les Espagnols sont "matures" et font autant la distinction entre "les Israéliens et le gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou qui massacre les Gazaouis" qu’entre "le peuple palestinien et les terroristes du Hamas".

D’où, sans doute, l’assentiment général exprimé dans l’opinion lorsque Pedro Sanchez a annoncé début septembre un nouveau paquet de sanctions contre Israël (fermeture de l’espace aérien et des ports espagnols aux avions et bateaux acheminant des armes en Israël, interdiction pour les entreprises israéliennes de répondre à des appels d’offres publics en Espagne…).

"Etre du bon côté de l’Histoire"

"Le soutien à la cause palestinienne relève d’une 'tradition diplomatique', note Moussa Bourekba, chercheur au Centre de recherche en relations internationales de Barcelone (Cidob) : "Après la Seconde Guerre mondiale, Madrid a été totalement exclu des débats sur la création de l’Etat d’Israël. Pour rompre cet isolement, Franco a développé des relations avec certains pays arabes, en échange de leur pétrole et de leur soutien à l’intégration de l’Espagne aux instances de l’ONU." En outre, souligne cet expert de la région, l’Espagne n’a pas "le même passif" que l’Allemagne et la France sur l’Holocauste, de sorte qu’"elle n’a pas la pudeur de ces deux pays européens à parler de génocide à Gaza et à critiquer avec virulence le gouvernement Netanyahou".

La question palestinienne transcende en tout état de cause le clivage gauche-droite. C’est sous le régime militaire de Franco que l’Espagne a commencé à soutenir la cause palestinienne tandis qu’à l’inverse, c’est le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez qui, en 1986, a reconnu l’Etat d’Israël, rappelle Moussa Bourekba. Quant à la reconnaissance de l’Etat palestinien annoncée en mai 2024 par Pedro Sanchez, elle avait fait l’objet d’un vote initial au Congrès des députés espagnols dix ans plus tôt… sous le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Enfin, à ceux qui établissent un lien entre le sentiment pro-palestinien actuel et les sept siècles de présence arabo-islamique dans la péninsule ibérique (711-1492), les historiens renvoient à l’Espagne séfarade, les quinze siècles pendant lesquels une culture juive arabe florissante s’y est développée. Aujourd’hui, Pedro Sanchez dit vouloir "être du bon côté de l’Histoire".

© Thomas COEX/AFP

Un manifestant pro palestinien brandit un drapeau palestinien après que les manifestants ont envahi la rue lors de la 21e et dernière étape de la Vuelta 2025, près de la gare d’Atocha à Madrid, le 14 septembre 2025. La dernière étape de la Vuelta a été définitivement arrêtée en raison des manifestations pro palestiniennes, rapporte l’AFP.
  •  

Un trumpiste bientôt numéro 2 du FMI ? La Maison-Blanche avance ses pions

Il est le plus proche conseiller du secrétaire au Trésor des Etats-Unis. Dan Katz, l’actuel directeur de cabinet du ministre américain des Finances, serait sur le point de devenir numéro 2 du Fonds monétaire international (FMI), basé à Washington. Il devrait accéder au poste de directeur général adjoint de l’institution financière, en remplacement de Gita Gopinath, selon une source à l’AFP. Une victoire sur la scène internationale de la stratégie économique de "l’America First" de Donald Trump. La presse américaine a néanmoins averti "que le choix pouvait encore changer à la dernière minute", précise Bloomberg, l’annonce officielle devant être faite vendredi 19 septembre.

Le directeur de cabinet du secrétaire au Trésor épaulait jusqu’ici Scott Bessent, l’un des ministres clés du gouvernement de Donald Trump. Diplômé de l’université Yale, Dan Katz a travaillé par le passé comme banquier d’affaires chez Goldman Sachs. Il avait aussi eu des responsabilités au Trésor pendant le premier mandat du président Trump.

L'ADN du trumpisme

Il devrait être placé sous la tutelle de l’économiste bulgare Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international depuis 2019 et ex-commissaire européenne. L’approbation de cette nomination ne fait pas beaucoup de doute : le numéro deux du FMI est généralement désigné par les Etats-Unis et approuvé par le directeur général de l’organisation. Avant lui, le poste était occupé par Gita Gopinath, nommée par l’administration Biden, et qui a démissionné fin août pour reprendre l’enseignement à Harvard.

"Cette opportunité a donné à Trump l’occasion de nommer son remplaçant et d’imprimer sa marque sur l’organisme mondial de prêt d’urgence", analyse Bloomberg. Dan Katz "a joué un rôle clé dans la négociation de l’accord de partenariat économique entre les Etats-Unis et l’Ukraine et est considéré comme l’homme de confiance du secrétaire au Trésor pour les questions liées à la Chine", poursuit le New York Post.

Le camp Trump, aux postures généralement peu favorables aux institutions multilatérales, a récemment attaqué le Fonds monétaire international. En avril dernier, Scott Bessent avait cinglé l’institution et sa voisine à Washington, la Banque mondiale, les appelant à "se concentrer sur les besoins" des Etats membres. Il avait reproché au FMI d’employer "une part disproportionnée de son temps et de ses ressources à travailler sur le réchauffement climatique, le genre ou les questions sociales".

Ainsi, alors que Dan Katz n’a pas encore été officiellement nommé, l’agenda de l’organisation mondiale semble déjà chamboulé. La semaine dernière, des sources ont par exemple indiqué au New York Post "que les unités climat et genre du Fonds ne fonctionneraient plus comme des divisions autonomes au sein de l’organisme, mais seraient plutôt fusionnées dans son unité macroéconomique plus large".

Les Etats-Unis jouent un rôle clé au sein du Fonds, en tant que premier actionnaire. Le FMI dispose au total d’une réserve de prêts pouvant atteindre 1 000 milliards de dollars, mise à la disposition de près de 200 pays membres, lorsqu’ils sont confrontés à des crises de balance des paiements, et influençant considérablement la politique financière de ces derniers.

© afp.com/Olivier DOULIERY

Les Etats-Unis jouent un rôle clé au sein du Fonds, en tant que premier actionnaire.
  •  

L’Italie, meilleure élève que la France ? Le vrai bilan économique de Giorgia Meloni

Bien qu’éphémère, le mouvement a dû faire sourire au Palais Chigi, le siège de l’exécutif à Rome. Dans la foulée du vote de confiance défavorable au gouvernement Bayrou le 8 septembre, le taux d’intérêt des obligations françaises à 10 ans est brièvement passé au-dessus de son équivalent transalpin. Preuve que les investisseurs accordent autant de crédit à la signature italienne qu’à celle de l’Etat français. Le symbole d’une Italie qui, sortie des sombres heures de la crise des dettes souveraines, a redoré son blason. Quand celui de la France se ternit de jour en jour. "Les rôles se sont inversés. L’Italie bénéficie désormais d’une prime de stabilité politique après une phase de forte errance parlementaire entre 2016 et 2021. Dès lors que la majorité est claire, les politiques sont mises en œuvre de façon fluide", note Mabrouk Chetouane, directeur de la stratégie marchés internationaux chez Natixis Investment Managers. Giorgia Meloni ne peut que s’en féliciter, elle qui tient les rênes du Conseil des ministres depuis près de trois ans.

Les exploits italiens ne s’arrêtent pas là. Un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat désormais équivalent à celui de la France. Une entrée dans le top 4 des exportateurs mondiaux. Un taux de chômage autour de 6 %, son plus bas niveau depuis 20 ans. Et surtout, une impressionnante opération d’assainissement des finances publiques, à rebours de l’enlisement français. Longtemps critiquée par Bruxelles sur son incapacité à maîtriser ses comptes, l’Italie a ramené son déficit public de 8,1 % du PIB en 2022 à 3,4 % en 2024. Une baisse spectaculaire de 85 milliards d’euros. De son côté, la France, avec un déficit de 5,6 % l’an dernier, pointe en queue de peloton de l’Union européenne. "La priorité numéro un du gouvernement Meloni est la stabilité budgétaire, avec l’engagement de respecter le nouveau cadre européen", explique l’économiste Fabrizio Pagani, associé de la banque d’investissement Vitale & Co et ancien conseiller ministériel.

La fin du "superbonus"

Cette prouesse s’explique, notamment, par une décision courageuse de la présidente du parti Fratelli d’Italia. Pour réduire les dépenses publiques, elle a revu de fond en comble le "Superbonus". Ce dispositif, créé dans le sillage de la pandémie de Covid-19 avec l’aide du plan de relance européen, permettait aux ménages italiens d’obtenir une prise en charge à 100 % des travaux de rénovation énergétique de leur logement, à laquelle s’ajoutait… une prime de 10 %. Pour la seule année 2023, les montants versés ont représenté 4 % du PIB. "Cette mesure était économiquement absurde et sans équivalent dans le monde, dénonce Tito Boeri, professeur et directeur du département d’économie à l’université Bocconi de Milan. On remboursait plus que le coût de l’ouvrage, c’était une incitation à dépenser sans raison. Il est incroyable qu’une telle idée ait vu le jour, et plus encore qu’on ne l’ait pas arrêtée. Mais une fois en place, aucun parti ne voulait s’y opposer, tant la propriété immobilière est populaire en Italie".

Côté recettes, l’absence d’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu a généré 22 milliards d’euros supplémentaires dans les caisses de l’Etat entre 2022 et 2024. "C’est une façon d’augmenter les impôts sans être impopulaire, puisque le taux ne change pas", observe Mario Pietrunti, macro-économiste chez BNP Paribas AM.

Alors que le Parti socialiste français n’entrevoit, dans son "contre-budget", un retour sous les 3 % de déficit qu’en 2032, l’Italie s’y engage… dès 2026. Jugée réaliste par les experts, cette perspective séduit les marchés. Elle rassure aussi les entreprises. "Le cadre est devenu plus prévisible pour les investisseurs et les acteurs économiques", souligne Edouard Neyrand, directeur d’Air Liquide Italie et président de la CCI France Italie.

Au-delà de cette discipline budgétaire, la politique Meloni est saluée par les patrons. Pour Luciano Di Fazio, associé du cabinet de conseil financier Emintad, la dirigeante a gagné des points dans le monde des affaires italien grâce à sa bonne relation nouée avec l’administration Trump. Le fait que le pays soit soumis aux mêmes taxes douanières que le reste de l’Europe n’entame pas ce sentiment d’être "protégé", selon lui.

Le bilan économique de Giogia Meloni
Le bilan économique de Giogia Meloni

Un bilan à nuancer

Pour autant, ce bilan flatteur mérite d’être nuancé. D’abord, parce que ces bonnes performances économiques ne sont pas toutes imputables à Giorgia Meloni. En matière de travail, notamment. "Même si le taux d’emploi féminin - en particulier dans le Sud - reste faible, le taux d’emploi global atteint un record : plus de 24 millions d’Italiens travaillent", constate Fabrizio Pagani. Une conséquence directe du Jobs Act de 2014, voté sous le gouvernement de centre gauche de Matteo Renzi. "Cette réforme a introduit davantage de flexibilité sur le marché du travail en instaurant des contrats à protection croissante [NDLR : les droits du salarié augmentent avec son ancienneté] et en simplifiant les règles d’embauche et de licenciement", ajoute cet ancien directeur de cabinet du ministre de l’économie de l’époque.

Ensuite, les hirondelles de l’emploi et du sérieux budgétaire ne font pas le printemps romain. En dépit de la résorption du déficit, la dette publique culminait encore à 135,3 % du PIB en 2024. "Ce ratio trop élevé constitue toujours le principal facteur de fragilité de l’Italie face aux risques financiers", juge Giorgio Di Giorgio, professeur de politique monétaire à l’université Luiss de Rome. Certes, cet endettement se stabilise, mais c’est en grande partie grâce au rebond d’activité post-Covid et au pic inflationniste.

Une fois passée cette reprise conjoncturelle, la croissance économique a d’ailleurs repris un rythme de sénateur. "Depuis le dernier trimestre 2022, le PIB italien n’a augmenté que de 1,4 %, presque deux fois moins qu’en France", chiffre Charles-Henri Colombier, économiste chez Rexecode. Pour cette année, BNP Paribas estime sa progression à 0,7 %, loin de la moyenne attendue en zone euro (+ 1,3 %).

Un plan de relance massif après la pandémie

Après la pandémie, le pays s’était pourtant taillé la part du lion du plan de relance et de résilience : près de 200 milliards d’euros répartis entre subventions et prêts de l’Union européenne. Problème : alors que ce programme arrive à échéance en juin 2026, les deux tiers de ce montant dormaient encore dans les coffres en juillet dernier. "Nous avons cru possible d’absorber un tel volume d’investissements publics en si peu de temps, mais c’était irréaliste, soupire Tito Boeri, de la Bocconi. A mon sens, le "Superbonus" lui-même est né de cette illusion : comme on pensait disposer de tout l’argent européen, on s’est cru libres d’essayer tout et n’importe quoi". Les résultats de cette prodigalité ne sont guère probants. Marcello Messori, économiste à l’Institut universitaire européen de Florence, parle même d’une "occasion manquée" : "Les ressources de l’UE n’ont pas été utilisées de manière optimale. Il est probable qu’une partie des projets ne sera pas achevée dans l’année à venir. L’Italie n’a donc pas profité de cette opportunité pour résoudre ses problèmes structurels. Un défi qui dépasse d’ailleurs ses frontières et concerne plusieurs économies européennes".

A plus longue échéance, la croissance de la botte reste surtout plombée par sa démographie. Son taux de natalité - le nombre de naissances d’une année rapportée à la population - est le plus faible d’Europe. La jeunesse diplômée, découragée par le niveau des salaires, va voir ailleurs si l’herbe est plus verte : en une décennie, 470 000 Italiens de 18 à 34 ans ont quitté le pays. Face à la pénurie de main-d’œuvre, Giorgia Meloni a dû amender son discours sur l’immigration légale. En 2024, son gouvernement a maintenu un dispositif fiscal visant à attirer aussi bien les travailleurs qualifiés étrangers que les Italiens expatriés. Dans un autre registre, la présidente du Conseil poursuit son opération séduction auprès des grandes fortunes. Depuis la suppression d’un régime dérogatoire en Grande-Bretagne, les riches britanniques ont commencé à migrer de Londres vers Milan. Un "dumping fiscal", avait fustigé François Bayrou lorsqu’il était encore aux affaires. En réponse, son homologue lui avait opposé les deux facteurs d’attractivité de l’Italie : crédibilité et stabilité. Des cartes que la France ne compte manifestement plus dans son jeu.

© Ludovic MARIN / AFP

Le président français Emmanuel Macron accueille la Première ministre italienne Giorgia Meloni à son arrivée au sommet de la "coalition des volontaires" au palais de l'Élysée, à Paris, le 27 mars 2025.
  •  

Face aux drones russes, l’Otan et l’UE veulent s’inspirer de l’Ukraine

Il est environ 23 heures, mardi 9 septembre, quand des avions de chasse polonais se lancent dans la traque d’une vingtaine de drones russes ayant pénétré leur ciel, avant d’aller attaquer l’Ukraine. Après plusieurs heures de poursuite, le bilan est d’à peine trois engins abattus, tandis qu’un quatrième s’est écrasé sur une habitation, à 300 kilomètres de la frontière. Il s’agit de la pire violation de l’espace aérien de l’Otan depuis sa création, il y a plus de 75 ans. Trois jours plus tard, Moscou récidive, en faisant entrer en Roumanie un de ses drones "Géran", d’une portée de 2 000 kilomètres.

Devenue la norme dans le conflit en Ukraine, cette guerre des drones semble prendre de court l’Union européenne et l’Otan, à mesure que Moscou tâte les faiblesses de l’Europe. Consciente de cette impréparation, l’Alliance envisage ces derniers jours la mise en place d’un "mur de drones", à partir de technologies ukrainiennes rompues au terrain, tandis que la Pologne veut franchir un nouveau cap militaire : intervenir directement dans la protection du ciel ukrainien.

Des technologies en décalage

La réponse des alliés ne s’est pas fait attendre, la semaine passée : hélicoptères et avions de combat envoyés par Varsovie, déploiement d’avions Eurofighter supplémentaires par l’Allemagne dans l’espace aérien polonais, déploiement de trois Rafale français… Les Pays-Bas, eux, ont décidé d’accélérer la livraison de deux batteries de missiles Patriot à l’est de l’Europe, tandis que les Britanniques vont aussi engager des avions de combat.

Mark Rutte, secrétaire général de l’Otan, a rapidement salué "le succès de la réaction". Mais au-delà de sa rapidité, la riposte a-t-elle été appropriée ? Plusieurs spécialistes pointent une inadéquation entre les lourds moyens de défense de l’Europe, en réponse à des attaques menées par des aéronefs relativement bon marché. Le problème est que "nous faisons décoller des avions qui coûtent entre 20 000 et 40 000 euros l’heure de vol, en tirant des missiles qui coûtent 1,2 million d’euros chacun. On a donc une disproportion de forces pour intercepter des drones à 10 000 euros", résume sur TV5 Monde Xavier Tytelman, expert en défense.

"Même si les drones peuvent être suivis, leur interception à grande échelle avec des systèmes de défense aérienne conçus pour des cibles beaucoup plus imposantes, comme les avions à réaction, les missiles de croisière et les missiles balistiques, est souvent peu rentable", analyse pour sa part The Economist. Plusieurs projectiles ont ainsi déjà pénétré l’espace aérien de l’Otan ces derniers mois, en Roumanie en septembre 2023, en Lettonie en septembre 2024, tandis que des missiles ont traversé la Pologne en mars de l’année dernière.

Vendredi 12 septembre, l’Otan a ainsi annoncé le lancement de l’opération "sentinelle orientale", "destinée à renforcer la posture de l’Alliance le long de son flanc est", indique l’Otan. "Cette activité, qui débutera dans les jours qui viennent, mobilisera toute une série de moyens des Alliés, tant des capacités classiques que des technologies novatrices, dont des éléments permettant de faire face à l’utilisation de drones", poursuit le communiqué.

"Mur de drones" européen

De son côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a indiqué, peu de temps après la violation de l’espace aérien polonais, que l’Europe devait mettre en place "un mur de drones" à sa frontière est. Bruxelles va encourager les capitales européennes à utiliser les fonds européens, afin d’acquérir des systèmes de défense qui ont fait leurs preuves en Ukraine.

"Les membres de la frange orientale de l’Otan devraient recevoir près de 100 milliards d’euros de prêts liés à la défense, sur un total de 150 milliards d’euros levés sur le budget commun de l’Union européenne", avance le Financial Times. L’Union européenne va pour sa part lancer une "alliance sur les drones" avec Kiev, pour un montant de 6 milliards, afin de "transformer l’ingéniosité ukrainienne en avantage sur le champ de bataille et en industrialisation conjointe", a indiqué Ursula von der Leyen.

Avantage ukrainien

Car si l’Ukraine doit faire appel à ses alliés occidentaux pour ses systèmes antimissile, elle a, en plus de trois ans d’attaques de drones quasi quotidiennes sur son territoire, particulièrement innové dans la lutte contre ces engins. Les drones Shahed employés par la Russie, de petite taille et volants à basse altitude, sont en effet difficilement détectables par les radars classiques. C’est pourquoi les entreprises ukrainiennes ont mis au point une technologie capable de les identifier par leur signal sonore, afin qu’ils puissent ensuite être abattus par des équipes de combat mobiles.

La semaine passée, le président Volodymyr Zelensky a ainsi proposé de former la Pologne à la lutte contre les drones russes. Karolis Aleksa, vice-ministre lituanien de la Défense, a aussi déclaré au Financial Times "que le pays balte s’inspirait de la pratique ukrainienne" anti-drones, beaucoup plus économique, tandis que la Lettonie met sur pied une technologie similaire.

"Protéger l’Ukraine pour protéger l’Europe"

En plus de perfectionner les technologies européennes, certains Alliés comme la Pologne voudraient aussi voir évoluer la politique de l’Otan en matière de défense aérienne, au-delà de ses propres frontières. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski a en effet suggéré que les Etats de l’Otan devraient imposer "une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine" pour protéger leurs propres territoires des drones russes. "Nous, l’Otan et l’UE, pourrions être capables de le faire, mais ce n’est pas une décision que la Pologne peut prendre seule ; elle ne peut être prise qu’avec ses alliés", a-t-il déclaré au journal allemand Frankfurter Allgemeine.

Réclamée par l’Ukraine peu après l’invasion par la Russie, elle avait été rejetée par l’administration Biden en 2022, par crainte qu’une confrontation directe avec les avions de combat russes ne provoque une escalade dans le conflit. La proposition actuelle de la Pologne se limiterait pour l’instant à la défense contre les drones russes s’approchant des frontières de l’Ukraine avec les Etats membres de l’Otan. Selon les règles actuelles de l’Alliance, une telle riposte nécessiterait l’approbation unanime des 32 Etats membres, dont la Hongrie et la Slovaquie - peu probable, au vu de leur sympathie pour le régime de Vladimir Poutine.

© afp.com/Wojtek RADWANSKI

La police et l'armée inspectent les dégâts causés à une maison détruite par les débris d'un drone russe abattu dans le village de Wyryki-Wola, dans l'est de la Pologne, le 10 septembre 2025
  •  

Guerre à Gaza : comment la Commission européenne compte faire pression sur Israël

La Commission européenne a proposé, ce mercredi 17 septembre, de renchérir le coût de certaines importations en provenance d’Israël et de sanctionner deux ministres d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahou.

"Je veux être très claire, le but n’est pas de punir Israël. Le but est d’améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d’un point presse la cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas. Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l’UE, renchérir de quelque 227 millions d’euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d’origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d’extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l’UE. Bruxelles défend aussi le principe de sanctions contre les colons israéliens extrémistes, conformément à une autre proposition qu'elle a faite aux Etats membres il y a des mois.

"La guerre doit cesser"

L’exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d’accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l’unanimité des pays de l’UE. "Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Kaja Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès ce mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles. Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n’avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l’Italie.

Israël a déjà exhorté Bruxelles à ne pas aller de l'avant avec ses propositions. "Toute sanction recevra une "réponse appropriée", a promis mercredi son ministre des Affaires étrangères Gideon Saar. "La pression par des sanctions ne fonctionnera pas," avait-il déjà assuré, dans une lettre à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

Les 27 se sont montrés particulièrement divisés sur l’attitude à adopter vis-à-vis d’Israël depuis le début de sa guerre à Gaza contre le Hamas, en réplique à l’attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 sur le sol israélien par ce mouvement islamiste palestinien. Plusieurs Etats membres, dont l’Allemagne, insistent sur le droit d’Israël à se défendre, dans le respect du droit international, tandis que d’autres, comme l’Espagne, dénoncent un "génocide" à l’encontre des Palestiniens de Gaza. Les exportations israéliennes vers l’UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l’an dernier 15,9 milliards d’euros. Seules 37 % de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.

© AFP

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononçait son discours annuel sur l’état de l’Union lors d’une session plénière au Parlement européen à Strasbourg, le 10 septembre 2025.
  •  

La santé de Joe Biden, un secret d'Etat vertigineux : "Il aurait été incapable de discuter avec Poutine"

Quinze mois après le fatal débat Trump-Biden et un an après la déroute de Kamala Harris, les démocrates restent sonnés par le come-back historique de leur ennemi juré à la Maison-Blanche, le 20 janvier. Déboussolés, sidérés, K.-O. debout, les élus du parti n’ont toujours pas trouvé la riposte adéquate face à leur adversaire républicain qui, désormais, contrôle tout : Maison-Blanche, Sénat, Chambre des représentants, Cour suprême et 27 Etats sur 50.

Mais comment pourraient-ils avoir retrouvé leurs esprits alors qu’ils n’ont toujours pas effectué d’autocritique, ni analysé les raisons de la défaite et encore moins abordé le sujet qui fâche : l’âge du capitaine, son déclin cognitif et sa candidature vouée à l’échec (alors qu’il avait promis de ne faire qu’un seul mandat) ?

Kamala Harris et ses regrets bien tardifs

Dans 107 Days, à paraître le 23 septembre, Kamala Harris effleure le délicat sujet, à l’heure où Joe Biden est atteint d’un cancer agressif avec des métastases osseuses, diagnostiqué au printemps. Mais elle met surtout l’accent sur la courte durée de sa campagne éclair : 107 jours, c’est trop peu pour convaincre ; ah, si seulement elle avait eu le temps de déployer tout son talent… Dans cet exercice d’exorcisme, elle se plaint du manque de soutien de l’équipe Biden et laisse entendre que rien n’est de sa faute. Et voici relancées les spéculations sur une candidature Harris en 2028 ! "Ce scénario m’étonnerait fort, tempère la politologue Larry Sabato. Depuis le double échec d’Adlai Stevenson contre Eisenhower en 1952 et 1956, les démocrates évitent de choisir des perdants pour les représenter."

Kamala Harris (g) et Joe Biden à la Maison-Blanche à Washington, DC, le 9 janvier 2025
Kamala Harris (g) et Joe Biden à la Maison-Blanche à Washington, DC, le 9 janvier 2025

A ce jour, seuls Jake Tapper, présentateur sur CNN, et Alex Thompson, son confrère de Politico, ont dressé l’inventaire de la campagne Biden. Publié en mai, l’ouvrage Orignal Sin (Péché originel, non traduit) met les pieds dans le plat, comme en atteste son sous-titre : Le déclin du président Biden, sa dissimulation et la désastreuse décision de se représenter. Basé sur 200 interviews, ce livre enquête révèle que l’état de Joe Biden était pire que ce que l’on pouvait deviner.

Dès 2023, le papy président est incapable de gouverner plus de six heures par jour. Parfois, il se repose carrément des journées entières. Et vit reclus tel un grand-père semi-grabataire, entouré par son clan (une poignée de vieux conseillers et sa famille) qui veille sur lui avec affection. Avec une obsession en tête : cacher la vérité non seulement aux futurs électeurs compatriotes mais aussi aux ministres du cabinet Biden et au personnel de la Maison-Blanche !

Autour de "Joe", un cordon sanitaire

"Si Joe Biden avait tenu son engagement de ne faire qu’un seul mandat, nous serions dans une autre Amérique, se navre le politologue new-yorkais Andrew J. Polsky. Des primaires auraient été organisées. Un candidat plus jeune (probablement pas Kamala Harris) aurait émergé. Il aurait eu le temps de se faire connaître auprès des Américains. Et la campagne aurait été complètement différente. Un démocrate aurait pu l’emporter. Ce qui aurait signifié la fin de la carrière politique de Donald Trump, lequel n’aurait donc pas pu nuire aux institutions comme il le fait aujourd’hui." Surtout, le Parti démocrate, dont la popularité est au plus bas depuis le début des années 1990, ne serait pas à ramasser à la petite cuillère…

Car c’est bien la voie du mensonge qu’a empruntée la famille Biden, dont les piliers sont Jill (l’épouse de Joe), Hunter (son fils) et Valérie (sa fidèle sœur depuis l’enfance). Dès le départ, un cordon sanitaire est établi autour du président, réduisant au maximum ses interactions avec ses compatriotes. Dès lors, une étrange ambiance règne à la Maison-Blanche. Autant que possible, les huissiers sont tenus à l’écart. Les liftiers, eux, sont carrément déchargés de leur mission : personne ne doit voir le visage du président de près lorsqu’il emprunte l’ascenseur. "La plupart du temps, les domestiques des appartements privés restent assis à se tourner les pouces, révèlent Tapper et Thompson dans Original Sin. Souvent, ils sont renvoyés à la mi-journée et informés que leur service n’est pas nécessaire, l’explication officielle étant que les Biden n’aiment pas être traités au petit soin."

En fait, Joe Biden vit depuis l’épidémie de Covid (2019-2020) dans un cocon. Sa campagne présidentielle, il la mène depuis le studio télévisé de la cave de son manoir à Wilmington (Delaware). "Si le Covid-19 a été une chose affreuse pour le monde, ce fut en revanche une excellente nouvelle pour Joe Biden, tant il lui aurait été difficile de résister au rythme d’une présidentielle", explique un conseiller de Biden dans l’ouvrage de Tapper et Thompson. Loin du barnum politique et du road movie électoral, le candidat suit un programme "ultra-light" : après des matinées passées à se reposer, il n’attaque vraiment sa journée de travail que l’après-midi.

En 2022, le téléprompteur devient systématique

Vainqueur de Trump, il entre à la Maison-Blanche le 20 janvier 2021. La première année se passe presque normalement malgré sa chute de popularité due au retrait chaotique des troupes américaines d’Afghanistan. Mais dès le début de 2022, au commencement de la guerre en Ukraine, son affaiblissement devient plus visible et sa voix si faible que ses interlocuteurs peinent parfois à l’entendre. A certains moments, son regard se fixe et il semble absent. Régulièrement, il oublie le nom de conseillers qu’il voit pourtant quotidiennement. Et lorsqu’il perd le fil de sa pensée (souvent), il tente de donner le change en terminant ses phrases en queue de poisson par un "anyway…" ("bref…")

Ses conseillers limitent ses apparitions publiques. Après dix-huit mois à la Maison-Blanche, il n’a donné que 38 interviews à des journalistes, contre 116 pour Donald Trump durant le même laps de temps avant lui, et 198 pour Barack Obama. Afin de ménager leur monture, les speechwriters réduisent la longueur des discours, ce qui réduit son temps de présence sur les estrades. L’utilisation de téléprompteurs devient systématique en 2022. L’année suivant, il en utilise même un lors d’une réunion de donateurs en petit comité. Du jamais vu, qui perturbe et embarrasse les amis présents. Les services du protocole limitent aussi ses déplacements à l’étranger. En novembre 2022, lors d’un sommet du G20 en Indonésie, le président américain décommande à la dernière minute sa présence au dîner de gala, au prétexte qu’il a quelque chose d’urgent à régler. On ne saura jamais quoi. Faire dodo, peut-être.

Une présidence collective se met en place

L’ennui, c’est que le job de président exige d’être capable de travailler à 2 heures du matin en cas d’urgence et en toutes circonstances. "L’entourage de Biden a mis la sécurité du monde libre en danger", accuse l’éditorialiste conservateur Tom Basile qui, au passage, reproche au présentateur Jake Tapper de CNN d’avoir participé à l’omerta jusqu’à la publication de son livre Original Sin. "Joe Biden aurait été incapable de discuter en tête-à-tête avec Poutine ou Xi Jinping comme le fait Donald Trump, poursuit-il : "Je préfère mille fois ce dernier à n’importe quel vieillard." Le politologue Andrew J. Polsky, qui n’a rien d’un conservateur ni d’un trumpiste, complète : "Il est plus juste de parler d’une présidence collégiale autour de Biden que d’une présidence Biden".

Affirmer que ce dernier était dans l’incapacité totale de gouverner serait pourtant inexact. Le président avait des jours avec et des jours sans. Pour ajouter à la complexité, les élections de mi-mandat (midterms) en 2022 se déroulent mieux que prévu pour les démocrates malgré l’impopularité du président. Joe Biden tire aussitôt les marrons du feu. Ses communicants martèlent leur argument tautologique : Biden est le seul à avoir battu Trump ; il est donc le seul à pouvoir le battre à nouveau.

Emmanuel Macron ou François Mitterrand ?

L’annonce de sa nouvelle candidature est faite en avril 2023, précisément au moment où ses capacités cognitives semblent encore se dégrader. Ses journées de travail sont encore réduites. Le 23 octobre par exemple, son emploi du temps indique : rencontre avec des conseillers de 9 heures à midi. Ensuite : déjeuner de 12 h 15 à 13 h 15, puis "temps au bureau" jusqu’à 14 heures. Puis, "temps présidentiel" et enfin dîner à 16 h 30. Sa journée se termine à 17 h 15. A l’époque, les ministres qui le croisent – certains passent des mois entiers sans avoir accès à lui – notent une baisse alarmante de sa vivacité.

En février 2024, Biden décline la fameuse interview présidentielle lors du Super Bowl – une tradition depuis Barack Obama. Avec son audimat record, la finale de football américain est pourtant l’occasion de s’adresser à un maximum d’électeurs potentiels. Mais précisément, c’est le problème… Lors d’une conférence de presse, il confond Emmanuel Macron (vu quelques jours auparavant) et François Mitterrand (mort en 1996), Merkel et Kohl (mort en 2017) et assure que l’Égyptien al-Sissi est le président du Mexique.

En juillet, il s’accroche à son téléprompteur comme à une béquille : un jour, il lit tout le texte, y compris les instructions qu’il n’est pas censé prononcer ("répéter la dernière phrase"). La démarche du président est par ailleurs de plus en plus mal assurée. Ses conseillers évoquent l’idée (abandonnée jusqu’après l’élection) d’utiliser un fauteuil roulant, comme pour Franklin D. Roosevelt à la conférence de Yalta, où Staline a pu tirer profit de la faiblesse de l’Américain.

Steven Spielberg à la rescousse !

Afin d’améliorer l’image du candidat, son staff met en scène une rencontre "spontanée" avec des citoyens ordinaires, mais sans journalistes. La séquence, filmée, dure une heure et demie. Les communicants du président ont prévu d’en faire un montage qui fera croire à un échange du tac au tac avec des Américains. Mais en visionnant les rushes, il faut se rendre à l’évidence : les propos de Joe Biden n’ont aucune structure. Le matériel vidéo est inutilisable. Poubelle !

Lors d’un événement lié à une levée de fonds pour sa campagne, Joe Biden ne reconnaît pas George Clooney qui est pourtant l’un des visages les plus connus au monde et l’un des grands donateurs du parti démocrate – il l’a d’ailleurs rencontré plusieurs fois. Pour sauver le soldat Biden, le producteur de Hollywood Jeffrey Katzenberg appelle Steven Spielberg à la rescousse. Ensemble, ils travaillent sur l’éclairage et l’amplification de la voix (chuchotante) du candidat. Mais le réalisateur d’E.T. l’extraterrestre ne peut accomplir de miracles. Il est cependant sollicité à nouveau pour préparer le débat contre Trump. La raison ? Le metteur en scène multirécompensé (3 Oscars, 4 Golden Globes) est le seul dont le président accepte les remarques.

En arrivant à Camp David, où il s’est retiré pour la dernière ligne droite, le président est déjà "cuit". La première journée, il la passe entièrement à dormir. Lors d’un faux débat en forme de répétition générale, ses conseillers jouent le rôle des journalistes et de Trump. Sa performance laisse à désirer. Sa voix est faiblarde, ses propos décousus et il garde la bouche ouverte lorsque ce n’est pas lui qui parle.

Arrive le 27 juin, jour fatidique du débat sur CNN. Le président a l’air vieux, il bute sur les mots, n’arrive pas à formuler la moindre idée. Son déclin saute aux yeux du monde entier. En direct sur le plateau, après dix minutes d’émission, le coprésentateur Jake Tapper envoie discrètement un message à la régie grâce à l’iPad qui lui permet de communiquer avec la technique : "La vache…", écrit-il. Sa coprésentatrice Dana Bash glisse un papier à son confrère : "Il vient juste de perdre l’élection", écrit-elle après une tirade décousue du président.

Même le camp Trump n’en revient pas…

En coulisses, même le staff de Trump n’en croit pas ses yeux. Le communicant Chris LaCivita savait Joe Biden diminué, mais pas à ce point. "Oh fuck !", dit-il, "il ne tiendra pas jusqu’en novembre. C’est impossible." Le 10 juillet, George Clooney publie une supplique dans le New York Times : "J’aime Biden. Mais il nous faut un autre candidat." Onze jours plus tard, le vieux démocrate – qui avait naguère promis d’être "un président à mandat unique" – jette l’éponge. Il reste 107 jours à sa remplaçante pour mener campagne.

Comment en est-on arrivé là ? Une fois au sommet, l’orgueilleux septuagénaire s’est laissé happer par l’hubris du pouvoir. Affaibli, il s’en est remis à son entourage réduit à une peau de chagrin au fil des mois : d’anciens fidèles et sa famille proche. Dans ce contexte, les dysfonctionnements se multiplient. Un exemple : Anthony Bernal, le conseiller de la Première dame, exerce une influence disproportionnée à la Maison-Blanche, s’invitant dans des réunions sans y avoir été convié et se faisant détester par la plupart. "Jill ne va pas aimer ça", dit-il lorsqu’il veut bloquer une idée.

Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d'une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024
Le président américain Joe Biden et son fils Hunter Biden sortant d'une librairie à Nantucket, dans le Massachusetts, le 29 novembre 2024

Le conseiller le plus sulfureux reste toutefois son fils Hunter. Suspecté de corruption en Ukraine, accro à la cocaïne, au crack et aux prostituées (il est aujourd’hui redevenu sobre), le fils cadet ne trouve rien de mieux que de coucher avec la veuve de son frère Beau à la mort de celui-ci, puis de l’initier à la drogue. Mais Joe pardonne tout à Hunter, son talon d’Achille. Ayant perdu sa fille d’un an dans un accident de voiture en 1972, puis son fils Beau, d’un cancer à l’âge de 45 ans en 2015, le président n’est pas prêt à abandonner son dernier rejeton, menacé de prison. Mis en examen pour détention illégale d’arme à feu, Hunter est évidemment le premier à avoir intérêt à la réélection de son père qui, d’ailleurs, l’amnistie à la fin de son mandat. Avec Jill Biden, il aura été le partisan le plus acharné d’une nouvelle candidature de Joe.

"Un vieil homme avec une mauvaise mémoire"

La question est : quelqu’un aurait-il pu arrêter à temps cette spirale ? Les élus du Parti démocrate ? La majorité d’entre eux ne voulaient pas s’opposer à la "machine" du parti, étant eux-mêmes en campagne pour leur réélection. Barack Obama ? Il n’a pas voulu contester son ex-vice-président, ayant des relations compliquées avec lui depuis son soutien à la candidature d’Hillary Clinton (plutôt qu’à Joe) en 2016. De son côté, la presse d’obédience démocrate (New York Times, Washington Post) s’efforce d’épargner le président. De rares éditorialistes sonnent pourtant l’alarme dès 2023 dans le New Yorker, The Atlantic ou le Wall Street Journal. Lucides, ils demandent au candidat septuagénaire de s’écarter au profit d’un plus jeune. Ils s’attirent immédiatement les foudres de la Maison-Blanche qui contre-attaque en mettant en cause l’intégrité professionnelle des auteurs, selon un procédé qui n’a rien à envier à Donald Trump.

La même tactique est employée contre le procureur spécial Robert Hur. En 2023, il a interrogé Joe Biden pendant cinq heures (sur deux jours) dans le cadre de l’affaire des documents classifiés illégalement entreposés dans le garage de la maison des Biden, dans le Delaware. S’efforçant d’épargner ce dernier, Hur, dans son rapport final publié en février 2024, édulcore son propos et décrit Joe Biden comme un "vieil homme bien intentionné, mais avec une mauvaise mémoire", note-t-il. Là encore, la contre-attaque de la Maison-Blanche est violente. Kamala Harris qualifie le rapport de "motivé par des considérations politiques", "gratuit", "inexact" et "inapproprié".

"Les Américains découvrent aujourd’hui, après coup, l’ampleur insoupçonnée du 'problème Biden'", constate l’américaniste Françoise Coste qui cite le cas du démocrate Jerry Nadler. Elu au Congrès depuis 1992, ce New-yorkais de 78 ans vient d’annoncer qu’il ne se représenterait pas en 2026 : "En observant ce qui est arrivé à Biden, j’ai vraiment compris la nécessité d’un changement générationnel au sein du parti", a-t-il déclaré. Peu à peu, mais trop tard, les langues se délient.

© afp.com/Jim WATSON

L'ex-président américain Joe Biden, le 10 décembre 2024 à l'Institut Brookings, à Washington
  •  

Exercices militaires russes en Biélorussie : l'étonnante présence d'observateurs américains

L’information surprend, mais ne désarçonne pas : des officiers américains ont été invités à assister aux exercices stratégiques conjoints annuels entre la Russie et son plus proche allié, la Biélorussie… Organisés cette année à la frontière d’un pays de l’Otan, la Pologne. Le signal fort d’une "volonté de désescalade des tensions avec les Etats-Unis autour d’un processus de paix au point mort", pour le Wall Street journal (WSJ).

C’est le ministre de La Défense Biélorusse, Viktor Khrenin, qui a annoncé la nouvelle de cette invitation surprise, lundi 15 septembre sur sa chaîne Telegram, rapportent Les Echos. Dans une vidéo, on le voit serrer la main de l’attaché militaire américain Bryan Shoupe durant les exercices militaires nommés "Zapad 2025". "Merci pour l’invitation" salue l’Américain. "Les meilleures places pour observer seront mises à votre disposition. […] Nous vous montrerons tout ce qui vous intéresse", lui répond le ministre biélorusse.

Continuité de la politique de Donald Trump

Une grande étape franchie, mais une continuité cohérente, après le sommet entre Vladimir Poutine et Donald Trump en Alaska en août dernier. "Bien que ce soit officiellement la Biélorussie qui ait invité les Etats-Unis et d’autres alliés, certains observateurs ont vu la main de Moscou derrière cette mise en scène, comme une façon de maintenir l’élan dans les ouvertures du président russe Vladimir Poutine envers le président Trump", décrypte le WSJ.

La veille de ces exercices, qui ont pris fin mardi, la Biélorussie avait libéré en signe de bonne volonté 52 prisonniers politiques, en grande majorité des opposants au régime de Lukachenko, président qui dirige d’une main de fer le pays depuis la chute de l’Union soviétique. Ces derniers ont été accueillis par la Lituanie. En échange, Washington a pris une mesure très attendue par Minsk : la fin des sanctions sur la compagnie aérienne nationale Belavia. Arrivé sur le sol biélorusse, "l’envoyé spécial du président américain a aussi remis une lettre de Donald Trump au dirigeant biélorusse avec ces mots : "C’est un geste rare d’amitié", révèlent Les Échos. 25 prisonniers supplémentaires ont été graciés mardi.

Un appel vers l’Europe à normaliser la communication

Pas la même ambiance côté Otan et Europe de l’Est : la pression est encore montée d’un cran face aux exercices militaires russes et biélorusses. La Pologne, la Lettonie et la Lituanie, trois pays frontaliers, ont renforcé leurs mesures de sécurité. Les frontières ont été bouclées, et des exercices militaires ont été organisés en miroir, mobilisant leurs propres armées. Par le passé "Moscou a déjà utilisé des exercices militaires comme couverture pour franchir ses frontières", rappelle le WSJ. En février 2022, les exercices baptisés "Union Resolve" avaient permis à Moscou de déployer une partie de ses troupes en Biélorussie dans le cadre de manœuvres d’entraînement pour lancer l’invasion de l’Ukraine.

L’inquiétude a donc atteint des niveaux inhabituels sur le flanc est de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, surtout après l’incursion la semaine dernière d’un drone russe en territoire polonais. De leur côté, les Etats-Unis ont déjà écarté la théorie d’un acte intentionnel et belliqueux de la Russie.

Pourtant pour certains observateurs, avant même d’être une démonstration de force (les exercices annuels russes sont très scénarisés, et ne reflètent pas selon les observateurs la véritable force de frappe de l’armée du Kremlin), le message était plutôt le suivant : l’Occident a tout intérêt à normaliser la communication avec la Russie et ses alliés. "Nous n’avons rien à cacher" ont répété les autorités de Minsk à l’occasion des exercices.

Le déroulement de ces exercices aux portes de l’Otan signe tout de même un message clair : en cas de refus de communication, la confrontation militaire est bien toujours sur la table. Mardi, le ministère biélorusse de la Défense a indiqué publiquement que les exercices incluaient l’élaboration de plans d’utilisation du missile tactique Oreshnik, capable de porter une ogive nucléaire, que la Russie avait utilisée avec effet dévastateur en Ukraine l’an dernier. Depuis, Vladimir Poutine a promis de déployer ce missile en Biélorussie, plaçant ainsi cette arme hypersonique tactique aux portes de l’Otan.

© afp.com/Handout

Capture d'écran vidéo tirée d'un document distribué par le ministère russe de la Défense, le 12 septembre 2025, montrant les forces armées russes participant aux exercices militaires conjoints Zapad-2025 des forces armées russes et bélarusses dans un lieu non divulgué
  •  

Mort d’Alexeï Navalny : la veuve de l’opposant russe affirme qu’il a été "empoisonné"

La veuve du principal opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison en février 2024 dans des conditions troubles, a affirmé mercredi 17 septembre que son mari avait été "empoisonné", disant se fonder sur des analyses effectuées par des laboratoires occidentaux.

Ioulia Navalnaya, qui a repris les rênes du mouvement de son mari défunt, a expliqué sur les réseaux sociaux que des échantillons biologiques de son époux avaient été collectés après sa mort à 47 ans dans une colonie pénitentiaire de Kharp, dans l'Arctique russe, et transmis à des laboratoires situés dans des pays occidentaux. "Deux laboratoires de deux pays différents sont arrivés, indépendamment l'un de l'autre, à la conclusion que Alexeï avait été empoisonné", a-t-elle déclaré sur Telegram et dans une vidéo explicative. Ioulia Navalnaya n'a pas rendu public ces analyses et a précisé ne pas pouvoir "obtenir les résultats officiels indiquant exactement quel poison avait été utilisé".

"Il a été tué de manière atroce"

Une proche collaboratrice de Navalny, Maria Pevtchikh, a pour sa part affirmé sur Telegram que l'opposant était, au moment de sa mort, "allongé par terre, vomissait et hurlait de douleur" mais qu'"au lieu de le sauver, les gardiens l'ont laissé là, ont fermé les barreaux et la porte" de sa cellule. Elle a publié des photographies d'une cellule, selon elle prises juste après le décès de l'opposant, sur lesquelles on voit du vomi et du sang sur le sol. 

L'ex-bras droit d'Alexeï Navalny, Leonid Volkov, a accusé sur Telegram le président russe, Vladimir Poutine, d'avoir "assassiné" l'opposant. "Il a été tué de manière atroce, empoisonné. Et même si les données ont été effacées des dossiers médicaux et les traces dissimulées, nous savons tout de son dernier jour et de la manière dont il a été assassiné", a-t-il indiqué.

Charismatique militant anticorruption et ennemi numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny est mort le 16 février 2024 dans des circonstances floues, alors qu'il purgeait une peine de 19 ans de prison pour des accusations qu'il dénonçait comme politiques. Il avait été empoisonné une première fois en 2020 en Sibérie à l'agent innervant Novitchok et était resté en convalescence pendant plusieurs mois en Allemagne. Il avait été arrêté dès son retour en Russie, en janvier 2021.

Après sa mort, les autorités avaient refusé pendant plusieurs jours de remettre son corps à ses proches, ce qui a éveillé les soupçons de ses partisans. Le Kremlin dément toute responsabilité dans sa mort.

© afp.com/-

Des fleurs déposées autour de portraits de l'opposant russe Alexeï Navalny, mort en prison, le 23 février 2024 à Francfort, en Allemagne
  •  

Mort de Charlie Kirk, affaire Epstein, purges… Kash Patel défend son action à la tête du FBI

"Vous promettez de publier le dossier Epstein, mais maintenant vous gardez le dossier Epstein secret. Vous annoncez l’arrestation d’un suspect dans un grave assassinat et oups ! Vous n’avez plus de suspect" : placé par Donald Trump à la tête du FBI en février dernier, Kash Patel a été bousculé lors d’une audition mardi 16 septembre par les démocrates du Sénat. Ces derniers mettent en cause son professionnalisme et l’accusent de partialité dans sa conduite de la police fédérale américaine. Plus tôt cette semaine, le patron du FBI avait annoncé prématurément l’arrestation d’un suspect dans l’enquête sur l’assassinat de l’influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

"Je ne vais nulle part !" a clamé Kash Patel dès le début de l’audition, donnant le ton avant plus de quatre heures d’attaques et de contre-attaques dans une salle de commission à moitié vide. Le fonctionnaire a rejeté à plusieurs reprises les questions des sénateurs démocrates, les qualifiant de "honteuses" ou "dégoûtantes" lors d’échanges qui ont viré deux fois à l’empoignade verbale, rapporte le Washington Post.

Devant le Sénat, Kash Patel s’est de nouveau justifié d’avoir claironné sur X, quelques heures à peine après l’assassinat de Charlie Kirk le 10 septembre, que l’auteur présumé de ce "meurtre atroce" était en détention, grillant la politesse aux autorités sur place, bien plus circonspectes. Il avait ensuite dû se dédire piteusement en annonçant que ce suspect, mis hors de cause, avait été relâché. Il a répété mardi qu’il aurait "pu s’exprimer plus prudemment" mais a nié avoir commis "une erreur".

Son autorité est d’autant plus entamée qu’une partie de la base du président Donald Trump lui reproche, ainsi qu’à la ministre de la Justice, Pam Bondi, sa gestion de l’affaire Jeffrey Epstein, délinquant sexuel mort en prison en août 2019 avant son procès pour exploitation sexuelle. Au Sénat néanmoins, les républicains du panel lui sont restés fidèles, "n’offrant tout au plus que de légers reproches qui masquaient les griefs sérieux de certains alliés de Trump contre Kash Patel depuis la mort de Charlie Kirk", note le New York Times.

Licenciements massifs

D’autres dossiers ont été ressortis par les sénateurs. En janvier, l’ancien procureur du ministère de la Justice avait défendu ses qualifications et promis qu’il n’utiliserait pas son rôle de directeur pour se venger des adversaires politiques de Trump. Les démocrates l’ont accusé ce mardi d’avoir rompu cette promesse, en soulignant les licenciements de dizaines d’agents vétérans ayant travaillé sur des enquêtes liées au président ou à l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole. "Vous ne savez rien des projets de limogeage d’agents du FBI et pourtant vous êtes directement impliqué dans ces plans", a accusé le sénateur Cory Booker.

Kash Patel a rejeté tout caractère partisan dans la vague de 36 000 licenciements qu’il a conduite, assurant se fonder uniquement sur des critères de compétence professionnelle. Dans une plainte la semaine dernière, trois responsables du FBI abruptement renvoyés en août disent pourtant avoir été sanctionnés pour leur opposition au limogeage d’agents dont le seul tort était d’être considérés comme insuffisamment alignés sur les priorités de la nouvelle administration.

"Attaquer l’attaquant"

Pour les démocrates, la conclusion de l’audience était claire. "Je ne pense pas que vous soyez à votre place au FBI. Mais voilà, Kash Patel, je ne pense pas que vous y soyez pour très longtemps encore", a lancé le sénateur démocrate Cory Booker, lui promettant que malgré son indéfectible allégeance, Donald Trump se "débarrasserait" de lui sans états d’âme.

Pour la presse américaine, aucun doute, Kash Patel était venu "jouer le rôle familier de pugiliste" lors de son audition, titre le New York Times. "Kash Patel, qui a adopté le style 'attack-the-attacker' du président Trump avec une verve tonitruante, n’avait aucune intention de se laisser piéger par les démocrates, ni de concéder de grandes erreurs, ni parfois même de fournir des réponses à leur demande d’information", décrit le journal américain.

Plus encore qu’une épreuve de défense ou de justification, Kash Patel était venu mener une démonstration, poursuit le New York Times. "Il était là pour se battre, tranche le média. Peut-être pour convaincre Donald Trump qu’il possède encore les attributs qui l’ont initialement rendu cher au cercle rapproché du président — ce mélange unique de défi public et de soumission personnelle exigé de ceux placés en position de pouvoir". Après avoir été questionné par la commission judiciaire du Sénat mardi, Kash Patel doit se présenter devant celle de la Chambre des représentants ce mercredi.

© afp.com/Jim WATSON

Le directeur du FBI, la police fédérale américaine, Kash Patel, lors d'une audition devant la commission judiciaire du Sénat, à Washington, le 16 septembre 2025
  •  

Guerre à Gaza : Israël dit avoir frappé "plus de 150 cibles" depuis mardi

A la suite du lancement d’une offensive terrestre israélienne sur Gaza-ville, Paris a fustigé mardi 16 septembre au soir une "campagne destructrice, qui n’a plus de logique militaire", appelant Israël à "lever immédiatement toutes les restrictions imposées à l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza". Le Premier ministre Benyamin Netanyahou s’est lui aussi exprimé dans la soirée, affirmant que la frappe israélienne sur Doha - capitale du Qatar médiateur - était "justifiée" par la traque du Hamas.

Les infos à retenir

⇒ L'armée israélienne a annoncé mercredi avoir frappé plus de 150 cibles à travers Gaza-ville

⇒ La France a dénoncé une "campagne destructrice" au lendemain de l’offensive terrestre sur Gaza

⇒ La Chine prend position et presse Israël d'entendre les appels à un arrêt immédiat des hostilités dans le territoire palestinien

Israël affirme avoir "frappé plus de 150 cibles" depuis mardi

L'armée israélienne a annoncé mercredi avoir frappé plus de 150 cibles à travers Gaza-ville depuis le déclenchement la veille d'une offensive terrestre majeure destinée à y détruire le Hamas. "Au cours des deux derniers jours, l'[armée de l'Air] et les forces de l'artillerie ont frappé plus de 150 cibles terroristes à travers la ville de Gaza en soutien aux troupes manœuvrant dans la zone", indique un communiqué militaire.

De son côté, la Défense civile de Gaza, organisme de premiers secours opérant sous l'autorité du Hamas, a annoncé mercredi la mort de 12 personnes dans des frappes ou tirs israéliens sur l'ensemble du territoire depuis le début de la journée, après avoir fait état de plus de 46 morts mardi.

L'armée israélienne a également annoncé mercredi l'ouverture, temporaire, d'un nouvel axe pour accélérer la fuite des habitants de Gaza-ville vers le sud, au lendemain du lancement d'une offensive militaire majeure destinée à anéantir le Hamas dans cette zone. "Pour faciliter le déplacement vers le sud, une voie de passage temporaire est ouverte via la rue Salaheddine", a annoncé l'armée dans un message de son porte-parole arabophone, le colonel Avichay Adraee sur les réseaux sociaux.

L'armée israélienne, qui multiplie les appels à évacuer Gaza-ville, avait jusque-là conseillé aux habitants de fuir par la route côtière vers ce qu'elle a défini elle-même comme une zone humanitaire plus au sud, englobant notamment une partie de la région d'Al-Mawasi. La route Salaheddine coupe la bande de Gaza en son milieu du nord au sud parallèlement à la côte méditerranéenne. L'itinéraire d'évacuation "sera ouvert pendant 48 heures seulement", à partir de mercredi midi, a néanmoins prévenu le colonel Adraee. L'ONU estimait fin août à environ un million d'habitants le nombre de Palestiniens dans Gaza-ville et ses environs.

La France dénonce une "campagne destructrice"

Paris a condamné l’offensive terrestre lancée mardi 16 septembre par l’armée israélienne à Gaza ville, appelant le gouvernement à "mettre fin à cette campagne destructrice, qui n’a plus de logique militaire", dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Soulignant le "contexte humanitaire et sanitaire d’une gravité extrême marqué la famine, l’absence d’accès aux biens de première nécessité et aux soins d’urgence", Paris a de nouveau appelé Israël à "lever immédiatement toutes les restrictions imposées à l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza", et à "reprendre au plus vite les négociations en vue d’un cessez-le-feu et de la libération de tous les otages".

La veille, l’armée israélienne avait annoncé lancer une offensive terrestre majeure visant à éliminer le Hamas, s’attirant de nombreuses condamnations à l’international dont celle de l'ONU qui a dénoncé un "carnage". A Genève, une commission d’enquête mandatée par les Nations Unies a accusé pour la première fois Israël de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza.

La Chine "s'oppose fermement à l'escalade" israélienne à Gaza

La Chine aussi s'est exprimée et a annoncé s'opposer "fermement à l'escalade par Israël de ses opérations militaires" dans la bande de Gaza. La Chine "condamne tous les agissements portant atteinte aux civils", a dit un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian, devant l'offensive terrestre majeure lancée mardi à Gaza-ville. "Nous pressons Israël d'écouter les appels forts de la communauté internationale, de cesser immédiatement ses opérations militaires à Gaza et de mettre en place dès que possible un cessez-le-feu complet et durable pour empêcher une crise humanitaire d'une ampleur plus grande encore", a-t-il dit lors d'un point presse quotidien.

La frappe de Doha contre le Hamas était "justifiée" dit Benyamin Netanyahou

"Le Qatar est lié au Hamas, il héberge le Hamas, il finance le Hamas. Il dispose de leviers puissants qu’il pourrait actionner, mais il a choisi de ne pas le faire. Par conséquent, notre action était entièrement justifiée", a déclaré Le Premier ministre israélien en parlant de la frappe menée par Israël le 9 septembre contre des responsables du Hamas réunis dans un complexe résidentiel en plein cœur de Doha, la capitale de ce pays du Golfe allié des Etats-Unis et médiateur dans la guerre à Gaza.

Selon le Hamas, les dirigeants du mouvement ont survécu à l’attaque, qui a fait six morts. Les frappes israéliennes au Qatar, qui abrite la plus grande base aérienne américaine de la région, avaient provoqué de rares critiques contre Israël de la part de Donald Trump.

Damas et Washington travaillent à un "accord de sécurité" avec Israël

Un "accord de sécurité" est en cours d’élaboration entre la Syrie, les Etats-Unis et Israël, a annoncé la diplomatie syrienne mardi soir. Cet accord intervient dans le cadre d’un plan annoncé dans la journée pour pacifier la province à majorité druze de Soueïda, dans le sud de la Syrie. Il "répondra aux préoccupations légitimes de la Syrie et d’Israël en matière de sécurité tout en soulignant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie", promet le communiqué.

Selon un responsable militaire syrien, les forces gouvernementales ont retiré leurs armes lourdes du sud de la Syrie, sur une zone allant de la frontière sud, avec Israël et la Jordanie, jusqu’à "dix kilomètres au sud de Damas". Benyamin Netanyahou avait déclaré fin août qu’Israël menait des discussions en vue d’établir une zone démilitarisée dans le sud de la Syrie. Durant les violences de juillet, Israël, techniquement en état de guerre avec la Syrie depuis des décennies, était intervenu militairement en affirmant agir pour protéger la communauté druze.

© afp.com/Omar AL-QATTAA

Des Palestiniens fouillent les décombres après une frappe israélienne à Gaza-ville, le 15 septembre 2025.
  •  

Assassinat de Charlie Kirk : le meurtrier présumé Tyler Robinson risque la peine de mort

Tyler Robinson, le meurtrier présumé de l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, a comparu mardi pour la première fois, quelques heures après avoir été formellement inculpé par les autorités de l'Utah, qui ont requis la peine capitale contre lui.

Tyler Robinson, 22 ans, en combinaison verte antisuicide, portant une barbe de quelques jours, a brièvement comparu devant le juge Tony Graf qui lui a lu les chefs d'accusation retenus contre lui et a fixé la prochaine audience au 29 septembre. Il l'a écouté sans manifester d'émotion particulière, se contentant de hocher la tête par moments.

L'accusé, dont le mobile précis demeurait jusque-là mystérieux, a justifié son acte auprès de ses proches par la "haine" véhiculée selon lui par Charlie Kirk, a souligné le procureur du comté de l'Utah, Jeffrey Gray, lors d'une conférence de presse.

"J'en ai assez de cette haine"

Charlie Kirk a été assassiné le 10 septembre d'une balle dans le cou alors qu'il animait un débat sur un campus universitaire dans l'Utah, dans l'ouest du pays, un drame qui a ravivé les profondes fractures politiques américaines. "Ce type diffuse trop de haine", a dit à ses parents Tyler Robinson, en référence à Charlie Kirk, pour expliquer son geste, a expliqué Jeffrey Gray. "J'en ai assez de cette haine. Il y a une haine avec laquelle on ne peut pas faire de compromis", a-t-il également écrit dans un message à la personne avec qui il vivait, a ajouté le procureur.

Il s'est livré à la police le 11 septembre sous la pression de ses parents, selon les autorités. La peine de mort étant requise à son encontre, Tyler Robinson restera en détention sans possibilité de libération sous caution, a précisé Jeffrey Gray.

Depuis environ un an, Tyler Robinson, issu d'une famille conservatrice, s'était politisé et rapproché de positions plus à gauche, favorable aux droits des personnes LGBT et transgenres, selon sa mère, citée par le procureur. L'accusé entretenait une relation amoureuse avec son colocataire, une personne "biologiquement masculine qui était en train de changer de genre", a-t-il confirmé.

Tyler Robinson visé par sept chefs d'accusation

Tyler Robinson est visé par sept chefs d'accusation, dont celui d'assassinat, "pour avoir intentionnellement ou sciemment causé la mort de Charlie Kirk dans des circonstances qui ont entraîné un grand risque de mort pour d'autres personnes", a-t-il précisé.

Les deux principaux chefs d'accusation sont assortis de circonstances aggravantes "parce que l'accusé est présumé avoir pris pour cible Charlie Kirk en raison de son expression politique et en sachant que des enfants étaient présents et assisteraient à l'homicide", a-t-il ajouté. Lors d'une audience devant la commission judiciaire du Sénat, le directeur du FBI, Kash Patel, a déclaré mardi que les contacts de Tyler Robinson sur la plateforme Discord, qui auraient pu avoir connaissance de ses projets, faisaient "actuellement l'objet d'investigations et d'interrogatoires".

Donald Trump envisage de classer la mouvance "antifa" comme organisation "terroriste" intérieure

Figure de la droite américaine âgée de 31 ans, Charlie Kirk utilisait ses millions d'abonnés sur les réseaux sociaux et ses interventions dans les universités pour défendre Donald Trump et diffuser ses idées nationalistes, chrétiennes et traditionalistes sur la famille auprès de la jeunesse. Le président américain, qui a reconnu son rôle dans son élection en novembre 2024, a été prompt à dénoncer la rhétorique de la "gauche radicale", accusée d'avoir influencé l'assassin présumé et donc d'être, au moins en partie, responsable de son acte.

Le vice-président J.D. Vance a répété ces attaques lundi en animant lui-même, sous les ors de la Maison-Blanche, le podcast tenu jusqu'alors par Charlie Kirk. Il a assuré que beaucoup, à gauche, "développent un climat dans lequel de telles choses vont forcément se passer". "C'est un vaste mouvement de terrorisme intérieur", est allé jusqu'à dire Stephen Miller, proche conseiller de Donald Trump.

Donald Trump, qui assistera dimanche à une cérémonie d'hommage à Charlie Kirk organisée dans un stade de l'Arizona (sud-ouest), a dit envisager de classer la mouvance "antifa" - ou "antifasciste", terme générique qui désigne des groupes d'extrême gauche - comme organisation "terroriste" intérieure.

© afp.com/-

Montage photos du 13 septembre 2025 à partir de documents publiés par le bureau du gouverneur de l'Utah montrant Tyler Robinson, le suspect de la mort par balle du militant d'extrême droite Charlie Kirk
  •  

Drones russes en Pologne : pourquoi se défendre ne suffit pas

C’est l’équation infernale à laquelle font face actuellement les Occidentaux et les Ukrainiens. Les drones et missiles russes coûtent beaucoup moins cher et sont plus simples à produire que les armements utilisés pour les contrer. Pour neutraliser la vingtaine de drones longue portée Gerbera ayant pénétré l’espace aérien de la Pologne dans la nuit du 9 au 10 septembre, Varsovie et l’Otan ont eu recours à des avions de chasses dispendieux comme les F-16 et les F-35, ainsi qu’à des systèmes de défense américains Patriot, dont chaque missile coûte plus de quatre millions de dollars.

Il y a urgence à disposer de dispositifs bon marché pour de telles menaces, la Russie de Vladimir Poutine n’hésitant plus à tester les défenses antiaériennes des Européens – et au passage leur capacité de réponse politique. Ils y travaillent, en multipliant les options : missiles à bas coût, contre-mesures électroniques, lasers et même drones anti-drones, comme commencent à en utiliser les Ukrainiens pour neutraliser les Shahed russes tirés certaines nuits par centaines. L’Otan a aussi testé un "mur de drones" intercepteurs, déployables si une incursion comme celle ayant visé la Pologne devait être détectée à l’avenir.

Car la Russie ne va pas réduire la cadence de son réarmement massif. Sa capacité de production de Shahed – qu’elle appelle Geran-2 – est montée à 30 000 unités par an et devrait bientôt dépasser les 40 000. Quand bien même l’Occident parvient à accélérer le développement d’intercepteurs capables d’être déployés à grande échelle, cela pose deux problèmes. Il y a d’abord l’effet de saturation : s’il y a trop de drones à neutraliser en même temps, certains parviendront à toucher leur cible. Il y a ensuite le risque d’épuisement des défenses : qu’il n’y ait plus assez de munitions et de missiles pour parer de nouvelles attaques.

"L’Europe devrait plutôt adopter une stratégie de contre-attaque conventionnelle"

Se contenter d’un meilleur bouclier ne suffira pas. "L’Europe devrait plutôt adopter une stratégie de contre-attaque conventionnelle, axée sur la punition, qui dissuade la Russie en démontrant sa capacité à riposter de la même manière à l’utilisation coercitive ou massive de missiles", plaide dans une récente tribune Fabien Hoffmann, chercheur à l’université d’Oslo. Elle a déjà un atout dans sa manche : l’Ukraine. Celle-ci se dote progressivement d’une flotte de missiles et drones de longue portée, qui font leurs preuves en frappant les raffineries, avec des effets concrets sur l’économie russe.

De telles armes, en nombre, offriraient une dissuasion conventionnelle aux Européens. En cas d’attaque, la Russie ne s’exposerait pas seulement à ce que celle-ci soit neutralisée. Elle risquerait de subir des représailles du même ordre. Œil pour œil, dent pour dent : de quoi décourager Moscou de frapper des installations occidentales ou des villes. C’est d’ailleurs cette dissuasion conventionnelle que l’Ukraine vise à terme. Elle en était dépourvue lors de l’invasion du 24 février 2022. Et l’a cruellement payé.

© afp.com/Ivan SAMOILOV

Les restes d'un drone explosif Shahed russe abattu par la défense aérienne ukrainienne, le 30 avril 2025 à Kharkiv.
  •  

Immigration : la recette de Giorgia Meloni est-elle un mirage ?

Qu’il est bon d’être courtisé par ses adversaires d’hier. Giorgia Meloni ne boude pas son plaisir : en moins de trois ans à la tête du gouvernement italien, la patronne du parti d’extrême droite Fratelli d'Italia est devenue la coqueluche de l’Europe, louée pour sa "pensée novatrice" en matière d’immigration par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, recevant à Rome chefs d’Etat, Premiers ministres et ministres de l’Intérieur de tous bords, jaloux des résultats qu’elle crie sur tous les toits : les arrivées par la mer ont chuté de 60 % en 2024. Un argument marketing de choc pour une classe politique européenne sévèrement jugée sur sa gestion de l’immigration. Seuls 7 % des Français, 13 % des Belges et 14 % des Allemands jugeaient positif le bilan de l’Union européenne en la matière, selon un sondage réalisé par Cluster 17 pour le Grand Continent en décembre dernier.

La "recette" Meloni ? "Une approche globale : protection des frontières, rapatriement des personnes n’ayant pas le droit de séjourner dans l’UE et lutte contre les trafiquants et les départs illégaux grâce à une coopération équitable avec les pays d’origine et de transit" vante le parti de la cheffe du gouvernement italien sur son site. Parmi les mesures phares du gouvernement, la signature d’accords avec la Tunisie dès l’été 2023, sous l’égide de l’Union européenne : 105 millions d’aide promis à l’autocrate Kaïs Saïed pour empêcher les traversées clandestines. Un dispositif connu : "La première baisse importante de l’immigration irrégulière en Italie date de 2017, après l’accord avec la Libye, qui lui transférait la responsabilité des opérations de sauvetage en mer", rappelle le chercheur Matthieu Tardis, cofondateur du centre de recherche Synergie Migrations. Un an plus tôt, un pacte migratoire avait été conclu entre l’UE et la Turquie.

Dans ces trois cas, le traitement réservé aux migrants est mis en cause par plusieurs ONG et des enquêtes accablantes comme celle, en septembre 2024, du Guardian, décrivant les "violences et tortures" commises par la garde nationale tunisienne. A Rome, on s’en tient aux chiffres. "La politique de Giorgia Meloni est conduite en coopération avec les pays tiers, d’origine et de transit, et ça marche : les flux migratoires ont énormément baissé" défend une source diplomatique.

L'immigration légale est à son plus haut niveau alors que les arrivées par la mer baissent.
L'immigration légale est à son plus haut niveau alors que les arrivées par la mer baissent.

En Albanie, des centres de rétention vides

La réalité est plus complexe. "L’été 2023 a été une exception. La forte hausse des départs est survenue à un moment où les conditions de vie [en Tunisie] se dégradaient considérablement, où les violences envers les migrants s’intensifiaient et où des rumeurs annonçaient l’imminence d’un renforcement des contrôles dans les ports" souligne le Conseil allemand des relations étrangères dans une récente note. La baisse constatée un an plus tard, ne serait donc pas seulement due à l’accord signé avec Tunis et ressemble à un "retour à la normale". En 2024, 66 617 personnes sont arrivées en Italie par la mer selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies, un chiffre équivalent à celui de 2021. L’année 2025 suit une trajectoire similaire.

Mais Giorgia Meloni a encore une corde à son arc pour repousser les migrants hors de ses frontières : sous-traiter les demandes d’asile en Albanie. Deux centres de rétention y ont été construits après la signature, en novembre 2023, d’un accord entre Rome et Tirana. Coût de l’opération : 670 millions d’euros sur cinq ans pour prendre en charge 36 000 personnes par an, selon le gouvernement. Sauf que ces deux centres restent pour l’heure quasiment vides, en raison d’une série de recours judiciaires. Pire, la facture exorbitante de ce dispositif d’externalisation est épinglée par plusieurs organisations. D’après les calculs du site d’investigation Follow the Money, un lit dans l’un de ces deux centres albanais coûte 11 fois plus cher qu’un lit dans un centre équivalent en Sicile. "C’est une politique d’affichage, qui n’a plus grand-chose de pragmatique", regrette Matthieu Tardis.

En parallèle, Giorgia Meloni, qui fustigeait en 2021 la "vulgaire propagande pro-immigration" de la gauche, appelant à "l’arrivée de davantage d’immigrants pour servir de main-d’œuvre bon marché dans les champs" a dû se résoudre à ouvrir ses portes à des centaines de milliers de travailleurs étrangers. Du jamais vu depuis dix ans. "Le problème démographique est tel que la seule solution rapide est d’accueillir davantage de migrants, dans les secteurs de l’agriculture et du tourisme, mais aussi les hôpitaux, analyse Arturo Varvelli, politologue à l’ECFR. Meloni tente de concilier ces deux visages : d’un côté, une rhétorique ferme contre l’immigration illégale, comme une façade ; de l’autre, un réalisme contraint". Reste à savoir jusqu’où son électorat tolérera ce "en même temps" transalpin.

© ANP via AFP

Le 16 juillet 2023, à Tunis, le premier ministre néerlandais Mark Rutte, le Première ministre italienne Georgia Meloni, la cheffe de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen et le président tunisien Kaïs Saied.
  •  

Vladimir Poutine affirme que 100 000 soldats participent aux exercices militaires russo-biélorusses

Des dizaines de milliers de militaires russo-biélorusses ont participé à des exercices militaires aux portes de l’Union européenne. C’est en tout cas ce que sous-entend le président Vladimir Poutine, qui a affirmé mardi 16 septembre que 100 000 militaires prenaient part aux manœuvres Zapad-2025, dont une partie des exercices se déroulent non loin de la frontière avec l’UE.

Des contingents d’Iran et d’Inde, ainsi que d’autres pays asiatiques et africains, participent à ces manœuvres lancées vendredi et qui doivent se conclure mardi, selon les agences de presse russes. "Les exercices se déroulent sur 41 terrains d’entraînement avec la participation de 100 000 militaires. Environ 10 000 systèmes d’armement et équipement militaires seront et sont utilisés", a déclaré Vladimir Poutine selon des propos retransmis à la télévision russe.

Vladimir Poutine est apparu sur le terrain d’entraînement de Moulino dans la région russe de Nijni Novgorod, chose rare, vêtu d’un treillis militaire et aux côtés de son ministre de la Défense Andreï Belooussov et de membres de l’état-major. Selon le président russe, le but de ces manœuvres est de "mettre en place tous les éléments nécessaires à la défense inconditionnelle de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et à la protection contre toute agression" de l’alliance entre la Russie et le Bélarus.

Vladimir Poutine est apparu sur le terrain d'entraînement de Moulino dans la région russe de Nijni Novgorod, mardi 16 septembre 2025.
Vladimir Poutine est apparu sur le terrain d'entraînement de Moulino dans la région russe de Nijni Novgorod, mardi 16 septembre 2025.

La Pologne et les pays baltes inquiets

Une partie de ces exercices se sont notamment déroulés en Biélorussie, pays frontalier de l’UE, sous l’œil inquiet de ses voisins tels que la Pologne et les pays baltes, qui ont pris des mesures de sécurité. Ils ont lieu alors que la Russie a déployé des centaines de milliers de soldats sur le front en Ukraine, pays contre lequel elle a lancé une offensive de grande ampleur en février 2022.

Selon le ministère russe de la Défense, Zapad-2025 a impliqué, au-delà des composantes classiques de l’armée, "l’utilisation massive de drones" et de "moyens de guerre électronique" en tenant compte de "l’expérience acquise" sur le front ukrainien. Les troupes engagées s’entraînent à "repousser une agression militaire à grande échelle" sur "trois fronts et dans la zone arctique".

Mardi, dans le cadre de ces manœuvres, une frégate russe doit tirer un missile hypersonique de croisière Zircon, qui appartient à la nouvelle famille d’armements mis au point ces dernières années par Moscou. Selon Minsk, des représentants d’une vingtaine de pays assistent aux exercices, dont les Etats-Unis, la Hongrie et la Turquie, membres de l’Otan.

Des contingents militaires du Bangladesh, du Bélarus, de l’Inde, de l’Iran, du Burkina Faso, du Congo et du Mali participent à divers degrés à ces manœuvres, selon Moscou.

© afp.com/Handout

Photo tirée d'un document distribué par le ministère russe de la Défense, le 12 septembre 2025, montrant les forces armées russes participant aux exercices militaires conjoints Zapad-2025, dans un lieu non divulgué.
  •  

Donald Trump au Royaume-Uni : faste royal et contrats économiques au cœur d’une visite sous tension

Défilé militaire, procession royale, calèches… En voyage d’Etat au Royaume-Uni du mardi 16 septembre au soir au jeudi 18 septembre, pour la seconde fois de sa carrière politique, Donald Trump bénéficiera d’une réception en grande pompe. Mercredi, le président américain et son épouse, Mélania, assisteront à une cérémonie royale au château de Windsor, avant une rencontre plus politique entre Donald Trump et le Premier ministre britannique Keir Starmer jeudi. Objectif de la visite : renforcer les liens diplomatiques entre les deux alliés, dans un contexte international instable.

Protégé par un dispositif de sécurité massif, sur terre, dans les airs et sur la Tamise, Donald Trump arrivera mardi soir sur le territoire britannique, et restera mercredi confiné dans l’enceinte du château de Windsor, à 40 kilomètres de Londres, pour la partie royale de ce voyage d’Etat.

Réception royale

A leur arrivée à Windsor, les Trump seront accueillis par le prince et la princesse de Galles, William et Catherine, symbole de l’avenir de la famille royale. De là, ils rencontreront Charles et la reine Camilla. Une salve royale sera tirée du château et depuis la Tour de Londres en leur honneur, avant que le roi, la reine, le prince héritier et son épouse ne se joignent à eux pour une procession en calèche. Ils déposeront ensuite une gerbe sur la tombe de la reine Elizabeth II dans la chapelle Saint-Georges, avant un banquet d’Etat au château de Windsor.

Pour cet accueil, rien n’a été laissé au hasard. Selon certains médias britanniques, le roi Charles III, 76 ans, toujours soigné pour un cancer, n’était pas emballé à l’idée de réinviter l’imprévisible président américain, qui avait déjà eu les honneurs d’une première visite d’Etat en 2019, accueilli par la reine Elizabeth II.

Mais le gouvernement travailliste entend capitaliser sur la fascination de Donald Trump pour la famille royale, et ainsi renforcer la relation historique entre Londres et Washington. Trump, dont la mère était Ecossaise, pourra "savourer le faste et le cérémonial qu’il affectionne", souligne auprès de l’AFP Evie Aspinall, directrice du centre de réflexion British Foreign Policy Group.

"S’agit-il uniquement d’apparat et de cérémonie ? En grande partie. Et toute discussion ouverte sur la politique sera interdite avec les membres de la famille royale, qui évitent soigneusement le sujet", analyse à ce sujet CNN.

Visite très politique

Pour Keir Starmer, c’est en effet l’occasion de détourner l’attention du mécontentement" dans le pays, "et de braquer les projecteurs sur les questions internationales, où il a connu le plus de succès en tant que Premier ministre", ajoute Evie Aspinall. Le président américain sera sur place moins de 48 heures, et n’a prévu de se rendre ni à Downing Street, résidence du Premier ministre, ni au Parlement. Mais il rencontrera tout de même Keir Starmer jeudi, à Chequers, sa résidence de campagne.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni espèrent conclure un accord préservant l’acier et l’aluminium britanniques des droits de douane américains. Une nouvelle coopération dans le domaine du nucléaire civil doit également voir le jour. Mais le principal sujet de discussion devrait être la signature d’un partenariat technologique, comprenant des investissements de milliards de dollars des géants de la Silicon Valley en Grande-Bretagne, dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique.

Si Donald Trump et Keir Starmer sont des opposants politiques, ils entretiennent néanmoins des rapports cordiaux. "Nous sommes devenus amis en peu de temps", avait déclaré Trump lors d’une réunion au sommet du G7 au Canada cet été, rapporte CNN. Keir Starmer est ainsi parvenu à conclure un nouvel accord commercial avec Donald Trump de manière relativement rapide, là où d’autres partenaires, notamment l’Union européenne, se sont efforcés pendant des semaines de négocier des plans pour éviter des droits de douane massifs.

Impopulaire

Cette visite est néanmoins sujette aux polémiques au Royaume-Uni, où Donald Trump est un personnage très impopulaire. "En juin 2019 déjà, lors de sa première et dernière visite, sa venue avait été accompagnée d’une pétition signée par plus d’un million de personnes disant que Donald Trump ne devait pas être reçu. Des milliers de personnes avaient protesté dans les rues, arborant ces ballons à l’effigie moqueuse, rebaptisés 'Trump Baby'", rappelle la BBC. Comme en 2019, des milliers de manifestants ont prévu de défiler à Londres.

La rencontre intervient dans un moment délicat pour Keir Starmer, contesté au sein même de son parti après deux semaines calamiteuses qui ont vu le départ de sa numéro 2 Angela Rayner et le limogeage de son ambassadeur à Washington Peter Mandelson, après des révélations sur ses liens étroits avec le criminel sexuel américain Jeffrey Epstein.

Un sujet dont Donald Trump aurait préféré qu’il ne traverse pas l’Atlantique, lui aussi ayant été un temps proche d’Epstein, avant que celui-ci ne décède en prison.

© AFP

Donald Trump lors de sa visite au Royaume-Uni en 2019. Fasciné par la famille royale, il avait été reçu en grande pompe par la défunte reine Elizabeth II.
  •  

Déploiement de la Garde nationale à Memphis : ce que prévoit Donald Trump

Donald Trump a signé lundi 15 septembre le décret présidentiel de déploiement des militaires de la Garde nationale à Memphis, dans le Tennessee. Une mesure qu’il présente comme une réponse à la criminalité dans certaines grandes villes américaines dirigées par des élus démocrates.

Le président américain a affirmé vendredi 12 septembre que cette opération serait une "réplique" de celle réalisée à Washington, malgré les critiques des démocrates qui l’accusent de dérive autoritaire et de militariser les questions de sécurité publique.

La Garde nationale et le FBI

L’opération à Memphis "comprendra la Garde nationale, le FBI" et d’autres agences fédérales, a déclaré Donald Trump lors d’une cérémonie à la Maison-Blanche, expliquant sa décision par "la criminalité" qui sévit selon lui dans cette ville. "On va probablement s’occuper de Chicago ensuite", a-t-il ajouté, cette grande ville démocrate étant dans sa ligne de mire depuis plusieurs semaines.

Le président républicain affirme que le déploiement de la Garde nationale dans la capitale Washington, mais aussi à Los Angeles avant elle, a aidé ces deux villes face à la criminalité des immigrés, réitérant son discours habituel sur ce sujet. Car c’est bien la question de la criminalité à Memphis qui pousse le président américain à déployer des troupes de la Garde nationale. "En 2024, Memphis avait le taux de criminalité violente le plus élevé, le taux de criminalité contre les biens le plus élevé et le troisième taux de meurtre le plus élevé des Etats-Unis", a affirmé le responsable de la Maison-Blanche. Pourtant, quelques jours avant cette annonce, la police de Memphis avait signalé une baisse significative dans toutes les catégories criminelles majeures durant les huit premiers mois de 2025, par rapport à la même période des années précédentes, avec la criminalité globale à son plus bas niveau depuis 25 ans et les homicides au plus bas depuis six ans.

Républicains d’un côté, démocrates de l’autre

Ville à majorité noire, Memphis est dirigée par un maire démocrate, dans un Etat du Tennessee tenu lui par un gouverneur républicain. En s’adressant à CNN, le maire de Memphis, Paul Young, a déclaré samedi qu’il n’était "pas satisfait" de l’arrivée de la Garde nationale, mais qu’il cherchait des moyens d’investir pour lutter contre la criminalité dans la ville.

Il a également indiqué attendre plus de détails notamment sur le nombre de soldats déployés, leur date d’arrivée et leurs missions. Il a suggéré que la Garde nationale puisse contribuer au contrôle de la circulation lors d’événements majeurs, au suivi des caméras de surveillance ou à l’embellissement des quartiers, nous apprend CNN.

Toujours selon la chaîne de télévision américaine, plusieurs dirigeants locaux ont exhorté le gouvernement à reconsidérer cette décision, à l’image du maire du comté de Shelby - où se trouve Memphis - Lee Harris qui a qualifié ce déploiement de menace pour la démocratie, tandis que les membres du conseil municipal ont plutôt réclamé le rétablissement des financements fédéraux pour les programmes de prévention de la violence, au lieu d’une présence militaire.

Le représentant d’État Justin J. Pearson, dont le district comprend des parties de Memphis et du comté de Shelby, a déclaré lundi que "personne ne déroule le tapis rouge" pour accueillir la Garde nationale, rapporte CNN. "Une occupation militarisée de notre ville n’est pas une solution à nos problèmes," a affirmé Pearson lors d’une conférence de presse du Parti démocrate du comté de Shelby lundi à la mairie de Memphis. "Ce dont nous avons besoin, c’est d’éradiquer la pauvreté, pas d’une occupation militaire", a-t-il ajouté. "Alors ne nous envoyez pas la Garde nationale. Donnez-nous les ressources dont notre population, notre ville et notre comté ont besoin."

A noter que la précédente tentative de Donald Trump de déployer la Garde nationale a fait face à des contestations juridiques. En juin, le président américain a envoyé 2 000 soldats à Los Angeles contre la volonté du gouverneur Gavin Newsom. Ce dernier a porté la décision devant les tribunaux où un juge fédéral a statué que le déploiement était illégal. L’administration a annoncé qu’elle ferait appel de cette décision.

© afp.com/Frederic J. BROWN

Des soldats de la Garde nationale de Californie, à Los Angeles, le 17 juin 2025
  •  

Giorgia Meloni et l’Europe : les dessous d’une influence grandissante

Il est aisé d’être prise pour Blanche-Neige quand on est entouré de 26 nains. Si Giorgia Meloni est la nouvelle star politique de l’Union européenne, la présidente du Conseil italien le doit à son talent personnel, à son positionnement politique pragmatique, mais aussi au fait que ses pairs sont loin de briller. Dans les autres grands Etats membres - Allemagne, France, Espagne, Pologne -, les dirigeants sont tous plus ou moins profondément embourbés. Pas elle, qui s’apprête à fêter, le 25 septembre, le troisième anniversaire de la victoire électorale à laquelle elle a conduit la coalition des droites italiennes.

"Nous ne sommes plus l’homme malade de l’Europe", s’est-elle réjouie le 27 août à Rimini, devant le rassemblement annuel du puissant mouvement catholique Comunione e Liberazione. Elle peut plastronner : Rome emprunte désormais au même taux que Paris sur les marchés. Le renversement est total. Il y a quelques années encore, l’Italie donnait des sueurs froides à toute la zone euro avec son endettement public monumental et son instabilité politique chronique. Aujourd’hui, c’est la France qui joue ce rôle mortifiant.

Stabilité et crédibilité

Rares étaient ceux qui prédisaient à Meloni qu’elle incarnerait un jour la stabilité et la crédibilité internationale retrouvées de son pays. Il est vrai que cette mère célibataire de 48 ans, issue d’un milieu pauvre, sans bagage universitaire, à l’expérience gouvernementale minimale, détonne parmi les chefs d’Etat et de gouvernement européens, d’autant plus qu’elle dirige un parti politique qui plonge ses racines dans le fascisme. En 2022, lorsqu’elle fit son entrée dans le somptueux Palazzo Chigi, la résidence des chefs de gouvernement, au centième anniversaire presque jour pour jour de la marche de Mussolini sur Rome, la majorité des médias européens la dépeignait sous les traits d’une extrémiste qui allait installer à Rome un régime illibéral, rompre les ponts avec l’Europe et s’aplatir devant Vladimir Poutine.

La première femme à diriger la République italienne n’a rien fait de tel. D’ailleurs, elle n’a pas fait grand-chose depuis trois ans. Un mot résume sa tactique : la circonspection. "Son principal succès diplomatique est d’avoir projeté l’image d’une dirigeante relativement modérée, alors qu’elle vient de l’extrême droite, observe Nathalie Tocci, directrice du cercle d’études Istituto Affari Internazionali, à Rome. Mais elle n’a rien réalisé de concret en termes de percée diplomatique ou de contribution réelle, que ce soit pour l’intégration européenne ou pour les relations transatlantiques."

"Sur l’Europe, elle est réaliste"

Le coup de maître de l’Italie, qui a réussi à s’arroger la part du lion du grand emprunt européen post-Covid, n’est pas à mettre au crédit de Meloni mais à celui de Mario Draghi, son prédécesseur au Palazzo Chigi. Elle n’a eu qu’à se baisser pour récolter la manne tombée du ciel bruxellois : 194 milliards d’euros sur la période 2021-2026 pour financer, entre autres, des ponts et des lignes de chemin de fer à grande vitesse, des écoles et des projets environnementaux à foison. Elle a suivi à la lettre le vieux dicton italien : "Ne trahis pas celui qui t’aide" et maintenu son pays, grosso modo, là où Draghi l’avait laissé : dans le camp européiste, sans enthousiasme mais sans hostilité non plus. Son premier déplacement, après son élection, l’a conduit à Bruxelles, où elle a su établir une bonne relation de travail avec Ursula von der Leyen.

"Sur l’Europe, elle est réaliste", souligne Nicola Procaccini, qui la connaît depuis leur adolescence commune dans la section romaine des jeunesses post-fascistes et qui est aujourd’hui député européen de son parti Fratelli d’Italia. "Elle comprend bien le bénéfice que l’Italie tire d’un engagement constructif en Europe. Si elle est au centre du jeu, c’est parce qu’elle incarne le barycentre politique, qui s’est déplacé vers le centre droit ces dernières années."

Meloni cultive ses relations avec Trump

En politique étrangère, Meloni mène une diplomatie conservatrice, atlantiste et attachée aux valeurs démocratiques. Sa principale décision en la matière est d’avoir discrètement sorti la Péninsule, en 2023, du programme des "routes de la soie" de Xi Jinping. "Il est de l’intérêt de l’Italie et de l’Occident d’empêcher d’advenir un monde où prévaudrait la loi du plus fort, a-t-elle dit dans un discours devant l’Atlantic Council il y a un an à New York. Les régimes autoritaires aiment jouer avec l’idée d’un déclin inévitable de l'Occident (...). Laissez-moi leur répondre que nous préserverons nos valeurs."

Fidèle à la tradition italienne, Meloni ne regarde pas seulement vers Bruxelles, mais aussi vers Washington. Son combat contre l’immigration clandestine, son attachement aux valeurs familiales chrétiennes et son opposition à la gestation pour autrui plaisent à l’équipe de Donald Trump. Elle a été la seule dirigeante européenne conviée à l’investiture du président américain, le 20 janvier. Mais contrairement à d’autres, elle a su éviter toute flagornerie dans ses rapports avec Trump. Le vice-président, J.D. Vance, l’a reconnu à mi-mot, le 20 mai sur la chaîne NBC : "Elle parvient à délivrer un message extraordinairement direct sans paraître offensante. Il faut du talent pour ça."

Même si elle s’est abstenue d’adhérer à la ligne pro-russe de Viktor Orban, elle veille à ménager le Premier ministre hongrois, son seul vrai rival à la tête du mouvement nationaliste en Europe. Sur l’Ukraine, elle affiche un appui de principe à Volodymyr Zelensky, mais elle limite l’aide militaire au minimum et refuse toute idée d’envoyer des soldats italiens sur le terrain pour garantir un hypothétique cessez-le-feu. Elle a souscrit à la décision de l’Otan de porter les dépenses de défense à 3,5 % du produit intérieur brut mais pour l’instant, elle s’est surtout contentée de manipulations comptables pour mettre le label "défense" sur des financements qui relevaient d’autres budgets. Et ses députés à Bruxelles ont voté systématiquement contre toute préférence européenne dans les achats d’armements.

La personnalité la plus puissante d'Europe

Le site d’information bruxellois spécialisé Politico la classe dans son dernier palmarès comme la personnalité la plus puissante d’Europe. Son ascension au firmament continental l’a conduite à des frictions avec Emmanuel Macron, qui revendique cette place depuis 2017. Elle ne cache pas à quel point le président français l’exaspère. "Qui es-tu pour représenter les institutions européennes ?", lui a-t-elle lancé en février dernier en réunion à Bruxelles, alors que Macron revenait de Washington où il avait tenté de défendre les intérêts de l’Union face à Trump. Meloni, pour sa part, a plaidé pour l'accommodement plutôt que la riposte face à l’agressivité commerciale du président américain. Sa ligne s’est imposée. Parallèlement, elle a tiré parti de l’éclipse française au Maghreb pour faire avancer les intérêts économiques italiens en Algérie et en Tunisie.

Sa ligne conservatrice à l’intérieur et tout en nuances et en compromis à l’extérieur semble plaire aux Italiens : après trois ans de pouvoir, les sondages placent son parti aux alentours de 30 % des intentions de vote, quatre points de mieux qu’aux élections de 2022. A ce rythme, elle pourrait bien, fait rarissime dans l’histoire contemporaine de la Péninsule, rester au pouvoir pendant toute la législature. Tentera-t-elle de se faire réélire lors du prochain rendez-vous électoral, prévu au plus tard en 2027 ? On l’ignore encore mais si son parcours prouve une chose, c’est qu’il ne faut surtout pas la sous-estimer.

© afp.com/Phil Noble

La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, lors d'une conférence de presse commune avec son homologue britannique Keir Starmer, à Rome le 16 septembre 2024
  •  

"Gaza brûle" : ce que l'on sait de la nouvelle offensive israélienne sur la ville

Il y avait dans la ville de Gaza, plus grande localité de l’enclave palestinienne, un million d’habitants avant le début de la guerre en octobre 2023. Combien en restera-t-il après l’offensive terrestre menée en ce moment par Tsahal, exposant des milliers de civils à de nouveaux déplacements et aux bombardements ? Israël a entamé dans la nuit de lundi à mardi 16 septembre une attaque terrestre pour reprendre le contrôle total de la ville. Et ce, en dépit de lourdes condamnations internationales, à commencer par les Nations Unies, qui qualifient officiellement la situation à Gaza de "génocide".

Le Haut-commissaire aux droits de l’homme de l'ONU, Volker Türk, a dénoncé mardi l’offensive terrestre lancée par Israël sur Gaza-ville, exigeant la fin du "carnage", et pointant des "preuves grandissantes" d’un "génocide". Après plusieurs mois d’enquête, l'ONU rejoint donc la longue liste des organisations pointant un crime de génocide à Gaza, en plus d’associations pour la défense des droits humains ou encore de personnalités académiques.

Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a, pour sa part, fustigé un "rapport biaisé et mensonger". Les dirigeants israéliens ont toujours rejeté ces accusations, portées également par l’Afrique du Sud auprès de la Cour Internationale de Justice, et soutenues par une centaine de pays - tout comme l’accusation d’orchestrer la famine à Gaza.

Bombardements meurtriers

Malgré les critiques, Tsahal a ordonné mardi à tous les habitants de la ville de Gaza, où sont réfugiés des milliers de déplacés, d’évacuer les lieux. Londres a ainsi dénoncé une décision "totalement irresponsable et épouvantable", tandis que l’Union européenne dit craindre "plus de destructions, plus de morts".

L’annonce de l’assaut à Gaza-ville a été faite juste après le départ d’Israël du secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, en visite à Jérusalem. Un responsable militaire israélien a indiqué que "les forces du commandement sud ont étendu les activités terrestres dans le principal bastion du Hamas : la ville de Gaza. La phase principale de l’offensive a commencé pendant la nuit […]", a-t-il dit en estimant à "2 000 à 3 000" le nombre de combattants du Hamas opérant dans l’agglomération.

"Gaza brûle", s’est quant à lui félicité le ministre de la Défense Israël Katz. "L’armée frappe d’une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de l’armée se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas".

Mais si Tsahal justifie l’intervention terrestre par des objectifs avant tout militaires, plusieurs analystes évoquent également la poursuite d’un nettoyage ethnique, par la destruction systématique des derniers bâtiments d’habitations. "L’armée israélienne bombarde massivement des lignes de communication vitales depuis la mi-août. Cela comprend des immeubles de grande hauteur, des écoles abritant des milliers de Palestiniens déplacés, des réservoirs d’eau, des panneaux solaires sur les toits, des points d’accès Internet et des stations de recharge mobiles", indique le journal Middle East Eye, sur la base de témoignages sur place.

A l’Agence France-Presse, des témoins parlent également de "nombreuses personnes emprisonnées sous les décombres de maisons rasées par les bombardements massifs et incessants sur Gaza-ville" dont "on peut entendre les cris", raconte Ahmed Ghazal, un habitant. "Nous avons retiré des enfants déchiquetés", déplore un autre, Abou Abd Zaqout, alors que des Palestiniens fouillent les décombres à la recherche d’éventuels survivants.

"Terrifiés pour leurs proches"

En Israël, la situation préoccupe le Forum des familles des otages. Dans un communiqué, celles-ci se sont dites "terrifiées" pour leurs proches après l’intensification des frappes à Gaza. M. Netanyahou "fait tout pour qu’il n’y ait pas d’accord et pour ne pas les ramener", ont-elles dit après une rencontre avec le secrétaire d’Etat américain, la veille.

Sur les 251 personnes enlevées lors des attaques du 7 octobre 2023, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 décédées selon l’armée israélienne. L’offensive menée par Israël dans l’enclave a, quant à elle, tué plus de 64 900 Palestiniens, selon les données des autorités locales, probablement sous-estimées. La quasi-entièreté de la population a été déplacée, et le territoire réduit en poussière.

© afp.com/Menahem KAHANA

Une photo prise depuis la frontière israélienne avec la bande de Gaza montre de la fumée s'élèvant sur le site de bombardements israéliens sur le territoire palestinien dévasté et assiégé, le 16 septembre 2025
  •  

Guerre en Ukraine : Donald Trump se prépare une porte de sortie

L’ego chatouilleux de Donald Trump devait inventer quelque chose pour justifier son incapacité à mettre fin à la guerre en Ukraine. Non seulement Vladimir Poutine bombarde l’Ukraine comme jamais, mais il joue avec les nerfs de l’Otan en envoyant des drones au-dessus de la Pologne ou de la Roumanie.

Dans l’impasse, le président américain semble avoir compris que la meilleure façon de freiner la Russie consiste à la frapper au portefeuille. D’où sa proposition, destinée à mettre les Européens face à leurs contradictions : les Américains sont prêts à déclencher des sanctions supplémentaires contre Moscou, mais seulement si les membres de l’Otan arrêtent de se fournir en pétrole russe et s’ils imposent des barrières tarifaires de 50 à 100 % à la Chine - qui en importe massivement.

La Hongrie et la Slovaquie achètent encore du pétrole russe

De telles mesures gripperaient sérieusement la machine de guerre du Kremlin. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle d’ailleurs avec insistance les Européens à se sevrer des hydrocarbures de son ennemi.

On n’y est toujours pas. L’UE a certes drastiquement réduit sa consommation de pétrole russe, mais elle permet à la Hongrie et à la Slovaquie d’en acheter. Et elle ne prévoit de se passer complètement du gaz russe – qui devrait représenter cette année encore 13 % de ses importations en la matière – que fin 2027.

Surtout, l’Europe n’a pas l’intention de déclarer une guerre commerciale à la Chine, ni à l’Inde, également dans le collimateur de Washington pour les mêmes raisons. En mettant sur la table son "deal", Donald Trump sait qu’il sera jugé inacceptable par le Vieux Continent. Ce faisant, il se prépare une porte de sortie en cas d’échec des discussions. On connaît d’avance le refrain : lui avait fait tous les efforts possibles, mais les Européens (et les Chinois) ont tout bloqué.

© afp.com/Mandel NGAN

Le président américain Donald Trump s'exprime lors d'une réunion à la Maison Blanche, à Washington, le 26 août 2025
  •  

Mario Draghi déplore la "lenteur" de l’Europe à se réformer, un an après son rapport choc

"Notre modèle de croissance s'érode" : l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a déploré mardi 16 septembre la "lenteur" de l’Europe à agir pour redresser sa compétitivité, un an après la remise d’un rapport choc prônant des "réformes radicales" pour échapper au décrochage économique.

"Les entreprises et les citoyens […] sont déçus par la lenteur de l’Europe, et son incapacité à aller aussi vite" que les Etats-Unis ou la Chine, a-t-il déclaré dans un discours à Bruxelles. "Notre modèle de croissance s’érode, nos vulnérabilités s’accroissent, le financement des investissements requis n’est pas clairement tracé", a constaté l’économiste italien, invité par la commission européenne à dresser un premier bilan, douze mois après la publication de ses préconisations.

Le bras de fer commercial avec les Etats-Unis, ou l’endettement des pays européens, "nous ont rappelé cruellement que l’inaction menace non seulement notre compétitivité, mais également notre souveraineté", a-t-il encore estimé.

Tout en saluant les actions déjà engagées et la détermination de la Commission à faire adopter de multiples mesures pour redresser la barre, il a regretté que "les gouvernements n’aient pas conscience de la gravité de la situation". "Continuer comme avant, c’est nous condamner à être relégués. Pour nous en sortir, nous avons besoin de changer de vitesse, d’échelle et d’intensité", a-t-il encore plaidé.

Selon les calculs du centre de réflexion bruxellois EPIC, seulement 11 % des 383 recommandations faites par Mario Draghi dans son rapport sur "l’avenir de la compétitivité européenne" ont été mises en œuvre totalement, et environ 20 % de manière partielle. Les économistes de Deutsche Bank Marion Muehlberger et Ursula Walther jugent également dans une note que "les progrès dans l’ensemble sont mitigés", avec des "réformes substantielles" mises en œuvre ou engagées, mais sans qu’il y ait de quoi bouleverser la donne à ce stade.

La commission "maintiendra sans relâche le cap"

Parmi les principales avancées, la relance de l’industrie de défense. L’urgence de réarmer l’Europe face à la menace russe a poussé les 27 à se lancer dans un effort de réindustrialisation collectif, avec une agilité remarquée. La semaine dernière, la Commission a ainsi annoncé avoir alloué 150 milliards d’euros de prêts à 19 pays, dans le cadre d’un ensemble de mesures visant à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros.

L’Europe s’est également dotée d’une plateforme commune pour sécuriser ses approvisionnements en matières premières "critiques", et a multiplié les initiatives dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Autant de réalisations mises en avant par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui, en recevant Mario Draghi, a reconnu la nécessité d’aller plus vite pour redresser la barre. Elle a assuré que la commission "maintiendra sans relâche le cap jusqu‘à ce que tout soit accompli", et a enjoint les autres institutions européennes à se joindre au mouvement, en particulier le Parlement, qui n’a toujours pas adopté une série de lois de simplification réglementaire dites "Omnibus". "Nous avons besoin d’une action urgente pour faire face à des besoins urgents, car nos entreprises et nos travailleurs ne peuvent plus attendre", a-t-elle exhorté.

Elle appelle aussi à mettre en œuvre "avec un sentiment d’urgence" le parachèvement du marché unique, un vaste projet consistant à lever d’ici 2028 de multiplier barrières internes qui continuent de freiner l’activité économique dans de nombreux domaines. Et de citer une estimation du Fonds monétaire international, selon laquelle ces barrières intra-européennes représentent l’équivalent de 45 % de droits de douane sur les biens, et de 110 % sur les services.

© afp.com/NICOLAS TUCAT

L'ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi prononce un discours à Bruxelles le 16 septembre 2025
  •  

Enfants ukrainiens enlevés par la Russie : ce nouveau rapport qui accable Moscou

Depuis le début de l’invasion à grande échelle lancée en février 2022, des enfants ukrainiens enlevés par la Russie ont été détenus dans plus de 210 établissements répartis à travers le pays et dans les territoires occupés, révèle un rapport de l’université de Yale publié ce mardi 16 septembre. Ils subissent un endoctrinement et un entraînement militaire forcé. Ces sites de détention, identifiés par le Humanitarian Research Lab (HRL) de la Yale School of Public Health, comprennent des colonies de vacances, des stations de santé, des écoles de cadets, des établissements médicaux et même une base militaire. Selon le rapport, "la Russie met en place un système potentiellement sans précédent de rééducation à grande échelle, de formation militaire et de structures d’hébergement capables de détenir des dizaines de milliers d’enfants ukrainiens pendant de longues périodes".

En 2023, la Cour pénale internationale a délivré un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et un haut responsable russe en raison du transfert forcé d’enfants ukrainiens. Depuis 2022, les autorités russes organisent le transfert forcé de milliers d’enfants ukrainiens des territoires occupés vers la Russie. Au moins 19 546 mineurs auraient été "déportés", selon la police ukrainienne, mais ce chiffre, qui ne recense que les cas signalés par des proches, pourrait être bien plus élevé, révélait L’Express dans une enquête il y a quelques semaines. Auprès de L’Express, plusieurs personnalités signaient alors un appel à l’opinion internationale, dénonçant "une opération délibérée d’effacement de l’identité" des enfants ukrainiens déportés par la Russie.

Nommé "Les enfants volés d’Ukraine : au cœur du réseau russe de rééducation et de militarisation", le nouveau rapport de l’université de Yale, qui fait référence dans le suivi de ce dossier, révèle que plus de la moitié de ces sites de détention sont effectivement gérés par des organes gouvernementaux fédéraux ou locaux, tels que le ministère de la Défense russe et le département de gestion des biens de la présidence. La localisation précise de ces sites n’est pas détaillée par le rapport, qui évoque "un réseau d’établissements s’étendant de la mer Noire à travers la Sibérie jusqu’à la côte est de l’océan Pacifique". On sait néanmoins que ces sites incluent aussi bien des universités situées dans des centres urbains, que des camps isolés au fond de la Sibérie.

Concentration de sites de
Concentration de sites de "rééducation" par région russe.

"Rééduquer" les enfants au récit pro-russe

"Le réseau de lieux, et il s’agit bien d’un réseau, est au moins deux fois plus important que ce que nous pensions être sa taille maximale", a expliqué lors de la publication Nathaniel Raymond, directeur exécutif du laboratoire, auprès du Financial Times. Pourtant selon le rapport, le nombre réel de site de "rééducation" est probablement plus élevé. Plusieurs sites font encore l’objet d’enquêtes par le HRL et d’autres lieux pourraient exister sans avoir encore été identifiés. "Les établissements mentionnés dans cette étude sont actifs depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022. Toutefois, il n’a pas encore été déterminé si des enfants d’Ukraine sont actuellement présents dans l’ensemble des 210 établissements, ni en quel nombre", précise également le document.

Le rapport constate que des activités de "rééducation" ont été recensées dans au moins 130 sites, soit les deux tiers d’entre eux. L’idée : "Faire suivre aux enfants des programmes culturels, patriotiques ou militaires qui s’alignent sur les récits pro-russes", explique le rapport.

Entraînement de parachutisme et production de drones

Au moins 39 de ces lieux organisent quant à eux directement une formation militaire et un endoctrinement pour les enfants ukrainiens. "Ce qui se passe en termes de militarisation des enfants est plus organisé et plus développé que ce que nous avions jamais imaginé", ajoute Nathaniel Raymond. Cet entraînement militaire "inclut, sans s’y limiter, un entraînement au combat et de parachutisme" précise le rapport. Dans certains établissements, des enfants ont été impliqués dans la production d’équipements militaires pour les forces armées russes, notamment des drones, des détecteurs de mines, des robots et des chargeurs rapides pour fusils d’assaut.

Pour effectuer ce travail d’enquête, les chercheurs se sont appuyés sur des sources publiques, telles que les réseaux sociaux, des déclarations officielles, des articles de presse et des images satellites commerciales. Le Humanitarian Research Lab est considéré comme une autorité de premier plan sur le transfert massif d’enfants ukrainiens. Il avait partagé ses données avec la Cour pénale internationale sous l’administration Biden, mais a cessé par crainte de violer les sanctions contre la CPI imposées par l’administration Trump. Créé en 2022 grâce à environ 6 millions de dollars de financement fédéral américain, le laboratoire a vu son avenir compromis lorsque ses fonds ont été suspendus par la politique de réduction des dépenses de l’administration Trump.

© © Adrien Vautier / Le Pictorium

Le 22 mars 2023, à Kiev. Nikita 10 ans, Dyana, 14 ans et Yana 11 ans débarquent tout juste après plus de 5 mois de déportation côté russe.
  •  

Donald Trump relance le débat sur la publication trimestrielle des résultats des entreprises

Donald Trump a une nouvelle fois évoqué lundi 15 septembre l’idée d’une publication des résultats des entreprises cotées en Bourse tous les six mois, au lieu de trois, pour que ces dernières puissent économiser de l’argent.

"Les entreprises et les sociétés ne devraient plus être obligées de 'rendre compte' de leurs résultats tous les trimestres […], mais plutôt tous les six mois", a écrit le président américain sur son réseau social Truth, "sous réserve de l’approbation de la SEC", le gendarme financier américain.

Le locataire de la Maison-Blanche avait déjà soumis cette idée en 2018, au cours de son premier mandat. Selon lui, "cela permettra de réaliser des économies et aux dirigeants de se concentrer sur la bonne gestion de leur entreprise", a-t-il expliqué sur Truth. "Avez-vous déjà entendu l’affirmation selon laquelle la Chine a une vision sur 50 à 100 ans de la gestion d’une entreprise, alors que nous gérons nos entreprises sur une base trimestrielle ??? Pas bon !!!, a-t-il ajouté.

Interrogée par l’AFP, la SEC a assuré qu’elle allait donner "la priorité à cette proposition afin d’éliminer davantage les régulations inutiles qui pèsent sur les entreprises".

Moins de transparence

Donald Trump relance ainsi le débat sur une question devenue un serpent de la mer dans les milieux d’affaires et financiers. Les partisans de la suppression des résultats trimestriels estiment que ces rapports d’étape censés fournir un carnet de santé d’une entreprise à un moment donné mettent beaucoup de pression sur elles à court terme au détriment de la performance à long terme.

"Cela pourrait certainement aider les entreprises à faire des économies", commente auprès de l’AFP Sam Stovall, de CFRA, selon qui "la production de deux rapports par an demanderait moins de temps que celle de quatre rapports." "Cela augmenterait probablement la volatilité (sur les marchés, NDLR), car il y aurait moins d’indications permettant de réajuster les attentes", tempère toutefois l’analyste. Comme le souligne Reuters, certains investisseurs avertissent aussi qu’une publication semestrielle plutôt que trimestrielle entraînerait une diminution de la transparence.

Le New York Times rappelle que Donald Trump a fait de la déréglementation une pierre angulaire de sa présidence. En mars, le secrétaire au Trésor Scott Bessent avait vanté "son programme audacieux visant à stimuler la prospérité américaine en maîtrisant les réglementations contraignantes".

La Commission européenne a aboli en 2013 l’obligation pour les sociétés présentes en Bourse de présenter leurs résultats tous les trois mois. La plupart des grandes entreprises de l’Union ont néanmoins continué à publier à une fréquence trimestrielle.

© afp.com/Kevin Dietsch

Le président américain Donald Trump répond aux questions des journalistes dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 15 septembre 2025
  •  

Avec Stephen Miran, Donald Trump place l’un de ses pions au cœur de la Fed

C’est un coup qu’il attendait de jouer depuis longtemps. Avec l’approbation lundi 15 septembre par le Sénat américain de l’un de ses conseillers économiques comme "gouverneur" de la Réserve fédérale (Fed), Donald Trump est enfin parvenu à placer l’un de ses pions au cœur de cette institution qui contrôle la politique monétaire des Etats-Unis. Un pas vers le contrôle de cet organisme indépendant du pouvoir exécutif depuis 1951, qui résistait jusqu’ici à ses pressions.

Le nouveau gouverneur Stephen Miran, 42 ans, est à la tête du Comité des conseillers économiques (CEA) de la Maison-Blanche. Il est surtout un fidèle extrême de Donald Trump, architecte et défenseur de la politique économique du président républicain. Sa présence au conseil de la Fed ne durera que quatre mois : Stephen Miran doit occuper un poste de gouverneur vacant depuis la démission surprise d’Adriana Kugler, dont le mandat courrait jusqu’au 31 janvier 2026. Mais elle intervient à un moment crucial, alors que Donald Trump multiplie les attaques contre la banque centrale.

Mardi et mercredi se tient par ailleurs une réunion cruciale de la Fed, au cours de laquelle la banque centrale doit décider du niveau de ses taux directeurs. Douze personnes votent ensemble sur les taux d’intérêt américains : les membres du conseil des gouverneurs (six gouverneurs et son président, Jerome Powell), le président de la Fed de New York et quatre présidents de Fed régionales qui changent d’une année sur l’autre. S’il prête serment in extremis, l’allié de Donald Trump pourra voter dès maintenant sur les taux d’intérêt et influencer les délibérations internes sur les règles régissant Wall Street.

L’arme de Donald Trump dans son duel avec la Fed

Le vote très serré autour de la nomination de Stephen Miran (48 voix contre 47) a donné lieu à une forte opposition de la part des démocrates, qui craignent qu’il ne permette enfin à Donald Trump de faire appliquer ses desiderata au sein de l’institution. Car la bataille est historique entre la Fed et le président milliardaire.

À l’origine de la querelle, le maintien obstiné par la Fed de ses taux directeurs, alors que Donald Trump réclame depuis des mois une détente monétaire pour alléger les coûts d’emprunt et soutenir la croissance. Le conseil des gouverneurs s’y est jusqu’ici refusé, principalement en raison de la guerre commerciale que le président américain a lui-même déclenchée, et du risque important d’inflation associé. Un risque minimisé par Donald Trump, tout comme par Stephan Miran. Lors de son audition, ce dernier a estimé à rebours de la majorité des économistes, qu’il n’y avait "pas eu d’augmentation détectable du niveau global des prix à la suite de l’instauration de droits de douane" par l’exécutif américain.

Depuis plusieurs mois, la vendetta de Donald Trump contre la Fed s’est aussi personnifiée en un ennemi : Jerome Powell, son président, qui résiste contre vents et marées aux pressions du locataire de la Maison-Blanche. Après l’avoir traité à maintes reprises "d’imbécile" et d’abruti" pour ne pas avoir baissé les taux d’intérêt, il menace régulièrement de le limoger. Lundi encore, le président des Etats-Unis appelait le patron de la Fed à baisser les taux d’intérêt "MAINTENANT, ET PLUS FORTEMENT QUE CE QU’IL A EN TÊTE", dans un message sur Truth Social. La réunion de cette semaine devrait de toute façon marquer la première baisse de taux de 2025. Les investisseurs anticipent majoritairement une diminution d’un quart de point, ce qui est le plus courant en politique monétaire.

L’absence assumée d’indépendance de Stephen Miran

Alors que la politique monétaire n’évolue pas assez vite à son goût, Donald Trump a changé de tactique pour gagner en contrôle sur la Fed, en tentant de faire de la place pour ses fidèles. Il a récemment essayé de pousser vers la sortie la gouverneure Lisa Cook. Il l’accuse d’avoir menti pour obtenir des emprunts immobiliers à des taux plus favorables. Lundi, une cour d’appel américaine a confirmé une précédente décision de justice permettant à la gouverneure de rester temporairement en fonction, malgré l’annonce de son limogeage par Donald Trump. Mais l’affaire est loin d’être close.

Pour l’heure, le président américain devra se contenter des quatre mois de siège de Stephen Miran à la Fed. Du fait de la brièveté du mandat, ce dernier a expliqué aux sénateurs début septembre qu’il ne prévoyait pas de démissionner de son poste de conseiller du président mais seulement de prendre un congé sans solde. La situation inédite - un gouverneur gardant un lien avec la Maison-Blanche - a révolté l’opposition. "C’est la première fois en 90 ans qu’un responsable en exercice à la Maison-Blanche joue un rôle dans l’établissement de la politique monétaire" pointe le Washington Post.

Une absence ouverte d’indépendance sans précédent, et très inquiétante. "Cela signifie concrètement qu’il reste un employé de la Maison-Blanche tout en travaillant pour la Réserve fédérale, pourtant si indépendante", dénonce Lisa Gilbert, coprésidente de l’organisation de défense des consommateurs Public Citizen, auprès de la radio publique américaine NPR. En mars 2024, le jeune économiste proposait dans un éditorial de réduire les mandats des membres du conseil de la Fed et de clarifier qu’ils siègent "à la discrétion du président américain".

Elizabeth Waren, puissante sénatrice démocrate, a quant à elle jugé la semaine dernière que Stephen Miran ne pourra pas dans ces conditions voter une décision qui déplairait à Donald Trump, sous peine de ne pas retrouver son poste à la Maison-Blanche. Elle a dénoncé une forme de "servitude" et estimé qu’"il n’aura aucune crédibilité auprès des marchés, aucune crédibilité auprès des entreprises et aucune crédibilité auprès de la population". Sa nomination marque également un changement parmi les républicains du Sénat, "qui ont généralement fait en sorte de protéger la Fed de l’influence de Trump au cours de son premier mandat", pointe le Washington Post. Cette fois, seule une sénatrice républicaine de l’Alaska s’est opposée à la nomination de Miran.

© Brendan SMIALOWSKI / AFP

Donald Trump a nommé un de ses proches conseillers économiques, Stephen Miran, en tant que nouveau gouverneur de la Fed.
  •  

Ukraine : Donald Trump va "probablement" rencontrer Volodymyr Zelensky la semaine prochaine

Espérant toujours pouvoir négocier un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie, Donald Trump devrait rencontrer la semaine prochaine son homologue Volodymyr Zelensky, a fait savoir le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio mardi 16 septembre. Depuis leur entretien catastrophique à la Maison-Blanche en février, les deux dirigeants se sont rencontrés à deux reprises. "Si la paix est possible, il veut l’obtenir", a ajouté Marco Rubio à propos du président américain, précisant toutefois : "A un certain moment, il pourrait conclure que ce n’est pas possible. Il n’en est pas encore là, mais il pourrait atteindre ce stade."

Donald Trump a menacé plusieurs fois d’imposer des sanctions à la Russie si le président Vladimir Poutine ne faisait pas de compromis. Mais il n’est pas allé au bout de ses menaces, alors même que Moscou intensifie ses attaques, au grand dam de l’Ukraine. La semaine dernière, le Kremlin a estimé que les négociations de paix avec Kiev étaient en "pause", trois ans et demi après le début de son invasion.

Les infos à retenir

⇒ Donald Trump va "probablement" rencontrer Volodymyr Zelensky la semaine prochaine

⇒ Des frappes russes font deux morts dans le sud de l’Ukraine

⇒ Pologne : deux Biélorusses arrêtés après le survol par un drone de bâtiments gouvernementaux

Marco Rubio annonce une rencontre probable Trump-Zelensky la semaine prochaine

Le président américain va "probablement" rencontrer son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky la semaine prochaine et espère toujours négocier un accord de paix entre Kiev et Moscou, a déclaré mardi le secrétaire d’Etat Marco Rubio.

Donald Trump a eu "de multiples appels avec Poutine, de multiples rencontres avec Zelensky et probablement il aura une nouvelle rencontre la semaine prochaine à New York", où se tient l’Assemblée générale de l'ONU, a indiqué le chef de la diplomatie américaine à des journalistes en Israël. "Il va continuer d’essayer. Si la paix est possible, il veut l’obtenir", a-t-il ajouté. "A un certain moment, le président pourrait conclure que ce n’est pas possible. Il n’en est pas encore là, mais il pourrait atteindre ce stade."

"Si d’une manière ou d’une autre il (Donald Trump) devait se désengager, ou sanctionner la Russie en disant 'j’en ai fini', alors il ne resterait plus personne au monde capable de jouer les médiateurs pour mettre fin à la guerre", a encore dit Marco Rubio.

Russie : arrestation d'une femme accusée de sabotage ferroviaire pour le compte de l'Ukraine

Les services russes de sécurité (FSB) ont annoncé mardi avoir arrêté une citoyenne russe accusée d'avoir fait exploser, sur ordre de l'Ukraine, une bombe artisanale sur un tronçon ferroviaire du Transsibérien. Depuis le début de l'offensive en Ukraine en 2022, les autorités russes multiplient les arrestations pour "espionnage", "trahison", "sabotage", "extrémisme", "discrédit de l'armée", avec souvent de très lourdes peines de prison à la clé.

Cette femme née en 1974, dont l'identité n'a pas été précisée, est accusée d'avoir mené "un acte de sabotage" sur une section du Transsibérien, dans la région sibérienne de Transbaïkalie, a affirmé le FSB dans un communiqué. Elle aurait agi "sur ordre des services spéciaux ukrainiens", d'après cette même source. Elle est soupçonnée d'avoir confectionné un engin explosif artisanal en août dernier, de l'avoir déclenché sur les voies ferrées et d'avoir envoyé une vidéo de l'explosion à son contact pour obtenir une "récompense", selon le FSB. Accusée de "sabotage", elle a été placée en détention provisoire et encourt jusqu'à vingt ans de prison.

Des frappes russes font deux morts dans le sud de l’Ukraine

Des frappes russes ont fait deux morts dans le sud de l’Ukraine, dans les régions de Zaporijia et Mykolaïv, ont annoncé les autorités locales mardi au moment où les Européens craignent une escalade du conflit.

"Une personne a été tuée" au cours d’une attaque, a déclaré Ivan Fedorov, chef de l’administration militaire régionale de Zaporijia sur Telegram, précisant que des équipes des secours étaient sur place. "Le nombre de personnes blessées dans l’attaque ennemie sur Zaporijia est passé à neuf", a-t-il écrit dans un autre message, relevant le bilan des blessés.

Le gouverneur de la région de Mykolaïv, Vitali Kim, a lui fait état d’un mort dans sa région. "Il y a quelques heures, les Russes ont attaqué une ferme dans la communauté de Tchornomorska". "Un homme, un conducteur de tracteur, a été tué alors qu’il travaillait dans le champ", a-t-il détaillé sur Telegram, condamnant "une attaque ciblée contre des civils".

Pologne : deux Biélorusses arrêtés après le survol par un drone de bâtiments gouvernementaux

Deux ressortissants biélorusses ont été arrêtés à Varsovie après le survol par un drone de bâtiments gouvernementaux, a annoncé lundi le Premier ministre polonais Donald Tusk sur son compte X.

Un porte-parole du SOP (Service de protection de l’Etat, organisme chargé de la sécurité des membres du pouvoir et des institutions d’Etat) a indiqué à la chaîne TVN24 que les deux opérateurs du drone avaient été arrêtés lundi vers 19h00, sans confirmer qu’ils étaient de nationalité biélorusse et sans préciser la nature du drone.

La Pologne et les pays de l’Alliance atlantique ayant une présence militaire sur son sol sont en état d’alerte depuis l’intrusion dans la nuit du 9 au 10 septembre d’une vingtaine de drones russes. Plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne et la Suède, ainsi que la Grande-Bretagne, ont annoncé le renforcement de leur contribution à la défense aérienne de la Pologne le long de sa frontière orientale avec l’Ukraine et la Biélorussie, alliée de Moscou.

© afp.com/Mandel NGAN

Le président américain Donald Trump serre la main de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une rencontre dans le bureau Ovale à la Maison-Blanche, le 18 août 2025 à Washington
  •