La justice valide le plan de sauvegarde d’Altice, l’horizon se dégage pour la vente de SFR
Qui n'en veut ?

La justice française vient de valider le plan de sauvegarde d’Altice France, alors que le ministère public et les syndicats étaient contre. Cette décision, en plus de donner du répit à Patrick Drahi, permet de continuer d’envisager la vente de SFR.
En février, Patrick Drahi trouvait un accord avec ses créanciers pour restructurer la colossale dette de 24 milliards d’euros du groupe. Elle plombe évidemment ses comptes. De quel accord parle-t-on ? Le transfert de 45 % des parts du groupe en échange de l’abandon de 8,6 milliards d’euros de dette, avec un rééchelonnement des 15,5 milliards d’euros restants.
Les plans de sauvegarde d’Altice France validés
Comme nous l’avions alors détaillé, Altice avait deux échéances – on pourrait même parler de « murs » – dans son viseur : 2027 et 2028 avec respectivement 5,9 et 10,6 milliards d’euros à rembourser. La maturité de la dette gagne trois ans avec cet accord. Il devait encore être validé.
Patrick Drahi peut souffler. Altice a publié un communiqué (.pdf) expliquant que le tribunal de commerce de Paris a rendu « neuf décisions approuvant les plans de sauvegarde accélérée d’Altice France S.A. et de plusieurs de ses filiales », qualifiés d’ « étape cruciale pour l’avenir d’Altice ».
Altice rappelle que cette restructuration est purement financière : « elle n’a aucun impact sur les activités opérationnelles, commerciales ou sociales de l’entreprise. L’activité se poursuit normalement, l’ensemble des emplois, des relations clients et des partenariats étant pleinement préservés ».
Ministère public et syndicats étaient contre
Challenge rappelle que cette décision du Tribunal ne suit pas la volonté du ministère public et des syndicats. Le premier « avait demandé lors d’une audience le 22 juillet l’exclusion de trois filiales du groupe – SFR SA, SFR Fibre et Completel – de la restructuration ». Si le tribunal avait suivi cette demande, Patrick Drahi aurait dû trouver un nouvel accord avec ses créanciers.
De leur côté, des syndicats aussi demandaient le rejet du projet afin d’exclure certaines filiales (notamment SFR). Olivier Lelong, délégué syndical central CFDT chez SFR, expliquait à l’AFP que « ces filiales-là ne sont pas endettées, n’ont jamais souscrit de crédit auprès des créanciers avec qui cet accord a été passé, mais c’est tout de même nous qui sommes garants du remboursement de ces dettes et qui ferons les frais du remboursement ».
« L’Unsa et la CFDT ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel », ajoute l’AFP. Le ministère public a lui aussi la possibilité de faire appel de la décision du tribunal. Quoi qu’il en soit, cette validation du plan ouvre la voie à un autre sujet latent depuis des mois : la vente de SFR.
« Des discussions préliminaires sont en cours entre les opérateurs »
Quand bien même, après l’audience en juillet, Arthur Dreyfuss (PDG d’Altice France) avait affirmé qu’il n’y avait « pas de processus de vente de SFR en cours et aucune offre, pas même indicative et sans valeur, n’a été reçue à date ».
Dans un message interne récent, il précise aux employés que « si nous devions en recevoir une, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne, notre responsabilité (et celle de nos actionnaires) sera de l’étudier dans le cadre de gouvernance prévu, comme dans toutes les entreprises », rapporte Les Echos.
Chez les trois autres opérateurs, l’heure est aux préparatifs et aux discussions. Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, rappelait il y a peu que la validation de la restructuration de la dette était une « condition préliminaire » à une consolidation : « C’est un processus qui doit aller à son terme, parce qu’il s’agit, évidemment, d’un élément-clé […] pour la trajectoire de SFR », comme le relève Le Monde.
Pour la directrice générale, « il y a un besoin de consolidation, aussi bien en France qu’en Europe », ajoutant qu’Orange était prêt à s’engager et confirmant au passage que « des discussions préliminaires sont en cours entre les opérateurs ».
Chez Bouygues Telecom aussi on se prépare, note Les Echos. Pour Olivier Roussat, directeur général de Bouygues (et ancien PDG de la branche télécom), une consolidation permet de couper le gâteau en trois parts au lieu de quatre, donc « normalement les parts devraient être un peu plus grosses ».
Chez Bouygues on aime visiblement bien les métaphores autour de l’argent. Après l’arrivée du quatrième opérateur Free Mobile, Martin Bouygues avait en effet déclaré : « je me suis acheté un château, ce n’est pas pour laisser les romanichels venir sur les pelouses ».
L’Autorité de la concurrence laisse la porte ouverte
La volonté est une chose, la réglementation en est une autre. SFR, actuellement second opérateur du pays, devra être vendu à la découpe, sinon le risque d’une trop forte concentration est réel. Benoît Cœuré, président de l’Autorité de la concurrence (AdlC), n’est pas fermé à l’idée d’un retour à trois, mais cela soulèvera forcément une enquête :
« S’il y avait un tel projet, on regarderait marché par marché, ce n’est pas très compliqué. Ce qui est compliqué, c’est de mesurer. Conceptuellement, ce n’est pas très compliqué […] il y a une discussion à avoir. Je ne viens pas vous dire il n’en est pas question, ce n’est pas possible […] Ça dépendra des mérites des projets, mais je n’ai vu aucun de ces projets ».
Plus récemment, dans un entretien aux Echos, le président de l’AdlC laissait de nouveau la porte ouverte et invitait les opérateurs à avancer sur le sujet : « Si cette opération devait être notifiée, nous la regarderions sans camper sur nos positions d’il y a neuf ans ».