Les créateurs de la version d'Android la plus sécurisée craignent la France
25 novembre 2025 à 13:46
GrapheneOS, l'une des versions alternatives d'Android les plus connues pour son approche axée sur la sécurité, a annoncé la fin de toutes ses activités en France. Cette décision a été présentée comme une réponse à un climat que les développeurs qualifient d'hostile aux projets open source qui privilégient la confidentialité et l'autonomie des utilisateurs. Le système restera accessible aux utilisateurs français, mais l'intégralité de l'infrastructure du projet est délocalisée hors de France. La migration concerne le site web, le forum, les serveurs de discussion et le support de communication. Auparavant, une partie de l'infrastructure était hébergée chez OVH Beauharnois. L'équipe a entamé la migration progressive de cette configuration et la rupture complète de sa connexion aux fournisseurs français. Les serveurs Mastodon, Discourse et Matrix seront désormais basés à Toronto, créant ainsi un nouveau réseau de connexions reposant sur des ressources locales et un hébergement mutualisé au Canada. Les développeurs assurent que la migration n'aura aucun impact sur les mécanismes de sécurité essentiels, tels que la vérification des signatures de mise à jour ou la protection contre la rétrogradation.
La décision ne repose pas uniquement sur des considérations techniques. L'équipe GrapheneOS a recommandé aux membres du projet d'éviter de se rendre en France et d'y travailler. Parmi les raisons invoquées figurent des préoccupations liées à la sécurité personnelle et la position du gouvernement sur la proposition de l'UE d'analyser massivement les communications privées. Le projet de filtrage des conversations permettrait de rechercher des contenus illégaux dans les messages sans avoir à contacter l'utilisateur par l'intermédiaire d'un agent. Les défenseurs de la vie privée considèrent cela comme une rupture avec le principe de conception de systèmes numériques sécurisés. La décision a également été influencée par des articles du quotidien français « Le Parisien », qui établissaient un lien entre GrapheneOS et des activités criminelles. Dans une déclaration, la procureure Johanna Brousse a laissé entendre que le projet pourrait être mis en cause si des preuves de son utilisation par des groupes criminels étaient mises au jour. L'équipe a fermement rejeté ces allégations, expliquant que le journal avait, à tort, associé le projet légitime à des contrefaçons du système circulant sur le darknet et dans des vidéos YouTube privées. Les développeurs ont insisté sur le fait que GrapheneOS n'a aucun lien avec les versions non officielles et qu'aucune de ces activités n'est imputable à leur travail.
L'opération ANOM, menée par le FBI entre 2018 et 2021, constituait un exemple antérieur d'utilisation d'outils système spécialement conçus pour infiltrer massivement des milieux criminels. Les créateurs de GrapheneOS craignaient que des activités similaires ne servent à nuire aux projets open source légitimes. Désormais, avec le transfert de l'infrastructure, le message du projet est clair : l'espace pour les expérimentations liées à la protection de la vie privée en Europe se réduit comme peau de chagrin. Cette décision soulève également la question de Pavel Durov , fondateur de l'application de messagerie Telegram, arrêté en France un an auparavant. Les autorités avaient justifié leur arrestation par les liens de l'application avec des activités criminelles, mais l'arrestation d'une personne impliquée dans le développement d'outils garantissant un haut niveau de confidentialité des communications était perçue comme un moyen de dissuasion. Au sein de la communauté technologique, on constate un sentiment croissant que les gouvernements s'intéressent davantage aux créateurs eux-mêmes qu'aux criminels qui utilisent ces outils. GrapheneOS a conclu sa décision en déclarant qu'elle évitera toute collaboration ou activité dans les pays soutenant des initiatives de contrôle des conversations. L'équipe ne participera pas aux conférences françaises et n'envisage pas d'employer de personnes résidant en France. (Lire la suite)