La famille, la mort, l’épuisement... Les confidences faites à un aumônier ukrainien sur le front

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En réaffirmant cette semaine sa volonté de faire main basse sur le Groenland, Donald Trump fracture le camp occidental sur une question géostratégique primordiale, l’avenir de l’Arctique. Le Danemark, qui exerce depuis le XVIIIe siècle sa souveraineté sur l’île la plus vaste du monde, et plus généralement l’Europe, sont désemparés face à la convoitise de leur grand allié. Ils n’ont guère les moyens de contrer la manœuvre américaine, d’autant que celle-ci prend de plus en plus le caractère insidieux d’une opération d’infiltration et de persuasion de la population groenlandaise.
Fidèle à sa méthode diplomatique très personnelle, le président américain a désigné, dimanche 21 décembre, un émissaire spécial pour le dossier groenlandais, Jeff Landry. Celui-ci, ancien procureur rallié au mouvement trumpiste, est le gouverneur de la Louisiane. Il a exposé sur le réseau social X son objectif d’intégrer l’ancienne colonie danoise, territoire autonome depuis 1979, aux Etats-Unis.
"Nous avons besoin du Groenland pour la sécurité nationale", a commenté Donald Trump devant des journalistes lundi 22 décembre. "Partout autour du Groenland, on voit des navires russes et chinois." Le Danemark, l’un des plus fidèles alliés des Etats-Unis au sein de l’Otan, a manifesté une nouvelle fois sa consternation et annoncé qu’il allait convoquer l’ambassadeur américain. "On ne peut pas annexer un autre pays, même au nom de la sécurité nationale", ont déclaré dans un communiqué commun les chefs des gouvernements danois et groenlandais, Mette Frederiksen et Jens-Frederik Nielsen.
Les pays scandinaves et l’Union européenne ont exprimé leur solidarité. "Le Groenland est un territoire autonome du Royaume du Danemark, seuls les Groenlandais et les Danois peuvent décider d’un changement de ce statut", a déclaré la haute représentante de l’UE, Kaja Kallas. Mais au-delà des protestations formelles, Copenhague et Bruxelles ont peu de leviers d’action pour contrer Washington.
Le territoire a obtenu en 2009 le droit de déclarer son indépendance. Les Groenlandais, qui ne sont que 57 000 au total, y sont majoritairement favorables, selon les sondages. Mais l’idée d’échanger la tutelle de Copenhague contre celle de Washington ne soulève aucun enthousiasme ; seuls 6 % des citoyens interrogés souhaiteraient devenir américains, d’après une enquête datant de janvier 2025.
Pas découragés pour autant, les Etats-Unis ont monté une campagne d’influence pour faire basculer l’opinion locale en leur faveur. En août dernier, la radio publique danoise révélait que trois Américains liés à l’administration Trump avaient visité secrètement l’île pour y recruter des partisans d’un rattachement aux Etats-Unis. De son côté, le service de renseignements danois Politiets Efterretningstjeneste (PET) a affirmé que l’île était "la cible de campagnes d’influence diverses". "Le PET observe que de telles campagnes visent à enfoncer un coin entre le Danemark et le Groenland", a-t-il écrit.
Il n’est pas exclu cependant que l’avidité de Donald Trump aboutisse à l’effet inverse de celui recherché, en resserrant les liens entre l’île et le royaume scandinave. Le royaume, qui a toujours la haute main sur la monnaie, la défense et les relations extérieures du Groenland, le subventionne à hauteur d’environ 500 millions d’euros chaque année, soit plus de la moitié de son budget.
Cette générosité ne s’explique pas seulement par le souhait du Danemark de se faire pardonner son comportement colonial, notamment la sinistre campagne de stérilisation forcée des femmes inuites à la fin des années 1960. La propriété du territoire permet à ce petit pays européen de 6 millions d’habitants de peser sur la scène diplomatique mondiale. L’Arctique ne cesse de gagner en importance sur le plan stratégique à mesure que le réchauffement climatique autorise l’ouverture de routes maritimes fonctionnant toute l’année pour les navires commerciaux comme militaires.
Washington, Moscou et Pékin se livrent une concurrence acharnée pour consolider leurs positions dans la région. La Chine s’est autodéclarée "puissance quasi arctique" pour faire valoir ses droits. La Russie extrait plus des trois quarts de son gaz naturel de la zone. Comme les sanctions occidentales imposées depuis son agression de l’Ukraine limitent ses possibilités d’exportation via des gazoducs terrestres, elle compte désormais sur le gaz liquéfié, transporté par des navires méthaniers.
Le Groenland recèle en outre dans son sous-sol d’importantes richesses en hydrocarbures et minerais divers (terres rares, or, graphite, cuivre, nickel, fer, zinc…). Très peu de gisements sont en exploitation aujourd’hui, en raison notamment de la calotte glaciaire et de restrictions environnementales. Mais le réchauffement fait fondre celle-là et l’Administration Trump n’hésiterait sans doute pas à lever celles-ci, si elle réussissait à annexer le territoire.
Les Etats-Unis s’y intéressent depuis longtemps. Dès 1946, ils avaient proposé au Danemark 100 millions de dollars pour l’acheter - chiffre à nouveau cité par Trump lors de son premier mandat, en 2019. Depuis son retour au pouvoir en janvier 2025, il n’a cessé d’alimenter la tension. Il a dépêché son fils Donald Junior à Nuuk, la capitale du territoire autonome, à bord d’Air Force One. Ce fut ensuite au tour du vice-président, J.-D. Vance, de se rendre en mars dans la base militaire américaine de Pittufik (l’ancienne Thulé), au-delà du Cercle arctique.
A plusieurs reprises, le président américain n’a pas exclu l’usage de la force pour parvenir à ses fins, scandalisant les autorités danoises et européennes. Annexer l’île lui permettrait de faire passer la superficie du territoire américain du quatrième au deuxième rang mondial, devant le Canada et la Chine (mais toujours derrière la Russie). Ce serait ainsi une application littérale de son slogan visant à "faire grandir l’Amérique". Une extension qui se ferait au détriment du Danemark et de l’Europe, amputés par un ancien protecteur devenu prédateur.

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C'est une annonce fracassante : Donald Trump veut lancer une nouvelle classe de cuirassés portant son nom. "Plus grands", "plus beaux", "plus meurtriers", en définitive "les meilleurs de l’histoire du pays et du monde ", a résumé le président américain. Une annonce qui intervient en réalité dans un contexte compliqué pour les Etats-Unis. Alors que le programme de construction naval américain est à la traîne, Pékin talonne aujourd'hui Washington dans la course à la mer et fait craindre aux Etats-Unis de perdre leur ascendant dans le Pacifique.
Au point que le secrétaire à la Marine, John Phelan, a déclaré en juin devant le Congrès : "Tous nos programmes sont un désastre, je crois que notre meilleur projet de construction navale a six mois de retard". Fait rare depuis son début de mandat, Donald Trump a lui aussi reconnu à demi-mot ces retards : "Nous fabriquons de loin le meilleur équipement au monde, personne ne nous arrive à la cheville. Mais nous ne le produisons pas assez vite", a-t-il admis lundi, lors de son discours à Mar-a-Lago.
Il a donc esquissé un calendrier pour les futurs "Trump Class USS Defiant" : deux premiers devront être construits d'ici "deux ans et demi", suivis rapidement par une dizaine d'autres, le but étant de produire une vingtaine de navires au total.
Selon le nouveau site web de la Marine consacré à ces navires, ces derniers disposeront, comme prévu, de "la puissance de feu la plus destructrice jamais vue sur un navire de surface – avec la capacité de frapper un adversaire à une portée 80 fois supérieure à celle de la classe précédente". Et pour cause : ils transporteront des armes dernier cri : "missiles de croisière à capacité nucléaire", "canons électromagnétiques", "gamme de lasers"... Les missiles de croisière seront propulsables à une vitesse cinq fois supérieure à celle du son, et manœuvrables pour perturber les défenses ennemies. Plusieurs cellules de lancement seraient également équipées pour lancer des missiles de croisière Tomahawk, à vol plus lent, et réputés pour leur très longue portée.
La taille de ces "navires Trump" entre aussi en jeu : d'une longueur pouvant atteindre 268 mètres, ils seront ainsi trois fois plus grand qu'un destroyer de classe Arleigh Burke actuel. Et pèseront entre 30 000 et 40 000 tonnes, soit plus du double des destroyeurs Zumwalt, actuellement les plus grands bâtiments de combat de surface de la flotte de l'US Navy. Ce seront également les plus grands bâtiments de combat de surface construits par l'US Navy depuis la Seconde Guerre mondiale. "Globalement, les navires prévus seraient 100 fois plus puissants que les cuirassés de la Seconde Guerre mondiale", a déclaré Donald Trump.
Un projet à la faisabilité douteuse, selon plusieurs spécialistes de la défense. "On va beaucoup écrire sur ce navire, mais il ne naviguera jamais", anticipe ainsi Mark Cancian, chercheur au Center for Strategic and International Studies (CSIS), dans le Washington Post. "Il faudra quatre, cinq, voire six ans pour développer un navire de cette taille et si différent des modèles actuels", avance-t-il. D'autant que leur coût ne sera pas des moindres : entre 10 et 15 milliards de dollars par navire, soit un ordre de grandeur quatre fois supérieur aux destroyeurs actuels, qui coûtent environ 2,8 milliards de dollars chacun.
Se pose d'ailleurs la question de savoir qui construira ces nouveaux cuirassés. Les chantiers navals américains sont déjà surchargés par les travaux de construction, d'entretien et de révision en cours et font face à une pénurie de main d'oeuvre. "Nous ne disposons plus des infrastructures industrielles de construction navale et maritime nécessaires pour réaliser cela rapidement", explique à CNN l'analyste Carl Schuster, ancien capitaine de la marine américaine. Selon lui, "il faudrait donc réactiver les chantiers navals fermés ou en construire de nouveaux".
Enfin, si la Marine parvenait à mettre à l'eau une flotte de cuirassés de classe Trump, rien ne garantit qu'ils seraient efficaces pour faire face à certaines puissances comme la Chine, dotée d'un large éventail de drones navals sous-marins. Pour plusieurs analystes, les Etats-Unis feraient mieux de privilégier un grand nombre de petits navires de guerre, plus dispersés, et mieux à même de contrer la guerre par drones. Mais la Chine n'est pas la seule raison pour laquelle Washington accélère dans sa course à la mer : le Vénézuela est parmi les principaux pays dans le viseur de Donald Trump. Le président américain a déjà menacé d'une plus large action militaire dans le pays si son président Nicolas Maduro ne démissionnait pas...

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Dominique Calmels, Millau (Aveyron)
Les Etats-Unis de Trump ne sont plus nos alliés et l’Europe ne doit plus compter sur eux. Les membres de l’Union européenne qui croient encore qu’ils viendront nous sauver en cas de conflit avec la Russie sont de grands naïfs. Il faut couper le cordon ombilical avec ce pays qui nous déteste et nous humilie. Quant à la Chine, n’en déplaise à l’Allemagne, il faut taxer ses produits de façon efficace, quoi qu’il en coûte et non plus lui dérouler le tapis rouge. (Olivier Zajec : "L’Europe s’agenouille devant Donald Trump", L’Express du 18 décembre).
Jacky Morelet, Clohars-Carnoët (Finistère)
Andrius Kubilius estime que la Russie testera l’Union européenne d’ici à deux ou trois ans. Un test plus précoce sera organisé par les prochaines élections dans les trois pays moteurs de la Coalition des volontaires : la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Le RN a en effet de fortes chances de l’emporter lors de la prochaine présidentielle en France ; l’AFD devient incontournable en Allemagne et Reform UK grimpe dans les sondages face aux Travaillistes au Royaume-Uni. Si ces partis de droite extrême accédaient au pouvoir, Vladimir Poutine n’aurait même pas à s’impliquer puisque ces formations sont de fait ses alliés potentiels. (Andrius Kubilius : "Il faut prendre au sérieux les alertes du renseignement" L’Express du 27 novembre).
Jean-Claude Salesse, Cahors (Lot)
Le mage de Washington se rend-il compte que, lorsqu’il aura "effacé" l’Europe, le Canada et ses voisins du continent américain, il se retrouvera bien seul face aux mages chinois, russe et indien. Il les considère comme de futurs compagnons de "bizness", alors que ceux-ci ne penseront qu’à détruire la dernière démocratie du monde… ou du moins ce qu’il en restera. (Donald Trump met l’Europe dans son viseur, l’Express du 11 décembre 2025.)
Louis Causero, Essey-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle)
Plusieurs organismes et personnalités reconnus ont été accusés pour avoir voulu mener un sondage sur l’antisémitisme à l’université. Cela me paraît inquiétant car c’est notre démocratie qui est visée. Il convient également d’être inquiet face aux réactions d’une partie de la presse, de gauche notamment, qui ne partage pas l’intérêt de disposer d’indicateurs dans deux domaines essentiels pour notre nation. L’université se doit pourtant d’être exemplaire, car a pour mission de former les responsables de la génération futur. C’est pourquoi je conseille aux responsables intervenus dans ce débat de relire les écrits de Montesquieu sur la décadence de l’Empire romain et de Marc Bloch sur la responsabilité des niveaux supérieurs dans L’Etrange défaite…" (Sondage Ifop : quand une partie de la gauche s’enfonce dans le déni, L’Express du 11 décembre).
Michel Mondamey, Saint-Chamond (Loire)
Au-delà des éléments de la communication bien rodée de Jordan Bardella, je m’interroge sur notre facilité à admettre dans la course présidentielle des personnes sans passé politique probant dans la gouvernance de villes ou de régions. Ce manque d’expérience, que l’on a connu avec Emmanuel Macron, ne devrait-il pas nous mettre en alerte alors qu’il a débouché sur tant de désillusions ? (Au RN, le grand écart économique, L’Express du 11 décembre).
Hubert Richard, Joucas (Vaucluse)
Au IVe siècle avant Jésus-Christ, déjà, Socrate disait : "Les enfants aiment le luxe ; ils ont de mauvaises manières, ils manquent de respect aux aînés ; ils bavardent au lieu de faire de l’exercice ; ils sont devenus des tyrans, etc.". Franck Ramus a heureusement nuancé les propos tenus depuis toujours par les "vieux" à propos des jeunes générations. ("Les jeunes d’aujourd’hui", des poncifs qui en disent plus sur nous que sur eux, L’Express du 11 décembre).
Claude Gisselbrecht, Metz (Moselle)
En Cisjordanie, Israël poursuit ses exactions, d’une gravité extrême et en toute impunité… Les violences infligées aux Palestiniens n’ont sans doute jamais été aussi graves depuis 1967, année marquant le début de l’occupation de l’enclave par l’Etat hébreu ! L’extrême droite israélienne ne cesse de jeter de l’huile sur le feu et fait tout ce qui est en son pouvoir pour réduire à néant la solution à deux Etats. Aussi la perspective d’un Etat palestinien s’amenuise-t-elle chaque jour un peu plus dans cette région meurtrie… En cette période de Noël, le moment semble bien choisi pour inciter les hommes de bonne volonté - il en existe sûrement encore - à " revoir leur copie " et à agir de concert pour (re-)construire un monde meilleur. ("Le tour du monde en 6 infos", L’Express du 4 décembre).
A partir du mois de janvier, la page "Courrier" sera mensuelle. Vous la retrouverez dans le dernier numéro de chaque mois. A bientôt !

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