La Pythie vient en mangeant
Oracle n’a pour l’instant rien annoncé, mais de nombreux indices concordants soulignent que la firme de Larry Ellison s’est engagée dans un plan de restructuration significatif. Les témoignages d’employés aux accès révoqués dans l’heure affluent du monde entier.
La rentrée de septembre occasionne chez les employés d’Oracle un petit jeu dont ils se seraient sans doute bien passé : devinez combien de personnes seront licenciées ces prochains jours ?
Pour ce faire, certains s’appuient sur le Slack interne de l’entreprise, et notamment son canal oracle-news, dont le nombre de participants est censé illustrer, en temps réel ou presque, l’effectif global de l’entreprise. À en croire les commentaires publiés par certains pseudonymes sur Reddit, cet indicateur traduirait entre 3 000 et 4 000 départs entre le vendredi 29 août et le mercredi 3 septembre.
Plusieurs centaines de licenciements confirmés
Sur Reddit toujours, les témoignages anonymes affluent, illustrant à la fois la façon dont les employés concernés ont appris leur licenciement, et le régime d’indemnités prévu par l’entreprise. Ils vont également dans le sens d’une restructuration globale de l’entreprise, sans que le phénomène ne soit cantonné à un secteur d’activités particulier ou à une zone géographique.
À ce stade, rien n’a été confirmé, mais ces internautes qui affirment travailler chez Oracle parlent de postes supprimés du Mexique aux Philippines, en passant par l’Inde, où l’entreprise dispose d’équipes importantes. Enfin, des licenciements sont évoqués au Canada et aux États-Unis, où l’entreprise a certaines obligations d’information à respecter.
Oracle, qui compte environ 3 900 employés dans la région de Seattle, y avait déjà supprimé 161 postes en août. L’entreprise y a déclaré mardi 101 licenciements supplémentaires, signale la presse locale. Même son de cloche à Kansas City, où la télévision locale rapporte que des suppressions de poste ont été annoncées mardi, notamment au sein des équipes issues du rapprochement entre Oracle et Cerner dans le domaine de la santé.
Nouvelles coupes également en Californie, où la réglementation locale exige une déclaration préalable auprès du California Employment Development Department. Trois enregistrements y ont été déposés mardi 2 septembre par Oracle : obtenus par The Register, ils confirment quelque 300 suppressions de poste au travers des différents campus locaux de l’éditeur, programmées entre septembre et novembre. Là aussi, le mouvement fait suite à une première vague initiée en août, déjà sur plusieurs centaines de postes.
D’après les témoignages (toujours anonymes et donc sujets à caution) publiés sur Reddit, les licenciements se font de façon expéditive : un email informe le collaborateur d’un point individuel avec son manager, celui-ci déroule un script pendant une quinzaine de minutes, puis la personne est remerciée et ses accès sont révoqués dans la foulée.
L’action Oracle tutoie des sommets
Alors que des licenciements interviennent depuis plusieurs mois chez Oracle, la direction de l’entreprise n’a toujours pas pris la parole en public sur le sujet et son site corporate évoque toujours un effectif de 160 000 collaborateurs, comme en début d’année. Tout juste trouve-t-on une allusion à des charges exceptionnelles liées à des frais de restructuration dans ses résultats financiers.
Larry Ellison attend-il d’avoir mené sa restructuration à bien pour livrer un bilan chiffré global, à l’instar de son homologue Marc Benioff qui, chez Salesforce, vient d’annoncer que le recours à l’IA avait permis de réduire de 4000 personnes les effectifs du service client ?
S’il ne fait guère de doute que l’avènement de l’IA joue un rôle dans la stratégie RH d’Oracle, est-ce d’ailleurs uniquement dans une optique de remplacement de collaborateurs humains ? Ou la restructuration pourrait-elle intervenir comme une mesure de compensation face aux colossales dépenses d’investissement prévues par le groupe en infrastructures informatiques ?
La question ne manquera pas de se poser le 9 septembre prochain, date à laquelle Oracle publiera les résultats du premier trimestre de son exercice fiscal 2026. En attendant, Larry Ellison peut se targuer d’avoir su prendre la vague de l’IA qui porte les grands acteurs du secteur de la tech en bourse : son entreprise a atteint un plus haut historique cet été, avec une action tutoyant les 250 dollars en juillet, et le consensus fait état de prévisions optimistes pour le trimestre en cours.
Les licenciements concomitants (et peut-être consécutifs) à la vague de l’IA ne concernent pas qu’Oracle, loin s’en faut. Outre Salesforce, Cisco et Microsoft mènent également des plans de réduction d’effectifs. Chez ce dernier, 10 % des équipes françaises seraient ainsi sur le départ.