Là où il y a une volonté, il y a un chemin
Bercy a publié mardi le premier contrat stratégique de la filière « logiciels et solutions numériques de confiance ». Le texte, qui signe l’inscription officielle du numérique au sein de la stratégie industrielle nationale, ambitionne de faire émerger des leviers pour structurer la filière française du numérique de confiance et garantir son développement. Il promet notamment de faciliter l’accès à la commande publique et privée.
Il fallait bien trois ministres, les principales fédérations du secteur et un aréopage d’entrepreneurs réunis à Bercy pour célébrer, mardi 22 avril, la signature du premier contrat de filière stratégique dédié au « numérique de confiance ». Ce dernier s’entend comme l’ensemble « des éditeurs de logiciels et fournisseurs d’outils, de produits et de services numérique », hors ESN et entreprises de conseil.
Le contrat en question, qui porte sur la période 2025 - 2028, décline cinq grands projets structurants, eux-mêmes déclinés en un total de 28 propositions. L’ensemble formalise les engagements respectifs du public et du privé pour renforcer, développer et pérenniser la filière française.
Plus de deux ans de gestation
Le temps du politique n’est pas toujours calé sur celui des entreprises du numérique. « Le 12 septembre 2022, le Gouvernement avait indiqué sa volonté d’instaurer un comité stratégique de filière sur le numérique de confiance », rappellent ainsi les représentants de l’État dans un communiqué.
Il aura donc fallu plus de deux ans pour installer le comité stratégique de filière ad hoc, piloté par Michel Paulin, ancien directeur général d’OVHCloud, puis mener la longue phase de concertation préalable.
« Avec une croissance de plus de 10 % par an, qui augmente d’année en année, c’est l’une des filières les plus dynamiques de l’industrie française », fait valoir Michel Paulin en introduction du document (PDF). Avec 23,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé en 2023 selon l’association professionnelle Numeum, elle pèse toutefois bien peu au regard de ce que représentent des marchés mondiaux tels que l’IA ou le quantique.
La structuration du secteur en filière – au sens stratégique du terme – s’imposerait ainsi comme une nécessité « plus prégnante que jamais », de façon à « garantir sa consolidation et son développement ».
Des leviers relativement conventionnels
Comment y parvenir ? Le contrat de filière identifie cinq projets structurants, autour desquels acteurs publics et secteur privé sont censés converger. Le premier concerne la dynamique de filière, avec le renforcement des infrastructures et le développement de l’offre, logicielle ou services. Le deuxième s’attache à la formation, avec l’ambition de soutenir l’avènement d’une offre en adéquation avec les besoins, actuels et futurs en matière d’emploi.
Le troisième projet touche à la réglementation. Il s’agit ici d’ « harmoniser, rationaliser et simplifier l’accès aux certifications et labels de confiance tout en garantissant des standards élevés pour la définition des données sensibles ». Enfin, le contrat met en exergue deux leviers commerciaux. D’abord, le développement du marché via un accès facilité à la commande, publique comme privée. Ensuite, la promotion de la croissance internationale du secteur, avec le soutien des offres à l’export et des mécanismes d’accompagnement dédié.
À première vue, un plan de bataille classique, dont les grandes lignes se retrouvent d’ailleurs dans la plupart des contrats des 19 autres comités stratégiques de filière labellisés par le Conseil national de l’industrie.
Un chef de file et des livrables attendus
Les 28 propositions listées se veulent nettement plus opérationnelles. Pour chacune, un ordre de mission, une proposition de moyens à mettre en œuvre, quelques contributeurs clés comme chef de file et une série de livrables attendus.
Jamespot, qui s’indignait fin mars que l’Éducation nationale s’équipe en solutions Microsoft, est par exemple contributeur clé de la proposition 3, qui vise à « construire un bouquet de solutions collaboratives de confiance accessible avec un identifiant et un portail unique ».
De la même façon, Atos, Quandela (au conseil d’administration duquel siège Michel Paulin), Alice & Bob et Qobly sont missionnés sur l’élaboration d’une feuille de route sur « la structuration et l’intégration du secteur des fournisseurs de logiciels de calcul quantique ».
La délicate question de la commande publique
L’actualité récente liée aux choix de l’Éducation nationale, puis de l’École Polytechnique, de souscrire à Microsoft 365 plutôt que des offres souveraines, souligne le caractère à la fois sensible et primordial de la commande publique. Elle est d’ailleurs identifiée par les auteurs du contrat comme l’un des facteurs clés de succès des grands acteurs internationaux du numérique.
« Il faut penser une politique nationale de la souveraineté et de la confiance dans la commande publique. C’est une problématique d’ordre régalien », estiment à ce niveau les membres de la filière, après avoir rappelé l’absence quasi générale de critères liés à la question dans les appels d’offre publics. Sur le sujet, ils appellent ainsi à « une vigilance renforcée du Gouvernement ».
Union sacrée
Côté État, la conviction s’incarne symboliquement par la présence de trois des ministres directement concernés : Philippe Baptiste, pour l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie ; et Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique.
« La souveraineté, c’est notre capacité en tant que Nation à choisir notre destin. La reconquête industrielle est un élément clé pour maintenir cette capacité essentielle. Ma collègue Clara Chappaz ne me contredira pas si j’indique que cette reconquête ne se fera pas sans le numérique ni sans un numérique de confiance. L’État sera donc là pour accompagner la filière logiciels et solutions numériques de confiance, parce qu’elle est un atout. Il en attendra bien sûr en échange la plus grande mobilisation », a notamment déclaré Marc Ferracci.